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Pétrologie du volcanisme bimodal du Djinga Tadorgal (Adamaoua, Cameroun)

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par Isaac Bertrand MBOWOU GBAMBIE
Université de Ngaoundéré, Cameroun - Doctorat 2010
  

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    Pétrologie du volcanisme bimodal du Djinga Tadorgal

    (Adamaoua, Cameroun)

    MBOWOU GBAMBIÉ I. B.a, NGOUNOUNO I.a, DÉRUELLE B.b

    RÉSUMÉ

    Le Djinga Tadorgal est un strato-volcan, constitué des laves basaltiques (basaltes, hawaiite), intermédiaires (benmoréites), et felsiques (trachytes, phonolites et phonolites hyperalcalines). Les basaltes contiennent des phénocristaux d'olivine (Fo68--89), de diopside--augite et de Ti-magnétite. L'hawaiite contient des phénocristaux de plagioclase (An60--69), en plus des mêmes phénocristaux que les basaltes. Des mégacristaux de kaersutite sont présents dans les benmoréites. Les trachytes sont constitués des phénocristaux de diopside-- augite, d'anorthose--sanidine, de kaersutite, de phlogopite--biotite, de Ti-magnétite et accessoirement de titanite. Les phonolites s.l. ont en plus des minéraux observés dans les trachytes, des phénocristaux de néphéline, sodalite, augite aegyrinique--aegyrine et ænigmatite. Les teneurs en TiO2 , Fe2O3*, MgO, CaO et P2O5 diminuent avec la silice (SiO2) croissante, et celles en Al2O3, Na2O et K2O augmentent. Les teneurs des éléments de transition décroissent (sauf Zn) en fonction de Rb, alors que celles en Nb, Zr et Th croissent. Les spectres normalisés au manteau primitif des terres rares des laves basaltiques sont subparallèles. Pour les trachytes et phonolites s.l., les spectres ont des anomalies négatives en Eu et une forme caractéristique en cuillère. Les données minéralogiques et géochimiques permettent de suggérer que la série de laves du Djinga Tadorgal est co-génétique. Les benmoréites résulteraient de mélanges entre magmas basaltique et trachytique. L'origine des magmas des trachytes et phonolites s.l. ne s'explique pas correctement, le rôle de fl uides étant vraisemblablement primordial. Les rapports isotopiques du Sr (0,7036 < 87Sr/86Sri < 0,7042) des laves du Djinga Tadorgal excluent toute contamination crustale.

    Mots-clés: Adamaoua ; Djinga Tadorgal ; volcanisme ; pétrologie ; géochimie.

    ABSTRACT

    Djinga Tadorgal strato-volcano includes basalts, hawaiite, benmoreites, trachytes, phonolites and peralkaline phonolites. Basalts consist of olivine (Fo68--89), diopside--augite and Ti-magnetite phenocrysts. Except the presence of plagioclase phenocrysts (An60--69), hawaiite contain the same phenocrysts as basalts. Kaersutite megacrysts occur in benmoreites. Trachytes consist of diopside--augite, anorthoclase--sanidine, kaersutite, phlogopite--biotite and Ti-magnetite phenocrysts and accessory titanite. In addition to trachyte phenocrysts, phonolites and peralkaline phonolites contain nepheline, sodalite, aegirine-augite--aegirine and ænigmatite phenocrysts. TiO2, Fe2O3*, MgO, CaO and P2O5 contents decrease with differentiation (increasing SiO2), and Al2O3, Na2O and K2O contents increase. Transitional elements contents decrease versus Rb, whereas Nb, Zr and Th contents increase from basalts to peralkaline rhyolites. Primitive mantle-normalized REE patterns for basaltic lavas are sub-parallel. The trachyte and phonolite s.l., REE patterns have a spoon shape characteristic and negative Eu anomalies. Geochemical and mineralogical data suggest a co-genetic origin for Djinga Tadorgal lavas series. Benmoreites would result from mixture between both basaltic and trachytic magmas. The origin of trachytes and phonolites s.l. magmas has not been correctly defi ned, the role of fluids being probably predominant. The crustal contamination cannot be considered for Djinga Tadorgal lavas (0.7036 < 87Sr/86Sri < 0.7042).

    Keywords: Adamawa; Djinga Tadorgal; volcanism; petrology; geochemistry.

    INTRODUCTION

    Le Djinga Tadorgal est un strato-volcan (altitude: 1747

    m) du plateau de l'Adamaoua au Cameroun, localisé entre le craton Quest africain au nord-ouest et le craton du Congo au sud-est (Fig. 1). Le plateau de l'Adamaoua est un domaine tectono-magmatique dont la surrection en horst s'est effectuée au Cénozoïque (Le Maréchal et Vincent, 1971). Il est limité par des failles bordières décrochantes de direction N70°E (Dumont et al., 1987), qui recoupent au nord des Monts Bambouto (voir Fig. 1) l'ensemble tectono-magmatique de la «Ligne Chaude du Cameroun» orienté N30°E (Déruelle et al., 2007). Les ensembles volcaniques du plateau de l'Adamaoua sont: le Tchabal Nganha (Nono et al., 1994), le Tchabal Djinga (Ézangono et al., 1995) et la zone volcanique au nord et à l'est de Ngaoundéré (Nkouandou et al., 2008) et celle au sud (Déruelle et al., 1987; Temdjim et al., 2004).

    Cette étude à pour but de préciser la nature des laves du massif de Djinga Tadorgal, leurs conditions de formation et l'origine de leurs sources magmatiques.

    I. GÉOMORPHOLOGIE ET CARTOGRAPHIE

    Le strato-volcan du Djinga Tadorgal est dissymétrique et constitué de dômes et necks de trachyte et phonolite, des brèches volcaniques et de coulées de laves basaltiques. Les coulées de laves basaltiques couvrent plus de la moitié ( 70%) de la zone d'étude et ont été regroupées en trois unités: les coulées inférieures, intermédiaires et supérieures (Fig. 2). La variation de la couleur du sol et le degré d'altération des laves ont permis de défi nir les zones de transition entre les différentes coulées. Les coulées inférieures sont fortement latéritisées en sols ferralitiques rougeâtres et contiennent des blocs de cuirasses résiduelles. Les coulées intermédiaires sont fragmentées en des blocs anguleux ou arrondis de dimensions comprises entre 5 et 50 cm. Les laves basaltiques des coulées supérieures sont peu altérées et affl eurent sous forme de buttes (hauteur : 20--80 m ; Ø ~ 400 m) fortement prismées. Les dômes et les necks sont subcirculaires ou allongés, limités par des ravins ou vallées et démantelés en éboulis dispersés sur le couvert pédologique. Les brèches volcaniques surplombent les épanchements de trachyte et de phonolite, au nord et au sud du massif de Djinga Tador-

    a - Département des Sciences de la Terre, Université de Ngaoundéré,

    E-mail: mbowou2000@yahoo.fr

    Tél. (+237) 97983066.

    b - Laboratoire de magmatologie et géochimie inorganique et expérimentale, Institut de physique du Globe de Paris, UMR 7154, université Pierre-et-Marie-Curie et IUFM académie de Versailles, 4, place Jussieu, 75252 Paris cedex 05, France.

    Figure 1 : Carte de localisation de la zone d'étude. La «Ligne Chaude du Cameroun s'étend de l'île de Pagalu jusqu'au
    lac Tchad. Le plateau de l'Adamaoua est une entité volcanique distincte de la `Ligne Chaude du Cameroun'. (modifi é
    d'après Déruelle et et al., 2007). Mbowou et al.

    Figure 2 : Esquisse de la carte géologique de la région du Djinga Tadorgal

    Mbowou et al.

    gal (voir Fig. 2). Elles contiennent des fragments de socle, de laves basaltiques et felsiques, et seraient vraisemblablement les produits de la dernière manifestation volcanique du Djinga Tadorgal.

    II. PÉTROGRAPHIE ET MINÉRALOGIE

    L'échantillonnage exhaustif, comprenant les laves basaltiques (basaltes, hawaiites), intermédiaires (benmoréites) et felsiques (trachytes et phonolites s.l.) a été effectué au Djinga Tadorgal. Ces laves ont été nommées (Fig. 3) en fonction de la valeur de leur indice de différenciation (I.D., Thornton et Tuttle, 1960) et en tenant compte de la distribution des minéraux lorsque I.D. est supérieur à 80. La présence des cristaux de feldspathoïde (néphéline, sodalite) dans les phonolites permet de les distinguer des trachytes. Les phonolites hyperalcalines ont des valeurs de I.P. >1 (voir Tableau I). Le volcanisme du Djinga Tadorgal est bimodal. La distribution des laves maintient la présence d'un hiatus (nommé «Daly gap», Daly, 1910) très partiellement comblé par des laves intermédiaires (benmoréites). Les minéraux (olivine, clinopyroxène, ænigmatite, rhönite, amphibole, micas, oxydes de fer--titane, feldspaths, feldspathoïde, titanite, apatite) des laves du Djinga Tadorgal ont été analysés aux microanalyseurs électroniques Camebax SX50 et SX100 à l'Université Pierre et Marie Curie, Paris 6.

    2.1. Laves basaltiques

    Les laves basaltiques (basaltes, hawaiite) ont une texture microlitique porphyrique plus ou moins fl uidale. Elles sont constituées de phénocristaux de diopside--augite (TiO2: jusqu'à 7,2 % et Al2O3 : jusqu'à 11,4 %) et d'olivine (Fo68--89 et Fo67--85 respectivement dans les basaltes et hawaiite), dans une matrice de microlites de diopside--augite, de Ti-magnétite, de plagioclase (An43--71Ab53--28) et de verre. Les températures de cristallisation estimées (d'après Roeder et Emslie, 1970) pour le coeur des phénocristaux d'olivine des basaltes et de l'hawaiite sont respectivement de 1224 #177; 60 °C et 1120 #177; 56 °C. Le plagioclase de l'hawaiite a des compositions de labrador (An60--69Ab38--30). Des phénocristaux de kaersutite sont épars dans certains basaltes et parfois transformés en Ti-magnétite, rhönite et phlogopite. La phlogopite (Fe2+/ (Fe2++Mg) < 0,33) des laves basaltiques (basaltes, hawaiites) a des teneurs en F (jusqu'à 4,7 %) et en TiO2 (jusqu'à 9,5 %) élevées. Ces teneurs élevées en TiO2 peuvent traduire une cristallisation à des températures élevées de l'ordre de 1100 °C, sous des conditions de fugacités d'oxygène situées en des-sous du tampon QFM (d'après Esperança et Holloway, 1987). La stabilité de la rhönite dans les basaltes est restreinte à des pressions inférieures à 0,6 kb et à des températures comprises entre 840 °C et 1200 °C (Kunzmann, 1989).

     

    Usp < 70), dans une matrice de microlites des mêmes minéraux et de titanite.

    III. GÉOCHIMIE

    Les analyses chimiques des laves étudiées ont été réalisées au CRPG de Nancy où les échantillons ont été préalablement broyés (Tableau I). Les détails des processus analytiques sont présentés par Carignan et al. (2001). Les éléments majeurs ont été analysés par ICP-AES et les éléments en traces par ICP-MS.

    3.1. Distribution des éléments majeurs

    La distribution des éléments majeurs est présentée en fonction de SiO2 (Fig. 4). Les teneurs en TiO2, Fe2O3*, MgO, CaO et P2O5 diminue et celles en Al2O3, Na2O et K2O augmentent en fonction de la différenciation (SiO2 croissant).

    Figure 3 : Nomenclature des laves du Djinga Tadorgal en fonction de l'indice de différenciation
    (I.D.,Thornton et Tuttle, 1960) Mbowou et al.

    Figure 4 : Diagramme de distribution des éléments majeurs des laves du Djinga
    Tadorgal en fonction de SiO2 Mbowou et al.

    3.2. Distribution des éléments en traces

    Les diagrammes de distribution des éléments en traces ont été réalisés en fonction des teneurs en Rb qui a été choisi comme indice de différenciation. Les laves basaltiques (basaltes, hawaiite) ont des teneurs en éléments de transition (sauf Zn) qui décroissent fortement avec la différenciation (Fig. 5 ; voir Tableau 1).

    2.2. Laves intermédiaires

    Les laves intermédiaires (benmoréites) sont microlitiques porphyriques et constituées de phénocristaux de plagioclase (An19--46Ab70--49), d'anorthose--sanidine, de kaersutite, de diopside--augite, de phlogopite--biotite, de Ti-magnétite (39 < % Usp < 91), d'apatite et de mégacristaux de kaersutite (6--8 cm). Des inclusions d'apatite sont présentes dans les mégacristaux de kaersutite. La bordure de ces mégacristaux est transformée en Ti-magnétite. Les mégacristaux et phénocristaux de kaersutite ont des valeurs du rapport mg# (Mg/ (Mg+Fe2+)) élevées (jusqu'à 0,72). La biotite a des teneurs en TiO2 comprises entre 8,4 et 8,8%, ce qui indique une cristallisation en-dessous de 1000 °C (Hansen, 1980). L'apatite est riche en F (jusqu'à 5,1%) ce qui serait lié au rôle des fl uides magmatiques durant la cristallisation.

    2.3. Laves felsiques

    Les laves felsiques ont une texture microlitique porphyrique à tendance fl uidale. Les phonolites s.l. sont constituées de phénocristaux épars d'anorthose--sanidine maclés Carlsbad, de clinopyroxène (diopside--augite, hedenbergite, augite aegyrinique, aegyrine), de néphéline, de sodalite, d'ænigmatite et de Ti-magnétite (30 < % Usp < 70), dans une matrice de microlites de K-feldspath, d'hedenbergite, d'augite aegyrinique, d'aegyrine, d'aenigmatite et de Ti-magnétite. La cristallisation de l'aegyrine et de l'augite aegyrinique serait liée à l'environnement magmatique hyperalcalin et à la chute de la température (Brousse et Rançon, 1984). L'ænigmatite a des teneurs en TiO2 (jusqu'à 8,7 %) et en Na2O (jusqu'à 7,1 %) élevées (Kunzmann, 1999) par rapport à celles en Al2O3 (< 1,7 %). Les teneurs élevées en TiO2 traduisent une cristallisation tardive (Gaeta et Mottana, 1991). L'ænigmatite résulte probablement de la réaction entre la Ti-magnétite et le liquide magmatique hyperalcalin sous-saturé en silice (Marsh 1975). La sodalite contient jusqu'à 1,1 % de SO3. La cristallisation des phases minérales riches en SO3 refl ète souvent des conditions d'oxydation importante du magma (Di Muro et al., 2004). Les trachytes sont constitués de phénocristaux d'anorthose--sanidine, de diopside--augite, de phlogopite--biotite, de kaersutite, de Ti-magnétite (30 < %

    Tableau I : Compositions chimiques représentatives des laves du Djinga Tadorgal

    Figure 5 : Diagramme de distribution des éléments de transition des laves du Djinga Tadorgal en fonction de Rb Mbowou et al.

    Les teneurs en Zr, Nb et Th sont positivement corrélés avec celles en Rb (Fig. 6). Les teneurs en Be augmentent légèrement des basaltes aux benmoréites. Dans les laves felsiques, ces teneurs sont dispersées. Les teneurs en Y ne sont comprises qu'entre 20 et 50 ppm dans toutes les laves étudiées, sauf pour deux phonolites hyperalcalines qui en contiennent jusqu'à 130 ppm.

    Figure 6 : Diagramme de distribution des éléments incompatibles des
    laves du Djinga Tardogal en fonction de Rb Mbowou et al.

    Les spectres de terres rares normalisés au manteau primitif (McDonough et Sun, 1995) des laves basaltiques sont strictement parallèles (Fig. 7). Les basaltes ont des valeurs du rapport LaN/YbN élevées (14--20). Les teneurs des terres rares des benmoréites sont élevées par rapport à celles des laves basaltiques. Les laves felsiques (trachytes, phonolites s.l.) ont des spectres légèrement concaves vers le haut (forme en cuillère) ce qui correspond à un léger appauvrissement en terres rares moyennes (Nd--Er) et des anomalies négatives en Eu.

    Les spectres multiéléments (Fig. 8) normalisés au manteau primitif (McDonough et Sun, 1995) des laves basaltiques sont subparallèles, avec des anomalies positives en Nb-Ta. Des anomalies négatives en P et Ti caractérisent les

    40 Rev. CAMES - Série A, Vol. 11, 2010

    Figure 7 : Spectre de terres rares normalisés au manteau primitif (Mc Do-
    nough et Sun, 1995) des laves du Djinga Tardogal Mbowou et al.

    spectres des benmoréites. Les spectres des laves felsiques ont des anomalies négatives en Ba, P, Sr et Ti.

    Figure 8 : Spectres multiéléments normalisés au manteau primitif (Mc Do-
    nough et Sun, 1995) des laves du Djinga Tardogal Mbowou et al.

    IV. DISCUSSION ET CONCLUSIONS

    Les laves du Djinga Tadorgal appartiennent à une série alcaline s.l. [(Na2O + K2O) > 4 %]. Certaines sont hyperalcalines. Les variations des teneurs des éléments majeurs et en traces peuvent être liées au fractionnement des phases minérales observées dans les laves. Pour les laves basaltiques (basaltes et hawaiite), la décroissance des teneurs en MgO, Fe2O3*, CaO et celle des éléments de transition (Ni, Co, Cr) est en accord avec la cristallisation de l'olivine et du clinopyroxène. L'anomalie négative en Eu des spectres de terres rares des laves felsiques peut s'expliquer par la cristallisation de feldspaths et celles en Ba et K (spectres multiéléments) serait liée à la cristallisation de kaersutite, de biotite et de K-feldspath. De même, l'anomalie négative en Ti et la diminution des teneurs en V est liée à la cristallisation de la Ti-magnétite. La diminution des teneurs en P2O5, allant des basaltes aux laves felsiques, ainsi que l'anomalie négative en P présentée pour les laves intermédiaires et les laves felsiques, peut être attribuée au fractionnement de l'apatite. La forme en cuillère des spectres de terres rares des laves felsiques et les valeurs élevées du rapport Nb/Ta (~ 16) sont probablement dues à la cristallisation de la titanite et de l'apatite (Wörner et al., 1983 ; Weaver, 1990). Les teneurs en Zr élevées (jusqu'à ~ 2400 ppm) dans les laves felsiques traduisent l'absence de fractionnement de phases minérales (zircon) susceptibles de l'incorporer et/ou vraisemblablement un enrichissement par des fl uides magmatiques (Vard et Williams-Jones, 1993), où la cristallisation du zircon aurait été inhibée par des liquides hyperalcalins (Watson, 1979). Des anomalies positives en Zr similaires ont été décrites pour d'autres laves felsiques du Cameroun (Tchabal Nganha: Nono et al., 1994; plateau Kapsiki : Ngounouno et al., 2000 ; Ngaoundéré: Nkouandou et al., 2008).

    Les laves du Djinga Tadorgal sont vraisemblablement co-génétiques comme le suggèrent leur répartition spatiale sur le terrain, l'évolution des compositions minéralogiques et les corrélations entre les éléments incompatibles. La modélisation du fractionnement des éléments majeurs a été effectuée en système fermé sur la base du bilan de masse, en minimisant la somme des carrés des résidus (?r2). L'évolution basalte--hawaiite est satisfaisante (?r2 = 0,14). La genèse des magmas de la composition des trachytes n'a pas été concluante (?r2 > 2,0), même en utilisant des magmas de la composition de l'hawaiite. Il en est de même en ce qui concerne l'évolution trachyte--phonolite--phonolite hyperalcaline (?r2 > 2,0). L'évolution des laves felsiques a vraisemblablement été accompagnée, tardivement, de l'intervention de fl uides magmatiques comme en attestent les données minéralogiques (présence d'apatite riche en fl uor et de titanite).

    Les mélanges entre les magmas basaltiques et felsiques ont été suggérés pour expliquer les caractères pétrographiques, minéralogiques et géochimiques des laves intermédiaires (mugéarites, benmoréites) de la vallée de la haute Bénoué (Ngounouno et al., 2003), du plateau Kapsiki (Ngounouno et al., 2000) et des régions au nord et à l'est de Ngaoundéré. La présence simultanée dans les benmoréites du Djinga Tadorgal de phases minérales caractéristiques des laves basaltiques (plagioclase) et felsiques (kaersutite, feldspath potassique, apatite), et la composition chimique intermédiaire de ces laves, située dans le hiatus (Fig. 3), suggèrent une origine par mélange magmatique. La modélisation de mélange magmatique, effectuée par bilan de masse est satisfaisante tant pour les éléments majeurs que pour les éléments en traces (?r2 < 2,0). Un magma de la composition de

    benmoréites a pu être produit par mélange de liquides de compositions de basalte (41%) et de trachyte (59%).

    Il est communément admis que les basaltes alcalins peu évolués ont des concentrations en éléments de transition de la première série relativement constantes (Co = 60 #177; 10 ppm ; Ni = 350 #177; 150 ppm; Villemant et Treuil, 1983). De telles concentrations résulteraient d'une origine par fusion partielle d'une source mantellique péridotitique. Les teneurs en Co et Ni (voir Fig. 5) mesurées dans les basaltes du Djinga Tadorgal correspondent à celles des laves moins évoluées. Des anomalies positives en Nb-Ta caractérisent les basaltes alcalins et traduisent vraisemblablement des teneurs élevées en Nb et Ta dans leur source magmatique. Les faibles teneurs en K (anomalie négative en K) des basaltes du Djinga Tadorgal seraient liées à la présence des phases résiduelles riches en K (phlogopite et/ou amphibole) dans la source magmatique de la région, comme proposé pour la genèse des basaltes des secteurs, continental (Fitton et Dunlop, 1985 ; Ngounouno et al., 2003 ; Suh et al., 2003; Rankenburg et al., 2005) et océanique (Lee et al., 1994) de la «Ligne Chaude du Cameroun>. La présence de phlogopite dans la source pourrait retenir non seulement K, mais aussi Rb et Ba (Sun et McDonough 1989). Les basaltes dérivés des sources de type HIMU ont de faibles teneurs en K (Weaver et al., 1987; Halliday et al., 1990). Les compositions isotopiques initiales (recalculées à 10 Ma) du Sr des laves du massif de Djinga Tadorgal (0,7036 < (87Sr/86Sr)i <0,7042) sont faibles et similaires à celles des basaltes des domaines océanique et continental de la «Ligne Chaude du Cameroun> (Déruelle et al., 2007). Cette caractéristique est une preuve que la composition des magmas à l'origine des laves du massif de Djinga Tadorgal n'a pas été affectée par une contamination crustale signifi cative durant l'ascension.

    Le processus de cristallisation fractionnée gouverne la différenciation des magmas parentaux de la série du Djinga Tadorgal. Les modélisations de fractionnement effectuées sur les échantillons du Djinga Tadorgal, bien qu'incomplètement satisfaisantes, laissent un rôle dominant tout à fait vraisemblable à un tel processus de différenciation. Des mélanges entre magmas basaltiques et felsiques ont aussi été mis en évidence pour la genèse des laves intermédiaires. Les compositions des sources magmatiques mantelliques du Djinga Tadorgal seraient de type HIMU (80 % de manteau appauvri et 20% de croûte océanique altérée) et donc distinctes de celles de la «Ligne Chaude du Cameroun>, qui est de type FOZO (Déruelle et al., 2007).

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