Mathilde Jannot Université de la Sorbonne nouvelle-
Paris III Département de Médiation culturelle M1 <<
Conception et direction de projets culturels » Année
2009-2010
Mémoire Sous la direction de Mme Cécile
Camart
<< La culture ; opportunité politique,
économique, touristique et sociale au service des villes ? Exemple
de la ville de Nancy et ses grands rendez-vous. »
Remerciements :
Je voudrais, pour ce mémoire, adresser mes remerciements
à plusieurs personnes parmi lesquelles :
Mme Cécile Camart, ma directrice de mémoire, qui a
accepté de me diriger, sachant répondre à mes
interrogations et me guider dans mes lectures aux bons moments ;
Philippe et Nadine Martin, qui m'ont aidé à
définir mon sujet et qui ont été particulièrement
présents pour moi cette année ;
M. Michel Maigret et sa collaboratrice Mme Sylvie Liotet, qui
m'ont fait la gentillesse de me recevoir dans leur bureau à Nancy, ont
répondu avec patience à mes questions et m'ont communiqué
un certain nombre de ressources particulièrement opportunes pour mon
mémoire ;
Les conservatrices des trois musées de Nancy, Mme Blandine
Chavanne (Musée des Beaux Arts, actuellement aux Musée des Beaux
Arts de Nantes), Mme Francine Roze (Musée Lorrain), Mme Valérie
Thomas (Musée de l'Ecole de Nancy), la directrice des Affaires
culturelles de la ville de Nancy, Mme Véronique Noël, M.
Gérard Coing, chargé de valorisation du patrimoine à la
DRAC Lorraine qui ont eu la bonté de répondre à mes
questions le plus honnêtement possible malgré leurs emplois du
temps respectifs chargés ;
M. Frédéric Poulard qui m'a gracieusement
communiqué sa these - introuvable en bibliothèque à un
moment crucial de ma recherche - ;
Les bibliothécaires de la BNF, de Sainte-Geneviève,
de Sainte Barbe, Ruben et Lucien de Paris III qui m'ont permis d'effectuer mes
recherches dans des conditions particulièrement agréables ;
Mes amis qui se sont intéressés, de près
ou de loin à mon mémoire, qui m'ont supportée, m'ont
guidée, éclairée au cours de riches discussions tout au
long de cette année, plus particulièrement Aleksandra, Alice,
Antoine (merci pour l'aide informatique !), Arnaud F., Arnaud V., Baptiste,
Blandine, Camélia (merci pour la relecture !) Cécile,
Clémentine, Elise, Gautier, Géraldine, Emmanuelle, Lauriane,
Leticia (merci pour l'ordinateur !), Lisa, Loïc, Luca, Margarita,
Marinette, Marion, Mathilde F., Maud, Mélanie B., Mélanie M.,
Thibault, Valérie.
Mes cousins et cousines, proches ou plus lointains, mes oncles
et tantes, mes grands parents, mes soeurs et les proches de la famille qui se
sont intéressés à mon sujet en me faisant part de
certaines réflexions.
Mes parents qui ont su susciter mon intérêt pour
l'art et la culture et qui se sont montrés attentifs et patients pour ce
mémoire.
Enfin, comme je déteste les impairs, que tous ceux qui ne
sont pas remerciés ici - et qui devraient l'être - le soient par
cette page de remerciements.
« Plus on veut, mieux on veut.
Plus on travaille, mieux on travaille, et plus on veut
travailler. Plus on produit, plus on devient fécond. »
Charles Baudelaire, Fusées, 1887
« (...) Hâtez-vous lentement, et, sans perdre
courage, Vingt fois sur le métier remettez votre
ouvrage Polissez-le sans cesse et le repolissez Ajoutez quelquefois, et
souvent effacez (...) » Nicolas Boileau, Art
poétique.
« En essayant continuellement, on finit par
réussir. Donc plus ça rate, plus on a de chances que ça
marche » Jacques Rouxel, Les Shadocks.
Sommaire
Remerciements : 2
Sommaire 4
Introduction 6
I. Le patrimoine, outil identitaire de lien social ? 14
A. Démocratisation de la culture dans la ville ou
renforcement du sentiment identitaire ?14
1. Justifier socialement l'action culturelle 15
2. Un thème socialement fédérateur ? 19
B. Le patrimoine « la mémoire embellie » ? 24
1. Valeur d'existence et de non-usage du patrimoine et des
monuments 24
2. Deux versants modernes de l'événement autour du
patrimoine : la contemporanéité et
II.
|
la prospective.
Les enjeux pour la ville : visibilité et
attractivité
|
27 29
|
A.
|
|
|
Une mutualisation financière de moyens
|
29
|
|
1.
|
|
Les acteurs institutionnels.
|
29
|
|
2.
|
|
Mécènes et entreprises partenaires
|
30
|
B.
|
|
|
Légitimer l'action publique
|
31
|
|
1.
|
|
« Ne pas jouer cavalier seul »
|
31
|
|
|
a)
|
De la nécessaire mise en place d'une gouvernance
|
31
|
|
|
b)
|
Réseaux et partenariats
|
33
|
|
|
2.
|
|
L'outil médiatique
|
36
|
|
|
a)
|
« Les médias en parlent »
|
36
|
|
|
b)
|
Utiliser les nouvelles technologies de l'information et de la
communication.
|
38
|
|
C.
|
|
|
Les retombées
|
40
|
|
1.
|
|
Les retombées économiques pour les acteurs locaux
et pour la ville
|
40
|
|
|
|
|
4
|
2. Les retombées symboliques 43
III. Les acteurs locaux : une confrontation ? 48
A. Le regard des élus 48
1. Instrumentaliser la culture ? 48
2. Dérive vers le « tout commercial »? 49
3. Une « politique paillette » et une ingérence
dans le contenu scientifique? 53
B. Les professionnelles de la culture : directrice des affaires
culturelles et conservatrices,
garantes des institutions. 55
1. La directrice des affaires culturelles, une
intermédiaire ? 55
2. Les conservatrices, scientifiques dans une « tour
d'ivoire » ? 56
Conclusion 66
Bibliographie 70
Annexes 79
Introduction
Depuis les années 1970, on assiste de façon
globale en France à une certaine municipalisation de la culture
renforcée par les lois de décentralisation de 1982 et 1983.
L'action publique s'est ainsi territorialisée faisant des villes les
« nouveaux centres de commandement culturel »1 bien que
chaque échelon territorial ait voulu conserver des compétences
dans le domaine culturel. La culture constituait rarement à elle seule
un élément moteur d'action et de développement,
excepté si la présence d'un patrimoine important le
justifiait.2 La culture était considérée comme
un champ d'action possible, venant agrémenter les équipements
sanitaires, sociaux et éducatifs. On retiendra pour l'acception du mot
culture, la définition adoptée par l'UNESCO à Mexico en
1982 : « l'ensemble des traits distinctifs spirituel et matériels,
intellectuels et affectifs qui caractérisent une société
ou un groupe social. Elle englobe outre les arts et les lettres, les modes de
vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de
valeurs, les
1 Cf. G. Saez « La dynamique de la
coopération culturelle : de la décentralisation à la
territorialisation de l'action publique » dans P. Poirrier et R. Rizzardo
(dir.), Une ambition partagée ? La coopération entre le
Ministère de la Culture et des Communications et les
collectivités territoriales (1959-2009), Paris, Collection du
Comité d'Histoire du Ministère de la Culture et des
Communications, 2009, p.41.
2 Cf. C. Boussemart (dir.), Diriger un service des
affaires culturelles, p.4.
traditions et les croyances ». Celle-ci s'apparente
désormais à un must pouvant contribuer au développement
économique du territoire et au bien-être urbain.3 Alors
qu'auparavant l'aménagement culturel du territoire constituait une
charge, il est de plus en plus perçu comme une stratégie. C'est
un investissement au profit de la population. De plus en plus dans les
mégapoles, le lien social tend à se déliter, il peut, de
fait, être intéressant, politiquement, de caractériser un
territoire par ses équipements (musée, opéra,
théâtre, bibliotheque, conservatoire,...) et manifestations
culturelles (festivals, expositions, concerts, représentations...). Les
villes sont devenues des « entrepreneurs culturels »,
impliquées non seulement dans l'organisation de manifestations
temporaires mais aussi dans la gestion directe la responsabilité
d'équipements institutionnels et dans leurs dépenses de
fonctionnement tout comme dans la régie de l'animation culturelle avec
les associations. De fait, la part des budgets municipaux allouée
à la culture n'est plus négligeable. Le poids financier des
communes est deux fois plus grand que celui du Ministère de la Culture
et de la Communication.4 A ce titre, la ville de Nancy y consacre
23% de son budget global.5
Parallèlement l'intérêt croissant pour les
« expositions-événements »6, enclaves
temporaires réunissant de façon unique - ou voulue comme telle-
des objets au nom d'un propos précis, ne désemplit pas. Ces
expositions sacralisent les grandes figures de la modernité incitant
fortement à la visite. Qualifiées parfois - à l'instar du
cinéma - d'expositions « blockbuster »,
phénomène amorcé par l'exposition Toutankhamon au Grand
Palais en 1975, cela semble être devenu le lieu commun des musées
au détriment parfois d'une visite plus méthodique des collections
permanentes. Cette expérience, en apparence réservée aux
musées tend à s'inscrire sur une aire géographique plus
large, le périmetre d'une ville ou d'une collectivité
territoriale, tendant ainsi à la muséifier toute entière.
On voit de plus en plus des opérations à caractère plus ou
moins récurrent se multiplier tels les festivals ou les années
à theme. L'innovation de ce type d'opérations dont la
particularité antinomique est d'être éphémere
nécessitant en amont, une préparation
3 Cf. l'article de C. Younès, « La
culture, matière de la ville et de la citadinité »,
L'observatoire n°34, décembre 2008, pp.25-26.
4 Cf. Françoise Lucchini, La culture des
villes, p.123.
5 Source : Mme Véronique Noël, Directrice
des Affaires Culturelles de la ville de Nancy.
6 Cf. R. Rapetti «
L'exposition-événement », pp.55-65, GALARD Jean (dir.),
L'avenir des musées, Editions de la RMN, Paris, 2001.
coûteuse et complexe, tend à se
dépersonnaliser dans le paysage français.7 On peut
penser pour ces dernières années à Lille 2004,
l'année Jules Verne à Nantes et Les Cinq Continents à
Amiens en 2005 ou encore l'année Cézanne en Provence. Cependant,
on est quelquefois loin d'un « effet Bilbao » en France, puisque si
les villes consacrent une part de leur budget à la culture, cela reste
dans des proportions raisonnables, sans nécessairement recréer
une identité locale et redévelopper toute une économie
dédiée uniquement - ou presque - à la culture.
L'année à theme est un événement
unique parce qu'elle rassemble des objets précieux au nom d'un discours
spécifique, parce qu'elle est rare et généralement
exclusive sur un temps et une aire géographique donnés. Si ces
manifestations culturelles temporaires sont de plus en plus nombreuses, c'est
aussi parce qu' « elles jouent un rôle important, en renouvelant
l'intérêt des publics d'amateurs comme [du] grand public sensible
à leur caractère exceptionnel. »8 Tandis que les
chercheurs ont toujours la possibilité d'entrer dans les réserves
d'un musée, l'exposition reste le moyen unique pour le grand public
d'avoir accès à des trésors.9
L'émergence de ce type d'activités culturelles consacre une autre
forme de culture, tournée aussi vers la fête et le spectacle mais
peut également être un « catalyseur de grands projets urbains
»10, inscrit éventuellement dans une politique
budgétaire à plus long terme. La ville de Nancy a initié
ce processus de grands événements dès 1992.
Depuis la fin du XVe siècle, Nancy, ville de 106 300
habitants actuellement (agglomération 258 268 habitants11),
témoigne d'un intérêt prégnant pour la culture
à de multiples reprises. Après la bataille contre Charles le
Téméraire en 1475, les ducs de Lorraine établissent
résidence à Nancy et la cour s'y fixe. René II
(1451-1508), libérateur de la ville, homme de culture, amoureux des
livres, transforme la cité ducale en un centre intellectuel et
artistique autour d'une cour composée d'écrivains et d'artistes.
Charles III (1543-1608) entreprend l'urbanisation de la ville. C'est sous son
règne que le graveur Jacques Callot connaît ses heures de gloire.
Le duc Léopold (1698-1729) favorise le
7 Cf. J.Barré, « De l'opportunité
médiatique à la tyrannie commerciale », Cahiers
Espaces, n° 74, août 2002, p.8.
8Cf. V.Patin, Tourisme et patrimoine,
p.43.
9 Cf. R. Montpetit, « L'exposition un geste
envers des visiteurs », pp.29-33 dans Médiamorphoses,
n°9,2003.
10 Cf. H.Salllet-Lavorel, P.Lecroart, « Quels
sont les impacts des grands événements sur les métropoles
? », dans Cahiers Espaces n° 74, août 2002, p.41.
11
http://www.eco-grandnancy.com/francais/3/population.php4
développement économique de la ville
après des heures sombres pour la ville. C'est véritablement sous
Stanislas Leszczynski (1738-1766) que la ville connaît sa période
faste : il fonde le Collège de médecine, la Société
royale de sciences et des belles-lettres et l'opéra en 1750. La place
qui porte son nom fait découvrir le génie d'Emmanuel
Héré et Jean Lamour tandis qu'Emilie du Châtelet est
présente à la cour. Voltaire y publia Zadig. Capitale de
la revanche après la guerre de 1870, la ville connaît de nouveau
un véritable essor avec l'immigration des pays annexés, une
industrialisation accélérée et l'héritage de
fonctions administratives et culturelles qui incombaient à Metz et
Strasbourg, ainsi que l'épanouissement du courant « Art Nouveau
» avec Prouvé, Majorelle, Gruber, Gallé et Daum. La ville
n'est pas épargnée par les bombardements lors de la
première guerre mondiale. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la
ville connaît un taux de croissance très marqué et
l'université et les grandes écoles sont le fleuron local.
Même si Metz est choisie comme capitale régionale, Nancy ne se
désarme pas et continue à faire prospérer son
patrimoine.
En 1992, on célèbre l'année [de
naissance] Jacques Callot, avec une rétrospective de la totalité
de l'oeuvre gravée de Callot au musée Lorrain et un cycle de
conférence à l'extérieur du musée où les
oeuvres sont habituellement situées.
« La différence de cet événement par
rapport aux expositions « classiques » est que Callot a
été utilisé pour les fêtes de quartiers, le Carnaval
s'est fait en partenariat avec les écoles avec les enfants dont les
déguisements étaient inspirés des gravures de Callot.
L'événement touche les différentes classes de population
»12.
L'année Callot a été un réel
succès sur le plan local. De fait, pour marquer le passage à l'an
2000 et stimuler une cohésion sociale entre les habitants, la ville
réitère l'opération autour de la thématique de
l'école de Nancy en 1999. L'année fait coïncider la
réouverture du Musée des Beaux Arts, après trois
années de travaux, ainsi que les galeries Poirel. Une mission «
Ecole de Nancy » constituée de cinq personnes est crée.
Cette dernière est en lien permanent avec le maire de Nancy,
André Rossinot, l'adjoint à la Culture Dominique Flon ainsi que
le vice-président chargé de la culture et du tourisme de la
Communauté Urbaine du Grand Nancy (CUGN) Jean-Paul Jurin. En
parallèle est crée
12 Entretien avec M. Maigret, 20 janvier 2010, CUGN
Nancy. M. Michel Maigret est responsable depuis avril 2009 de la mission
Renaissance à la Communauté Urbaine du Grand Nancy (CUGN). Bien
que sur l'organigramme de la CUGN on puisse lire qu'il est Directeur
général des grands événements, il est
assigné à la fonction de chef de mission. Au préalable, il
était directeur du pôle Culture et Sport.
un conseil scientifique qui a pour vocation de valider le
programme, donner des idées et assurer la cohérence de
l'événement. La mission se charge quant à elle, de la
conception et de la réalisation de l'événement : de la
programmation en partenariat évident avec les institutions de la ville
et de l'agglomération, de la communication, de la diffusion en passant
notamment par la gestion du budget et la recherche de financements. Sur une
période de quatre mois, on concentre un maximum
d'événements de plus ou moins grandes ampleurs. On fait converger
toutes les formes de culture autour de la thématique de l'école
de Nancy. Spectacles, opéras, pièces de théâtre,
expositions dans les musées et les bibliothèques, colloques,
programmation filmique mais également manifestations à
caractère plus populaire comme le Carnaval ou une vente de fleurs,
possèdent un lien étroit avec le thème choisi. La
concentration de manifestations « lourdes » au niveau logistique
(type restauration) et « légères »13 (telles
les colloques, les représentations théâtrales) est au coeur
de l'actualité. L'événement attire de nombreux visiteurs
dont la majorité est nancéienne et l'opération est un
réel succès pour la ville et l'économie locale. Entre la
réouverture du Musée des Beaux Arts et l'inauguration de la
premiere exposition post-rénovation (du 5 février au 23 avril
1999), 75 000 visiteurs se sont précipités pour visiter le
musée dans son écrin retrouvé.14
L'opération ayant été une
réussite, la ville décide de renouveler l'événement
en 2005. Le projet comporte cette fois-ci une optique plus politique,
étant donné qu'il correspond non seulement au 250e
anniversaire de la place Stanislas mais aussi à sa piétonisation.
En effet, la place, classée au patrimoine de l'UNESCO, était un
véritable noeud de circulation puisqu'environ 18 000 voitures
l'empruntaient chaque jour. Les bâtiments alentours sont nettoyés,
la place est repavée redonnant ainsi à la ville son ancienne
place royale dans un nouvel écrin.15 L'inauguration de la
place Stanislas avec un feu d'artifice est le point de départ des
festivités « Nancy 2005, le temps des Lumières ».
L'événement s'étend sur l'année complete,
concentrant environ 180 événements d'envergure plus ou moins
importante avec pour toile de fond, la thématique des
Lumières,
13 Légères dans la mesure où
c'est le fait quotidien des programmateurs culturels - peut importe
l'entité qu'ils incarnent -. Par leur récurrence dans un
programme culturel, on sait anticiper ces manifestations et les gérer
plus facilement qu'une opération de grande envergure.
14 Cf. F. Loyer, J.P Midant, B. Salmon, Peinture et Art
nouveau, Musée des Beaux Arts de Nancy, 24 avril26 juillet 1999,
Paris, RMN, 1999, p.11.
15 Dans les catalogues d'exposition ou de collections
permanentes correspondant à la dite période, il est
intéressant de noter que, dans les préfaces, le terme est
employé non seulement par les élus municipaux que par les
conservateurs.
appliquée plus spécifiquement à Nancy par
la présence de Stanislas. Le modèle de préparation de ce
grand rendez-vous - tel qu'il est dénommé par la
municipalité16- fonctionne sur le même principe que
celui de 1999 avec une mission composée, cette fois-ci de quinze
personnes, et d'un conseil scientifique. Celle-ci travaille en étroite
collaboration avec le maire, l'adjoint à la culture de la ville de
Nancy, Laurent Hénart et la vice-présidente chargée de la
culture et du tourisme de la Communauté Urbaine du Grand Nancy,
Béatrice De Martin. La renommée de la place Stanislas fait sa
propre publicité pour attirer Nancéiens, touristes
régionaux, nationaux et étrangers et quoique
l'événement soit statistiquement moins satisfaisant qu'en 1999,
on décide, presque dès sa clôture17, de
planifier pour 2012 un événement voulu tout aussi
fédérateur autour du patrimoine Renaissance de la ville.
La différence majeure de 2012 est que la conception ne
passera plus par une mission, recrutée par un appel d'offres mais se
fait d'ores et déjà en interne à la Communauté
Urbaine du Grand Nancy (CUGN). Actuellement, M. Maigret, assisté d'une
stagiaire, Mme Liotet, sont seuls pour porter le projet. Cependant, ils
travaillent toujours avec les institutions culturelles municipales,
André Rossinot, Laurent Hénart et la viceprésidente
chargée de la culture et du tourisme de la Communauté Urbaine du
Grand Nancy Marie-Christine Leroy aidés d'un conseil scientifique. En
2012, l'achèvement de la rénovation du Musée Lorrain
coïncidera avec ce nouveau grand rendez-vous. L'événement a
pour but de faire connaître et de mettre en valeur, outre le patrimoine
Renaissance de Nancy ; celui de la Lorraine, beaucoup moins connu que celui de
la Loire, mais néanmoins présent.
Ces trois rendez-vous sont quant à eux construits en
amont, à la différence d'un fait historique qui est choisi. Ces
événements ont été des moments importants de
rencontres et dont on se souvient. Lors de ces expositions, spectacles,
conférences et animations touristiques autour d'un theme
fédérateur ; universitaires, conservateurs de musées,
scientifiques, sociologues, philosophes, hommes politiques, office de tourisme
et hôteliers, se sont rencontrés, ont travaillé ensemble,
au profit des Nancéiens. Outre les répercussions culturelles que
ces événements ont provoqués, ces rendez-vous ont eu un
retentissement
16
http://www.nancy.fr/culturelle/rdv_et_festival/html/nancy2005.php
17 2007
sur l'économie et le tourisme local ainsi qu'une
résonance dans les médias, à l'échelle locale,
nationale et internationale.
On essaiera de savoir, au fil de notre recherche, si, au
travers de l'exemple des grands rendez-vous nancéiens, la culture peut -
ou non - servir d'opportunité politique, économique, touristique
et sociale aux villes. On s'appuiera essentiellement sur « Nancy 2005, le
temps des Lumières », étant donné que pour cette
période, les données sont les plus fournies. Néanmoins,
rien n'empêchera de faire quelques incartades en évoquant les
événements précédents qui servent de modèle
à 2005 ni d'utiliser 2012, dans la mesure où le rendez-vous est
en préparation.
On tentera dans cette étude d'observer le rôle de
la culture, plus particulièrement celui des musées et du
patrimoine, et de voir dans quelle mesure la culture peut répondre
à certaines des attentes municipales. On peut ainsi se demander s'il
s'agit d'animer réellement le patrimoine local pour donner - ou redonner
- une dynamique culturelle à la ville. Quel est dans ce cas le
rôle social du musée et du patrimoine ? En voulant créer ou
recréer une cohésion entre les habitants, cherche t'on à
renforcer la démocratisation de la culture ? De même, on pourra
s'interroger sur le choix du theme, de la façon dont il peut être
actuel, alors qu'il est historiquement plus ou moins lointain et la
façon dont il est orienté. Le sujet n'est-il pas finalement
consensuel ? Y a-t-il une mise en scène particulière du
patrimoine pour le grand public ? Comment parvient-on à
fédérer les gens d'appartenances sociales différentes
autour d'un theme ? Pour reprendre l'expression de Grignon et Passeron, comment
mélanger « le savant et le populaire »18? Veut-on
impulser un sentiment identitaire chez les Nancéiens ? On essaiera de
voir quelle est l'utilisation actuelle du patrimoine, si quelque part, venir
célébrer un patrimoine ne signifie pas rester attaché au
passé sans voir l'avenir en nuançant avec l'emploi de la
création contemporaine dans la ville.
On analysera ensuite les enjeux pour la ville en termes de
visibilité et d'attractivité. Pécuniairement, il y a
également des ressorts à mettre en jeu : qui doit payer
l'événement et comment légitimer des dépenses
culturelles auprès des habitants ? Comment s'organise la gestion de
l'événement ? Qui décide de créer
l'événement ? L'intérêt, dans le cas qui nous
intéressera, est pour la ville de Nancy et les Nancéiens mais
est-ce seulement la ville
18 C. Grignon, J.C.Passeron, Le savant et le
populaire, Paris, Gallimard, Le Seuil, 1989.
de Nancy à elle seule qui finance ? Quelle est la
contrepartie économique pour la ville en matière de
développement ? Quelles sont les méthodes utilisées pour
justifier une action d'une telle envergure ? L'appui de partenaires suffit-il
à justifier l'événement ? Les médias sont-ils un
moyen de légitimer l'action ? Quelles sont les retombées
économiques pures ? A qui profite l'événement ? Quelles
sont également les retombées symboliques en termes d'image
véhiculée mais également en termes d'image de soi pour la
ville?
Enfin, on s'interrogera sur le rapport qu'entretiennent les
élus avec les professionnels de la culture et leurs corollaires. Il
conviendra de s'interroger sur le fondement intellectuel de
l'événement. Qui décide de créer
l'événement ? La volonté de « faire
événement » émane t'elle des musées et du
choix des conservateurs, qui ont, dans le cas de Nancy, des thématiques
antinomiques ? Y a-t-il une volonté des élus d'instrumentaliser
la culture en menant une « politique-paillette » ? Y a-t-il une
instrumentalisation de la culture ? Y a-t-il des dérives vers des effets
inattendus, manifestement contradictoires avec la culture ? Peut-on parler de
produits d'appels culturels ? Certains médiateurs interviennent-ils
entre élus et conservateurs ? Quel est leur rôle ? Quelles sont
les retombées pour les musées ? De quelle façon agissent
les professionnels de la culture : sont-ils les libres décideurs de ce
qu'ils avancent ? Leur choix est-il dicté ? La présence
d'intervenants extérieurs à la municipalité garantit-elle
une sincérité des propos ?
I. Le patrimoine, outil identitaire de lien social ?
A. Démocratisation de la culture dans la ville ou
renforcement du sentiment identitaire ?
Entendue au sens sociologique, la culture concerne les oeuvres
et les pratiques culturelles et se construit dans les rapports sociaux. Ces
rapports peuvent être intergénérationnels, mixtes,
composites (lorsque la nationalité, la race ou la religion sont
différentes), et se situent plutôt dans une optique de «
mélange des genres », au sens où l'entend Bernard Lahire in
La culture des individus19 mais ne relèvent en aucun
cas d'un « principe d'homogénéité de classe »
tel que le concevait Pierre Bourdieu20. Selon Jean-Pierre Saez,
« l'objectif de toute politique culturelle consiste à faire
partager au plus grand nombre l'accès aux biens culturels.
»21 Ce principe de démocratisation hérité
de la Révolution Française22 est un objectif vers
lequel le Ministère de la Culture tend depuis ses prémices tant
dans la politique nationale qu'à des échelles territoriales.
Récemment celuici, dans son programme « l'accès à la
culture pour tous » a d'ailleurs rappelé que :
« L'accès à la culture est un facteur
essentiel d'ouverture d'esprit qui favorise l'évolution des
mentalités. La fréquentation des lieux culturels est un outil de
socialisation et de lutte contre les replis communautaires. De plus, la
rencontre dans les lieux culturels de visiteurs différents est un
élément important de sensibilisation, allant dans le sens d'un
plus grand respect des autres et favorisant la vie commune. »23
19 La culture des individus. Dissonances
culturelles et distinctions, Paris, La découverte, 2004.
20La distinction. Critique sociale du jugement. Paris,
Editions de minuit, 1979.
21 Cf. J.P Saez, « Les grandes villes et la
culture : des enjeux croisés », p.17.
22 Cf. le principe d'égalité de la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : « les hommes
naissent et demeurent livres et égaux en droit ».
23
http://www.culture.gouv.fr/culture/politique-culturelle/ensemble/pdf/sentiers-battus.pdf
1. Justifier socialement l'action culturelle
La ville de Nancy n'a nullement l'intention de se
détacher de cette ambition. Lors d'un entretien avec M. Maigret, il
m'affirmait que : « l'ambition [que se donnent la ville et la
Communauté Urbaine] est que tout le monde doit se sentir impliqué
dans le système »24 aussi bien par un colloque sur les jardins au
XVIIIe siècle que par une vente de fleurs aux couleurs de l'Art Nouveau.
Les événements organisés par la ville ont bel et bien une
base culturelle, patrimoniale et historique mais le public ne perçoit
pas nécessairement la participation à un événement
culturel. Subrepticement, la Communauté Urbaine tentera de «
veiller à la dimension à la fois culturelle, festive et populaire
de l'événement »25 et d'encourager les
différents publics, lors d'un micro-événement dans
l'événement que constitue l'année à theme, à
aller visiter une exposition, voir un spectacle, un concert autour du theme
duquel ils viennent de se rapprocher. Ce type d'événement permet
en outre, de développer un sentiment d'appartenance à la ville,
au-delà des origines culturelles et sociales de chacun. Alors
qu'habituellement les habitants d'une ville sont plutôt en situation de
« coprésence »26, en se croisant sans se
connaître et sans réciprocité de
perspectives27mais en ayant seulement le caractère commun
d'être de la même ville et d'y déambuler ; les habitants ont
l'occasion - lors de ces événements - de se côtoyer et de
mieux se connaître. En 2005, de nombreux micro-événements
ont eu lieu dont certains dans les quartiers défavorisés de Nancy
et son agglomération. L'animation et les préparatifs de la
fête de quartier « Tous égaux devant la différence
» dans le quartier du Haut du Lièvre en témoignent.
Plusieurs ateliers ont été mis en place comme la construction
d'un puzzle géant, un travail d'écriture autour d'une sculpture
contemporaine, des jeux parcours, un rallye culturel « aux couleurs des
valeurs du XVIIIème [où] tolérance, partage des valeurs,
connaissance de soi-même et ouverture aux autres cultures [étaient
les mots d'ordre]»28. Ce type d'événement issu le
plus souvent du fait associatif est organisé en parallèle des
manifestations montées par les institutions culturelles. Dans chacun de
ces événements, on peut clairement y voir une interaction
24 Entretien M. Maigret, 20 janvier 2010, CUGN
Nancy.
25 « Nancy 2005, le temps des Lumières », le
bilan, juin 2006, p.9.
26 A. Batteagy, « L'espace commun entre mythes et
reconstructions : variations », J.Metral (dir.), Cultures en villes ou
de l'art du citadin, La Tour d'Aigues, Editions de l'Aube, 2000, p.243.
27 Analyse d'Ulf Hannerz dans Explorer la
ville, Editions de minuit, 1983 citée par A. Batteagy,
ibid.
28 Cf. « Nancy 2005, le temps des
Lumières », le bilan, juin 2006, p.16 et p.67.
sociale sous-jacente, pendant laquelle chacun peut partager avec
d'autres mais aussi apprendre des choses.
Faire venir les gens au musée ou autour d'un site
patrimonial, peut relever des mêmes prérogatives. De plus en plus,
dans les définitions nationales ou supranationales que se donne le
musée, ces notions de démocratisation et de cohésion
sociale sont présentes. En témoigne la thématique de la
journée mondiale des musées 2010 organisée par l'ICOM :
« Musées et harmonie sociale ». La définition du
musée donnée par l'ICOM en 2001, considère le musée
comme « une institution permanente, sans but lucratif, au service de
la société et de son développement [c'est nous qui
soulignons] (...) », cette définition inclut par ailleurs une
acception plus large du musée au sens où l'entend la loi
française, avec les sites et les monuments historiques.29Dans
le même sens, la loi « Musées » de 2002, inscrite dans
le Code du patrimoine donne pour mission permanente aux musées de France
le fait de « concevoir et mettre en oeuvre des actions d'éducation
et de diffusion visant à assurer l'égal accès de tous
à la culture ( · · ·) »30. On
passe alors d'une « culture pour tous » articulée autour de la
distinction traditionnelle culture bourgeoise/culture populaire à une
« culture commune » qui implique reconnaissance et partage. A maintes
reprises dans les catalogues d'exposition des années qui nous
intéressent, on peut lire que des actions de médiation ont
été menées. Sans être plus explicite que des
évocations, ces phrases sous-entendent néanmoins une
volonté d'accès à la culture facilité. Les
musées sont d'ailleurs clairement conscients de cette vocation qui leur
est attribuée : « Au terme de trois années de travaux (...)
le Musée des Beaux Arts a enfin réussi la mutation qui lui fera
aborder l'avenir en se concentrant sur le rôle culturel et social qu'il
se doit d'avoir. Ce n'est pas le moindre des chantiers à ouvrir.
»31. Ce que souligne également le maire :
«Pour autant, le nouveau Musée des Beaux Arts de
Nancy n'a pas pour seule vocation d'être le reflet de notre richesse
patrimoniale et de notre vitalité culturelle. Il doit être aussi,
pour le public local et régional comme pour tous les visiteurs
français et étrangers que nous accueillons, un lieu
d'enrichissement personnel, de rencontre et de partage. En un mot, un lieu de
vie. »32
29 Article 2 a) et b)i.
30 Article L.441-2, c)
31 Cf. B. Salmon. (dir.), Collection du
Musée des Beaux Arts de Nancy, Regards, Paris, RMN, 1999, p.16.
32Cf. B. Salmon (dir.), ibid. p.7.
De même, on peut le voir de façon plus explicite
dans le bilan de « Nancy 2005, le temps des Lumières »
où cette volonté politique s'affirme lorsqu'il est question de
« permettre l'accès aux manifestations au plus grand nombre :
mesures tarifaires, pass expositions à la carte impliquant les
musées de Nancy et du Grand Nancy, « bouquets » spectacle
vivant pour croiser les publics »33. Le maximum est fait pour
apporter à tous les habitants une chance d'accéder aux
manifestations organisées.
L'enquête menée par l'IFOP en avril 2006
révèle que :
« Les événements de « Nancy 2005, le
temps des Lumières », ont été largement suivis, 70%
des résidents de la Communauté Urbaine ayant en effet
participé, dont 38% « au moins une fois », 24 « plusieurs
fois » et 8% « le plus souvent possible ». »34
On pourrait reprocher à la ville de Nancy de conforter
le « mythe de la démocratisation »35 qui fait
imaginer un ensemble de perceptions et d'images unissant les communautés
et permettant la justification de l'intervention des acteurs culturels ; ce
qu'Erhard Friedberg et Philippe Urfalino développent comme une forme de
mécénat qui « permet aux élus d'échapper
à la dénonciation de l'arbitraire de leurs choix » en
finalisant et justifiant socialement leur action pour pouvoir intervenir dans
le domaine culturel. 36 En effet, « (...) moins de la
moitié d'entre eux [les résidents de la Communauté
Urbaine] juge qu'ils [les événements] ont profité à
tous les habitants de l'agglomération (48%) »37. Il y a
certes justification sociale de l'activité culturelle - les projets
culturels sont motivés par une action sociale à mener - mais pas
dénégation cette l'activité, ce qui correspondrait
à une action sociale déguisée qui s'insérerait dans
des opérations culturelles s'adressant à des publics qui
rencontrent des difficultés.
33 « Nancy 2005, le temps des Lumières », le
bilan, juin 2006, p.17.
34 Cf. Etude IFOP, Rénovation de la place
Stanislas et manifestations « Nancy 2005, le temps des Lumières
» : jugements et perceptions des habitants du Grand Nancy, Synthèse
des principaux enseignements, juin 2006, p.11. Méthodologie de
l'enquête : 702 personnes habitants la Communauté Urbaine de
Nancy, âgées de 18 ans et plus, interrogés par
téléphone entre le 18 et 20 avril 2006.
35 Cf. G. Saez « Les politiques culturelles des
villes. Du triomphe du public à son effacement », pp.197-227
36 FRIEDBERG Erhard, URFALINO Philippe, Le jeu du catalogue.
Les contraintes de l'action culturelle dans les villes, Paris, La
Documentation Française, 1984.
37Cf. Etude IFOP, op.cit, p.16.
Toutefois, si toute la population de Nancy et de son
agglomération ne s'est pas forcément déplacée
spécifiquement pour les événements organisés,
l'impact des deux grands rendez-vous de 1999 et de 2005 n'est pas
négligeable puisqu'ils modifient notablement le cadre de vie des
habitants de la Communauté Urbaine, à minima des
Nancéiens. Si certains s'en plaignent : « Les principaux motifs
d'insatisfaction évoqués concernent d'abord les travaux
réalisés : 26% des citations concernent les travaux et leur
impact sur la circulation et le stationnement, 11% la durée des travaux
et la gêne qu'ils ont causé du fait du bruit ou de la
saleté. »38, ce n'est que temporairement. On a tendance
à oublier rapidement la durée des travaux et l'insatisfaction
passagère causée par des troubles des habitudes quotidiennes.
D'autant que « plus de huit habitants de la Communauté Urbaine sur
dix (85%) déclarent que certaines choses ou certains
événements leur ont plu. (...) les plus fréquemment
cités sont les évènements de la place Stanislas (79% de
citations), en particulier la rénovation et la piétonisation de
la place »39. Les lieux rénovés sont des lieux de
passage, empruntés quotidiennement par les habitants, ce sont des lieux
de croisement comme le rappelle magnifiquement Pierre Rosenberg pour la place
Stanislas :
« Nous oublions surtout l'extraordinaire «
croisement » qu'elles [les places, il parle également de la piazza
della Signoria] représentent (et dont elles sont les symboles). S'y
rencontrent, pêle-mêle, le monde des arts, le monde politique et le
monde économique, les ingénieurs, les entrepreneurs, les
administrateurs, les ouvriers, les architectes bien sür et les
sculpteurs... Ils s'y rencontrent dans l'harmonie ou s'y choquent dans le chaos
et la contestation. »40
Ces lieux de « croisement » sont, d'une certaine
façon, des lieux d'interaction sociale. De la même manière
que les musées peuvent l'être dans la mesure où ils
entraînent un dialogue entre les visiteurs qui ne se connaissent pas
forcément.
On pourrait se demander si cette cohésion sociale n'est
pas éphémère, c'est à dire le temps d'un grand
rendez-vous. Or, la présence d'un événement avec une
thématique forte, si elle génère une interaction sociale
plus forte lors d'une grande manifestation, ne désemplit pas
nécessairement après la fin de la manifestation. De même
qu'avant le
38 Cf. Etude IFOP, op.cit, p.8.
39 Cf. Etude IFOP, op.cit,p.6
40 Cf. A. Gady, J.M Pérouse De Montclos (dir.);
De l'esprit des villes : Nancy et l'Europe urbaine au siècle des
Lumières, 1720-1770, p.19.
rendez-vous, l'interaction n'était pas inexistante.
Cette cohésion sociale peut être effective et maintenue
grâce à un sentiment identitaire fort. En effet, selon
Henri-Pierre Jeudy, le culturel est marqueur d'identité et sert de
« soupape de sécurité " à la gestion du
social41. L'élément culturel, s'il est intelligemment
mis en valeur, est un aspect de la politique de la ville qui n'a a
priori pas de raison de diviser les individus d'une même
entité urbaine, tout au moins sur le fond.
« Les événements qui se sont
déroulés en 2005 bénéficient globalement d'une
image très positive. En effet, 94% des habitants du grand Nancy jugent
qu'ils enrichissent le patrimoine historique et architectural, 62% le pensent
« tout à fait », et 91% s'en déclarent fiers, dont 53%
« tout à fait 42.
L'élément qui conforte la ville en 1999 est
identitaire. Le nom de la ville est d'emblée dans l'intitulé de
l'événement : « 1999, l'Année de l'école de
Nancy ". Même si le nom générique de l'école de
Nancy est l'Art Nouveau, tout contribue pour les habitants de Nancy et des
alentours à être fiers de leur « identité locale ". De
même, dans chaque démarche événementielle le nom de
la ville est présent, ainsi en 2005, il s'agit de « Nancy 2005, le
temps des Lumières " et pour 2012, à priori, il s'agira
de « Nancy Renaissance ". On peut des lors se demander comment
fédérer une population autour d'un theme et si celui-ci ne se
révèle pas finalement consensuel.
2. Un thème socialement fédérateur
?
De plus en plus, on recense des manifestations
événementielles telles les parades, les grands
événements pour le passage de l'an 2000, les grands
événements sportifs, les expositions
internationales.43On peut penser que ces manifestations collectives
viennent relayer les anciens liens sociaux rendus possibles grace à la
religiosité, l'appartenance à un syndicat ou à un parti
par exemple. Toujours est-il que si l'on privilégie de tels
événements telles les expositions temporaires par exemple, le
fait est que cela plaît. Cela plaît d'autant plus que la
durée en est limitée et qu'il « faut l'avoir vu " ou pouvoir
dire « j'y étais ". Tout pousse ainsi les villes à investir
pour des événements éphémères mais
41 Cf. H-P Jeudy, La machine patrimoniale,
p.104.
42 Cf. Etude IFOP, op.cit, p.10.
43 M. Gravari-Barbas, « La ville festive ou
construire la ville contemporaine par l'événement ",
PP.279-290
susceptibles de galvaniser les foules plutôt que pour
des dépenses de fonctionnement, certes nécessaires et atteignant
le même ordre de grandeur que les sommes mises en jeu pour des grands
événements, mais dont on a tendance à mesurer
l'efficacité en terme de coûts plutôt qu'en terme de besoins
réels. L'enjeu est en fait différent, il s'agit aussi
d'éviter un investissement qui ne rassemblerait personne, comme nous le
verrons plus loin.
Nancy opte plus pour une politique d'incitation à la
culture plutôt que de réponse à la demande culturelle. Il
s'agit aussi d'inciter la population à se rendre à des
activités qu'elle ne réaliserait pas forcément en allant
au-delà des attentes citoyennes. On tente d'accompagner le public, on le
sensibilise. Il ne s'agit pas de laisser s'exprimer la demande, il s'agit aussi
d'en former une. De surcroît, si le public est mieux sensibilisé
à la culture, il peut désirer plus que ce qu'il aurait
spontanément demandé. La ville et la Communauté Urbaine ne
veulent pas proposer du « tout-gratuit ". Elles proposent de
développer des manifestations qui vont « stimuler le vivre ensemble
"44. On cherche à mélanger le savant et le populaire,
en proposant aussi bien des animations plutôt festives que des animations
plus complexes. Parmi ces opérations festives, on peut recenser pour
2005 : un bal masqué organisé à l'Opéra au profit
d'AIDES, la vente des 92 000 anciens pavés de la place Stanislas
reversée au bénéfice de Médecins du Monde, de
l'Unicef et de l'Association de lutte contre les myopathies, « Tous
à la barre ", 300 mètres de barres d'exercice installées
sur la place Stanislas pour suivre un cours de danse organisé par le
Ballet de Lorraine, le « banquet des Lumières " où une
trentaine de pâtissiers et restaurateurs avaient confectionné 23
000 gâteaux, reproduction de ceux servis à la table de Stanislas
dans un décor aux lustres en cristal de Baccarat, un weekend end autour
de SaintFiacre, patron des jardiniers avec des fleurs et légumes du
XVIIIe siècle exposés et bien sür l'événement
phare de la saison : l'inauguration de la Place Stanislas en présence de
Jacques Chirac, Gerhard Schröder et Aleksander Kwasniewski. En
parallèle des colloques à caractère historique qui
prospèrent tels « Les places élevées à la
gloire de Louis XV ", « Raison et passions au siècle des
Lumières ", « Lumières, religions et laïcité "
ou encore des manifestations culturelles nationales spécialement
délocalisées comme les « Rencontres de la Villette " et
« les Entretiens du patrimoine ». Cette volonté d'organiser
des manifestations destinées à l'ensemble de la population
s'affiche d'ores et déjà dans le préambule de
l'événement Nancy Renaissance : « Les manifestations qu'il
est envisagé
44 Cf. J.P Saez, op.cit, p.18.
d'organiser en 2012 s'efforceront, bien entendu, de conjuguer
qualité du contenu et audience populaire et auront pour ambition de
mieux faire connaître cette passionnante époque, de la
révéler au grand public. »45. En outre, des
actions de médiation sont mises en place à destination du jeune
public pour le sensibiliser. A ce titre, en 2005, les enfants ont pu
bénéficier d'événements festifs en partenariat avec
leurs écoles en participant à un Carnaval46 sur le
theme du XVIIIe siècle. Le projet avait d'ailleurs été
initié lors de l'exposition sur Jacques Callot. De façon
semblable, toujours en partenariat avec leurs écoles, ils ont pu
découvrir le patrimoine nancéien en visitant des chantiers ou
avoir une réflexion sur les valeurs du XVIIIe siècle lors de la
Journée Européenne des droits de l'enfant. De même, les
manifestations régulières, organisées par la ville, telles
la Saint Nicolas ou le livre sur la Place47 prévoient dans la
programmation de l'événement quelques rencontres ou themes en
lien avec le sujet. Ainsi, on réussit à fédérer les
gens autour d'un projet plutôt festif qui aura tendance ainsi à
rassembler du monde. « L'événement se substitue en quelque
sorte aux fêtes locales populaires du passé »48.
On peut se demander si on n'opte pas pour le choix de la facilité en
trouvant un theme qui fait consensus.
S'agit-il d'une stratégie d'exposition que de
redécouvrir un thème pour obtenir l'appui du public ? Peut on
penser comme Laurent Wolf qu'il « s'agit d'amener le plus grand nombre de
gens à la porte du musée [et par extension des lieux de culture]
et de leur signifier avant qu'ils ne la franchissent : vous avez raison d'aimer
(...) » ? 49. Il nous faut cependant modérer notre
propos étant donné que la thématique choisie pour les
grandsrendez-vous n'a pas toujours été un theme qu'on pourrait
qualifier de « classique » au sens où il est plus ou moins
connu de tous. Si la Renaissance et les Lumières peuvent
apparaître plus redondants au regard des publications déjà
existantes, de leur présence inscrite dans les manuels scolaires mais
aussi parce que sont des thématiques communes en Europe, il
n'était pas forcément aisé de traiter des sujets tels que
Jacques Callot et l'Ecole de Nancy,
45 Cf. « En 2012, Nancy, le Grand Nancy et la
Lorraine célèbreront la Renaissance », p.2.
46 Le Carnaval est organisé tous les ans par
les écoles de Nancy.
47 Le livre sur la Place est un salon du livre qui se
tient - depuis la rénovation de la Place Stanislas - sur la place
Carrière à chaque rentrée littéraire,
généralement le 3e weekend de septembre. La
Saint-Nicolas, fête du saint-patron des Lorrains a lieu tous les ans le
weekend suivant le 6 décembre. (Pour plus d'informations, consulter :
www.lelivresurlaplace.fr
et
www.saint-nicolas.nancy.fr
)
48Cf. G. De La Porte du Theil, « La
création d'un événement : un métier et des
savoir-faire », Cahiers Espaces, n°74, août 2002,
p.105.
49 Cf. L. Wolf, « La vérité des
grandes expositions. Critique et soumission à l'autorité
», Etudes, 2003/2, tome 398, pp.229. Dans cet article Laurent
Wolf fait référence à l'exposition Modigliani de 2003 au
Musée du Luxembourg.
pour lesquels le regain d'intérêt est
relativement récent.50Il était peut-être plus
facile cependant d'utiliser ces deux dernières thématiques dans
la mesure où elles sont spécifiquement nancéiennes et
elles permettent de capter un public local, voire régional avant que
d'avoir des ambitions plus gargantuesques. A l'inverse pour les
thématiques que l'on dira classiques la difficulté est inverse,
il faut en extraire une spécificité nancéienne. Dans le
même temps un thème connu, reconnu facilement par le grand public,
évoque déjà certaines images mentales.51
D'où peut être une facilité du choix du theme que l'on
pourrait reprocher à la ville de Nancy particulièrement aux
organisateurs du projet.
On pourrait penser qu'il s'agit d'une aisance que se
permettent les conservateurs en utilisant des périodes historiques
qu'ils imaginent « comme le point central et vital de transition pour la
construction de la réalité d'aujourd'hui ».52
Pour autant, il semble nécessaire d'avoir pour point de départ un
patrimoine déjà présent sur lequel la ville et la
Communauté Urbaine peuvent se reposer. 96% des habitants de la
Communauté Urbaine jugent d'ailleurs que ce type de manifestations est
utile pour la mise en valeur du patrimoine historique53. Puisque
l'événement va animer non seulement le patrimoine, les
musées et la ville entière pour une durée minimale de
quatre mois (1999) à un an (2005), il s'avère nécessaire
de faire ce choix. En effet, les habitants connaissent, de visu au moins, ce
patrimoine ou croient le connaître parce qu'ils sont
pénétrés de ces lieux qu'ils côtoient
fréquemment. Il serait particulièrement déplacé
qu'une ville, qu'elle qu'elle soit d'ailleurs, pour un événement
d'une telle envergure, organise tout un événement fondé
sur un propos historique qui ne la concerne pas, ou de très loin. Il
semblerait par exemple invraisemblable que Nancy monte un
événement sur le Paris haussmannien. Evoquer vaguement le Paris
haussmannien en tant que repère historique par rapport à un
propos sur Nancy à la même période se montrerait plus
approprié. C'est d'ailleurs ce qu'a fait le Musée des Beaux Arts
lors de l'exposition De l'esprit des villes Nancy et l'Europe
urbaine
50 L'année Callot, nous l'avons vu
correspondait à une rétrospective de la totalité de
l'oeuvre gravée. L'intérêt pour l'école de Nancy est
porté dans les années 1970-80 par de jeunes historiens qui
s'intéressent à la période, l'Inventaire
général des monuments historiques travaille sur les immeubles Art
nouveau depuis les années 1980. Parallèlement, les objets Art
nouveau, trouvent un regain d'intérêt sur le marché de
l'art, notamment japonais, qui ne désemplit pas.
51 Cf. N.Drouguet, « Succès et revers des
expositions-spectacles », Culture et musées n°5, juin 2005,
pp.65- 88
52 Cf. A. Detherige « Le musée, le public,
les médias » dans J.Galard, op.cit, p.71
53 Cf. Etude IFOP, op.cit, p.15.
au siècle des Lumières, 1720-1770 en
évoquant d'autres places royales contemporaines de la place royale de
Nancy (actuelle place Stanislas) en France et en Europe. C'est ce que
s'efforcent de faire les organisateurs des événements, Nancy 2012
s'appuiera avant tout sur le patrimoine Renaissance de la vieille ville avant
de se reconsidérer dans un propos plus général. Il en
était de même en 1999 avec un patrimoine Art Nouveau
particulièrement riche, étendu dans toute la ville même si
des ressources extérieures ont été utilisées.
Par ailleurs, on connaît l'enjeu de mise en oeuvre
d'expositions. Elles ont un coüt de réalisation élevé
de par la sécurité et les frais d'assurance mis en place. De
fait, il est préférable pour les institutions organisatrices de
bénéficier d'un retour sur investissement, tout au moins de
couvrir les frais engagés54. Cette stratégie peut
infléchir sur les décisions politiques, budgétaires
notamment en choisissant d'abord des themes classiques. D'où le
phénomène d'expositions « blockbusters »
déjà évoqué, expositions aux titres suggestifs,
faisant référence aux ages d'or et aux trésors qui vont
capter l'attention du public, comme des financeurs qui veulent investir dans
des valeurs sûres. Ces expositions à succès qui s'invitent
dans nos musées sont issues directement de la récupération
publicitaire par les musées avec, de plus en plus, un système de
réservations qui est instauré. Le déplacement exceptionnel
d'une oeuvre constitue parfois à lui seul l'événement.
55 On sait d'ores et déjà que le Musée des
Beaux Arts accueillera en 2012 quelques oeuvres du Musée des Offices de
Florence. Qu'elles que soient ces oeuvres, derriere elles se glisse la notion
fascinante de chef d'oeuvres, susceptible d'attirer des visiteurs.
Le patrimoine apparaît comme un miroir de
l'identité de la collectivité lui permettant de se construire, de
se montrer et de s'exposer. On réinterprète le passé au
bénéfice des temps présents, pour revendiquer une place
dans l'histoire et dans l'actualité.
54 Cf. V. Patin, op.cit, p.44.
55 Cf. R. Rapetti, op.cit.
B. Le patrimoine « la mémoire embellie
»56 ?
Il conviendra de se demander quelle est
l'interprétation faite du patrimoine. S'agitil de rester attaché
à un passé dans lequel on se conforte ou bien de mettre en
perspective les valeurs acquises par le passé pour les confronter
à notre période moderne ?
Cette problématique avant même qu'une politique
de grands rendez-vous ne soit mise en place faisait déjà l'objet
d'un questionnement de la part du maire lors de l'exposition sur Jacques Callot
:
« C'est un extraordinaire privilege que d'avoir à
gérer l'avenir d'une ville au passé aussi prestigieux. C'est
également une lourde responsabilité. Car le souvenir des talents
et le charme des monuments ne sauraient justifier que l'on interrompe
l'exploitation de nos gisements de création. Nancy doit rester la source
d'idées et d'oeuvres qu'elle a toujours été, en pleine
activité. »57
1. Valeur d'existence et de non-usage du patrimoine et des
monuments
Le patrimoine et les musées ont une valeur de
contemporanéité 58 (Gegenwartswerte) qui correspond au
présent, aux valeurs d'usage et artistiques qui en sont faites. Un
monument constitue l'emblème, ou l'un des emblèmes, de
l'identité locale, l'image dominante dans la représentation de la
destination. La Place Stanislas est l'un de
56 Cf. Nancy 2005, le temps des Lumières
; dossier de presse, septembre 2004, p.19 et 21.
57 Voir la préface dans C.Pétry,
J.Thuillier ; L'art en Lorraine au temps de Jacques Callot,
Musée des Beaux Arts de Nancy, 13 juin-14 septembre 1992, Paris,
RMN, 1992, p.12.
58 A.Riegl, Le culte moderne des monuments,
Le Seuil, 1984.
ceux-ci. C'est un élément investi par la
population qui lui procure un « sentiment d'appartenance
»59, qui fait qu'elle se reconnaît comme telle, au
travers de ce patrimoine identitaire. Ce dernier est constitué par sa
valeur d'existence, c'est-à-dire la valeur symbolique que lui attribue
la population (en termes d'identité, d'embellissement des lieux et de
sens de l'histoire) 60. Le musée en tant que volet du
patrimoine a également une valeur d'existence, reconnu comme le «
lieu de cristallisation d'une mémoire, d'une identité en
résonance d'une société, de personnes ayant vécu
là, vivant encore, vivant un jour »61. Les habitants ont
saisi, consciemment ou non, ce patrimoine comme un des « reflets
intelligibles de leur histoire, de leur culture » 62 en le rendant visible
et identifiable par d'autres. Par le regard que les « modernes »
posent sur lui et non pour son caractère ontologique, le monument, au
sens où l'entend Riegl63, acquiert une valeur. Une des
caractéristiques du monument est qu'il a une action sur la
mémoire. Il la mobilise au moyen de l'affectivité, « de
façon à rappeler le passé en le faisant vibrer par le
présent ».64 Le monument possède un rôle
métaphorique : il ressuscite un passé privilégié
dans lequel ceux qui le regardent sont réintroduits. De fait, dans nos
sociétés contemporaines, selon Henri-Pierre Jeudy65;
on ne rêverait plus à l'époque suivante qu'en
s'obsédant à lui léguer un patrimoine. On aurait
plutôt une certaine complaisance dans l'idée que le «
passé éclaire le présent. »66. Le danger
serait d'obtenir une approche historique, muséographique et patrimoniale
hagiographique 67 s'appuyant sur une représentation
magnifiée de la société et de la culture locale qui
matérialiserait des images mentales réinterprétées
positivement par la société.68
59 Cf. M. Gellereau, « Mutations et
stratégies de valorisation patrimoniale : les identités multiples
des territoires », p.26.
60 Cf. V .Patin, op.cit, p.135.
61 Cf. S. Grange, « Le territoire du conservateur
», Musées et collections publiques de France,
n°221-222, décembre 1998-mars 1999, p.102.
62 Cf. H-P. Jeudy, La machine patrimoniale,
p.14.
63 Riegl rappelle l'étymologie de monument (du
latin monumentum, dérivé de monere qui signifie
avertir, rappeler), c'est donc ce qui interpelle la mémoire. C'est
à dire à la fois un édifice, une oeuvre d'art, des
archives...
64 F. Choay, L'allégorie du
patrimoine, p.14.
65 Cf. La machine patrimoniale.
66 Cf. H.P Jeudy, ibid. p.14.
67 Cf. N.Drouguet, « Succès et revers des
expositions-spectacles », Culture et musées n°5, juin 2005,
pp.65- 88.
68 Evoqué dans l'article de M. Regourd, «
Le musée, un espace de communication, symbolique des mutations
politiques » .
Pour autant même si, en apparence, la ville et la
Communauté Urbaine donnent l'image d'une « mémoire embellie
»69 qui pourrait faire croire à un maintien symbolique
du patrimoine tel qu'il était dès sa construction, cela est assez
rapidement démenti, dès lors qu'on sait que : « la
restauration de l'ensemble architectural du XVIIIe siècle correspond
à la préservation, l'entretien et la conservation de
bâtiments remarquables placés sous la responsabilité de la
ville. » 70. Le monument historique est en effet censé
avoir une place immuable et définitive, et une conservation sans
condition. Bien que l'on s'efforce de rechercher la « valeur historique
»71 du monument, l'état le plus proche de l'état
initial, une authenticité originelle, comme le veut la Charte de Venise
: « Elle [L'humanité] se doit de les [les oeuvres monumentales]
leur transmettre dans toute la richesse de leur authenticité.
»72. C'est un idéal que l'on peut étendre au
patrimoine - comme le remarque Pierre Rosenberg pour la place Stanislas - vers
lequel on tend: « Nous les voyons [les places della Signoria et Stanislas]
telles qu'elles nous sont parvenues. Nous oublions les étapes de leur
élaboration, de leur construction, ce qui les a
précédées, les modifications et les transformations
qu'elles ont pu connaître (ou subir) et qu'à coup sur elles
connaîtront encore. » Comme me le suggérait M. Maigret lors
de notre entretien, « utiliser le patrimoine n'est pas uniquement
restituer le patrimoine à l'identique, uniquement à travers
l'imitation ».73 C'est le travail qu'a effectué
Pierre-Yves Caillaut, architecte en chef des monuments historiques, en tentant
de retrouver l'état initial de la Place Stanislas grace aux archives et
représentations conservées mais en tentant d'imaginer la nouvelle
place, carrefour de rencontres sans plus être carrefour de circulation.
Quelques débats ont d'ailleurs eu lieu pour savoir s'il fallait rouvrir
une carrière de pierres semblables à celles qui se trouvaient sur
la place ou s'il fallait réintégrer la statue de Louis XV,
remplacée par celle de Stanislas à la Révolution,
repeindre les ornements sur l'arc Héré ... Finalement, les
pavés ont été choisis de taille un peu moins
inégale qu'à l'origine. L'arc Héré a
été repeint, les grilles qui entouraient la statue n'ont pas
été reposées pour laisser les Nancéiens s'asseoir
sur les marches. De même, l'éclairage a été
envisagé différemment, orienté du bas vers le haut et en
éclairant également les fontaines. Ainsi, comme me le
suggérait Mme Noël : « Il s'agit d'une articulation permanente
entre le patrimoine et la
69Nancy 2005, le temps des Lumières ;
dossier de presse, septembre 2004.
70 Cf. ibid., p.22.
71 Cf. A.Riegl, op.cit.
72
http://www.icomos.org/docs/venise.html
73 Entretien M. Maigret, 20 janvier 2010, CUGN
Nancy.
modernité. C'est une interrogation sur le patrimoine
plutôt qu'une commémoration. ».74En s'interrogeant
sur le patrimoine, il s'agit aussi de la valoriser et le faire mieux
connaître sans nécessairement être chauvin. Or, bien
souvent, on connaît mieux des endroits éloignés que son
propre lieu de vie, ce que manifeste André Rossinot dans son
introduction au Bottin des Lumières 75: « Etre
responsable d'une ville, c'est aussi (...) faire en sorte que les gens se
reconnaissent dans leur ville, aient envie de se l'approprier, de la
découvrir, car bien souvent ils en méconnaissent tout autant la
géographie que l'histoire. ». C'est pourquoi, il est question pour
2012 de s'intéresser non seulement au patrimoine Renaissance de Nancy
mais aussi de s'associer à d'autres villes lorraines qui disposent d'un
patrimoine Renaissance.76
Pourtant, même s'il ne s'agit pas de se remémorer
un patrimoine en restant nostalgique du passé, il est question toutefois
de le transmettre, comme l'indique le bilan de l'événement Nancy
2005, le temps des Lumières :
« Ce patrimoine hérité du passé, il
nous appartient de le maintenir en état, de l'entretenir, de le
valoriser, de l'embellir pour être en mesure de le transmettre aux
générations futures. Cette démarche
transgénérationnelle dépasse bien évidemment la
seule échelle du cycle de vie d'un homme ».77
Autrement dit, il s'agit d'une « valeur de non-usage
» attribuée au patrimoine à savoir la transmission du bien
aux générations futures.78 S'il s'agit d'une valeur de
conservation dont les révolutionnaires se prévalaient pour
pérenniser et léguer le patrimoine ; elle n'en oublie pas moins
de questionner le présent et de le mettre au regard du passé.
2. Deux versants modernes de l'événement
autour du patrimoine :
la contemporanéité et la
prospective.
Il s'agit pour une part de « poser un regard
différent sur notre patrimoine » 79 en invitant des artistes
contemporains à investir la ville et les musées. Par le biais de
la commande publique, Nancy a demandé à l'artiste plasticien
Pierre Bismuth d'intervenir.
74 Entretien téléphonique avec Mme
Véronique Noël le 11/03/2010
75 Cf. Bottin des Lumières, p.8.
76 Ainsi, il est prévu, dans la mesure
où les villes l'accepteront, d'associer à
l'événement les villes de Sillegny (57), Bar-le-Duc, Marville et
Saint-Mihiel (55).
77 Cf. « Nancy 2005, le temps des Lumières
», le bilan, op.cit., p.6.
78 Cf. V. Patin, op.cit, p.135.
79 Cf. B. Chavanne dans C.Creste, P-A.Gette, G.Mansart
; Quand le 21e regarde le 18e, p.3.
Celui-ci a installé dans la ville autour du patrimoine
XVIIIe de Nancy 8 demi-sphères en miroir réfléchissant
d'un mètre de diamètre, incitant ainsi à poser un regard
différent sur les monuments qui imprègnent les passants. Une
autre commande publique s'était crée pour le plafond de
l'Opéra, qui revisitait la notion de lustre. Par ailleurs, le
Musée des Beaux Arts a cherché également à
promouvoir l'art contemporain au sein de ses collections. Selon Blandine
Chavanne80, « le Musée des Beaux Arts a toujours
présenté des oeuvres contemporaines à ses contemporains
donc il n'y avait pas lieu que le musée ne présente pas d'art
contemporain. » Pour 2005, deux expositions se sont tenues au Musée
des Beaux Arts : « Quand le 18e regarde le 21e
», véritable dialogue entre les collections anciennes du XVIIIe du
musée et la création contemporaine - « invitation à
la lecture de notre passé permettant son appropriation »
-81 ainsi que « Pour de vrai » en partenariat avec le
Consortium de Dijon et la Fondation de France.
En outre, même si les Nancéiens et les touristes
ne le voient pas forcément, l'obsession de l'événement est
d'avoir un versant actuel ou prospectif pour l'avenir. La ville ne veut pas
donner l'image qu'elle vit en permanence sur sa gloire passé, et
s'interroge sur le présent comme sur l'avenir. Ainsi, lors de colloques
et débats d'idées sont engagés en parallèle des
expositions et des manifestations festives. « 1999, l'école de
Nancy », pose par exemple la question de l'art et l'industrie aujourd'hui.
« Nancy 2005, le temps des Lumières » avec Voltaire et l'exil
des Jésuites réfugiés en Lorraine invitent à se
demander ce que sont la laïcité, la tolérance ou l'asile
aujourd'hui. Si l'exposition du Musée des Beaux Arts « De l'esprit
des villes, Nancy et l'Europe urbaine au siècle des Lumières,
1720-1770 » s'interroge sur les places royales au XVIIIe siècle,
l'exposition « Avenirs de ville » organisée sur le site Alstom
invite à se demander ce que seront les villes de l'an 3000. De
même les événements de 2012 sur la Renaissance proposeront
certainement un regard sur l'imprimerie et l'enjeu actuel du numérique.
On est en présence à la fois d'« événements
qui parlent du passé mais qui invitent à s'interroger sur
l'avenir »82.
80 Conservatrice au Musée des Beaux Arts de
Nancy de novembre 2000 à novembre 2006. Entretien
téléphonique du 14/04/2010.
81 Cf. B. Chavanne dans C.Creste, P-A.Gette, G.Mansart
; Quand le 21e regarde le 18e, p.3.
82 Entretien M. Maigret, 20/01/2010, CUGN.
Outre la volonté d'impulser une cohésion sociale
forte entre les habitants au moyen d'une thématique qui rassemble
quelque soit le milieu social d'origine, l'événement tente de
mettre le patrimoine au centre de ses efforts en évitant de sombrer dans
une complaisance nostalgique du passé. Cependant, au-delà de ce
dessein se dissimulent peut-être des intérêts sous-jacents
d'un autre ordre.
II. Les enjeux pour la ville : visibilité et
attractivité
A. Une mutualisation financière de moyens
La ville n'investit pas seule et elle n'investit pas non plus
gratuitement. En offrant des moyens considérables, la ville a dans
l'idée d'obtenir une contrepartie économique utile pour son
développement. Voyons des à présent, les solutions qu'elle
se donne pour l'aider financièrement à supporter le projet mais
également les moyens de légitimer ses dépenses.
1. Les acteurs institutionnels.
Comme l'indique Mme Valérie Thomas « [Les
activités : expositions, colloques.] ne pouvaient être
menées et soutenues que par une ville disposant de moyens humains,
techniques et financiers ».83 Nancy en a fait le pari.
Même si la ville est à l'initiative du projet de grand
événement, elle ne peut supporter à elle seule la
totalité financière de l'événement. La
Communauté Urbaine, le département, la région et l'Etat se
sont associés au projet. Le budget total consacré entre 2003 et
2005 pour « Nancy 2005, le temps des Lumières » est de 9, 45
millions d'euros. L'Etat a participé à hauteur de 1,524 M€ -
dont 1 M€ du seul fait du Ministère de la Culture - soit 16,1 % du
budget. 12 ministères ont participé : le ministère de
l'Intérieur et des cultes pour le colloque « qu'est-ce que la
laïcité ? » a par exemple fourni 15 000€. Les
collectivités locales oeuvraient pour 62, 7% du budget avec 5,93 M€
répartis entre le Conseil Régional : 0,920 M€ ; 0,560
M€ pour le
83 Cf. V. Thomas, « L'année de
l'école de Nancy » dans Musées et collections publiques
de France, n° 235- 236, 2002/1 et 2, p.36.
département, 1,75 M€ pour le Grand Nancy et 2,70
M€ pour la ville de Nancy. 84 A titre de comparaison pour
« 1999, l'école de Nancy », les dépenses se
répartissaient comme suit : « Les dépenses de fonctionnement
de la ville de Nancy s'élèvent à 30,5 millions de francs,
les recettes à 23,9 millions de francs et le partenariat à 12
millions de francs »85. Quoiqu'il en soit l'engagement de
crédits est validé par les élus en dernier ressort.
Certains élus demeurent plus intéressés que d'autres, mais
beaucoup des élus de la Communauté Urbaine s'associent
également au projet en tant que maires de leurs communes pour pouvoir
associer un dispositif lié au grand événement dans leur
commune. Toutes les forces des communes assemblées permettent de
contribuer au dynamisme de celles-ci. Les animations proposées dans
chacune des communes en susciteront d'autres par la suite.
2. Mécènes et entreprises partenaires
Souvent les partenaires privés viennent prendre le
relais des investisseurs publics. On qualifie cela d'«effet multiplicateur
des investissements publics »86. 47 entreprises partenaires ont
apporté une participation financière équivalente à
2 millions d'euros, dont 1,4 millions d'euros en numéraire pour «
Nancy 2005, le temps des Lumières ». Le mécénat s'est
effectué non seulement en apport numéraire, mais aussi en apport
de communication. La SNCF87 a diffusé 2 ,5 millions de
pochettes pour billets à l'effigie de « Nancy 2005, le temps des
Lumières ». La Poste avait imprimé un timbre
spécifiquement pour l'événement88. La
société Baccarat lors du « Banquet des Lumières
» avait réalisé la mise en lumière de l'Arc
Héré et de la place Carrière. La CONNEX,
société d'exploitation du tramway, en 2005 avait imprimé
des « pass Stan » aux couleurs de « Nancy 2005, le temps des
Lumières ».
84 Cf. « Nancy 2005, le temps des Lumières
», le bilan, p.43.
85 Cf.V. Thomas, op.cit, p.36. [soit en
€ : 4,5 Millions d€ dépensés: 3, 6 M€ de recettes
et 1,8 M€ de partenariat. Le taux de conversion utilisé est :
6,55957F= 1€]
86 Cf. H.Salllet-Lavorel, P.Lecroart, op.cit.
p.45.
87 En 2005, Nancy était encore à 2h40 de
Paris. Le TGV, arrivé en 2007, sépare les 2 villes en seulement
1H30 de transport. Ce qui est hautement profitable pour
l'événement à venir. Rien n'empêche désormais
un aller-retour dans la journée à Nancy pour se rendre à
une exposition ou à un colloque au même titre qu'un aller-retour
Paris-Lille ou Paris-Lyon.
88Cf. « Nancy 2005, le temps des Lumières
», le bilan, p.44.
B. Légitimer l'action publique
Pour parfaire sa renommée, les missions successives -
répondant à des procédures d'appels d'offres - ne
travaillent pas seules pour programmer l'événement. Elles
travaillent avec les institutions précédemment nommées
pour trouver des financements et accroître l'ampleur de
l'événement. Mais la légitimation ne se fait pas
uniquement à travers l'apport numéraire d'institutions et
d'entreprises partenaires. Un soutien intellectuel et un support
communicationnel sont nécessaires pour soutenir
l'événement et en assurer la qualité.
1. « Ne pas jouer cavalier seul »
a) De la nécessaire mise en place d'une
gouvernance89
En 1999 et 2005, une mission et ses chefs de
mission90oeuvrent avec des collaborateurs de la ville de Nancy et de
la Communauté Urbaine notamment le service des marchés publics de
la ville de Nancy et le service des marchés financiers. Pour 2012, le
dispositif est différent, il est lié aux budgets restreints, M.
Maigret, au sein de la Communauté Urbaine du Grand Nancy est chef de la
mission Renaissance qui a pour
89 On entend la signification de gouvernance au sens
où l'entend Anne Gombault dans l'article « Ouvrons la boite noire
de la gouvernance des organisations culturelles » dans Espaces,
n°268, mars 2009, pp.14-15, c'est-à-dire comme : « l'ensemble
des structures et des processus utilisés par le conseil d'administration
d'une organisation pour la conduire dans le but d'exercer sa
responsabilité ».
90 « Comité Mission Nancy 2005 » sous la
direction de Nadine Descendre.
objectif de mettre sur pied le grand événement.
L'opération sera cette fois-ci réalisée en interne. Pour
une bonne configuration de l'événement, il est essentiel que les
acteurs de la gestion politique s'entendent sur le rôle qu'ils ont
à jouer afin d'assurer le qualité de la manifestation. Il s'agit
d'avoir un conseil d'administration cohérent, qui respecte la loi par sa
mission de service public, administré par des personnes ayant des
compétences complémentaires. Selon Johanne Turbide, professeur
à HEC-Montréal :
le« casting idéal » pour une bonne
gouvernance et le fonctionnement optimal d'un organisme culturel est
composé : « d'individus qui adherent à la mission et qui en
comprennent le processus de création, d'individus plus près de la
gestion interne, qui peuvent aider les gestionnaires à mieux surveiller
les enjeux financiers et administratifs, d'individus qui peuvent « ouvrir
des portes » à l'organisation c'est à dire des gens qui
possèdent un réseau de contacts utile aux aspirations de
l'entité ».91
En ce sens, le maire, président de la CUGN est l'un des
initiateurs du processus de création puisqu'en 1999, le projet
émane de sa personne pour marquer le passage à l'an 2000 et en
2005, le projet était porté non seulement par la ville de Nancy
mais également par la Communauté Urbaine pour piétonniser
la ville. Les élus à la culture tant de la ville que de la
Communauté Urbaine adhèrent également au projet,
puisqu'ils sont directement concernés par les institutions dont ils ont
la charge qui détiennent le contrôle scientifique de
l'événement. M. Maigret et sa collaboratrice Mme Liotet
s'occupent de la gestion interne. Les élus aux finances de la CUGN sont
gestionnaires du projet au sein d'un comité économique. De
même, un comité « sciences et techniques »,
chargé des projets qui se développeront dans le prolongement de
l'année événementielle, et un comité «
patrimoine et projets urbains », chargé de la mise en oeuvre des
opérations de restauration, viennent les soutenir dans leurs actions. En
outre, chacun des élus de la Communauté Urbaine peut
posséder un réseau de contacts, utiles à
l'événement et peut se sentir intéressé par
l'événement dans la mesure où il concerne la discipline
dont il a la charge. L'élu à l'économie a par exemple cru
bon de rappeler pour 2012 que la Renaissance marque la présence
d'italiens en Lorraine, voit naître la banque et c'est également
la période de la découverte des Etats-Unis. D'où peut
être l'utilité de mentionner au sein d'une exposition ou d'un
atelier ces moments historiques. En outre, le maire de Nancy, André
Rossinot et son adjoint à la Culture, Laurent Hénart comptent
parmi ces personnes qui « ouvrent des portes » en faisant
bénéficier de leurs réseaux dans la mesure où l'un
est ancien ministre,
91 Cf. J.Turbide, « L'enjeu de la gouvernance :
prévenir plutôt que guérir », Espaces,
n°268, mars 2009, p.26.
l'autre est député. Par ce biais, en 2005, Nancy a
pu attirer l'émission « Des racines et des ailes » pour une
émission spéciale à l'occasion des 250 ans de la place
Stanislas.
L'avantage de cette gouvernance est que la dimension en est
intercommunale. Ce qui évite de développer des offres
concurrentes ou s'ignorant les unes les autres. On regroupe ainsi les forces de
chacun. De fait, afin d'éviter les doublons, Nancy cherche à
s'allier avec Metz pour l'événement de 2012.92 Cela
correspond également à une perspective plus globale de
regroupement régional pour faire le poids à l'échelle
mondiale.93
b) Réseaux et partenariats
Par ailleurs, les élus locaux sont assistés d'un
comité scientifique. Certains des élus y sont d'ailleurs
intégrés. C'est le cas en 2005 d'André Rossinot, maire de
la ville ; Michel Dinet Président du Conseil général de
Meurthe et Moselle ; Roger Gauthrot, Vice-président de la CUGN;
Jean-Pierre Masseret, Président du Conseil régional de Lorraine,
Sophie Mayeux, adjointe au maire de Nancy et Philippe Nachbar, sénateur
de Meurthe et Moselle. Celui-ci est composé aux deux tiers de
scientifiques parmi lesquels historiens, historiens de l'art, historiens de
l'architecture, universitaires, spécialistes de la période
considérée dans des domaines réservés, de
sociologues, philosophes s'associent à des personnalités à
la tête d'institutions qui à terme deviendront des partenaires de
l'événement parce qu'elles ont des compétences
spécifiques. La Bibliothèque Nationale de France, le Musée
national de la Renaissance à Ecouen, le Centre d'études
supérieures sur la Renaissance de Tours s'associent déjà
à l'événement de 2012. Le prestige de ces
établissements permet ainsi d'appuyer la notoriété de
l'événement. La présence de spécialistes permet,
malgré les querelles de chaire, d'avoir des « gardiens du temple
» pour faire valoir une cohérence intellectuelle et pour fournir
également des idées d'actions. En
92 En se rapprochant par exemple de Jean-Marie Pelt,
président de l'Institut européen d'écologie à Metz,
présent dans le Conseil scientifique.
93 La loi en réflexion sur les
collectivités territoriales tentera à priori de redessiner la
carte du territoire français, en diminuant le pouvoir des
départements et en favorisant les pôles métropolitains
majeurs. Il s'agira manifestement du « sillon lorrain » pour l'axe
Thionville-Metz-Nancy-Epinal. Les compétences seront amenées
à être révisées. Il semblerait qu'une logique de
mutualisation des moyens sur un même domaine soit de rigueur. Les villes
auront tout intérêt à travailler ensemble sur des sujets
communs.
2005, le Musée Lorrain pour l'exposition «
Stanislas, roi de Pologne » avait fait l'objet d'un partenariat
prestigieux avec le château royal de Varsovie. Le Musée des Beaux
Arts avait travaillé en collaboration avec la Fondation de France et le
Consortium de Dijon et fera l'objet d'un partenariat avec le Musée des
Offices de Florence pour 2012. La présidence du comité
scientifique permet aussi d'ouvrir son carnet d'adresse. Ainsi, en 1999,
François Loyer dirigeait le comité scientifique, suivi de Pierre
Rosenberg en 2005 et de Claudie Haigneré qui assure sa présidence
jusqu'en 2012. François Loyer et Pierre Rosenberg ont été
commissaires d'exposition respectivement pour Peinture et Art nouveau,
« Fleurs et ornements, « Ma racine est au fond des bois »
94 et « De l'esprit des villes : Nancy et l'Europe urbaine au
siècle des Lumières, 1720-1770 ».95 Les
instances organisatrices sont d'ailleurs bien conscientes de l'importance de
ces partenariats, on peut ainsi lire dans le catalogue du bilan de « Nancy
2005, le temps des Lumières » que : « Nancy, le Grand Nancy et
leurs partenaires peuvent s'appuyer sur le réseau ainsi constitué
pour le montage de projets à venir ».96 Le renom de
certaines personnes telles Laure Adler, Jean-Pierre Changeux, Bertrand-Pierre
Galey , Bernard Latarjet ou la référence des institutions qu'ils
représentent - respectivement France Culture, le Collège de
France, le Muséum National d'Histoire Naturelle, La Villette - et qui
sont des modèles suffit parfois à faire événement.
Le prestige des institutions partenaires et la réputation des
commissaires d'exposition peuvent donc anéantir les
désapprobations puisque la qualité du contenu est
assurée.97 Le fait de travailler régulièrement
avec des institutions nationales, tout au moins, des institutions de
référence permet de valoriser l'image de la ville, d'assurer un
contact récurrent avec des établissements phares et de s'assurer
une visibilité à minima nationale. Aussi, on peut supposer que si
l'orfèvrerie de Pouilly récemment découverte98,
a été qualifiée de trésor national99,
elle l'a peut être été plus facilement dans la mesure
où les institutions muséales nancéiennes ont
déjà eu de nombreux contacts avec le Ministère de la
Culture et de la Communication et plus particulièrement la Direction des
Musées de France. Contacts relativement intenses lors des grands
rendez-vous notamment
94 Par ordre : au Musée des Beaux Arts de Nancy
et au Musée de l'Ecole de Nancy du 24 avril au 26 juillet 1999
95 Musée des Beaux Arts de Nancy du 7 mai au 22
août 2005.
96 Cf. « Nancy 2005, le temps des Lumières
», le bilan, p.10.
97 Cf. l'article de L.Wolf, « La
vérité des grandes expositions. Critique et soumission à
l'autorité », Etudes, 2003/2, tome 398, pp.223-231.
98 Et qui sera exposée en 2012 au Musée
Lorrain. Cf. Annexe n°1.
99 Pour plus d'informations sur le trésor
national, voir Livre I, titre I, Chapitre Ier du Code du patrimoine
en 2005, où trois des expositions organisées au
titre de « Nancy 2005, le temps des Lumières " avaient
été reconnues « d'intérêt national ".
En outre, des partenaires extérieurs s'invitent aussi
pour les événements. M. Gérard Coing,100
travaillant au service « valorisation du patrimoine » pour
l'architecture et les monuments historiques à la DRAC-Lorraine avait
réalisé en 1999 une visite virtuelle de la maison
Bergeret101 sur le site Internet de la DRAC. Pour la Renaissance, il
est actuellement en train de préparer une carte interactive des objets
statuaires classés monuments historiques d'ores et déjà
présents sur la base Palissy de l'Inventaire Général du
Patrimoine.102 L'Inventaire Général du Patrimoine
travaillait sur le patrimoine Art Nouveau lors de « 1999, l'année
de l'école de Nancy " et sur le patrimoine XVIIIe en 2005, ce dont
témoigne la contribution de Mireille-Bénédicte Bouvet,
conservateur régional à la DRAC, dans les catalogues
d'exposition.
Par ailleurs, pour ces événements, les
contributions universitaires sont généreuses. Dans les catalogues
d'expositions notamment mais aussi pour le montage des expositions. Les
conservateurs font aussi valoir leurs réseaux : d'autres conservateurs
peuvent intervenir dans la réalisation d'une exposition, comme le
remarquait Mme Francine Roze, conservateur en chef du Musée Lorrain :
« La préparation d'une exposition (...) fait partie
intégrante du métier du conservateur. C'est
généralement de lui que relève le commissariat et tout le
travail scientifique d'une telle manifestation. Mais il peut s'associer avec un
ou des collègues, ou encore avec d'autres personnes aux
compétences reconnues dans le domaine concerné. "103
Rien n'empêche de faire appel, avant de contacter des personnes
extérieures, aux scientifiques présents sur place, des lors
qu'ils sont spécialistes de la période concernée. Ainsi,
Louis Chatellier, professeur en Histoire des mondes moderne et contemporain
à Nancy II, avait été intégré au conseil
scientifique de « Nancy 2005, le temps des Lumières », en
2012, Philippe Martin, professeur d'histoire moderne à Nancy II fera
partie du conseil scientifique. De même les sociétés d'amis
se montrent parfois plus
100 Conversation téléphonique du 30/03/2010.
101 Construite en 1903 par Lucien Weissenburger,
décorée par Gruber, Majorelle, Prouvé et Vallin, la maison
d'Albert Bergeret, imprimeur de cartes postales est un témoignage
notable de l'Art Nouveau à Nancy. Pour plus d'informations voir R.
Bouvier ; F. Roussel, Maison Bergeret, Itinéraires du
patrimoine n°1999, ADAGP, 2003 et site Internet :
http://www.culture.gouv.fr/lorraine/Bergeret/pageshtm/index.html
102
http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/patrimoine/frames/index_mob.htm,
la base Palissy recense le patrimoine mobilier religieux, domestique,
scientifique et industriel de la France.
103 Mail du 26/06/2010.
qu'intéressées dans le montage d'un projet. En
2005, la société des amis du Musée des Beaux Arts avait
mis le musée en réseau avec l'université de Philadelphie
par exemple. Pour les années concernées, on trouve quelquefois
des publications émanant de ces dernières, qui sont fort
recevables. En outre, les conservateurs peuvent également contacter la
presse spécialisée avec qui ils ont l'habitude de communiquer non
seulement pour qu'elle puisse transmettre l'information, éventuellement
mettre en vente un hors série ou faire paraître plusieurs
articles, mais également pour que celle-ci devienne partenaires de
l'opération. Du reste, puisque ces événements sont
exceptionnels, ils sont censés être salutaires
médiatiquement. 104
2. /'oXtil mpdi1tiJXe
Deux aspects des médias vont nous occuper, à
savoir, la communication qu'ils véhiculent mais également les
progrès qualitatifs qu'ils permettent d'apporter à l'offre
touristique que constitue l'événement.
a) « Les médias en parlent
»
Parce qu'il est apparent, l'événement est
aisément médiatisable. Ainsi, la ville et la Communauté
Urbaine tentent de mettre à profit la communication de leur
événement tout d'abord avec les services institutionnels dont ils
disposent en leurs sein. Ces services intérieurs de communication
relaient et « vendent » une information locale sans
nécessairement faire de distinction entre les informations. Ainsi, les
journalistes travaillant à l'échelle nationale ont l'habitude de
se méfier des services institutionnels de communication craignant d'y
voir une redondance d'événements similaires dans divers lieux. De
fait, si la mission qui gère l'événement s'en charge au
moyen de ces relais institutionnels, il existe en outre une agence de presse
recrutée sur appel d'offre à destination des relations nationales
voire internationales. En 1999 et en 2005, c'est l'agence Claudine Collin qui a
obtenu le marché pour la somme de 90 000 € en
2005.105
104 Cf. J.Barré, op.cit., p.9.
105 Cf. Nancy 2005, le temps des Lumières, dossier de
presse, p.29.
L'avantage d'une agence de presse permet d'avoir un carnet
d'adresses plus ouvert, parfois sur des terrains non attendus. En 2005, plus de
1400 articles106ont été publiés pour la
rénovation de la place Stanislas et pour l'événement
« Nancy 2005, le temps des Lumières ». Le magazine Impact
médecine avait par exemple publié un article107.
Etant donné qu'il existe un potentiel médical important, ce type
d'effort n'est pas vain. Cependant pour un événement culturel on
attend aussi des journaux à dominante culturelle comme
Télérama, Beaux-arts magazine, Le Journal des Arts, L'oeil
ou les quotidiens et hebdomadaires nationaux et leurs suppléments
« culture ». Ceux-ci ont bien sur été contactés
aussi. Les hebdomadaires et les magazines de loisirs peuvent également
être profitables à ce genre d'événements dans la
mesure où ils peuvent, par une rubrique ou un supplément «
voyage » inciter à des séjours autour des
expositions.108 Les magazines ayant attrait aux musées et
à la culture peuvent à la fois être contactés par
l'agence de presse ou par les conservateurs, le travail est
généralement fait concomitamment. D'autant que par l'anticipation
des expositions en termes de prêts, ces médias sont
déjà informés des expositions d'envergure longtemps
à l'avance. Ils peuvent toutefois proposer un hors-série ou un
supplément spécial vendu ensuite sur les lieux de l'exposition
mais qui dispose aussi d'une diffusion nationale.
En 2005, un média peu commun pour l'usage
communicationnel que Nancy se réserve habituellement s'est
invité, l'émission « Des racines et des ailes » a
consacré un enregistrement pour le 250e anniversaire de la
Place Stanislas qui a retenu l'attention de 4 millions de
téléspectateurs.109 L'information a été
transmise par les journaux télévisés nationaux mais aussi
sur les couvertures régionales comme France 3 Lorraine et M6 Nancy. En
matière radiophonique, Nancy faisait l'objet d'un partenariat avec Radio
France d'où une fois encore des échos à portée
nationale et régionale110. De même, un site internet
spécifique à l'événement111 avait
été mis en place, sans compter les relais, nombreux, sur des
sites partenaires de l'événement soulignant de cette façon
leur action de partenariat. Pour autant, si à l'échelon national
l'information a été relayée par ces médias,
à l'échelon local, ce sont majoritairement la presse
régionale ainsi que la télévision et la radio qui ont
106 Cf. Nancy 2005, le temps des Lumières ;
dossier de presse, p.27.
107
http://www.nancy.fr/documents/html/revue_presse_nancy_2005/revue_presse_nancy_2005.htm
108 Cf. J.M Tobelem, Musées: gérer autrement.
Un regard international, p. 138.
109Cf. Nancy 2005, le temps des Lumières,
dossier de presse, p.29.
110 Par l'intermédiaire de France Bleu Sud-Lorraine.
111
www.nancy2005.com , site ouvert
de juillet 2004 à décembre 2005 ayant comptabilisé 221 723
visites.
informé la population locale comme l'indique
l'étude IFOP : «Si aucun moyen d'information sur les
événements de 2005 n'est cité majoritairement, les
principaux médias sont cités par près d'un résident
de la Communauté Urbaine sur deux : la presse régionale par 48%
et la tv ou la radio par 47% »112. 85% des résidents de
la Communauté Urbaine estiment d'ailleurs avoir été bien
informés113. La population locale est d'ailleurs importante
à toucher, c'est la premiere à qui il faut diffuser
l'information, de façon à ce qu'elle soit relayée aussi
aux proches et à la famille en visite. On voit d'ailleurs que
l'entourage a joué un rôle notable puisque 29% des
interviewés s'étaient renseignés par le bouche à
oreille et 17% par la famille, les amis ou les collègues et 11%
mentionnent l'office de tourisme et 8% Internet.114 Souvent, le
bouche à oreille est le meilleur relais de communication qui soit,
malgré tous les efforts d'annonces, d'affichages et d'information : pour
« Nancy 2005, le temps des Lumières », « 91% d'entre eux
[les résidents de la Communauté Urbaine] affirment en avoir
parlé autour d'eux, 21% en [avoir] discuté très souvent,
53% quelques fois et 17% rarement »115.
Outre les moyens traditionnels d'information et de diffusion, il
ne faut cependant pas négliger l'usage de nouveaux moyens de
communication.
b) Utiliser les nouvelles technologies de
l'information et de la
communication.
Les Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication (NTIC) parsèment de plus en plus le paysage quotidien.
D'aucuns ont senti un nouveau tournant de celles-ci pour un usage touristique
et commercial. Si les NTIC ne concernent pas tout le monde, certains demeurant
encore sceptiques pour leurs utilisations, d'autres les intègrent
pleinement dans la vie de tous les jours. Etre innovant lors d'un
événement par le biais des NTIC peut aussi contribuer à
accroître la notoriété de la ville, dans la mesure
où celle-ci a su se moderniser et démultiplier ses offres.
L'usage de ces nouvelles technologies est éventuellement
médiatisable, par les biais évoqués
précédemment, d'autant plus si leur
112 Cf. Etude IFOP, op.cit, p.13.
113 ibid.
114 ibid.
115 Cf. Etude IFOP, op.cit, p.11.
aspect innovant est encore peu utilisé. Les
primo-utilisateurs de NTIC pouvant ainsi valoir comme référence
ou exemple en présentant leurs outils à
d'autres.116
Ainsi, depuis 2003, la ville de Nancy utilise les
téléphones portables comme média avec « Zevisit
mobile » pour une visite de la ville. On peut penser que par le biais
d'Internet, on pourra en 2012 commercialiser en ligne des courts séjours
de dernière minute. Les NTIC permettent également de
démultiplier les possibilités d'information des publics : pour
les enfants, les clientèles étrangères, les
handicapés... en adaptant le contenu spécifique sur le support
voulu, en le rendant plus ludique pour les enfants par exemple, en le
traduisant ou en l'adaptant à des besoins spécifiques qui
concernent les handicapés (écran avec une personne qui s'adresse
en langage des signes à une personne sourde...). Une des
préoccupations des organisateurs est d'avoir - pour les manifestations
à venir - un usage plus conséquent de ces NTIC qui touchent de
plus en plus de monde, jeunes ou moins jeunes. Entre autre, utiliser aussi les
nouvelles créations qui naissent sur ces nouveaux supports notamment les
réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter afin de renforcer le
débat ou encore les applications sur I Phone mais aussi se servir du
support médiatique qui sera le plus adapté en 2012.
On peut donc aisément constater que les efforts
budgétaires fournis pour une opération d'une telle envergure
servent ostensiblement à accroître la notoriété de
Nancy et sa périphérie grâce à une publicité
plus importante que la communication institutionnelle ne lui permettrait pas
nécessairement outre mesure. Cette communication n'est pas menée
pour être vaine, elle se doit d'avoir des conséquences
financières et symboliques.
116 On peut penser aux premiers musées ayant eu
l'idée de galeries tactiles ou de l'usage de boucles auditives. Ces
précurseurs se voyant ainsi récompensés par le
Ministère de la Culture pour leurs initiatives, devenant ainsi
consultants référents des lors qu'il est question d'en
généraliser l'usage. Par l'occurrence dans laquelle on retrouve
ces précurseurs dans des articles plus ou moins confidentiels, ils
atteignent la qualité d'expert. Si la Villette a su, par exemple,
innover en intégrant dès la conception de ses expositions les
processus d'adaptabilité pour les différents types de handicaps ;
il n'est pas rare de voir des communiqués du Ministère ou des
articles de presse titrant : « Après la Villette, ... se dote d'un
système similaire. »
C. Les retombées
La valorisation touristique du patrimoine favorise la
croissance économique en développant des activités
touristiques génératrices de recettes financières et
d'emplois directs, indirects et induits mais aussi d'effets nettement moins
mesurables économiquement.
1. Les retombées économiques pour les acteurs
locaux et pour la
yille
84% des habitants « estiment qu'ils [ce type
d'événements] ont été utiles pour l'activité
économique du territoire, 81% pour la mobilisation des acteurs
économiques locaux ».117 Des événements
concentrant une telle densité de micro-événements peuvent
en effet inviter des gens à passer plus d'une journée sur les
lieux. Les sites touchés par l'événement vont
bénéficier directement des droits d'entrées et des ventes
associées. Nous les aborderons ultérieurement. Cependant, il
existe des retombées beaucoup plus importantes que les recettes directes
de l'exploitation des monuments et des musées. Elles concernent les
recettes des dépenses effectuées à proximité de ces
sites, « la valeur d'usage directe »118de ceux-ci. Ces
dépenses s'appliquent entre autre à l'hébergement, la
restauration, aux commerces - excepté les ventes associées aux
droits d'entrée - aux activités de loisirs, aux transports et aux
services. Ce sont des retombées économiques induites par
l'événement. L'événement apporte une
opportunité de richesse pour l'économie locale. On estime
à environ 720 000, les nuitées dans les hôtels de
l'agglomération, dont 20% concernaient la clientele
étrangère119. Sur la base d'une dépense moyenne
de 55€ par nuitée, cette fréquentation aurait
généré de l'ordre de 39,5 millions
117 Cf. Etude IFOP, op.cit, p.15.
118 Cf. V. Patin, op.cit, p.135.
119 Cf. Nancy 2005, le temps des Lumières, le
bilan, p.19.
d'euros pour l'économie locale120. Sans
oublier toutefois les répercussions économiques pour les finances
locales de cette fréquentation touristique, à savoir les
parkings, les taxes prélevées sur les opérateurs
touristiques et les commerces (taxes de séjour, taxes professionnelles)
dont les collectivités locales étaient
bénéficiaires. Il est évident que si la ville impulse un
événement culturel générateur de fonds
monétaires importants pour l'économie locale, elle entend que
commerçants et opérateurs du tourisme y participent. Ces derniers
ont tout intérêt à s'allier à la ville pour
permettre ces chiffres d'affaires, dans leurs avantages propres et pour la
ville, par effet dérivé. Ils peuvent être les demandeurs de
ce genre de mobilisations.
L'importance des consommations connexes et des
bénéfices indirects sur la ville croît d'autant plus si
l'offre locale est adaptée à l'événement
culturel.121 Sur toute la durée de l'événement,
vingt-sept restaurants ont proposé un menu ou des plats inspirés
de la cuisine du XVIIIe siècle, cent soixante commerces se sont fait les
relais de l'événement en devenant « ambassadeur 2005
»122 en offrant dans leurs commerces des informations sur les
événements, des visites guidées ou la possibilité
de visiter gratuitement des expositions. Parmi ces ambassadeurs, les cafetiers
et restaurateurs offraient à leurs clients des mugs à l'effigie
de la Place Stanislas, les pâtissiers apposaient des portraits de
Stanislas sur leurs desserts. Cinquante-trois commerçants ont
également décoré leur vitrine aux couleurs
XVIIIème123. Parfois, les commerçants peuvent aussi
être demandeurs de ce genre de projets pour relancer l'économie
locale. D'où la nécessité pour les acteurs
économiques de la ville de travailler en collaboration avec l'office de
tourisme qui reste le premier interlocuteur avec le touriste en lui fournissant
à la fois la documentation sur les offres culturelles et les
possibilités d'hébergement et de restauration. La participation
des Comités Départementaux et Régionaux du Tourisme ne
sont pas accessoires puisqu'ils contribuent à la promotion du territoire
notamment en menant des actions de visibilité sur les salons à
l'étranger et en offrant des publications à destination des
touristes en langues étrangères. En 2005, la clientèle
hôtelière étrangère a généré
136 412 nuitées et provenait essentiellement des pays voisins et /ou
frontaliers : la Belgique, les Pays-Bas et
120 Cf. Nancy 2005, le temps des Lumières, le
bilan, p.33
121 Cf. J.M Tobelem, op.cit, p.139.
122 L'initiative du label « ambassadeur 2005 » revient
à la Chambre de commerce et d'industrie, qui l'avait déjà
testé en 1999.
123 Cf. Nancy2005, le temps des Lumières, le
bilan, p.35.
l'Allemagne qui représentent 45% du total des
étrangers, le Royaume Uni en représente 17,5%124.
D'où également la nécessité de
travailler avec les tours opérator pour faire des forfaits. La
contribution économique d'un groupe est plus importante parce qu'elle a
un effet multiplicateur : 50 personnes dans un bus sur une seule place de
parking, 50 nuits d'hôtels, 50 repas, 50 petits déjeuners, 50
entrées pour une exposition et/ou un spectacle... mais aussi parce que
l'effet économique pour la ville est beaucoup plus mesurable qu'un
visiteur individuel qui peut venir dans la famille ou chez des amis par
exemple. Selon l'enquête IFOP, les événements « ont
également permis à près d'un tiers des interviewés
(31%), (...), d'accueillir de la famille ou des amis. »125.
L'office de tourisme a tout de même accueilli 449 611 visiteurs
individuels en 2005 contre 208 877 sur la même période en 2004. -
A titre de comparaison, l'affluence moyenne à l'office de tourisme
estimée entre mai et juillet 1999 durant l'Année de
l'école de Nancy ; pour la même période en 2005, ce chiffre
s'établissait à 1714 visiteurs quotidiens.126_ Il est
ainsi nécessaire d'anticiper ces prévisions statistiques et
d'avoir les équipements matériels suffisants pour accueillir
autant
d' « invités ».
Le concours d'infrastructures de transport s'annonce
nécessaire, d'une part pour amener des visiteurs, potentiels
consommateurs, dans la ville. D'autre part, pour qu'ils
puissent se rendre d'un point à un autre, une fois
arrivés. Ainsi, la ville et la CommunautéUrbaine
mettent en place des tarifs spécifiques pour les bus et le tramway pour
les
visiteurs. Et si les tendances urbanistiques françaises
sont à la piétonisation ainsi qu'à une circulation moins
dense, on est en droit de penser que l'installation des
vélostan'lib® fin 2008, sur le même principe que les
Vlove® de Lyon ou les Vélib'® de Paris, pourrait faire l'objet
d'offres promotionnelles aussi pour 2012. De même, la SNCF, contribue
également à faire venir des visiteurs à Nancy. Nous
l'avons vu, d'une part grace à l'impression de pochettes de billet
distribuées en France mais également en proposant des offres
promotionnelles spécifiques à l'événement. On peut
imaginer que la SNCF renouvellera en 2012 le même type de
réductions au niveau national qu'elle a proposé lors de
l'arrivée du
124 Cf. Nancy 2005, le temps des Lumières, le
bilan, p.33.
125 Cf. Etude IFOP, op.cit, p.12.
126 Cf. Nancy 2005, le temps des Lumières, le
bilan, p.31.
TGV en Lorraine ou pour l'ouverture de Beaubourg à Metz,
comme au niveau régional avec des offres à la journée pour
les ter.127
En outre, les travaux de réhabilitation des
bâtiments et des monuments historiques effectués à travers
la ville, menés dans la mesure du possible, en fonction de l'état
du monument, donc pas nécessairement liés au tourisme,
génèrent à la fois du chiffre d'affaires pour les
entreprises locales ainsi que des emplois indirects.
La ville, comme les acteurs de l'économie locale ont
chacun des intérêts latents dans ce type d'opérations. Les
commerçants, restaurateurs, hôteliers... ont tout avantage
à s'intéresser aux fondements culturels de
l'événement et à faire graviter des animations prolongeant
les événements, parce qu'elles sont susceptibles
d'accroître de façon notable leurs propres chiffres d'affaires
tandis que la ville et la Communauté Urbaine, instigatrices du projet
ont plutôt un rôle d'« effet de levier ». Excepté
les ressources financières qu'elles sont susceptibles de percevoir,
elles attendent également des retombées d'un autre ordre.
2. Les retombées symboliques
La rentabilité d'un événement est
objectivement mesurable par les chiffres, mais aussi par des retombées
plus immatérielles, difficilement quantifiables. Il existe des «
bénéfices non financiers » à savoir les
bénéfices en termes d'image. 128 L'image est à
la fois véhiculée par les médias mais aussi grâce au
tourisme.
Les opérations de communication comme les timbres ou
les pochettes SNCF à l'effigie de Nancy, les apparitions
répétées dans les médias par une pression de
l'image et du discours permettent à la ville d'atteindre une certaine
visibilité lisible, non seulement à l'intérieur du
territoire, mais aussi à une échelle plus conséquente
comme le révèle l'enquête IFOP :
« La notoriété des événements
phares de la place Stanislas s'avère presque unanime : 98% des
personnes interrogées déclarent en effet avoir entendu
127 Si l'opportunité du TGV est intéressante dans
la mesure où elle crée un gain de temps et une praticité
notoire, on peut aussi déplorer un éventuel manque à
gagner pour l'économie locale, avec certes des visiteurs pour les
expositions, spectacles, colloques, débats... sans ou avec peu de
consommations connexes et d'effets induits pour la ville.
128 Cf. C. Origet Du Cluzeau, « Le patrimoine comme
détonateur du développement local », p.20-22
parler de la rénovation de la place et des sa
piétonisation, 95% de la vente des anciens pavés et 87% du
spectacle d'inauguration. Les grandes expositions en lien avec le temps des
Lumières bénéficient elles aussi d'une très forte
mémorisation (75%). En revanche, la connaissance des autres
manifestations s'établit à un niveau minoritaire, bien que non
négligeable, tant concernant le banquet des Lumières et
l'opération « Tous à la barre » (45%) que les
débats, les rencontres et les colloques (41%). »129
L'importance et l'attractivité de la ville sont
renforcées par la fréquence à
Cette visibilité de plus en plus présente sur
une étendue relativement large, contribue à l'extérieur,
à accroître la notoriété de la représentation
que l'on se fait mentalement de la ville. Si en 2003130, la ville de
Nancy bénéficie d'une image neutre dans la représentation
qu'on se fait d'elle, les opérations de communication tentent de casser
cette image dépréciée. Les habitants de la ville et de la
Communauté Urbaine sont d'ailleurs conscients de l'image qui peut
être véhiculée par le biais de ces rendez-vous puisque
« ces événements symbolisent également la
vitalité de la région, 84% estimant qu'ils renvoient l'image d'un
territoire dynamique et en pleine évolution (dont 38% « tout
à fait ») ». 131
laquelle on parle de ces événements dans les
médias. Une présence médiatique récurrente suscite
pour la ville critiques et louanges pouvant animer la curiosité de
potentiels touristes voulant constater ces jugements de valeur sur place.
Par les flux qu'il va entraîner,
l'événement va nécessairement avoir un impact sur les
habitants. Outre leur participation endogene à l'événement
qui peut leur conférer une certaine fierté confortée par
un sentiment identitaire qui les fédère ; le métissage et
les échanges résultant du tourisme peut leur donner (ou redonner)
un regard neuf sur la ville et sur eux-mêmes. Ni le regard des touristes,
ni celui des habitants ne sont neutres. Pourtant, là où le
touriste découvre un élément spécial auquel il
appose une valeur132, l'habitant y voit un élément
banal de son quotidien. Le touriste arrive chargé d'un
imaginaire133 qui le conditionne par des représentations
collectives - souvent idéalisées - ou personnelles du lieu. La
venue de touristes, par le biais d'animations qui réinventent les lieux,
va permettre
129Cf. Etude IFOP, op.cit, p.9.
130 Image externe de Nancy et du Grand Nancy,
résultats des phases qualitatives et quantitatives, Sociovision,
Cofremca, document inédit, 2003.
131 Cf. Etude IFOP, op.cit. p.10
132 Ce que Nathalie Heinich (article « exposition dans
Encyclopédie Universaelis) dénomme pour les expositions,
la fonction esthétique.
133 Cf. J-Paul Seloudre, « Les fonctions du regard
touristique. Peut-on parler d'une « médiation touristique » ?
» pp.67-82
aux habitants de se réapproprier leur patrimoine et
leur ville et d'y apporter un regard neuf et positif.
Le bienfait de l'événement peut se mesurer
également aux souvenirs et à la pérennité
intellectuelle qu'il va léguer à la postérité. On
l'a vu, les débats d'idées et les colloques s'efforcent de
s'ancrer dans des débats contemporains, ce dont témoigne
d'ailleurs le bilan de « Nancy 2005, le temps des Lumières »
:
« (...) il s'est agi de proposer à partir des
valeurs apparues au siècle des Lumières, un regard et une
réflexion sur le monde contemporain, dans un équilibre entre des
moments forts populaires et un travail de fond sur l'identification et la mise
en débat des relations entre les Lumières d'hier et celles
d'aujourd'hui »134
Si l'événement est bien mené, il est
probable qu'il laisse un souvenir mémorable dans les esprits de ceux qui
ont participé. Comme le veut la locution latine : « verba
volant, scripta manent », la pérennité de
l'événement est donc assurée a minima par les publications
de catalogues d'expositions et d'actes de colloque ou sur des supports
immatériels (CD, sites Internet...) que tout un chacun peut se procurer,
sans forcément avoir participé à l'événement
d'ailleurs. A ce titre, on pourrait lister tous les catalogues d'expositions et
actes de colloques. Une publication peut toutefois retenir notre
curiosité, dans la mesure où elle conscientise clairement cette
volonté de pérennité, d'héritage à
transmettre. Un Bottin des Lumières a été
édité « pour comprendre notre modernité » et
garder une trace palpable des actions menées lors de
l'événement dont témoigne sa présentation :
« Grâce au talent et à la
perspicacité des auteurs qui se sont ralliés à ce projet,
convaincus comme nous de sa nécessité et de sa vertu
pérenne, nous avons pu élaborer ce Bottin pour
donner au lecteur (...) l'occasion de partir de quelque part dans le
passé pour aller, ailleurs, vers une compréhension nouvelle du
présent. Inversement ce présent qui nous habite tous, nous a donc
fourni le point de départ d'une réflexion que l'histoire, sur
laquelle nous nous penchons, vient informer ».
134 Cf. « Nancy 2005, le temps des Lumières
», le bilan, op.cit. p.14.
Si certains peuvent y voir une trop forte « logique de
conservation patrimoniale »135, la retranscription des savoirs
et idées débattus lors d'un colloque ou d'une exposition pourront
soutenir les futures recherches portant sur des questions similaires.
De ces événements, certaines traces ont une
incidence dans la ville, puisqu'elles demeurent. Ainsi, aujourd'hui on peut
déambuler ou circuler dans Nancy, avec des panneaux indicatifs qui ont
été installés pour l'occasion signifiant les espaces
XVIIIe de la ville. De même, la restauration des bâtiments reste
visible, pour plusieurs années au moins.
Néanmoins, les grands événements
permettent également la création de projets intellectuels
durables s'interrogeant sur l'avenir. Cette aspiration s'inscrit
déjà dans le projet « 2012, Nancy Renaissance » comme
en témoigne le préambule : « Mais il s'agira
également (...) par « effet miroir », de nous interroger sur
le monde d'aujourd'hui et surtout sur le monde de demain. »136.
En 1999 et 2005, plusieurs initiatives ont été lancées
:
ARTEM est un projet de campus lancé en 1999 - qui
ouvrira ses portes en 2012 - partagé entre trois grandes écoles :
l'Ecole Nationale Supérieure des Arts de Nancy, l'Ecole Nationale
Supérieure des Mines de Nancy et ICN Business school. Le projet
s'inscrit dans la lignée de l'école de Nancy en voulant
réinstaurer une collaboration entre ces domaines :
« A la fin du XIXe siècle, l'Art Nouveau marquait
la fusion de l'art et du commerce tandis que les créateurs ancraient les
arts dans l'age industriel. L'école de Nancy fondait quant à
elle, l'Alliance provinciale des industries d'Art, domaines jusqu'alors
incompatibles. (...) Un siècle plus tard, Nancy voit naitre le projet
ARTEM, déclinaison contemporaine de ce mariage des Arts, de la
Technologie et du Management »137
On est ici en présence paradoxale d'une actualisation -
qui rend le passé atemporel lui conférant une « puissance de
contemporanéité » -138et d'une réflexion
prospectiviste.
135 Cf. H-P Jeudy, op. cit. , pour qui la conservation
en devenant une « affaire urgente », tend à faire du
patrimoine actuel un patrimoine perçu uniquement dans la perspective de
sa perte.
136Cf. « Nancy 2005, le temps des Lumières
», le bilan, op.cit., p.2.
137
http://artem.inpl-nancy.fr
138 Cf. H.P Jeudy, op.cit, p.76. H.P Jeudy
dénonce également l'impossibilité de rendre le
passé contemporain par l'unique volonté de
remémoration.
Art Nouveau Network est un réseau européen de
coopération pour l'étude, la sauvegarde et la mise en valeur de
l'Art nouveau tant pour les professionnels que pour le grand public mis en
place en 1999. Nancy a participé à la constitution du
réseau et partage les actions menées. 139
« Science, Innovation et société «
(SIS) dont la volonté est de développer des programmes de culture
scientifique et technique pour le plus grand nombre. Différentes
instances n'aspirant pas aux mêmes objectifs scientifiques140
répondent à une charte d'objectifs partagés141
, se réunissent tous les mois pour travailler ensemble et publier un
catalogue semestriel. Les conférences sur les sciences que le groupe
réalise sont filmées et diffusées sur France 5. Il existe
également un partenariat avec France 3 Lorraine-Champagne Ardennes pour
l'émission : « Heureux qui communique la science » à
laquelle certains scientifiques nancéiens participent. Devant le
succès des conférences, la Communauté Urbaine du Grand
Nancy a programmé l'ouverture d'un site Internet spécifique
« Grand Nancy sciences » pour l'automne 2010. Cette volonté de
pérennité est réitérée dans le
préambule de la charte des objectifs partagés, de même que
les effets symboliques attendus pour le grand événement :
« Considérant que la diffusion de la culture
scientifique et technique constitue un enjeu de société majeur
permettant au citoyen de mieux comprendre le monde dans lequel il vit et de
mieux appréhender les défis de demain ;
Considérant que Les signataires de la charte
d'objectifs partagés ont des intérêts
communs dans le domaine de la production des savoirs en termes de
dynamique socio-FcRQRP ITM eN culNurelle, eN OLNNILENiAINF de
l'agglomération de Nancy ; (...)
Considérant qu'un ensemble d'acteurs qui produisent,
soutiennent ou diffusent la connaissance scientifique, se sont
mobilisés autour des valeurs
139 Le réseau concerne les villes
possédant un riche patrimoine Art Nouveau. L'initiative du réseau
dépend du service des monuments et des sites de la Région de
Bruxelles-capitale. Pour plus de détails, cf.
www.artnouveau-net.eu et
www.ecole-de-nancy.fr
140 Nancy-Université, Le Centre National de la Recherche
Scientifique, L'Institut National de l'Information Scientifique et Technique,
L'Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique, L'Institut
National de la Santé Et de la Recherche Médicale, L'Institut
National de Recherche Agronomique, La Délégation Régionale
à la Recherche et à la Technologie, Le Rectorat de
l'académie Nancy-Metz, Le Centre Hospitalier Universitaire, Le Centre
Régional de Documentation Pédagogique, L'Institut de Formation
des Maîtres, Le Conservatoire national des arts et
métiers en Lorraine et la Communauté urbaine du Grand Nancy.
141
http://www.grand-nancy.org/fileadmin/kiosque/charteop_cst_2006.pdf
d'humanisme et de partage des savoirs dans le cadre de la
célébration de « Nancy 2005, le temps des Lumières
» ;
Considérant que les mêmes acteurs souhaitent
s'investir de manière pérenne142 au
service de ces valeurs en agissant ensemble pour opposer l'éveil des
consciences à l'obscurantisme ; (...) »
Ces initiatives ont toujours cours et constituent les
prolongations de l'événement. On peut constater que, de sa
conception à sa réalisation, le maximum est fait pour rassembler
les fonds nécessaires à l'événement, diffuser son
information afin qu'il soit, dans la mesure du possible, amorti. On peut
désormais s'interroger sur le fondement intellectuel de
l'événement, en se concentrant sur les relations qu'entretiennent
décideurs politiques et professionnels de la culture qui opèrent
ensemble à la réalisation du projet.
III. Les acteurs locaux : une confrontation ?
A. Le regard des élus
1. Instrumentaliser la culture ?
Il semble que le choix émanant en première
instance d'une « logique des idées »143 de la part des
élus, qui répondent à leurs propres exigences, où
la culture est envisagée comme une fin en soi pour la ville, puisse
être contestable dans la mesure où ce choix peut s'apparenter
à une instrumentalisation de la culture. Cette instrumentalisation
découlant des retombées induites par l'événement
qui ne sont pas explicitement dévoilées lors de l'annonce de
celui-ci. Ces objectifs sont de l'ordre de l'impact en termes d'image et de
développement. Même si ce bénéfice est difficile
à mesurer statistiquement, tous les acteurs de la ville sont unanimes
sur l'importance qu'a l'image médiatique et symbolique sur le
développement économique. « 74% [des résidents de la
Communauté Urbaine] estiment qu'ils [les événements] ont
mobilisé l'ensemble des acteurs politiques, économiques et
culturels de la région »144. Si l'on en croit Alain
Faure145, « chaque collectivité souhaite, (...),
acquérir sur le plan culturel des lettres de noblesse (rayonnement
artistique, renommée sportive, patrimoine architectural) afin de
promouvoir
142 C'est nous qui soulignons.
143 Cf. F. Lucchini, op.cit, p.44.
144 Cf. Etude IFOP, op.cit, p.16.
145Cf. A. Faure, « Les élus locaux
à l'épreuve de la décentralisation », Revue
française de science politique, 44 (3), 1994, pp.462-479.
Cité p.145 par F. Poulard, op.cit.
conjointement les atouts de l'identité
géographique et les impératifs de la vitalité
socioéconomique. ». Dans le cas de Nancy, il s'agit
d'établir une image de marque renouvelée en restant fidèle
à son histoire, à son patrimoine et aux valeurs qui lui ont
permis de se construire telle qu'elle nous apparaît aujourd'hui,
plutôt que s'installer dans une compétitivité avec d'autres
villes du Grand Est, ce que manifeste le maire :
« Nancy a fait le choix depuis un certain nombre
d'années, et notamment en 1999 lorsqu'a été
organisée l'année de l'Ecole de Nancy, d'utiliser sa richesse
patrimoniale et culturelle pour faire parler d'elle. (...) Nous faire
connaître à partir de ces références, c'est garantir
l'attractivité du territoire ". 146
Il s'agit d'apporter un « plus " aux services
traditionnels que proposent la ville et la Communauté Urbaine par le
biais d'une animation spéciale, qui contribue à rassembler toutes
les instances de la ville, toutes tendances politique et sociale confondues. On
peut croire qu'il s'agit de coups médiatiques qui font
événement uniquement en attirant un public extérieur qui
diffuse aussi l'information. Cependant, on peut observer dans ces
manifestations une certaine tendance à mélanger des
éléments étrangers à la culture. La politique
culturelle de la ville intervient « comme résultat de choix,
élaborés en amont, à partir des motivations des acteurs
urbains en terme de domaines culturels plus implicitement, ces choix
relèvent de stratégies politiques liées à la
perception de la notion de culture "147. Ainsi, par l'action
d'urbanisation et de piétonisation menée avec la
rénovation de la place Stanislas et des espaces du XVIIIe siècle,
il s'agit aussi pour la ville et la Communauté Urbaine de faire
converger des éléments culturels en rapport direct avec cette
restauration. Il s'agit d'une stratégie d'urbanisation globale et non
d'appositions d'événements culturels aux équipements
déjà en place portée par une volonté et un
consensus politique fort.
2. Dérive vers le « tout commercial »?
Ainsi, on peut voir des détournements vers un «
tout-commercial " au travers d'éléments dérivés de
l'événement. En effet, lors de ces manifestations, outre les
146 Cf. N. Descendre, Le Bottin des Lumières,
p.8.
147 Cf. F. Lucchini, op.cit, p.5.
publications éditoriales, les cartes postales des
oeuvres exposées et les actes de colloque, plusieurs produits
dérivés avaient été édités à
l'initiative de l'office de tourisme. On se situe dans une « logique de
production » où l'investissement consenti par la ville et la
Communauté Urbaine vient consolider le tissu économique du
territoire en cherchant à stimuler l'emploi et en favorisant
l'apparition de produits dérivés.148 Ainsi en 1999 et
2005, on pouvait se procurer des savons à l'effigie de l'année
à theme dont il était question, avec un packaging Art Nouveau (Le
savon Majorelle®) ou en forme de pavé aromatisé à la
bergamote149 (Le Pavé de Nancy®), une bière
spéciale inspirée de recettes du XVIIIe a été
produite pour le musée français de la brasserie de Saint-Nicolas
de Port150, de même on peut s'interroger quant à la
légitimité des broches, des « pains des Lumières
», des mugs et sous-verres à l'effigie de Stanislas ou des menus
inspirés du XVIIIe dans la mesure où l'on fait un usage
commercial d'un événement patrimonial et culturel. Certes, ces
éléments contribuent aux recettes de l'événement et
éventuellement à couvrir des pertes. Dans la mesure où
ceux-ci s'étendent sur une ligne de produits vendus entre un et soixante
euros, c'est à dire d'une « valeur transactionnelle
»151, accessible à tous, on suppose que leur coût
de production est moindre pour une plus-value qui a des conséquences
pour l'économie locale. On peut ainsi parler de produits d'appel
culturel. A titre indicatif, les ventes de la boutique de l'office de tourisme
s'élèvent à 336 729€ pour 2005 contre 155 054€
en 2004. Pour les produits dérivés spécifiques : les
ventes, échelonnées de 2004 à 2005, se sont
élevées à 60 465€.152. Certains produits
référencés parmi ceux vendus à l'office de
tourisme, sont mis en vente dans les musées. Les conservateurs des trois
musées paraissent sceptiques quant à l'idée sans
nécessairement l'évoquer comme tel :
« La boutique est gérée par la RMN, c'est donc
une délégation de service public sur laquelle nous n'intervenons
pas. » ;
« Il arrive, pour certaines expositions, que nous
mettions en vente des objets créés spécifiquement pour
l'occasion. Pour ceux qui sont en vente ailleurs qu'au musée, il me
paraît indiscret d'avoir à donner un avis personnel, quel qu'il
soit. » ;
148 Cf. F. Lucchini, op.cit., p.136. Françoise
Lucchini réemploie les idées de G.Roussel dans La
décentralisation culturelle ou la démocratie difficile,
Après Demain, 1990.
149 La bergamote est , avec les macarons , une des
spécialités de Nancy.
150 La ville ne dépend pas de la Communauté Urbaine
du Grand Nancy. Elle se trouve à 15km de Nancy. 151Cf. J.
Cam, « La boutique de musée, un vrai métier à
appréhender avec pragmatisme», pp.56-57.
152 Cf. « Nancy 2005, le temps des Lumières
», le bilan, p.32.
« En 1999, de nombreux produits dérivés ont
été créés par la Mission Ecole de Nancy et vendus
au MEN mais depuis, nous avons limité ces derniers car nous n'avons pas
le budget et le personnel pour leur réalisation. "153
Toutefois, la mise en vente de produits ne fait pas
l'unanimité. D'une part parce que certains opposants du maire ont
déposé en 2005, leur marque « Place Stanislas
"154, par provocation et pour tenter de limiter l'impact des
produits édités sous couverts de l'office de tourisme, dont la
municipalité et la Communauté Urbaine avaient la
responsabilité. En outre, on peut penser que si le patrimoine devient
une valeur marchande, il perd sa valeur symbolique155ou faire perdre
l'essence festive des éléments en les transformant en des
attractions touristiques156. Certains157 ont réagi
vivement contre les municipalités de Nancy et Saint-Nicolas de Port qui
ont déposé - en prévision de 2012 - à l'INPI les
quatre marques158 : « Saint Nicolas ", « Le marché
de la Saint Nicolas ", « Les fêtes de la Saint Nicolas " et «
La fête de la Saint Nicolas " se prévalant de la notion de
patrimoine commun, d'autres parlant d' « une vision boutiquière
d'un patrimoine culturel commun à tous les Lorrains " ou encore que les
termes déposés sont « dépourvus de caractère
distinctif au regard des produits et services visés dans leur
dépôt et ne peuvent donc être déposés au titre
de marque en France ". Certaines villes ont eu peur de ne plus pouvoir
célébrer la fête de St Nicolas ailleurs en Lorraine, en
étant obligées de demander à Nancy et Saint-Nicolas de
Port l'autorisation la fêter, mais aussi de la voir dériver en une
fête purement commerciale.159
Les institutions culturelles ne voient pas toujours d'un
très bon oeil l'association entre culture et tourisme. Le tourisme
étant considéré comme produisant un usage instrumental de
la culture, mettant en scène un exotisme non fidèle au message
des lieux. De même, on voit en lui, par la massification qu'il peut
générer, la création de nouveaux problèmes ou
contraintes telles un manque de responsabilités face aux oeuvres des
musées
153 Entretiens téléphoniques et e-mail des 3
conservatrices.
154 Sur la base des marques de l'Institut National de la
Propriété Industrielle, on trouve 3 marques « Place
Stanislas ", déposées en 2004. Cf.
http://bases-marques.inpi.fr/
155 Cf. H.P Jeudy, op.cit ,p.12
156 Cf. L.Botti, N. Peypoch, B.Solonandrasana, « De la
relation entre politique événementielle et attractivité
touristique ", p.30.
157 Cf. Annexes 2, 3 ,4.
158 Cf.Annexe n°5.
159 Rien n'empêche cependant de ne pas constater de
relation directe entre la Saint Nicolas et la Renaissance. En outre, par la
récupération qui en a été faite aux Etats-Unis avec
le Père Noël, on peut y voir un usage commercial amorcé
depuis plus longtemps...
et au patrimoine, de nouveaux enjeux de conservation à
mettre en oeuvre, des nouvelles documentations à fournir, des
modifications d'horaires d'accueil mais aussi des changements de communication
et d'information ou des tarifs préférentiels à procurer.
Cependant, « il est incontestable, en effet, que le développement
touristique est producteur de ressources ; correctement administrées,
celles-ci peuvent bénéficier directement aux institutions du
patrimoine et aux communautés parmi lesquelles elles se trouvent.
»160 Ressources économiques dans un premier temps puisque ces
produits apportent aux musées, à l'office de tourisme et plus
globalement à l'économie locale, des moyens pécuniaires.
Pour le musée, ces produits peuvent être une source
d'autofinancement. En outre, « en achetant un produit
dérivé, (...), le visiteur communique, exporte et commercialise
le musée sur son lieu de résidence »161. Le
souvenir, matérialisé par un objet, s'avére
nécessaire. Petits et grands se contentent de ce genre d'achats
complémentaires qui, d'une certaine façon, prolongent la visite.
Ce que Joël Cam dénomme la « valeur expérientielle
» de la visite.162. Les enfants y décèlent
souvent une remémoration voire une réminiscence grace à
l'objet, perçu comme un de leurs trésors, qui leur permet de
matérialiser leur venue au musée. L'objet n'est pas toujours un
gadget, ce peut être un livre, qui de fait apporte une valeur
pédagogique au produit dérivé. Le phénoméne
n'est pas forcément nouveau dans les musées, même s'il
n'est pas autant exploité que dans les musées anglo-saxons ou
américains, où les cohérences entre le musée et
l'objet ne sont pas toujours des plus aisées ! On peut penser que si
l'on s'inspire de ce modéle et que l'on réitére d'un grand
événement à l'autre, c'est aussi parce qu'il compte parmi
les retombées symboliques citées précédemment.
L'objet crée une permanence dans le quotidien des « visiteurs
consommateurs » (« la valeur relationnelle »163),
permettant à chacun d'eux de le communiquer à autrui par son
exhibition et par là même de lui proposer son propre regard
(« la valeur aspirationnelle » 164).
160 Principe n°1 de la proposition pour une
charte des principes pour les musées et le tourisme culturel,
ICOM. L'ICOM est d'ailleurs une instance qui permet de nuancer
les désaccords entre tourisme et culture
par un certain pragmatisme.
161 Cf. M.C Grasse, « Indispensable mais mal
aimée, la boutique de musée », p.7.
162 Cf. J.Cam, op.cit., p.56-57.
163 Ibid.
164 Ibid.
3. Une « politique paillette » et une
ingérence dans le contenu
scientifique?
En rassemblant un public extérieur, on peut croire
qu'il s'agit d'un effet « m'as-tu vu », nécessaire uniquement
pour assurer la visibilité et sa Communauté Urbaine à une
dimension plus importante que l'échelon local. Cependant,
l'événement mobilise en premier lieu les Nancéiens et
assimilés. De même, on peut croire qu'il s'agit du « fait du
prince », car il est vrai « (...) il n'y a pas de projet sans
l'accord et le soutien sans faille d'un maire et ce, quel que soit le
rôle respectif de lobbying qu'ont pu jouer d'autres protagonistes. C'est
en effet lui qui, en dernier ressort, défend le projet devant le conseil
municipal et en assume la responsabilité devant les électeurs
»165. En outre, il ne s'agit pas d'une politique
décidée sur un coup de tête. Si les élus qui
prennent souvent les initiatives culturelles « n'en maîtrisent pas
toujours les contenus, les logiques propres et surtout les rythmes
»166on l'a vu, par la gouvernance mise en place, il s'agit de
laisser cours à une gestation du projet comme le rappelle André
Rossinot :
« Vous permettrez simplement à l'homme public que
je suis de rappeler qu'il s'agit là du fruit d'une démarche
réfléchie, préparée, qui a mis du temps à
s'enclencher. Et il s'est avéré nécessaire de
fédérer bien des énergies et des bonnes volontés
pour disposer des moyens que cela suppose. »167
On le voit pour le projet Renaissance de 2012, la
genèse du projet remonte à 2007. Le processus se met en marche
également par des automatismes de travail communs récurrents. En
outre, si tous les dynamismes de la ville se « croisent
»168 : universitaires, conservateurs de musées,
scientifiques, sociologues, philosophes, hommes politiques, office de tourisme,
commerçants, restaurateurs, hôteliers et habitants, c'est le fruit
d'une volonté politique qui cherche à plaire au plus grand nombre
et pour ce faire, se justifie en associant tout le monde à
l'événement, dans un souci de transparence : « Il est donc
devenu impérieux et nécessaire d'associer durablement,
au-delà de la légitimité politique que donne
l'élection, toutes les forces vives d'un territoire aux décisions
qui concernent ses
165 Cf. F.Poulard, Les musées de collectivités,
les conservateurs et la mise en oeuvre des politiques culturelles,
p.143.
166 Cf. C. Origet Du Cluzeau, « Culture, tourisme et
développement, les enjeux d'une rencontre » ; p.32
167 Le Bottin des Lumières, p.8-9.
168 Cf. supra, Pierre Rosenberg.
habitants. »169 Dans tous les cas, le risque
politique n'intéressera directement aucun des participants, quelque soit
la façon dont ceux-ci sont impliqués.
Sans parler de philanthropie puisqu'il s'agit - quoiqu'il en
soit - d'un événement qui a nécessairement des
retombées palpables et/ou immatérielles, il importe d'utiliser le
fait culturel comme source motrice du dynamisme d'une ville et du bien-vivre
qui règne au coeur de celle-ci. Si Erhard Friedberg et Philippe
Urfalino, parlent de mécénat de la part des élus, on peut
en se rapprochant de la pensée de Mauss, l'assimiler à un don de
la part du politique. La politique culturelle en mobilisant des actifs
culturels, en fait des facteurs d'amélioration du cadre de vie tout en
multipliant les retombées économiques. On peut les rapprocher
d'une reconnaissance de dette ou d'un contredon des habitants et des acteurs
économiques locaux à la prise en charge de
l'événement.
Si « la ville gère l'ensemble des
équipements en fonction des effets généraux qu'elle attend
plus que pour l'attention portée à un domaine particulier
»170, pour les musées de collectivités
territoriales, la détermination des budgets relève de
négociations entre la municipalité et les acteurs culturels. Les
élus sont là pour accompagner, discuter de l'opportunité
des choix au regard du budget plutôt qu'en matière de
légitimité culturelle. Le politique ne se mêle pas du
détail de l'exposition. Les élus ne mesurent pas forcément
les enjeux de la conservation préventive et/ou de la restauration et ont
une façon différente des conservateurs de se projeter dans
l'avenir. Ils préfèrent parfois des actions visibles du public,
plutôt qu'une action nécessaire mais qui sera connue uniquement
« en interne » 171. Si les conservateurs ont autorité totale
sur le contenu scientifique qu'ils présentent, ils doivent composer avec
le politique qui validera le financement de l'exposition. Les uns comme les
autres sont donc obligés de s'entendre pour garantir une bonne marche de
leurs établissements au sein d'une politique municipale
cohérente. Ainsi, « les élus ont la responsabilité de
la politique et de la stratégie tandis que les fonctionnaires ont la
responsabilité de la mise en oeuvre ».172 La
présence des institutions garantit l'éventualité d'une
ingérence trop forte des politiques dans la gestion des
musées.
169 Le Bottin des Lumières, p.8-9.
170 Cf. F.Lucchini, op.cit, p.126.
171 Cf. F. Poulard, op.cit.p.196.
172D. Lamarzelle, Le management territorial. Une
clarification des rôles entre élus et cadres territoriaux,
Paris, Papyrus, 1997 cité par F.Poulard, ibid., P.123
B. Les professionnelles de la culture : directrice des
affaires culturelles et conservatrices, garantes des institutions.
1. La directrice des affaires culturelles, une
intermédiaire ?
La directrice des affaires culturelles (DAC), Mme
Véronique Noël, définit son rôle comme celui d'une
« généraliste de la culture »173puisqu'elle
travaille avec tous les équipements ayant attrait à la culture,
institutionnels comme associatifs. Elle travaille avec les élus, assure
une coordination entre les événements culturels et la garantie
d'une politique culturelle équilibrée. Elle doit avoir
l'initiative de développer des actions qui ne le sont pas. Elle
vérifie « l'irrigation culturelle du territoire.
»174 De fait, Mme Noël assume une position
d'intermédiaire entre la mairie et les acteurs culturels. Elle traduit
les exigences de la mairie tout en défendant les intérêts
respectifs des acteurs culturels. Ce rôle n'intervient pas uniquement
dans la politique de grands événements mais c'est un travail de
terrain. Si le rôle de décision d'un grand événement
revient aux élus, la coordination de la programmation se fait avec le
chef de mission. « La programmation des grands événements
n'arrive pas au hasard. Elle est possible parce qu'il y a des habitudes de
travail, des discussions régulières entre les professionnels. Un
établissement n'est pas seul dans la ville il constitue avec les autres
un des acteurs d'une politique culturelle. Celle-ci n'est pas le
résultat d'une succession de programmations (tel un mille-feuille) mais
bien l'articulation de ces programmations entre elles.
L'événementiel est un objectif parmi d'autres. Cela ne "s'impose"
pas aux professionnels. C'est un temps fort qu'ils intègrent dans leurs
projets. »
173 Entretien téléphonique avec Mme
Véronique Noël le 11/03/2010.
174 Entretien téléphonique avec Mme
Véronique Noël le 11/03/2010.
Ainsi, dans ces temps forts, la DAC joue un rôle
renforcé de coordinatrice auprès des conservatrices afin
d'assurer une programmation harmonisée, mais aussi de médiation
pour garantir la diversité la plus complète.
2. Les conservatrices, scientifiques dans une « tour
d'ivoire » ?
L'événement est donc une ouverture sur le
travail permanent que fournissent les conservatrices au musée. Chaque
musée de France, depuis la loi Musées de janvier 2002, se doit de
respecter des règles. On pourra constater ci-après, que le grand
rendez-vous possède un effet accélérateur et renforce ces
missions.
(1) « Conserver, restaurer, étudier et enrichir les
collections » 175
Selon Mme Chavanne, conserver et travailler sur les
collections fait partie intégrante du métier de conservateur.
Elle considère toutefois que c'est une tache quotidienne et que c'est au
professionnel de savoir concilier son travail quotidien avec des travaux
ponctuels. « Conserver pour conserver n'a pas de sens. Conserver, c'est
donc tisser des liens avec hier, aujourd'hui et demain, avec tous ceux qui ont
été ou seront des témoins ou des acteurs, non plus de
simples visiteurs ». 176 Ainsi, par des expositions
temporaires, on peut éviter l'écueil des musées qui
consiste à conserver un « patrimoine mausolée »
sacralisant le passé sans s'interroger sur le
présent.177 Chacune des conservatrices n'a pas vu
d'objections à monter une exposition sur une thématique
événementielle, dans la mesure où elles ont réussi
à le concilier avec les tâches permanentes du musée. Ainsi,
lors de l'entretien téléphonique avec Mme Chavanne, elle
m'expliquait que dès son entretien d'embauche (en 2000), il était
question de préparer « Nancy 2005, le temps des Lumières
» et une des questions qui lui avait été posée
d'emblée consistait à savoir combien de temps elle souhaitait
rester à Nancy. La préparation de « Nancy 2005, le temps des
Lumières », ne lui empêchait pas outre l'intérêt
porté aux collections permanentes, de monter six expositions par an et
de se consacrer à des tâches plus administratives.
175 Article L.441-1, Livre IV, titre IV, Code du
patrimoine.
176 Cf. S. Grange, « Le territoire du conservateur »,
Musées et collections publiques de France, n°221-222,
décembre 1998-mars 1999, p.103.
177Cf. F.Thorel, « Patrimoine mausolée,
patrimoine valeur refuge, patrimoine citoyen », Musées et
collections publiques de France, n°221-222, décembre 1998-mars
1999, pp.105-106
Les événements ont eu également un effet
accélérateur sur la restauration des collections, non seulement
dans les musées mais aussi sur le patrimoine. Ainsi tous les espaces du
XVIIIe siècle de la ville outre la Place Stanislas, les Places de la
Carrière et Sainte Catherine, les églises Saint-Sébastien
et Notre-Dame de Bonsecours et le salon carré de l'hôtel de ville
ont été restaurés sous l'impulsion du Comité
Patrimoine et Projets urbains. De même, toutes les collections XVIIIe du
Musée des Beaux Arts ont été rénovées.
Par les moyens considérables qui sont engagés, il
devient possible de mener des chantiers de grande ampleur, ainsi, Mme Thomas
m'avouait que :
« En 1999 pour l'Année de l'Ecole de Nancy, j'ai
essayé que le musée profite au maximum de cet
évènement pour obtenir des budgets et des travaux qui
étaient reportés depuis des années. »178
« Les collections permanentes ont cependant été
rénovées par la pose de nouvelles tentures et
l'amélioration de l'éclairage et de l'électricité.
Deux opérations importantes ont été menées. L'une
concerne la rénovation du jardin (...), la restauration de trois
édifices situés dans ce jardin, l'aquarium classé monument
historique, le monument funéraire de Mme Nathan et l'installation de la
porte des ateliers Gallé.179 »
Ces événements sont donc aussi l'occasion
d'étudier les collections qui sont à disposition, parfois
oubliées dans les réserves ou mal connues parce que en mauvais
état, avant d'emprunter à d'autres musées. Dans cette
optique, par les moyens mis en place lors de « l'Année de l'Ecole
de Nancy », la conservatrice du Musée de l'Ecole de Nancy affirme
que l'opération a permis de multiplier une politique d'expositions
temporaires mais aussi de renouveler l'exposition des collections permanentes.
Depuis 1999, on distingue au Musée de l'Ecole de Nancy, deux types
d'expositions :
- Les expositions dossiers qui sont constituées sur les
fonds propres du
musée avec pour vocation d'apporter un éclairage
nouveau sur un theme précis. Celles-ci ont une récurrence
annuelle.
- Les expositions temporaires s'appuyant sur des prêts et
collaborations
mais aussi sur les fonds propres. Celles-ci avaient
été quelque peu laissées à l'abandon depuis
1993. Le musée n'avait d'ailleurs bénéficié que de
sept
178 Mme Valérie Thomas, conservatrice du MEN, mail du
12/03/2010
179 Cf. V. Thomas, op.cit, p.37.
expositions temporaires180 depuis son ouverture en
1964. Depuis 1999, deux expositions temporaires sont en moyenne
présentées chaque année.
On voit dès lors qu'un tel événement peut
impulser un nouvel an au sein de la vie d'un musée. Il est important que
le musée ne se repose pas sur ses acquis laissant ainsi au visiteur
l'image d'un musée poussiéreux du XIXe siècle. Au regard
des publications établies lors des expositions temporaires des deux
autres musées, on peut remarquer que cet élan avec un
développement important en 1992 annonçant une croissance
exponentielle et intense des expositions temporaires.181
Ainsi, par la même occasion, on peut procéder
à l'inventaire ou au récolement. Ce qui constitue
également un enrichissement pour les musées, puisque c'est une
façon d'envisager l'exposition future des collections permanentes.
Ainsi, Mme Thomas n'est « pas certaine que le MEN participera à
l'opération Renaissance car nous avons d'autres priorités
(Récolement qui est une obligation légale) qui ne rentrent pas
dans ce cadre. »182Qui plus est, il est difficile,
contrairement à 2005, de voir un héritage de la Renaissance dans
l'Ecole de Nancy. Parallèlement, le Musée Lorrain
numérise, dresse un inventaire systématique des collections qu'il
restaure pour 2012 depuis 2005.183 La nécessité de
concentrer toutes les énergies disponibles en un temps très court
remet en cause l'habitude des modes de fonctionnement des musées. Tout
le monde met l'énergie dans le même sens pour arriver à un
résultat qui fait consensus. Ainsi, si les musées de Nancy
coopèrent toujours - pour des sujets qu'ils peuvent avoir en commun-,
que ce soit dans le cadre de grandes manifestations culturelles ou
d'expositions de moins grande envergure.184 Une
pérennité des relations inter muséales apparaît plus
visible depuis « l'année de l'école de Nancy ». Ainsi
en 2007, la ville de Nancy a proposé d'aborder la thématique du
verre à l'occasion de l'exposition Luxembourg - Grande Région,
capitale européenne de la culture avec des financements moins
conséquents que pour 2005 ou
180 Cf. Annexe n°6.
181 Ce relevé n'est pas établi scientifiquement
avec une grille d'étude. Il se fait par le relevé des
années des catalogues d'expositions déposés à la
Bibliothèque nationale de France. Malheureusement, ces deux
musées répondent à la communication institutionnelle et ne
disposent pas, à la différence du Musée de l'Ecole de
Nancy, d'un site web consacré. Ainsi, on ne trouve pas d'archivage des
expositions temporaires passées mais uniquement la programmation
événementielle à venir.
182 Mme Valérie Thomas, mail du 12/03/2010
183 Eric Moinet dans F.Roze (dir.), Saint-Nicolas et les
Lorrains, entre histoire et légende, Nancy, Musée Lorrain, 3
décembre 2005-27 février 2006, Metz, Editions Serpenoise, 2005,
p.11
184Mme Roze, Conservatrice au Musée Lorrain,
Mail du 26/03/2010.
1999. De même, avec le trio d'expositions sur Victor
Prouvé en 2008. Comme le rappelle Mme Thomas : « cela se fait
uniquement lorsque le sujet ou les collections des musées s'y
prêtent, cela n'est pas fait systématiquement. ». Mme
Noël mentionne toutefois que si ce n'est pas la déclinaison d'un
sujet dans les trois musées sur une même période, les
musées se concertent pour assurer une offre régulière
d'expositions temporaires répartie sur l'année. D'ailleurs, cette
collaboration régulière permet aussi de faciliter les prêts
entre musées. Ce que mettait en exergue Mme Chavanne pour l'exposition
« De l'esprit des villes » qui a fait l'objet de prêts nombreux
du Musée Lorrain. En outre, de nouvelles réserves suite à
la rénovation du Musée Lorrain185vont être
communes à l'ensemble des six musées de l'agglomération
nancéienne, ce qui peut leur permettre de coopérer plus
facilement lors de prêts. La rénovation des bâtiments
permettra l'ouverture de nouveaux espaces afin de devenir « le
musée de tous les Lorrains » en répondant aux missions
muséographiques contemporaines.
Par ailleurs, les musées ne restent pas figés,
sans faire d'acquisitions. Le Musée Lorrain a pu acquérir le
trésor national de Pouilly sur Meuse en vue de l'événement
Renaissance. Le Musée des Beaux Arts a poursuivi une politique
d'exposition de la production contemporaine dans l'espace permanent par le
biais d'acquisition ou de dépôt du Fonds National d'Art
Contemporain sans trahir les collections qui sont au
musée.186 Le Musée de l'Ecole de Nancy
bénéficie quant à lui de l'aide du Fonds Régional
d'Acquisition des Musées de Lorraine.
(2) « Rendre les collections accessibles au
public le plus large, concevoir et mettre en oeuvre des actions
d'éducation et de diffusion visant à assurer l'égal
accès de tous à la culture» 187
Le musée est un service public c'est à dire une
activité exercée par une collectivité publique en vue de
donner satisfaction à un besoin d'intérêt
général. On peut penser comme Frédéric Thorel
qu'« outre les oeuvres il y a le public ; le premier patrimoine à
protéger est le patrimoine humain (...). L'action du musée peut
contribuer à restaurer le
185 E. Moinet dans F.Roze (dir.), Saint-Nicolas et les
Lorrains, entre histoire et légende, Nancy, Musée Lorrain, 3
décembre 2005-27 février 2006, Metz, Editions Serpenoise, 2005,
p.11
186 Entretien téléphonique avec Mme B.Chavanne, le
14/04/2010.
187 Article L.441-1, Livre IV, titre IV, Code du
patrimoine.
patrimoine humain, quelquefois ruiné,
abîmé, dans nos quartiers ou ailleurs, en faire un public
concerné par la sauvegarde d'un patrimoine à partager
( · · ·.) ".188 Il s'agit en premier lieu du
public local. Nous l'avons d'ores et déjà abordé en
première partie de ce mémoire. L'élargissement des publics
peut aussi se faire grâce au tourisme qui amène un public
extérieur, qui ne fréquente pas forcément les
musées qui l'entourent quotidiennement. Les musées se sont
efforcés pour chaque événement de promouvoir les actions
de médiation culturelle et d'adapter leurs discours à tous les
types de publics. Les musées ont su s'associer aux projets associatifs
d' « aventures partagées » dont le but était d'ancrer
un projet mobilisant les acteurs institutionnels dans un quartier de la ville.
Ainsi, les associations du Haut du Lièvre, avaient organisées une
réalisation d'oeuvres contemporaines de l'exposition « Pour de vrai
". Les Musées des Beaux Arts et de l'Ecole de Nancy disposent, depuis
1999, d'un service éducatif commun. Celui-ci permet alors de
sensibiliser les jeunes publics et les adolescents grâce à des
visites et animations spécifiques qui leurs sont
réservées. Ce service permet également d'accueillir de
façon plus encadrée les groupes scolaires. Le service
éducatif propose en amont des formations pour les enseignants et des
fiches pédagogiques permettant d'anticiper ou prolonger la visite. Pour
les publics en groupe, type associations, centres de loisirs, MJC..., ce
service offre des thèmes de visite et des ateliers plus
spécifiques. Il a mis en place des actions à destination des
publics individuels lors des premiers dimanches du mois avec des visites
animées pour les enfants. Les troisièmes dimanches du mois, les
trois musées proposent des rendez-vous familiaux avec une visite ou une
animation qui leur est consacrée. En outre, pour les enfants de quatre
à douze ans, le service éducatif a mis en place des stages qui
ont lieu les mercredis ou pendant les vacances scolaires. Si cette
expérience a été initiée pendant un grand
événement, elle remplit une des missions obligatoires du
musée189 et reste de façon permanente au musée.
Par ailleurs, le public étudiant peut, depuis 2006, disposer de la
« Carte Jeunes Nancy Culture " permettant notamment de visiter, de
manière illimitée, les musées de la ville après
s'être acquitté du paiement de la carte190.
Plusieurs
188 Cf. « Patrimoine mausolée, patrimoine valeur
refuge, patrimoine citoyen ", Musées et collections publiques de
France, n°221-222, décembre 1998-mars 1999, p.106.
189 « Chaque musée de France dispose d'un service
ayant en charge les actions d'accueil du public, de diffusion, d'animation et
de médiation culturelles. Le cas échéant, ce service peut
être commun à plusieurs musées. " (Article L.442-7, Livre
IV, titre IV, Code du patrimoine)
190 Le coüt de la carte est de 5€ pour les
résidents d Nancy et la Communauté Urbaine, 10 € pour les
autres étudiants (jusque 26 ans). Cette carte, toutefois , n'est pas
spécifique aux musées, elle permet en outre, des
réductions pour les activités culturelles de la ville et sa
Communauté Urbaine.
pass Musées existent de façon permanente pour
permettre ces actions d'accès égal à la culture, pour les
publics adultes.191 En outre, au sein du Musée des Beaux
Arts, la mission « nouveaux publics adultes », créée en
2001, a pour vocation d'accueillir les publics handicapés. Le
musée a ainsi bénéficié en 2005 du label «
Tourisme et handicap ». Certes, l'effet « d'égalité
pour tous » n'agit pas uniquement lors des grands événements
mais c'est un enjeu que l'on peut intégrer dans le montage de ceux-ci
grâce aux moyens déployés. La mission de 2001 se devait
d'atteindre l'objectif de 2005, pour qu'il soit beaucoup plus remarqué.
Actuellement, ces effets sont prolongés. De même, le musée
tente aujourd'hui de s'exporter à travers l'exposition de reproduction
d'oeuvres sorties des réserves à destination des personnes
hospitalisées au Centre Alexis Vautrin.192Au travers d'une
manifestation événementielle, ce sont des missions permanentes et
quotidiennes du musée qui sont développées. Par la
visibilité que ces événements vont créer, il
convient de les intégrer. Dans le projet de rénovation du
Musée Lorrain, la création de nouveaux espaces permettra aussi de
prendre en compte es problématiques muséales nouvelles.
On peut de manière générale, comme le
suggère Noémie Drouguet, trouver que les chiffres de
fréquentation apparaissent souvent comme le seul bilan et que seuls les
retours dans la presse ou l'efficacité d'une campagne de promotion sont
mesurés.193 En effet, « l'année de l'Ecole de
Nancy » a connu une forte fréquentation dont témoignent les
380 000 visiteurs des trois expositions et les 75 000 visiteurs de celles
présentées à Nancy et hors Nancy »194. En
2005, les 3 expositions ayant bénéficié du label
d'intérêt national ont accueilli 103 266 visiteurs dont 32 921
entrées gratuites195. La fréquentation totale du
Musée Lorrain sur l'année 2005 s'élève à 85
906 visiteurs contre 70 365 en 2004, celle du Musée des Beaux Arts s'est
élevée à 121 147 entrées, contre 83 501 en 2004.
196 Et plus de mille visites de groupes en 2005 ont
été enregistrées par l'office de tourisme en 2005 contre
711 l'année précédente197.
191 2 pass « 3 musées » existent : a) Les trois
musées qui nous intéressent, la carte est à 8€ pour
trois mois, b) Musée du Fer, Aquarium, Jardin Botanique avec une carte
à 10€ pour trois mois. Il existe aussi une carte
« pass 6 musées » à 14€ pour trois
mois.
192Etablissement hospitalier qui prend en charge le
traitement des cancers.
193Cf. N.Drouguet, op.cit.
194 Cf. V. Thomas, op.cit. p.35.
195 « Nancy 2005, le temps des Lumières », le
bilan, p .42.
196 Ibid, p.24.
197 Ibid. p.32.
La communication en amont a, il est certain, favorisé
les hausses de fréquentations justifiant en 1999 le recrutement d'une
chargée de communication au Musée de l'Ecole de Nancy et l'appel
régulier du cabinet de relations presses Claudine Collin. La
chargée de communication a permis au musée de se doter d'un site
web indépendant, ne répondant à pas à une
communication institutionnelle, même si son recensement est quand
même fait sur les sites Internet de la ville et de l'office de tourisme.
En outre, il existe désormais un blog du musée198,
permettant de communiquer les actualités récentes du musée
et les événements à venir d'une façon plus
informelle, se voulant novatrice et donc proche d'un public maîtrisant
les NTIC. Cette diffusion permet de renforcer un accès de tous à
la culture. En 1999, « l'organisation de l'année de l'Ecole de
Nancy a entraîné le recrutement de deux personnes
supplémentaires (un régisseur des collections, une responsable du
service culturel) et la mutation de deux fonctionnaires de la ville à la
conservation.»199 Ce renfort permet ainsi de renforcer les
services proposés et d'assurer leur qualité.
(3) « Contribuer aux progrès de la connaissance et de
la recherche ainsi qu'à leur diffusion. »200
Il est important pour les musées de ne pas uniquement
s'attacher aux collections anciennes ou s'appuyer sur les recherches
déjà effectuées. Une politique d'exposition, même si
elle s'inscrit dans une notion de temps différente de celle que se donne
le musée, quant à la pérennité et à la
conservation, n'a de sens que si la relation avec les oeuvres est
sauvegardée et qu'elle contribue à leur déploiement et
à des travaux scientifiques autour du thème choisi. Lors de ces
grands rendez-vous, c'est l'occasion d'augmenter les connaissances sur un sujet
donné (ce que Nathalie Heinich nomme la « fonction documentaire de
l'exposition »)201. Les expositions temporaires sont aussi un
moyen d'envisager un nouvel angle d'attaque. C'est par exemple la vocation que
s'est donné le Musée de l'Ecole de Nancy en créant les
expositions-dossiers. Les catalogues d'expositions apportent souvent lors de
ces événements, la mention d'un apport
198
http://off.ecole-de-nancy.com/web/
199 Cf. V. Thomas, op.cit, p.37.
200 Article L.441-1, Livre IV, titre IV, Code du
patrimoine.
201 Article « exposition » in Encyclopedia
Universaelis.
documentaire conséquent, ce dont témoigne la
conservatrice du Musée des Beaux Arts: « 1999 aura
été une année faste pour le Musée des Beaux Arts,
après sa réouverture en février dernier, et le
succès remporté par l'année de l'Ecole de Nancy, (...) un
programme particulièrement fertile en découvertes
».202 Précédemment, nous avons remarqué
que les catalogues d'exposition donnent lieu également à des
contributions documentaires plus ou moins nombreuses, universitaires ou de
l'Inventaire Général du Patrimoine mais aussi estudiantines.
« (...) De nombreux fonds, des revues ont été
dépouillés à cette occasion par des étudiants de
l'université de Nancy II »203. Ainsi, une thèse
était en cours (de Mlle Blandine Otter204) en 1999 à
Nancy II, on peut supposer qu'elle a contribué à l'avancée
des recherches. Il appartient aussi aux conservateurs de ne pas proposer des
manifestations « fast-food »205, offrant un
condensé réducteur d'informations. Par leurs recherches,
opérées pendant la création de l'exposition, les
conservateurs contribuent également aux progrès de la
connaissance. Une exposition est anticipée et n'avance pas un propos
sans sources. D'où, l'intervention parfois de conservateurs
spécialisés qui viennent soutenir un propos. Ainsi, si les trois
expositions de 2005 : « Stanislas, un roi de Pologne en Lorraine » au
musée Lorrain, « De l'esprit des villes. Nancy et l'Europe au
siècle des Lumières » au Musée des Beaux-arts et
« La lumière au siècle des Lumières et aujourd'hui
» aux Galeries Poirel ont reçu le label d'intérêt
national, c'est d'une part pour les actions de médiation culturelle et
l'ouverture à un large public, mais c'est aussi un gage de
qualité scientifique reconnu par le Ministère de la Culture et de
la Communication.
Même si les grands rendez-vous apportent des flux
touristiques conséquents et non négligeables, le tourisme se doit
de respecter de manière responsable le musée. Les musées
par le biais des conservatrices doivent rester éthiquement des lieux de
savoir, d'éducation et d'intégration sociale sachant manier
qualité et adaptation du service afin d'éviter de devenir des
lieux de divertissement. Le risque pour les musées est de devenir des
produits de marketing perdant ainsi toute pertinence et toute
crédibilité. Au regard de l'évolution des contextes et des
nouveaux enjeux muséologiques, il s'agit de redéfinir les
priorités sans que les différents contextes n'affectent sa
structure. Quant à un éventuel risque d'ingérence
202 Cf. B.Salmon dans C.Destrez, B. Salmon, Jacques
Majorelle, rétrospective, Musée des Beaux Arts de Nancy,
1er décembre 1999-31 janvier 2000, Paris, RMN, 1999, p.8.
203 Cf. V. Thomas, op.cit, p.36
204 Elle travaille depuis au service de documentation du
Musée de l'Ecole de Nancy.
205 Cf. C.Menz, « Contrat de prestation, marketing,
controlling. Au joyeux monde des nouveaux musées. », p.95.
des élus, les conservateurs doivent travailler avec les
élus, puisqu'ils en dépendent et qu'ils ont la
responsabilité du fonctionnement des musées. Mais doivent-ils
préférer un désintérêt des élus
à l'égard du musée, qui bien souvent s'accompagne d'un
manque de moyens ou doivent-ils se réjouir de leur intérêt
? 206 Comme Sylvie Grange l'indique : « les élus sont
l'émanation de la démocratie nous [les conservateurs] en
dépendons. Leur rôle consiste à décider, soit qu'ils
nous aient demandé de mettre en oeuvre tel ou tel objectif, soit que
nous leur en ayons fait la proposition.207 Même si les
élus n'ont pas la légitimité scientifique et la
liberté intellectuelle du contenu, ils sont les initiateurs du projet.
Quoiqu'un sujet d'exposition et son angle d'attaque puissent ne pas être
neutres non plus. Les institutions étatiques hiérarchiques (le
conseiller musée à la DRAC ou l'Inspection des Musées de
France) demeurent garantes de la légitimité, les conservateurs
peuvent éventuellement attirer leur attention pour avoir plus de
crédit face aux élus.208 L'intérêt de
participer à la manifestation est puissant parce que celle-ci apporte
visibilité et fréquentation pour le musée, il est presque
impossible de refuser une telle opportunité puisque ces musées
dépendent de la collectivité. Même si des blocages sont
possibles, des intérêts divergents peuvent parfois transcender
parce que l'événement laisse une place spécifique à
chaque institution dans la programmation.209
Les points de vue des conservatrices de Nancy demeurent assez
mitigés. Mme Roze invoque son devoir de réserve lorsqu'on lui
demande quelles sont ses méthodes de travail avec la municipalité
et si elle a l'impression de conforter un gout convenu. Mme Chavanne y voit un
aspect positif pour le musée et avoue, en tant que fonctionnaire
municipale, ne pas revendiquer une éventuelle contrainte puisque le
fonctionnement des musées se fait sur les crédits publics. Elle
trouve également le projet fédérateur puisqu'il
amène à la fois un projet et les moyens « d'autant qu'il est
assez rare que les villes se préoccupent de la culture, donc
lorsqu'elles le font il faut profiter de l'opportunité. ».Tandis
que Mme Thomas porte un jugement atténué. Pour elle :
206 Cf. F. Poulard, op.cit, p.200.
207 S. Grange, « Le territoire du conservateur »,
Musées et collections publiques de France, n°221-222,
décembre 1998-mars 1999, p.104.
208 Cf. F .Poulard, op.cit, p.228
209 Cf. V. Appel, C. Bando, H .Boulanger, G. Crenne, V. Croisant
, B. Toullec, La mise en culture des territoires, Nouvelles formes de
culture événementielle et initiatives des collectivités
locales, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2008
« Tous les problèmes et dysfonctionnements du
musée de l'Ecole de Nancy n'ont pas été
réglés pour 1999. La ville de Nancy et les autres partenaires ont
cependant trop tendance à considérer que le musée a
beaucoup profité de l'année de l'Ecole de Nancy. Il est pourtant
difficile de conserver aujourd'hui l'impact de cette opération, la
fréquentation du musée a été en hausse depuis 2000
mais connaît depuis, une légère baisse. La confusion se
fait facilement entre l'investissement important consenti pour l'année
de l'Ecole de Nancy et celui proportionnellement plus modeste pour le
musée de l'école de Nancy. (...) L'année de l'Ecole de
Nancy fut un moment exceptionnel dans la vie et l'histoire du musée de
l'école de Nancy. Mais il est très difficile de conserver sur le
long terme, le rythme et l'impulsion donnés par l'année de
l'Ecole de Nancy, d'où parfois le regret de ne pas avoir eu le choix
d'un investissement régulier pour le musée et d'une
réflexion plus globale sur le patrimoine Art nouveau à Nancy.
»210
Ce qui nous laisse croire que « la tentation du court terme
reste forte, avec le lancement d'opérations visibles rapidement et
susceptibles de faire venir des visiteurs. »211
210 Cf. V. Thomas, op.cit, p.37.
211 Cf. C. Barçon, « Stratégies touristiques
des villes, un délicat équilibre à trouver » dans
Cahiers Espaces, n°78, juillet 2003, p. 56.
Conclusion
On a tenté de montrer, au travers de l'exemple de Nancy,
dans quelle mesure la culture peut jouer un rôle au sein d'une politique
globale.
Socialement, le rendez-vous présente un
intérêt, il permet un accès du plus grand nombre à
la culture et aux événements qui lui sont rattachés, se
voulant ainsi comme un temps festif, de rencontres, de « croisements
» autour d'un patrimoine en commun. Patrimoine, possédant une vertu
fédératrice voire identitaire renforçant ainsi le
sentiment d'appartenance à la ville. Les habitants de Nancy et de sa
Communauté Urbaine pouvant alors partager des référents
communs. Les musées et le patrimoine, plus généralement la
culture, semblent devenir l'apanage des collectivités territoriales et
notamment des villes. Gérer une ville ne se réduit manifestement
plus à la régie d'actes techniques. « Garantir la
cohésion sociale, fédérer les talents, mettre en
présence des sensibilités, des générations, bref
faire en sorte que les gens se reconnaissent dans leur ville, aient envie de se
l'approprier, de la découvrir (...) »212semble
désormais être aussi une des fonctions que la ville doit remplir.
Les trois musées de Nancy qui nous intéressent entendent jouer un
rôle moteur dans la vie culturelle tant au quotidien que poussés
par des temps forts. Ils permettent à chacun de découvrir et
s'approprier leurs collections en restant des lieux de partage des
connaissances et du patrimoine, contribuant ainsi à l'enrichissement
personnel. Les musées, à travers ces grands
événements entendent opter pour une réflexion sur
l'avenir, ne se contentant pas de s'appuyer sur un patrimoine glorieux. Ils
rendent possible
212 André Rossinot dans N. Descendre, Le Bottin des
Lumières, p.8-9.
le dialogue de leurs collections avec la création
contemporaine. Emanant d'une volonté politique, les grands rendez-vous,
en condensant les possibilités culturelles stimulent une offre
constante. Cependant, il faut veiller à ne pas uniquement stimuler
l'offre pour accroître la demande au risque de diluer
l'intérêt des publics. Il faut veiller à proposer en
continu une « irrigation culturelle » du territoire avec des
propositions variées en restant ouvert à ce que souhaitent les
habitants locaux.
Pour autant, « (...) 87% des personnes interrogées
souhaitent que ce type d'événements soit renouvelé
à l'avenir ( · · ·) »213. Cela
signifie que l'opération est correctement articulée et que les
investissements financiers ne sont pas futiles. Les énergies des
organisateurs du projet sont communes pour un même projet, les
administrateurs institutionnels s'appuyant sur un large réseau de
partenaires qui prolongent intellectuellement les enjeux financiers
engagés pour proposer une offre fiable et de qualité. Le projet
se doit d'être une réussite intellectuelle et culturelle, il doit
aussi être une réussite touristique - par la fréquentation
qu'il engendre - et économique avec des retombées, de
préférence positives. Cependant, il ne pourrait pas être
qu'une réussite touristique et économique. Si « pendant
longtemps, on a considéré que mêler les problèmes
d'argent aux problèmes de culture constituait une sorte de non-sens,
quasiment une incongruité. Certains conservent d'ailleurs toujours
l'arrière-pensée qu'il ne faudrait pas parler d'argent quand on
parle de culture. Mais nous savons bien que tout doit se mesurer, et que
l'argent constitue l'un de ces moyens de mesure (même si ce n'est
évidemment pas le seul). S'il ne faut pas trop parler d'argent, il faut
toujours parler d'efficacité, car il est inadmissible de ne pas
être efficace dans quelque domaine que ce soit où on utilise de
l'argent, qu'il soit public ou privé. »214. Cette
efficacité se mesure également avec les retombées plus
immatérielles telle la présence médiatique,
l'attractivité engendrée et aussi la pérennité
intellectuelle et physique qu'il va léguer à la
postérité. Actes, publications participent à cette
dernière, les rénovations apportées aux bâtiments et
aux objets paraissent être engagées pour plusieurs
générations, de même que les projets intellectuels qui sont
le fruit de ces événements.
213 Cf. Etude IFOP, op.cit, p.17.
214Intervention de R .Mézin dans M.Gabillard,
R.Mezin, F. Thorel, « Culture et gestion, le point de vue des élus
locaux », P.42
Enfin, s'il nous semblait de prime abord qu'il puisse y avoir
une certaine instrumentalisation de la culture, dès lors que notre
regard est extérieur. Il apparaît en fait que
l'événement soit profitable aux musées dans tous les sens
du terme et que tous les professionnels de la culture soient plutôt
satisfaits que leurs services puissent être mis à profit lors
d'événements d'une telle ampleur. « C'est un travail
concerté, le professionnel a besoin du politique pour le budget,
l'élu a besoin du professionnel pour l'approche scientifique
».215 L'événement est conçu en amont, il
n'est là que parce qu'il s'appuie sur un patrimoine existant pour
illustrer son propos et s'articule comme un temps fort par rapport aux
programmations que proposent les musées aux publics. La
difficulté consiste toutefois à éviter que les
investissements conséquents qui sont déployés pour les
manifestations événementielles ne soient pas mieux
répartis au fil des ans afin d'être disponible de façon
pérenne.
Néanmoins, les événements sont
bénéfiques aux musées à plus d'un titre. Ils
donnent lieu à une fréquentation plus importante et
diversifiée en matière de publics grâce aux moyens qui sont
déployés proposant ainsi une communication opérationnelle.
Ces rendez-vous permettent aux musées de remplir leurs missions de
façon accélérée, parce que tous les professionnels
oeuvrent dans le même sens. Les moyens étant mutualisés, il
devient plus simple de collaborer. L'étude des collections se voit
renforcée grâce à leurs restaurations. S'adapter aux
nouveaux enjeux sociétaux est un des défis actuels des
musées notamment en s'articulant à l'économie, en veillant
toutefois à conserver leur intégrité.
On peut se demander à une échelle plus
importante, si l'événementiel n'est pas une solution par
défaut pour les collectivités suscitée par la
fugacité des mandats et la difficulté de reconduire les actions
culturelles d'une politique opposée. D'où la
nécessité parallèle d'un travail continu d'inscription
territoriale de la culture et de mobilisation des acteurs pour éviter
leur instrumentalisation.
On constate, spécifiquement pour Nancy, que les trois
grands événements ont coïncidé avec la
rénovation des trois grands musées. On pourrait s'interroger,
dans un autre cadre, sur le jardin botanique, l'aquarium et le musée du
fer. Seraient-ils susceptibles d'être aussi porteurs de manifestations
telles que « l'Année de l'Ecole de Nancy » et « Le temps
des Lumières » l'ont été ? Ce sur quoi un opposant de
la majorité ironisait en disant que
215 Entretien téléphonique avec Mme
Véronique Noël le 11/03/2010.
Nancy ne pouvait pas en permanence faire des grands
événements en « remontant jusqu'aux temps
préhistoriques », signifiant ainsi l'épuisement des
possibilités patrimoniales comme un des risques pour la ville et sa
Communauté Urbaine. On peut lui rétorquer qu'il existe
différents angles d'approches d'une thématique muséale et
patrimoniale et que souvent, au fil du temps, on revoit ses positions. De
même, les investissements consentis en 1999 pour le Musée de
l'Ecole de Nancy et le Musée des Beaux Arts, en 2005 pour les
collections du Musée des Beaux Arts et le patrimoine XVIIIe de la ville
ou pour le Musée Lorrain, ne répondront peut être plus,
d'ici peu, aux problématiques sociétales actuelles et qu'il
serait alors de bon temps de revoir ces jugements.
En outre, il serait également intéressant de
s'interroger sur l'essence festive impulsée pour ces
événements. N'existe-t-il pas d'autres moyens de faire venir les
gens au musée ? Plus généralement, on se demanderait alors
quel sera le futur de l'événementiel et si l'on peut opter pour
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http://www.ecoledenancy.com/web/index.php?page=presentation-men
Site de l'ICOM :
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Le service public de la diffusion du droit
www.legifrance.fr
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http://www.nancy.fr/accueil/html/
>
http://www1.nancy.fr/culturelle/grands-rendez-vous/nancy-2005.html
>
http://www.nancy.fr/culturelle/rdv_et_festival/html/nancy2005.php
>
http://www1.nancy.fr/culturelle/musees/musee-des-beaux-arts.html
>
http://www1.nancy.fr/culturelle/musees/musee-de-lecole-de-nancy.html
>
http://www1.nancy.fr/culturelle/musees/musee-lorrain.html
Site du tourisme culturel :
www.tourismeculturel.net
Annexes
Annexe 1 : Communiqué de presse Trésor de
Pouilly sur Meuse
www.culture.gouv.fr
Annexe n°2 : Polémique autour de la marque
Saint Nicolas
Les villes de Nancy et de Saint Nicolas de Port ont
engagé une démarche auprès de l'INPI visant à
déposer les marques « Saint Nicolas », « le marché
de Saint Nicolas », « les Fêtes de Saint Nicolas » ainsi
que « la Fête de Saint Nicolas », pour différents
produits et services en classes 4, 14, 16, 18, 21, 25, 26, 28, 29, 30 et 35.
Compte tenu de la notoriété de Saint Nicolas en
Alsace, de la multitude d'églises et chapelles portant son nom, de
même que des nombreux marchés et foires sans compter les
fêtes de villages diverses dans notre région, l'utilisation
exclusive d'une telle appellation nous est apparue totalement en contradiction
à toutes les traditions reconnues et suivies depuis le Moyen Age en
Alsace.
Le terme de « marché de St Nicolas », «
foire de .. », « fête de .. » notamment sont des termes
utilisés depuis près de huit siècles sur de nombreuses
manifestations, sans compter la simple référence à «
Saint Nicolas ».
Il suffit de rappeler que près de 35 églises
importantes portent ce nom en Alsace, sans compter les chapelles, oratoires et
autres monuments présents dans l'espace rural alsacien. Pour
mémoire encore, près de 45 marchés, fêtes et foires
de la Saint Nicolas notamment se déroulent en Alsace entre le 4 novembre
et le 7 décembre annuellement depuis la nuit des temps, en plus de
toutes les traditions religieuses qui ont rythmé toutes les
manifestations de la vie sous le patronage du Saint.
Lors de ces manifestations, il convient de noter que la
quasi-totalité des produits revendiqués au sein
des dépôts des marques ci-dessus mentionnées sont
traditionnellement confectionnés, fabriqués ou vendus
à l'occasion de manifestations placées sous le patronage du
saint ou vendus à l'occasion des fêtes et foires quiy sont
directement liées.
Dans ce cadre l'Association Départementale du Tourisme
du Haut-Rhin entend s'opposer à la démarche des villes de Nancy
et de Saint Nicolas de Port, afin de protéger nos traditions ancestrales
liées à Saint Nicolas, et de conserver dans tous les cas la
possibilité de communiquer sur le sujet sans contestation possible par
aucune autre entité, collectivité, entreprise ou
intérêt particulier étrangers à l'Alsace.
Pour ce faire l'ADT du Haut-Rhin, présidée par
Eric Straumann, député et conseiller général, a
missionné le cabinet conseil en propriété industrielle
« Meyer & partenaires » situé à Strasbourg pour
défendre les intérêts alsaciens et contester la
possibilité d'une appropriation exclusive des marques telles que
déposées.
La premiere étape de cette action, compte tenu de
l'urgence de la situation, a été le dépôt le 14
octobre dernier pour le compte de l'ADT par le cabinet d'un mémoire
fortement argumenté démontrant que les termes
déposés sont « dépourvus de caractère
distinctif au regard des produits et services visés dans leur
dépôt et ne peuvent donc être déposés au titre
de marque en France », et de ce fait que les demandes d'enregistrement
sont contraires aux dispositions du Code de la Propriété
industrielle .
L'ADT du Haut-Rhin, assistée par son Conseil «
Meyer & partenaires» suit ainsi la procédure en cours, avec
pour objectif que soient rejetées officiellement les demandes
d'enregistrement effectuées par la ville de Nancy et Saint Nicolas de
Port des marques « Saint Nicolas », « le marché de Saint
Nicolas », « les Fêtes de la Saint Nicolas » ainsi que
« la Fête de Saint Nicolas.
Jeudi 16 juillet 2009 4 16 /07 /2009 12:32
http://www.ericstraumann.info/article-saint-nicolas-n-est-pas-une-marque-38846831.html
Annexe n°3 :Marque déposée "Saint
Nicolas ®" : la pétition en ligne
Madame, Monsieur, chers Collègues, chers Amis,
Les maires de Saint Nicolas de Port et de
Nancy souhaitent limiter l'usage du nom de Saint Nicolas en
déposant les marques (( Saint Nicolas ,,, (( Le marché de
Saint Nicolas ,,, ((Fête de Saint Nicolas ,, et (( Les fêtes de
Saint Nicolas ,, auprès de l'Institut National de la
Propriété Industrielle. Nous, habitants de Nancy et de
Saint-Nicolas de Port, nous opposons à cette demande parce qu'elle est
contraire à la notion de patrimoine commun. Si vous recevez ce
message [Note : le présent texte est destiné à
être transféré par courriel à un maximum de
personnes] et que vous souhaitiez, comme nous, que le nom et les
fêtes de Saint Nicolas restent dans le patrimoine commun à tous,
contactez l'INPI pour dire que vous refusez la mise en place de marque
déposée sur "Saint Nicolas".
MM Rossinot, maire de Nancy, et Binsinger, maire de Saint-Nicolas
de Port, ne peuvent disposer de notre patrimoine commun pour faire de
l'argent.
Afin de donner encore plus d'impact à cette demande,
transférez ce mail à toute personne de votre entourage
intéressée par la défense de ce patrimoine. Si nous sommes
nombreux à contacter l'INPI pour exprimer notre refus de mettre une
marque sur Saint Nicolas, alors l'Institut écoutera peut-être
plutôt notre demande que la leur.
Merci à tous de votre engagement. Rendez-vous
sur le site de l'INPI et choisissez l'option : Demande
d'information sur un dossier déposé.
Copiez et collez le message en rouge ci-dessous
Saint Nicolas est un patrimoine commun à
beaucoup de Français, d'Européens et de personnes de
nationalités très différentes. Au nom de la notion de
patrimoine commun j'exprime mon désaccord à la mise sous marque
déposée de ce nom.
Merci de confirmer votre engagement en signant la
pétition en ligne :
Merci à tous.
David SARRADO
Daniel WISNIEWSKI Odette
DOUEZ
Jean-Louis BAUDY Patricia OBRIOT
Annexe n°4 :Fête : polémique en
Lorraine après le dépôt de la marque "Saint-Nicolas"
La polémique enfle à nouveau autour du
dépôt de la marque "saint nicolas ®". Un article du Monde.fr
met bien en lumière la problématique... La conclusion de Bertrand
Masson, du groupe délus d'opposition au conseil municipal de Nancy, est
tout à fait pertinente. Surtout à Saint-Nicolas de
Port.
A la veille des célébrations de la
Saint-Nicolas, la Lorraine est traversée par une polémique qui
concerne le dépôt de la marque "Saint-Nicolas" par les mairies de
Nancy et Saint-Nicolas-dePort (Meurthe-et-Moselle). Pour dénoncer la
"privatisation" de la fête, un élu de l'opposition socialiste
à Nancy, Bertrand Masson, a lancé mercredi une pétition en
ligne qui a déjà recueilli les signatures d'une vingtaine
d'édiles socialistes, dont les présidents du Conseil
régional de Lorraine et du Conseil général de
Meurthe-et-Moselle, ainsi que certains maires de l'agglomération
nancéienne. Les conseils municipaux de Nancy et de Saint-Nicolas-de-Port
(7.500 habitants) ont en effet voté en juillet dernier le
dépôt de quatre marques à l'Institut national de la
propriété intellectuelle (Inpi): "Saint Nicolas", "Le
marché de la Saint Nicolas", "Les fêtes de la Saint Nicolas" et
"La fête de la Saint Nicolas". "On privatise une fête, comme si
Nancy et Saint-Nicolasde-Port étaient les seules villes
concernées", dénonce Bertrand Masson, chef de l'opposition
municipale de Nancy qui estime que les deux communes ont fait preuve d'"une
vision boutiquière d'un patrimoine culturel commun à tous les
Lorrains". Les signataires demandent le retrait des marques
déposées à l'INPI ainsi que l'inscription de la fête
de la Saint-Nicolas au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. "Nous
avons fait cette démarche pour protéger l'initiative
privée, ce dépôt n'est pas opposable aux initiatives des
collectivités publiques", s'est défendu Laurent Hénart,
adjoint à la Culture (UMP-Rad) à la mairie de Nancy. "N'importe
quelle mairie pourra décider d'éditer des produits
dérivés", assure-t-il. "Nous avons eu deux
précédents, notamment avec l'appellation +Place Stanislas+ en
2005: il a fallu transiger avec les particuliers qui avaient
déposé ce nom, ça a eu un coût certain en frais de
justice. Maintenant, on se protège", justifie-t-il. Laurent
Hénart, par ailleurs tête de liste UMP aux élections
régionales en Lorraine, observe que "personne n'a fait opposition ou n'a
déposé d'observations durant le délai légal
après le dépôt à l'INPI". "C'est une fois ce
délai écoulé que certains s'agitent: il y a une posture
pré-électorale regrettable, Saint-Nicolas mérite mieux que
ça", estime-t-il.
Source :
http://www.davidsarrado.fr/article-fete-polemique-en-lorraine-apres-le-depot-dela-marque-saint-nicolas--40544879.html
Annexe n°5 : Marque Saint-Nicolas
Marque : SAINT NICOLAS
Classification de Nice : 4 ; 14 ; 16 ; 18 ; 20 ;
21 ; 25 ; 26 ; 28 ; 29 ; 30 ; 35 Produits et services
· 4 Bougies et mèches pour l'éclairage ;
· 14 joaillerie, bijouterie, horlogerie et instruments
chronométriques, monnaies, boîtiers, bracelets, chaînes,
porte clefs de fantaisie, statues ou figurines (statuettes) en métaux
précieux, étuis ou écrins pour l'horlogerie,
médailles ;
· 16 produits de l'imprimerie, articles pour reliures,
photographies, articles de papeterie ; adhésifs (matières
collantes) pour la papeterie ou le ménage, matériel pour les
artistes, pinceaux, machines à écrire et articles de bureau
(à l'exception des meubles), matériel d'instruction ou
d'enseignement (à l'exception des appareils), caractères
d'imprimerie, clichés, papier, carton, boîtes en carton ou en
papier, affiches, albums, cartes, livres, journaux, prospectus, brochures,
calendriers, instruments d'écriture, objets d'art gravés ou
lithographiés, tableaux (peintures) encadrés ou non, aquarelles,
patrons pour la couture, dessins, instruments de dessin, mouchoirs de poche en
papier, serviettes de toilette en papier, linge de table en papier, papier
hygiénique, couches en papier ou en cellulose (à jeter), sacs et
sachets (enveloppes, pochettes) en papier ou en matières plastiques pour
l'emballage, sacs à ordures en papier ou en matières plastiques
;
· 18 parapluies, portefeuilles, porte-monnaie, sacs
à main, à dos, à roulettes, sacs d'écoliers, filets
ou sacs à provisions ;
· 20 récipients d'emballage en matières
plastiques, vaisseliers, vannerie, boîtes en bois ou en matières
plastiques ;
· 21 ustensiles et récipients non électriques
pour le ménage ou la cuisine, porcelaine, faïence, bouteilles,
objet d'art en porcelaine, en terre cuite ou en verre, statues ou figurines
(statuettes) en porcelaine, en terre cuite ou en verre, verres
(récipients), vaisselle ;
· 25 vêtements, chaussures, chapellerie, chemises,
vêtements en cuir ou en imitation du cuir, ceintures (habillement),
fourrures (vêtements), gants (habillement), foulards, cravates,
bonneterie, chaussettes, chaussons, chaussures de plage, de ski ou de sport,
couches en matières textiles, sous-vêtements ;
· 26 dentelles et broderies, rubans et lacets, boutons,
barbes, cheveux ou moustaches postiches, passementerie, perruques ;
· 28 jeux, jouets, décorations pour arbres de
Noël (à l'exception des articles d'éclairage),
balles ou ballons de jeu, jeux de cartes ou de tables, patins
à glace ou à roulettes, trottinettes ;
· 29 gelées, confitures, compotes ;
· 30 farines et préparations faites de
céréales, pain, pâtisserie et confiserie, épices,
biscuiterie, gâteaux, sucreries, chocolat ;
· 35 publicité, diffusion de matériel
publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons),
organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité,
publicité en ligne sur un réseau informatique, location de temps
publicitaire sur tout moyen de communication, publication de textes
publicitaires, location d'espaces publicitaires, diffusion d'annonces
publicitaires, relations publiques.
Déposant
· VILLE DE NANCY, Collectivité publique, personne
morale de droit public, Meurthe-etMoselle, 1 Place Stanislas Case officielle
numéro 1 54035 NANCY Cedex, FR
· VILLE DE SAINT NICOLAS DE PORT, Collectivité
publique, personne morale de droit public, Meurthe-et-Moselle, 4. Place de
la République 54210 SAINT-NICOLAS-DE-PORT, FR
Mandataire : Cabinet Michel Poupon, L'Escuriale
- Technopole de Brabois 17 av. de la Forêt de Haye 54519 VANDOEUVRE
Cedex, FR
Numéro : 3662684
Statut : Demande publiée
Date de dépôt / Enregistrement :
2009-07-07 Lieu de dépôt : DÉPÔT
ELECTRONIQUE PARIS Historique
· Publication 2009-08-14 (BOPI 2009-33) Copyright (c) 2009
INPI
http://bases-marques.inpi.fr
Annexe n°6 : Expositions depuis l'ouverture du Musée
de l'Ecole de Nancy : Expositions temporaires... depuis la
création du musée de l'Ecole de Nancy
Majorelle. Un art de vivre moderne
2 mai - 30 août 2009
Exposition présentée dans les galeries Poirel
à Nancy
Scénographe : Didier Blin, Centre Technique Municipal
(CTM)
Commissaires : Roselyne Bouvier, Valérie Thomas
Publication d'un catalogue Majorelle. Un art de vivre
moderne. Paris, Chaudun, Nancy, Ville de Nancy, 2009
Victor Prouvé. Les années de l'Ecole de
Nancy
16 mai - 21 septembre 2008
Exposition présentée au musée des
Beaux-Arts, au musée de l'Ecole de Nancy et au musée Lorrain
Scénographe : Didier Blin, CTM
Commissaires : Blandine Otter, Jérôme Perrin,
Valérie Thomas (pour le musée de l'Ecole de Nancy)
Publication d'un catalogue Victor Prouvé
1858-1943. Paris, Gallimard, Nancy, Ville de Nancy, 2008
Verrerie Art nouveau. L'exemple des frères
Muller
6 octobre 2007 - 20 janvier 2008
Scénographe : Véronique Dolfus, CTM
Commissaire : Valérie Thomas
Publication d'un catalogue Verrerie Art nouveau. L'exemple
des frères Muller. Paris, Somogy, Nancy, Ville de Nancy, 2007
Le Musée de l'Ecole de Nancy dévoile ses
réserves. OEuvres méconnues ou inédites
3 mars -- 13 mai 2007
Exposition présentée dans les galeries Poirel
à Nancy
Scénographie : CTM
Commissaires : François Parmantier, Jérôme
Perrin
Publication d'un catalogue Le musée de l'Ecole de
Nancy dévoile ses réserves. Fage, Nancy, Ville de Nancy,
2007
Roger Marx un critique aux côtés de
Gallé, Monet, Rodin, Gauguin...
6 mai -- 28 août 2006
Exposition présentée au musée de l'Ecole de
Nancy et au musée des Beaux-Arts de Nancy
Scénographe : Jérôme Habersetzer, CTM
Commissaires : Jérôme Perrin, Valérie Thomas
(pour le musée de l'Ecole de Nancy) Publication d'un catalogue Roger
Marx un critique aux clités de Gallé, Monet, Rodin, Gauguin...
Paris, Artlys, Nancy, Ville de Nancy, 2006
Couleurs et formes. L'héritage du XVIIIe si~cle
dans l'Ecole de Nancy
16 septembre -- 31 décembre 2005
Scénographe : Philippe Renaud
Commissaires : Roselyne Bouvier, Valérie Thomas
Publication d'un catalogue Couleurs et formes.
L'héritage du XVIIIe siècle dans l'Ecole de Nancy. Paris,
Somogy, Nancy, Ville de Nancy, 2005
Verreries d'Emile Gallé. De l'oeuvre unique
à la série
12 mai -- 15 août 2004
Scénographe : Philippe Renaud, CTM
Commissaires : Hélène Bieri Thomson, Valérie
Thomas
Publication d'un catalogue Verreries d'Emile Gallé. De
l'oeuvre unique à la série. Paris, Somogy, 2004
Emile André, voyages en Orient
Emile André, architecte et artiste
décorateur
8 octobre 2003 -- 12 janvier 2004
Expositions présentées au musée des
Beaux-Arts et au musée de l'Ecole de Nancy Scénographie : CTM
Commissaires : Hervé Doucet, François Parmantier,
Valérie Thomas
Publication d'un ouvrage Emile André. Artiste de
l'Ecole de Nancy. Metz, Serpenoise, Nancy, Musée de l'Ecole de
Nancy, 2002
L'art du Japon et l'Ecole de Nancy. Échanges et
influences Exposition, 16 avril -- 13 juillet 2003
Scénographie : CTM
Emile Gallé et Victor Prouvé. Une alliance
pour le mobilier
16 octobre 2002 -- 26 janvier 2003
scénographie : CTM
Commissaires : Jérôme Perrin, Valérie
Thomas
Publication d'un catalogue Emile Gallé et Victor
Prouvé. Une alliance pour le mobilier. Nancy, AAMEN, 2002
Loïe Fuller, danseuse de l'Art nouveau
17 mai -- 19 août 2002
Exposition présentée au musée des Beaux-Arts
de Nancy
Scénographe : Philippe Renaud, CTM
Commissaires : Jérôme Perrin, Valérie
Thomas
Publication d'un catalogue Loïe Fuller, danseuse de
l'Art nouveau. Paris, RMN, 2002
Céramiques Art nouveau de Hongrie, la manufacture
Zsolnay
17 octobre 2001 -- 14 janvier 2002
Scénographie : CTM
Publication d'un catalogue
Céramiques végétales. Ernest
Bussi~re et l'Art nouveau
21 juin -- 25 septembre 2000
Scénographie : CTM
Commissaires : François Parmantier, Valérie
Thomas
Publication d'un catalogue Céramiques
végétales. Ernest Bussière et l'Art nouveau. Nancy,
musée de l'Ecole de Nancy, banque SNVB, 2000
L'Ecole de Nancy. Fleurs et ornements
24 avril -- 26 juillet 1999
Scénographe : Philippe Renaud
Commissaire : Valérie Thomas
Publication d'un catalogue L'Ecole de Nancy. Fleur et
ornements. Paris, RMN, 1999 (épuisé)
Géo Condé : céramiques
1922-1939
18 novembre 1992-28 février 1993
Autochromie. 80e anniversaire 8 juin -- 29
juillet 1985
Le cuir au musée
Automne 1985
Publication d'un catalogue Le cuir au musée de l'Ecole
de Nancy. Nancy, musée de l'Ecole de Nancy, 1985
(épuisé)
Sellier
Novembre 1982 -- février 1983
Publication d'un catalogue Sellier. Nancy, musée
de l'Ecole de Nancy, 1982
Louis Hestaux, collaborateur de Gallé
1982
Publication d'un catalogue Louis Hestaux. Nancy,
musée de l'Ecole de Nancy, 1982(épuisé)
Le vitrail
1981
Publication d'un catalogue (épuisé)
Broderie et tissus
1980
Publication d'un catalogue Musée de l'Ecole de Nancy.
Broderie et tissus. Nancy, musée de l'Ecole de Nancy,
1980(épuisé)
Sous la lampe
Juillet - septembre 1979
Orient romanesque, Orient pittoresque dans l'oeuvre de
Victor Prouvé 1977
http://www.ecole-de-nancy.com/web/index.php?page=les-expositions-temporaires
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