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Etude de la condition de la femme face à  la violence du terrorisme intégriste dans le recueil de nouvelles « Oran, langue morte » d'Assia DJEBAR

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par Lamia AKERMOUN
Université Saad Dahleb de Blida - Licence de français 2010
  

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II-2-3) ATYKA OU LA FEMME DECOUPEE EN MORCEAUX 

Nous avons constaté dans les deux nouvelles précédentes l'omniprésence d'une mort absurde et scandaleuse, représentée sous différentes formes. Le thème de la mort ne cesse de revenir dans chaque nouvelle.

Nous passerons maintenant à l'étude de la nouvelle centrale de ce roman ; il n'est donc pas indifférent que La femme en morceaux se trouve placée au centre du roman et à la fin de la première partie intitulée L'Algérie entre désir et mort.

Nous verrons une autre forme de la mort qui est celle du corps qui subi la mort d'une façon violente.

Dans cette nouvelle, Assia Djebar fait appel à un conte des Mille et une nuits qui se confond avec l'histoire d'Atyka.

En effet, Atyka, enseignante de français, exécutée où moment où « nouvelle Schéhérazade », elle tente d'inventer, avec ses élèves, la réécriture de l'un des contes des Mille et une nuits. Un conte qui se distingue des autres nouvelles par son style, il représente la plus grande partie de l'ouvrage :

 Il constitue dans le livre d'Assia Djebar un

espace exemplaire de relecture et de réécriture

littéraires où croiser les langues, et où, par la

reprise du dispositif narratif du conte, refaire

les contes avec le passif colonial des Algériens

ainsi qu'avec la guerre fratricide qui

aujourd'hui s'en nourrit.104(*) 

Assia Djebar reprend ici une forme d'interprétation que lui avait offerte la langue adverse et qui lui avait permise de rendre compte du fond culturel arabe. Elle juxtapose donc le récit de La femme en morceaux : « Une nuit à Bagdad [...] Au fond de ce fleuve. Le Tigre, dort un corps de jeune femme. Un corps coupé en morceaux. »105(*)

Avec celui de Atyka, professeur de français à Alger : « Alger, 1994. Atyka, professeur de français : une langue qu'elle a choisit, qu'elle a plaisir d'enseigner »106(*)

Ces deux récits, l'un à caractères romains «  récit des nuits », l'autre à caractères italiques « récit des jours » sont écrits au présent et reproduisent l'alternance de la nuit et du jour. Cette écriture au présent est représentée dans le roman comme :

Une manière pour l'auteure d'actualiser le passé

comme peut l'expliquer le choix du prénom

« Atyka » féminin de « Atyk » et qui signifie en

arabe « ancien » La phrase suivante « C'est

Atyka, aujourd'hui dans une autre ville arabe »

peut se lire comme ceci « C'est L'ancien

aujourd'hui à Alger [...] »107(*)

En ce sens, Charles Bonn nous explique dans cette citation que pour comprendre ce qui se passe à Alger en quatre vingt quatorze, il suffit de revenir à ce qui se passait il y a de cela douze siècles à Bagdad.

Nous n'avons pas l'habitude d'avoir des contes écrits au présent, mais c'est une manière pour la romancière de saisir le présent à partir des événements passés et d'en témoigner les effets.

Nous remarquons que la structure et la chronologie du « récit des nuits »sont perturbées, le conte s'ouvre sur l'histoire de « la femme coupée en morceaux » : « Une nuit à Bagdad [...] Au fond de ce fleuve. Le Tigre, dort un corps de jeune femme. Un corps coupé en morceaux. »108(*)

Ensuite nous assistons à la promenade du calife :

   Une nuit d'entre les nuits, le calife, son ami

Djaffar et Massrour le porte-glaive vont errer [...] Trouvent la couffe. Coupent le fil de laine rouge. Déplient le tapis précieux. Entrouvrent le voile de lin blanc à peine taché. Découvrent le corps de la femme. La jeune femme coupée en morceaux.109(*)

Ce n'est qu'à plusieurs pages que la romancière évoque l'histoire de la femme coupée en morceaux :

Un couple heureux, ils sont jeunes, tous les deux. Le mari est amoureux. De condition aisée [...] la jeune épousée est mariée depuis six ans, peut être sept. Elle a accouché trois fois [...] Emporté par ma fureur jalouse, je plongeais le coteau dans la gorge de celle que je crus infidèle.110(*) 

Quant au « récit des jours », lui, se soumit à une chronologie car l'auteure a indiqué la progression des cinq cours : c'est la fin du deuxième cours »111(*) « c'est la fin de la troisième leçon ».112(*)

Atyka, juste avant de finir son quatrième cours- l'avant dernier- est assassinée par quatre hommes puis décapitée par un cinquième : « Ils sont rentrés, cinq hommes : quatre imposants, en uniformes de gendarmes ou de soldats, et le cinquième, maigrelet, seul à être sans barbe, et sans armes, seulement un couteau ou plutôt un poignard court dans la main. »113(*)

Nous remarquons le retour du « barbu », qui tue, et qui violente :

Vous êtes bien Atyka. F, soi-disant un professeur mais qui raconte, parait-il, à ces jeunes gens, des histoires obscènes ?  [...] Allons, allons les poussins, les mauviettes, fermez les yeux ou couchez vous sous les tables [...] Vous n'avez pas besoin de regarder : c'est elle, elle « la professeur » (il dit ce seul mot en français déformé) elle, la condamnée.114(*) 

Atyka est donc assassinée, sous les yeux de la classe, à cause des histoires qu'elle raconte à ses élèves : « Atyka reçoit debout une balle au coeur »115(*)

Or, Assia Djebar assigne une voix à Atyka en faisant d'elle une morte revenante : « Pour continuer à présent le travail de la pensée. »116(*)

« Atyka, tête coupée, nouvelle conteuse, Atyka parle de sa voix ferme. Une mare de sang s'étale sur le bois de la table, autour de sa nuque. Atyka continue le conte. Atyka femme en morceaux. »117(*)

En ce sens, selon Assia Djebar le cinquième cours a eu lieu et Atyka a poursuit avec sa seule voix « le récit des nuits »:

Et la voix de la tête coupée récite lentement le texte su par coeur [...] pendant tout ce temps où elle avait raconté, Schéhérazade avait donné au roi trois garçons[... ]La voix de Atyka commence à perdre souffle, comme si les mots, étouffés par le sang qui s'était mis à s'égoutter, à ruisseler sur le bois de la table, se noyaient eux-mêmes118(*)

L'auteure a restitué la voix à Atyka, tout comme Atyka a restitué la voix à « la femme coupée en morceaux ».

Cependant, Assia Djebar introduit le personnage d'Omar « le dernier des élèves, le plus jeunes »119(*) parmi les autres à s'être investi en faisant preuve de son courage, car les autres élèves étant terrifiés par l'horreur au quelle ils viennent d'assister, se sont enfuis : « Omar regarde [...] Omar entend. Figé, il regarde, il écoute. »120(*)

Et c'est Omar qui rapporte la dernière phrase de Atyka ce qui dit la répétition de l`histoire : «  La nuit c'est chacune de nos jours, mille et un jours, ici chez nous, à... »121(*)

Cette répétition de l'histoire, souvent présente chez l'auteure, est une façon de dénoncer la violence et la terreur, qui se nourrissent du quotidien algérien, des années quatre vingt dix.

Dénoncer aussi l'injustice, dans l'espoir de changer l'état des esprits qui ont été influencé par l'idéologie terroriste, mais surtout dans l'espoir de laisser une trace de ces héros, qui se sont sacrifiés pour l'avenir de leur pays en dénonçant ses tares. Enfin inscrire la mort dans la mémoire collective et rendre compte de ce qui se passe en cette époque.

* 104 M.C.Gruber, Assia Djebar ou la résistance de l'écriture, Paris, éd, Maisonneuve, 2001, p 139

* 105 Assia, Djebar, Oran, langue morte. Op.cit, p 163

* 106 Idem, p 167

* 107 Ch. Bonn, F. Boualit, Paysages littéraires algériens des années 90 : Témoigner d'une tragédie ? Op.cit, p 65

* 108 Assia, Djebar, Oran, langue morte. Op.cit, p 163

* 109 Idem, pp 165-166

* 110 Idem, p 190

* 111 Idem, p 180

* 112 Idem, p 189

* 113 Idem, p 207

* 114 Idem, p 209

* 115 Idem, p 210

* 116 M.C.Gruber, Assia Djebar ou la résistance de l'écriture. Op.cit, p 144

* 117 Assia, Djebar, Oran, langue morte. Op.cit, p 211

* 118 Idem, pp 212-213

* 119 Idem, p 210

* 120 Idem, p 211

* 121 Idem, p 213

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein