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La nationalité et les droits de l'Homme dans l'espace francophone: le cas du Sénégal

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par Kantome SECK
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master II recherche droits de l'homme et de la paix 2010
  

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Titre II : De l'acquisition de

la nationalité

La nationalité est attribuée à quelqu'un qui n'en a pas encore. Quant à l'acquisition de la nationalité, elle est accordée à quelqu'un qui en a déjà une. Nous verrons l'acquisition de la nationalité sénégalaise par le mariage et la filiation (chapitre I) et l'acquisition de la nationalité par décision de l'autorité publique (chapitre II).

Chapitre I: / 91FINLILtLoCIGI- 1111COLoCDlLW ISDEAI-

mariage et la filiation

Section I: De la transmission de la nationalité par le mariage

On remarquera une fois de plus que le législateur accorde un privilège à l'homme précisément, au mari dans la transmission de la nationalité par le mariage (paragraphe I), cette position du législateur est discriminatoire à l'égard des femmes (paragraphe II).

Paragraphe I: Un privilège accordé au mari

L'article 7 du C.N. énonce que, la femme étrangère qui épouse un sénégalais acquiert la nationalité sénégalaise au moment de la célébration du mariage. Toutefois, le gouvernement sénégalais peut s'y opposer par décret dans le délai d'un an. Le texte initial ne prévoyait pas le point de départ de ce délai. On a estimé donc qu'il courait du jour du mariage si l'union était célébrée par l'officier d'état civil, ou, si elle avait lieu selon la forme coutumière, du jour de l'enregistrement à l'état civil ; cette formalité est obligatoire sous peine de 3000 à 18000F d' amende et huit jours d'emprisonnement, dans les cinq jours si le mariage coutumier s'est contracté dans une commune, et dans le mois dans le cas contraire ( art 27,37 et 39 de la loi n° 61-55 du 23 Juin 1961 tendant à la création d'un état civil unique et à sa réglementation). Le mariage coutumier non enregistré est sans effet sur la nationalité. Par définition, le mariage coutumier est l'union d'un homme et d'une femme célébrée par une autorité coutumière et selon les rites coutumiers.

Dans la pratique, le gouvernement ne pouvait user de sa faculté d'opposition, car il ignorait le plus souvent l'existence du mariage. Aussi la loi du 13 Octobre 1970 a-t-elle précisé que le point de départ du délai est le jour où l'intéressé sollicite du ministre de la justice le document attestant qu'elle n'a pas usé de la faculté de décliner la nationalité sénégalaise. Cependant, les mariages célébrés avant l'entrée en vigueur de la loi de 1970 demeurent régis par les dispositions antérieures (article 4 de la loi). La femme étrangère devra délivrer le certificat de nationalité de son mari, prouvé qu'ils se sont mariés par la production du certificat de mariage et l'attestation de non renonciation à la nationalité

sénégalaise délivrée par le ministère de la justice, en plus du certificat de résidence qui détermine le tribunal départemental compétent.

Si l'on interprète les termes de l'article 7 du C.N., l'homme sénégalais a la possibilité de transmettre sa nationalité à sa femme étrangère, alors que ce droit n'est pas accordé à la femme sénégalaise. En effet, cette dernière ne peut transmettre sa nationalité à son mari étranger. Le législateur accorde un privilège à la masculinité. Le Sénégal ayant adhéré aux traités et accords internationaux relatifs aux droits de l'homme, a violé par là le principe d'égalité entre l'homme et la femme illustré par l'art 1 de la D.U.D.H et la D.D.H.C.du citoyen de 1789 qui dispose que « tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droit ». Pour être conforme au principe d'égalité des droits de l'Homme, le législateur sénégalais devrait ajouter un deuxième alinéa à l'article 7 du C.N., conférant à la femme sénégalaise, la possibilité de transmettre sa nationalité sénégalaise à son mari étranger. La position du législateur sénégalais à l'article 7 de la loi N° 89-42 du 26 Décembre 1989 pourrait se justifier par un souci de conservation des valeurs du groupe. En effet, la femme est tenue de suivre son mari. Par conséquent, la femme étrangère qui épouse un sénégalais suivra son mari sénégalais et épousera les coutumes et traditions de ce dernier. C'est le contraire pour la femme sénégalaise. Cette dernière va épouser les coutumes et traditions de son mari étranger. Des coutumes et traditions étrangères qui s'ajouteront aux coutumes et traditions sénégalaises. De même, dans la religion musulmane, la femme ne peut pas se marier avec un non musulman. Si l'on peut se permettre d'interpréter le droit musulman, l'on peut dire que c'est dans un souci de préserver la religion de la femme musulmane. Car la femme étant tenue de suivre son mari, pourrait être influencé à suivre la religion de son mari non musulman. Sous l'angle de la coutume sénégalaise, on constate également ce souci de vouloir conserver les valeurs du groupe par le mariage endogamique. Par définition, le mariage endogamique consiste à choisir prioritairement et majoritairement son futur époux/sa future épouse à l'intérieur soit de l'aire géographique dont on fait partie (endogamie géographique) ;de la classe sociale à laquelle on appartient (endogamie sociale) ;du métier que l'on exerce (endogamie professionnelle) ;de la religion que l'on pratique (endogamie religieuse). En effet, le mariage se contracte au Sénégal à l'intérieur du même groupe les castes se marient entre castes et les non castes dans leurs classes de même équivalence. Nous pouvons dire que c'est dans un souci de conserver les valeurs du groupe que le législateur sénégalais a eu la prudence de refuser à la femme, la possibilité de transmettre sa nationalité sénégalaise à son mari étranger. Cette position étant discriminatoire à l'égard des femmes, la proposition de loi donnée plus haut pour compléter les dispositions de l'article 7 peut être assortie de certaines conditions tenant à l'assimilation des valeurs et des cultures sénégalaises par le mari étranger qui désire acquérir la nationalité sénégalaise.

On peut espérer une modification de l'article 7 en faveur des femmes si l'on s'en tient aux propos du chef de l'Etat Maître Abdoulaye WADE, qui a fait part le mercredi 16 Novembre 2011 de son ambition de donner à la femme sénégalaise le droit de transmettre sa nationalité à son époux n'étant pas sénégalais et à ses enfants, précisant que ce droit sera garanti sous certaines conditions. Cette déclaration a été faite à l'occasion de la cérémonie d'installation de l'Observatoire National de la parité (ONP). Nous précisons que cela n'a pas encore fait l'objet d'une proposition de loi soumis à l'Assemblée nationale13. Contrairement au droit sénégalais qui accorde facilement la nationalité sénégalaise à la femme étrangère qui se marie avec un sénégalais, la législation française pose des conditions plutôt strictes. Les conditions de recevabilité des déclarations de nationalité à raison du mariage sont posées par l'article 21-2 du code civ. fr. Les conditions ont été un peu modifiées le 26 juillet 2006. Premièrement, le mariage doit être valide et non dissous ;en second lieu l'acte du mariage célébré à l'étranger doit obligatoirement avoir fait l'objet d'une transcription sur les registres de l'état civil français ; par ailleurs, le déclarant doit être étranger ou apatride au moment du mariage et au jour de la souscription ; en outre, le conjoint du déclarant doit être français à la date du mariage et avoir conservé cette nationalité sans interruption entre la date du mariage et la date de la souscription. La déclaration ne peut être souscrite qu'après un délai de 4 ans à compter de la date du mariage à condition que la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage. Ce délai de communauté de vie est de 5 ans si le postulant n'a pas résidé en France de manière ininterrompue et régulière pendant trois ans à compter du mariage ou si le conjoint français n'a pas été inscrit sur le Registre des Français établis hors de France pendant la communauté de vie à l'étranger. A la date de la déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle ne doit pas avoir été interrompue depuis la date du mariage. Elle ne doit pas être réduite à une simple cohabitation. Enfin, le déclarant doit justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française. Le Gouvernement peut s'opposer à l'acquisition de la nationalité française pour indignité ou défaut d'assimilation à la communauté française autre que linguistique.

Récemment, selon deux décrets et un arrêté parus le mercredi 12 Octobre 2011, au journal officiel, les candidats à l'acquisition de la nationalité française par le mariage, devront prouver qu'ils maitrisent le français au niveau « B1 Oral »14. Jusqu'à présent, le niveau de français des postulants était évalué par un agent de préfecture au cours d'un « entretien d'assimilation ». Désormais, ils devront

13 Voir l'article paru sur Seneweb.com à la partie annexe 3

14 Sources rfi.fr : la France durcit ses conditions d'acquisition de la nationalité

fournir un diplôme attestant de leur connaissance de la langue, comme le brevet des collèges, le certificat d'aptitude professionnelle, le brevet d'études professionnelles, ou un diplôme de français langue étrangère. A défaut, il leur faudra présenter une attestation délivrée par un des organismes agréés par le ministère de l'Intérieur, à savoir le Centre international d'études pédagogiques, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, l'université de Cambridge et l'Alliance française, et l'Education Testing Service. Comme l'explique les deux décrets précités, « Il faut comprendre les points essentiels du langage nécessaires à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante et être capable d'un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d'intérêt ». Cette loi entrera en vigueur à partir du 01 Janvier 2012. Elle pose des conditions plus strictes et n'accorde pas de privilèges à la masculinité, contrairement à la législation sénégalaise qui est discriminatoire à l'égard des femmes. Cependant, nous pouvons signaler que la condition tenant à la durée de la communauté de vie posée par le législateur français, pour souscrire à la nationalité française par le mariage est attentatoire à la liberté de mariage.

En effet, lorsque le conjoint étranger désire se séparer de son mari ou de sa femme français(e) avant la durée de la communauté de vie exigée pour la souscription de la nationalité française par le mariage, il sera contraint de rester au sein de son ménage malgré lui jusqu'à l'échéance de la durée de la communauté de vie exigée. L'article 21-2 du Code Civil Français précise que la communauté de vie ne se limite pas à une simple cohabitation. Elle doit être à la fois matérielle et affective. Ce qui fera naitre un comportement non sincère de la part du conjoint étranger désirant demander le divorce et acquérir la nationalité française. Si l'on serait tenter de savoir ce qui pourrait motiver ce sacrifice de rester dans son couple malgré soi, nous reconnaissons que la nationalité française offre bien des avantages tenant à la liberté de séjour avec la carte de résident qui facilite l'exercice d'une activité professionnelle salariée, ou toutes activités industrielles, artisanales ou commerciales légales.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984