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La nationalité et les droits de l'Homme dans l'espace francophone: le cas du Sénégal

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par Kantome SECK
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master II recherche droits de l'homme et de la paix 2010
  

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Paragraphe II: Les limites à la jouissance des droits attachés à la nationalité sénégalaise

L'article 16 de la loi n° 89-42 du 26 décembre 1989 du C.N. réserve certaines incapacités à l'égard du naturalisé, en ce qui concerne la jouissance des droits attachés à la nationalité sénégalaise. En effet, pendant un délai de dix ans, il ne peut être investi de fonctions ou de mandats électifs pour l'exercice desquels la qualité de sénégalais est nécessaire comme par exemple être député; il ne peut être nommé dans la fonction publique sénégalaise ou être titulaire d'un office ministériel ; et pendant un délai de cinq ans à partir du décret de naturalisation, il ne peut exercer une profession pour laquelle la nationalité sénégalaise ou une autorisation ministérielle préalable est exigée (loi n° 84-10 du 4 Janvier 1984).

D'une part, nous pouvons dire que le législateur sénégalais, en subordonnant l'exercice de fonctions ou professions précitées à l'observation d'un délai de dix ans après la naturalisation est en violation aux principes fondamentaux des Droits de l'Homme notamment avec l'article 6 de la D.D.H.C. de 1789 qui dispose : « la loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement, ou par les représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous , soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, place et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs

talents ». Par ailleurs l'article 21 de la D.U.D.H. dispose : " toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis. Toute personne a droit d'accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays ». En effet, dés lors que la nationalité sénégalaise a été accordée à une personne, il serait discriminatoire de faire état d'une distinction entre le sénégalais d'origine et le naturalisé sénégalais. Car le document justifiant leur nationalité sénégalaise devant les autorités sénégalaises comme devant des autorités étrangères, est le même. Il s'agit du certificat de nationalité sénégalaise16. La loi 84-19 du 02 Février 1984 fixant l'organisation judiciaire du Sénégal, donne compétence au Tribunaux Départementaux de délivrer le certificat de nationalité sénégalaise. Le juge du Tribunal Départemental indique les dispositions légales appliquées et les documents qui ont permis de l'établir et le document fait foi jusqu'à preuve du contraire17.

A la question de savoir pourquoi de telles limites à l'égard du naturalisé, on pourrait tenter de répondre d'une part que, c'est dans l'objectif d'examiner à nouveau la bonne ou la mauvaise foi du naturalisé. Mais si telle est la motivation du législateur, ne remet-il pas en cause l'enquête effectuée sur la personnalité du postulant avant de lui accorder la naturalisation. Et cela peut nous conduire à nous interroger sur la valeur du certificat de nationalité sénégalaise du naturalisé. Ne devrait --il pas porter un autre nom comme par exemple, certificat de " semi-nationalité » dans la mesure où les droits attachés à la jouissance de la nationalité sénégalaise ne sont pas entièrement reconnus au naturalisé.

D'autre part, nous pensons que la position du législateur sénégalais à l'article 16 du C.N. est justifiée par un souci de prudence envers les naturalisés. Car ces derniers peuvent être déchus de la nationalité pendant un délai de quinze ans à compter de l'acquisition de la nationalité sénégalaise s'ils sont condamnés au Sénégal pour acte qualifié de crime ou délit contre la sûreté de 1'Etat; s'ils sont condamnés au Sénégal ou à l'étranger pour un acte qualifié par la loi sénégalaise de crime ou de délit de droit commun, à une peine supérieure à trois ans d'emprisonnement, lorsque la condamnation n'est pas effacée par réhabilitation (loi du 14 Décembre 1989); s'ils se sont livrés à des actes ou s'ils ont un comportement incompatible avec la qualité de sénégalais ou préjudiciables aux intérêts du Sénégal, article 21 (Loi n° 79-01 du 4 Janvier 1979). Donc, si par imprudence, le législateur s'était aventuré à accorder l'accès automatique à la fonction publique ou aux fonctions souveraines au naturalisé. Ce dernier qui peut être déchu de la nationalité sénégalaise, pourrait être accueilli dans un autre

16 Le certificat de nationalité est établi en trois exemplaires dont l'un est remis a l'intéressé, l'autre adressé au ministère de la justice et le troisième versé aux archives du tribunal départemental.

17 Depuis le 01 er janvier 2011 jusqu'à ce jour 07décembre 2011, le tribunal départemental de Dakar a délivré 9990 certificats de nationalité. Il y'a autant de tribunaux départements qu'il y'a de départements, le Sénégal compte à ce jour 45 départements.

Etat et mettre les secrets de l'administration sénégalaise à la disposition de son Etat d'accueil. Sur ce point, les restrictions portées à l'article 16 du C.N. par le législateur sénégalais sont bien fondées, elles sont justifiées par un souci de prudence, et d'ailleurs, il est de l'intérêt de tout Etat de garantir la sécurité de son pays.

La même position est adoptée par le législateur français, même si le délai pour accéder aux fonctions publiques françaises est réduit à 5 ans. L'accès à la fonction publique française est réservé dans le passé aux seuls nationaux français. Cette exclusion a été précisément énoncée par l'article 23 de la loi n° 46-1204 du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires, selon lequel:« Nul ne peut être nommé à un emploi public: « 1° S'il ne possède la nationalité française depuis cinq ans au moins... ». Les exceptions aux incapacités d'accès liées à la naturalisation sont fondées sur une exigence d'assimilation, la disposition de l'article 23 de la loi du 19 octobre susvisée, qui frappait les citoyens naturalisés d'une incapacité d'accès à la fonction publique pendant les cinq premières années de leur naturalisation, tendait à éviter aux autorités administratives les difficultés qui pouvaient résulter de la possibilité d'un retrait de la nationalité dans le délai d'une année à compter de la publication du décret de naturalisation; ce texte supportait toutefois des exceptions au bénéfice de naturalisés justifiant avoir accompli certains services dans l'armée ou pendant la guerre.

Nous pouvons signaler que l'article 21 précité du code de la nationalité sénégalaise est discriminatoire à l'égard des naturalisés, dans la mesure où la nationalité obtenue par décision de l'autorité publique est incompatible avec le maintien d'une autre nationalité (article 16 bis de la loi n° 84-10 du 4 Janvier 1984).

Ainsi, le naturalisé qui a perdu sa nationalité d'origine devient apatride18 s'il est déchu de la nationalité sénégalaise dans les conditions fixées par l'article 21 du C.N. L'apatridie est définie comme la situation dans laquelle une personne se retrouve sans nationalité légale. L'article 21 du code de la nationalité est ici en violation avec l'article 15 de la D.U.D.H. de 1948 qui dispose : « nul ne peut être privé arbitrairement de sa nationalité ». Le comportement de l'individu au regard de l'article 15 de la D.U.D.H. ne doit pas avoir d'impact sur sa nationalité ou encore sa naturalisation.

18 Ce statut s'applique, en vertu de la Convention de New-York du 28 septembre 1954, à la personne qu'aucun pays ne considère comme son ressortissant en application de sa législation. En France, ce statut est accordé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Nous proposons alors la révision des articles 16 Bis et 21 du C.N. allant dans le sens de protéger les naturalisés contre situation d'apatridie. Ainsi, nous pensons que l'article 16 Bis devrait laisser aux naturalisés la possibilité de conserver leur nationalité d'origine. En effet, si la femme étrangère qui s'installe fraichement au Sénégal et épouse un sénégalais peut acquérir la nationalité sénégalaise dés la célébration du mariage, sans perdre sa nationalité d'origine, le candidat à la naturalisation qui a justifié de dix ans de résidence habituelle au Sénégal, en sus de la condition de possession d'état, de loyauté et d'assimilation à la communauté nationale non exigées au cas comparé, devrait pouvoir conserver sa nationalité d'origine. Quant à l'article 21 du C.N., nous proposons une remise en question de cette disposition. En effet, cette disposition viole le principe d'égalité des Droits de l'Homme dans la mesure où elle ne s'applique qu'aux naturalisés et pas aux sénégalais d'origine pouvant être dans cette même situation. Ou si le législateur sénégalais pense que cette disposition applicable aux naturalisés est nécessaire pour prévenir tous comportements délictuels ou criminels dont ce dernier pourrait tenter, les sanctions prévues à l'article 21 devraient être atténuées et ne pas conduire à une déchéance de la naturalisation pouvant rendre apatride le naturalisé qui a perdu sa nationalité d'origine au regard de l'article 16 Bis de la loi n° 84-10 du 4 Janvier 1984.

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