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Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie

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par Tomasi TAUTU'U
Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012
  

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CHAPITRE IV

LE MYTHE FONDATEUR DES CLANS D'ORIGINE UVEENE

« Les mythes sont transformés, altérés, renouvelés en fonction des besoins d'un temps et d'un lieu mais, pour l'essentiel, ils restent eux-mêmes, parce qu'ils ne sont pas nés comme des fabrications de l'imagination humaine mais comme des manifestations d'intuitions primordiales ».

Le mythologue Alberto Manguel

Quel sens peut-on donner au mythe de Kaukelo ? Nous verrons ici les variantes de ce mythe, et les interprétations possibles, et comment a t-il été exploité par ses détenteurs ? Ceci devrait permettre, selon nous, une meilleure compréhension d'une part du monde mythique océanien en lien avec l'histoire et d'autre part des origines des clans et des familles qui restent le fondement même de l'identité chez l'Océanien encore aujourd'hui.

1. Au point de départ : Entre Uvéa Mamao et Uvéa Lalo144(*)

A. Entre mythes et logos

Le mythologue roumain Mircea Eliade (1963) a proposé la définition la plus simple et la plus souvent citée:

Le mythe raconte une histoire sacrée; il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des commencements. [...] C'est toujours le récit d'une création: on rapporte comment quelque chose a été produit, a commencé à être.

Tel est le sens étymologique du mot mythe, qui vient du nom grec muthos, signifiant précisément une histoire, un récit ou une fable. Le mythe raconte une histoire: c'est sa propriété principale, c'est aussi son principal défaut. C'est en effet ce qui l'a disqualifié historiquement, au profit d'un autre régime discursif, celui du logos, c'est-à-dire du raisonnement logique. Platon qui a distingué très nettement ces deux types de discours, d'abord analogues dans la Grèce Antique. Il a instauré la suprématie du logos vis-à-vis du muthos. D'après Florence Dupont, dans son ouvrage intitulé L'invention de la littérature145(*), le mythe ne serait vivant que dans sa transmission orale au travers des récitations publiques, à la fin des repas communautaires. Le texte écrit n'en serait que la trace ; il servirait de canevas à de nouvelles représentations sociales. Il n'était pas conçu comme un objet esthétique, mais plutôt comme le support d'un événement rituel. Claude Lévi-Strauss définit le mythe par l'ensemble de toutes ses versions:

« On ne peut considérer qu'il y aurait un état originel du mythe dans sa forme pure, une version authentique ou primitive. Le plus souvent, nous n'avons pas accès aux mythes antiques tels qu'ils auraient existé dans leur transmission orale, c'est par le biais des textes que nous pouvons les reconstituer et en comprendre le sens. Et ces textes se présentent parfois d'emblée comme des oeuvres littéraires, même s'ils ne correspondent pas à notre conception moderne de la littérature Nous ne connaissons les mythes qu'à travers des mythologies toujours changeantes, qu'à travers des contextes particuliers, médiatisés, entre autres, par des textes ».

Cette perspective anthropologique nous montre qu'un texte qui a recourt au mythe s'inscrit dans un espace culturel de parole collective: il constitue une nouvelle actualisation, singulière, d'un discours dont l'énonciation a déjà été partagée. Le mythe revêt dès lors une fonction sociale fondamentale: il conduit à l'identification et à la structuration d'une communauté. Il est également investi de valeurs affectives très fortes, mettant en oeuvre des éléments primordiaux de la condition humaine dont la génération et la mort.

Dans le contexte océanien le mythe est un récit oral qui raconte l'origine des clans et des chefferies. Il était uniquement raconté dans un cercle clanique restreint. Comment le mythe de Kaukelo qui aurait fondé l'origine de la chefferie de Takedji au Nord d'Ouvéa a été divulguée lors des premiers contacts avec les Blancs ? Y aurait-il d'autres versions du même mythe et dans quels lieux ? Cela nous éclairera peut être sur les chemins migratoires des Polynésiens et sur les liens que l'on pourrait faire entre eux. Nous verrons également dans quelles mesures ce mythe d'origine favorisera l'identification et la structuration de la communauté dite « wallisienne et futunienne » d'aujourd'hui ? Ce dernier point sera compléter par un chapitre ultérieur.

Il nous semble que ce sont les missionnaires qui ont pour la première fois rapporté sous une forme écrite ce mythe. Le père Rougeyron fait allusion dans son journal de bord dès 1848, quand il parle d'Hyppolyte Bonou dans son rapport et ses premières rencontres avec les Kanak. Sa version du mythe viendrait de Pouébo ou de Balade. Neuf ans plus tard, au moment où les missionnaires catholiques décident de mettre en place une mission à Ouvéa, le Père Bernard évoquera cette histoire dans son journal de bord de manière plus détaillée à partir de 1857. Le père sera accompagné d'un indigène de Wallis à ce moment là, lui servant sans doute d'interprète. Plus tard, Jules Garnier abordera ces évènements. Homme de sciences, il aborde ces faits d'une manière détaillée dans une réflexion qu'il intitule : « Les migrations polynésiennes, leur origines, leur itinéraire, leur étendu, leurs influences sur les australasiens de Nouvelle Calédonie » dont nous n'avons pas eu l'occasion de l'avoir entre nos mains.

Pour compléter cette étude comparative, nous nous référerons à d'autres auteurs contemporains. Utilisant des preuves d'ordre linguistique, Hollyman a suggéré que la migration « wallisienne » pouvait être la dernière, et la seule dont on se souvienne, d'une série de migrations venant de Polynésie.146(*) Nous essayerons tout d'abord, de présenter différentes versions de la mémoire orale océanienne de cette migration dite « wallisienne » à Ouvéa, rapportée par les premiers Européens. Nous tenterons d'étudier par la suite l'historicité de la légende fondatrice lors des premiers contacts des premiers arrivants d'Uvéa dans l'archipel calédonien. Nous nous pencherons enfin sur les conditions d'accueil des clans « étrangers » par les forces en présence, dans le contexte dite précolonial à Ouvéa. Cette perspective amènera nous semble t'il, à une meilleure compréhension des motivations de cette immigration et plus précisément des liens ancestraux existant entre la communauté Uvéenne d'aujourd'hui et les clans Fagaouvéens loyaltiens.

En 1992, Jean GUIART écrit à ce propos que :

 « L'historicité de la migration unique est ce qui pose problème. La plupart des auteurs ont voulu la placer à la fin du XVIIIème siècle, en se fondant sur des généalogies qui, dans l'aire considérée, ont toutes plus ou moins la même longueur (huit à douze générations, ce qui ne les rend pas utilisables pour déterminer des dates approximatives, sauf pour les dernières générations qui correspondent à des périodes sur lesquelles nous avons aussi des archives écrites. Les premières générations doivent être considérées comme des raccourcis, seules étant pertinentes les indications spatiales. Les estimations des auteurs s'étagent entre 1750 pour le R.P. HENQUEL et 1800 pour BURROW ».

Effectivement, aucun Européen n'est témoin de cette migration venue d'Uvéa. On ne peut se fier qu'à la mémoire des « vieux » en les recoupant avec les témoignages écrits des premiers découvreurs européens. Pour cette partie, il est intéressant de comparer concernant le même évènement, les versions rapportées par les personnes étant sur le lieu de départ (Wallis situé à plus de 2000 km à l'est de l'archipel calédonien), et celles divulguées par les personnes sur le lieu d'arrivée. (Ouvéa ou Nouvelle Calédonie)

* 144 Uvéa est le nom de l'île Wallis actuel. Uvéa « Lalo » (celle d'en bas pour parler de l'île des Loyauté) et Uvéa «  Mamao » (celle qui est éloignée), termes employés par les wallisiens ou « les faga-ouvéens » pour distinguer les deux îles : Ouvéa et Wallis. La distinction peut être orthographique, Uvéa (le « u » prononcé « ou ») correspond à Wallis et Ouvéa tel qu'il est écrit est l'île des Loyauté.

* 145 D'après Florence Dupont, dans son ouvrage intitulé L'invention de la littérature

* 146 HOLLYMAN, Polynésian influence in New Calédonia, juin 1970. Cependant à Tikopia, il paraît aussi que les habitants à l'arrivée des européens se rappelaient très biens de leur île d'origine. (& l'expédition de La Pérouse)

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