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Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie

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par Tomasi TAUTU'U
Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012
  

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CHAPITRE I

APPROCHE HISTORIQUE DES SOCIETES DE TRADITION ORALE EN OCEANIE

Si l'on veut saisir les Océaniens dans toute la complexité de leur contemporanéité, il est nécessaire de rapporter leur comportement à un faisceau de causes au sein duquel il serait tout à fait arbitraire d'isoler ou de séparer le plus ancien du plus récent, comme l'authentique de l'artificiel ou le vrai ou le faux.

Alban BENSA

1. Histoire, anthropologie et pluridisciplinarité

S'intéresser au passé lointain de la Nouvelle Calédonie, soulève la question de l'historicité, dans la mesure où l'histoire communément définie commence avec l'écriture. Ainsi, les sociétés océaniennes de tradition orale, seraient des sociétés sans histoire avant les premières découvertes européennes à partir du XVIème siècle. Comment évoquer le passé de ces sociétés de traditions orales ? Quels en sont les enjeux concernant notre objet d'étude ?

Ce débat a déjà été évoqué par des historiens français renommés comme Jean Chesneaux, spécialiste de l'histoire contemporaine et moderne de l'Asie orientale et du Pacifique, ou Isabelle Merle qui a beaucoup contribué à l'histoire du Pacifique Sud, ainsi que Frédéric Angleviel, spécialiste de l'histoire de Wallis et Futuna qui s'est orienté vers celle de la Nouvelle Calédonie. Le premier auteur pense que les peuples du Pacifique possèdent une historicité autonome, c'est-à-dire une capacité propre à s'inscrire dans la dimension de temps, à prendre conscience de leur devenir historique et de leur temporalité. Il confirme, qu'étudier l'histoire du Pacifique c'est insister sur l'importance fondamentale des migrations et des échanges sur de longues distances, le plus proche voisin pouvant être à 500 kilomètres au moins. Il affirme sans ambages :

« Toutefois, leur historicité est une nature différente de celle qui a été consacrée et conceptualisée en Occident. Notre vision classique de l'entrée dans l'histoire est fondée sur le passage à l'écrit et à l'Etat. La chine est une société historique à partir du moment où elle possède l'Etat et une écriture idéographique. De même les Egyptiens, les Babyloniens, les Grecs, les Romains... Mais ces critères sur lesquels se fonderait l'Histoire sont absents dans le Pacifique : la construction de la temporalité par ces peuples s'inscrit dans une culture orale et non étatique. Ainsi se trouve bousculée notre dualité traditionnelle entre préhistoire et histoire. Penser que les peuples accèdent à l'histoire par l'écrit est dénué de sens dans ces pays qui ont une histoire mais pas d'écriture, mis à part le mystérieux rongorongo des pascuans... La conscience évolutive des peuples du Pacifique avant l'arrivée des blancs est un vaste sujet qui mériterait l'attention d'anthropologue ouvert aux problèmes de l'historicité, plutôt que d'historiens stricto sensu »9(*).

Par contre, en parlant de l'historiographie anglophone dans la région Pacifique, Isabelle Merle a évoqué, le courant « Island-oriented and culture change » dont l'historien Néo-zélandais Davidson a été le grand précurseur après la deuxième guerre mondiale. Cette approche consiste à tenir compte, dans la façon d'écrire l'histoire, des sociétés indigènes par le recours possible aux traditions orales et à la connaissance approfondie du terrain d'analyse en dénonçant ainsi ce que l'on appelle « l'histoire impériale ou euro centrique ».  Dorothy Shineberg est l'une des pionnières de ce courant en 1967, quand elle publie des écrits sur l'histoire des exploitants du santal dans le Pacifique10(*). L'historien Angleviel admet que la tradition orale reste une des sources possibles de l'histoire qu'il faut prendre en compte en complément des autres sources que sont l''écrit, l'audiovisuel ou l'archéologie pour le passé plus lointain11(*).

Par conséquent, le passé calédonien doit être abordé et étudié, nous semble t-il, sous l'angle anthropologique et historique12(*). Une analyse profonde des liens entre ethnologie et histoire a été réalisée par Nicholas Thomas, traduit en français par Michel Naepels13(*). L'auteur de cet ouvrage rappelle que l'anthropologie reste majoritairement historique même si elle situe généralement son sujet d'étude hors du temps, en dissociant généralement «culture indigène » et « impact de la colonisation ». Il est vrai que les dynamiques à court terme, nées du contact avec les Européens, sont cantonnées dans le domaine du changement social et de l'acculturation, ce qui n'est guère pertinent pour l'histoire couvrant de longues périodes. Alban Bensa reconnaît en tant qu'anthropologue :

« Que ce que l'anthropologie peut prendre pour un substrat culturel, une structure d'allure pérenne, s'avère toujours n'être qu'un moment de l'histoire d'un univers social déterminé ...   14(*)».

Alban BENSA poursuit en réalisant une autocritique sur son travail de chercheur :

« L'empirisme conduit à l'insignifiance quand il assimile ce qui est observé à ce qui est. L'écueil ne peut être évité qu'au prix d'un détour par des savoirs qui, comme la linguistique, l'histoire ou l'économie politique, permettent d'établir la généalogie des données et de penser la «  genèse des phénomènes ». L'anthropologie ne peut faire l'économie de l'interdisciplinarité 15(*)».

Dans notre exposé, nous partirons des concepts anthropologiques qui nous semblent les plus pertinents pour étayer notre hypothèse. Nous tâcherons de tenir compte des évolutions possibles par l'utilisation de références éparses des premiers observateurs afin d'être le plus proche de la réalité sociologique d'antan sans prétendre à l'absolue vérité, d'autant plus que nous considérons que les us et coutumes ne sont jamais statiques. Par ailleurs, l'historien Frédérique ANGLEVIEL souligne dans son ouvrage que depuis peu :

« Les démarches identitaires se sont multipliées chaque communauté souhaitant découvrir, assimiler son histoire afin d'être plus à même de s'insérer dans le melting pot calédonien».16(*)

Peut être sommes nous dans cette mouvance ? Mais il nous faut être lucide et conscient que, nous ne pouvons échapper au contexte sociétal et temporel dans lequel nous vivons. Trouver des traces de populations dites « polynésiennes » dans l'archipel calédonien au cours de la période dite « précoloniale et coloniale » et d'en connaître leur place dans l'échiquier politique traditionnel est un exercice difficile, dans la mesure où les écrits à ce sujet sont très peu nombreux et que la tradition orale est difficilement accessible. Egalement, ces populations si réduites soient elles, se sont intégrées à la population locale. C'est la raison pour laquelle que notre objet d'étude peut être qualifié d' « évanescent ».

* 9 BENSA .A et RIVIERE J.C., Le Pacifique un monde épars, L'Harmattan, cahiers du Pacifique sud contemporain, 1998, 214 p.

* 10 Dorothy SHINEBERG, Ils sont venus chercher du santal, SHNC, 1973, 451p. Cet ouvrage a été publié en Anglais en 1967 et a été traduite en Français par André SURLEAU.

* 11 ANGLEVIEL, Frédérique, Les fondements de l'histoire de la Nouvelle Calédonie, CDP Nouvelle Calédonie, 2002, 201 p. ; p 7- 11.

* 12 Dominique BARBE: L'histoire du Pacifique, des origines à Nos jours, Perrin, 2006, 683p. Cet auteur, maitre de conférence à L'Université de Nouvelle Calédonie, formule pourtant quelques réserves quant à la méthode proposée quand il souligne : «  La marge entre les deux démarches est si étroite que souvent l'anthropologue et l'ethnologue sont tentés de faire l'histoire et l'historien de faire l'anthropologie et de l'ethnologie, il y a un risque dans lequel une vigoureuse analyse de doit pas tomber. » p 15.

* 13 Nicholas THOMAS, Hors du temps. Histoire et évolutionnisme dans le discours anthropologiques, Belin, Paris, 1998, 236 p., p 10.

 

* 14 BENSA .A et RIVIERE J.C., Le Pacifique un monde épars, L'Harmattan, cahiers du Pacifique sud contemporain, 1998, 270 p., p20.

* 15 Opt.cité, p 13.

* 16 Opt.cité, p 198.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore