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Essai sur les élites traditionnelles au Maroc

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par El Mostafa AAOURDOU
Université Moulay IsmaàŻl Meknes - Maroc - Master en science politique 2012
  

Disponible en mode multipage

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Introduction:

L'intérêt accordé au sujet des élites traditionnelles émane de l'immobilisme politique auquel le régime politique marocain a été condamné par sa base rurale. En effet, la monarchie renverse ses alliances et s'allie aux notables ruraux. Ces derniers s'acharnaient contre la politique rurale amorcée par la bourgeoisie urbaine susceptible de briser leur pouvoir politique et économique, alors que ces mêmes réformes créeraient un bouleversement au niveau des structures politiques et sociales. Ce qui risque de rompre l'équilibre au profit de la bourgeoisie, et installer un régime où le monarque risque de voir son rôle réduit jusqu'à devenir symbolique. Pour maintenir un système marqué par la prépondérance des élites locales, la monarchie a été amenée à renoncer au projet de changements profonds annoncés par le mouvement national, notamment le parti de l'Istiqlal qui ne dissimulait guère ses intentions hégémoniques. Au début de l'indépendance les élites rurales, occupaient une position distinguée dans le champ politique. Elles disposeraient désormais de capitaux matériels et économiques accumulés pendant la période coloniale. Il était naturel, que la monarchie contracte une alliance avec ses élites pour garantir sa suprématie et son hégémonie politique et faire face aux pressions et ambitions du mouvement national. Cette union devenait l'ossature du système politique du pays1(*). Afin de pérenniser l'hégémonie des élites rurales, le pouvoir a déployé d'énormes efforts pour maintenir le statuquo et le conservatisme. En effet le statuquo signifie : « tenir le temps social d'une société donnée, dans un sens circulaire, fondé sur la répétition des mêmes actes sociaux, sans adopter aucun projet sociétal de changement2(*).  De surcroit, une société rurale statique, est inévitablement constante, réitérative et productive de génération après génération sans aucun changement manifeste dans ses structures. C'est une société où les structures traditionnelles constituent une force d'obstruction de toute nouvelle transformation3(*). En effet le statuquo est instauré dans l'espace rurale. Aucune tentative sérieuse de moderniser le pays n'a été initié au cours de trois décennies écoulées depuis l'année 1960. La priorité était accordée aux considérations sécuritaires et politiques, les intermédiaires locaux assuraient le contrôle de cet espace ainsi que sa population. Ils étaient dotés par le pouvoir de tous les moyens matériels et financier pour moderniser leurs propriétés agricoles et assurer leur prestige social aux yeux des ruraux, au même moment, il a marginalisé la majorité absolue des ruraux. La monarchie conservait dès lors la même relation standard ayant caractérisé les relations du makhzen avec les groupes tribaux au cours du XIX ème siècle. Ces mêmes rapports ont été conservés par le protectorat. Pour consolider son hégémonie sur la scène politique, la monarchie adoptait le modèle administratif installé par les autorités du protectorat, celui-ci présente une efficacité de contrôle des populations et des territoires. Désormais les enjeux des acteurs politiques et leurs stratégies, opéraient dans un champ tempéré par le conservatisme et l'invariance.

Dans ce contexte, le pouvoir administratif et économique passe aux mains de la bourgeoisie urbaine, jouissant d'un passé nationaliste ou proche du palais. Les membres de l'élite nationale espéraient que le pouvoir lance sous leur responsabilité un vaste projet de restructuration de l'économie et de la société. Mais le maintien de leur situation repose sur un système d'élites locales dont la composition, le système de valeurs et d'autorité sont profondément différents du leur, la monarchie constitue le lien entre les deux systèmes4(*). Ainsi, le Maroc se trouvait divisé en deux mondes, l'un représentait la force de la tradition et l'autre incarnait la volonté du mouvement et du progrès. Soutenu par le poids de l'histoire le premier univers a pu s'imposer pendant la période offensive du pouvoir (années 1960). Un système clientélaire à tête unique qu'est le roi, s'instaurait dès lors, aucune force n'est autorisée à s'ériger en pouvoir indépendant. La monarchie n'a rien fait pour encourager l'apparition d'une bourgeoisie capitaliste ou agraire. Paradoxalement une concurrence aux avantages fut lancée par le pouvoir, elle provoquait la désagrégation des formations politiques et syndicales, qui dépendaient désormais du palais. La gestion administrative a été confiée à des technocrates dépolitisés, qui commençaient à s'infiltrer dans les postes de responsabilités, jusqu'à ce qu'ils devenaient ministres à la fin des années 1960. Une fois au pouvoir, ils trufferaient leurs cabinets et les directions de leur ministère de jeunes technocrates. La mise en place d'un vaste appareil administratif posait le problème de contrôle de l'exécution de ses programmes. De même le pouvoir veillait à ce que personne ne restait assez longtemps dans son poste, pour ne pas acquérir une compétence suffisante dans son domaine et se servir ensuite de cette situation à des fins politiques5(*). L'administration a assuré la bonne marche des rouages de l'Etat, grâce à la haute formation de ses cadres. Mais sans réussir à se transformer en une nouvelle classe. Il s'agit d'une détermination de la monarchie par ce que les fonctionnaires sont issus, dans leur majorité, de la bourgeoisie citadine, base sociale du parti de l'Istiqlal. Cette situation était au coût de l'incapacité du pouvoir à utiliser l'administration comme un moyen de développement économique.

L'invariance imprègne la vie politique, économique et sociale. Le pouvoir se porte fidèle de la vieille formule populaire qui recommande de ne pas sacrifier le vieux au profit du neuf ! Toutes les institutions traditionnelles étaient maintenues, la tribu constitue encore une réalité vivante qui provient du fond des âges, elle n'a pas encore fusionnée dans la société nationale. A cause de la fermeture du système, des ilots humains persistent encore hors du circuit du développement et des populations continuent d'exister repliées sur elles-mêmes.

Le système politique sacrifie ainsi la modernité, en vue de maintenir le statuquo. Les élites politiques, économiques et administratives, les partis politiques et les syndicats étaient tous affectés par ce système. Leurs membres se lançaient dans une course de privilèges et de la richesse, et deviennent avides du pouvoir, ils refusent de le quitter, ils espèrent en faire une affaire familiale. On commence dès lors à parler de l'hérédité dans les domaines de gestion des affaires publiques, le pouvoir exerce un attrait sur l'élite. Avant d'analyser les effets pervers de l'hérédité politique dans les élites ministérielles et parlementaires, il s'avère utile de définir théoriquement les notions d'élites, pouvoir, influence et hérédité.

Le pouvoir est un concept normatif, il définit la situation de celui qui dans une relation sociale, a le droit d'exiger que les autres se plient à ses directives, parce que le système des normes et des valeurs de la collectivité, établit ce droit, et l'attribue à celui qui s'en prévaut. Pour Robert Dahl le pouvoir est « un cas spécial d'influence qui implique des pertes sévères pour qui refuse de s'y conformer »6(*). Le pouvoir constitue un cas spécial d'exercice d'influence : il s'agit d'un processus affectant les politiques des autres par le recours à la menace à l'encontre des récalcitrants.

L'influence, telle qu'elle est utilisée par les sociologues et les politologues américains, constitue un synonyme de l'inégalité, ainsi Robert Dahl appelle influence «  un rapport entre des acteurs par lequel l'un d'entre eux amène les autres à agir autrement qu'ils ne l'auraient fait sans cela »7(*) . L'influence revêt des formes variées. Parmi eux on distingue un type particulier d'influence qui est le pouvoir, qui se définit en général par la coercition, entendue dans le sens d'infliger des sanctions à l'encontre de ceux qui refusent de se plier à la volonté des détenteurs du pouvoir. La puissance ou l'influence présente plusieurs variétés : puissance fondée sur le prestige et puissance fondée sur la violence.

La contrainte est absente, quand la puissance tient au prestige, à l'ascendant, c'est-à-dire à une sorte de supériorité morale quand le leader est obéi à cause de son prestige. Ainsi l'existence d'un pouvoir, établit des relations inégalitaires officielles, donnant à certaines personnes le droit de commander et aux autres l'obligation d'obéir aux premiers. Au sein de la notion du pouvoir, il faut distinguer entre pouvoir politique et pouvoirs non politiques.

Le pouvoir politique est le pouvoir souverain, c'est lui qui décide en dernière analyse, sans être soumis à un autre, donc sans être limité par un pouvoir supérieur8(*). De surcroit deux types du pouvoir peuvent être distingués, l'un tend à l'organisation et à la régulation d'ensemble de la vie collective, alors que l'autre s'occupe de la gestion d'un secteur particulier. L'essentiel c'est que les membres de la société reconnaissent pour les titulaires du pouvoir, le droit de donner des ordres et des directives aux autres membres tenus de se conformer et obéir. La désignation des détenteurs du pouvoir est un acte qui est revêtu d'une importance, puisqu'elle met en place, les individus investis du pouvoir et possèdent par conséquent, une influence sur la société toute entière. Cette opération est effectuée selon des mécanismes essayés depuis belle lurette.

Pour gouverner et assumer la responsabilité des affaires publiques, des qualités sont exigées. Elles ne se trouvent que chez un petit nombre d'individus, c'est l'élite. Elle est le groupe de personnes qui dispose de l'influence et du pouvoir au sein d'une société donnée, c'est un groupe de personnes jouissant de capacités exceptionnelles, dans un domaine ou plusieurs, et qui ont pu accéder à la gestion des affaires publiques. Et par conséquent, ils détiennent le pouvoir politique. Le rôle de l'élite est double, certains de ses membres se trouvent au centre du pouvoir, et défendent les attitudes du régime en place, alors que d'autres s'alignent dans les rangs de l'opposition.

L'élite, occupe une place prépondérante au sein de la hiérarchie politique, elle a toujours légitimé le pouvoir, son rôle porte soit sur le soutien et la préservation du statuquo, ou elle s'active dans l'opposition et proclame le changement.

Suite à ces deux fonctions contradictoires remplit à la fois par l'élite, ses membres sont soit rapprochés du pouvoir, assiégés ou subjugués. L'élite qu'elle soit gouvernementale ou non gouvernementale, elle constitue, dans les deux cas, l'ensemble de personnes détenteurs de l'autorité et capables d'influencer la société9(*).

De la masse montent perpétuellement de nouvelles élites, celles en place ont le choix de les combattre ou les intégrer jusqu'à ce qu'elles soient finalement défaites et remplacées. L'étude de la circulation des élites est souvent réduite à la fameuse phrase ''L'histoire est un cimetière d'aristocraties''.

Gaetano Mosca a contribué à la science politique, en observant que les sociétés primitives sont gouvernées dans les faits, si ce n'est sous le règne de la loi, par une minorité numérique. Qu'il a nommé « classe politique ». Bien que cette théorie soit élitiste, on peut constater que sa base est différente du pouvoir que détient l'élite tel que décrit par C. Wright Mills. Contrairement à ce dernier, et d'autres sociologues plus tard, Gaetano Mosca visait à développer une théorie universelle de la société politique, sa théorie de la classe politique reflète le plus ce dessein.

Néanmoins, la théorie de Gaetano Mosca était plus démocratique que celle de Pareto puisque dans sa conception, les élites ne sont pas héréditaires. Des individus originaires de toutes les classes peuvent accéder à l'élite. Il a aussi adhéré au concept de « la circulation des élites » qui est une théorie dialectique de compétition constante entre les élites, avec un groupe d'élite remplaçant progressivement un autre à maintes reprises. La formation des contre-élites lors de l'apparition de "symptômes de dégénérescence" de la classe dirigeante lui paraissait être l'élément dynamique de l'histoire.

Il faut mentionner qu'au cours du XIX siècle, la littérature de l'hérédité est devenue une toute puissante notion, elle répond à deux aspirations bien diverses : à un ancien besoin d'admiration mystique, et à un besoin nouveau d'explication scientifique.10(*)

Cette idée de l'hérédité a été abandonnée par la classe politique occidentale. Alors que les élites marocaines refusent de le faire. En effet la classe politique constituée au lendemain de l'indépendance à partir des cadres de l'Istiqlal et des personnalités cautionnées par Mohamed V reste depuis lors fermée sur elle-même en dépit de bouleversements superficiels11(*). Mais la rupture avec l'ancienne classe dirigeante du protectorat n'était pas définitive. Les élites marocaines originaires d'un petit cercle des grandes familles bourgeoises et des familles qui ont assurées leur ascension au service du makhzen, poursuivent l'exercice de leur influence sur tous les champs du pouvoir, leur comportement traditionnel est resté intact. Les pratiques de l'élite, demeurent identiques, elles visent un ultime objectif : l'exercice du pouvoir sans le jamais quitter. Pour ce faire les dirigeants s'agencent dans des corporatismes familiaux, contractent des coalitions à vocation d'intérêts et de clientélisme politique. Si les uns s'organisent en clans familiaux pour résister au changement, les autres forment les castes au sein de l'Etat, de l'autorité et de l'économie pour assurer la reproduction de leurs pouvoirs. Les uns se méfient de l'industrialisation du pays, refusent la libéralisation du marché et la redistribution des fruits de la croissance. Les autres freinent la démocratisation des pouvoirs économiques et politiques, parce qu'elle menace à court, moyen et long terme leur autorité sur les hommes et les organisations. Les uns et les autres, s'ils s'opposent à cause de leurs intérêts contradictoires s'entendent sur le même principe : la domination12(*). Leur éducation paternaliste, leur origine sociale et culturelle homogène, consacrent l'hégémonie de la coalition des familles au pouvoir. La famille est une notion subjective, qui se réfère aux traditions ancestrales du gouvernement, basée sur des rapports de consanguinité, et de mariage issus de l'appartenance à une grande famille, à une tribu ou des intérêts communs. Un modèle qui ne préside qu'à l'épanouissement des affaires restreintes de la famille ou du clan. Alors que l'autre forme basée sur les relations politiques et professionnelles, favorise l'intégration sociale, l'ascension des individus originaires des classes inférieures, aboutit en dernier ressort à la démocratisation du système. En réalité, cette idée incarne un véritable besoin national, du fait qu'il déclenche, l'intégration politique et sociale débouchant sur le développement économique. L'amélioration de la situation économique, réduit les inégalités entre les couches sociales, ce qui permet la diminution des tensions entre différentes composantes de la société. La démocratie n'est pas seulement un ensemble de règles, de procédures et d'institutions. Elle est aussi une éducation et une culture, c'est-à-dire un ensemble de relations d'échange d'idées et de valeurs13(*). Les élites au pouvoir réfutent cette culture, car elle diminue leur pouvoir. En contre partie, elles luttent pour légitimer l'hérédité des postes et positions. Leurs membres méprisent la compétence et les classes inférieures.

La demande démocratique au Maroc est une constante de la vie politique, cela signifie qu'il existe dans l'identité collective une énergie démocratique potentielle. Mais cette revendication n'a jamais été réellement entendue. En effet, la courte durée du protectorat avait instillé des ferments encore mal digérés de modernisation économique et politique. La société demeurait largement tribale, rurale et rebelle à une autorité centrale que le protectorat n'avait pu faire respecter que par la force. La bourgeoisie économique était avide de récupérer les positions des colons, sans envisager d'en partager les fruits avec le reste de la population. Si le nationalisme de l'Istiqlal a su un moment fédérer les énergies contre la puissance protectrice, une fois celle-ci défaite, les mouvements centrifuges reprirent de plus belle14(*). Les conflits de l'indépendance, trouvaient leur fondement dans l'héritage d'avant le protectorat. Il s'est avéré que le protectorat a instauré une stabilité forcée au profit du sultan et de l'appareil makhzen de l'Etat. Le problème de la modernisation du pays a été posé à la classe politique. Au premier abord, la bourgeoisie a tenté d'utiliser la bureaucratie pour dominer les autres secteurs de la société, et les enrôler pour contribuer à l'effort de modernisation, en récupérant certaines allures libérales de la politique du protectorat. La monarchie ne pouvait pas s'opposer à ces initiatives, elle risquait d'être marginalisée. Ce n'est que lorsque la paysannerie rurale s'opposait aux projets de la bureaucratie que le roi s'imposait comme intermédiaire auprès des notables, et reprend sa place dominante dans le système politique. Le roi réhabilitait les notables de leur présomption de complicité et de conspiration contre la monarchie. En retour ceux-ci garantiraient au monarque, le soutien politique des ruraux. S'instaure dès lors, un équilibre instable, les grands projets d'industrialisation fussent abandonnés par la monarchie. De même cette institution soutenait les grands propriétaires terriens qui ont refusé de faire frais de ces réformes projetées par la bureaucratie bourgeoise, elle supposait que l'industrialisation aurait rompu l'équilibre du régime en faveur de la bourgeoisie. Pourtant ce dernier groupe maintenait encore ses rapports avec la monarchie, car il craignait un prolétariat urbain menaçant son hégémonie, comme il souhaitait volontiers à l'image du protectorat, maintenir très haut le prestige du roi pour faire accepter son autorité15(*). L'intervention des notables a aboutit à un immobilisme politique, où la monarchie se présente comme la clef de voute du système. Un groupe favorise le statuquo, il rassemble toute la bannière traditionaliste, aussi bien les notables ruraux que la petite bourgeoisie et le vieux makhzen renforcé par diverses catégories de bigots de l'islam16(*).

Pour perdurer la prépondérance des ces alliés, dont les élites locales constituent le centre de gravité, la monarchie renonçait aux changements profonds, et tenta tout les remèdes pour se maintenir au pouvoir. Ainsi l'industrialisation, la réforme agraire, la compétence, l'intégration, le libéralisme politique et économique fussent confinés. Le népotisme, le clientélisme, l'allégeance, l'hérédité, l'économie de rente deviennent les termes les plus usités.

L'élite se renferme sur elle et plonge dans l'autarcie, aucun changement en dehors du groupe au pouvoir n'est toléré. La classe dirigeante au Maroc, retourne à son ancien style de dévolution des postes et positions à leur progéniture. Il est naturel qu'au sein d'un système adoptant un style d'Etat ancestral, qu'il serait inéluctable de faire recours à l'hérédité politique, comme un procédé permettant d'assurer la continuité du makhzen et ses alliés, dans la direction des affaires politiques et économiques de l'Etat. Les élites parviennent à maitriser la situation politique à la base, les assises de leur pouvoir sont fondées autant, sur les liens de parenté que sur les relations clientélaires. C'est pour cette raison qu'on assiste, depuis l'indépendance, à un retard de l'évolution du pays vers une modernisation politique et économique. Le régime est condamné à l'inertie politique.

Le régime politique comme n'importe quel organisme change continuellement, pour s'adapter à l'évolution et aux mutations de leur environnement17(*). Au Maroc, l'hérédité constitue un moyen de reproduction politique et social. Le renouvellement des élites, mesure la capacité d'un régime à s'accommoder au changement social et à la conjoncture, il est essentiel pour son équilibre. La stabilité politique n'était qu'une stabilité forcée, basée sur la maintenance des niveaux assez élevés des tensions entre les différents groupes, pour éviter leur coalition contre le roi. En revanche, il n'est pas toléré qu'il atteigne un niveau qui menace la survie du système. L'hérédité de ce fait constitue une situation du fait sinon du droit, dans le système politique marocain. Quel est l'impact de cette situation sur la démocratie ? Est ce qu'elle n'entrave pas la démocratisation du système, ainsi que l'émergence des compétences en provenance des différentes couches de la société ? Le temps n'est il pas opportun de substituer à la question classique comment l'Etat construit ses élites à celle de comment les élites forment l'Etat ?

Pour analyser le système politique marocain, il est fondamental de le concevoir à partir des postures des acteurs contribuant à sa dynamique, en l'occurrence la monarchie, les partis politiques, les institutions et de la société civile. Il faut mettre l'accent sur tous les acteurs, sans outrepasser l'action d'aucun parmi eux, car ils sont liés par des relations d'interdépendance, agissant sur leur comportement politique. La monarchie, les partis, les institutions gouvernementales, les technocrates, les islamistes, les marxistes, les amazighs, tous ces acteurs ont contribué à l'action politique et tous revendiquent actuellement un système démocratique dont chacun en a sa propre conception.

Certes, la société est en permanence mouvement, on assiste ailleurs à un changement de taille de l'élite du fait de la poussée démographique , la diversification et la multiplication des positions de pouvoir, ainsi que la déruralisation, le rajeunissement et l'élévation du niveau d'instruction18(*). La démocratisation du système s'impose dans tous les discours. En effet la démocratie avant tout, est une lutte pour l'ouverture du système, cette rivalité est susceptible de promouvoir l'égalité et la justice sociale. Elle préside enfin au développement économique. Mais les héritiers, encouragent la passivité, entretiennent le manque d'initiative, d'innovation et de compétition, incitent le repli sur soi, le respect du traditionalisme, inculquent la crainte de la coopération, de la solidarité, du renouveau et de la modernisation. En contre partie ils s'accordent sur un seul lobby, amasser des fortunes énormes sans fournir aucun effort. Le maintien de la pauvreté, pérennise leur prospérité, pour cela, ils abandonnent l'élaboration des plans de développement à long terme. Les héritiers rejettent la démocratie, elle menace leur statut. De ce fait, l'étude des relations entretenues entre l'hérédité et la démocratie revêt une importance d'envergure dans la mesure où elle permet de s'interroger sur le poids de l'hérédité au sein l'élite politique du Maroc (Partie I) et comment elles s'organisent pour conquérir le pouvoir, quel est le rôle de la famille, et quelle est l'importance de la socialisation politique de l'ascendance.

Le pouvoir est libéral en ce qui concerne la nomination dans des postes contingents de députés, alors que le choix des personnalités aux postes de ministres éveille la méfiance des cercles du pouvoir. Les élites se montrent très réservées, ce qui permet de se demander sur les impacts de l'hérédité, en tant que moyens de renouvellement des élites, sur la démocratie et la vie institutionnelle du pays (Partie II), les institutions démocratiques demeurent incapables de remplir pleinement leur mission, des défaillances sont relevées au niveau des compétences et du personnel. Impératifs qui augmentent les pouvoirs des héritiers, et portent préjudices à tout ébauche démocratique.

Partie I : l'élite politique au Maroc : le poids de l'hérédité.

L'élite politique est une minorité qui détient toutes les potentialités, lui permettant d'influencer la masse. Dans chaque société qu'elle que soit son degré de développement, il y'a une élite qui gouverne et une majorité gouvernée. De nombreux travaux sociologiques ont été consacrés aux élites et leur reproduction. En outre une pléthore de spécialistes, s'est intéressée à leurs études. Des sociologues élitistes, tels Mosca, qualifié de conservateur ; et Robert Michels  classé, parmi les socialistes révolutionnaires, ont manifesté un regain d'intérêt à la théorie des élites. Cela suffirait à démontrer qu'il ne s'agit pas d'une doctrine orientée à droite ou à gauche. Au contraire, on est face à une réalité politique et sociologique, observée au niveau de chaque société, quel que soit son degré de civilisation19(*).

L'étude des élites revêt une importance non équivoque, vu le rôle qu'elles sont appelées à jouer, à savoir la monopolisation et l'exercice du pouvoir politique. Chaque société produit sa propre élite, suivant des mécanismes d'ascension sociale. Elle est tributaire de ses fondements socio-historiques et culturels. Le nombre des familles prépondérantes est déterminé par le dynamisme de la vie politique. Dans le contexte marocain marqué par des inégalités sociales, économiques, régionales et culturelles, il est difficile d'utiliser le terme «  élite politique ». Si une définition universellement reconnue de ce terme n'est pas encore réalisée, Raymond Aron invoque celui des «  minorités stratégiques ». Il s'agit d'individus placés dans des positions stratégiques dans un moment de l'histoire du pays. Ces minorités détiennent le pouvoir, non seulement dans leurs domaines d'activités, mais aussi dans celui de la gestion des affaires de l'Etat. Au Maroc, des grandes familles bourgeoises, possédant des expériences dans l'administration et le commerce qui, dans leur majorité originaires de Fès, ont pu accéder au système d'enseignement élitiste du protectorat. Certains de leurs descendants étaient recrutés dans des postes administratifs alors que les autres issus des familles des notables ruraux, intègrent l'armée française. Ils se familiarisent avec les rouages de l'administration française. Après 1956, ils ont hérité l'autorité administrative et militaire20(*). Ces privilégiés sont membres des grandes familles, qui se répartissent en quatre groupes. Les familles des notables ensuite les familles makhzen, les familles commerçantes et les familles religieuses. Elles fournissaient des cadres à la bureaucratie makhzen, des militants au sein des partis politiques, des intellectuels, des officiers de l'armée, des oulémas et cheikh des zaouïas. Leurs tactiques d'ascension sociale sont identiques, bien que ces groupes proviennent d'origines diversifiées.

Chapitre I : différentes composantes et facteurs d'ascension similaires.

L'élite a la responsabilité de gérer les affaires vitales de la société, comme elle assure la marche des affaires étatiques. Vu son importance, cette mission devrait être assurée par des individus, minutieusement sélectionnés. De par sa situation dominante dans le système politique marocain, le makhzen assure et garantit la continuité des anciennes familles qui l'ont servi depuis des années voire des siècles. Sa pérennité est liée à leur prospérité de ces familles. Ils tendent tous les deux à garder le statu quo.

Section I : les composantes de l'élite 

Avant 1912, seuls le makhzen et une petite frange de la bourgeoisie urbaine, entretenaient des relations avec l'étranger, au moment où le reste du pays plongeait dans l'anarchie, le tribalisme et l'ignorance21(*). Cette minorité se composait des commerçants issus des familles bourgeoises installées au Maroc, suite aux flues d'émigrations de l'Andalousie. Etablis à Fès, Tétouan, Meknès ou Salé, ils se livraient à l'artisanat et au commerce. Préservaient en outre des traditions de culture et du savoir, ils assuraient l'écoulement à l'intérieur du pays de produits d'importation tels les vêtements, le thé et le sucre, comme ils acquièrent d'autres marchandises pour l'exportation (cuir, laine...). Installées dans des villes menacées en permanence par les tribus, ils étaient au service du makhzen. Une classe commerciale a émergé et devint une force économique et sociale. Le makhzen parvient à l'intégrer au sein de ses structures politiques et administratives. En effet ces commerçants assumaient les missions de la gestion civile et les fonctions commerciales, consulaires, administration des douanes, habous et les ports22(*). Ils escomptaient assurer, et leur sécurité et la marche de leurs affaires. Ils n'ont jamais songé rivaliser avec le pouvoir central. Grace à l'hérédité de la fortune, l'administration et le savoir faire, des dynasties bourgeoises se sont formées au Maroc23(*). Depuis l'indépendance, les membres de ces familles dirigent les organisations stratégiques du pouvoir, ils ne les ont plus quittés. Qui sont-ils ? Leur identification s'avère indispensable.

Paragraphe I : identification des acteurs politiques.

La société marocaine, du haut en bas, de part en part, est immuable. L'invariance imprégnerait tant les structures en place que les stratégies qui s'y déploient24(*). Le pouvoir monarchique reproduit toutes les vieilles structures et des procédés séculaires. L'hérédité des postes et des positions assure la reproduction de ces pratiques ainsi que la continuité des structures archaïques. J.Waterbury remarque que les groupes de l'élite marocaine (groupes primordiaux, tribus, régions, villes, quartiers, familles, partis politiques, syndicats...) développeraient des conduites similaires à celles des tribus organisées selon les principes segmentaires25(*). En effet la tension permanente et la violence constituent les traits caractéristiques de la scène politique marocaine, cette situation engendre la stagnation, l'immobilité et le conservatisme politique. Le makhzen, ancienne structure dominante, défend les technocrates apolitique pour se maintenir dans sa position. Les partis politiques encadrent les élites urbaines. Alors que les notables n'ont jamais été fidèles qu'à leurs intérêts. Tenant compte de cette réalité, le pouvoir veille à la diversification de ses assises et entretient les technocrates qui, sous l'impulsion du makhzen s'emparent des appareils de l'Etat.

A- le Makhzen et les technocrates de l'Etat : héritage et cooptation

Le makhzen c'est « la structure politico-administrative sur laquelle repose le pouvoir au Maroc, elle est faite de soumission, de rituels, de cérémonies, de traditions; une conception spécifique de l'autorité qui imprègne l'ensemble de la classe politique et dont la pièce maîtresse est le roi »26(*). Elle désigne, les réseaux traditionnels liés au Palais, et qui concurrencent les circuits étatiques modernes, quand ils deviennent incapables de les anéantir ou de bloquer leurs activités. Il existe un makhzen économique qui se moque des règles de la concurrence; un makhzen politique où fleurissent les partis sans militants, les députés sans électeurs, bref le makhzen a tenté de contrôler la vie politique du pays. Il est le fruit d'une communauté qui se définit comme telle, à un moment de son histoire, jouit de ce fait d'une légitimité historique et ancrée dans l'imaginaire collectif, qui lui reconnait la représentation de l'identité nationale et le monopole des symboles religieux. Au Maroc, une tentative de rationalisation de l'exercice du pouvoir via la création d'une administration moderne sans rompre avec les pratiques héritées du passé, a été amorcée.

En effet, les structures traditionnelles de la société marocaine marquent le comportement des élites politiques actuelles.27(*) Le rôle du makhzen a été transformé par le protectorat, bien que l'essence de son hégémonie fût laissé intacte, suivant l'assertion célèbre de Léauty « pacifier sans aigrir et organiser sans briser »28(*). En effet le makhzen est un style de gouvernement enraciné dans la société marocaine. Jusqu'en 1912, le régime fondé par le sultan Molay Ismaïl au XVII siècle n'a subi que peu d'amendement. L'essentiel des taches de son administration est la collecte des impôts en nature et en espèces. D'où son nom Makhzen qui veut dire littéralement : « entrepôt ». Pour étendre son autorité, le sultan déploie des stratégies différentes envers les tribus29(*). En effet les tribus tenaient un rôle de premier ordre sur le plan politique. Le pays était divisé en bled Siba qui ne reconnaît qu'un certain pouvoir religieux du sultan, et bled Makhzen, zone totalement soumise au pouvoir central. Cette situation a perduré jusqu'à l'arrivée du protectorat, qui a pu mettre fin à ce système, au moment où le makhzen a inscrit un échec flagrant pendant des siècles à soumettre les tribus dissidentes. Le pouvoir central n'a jamais disposé de la force militaire, pour pouvoir écraser les tribus en permanente rébellion. Il a toujours joint la guerre à l'alliance, devenues une stratégie permanente. Il lui fallait entre deux compagnes militaires, se lancer dans une politique d'alliance. Une dialectique d'opposition momentanée et de transaction de rejets violents et d'appels réciproques30(*). Le Makhzen est incapable de guerroyer tout le temps comme les tribus qui étaient incapables de faire face au pouvoir central. Cette situation est l'apanage de dispersion des groupes et d'intérêts. Les sultans ont toujours bénéficié de la segmentation de la société marocaine divisée en segments antagonistes et équilibrés par des tensions et rivalités. L'institution monarchique ne tenait pas sérieusement à les résoudre. La souplesse du sultan est flagrante de manière à ce qu'avait écrit John Waterbury «  ce régime ne tranche ni les têtes, ni les problèmes31(*) ». Le pouvoir n'ôte pas les têtes par ce qu'ils peuvent appartenir à des futurs alliés, alors que les problèmes demeurent nécessaires pour qu'il exerce son rôle avantageux d'arbitre. La monarchie a mis en oeuvre l'adage : «  diviser pour survivre » pour contre carrer certaines aspirations politiques, qui tentaient de réduire sa place à un rôle symbolique ou à celui d'un Amghar traditionnel.

Historiquement, les tribus Guich procuraient la majorité du personnel militaire et administratif, les autres fonctions nécessitant des connaissances spéciales revenaient aux bourgeois citadins. Ces familles étaient au service du makhzen durant des années voire des siècles, de ce fait leurs missions tendaient souvent à devenir héréditaires. Après l'indépendance, la monarchie marocaine, menait une politique dominée par le maintien et la consolidation de l'autorité du makhzen. Celui-ci déploie des tactiques afin de contrôler, domestiquer et limiter les ambitions des partis politiques. Légataire d'un double héritage: celui du passé avec ses coutumes séculaires 32(*)d'organisation du pouvoir et celui du protectorat, incarné dans une infrastructure complexe qui ne fut jamais complètement acceptée par ses héritiers ni adaptée à leur besoin. La monarchie fondait son pouvoir sur des assises religieuses, idéologiques et démagogiques.

Après avoir surmonté la période défensive de 1955 à 1960, le roi récupère le monopole de la distribution des avantages politiques et matériels du pouvoir, ce qui lui facilite la manipulation de l'élite, et lui permet de plus de contrôler effectivement l'administration33(*). Celle-ci devient son principal instrument du gouvernement. Le monarque ouvre les portes de la haute fonction publique et supervise les activités de ceux qu'il y fait entrer. En effet occuper une place prépondérante dans l'administration constitue un garant d'allégeance à la monarchie. Au temps du makhzen, la bourgeoisie avait participé à la gestion des affaires publiques. Le sultan faisait souvent appel aux compétences des commerçants, à leur connaissance de l'étranger et il leur confiait des missions diplomatiques et les chargeait des finances de l'Etat. La bourgeoisie citadine a continué après l'indépendance, à dominer ces deux sphères administratives34(*). La classe dirigeante économique doit sa prospérité aussi bien à la position privilégiée au sein de l'administration, qu'a ses affaires qui, dépendent beaucoup de la protection du gouvernement. Pendant la période offensive, la monarchie a pu écarter les partis politiques, et les technocrates accèdent au pouvoir dans un climat marqué par l'incapacité de la bourgeoisie d'affaires à développer une idéologie économique de production. Ils contrôlent désormais toutes les institutions35(*). Ils sont partout, sauf là où ils devaient être aux commandes des affaires techniques ou technologiques36(*). Les technocrates sont aussi des héritiers de la fortune et des positions, formés par l'Etat pour seconder les confréries des grandes familles. Préparés à ces taches, ils n'ont jamais été politisés, ni manifester une quelconque opposition, ils sont seulement initiés à développer l'idée de collaboration avec le pouvoir37(*).

Les technocrates une fois établis au pouvoir, conservent les mêmes rapports persévérants avec leurs camarades de classe ou de la fonction publique. Sans oublier leur famille, elles aussi portées au niveau des responsabilités par la cooptation ou l'héritage. C'est dans cette chaine de complicité, de fidélités et de mansuétudes que les affaires publiques sont gérées, entrainés dans le réseau des grandes familles et dans la mouvance de l'idéologie bureaucratique, les technocrates se livraient à la défense des intérêts des groupes les plus dominants. Une dépendance mutuelle entre les technocrates et le makhzen faisait jour. Ce dernier se servait d'eux pour dresser l'élite politique insaisissable, les technocrates, ont besoins du pouvoir pour se maintenir dans leurs positions. A l'instar de tout les héritiers, le pouvoir absolu devient leur ultime finalité, ils ne pensent ni au développement ni à la libéralisation économique. Ils cherchent seulement, à défendre leurs intérêts qui, la prospérité économique et le pouvoir furent une fin. Ils sont habitués à diriger sans partage ni persécution, faire des promesses sans être capables de les tenir, ils ont du mal à se défaire de ces habitudes, désormais partie intégrante de leur culture du pouvoir. Le makhzen a émergé et consolidé le pouvoir des technocrates, ils deviennent la pierre angulaire du système. Ils occupent une position de pouvoir faire entendre leur manière de gérer les affaires publiques, ils parviennent à consolider leur position économique afin de soutenir leur rôle politique38(*).

B - Partis politiques : les nouvelles zaouïas.

Au Maroc, l'apparition du parti au sens moderne du terme est liée à la période coloniale, leur apparition a été imposée par les exigences de la lutte contre le protectorat Français. Le premier parti a fait jour en 1937 intitulé « le parti national » avant de se transformer au « parti de l'Istiqlal »(1943). Bien que la naissance du phénomène partisan soit liée à l'occident, le parti politique marocain est resté prisonnier de l'héritage traditionnel caractérisant la société. L'anatomie des partis politiques au Maroc, révèle des étendues de la tribu et de la zaouïa. En effet, toute formation politique, reste insusceptible de se former en dehors des valeurs inculquées par les zaouïas durant des siècles, aucune institution n'est capable de se libérer de l'influence de ces formes, qui ont transpercé la société marocaine. Cette hypothèse est justifiée par les termes et de pratiques adoptés par les partis, importés des zaouïas et confréries. Le parti bien qu'il se prétend politiquement moderne, reste soumis aux relations de parenté, le choix du leader du parti obéit aux mêmes conditions de réunions de la tribu confirmant la suprématie du chef39(*). La procédure du vote est sacrifiée au profit de l'unanimité et l'applaudissement. Le lexique des formations politiques trouve ses fondements dans celui de zaouïas.

a- du religieux et du politique :

Les partis politiques nationalistes étaient contraints de recourir à la discrétion sous le protectorat. Naturellement, les mosquées étaient des lieux de rencontre et de mobilisation des citoyens. Leur situation privilégiée ainsi que, les conditions de l'action politique ont consolidé l'idée les considérant, un prolongement de l'organisation confrérique. Cette instance politique occupait les mêmes lieux, et adoptait une organisation hiérarchique, ainsi le leader du parti jouit d'un rang social similaire à celui du cheikh de la zaouïa. Les partis politiques au Maroc ont emprunté beaucoup de symboles relevant du champ religieux, il s'agit principalement de :

La terminologie utilisée par l'élite, confirme son identité musulmane comme elle réincarne des attitudes révélées dans l'histoire. Bref, vivre le passé dans le présent. C'est une détermination à renouer les liens entre un passé lointain et le présent, pour rappeler l'âge d'or de l'islam. Ainsi, les leaders politiques désignaient pour eux des surnoms islamiques, leur dessein est de légitimer leur présence au sein des structures de la société marocaine et annoncer leur retour à la profondeur culturelle du Maroc. Le réveil du religieux a conféré à ces personnalités, une vogue symbolique et une renommée religieuse plus que politique.

L'espace religieux était le milieu d'action des partis du mouvement national. La ville de Fès, avec sa profondeur spirituelle, était un espace principal de l'action des nationalistes. Elle était une capitale religieuse (Al Quaruiyine), politique et économique (existence de commerçants, artisans et intellectuels). Tous ces éléments intensifiaient, son influence sur tout le territoire marocain. La mosquée à Fès jouait un rôle unificateur comme elle encadrait les pieux qui la fréquentaient. Toutes les manifestations dénonçant le protectorat sont sorties de la mosquée. Elle était l'endroit principal de la protestation. L'espace détermine la nature de l'élite nationale, les réunions au sein de la mosquée, renferment le discours politique dans une locution dévote, qui s'assimile elle aussi le sacré déterminant le religieux. Les édifices de culte ont conféré à ces activités, un aspect sacré, décliné du caractère religieux des lieux de leur exercice. Si les écoles ont remplacé les zaouïas, l'espace est resté intact, seules les personnes ont changé. « Au lieu du cheikh, on trouve l'homme de politique et le disciple est remplacé par l'élève. Par conséquent l'espace impose des types de relations spéciales, le changement des personnes ne modifie point la relation agencée par les lieux »40(*). La limitation de la conduite politique de l'élite marocaine dans des espaces religieux, l'a vénérée de sacralité. Ce qui impose à cette élite de renouer avec un profond social, duquel elle tentait de se soustraire, c'est le profond politico-religieux de la société marocaine41(*).

Sur le plan de la lutte politique, la religion a marqué une présence via les moyens de pression utilisés par l'élite nationale. Ainsi en sus des mémorandums, requêtes et rencontres, l'élite nationale a mené une campagne pour le boycott des vins, cigarettes et vêtements modernes. Il s'agit d'un moyen de pression économique et politique utilisé contre les autorités du protectorat. De plus l'élite a été amenée à raviver l'ascétisme qui trouve son fondement dans les discours des zaouïas et celui du çoufisme. Cet acte avait un effet positif, il avait apaisé la tension entre l'élite et les zaouïas, du même qu'il a transformé les hommes politiques à des symboles religieux.

La politique de rétrécissement appliquée par le protectorat, a renforcé les réseaux de communication orale des renseignements, comme moyen d'acheminement de l'information. Excepte le journal, on trouve la zaouïa, la mosquée, les funérailles et les prêches religieuses. L'élite marocaine a rempli un échec quant a sa libération du discours religieux, et ses pratiques enracinés dans la culture traditionnelle des marocains. Facteur qui a entravé son processus de modernisation42(*).

En effet l'approche assimilant, le parti à la zaouïa a rencontré un triomphe flagrant. La confrérie a été qualifiée, par Michaux Bellaire de véritable organisme vivant du pays43(*).Elle a participé à l'émiettement de l'autonomie locale au niveau verticale, alors qu'elle a procédé à des tentatives d'unification horizontale, elles ouvraient des sections au niveau des différentes régions du pays. L'originalité de cette approche trouve ses fondements dans l'infiltration du religieux au sein de l'action politique d'une part, et le rôle prépondérant du chef du parti, est similaire à celui du cheikh de la zaouïa d'autre part. Au Maroc, si la règle de la fonction crée l'organe, est vérifiée à l'instar de l'occident ; un phénomène fait son apparition : la personne du chef domine le parti. Mais certains auteurs estiment que l'hégémonie du leader est sentie au sein de beaucoup de formations politiques. Max Weber considère que la présence des leaders au sein de toute organisation politique ou sociale, est une réalité sociologique considérable. Toute formation forte, exige un leader puissant, bien que certains partis prétendent une gestion collective de leur formation politique. Leurs homologues marocains se démarquent-ils de ceux de l'occident, et obéissent- ils aux mêmes classifications ?

b- tentative de classification :

Après l'indépendance, le Maroc, a opté en faveur d'une monarchie exécutive basée sur un multipartisme politique. Ce choix est l'apanage des circonstances de la libération du pays. Une coalition composée des forces du mouvement national et le roi, a permis cet exploit. Dans le contexte marocain fondé sur l'alliance et la contre-alliance, il est impossible, qu'une composante s'empare seule du pouvoir. Cela signifie un parti du roi contre le mouvement national ou un parti du mouvement national contre le roi44(*). Chacun des antagonistes détient une légitimité incontestable.

L'institutionnalisation des tensions, crée une situation où les ennemis ne peuvent s'entre-détruire sans s'auto détruire eux mêmes45(*). Aucun rival n'a pris l'initiative d'éliminer son concurrent. Mais chacun d'eux tenta de bonne heure des méthodes assurant tout d'abord sa survie, son expansion ou sa prépondérance. La monarchie a favorisé la création de nouveaux partis politiques, sous l'influence de certaines personnalités soucieuses des ambitions hégémoniques du parti de l'Istiqlal. Des personnalités pro-monarchiques ont créé des partis, pour les placer en face des partis du mouvement national. Conscientes de l'ampleur de cette initiative, l'aile progressiste du parti de l'Istiqlal, a manifesté son mécontentement, la scission était inévitable. L'U.N.F.P. fut créé, ses positions se radicalisent de plus en plus, l'heure de la segmentation de la gauche a sonné. La monarchie reprenait son rôle d'arbitre, ainsi que tous les pouvoirs, le roi devenait le principal acteur politique.

La genèse des partis politiques, et leur évolution dans un cadre sociopolitique spécifique, rend leur classification en partis de masses et partis de cadres inappropriée. De l'analyse du système partisan marocain, deux enseignements peuvent être tirés : le parti marocain n'est pas un parti de cadres(1) une classification en partis administratifs et partis issus du mouvement national semble adaptée au contexte marocain(2).

1- le parti marocain n'est pas un parti de cadres

Selon la typologie pionnière de Maurice Duverger, les partis de cadres sont des organisations composées essentiellement des notables. Ces partis ont une activité centrée sur les élections et attirent des membres des élites sociales, dont la fortune ou la notoriété constituent d'importantes ressources électorales46(*). Il s'agit d'appareils organisationnels peu développés et sont en général faiblement organisés, et articulés localement sur des réseaux notabiliaires assez autonomes, ils sont en conséquence peu disciplinés et faiblement hiérarchisés47(*).

Au Maroc, les relations organisationnelles ne peuvent être appréhendées, elles restent imprécises. L'identification du parti politique s'avère délicate. Sa délimitation exige des lignes le démarquant du modèle occidental laïque, le parti politique marocain s'inspire de la culture arabo-musulmane qui constitue le fondement de l'identité du pays. Les adhérents se réunissent autour de la personne du fondateur et non à propos d'une idée ou un principe. Le Zaïm vient avant le parti, l'idéologie et le programme politique. Le parti politique marocain, était alors une étendue du texte coranique, qui rassemble les croyants et les unifie autour du dieu unique. L'influence de la religion rend impossible la production de cadres et des leaders. Elle permet seulement l'avènement d'un leader et des membres. Une relation sacrée se noue entre les membres et le dirigeant unique. De ce moment là, le leader est préoccupé par la consécration et la pérennisation de ces rapports. Aucune concurrence n'est tolérée, l'ascension d'un membre quelques soient ses qualités est interdite. La scission est l'aboutissement naturel des rivalités au sein de la même organisation politique.

A l'intérieur du parti marocain, les conflits, n'ont jamais été d'origine idéologique ou sociale, ils sont axés autour du leadership et de la direction du parti. La société ne tolère jamais une multitude de dirigeants. Seul l'unique chef est accepté, le parti se confond avec le leader. Celui-ci le considère comme sa propriété privée, et ne sent aucune difficulté à préparer son fils pour le remplacer48(*). A cause de la mentalité de gestion, les partis deviennent non attractives des cadres, en raison de l'absence, de la représentation sociale, de l'idéologie, d'un projet de société et la forte présence des ambitions personnelles, ainsi que les intérêts individuels, qui renforcent l'idée des clans et acharnent les rivalités. La compétence ne compte plus, la fidélité et le clientélisme lui substituent. Après tout cela, il est légitime de conclure qu'il est inadéquat de parler au Maroc de partis de cadres, Ils sont différents du modèle initié par Maurice Duverger. Les partis politiques au Maroc présentent des caractères similaires, provenant de la profondeur historique et culturelle de la société. De même le champ politique est marqué par la présence d'un acteur primordial qui, la monarchie. Une tentative de classification peut être mise à l'essai : partis de l' « administration » et partis issus du mouvement national.

2- Des partis administratifs 

La stratégie du pouvoir au Maroc, consiste à pénétrer la société via ses institutions. Celui-ci réussit en plus du contrôle de la vie politique du pays, à assurer la gestion, la direction et sa participation à la définition de l'aspect politique de l'Etat. La multitude partisane instaurée au Maroc a été transformée en un instrument du pouvoir. Il s'en servait pour s'assurer le contrôle, le récolement et la limitation des ambitions des partis politiques. L'Etat intervenait directement ou indirectement pour la création de nouvelles formations, à travers des personnalités proches du pouvoir. Des organisations partisanes fassent jour à l'occasion des élections législatives et emportent des majorités confortables49(*).

Leurs dirigeants entretiennent des relations étroites avec les hautes autorités de l'Etat, et n'adhèrent à aucune idéologie. Après sa création, le parti adopte une orientation idéologique, même si ses dirigeants n'en sont pas totalement convaincus. C'est le cas du mouvement populaire qui a annoncé sa détermination à réaliser un socialisme islamique sans présenter une définition de ses termes. Le socialisme était idéologie de ces partis au moment où il gagnait du champ50(*). Aussitôt, ils changèrent cette orientation, et le libéralisme redevient leur idéologie au cours des années 1980. Les partis de l'administration vivaient le vide idéologique et souffraient de conflits intestins animés autour de leadership, qu'en est-il des partis issus du mouvement national.

3- les partis issus du mouvement national

Il s'agit des partis qui ont participé à la lutte pour la récupération de l'indépendance du Maroc. A l'instar des formations marocaines, caractérisées par le tribalisme, ces partis sont aussi ravagés par des rivalités internes. Cela n'est pas surprenant, Ibn Khaldoun a attribué aux élites maghrébines, le caractère de tribalisme. 51(*) Les partis politiques marocains ont marqué un désintérêt envers l'idéologie. La scission de l'U.N.F.P. en 1959 a révélé cette question, les dirigeants de ce nouveau parti ont prétendu que des rivalités d'ordre idéologiques étaient derrière leur scission. Les partis du mouvement national étaient porteurs d'une idéologie et fortement hiérarchisés, avec des sections essaimées au long du territoire national comme ils recouraient au recrutement des masses, ce qui les poussent à demander de prendre le pouvoir.

Les militants de ces partis ne reçoivent pas les mêmes traitements. Le niveau intellectuel, la situation et l'origine sociale en plus de l'ancienneté et de la popularité, déterminent le rang à occuper au sein de leurs partis.

Les formations politiques issues du mouvement national, souffrent de l'absence de la démocratie. L'esprit de camaraderie et des clans pèsent lourdement sur les structures partisanes, les rivalités personnelles l'emportent sur tout rapprochement idéologique, et la segmentation se fait de place. Facteur qui facilite l'intervention du makhzen et la mise en oeuvre de sa politique de division. Celui-ci déploie des mécanismes de freinage et de domestication des partis pour assurer la pérennité d'un système où il est la clef de voute. Ces partis garrotés par tous les maux de la tradition, peuvent ils réaliser le changement ? Ces formes héréditaires et d'hérédité, ne constituent elles naguère des obstacles à la démocratisation du système ?

C - les notables : un pouvoir d'influencer les règles du jeu politique local

Le notable est définit comme étant un individu qui possède une certaine réputation, au niveau national ou local. Il a beaucoup de relations, avec des divers milieux sociaux, comme il est capable d'agir sur autrui. La richesse peut constituer un moyen d'accéder à la notabilité, notamment la propriété foncière qui confère à son titulaire le pouvoir d'influencer les règles du jeu politique local comme national52(*). Les notables étaient au centre de l'action politique dans la période coloniale, la monarchie les reconduits pour constituer la pierre angulaire du système au cours des années 1960. En effet une lutte acharnée était déclenchée entre le roi et les parties du mouvement national pour le contrôle du monde rural, tous les acteurs politiques tentaient l'utiliser comme pièce de puzzle déterminante dans leur concurrence pour s'emparer du pouvoir53(*). En effet, l'histoire, la géographie et la démographie faisaient du monde rural un facteur décisif dans le combat pour contrôler le système politique marocain. Dès le début, le roi est avertit que celui qui établira une nouvelle alliance avec le monde rural dominera le système politique marocain dans son ensemble54(*). Ainsi les notables gardaient la position qu'elle avait occupée sous le protectorat et devenaient de ce fait, alliés du pouvoir. Le même rôle leur était assigné c'est celui de stabilisateur et contrôleur du monde rural.

a- notables : une assise du protectorat et de la monarchie 

Lorsque l'administration coloniale française, a parachevée la conquête du Maroc utile, elle a confiée aux notables le contrôle du monde rurale55(*). Cette politique tend à économiser les frais de l'administration d'un territoire peu rentable. Ils ne percevaient aucun traitement en contre partie de leurs services, ils sont rémunérés par leurs administrés. Bref l'administration française s'est assuré le contrôle du « Maroc utile » en laissant les notables exploiter le monde rural traditionnel56(*). Cette politique amorcé par le résident général Lyautey qui, à court de personnel sur le plan administratif et militaire, confia la région du sud aux grands caïds pour s'assurer leur soutien57(*). Bien qu'ils n'ont rien fait pour l'aider à la conquête de cette zone. C'est ainsi que naquit la politique des grands caïds. Cette situation devenait par la suite une politique officielle, justifiée par le souci de préserver les institutions indigènes. En fait les autorités estimaient surtout qu'il était plus économique et plus facile de contrôler tout le pays par l'intermédiaire d'un nombre limité de chefs locaux que d'en assurer directement l'administration58(*) .

Le notable est le produit de son milieu. Son enracinement social est souvent assuré par un solide encrage terrien. C'est là une constante dans l'histoire des pouvoirs locaux au Maroc59(*). Avant le protectorat des chefs locaux ont pu s'emparer des petits fiefs, dans bien de cas sous les auspices du Makhzen. Influencée par l'existence de ces grands caïds, l'administration du protectorat s'initiait elle aussi à la fabrication des notables, dans les fractions des tribus et douars. Les officiers des affaires indigènes ont procédé à une sélection discrète des candidats parmi la population locale, qui peuvent remplir ce rôle. Les gens de la tribu pouvaient congédier un caïd ou un Amghar de son poste et le remplacer par un des leurs, le protectorat garantissait à ces notables, une certaine fixation dans leur poste, tant qu'ils collaborent avec les autorités du protectorat.

Le Maroc tribal, contrairement à la bourgeoisie citadine commerçante, n'a jamais entretenu de relations avec l'étranger. Aucune expérience dans le commerce extérieur n'a été acquise. Les tribus berbères étaient marginales par rapport au Makhzen60(*). C'est la raison pour laquelle leur place en marge de la vie politique et économique était inéluctable. Pourtant certains notables ruraux ont participé à la vie politique nationale, je parle ici de Laaydi, Amhrouq..., ils ont gardé une certaine influence après l'indépendance. Mais l'éclatement de la société tribale a condamné leur pouvoir à une disparition progressive. Leurs fils ont pu se faire une place au sein de l'armée ou de l'administration. Il en résulte que l'hérédité joue encore en faveur de ce groupe. Ils ont hérité la richesse foncière, l'origine et l'influence, pourtant, et pour pérenniser cette situation, ils s'opposent à toute modernisation rurale. Ils clament, le maintien du statu quo, garant de leur prospérité61(*).

b- les notables jouent un rôle de stabilisateur

Pour contenir la poussée de la classe moyenne urbaine, et entériner la survie d'un jeu politique réservé aux élites, la monarchie s'est alliée aux élites rurales au cours des premières années de l'indépendance. Le parti de l'Istiqlal a manifesté une volonté de domination, et le monarque craignait une situation de fait le réduisant à un rôle symbolique. De ce fait la monarchie se servait du monde rural par le biais de ses élites pour faire contrepoids aux autres forces politiques. Le monde rural devenait une réserve de voix électorales, en contre partie, l'administration marocaine assurait la protection des intérêts des élites rurales. En effet, les forces sociales et politiques qui ont manifesté leur volonté d'adopter des réformes structurelles, se sont trouvées face à des groupes, ayant déjà bénéficié du régime colonial notamment la monarchie et les notables. Cette alliance a survécu depuis le milieu des années soixante du siècle précédent jusqu'à nos jours, en dépit d'énormes changements survenus. Le régime notabiliaire a fonctionné comme système stabilisateur du régime, il a pu contenir la poussée de la classe moyenne urbaine62(*), et a restauré l'équilibre rompu. En effet la classe politique traditionnelle au Maroc, maintient encore le champ politique, sans permettre l'ascension des autres couches. A l'exception d'une petite minorité, qui a réussi à améliorer son sort. Cette situation s'explique par le fait que les efforts de modernisation déployées par la France pendant son occupation au Maroc n'ont touchées qu'une minorité des marocains. Le système éducatif était sélectif, des écoles furent créer pour les fils des notables qui allaient devenir les « évolués » marocains63(*). Alors que l'instruction du reste de la population fut négligée, malgré la pression des nationalistes, les réformes promises n'ont pas été appliquées. Les efforts de la France sur le plan de l'enseignement n'ont touchés qu'une mince frange de la population. Les carrières militaires et certains postes administratifs accordés parcimonieusement, ont familiarisé un autre secteur de la population avec les méthodes françaises. Le premier groupe était essentiellement d'origine rurale et le second surtout d'origine urbaine. Tout deux ont hérité, après 1956, de l'autorité administrative et militaire du pays et constitue l'élite politique du Maroc64(*). Les relations des grandes familles avec le Makhzen ont favorisé l'émergence de la nouvelle élite au pouvoir. Ces individus, en dépit de la formation moderne qu'ils ont subie, continuent de faire recours aux mêmes méthodes de gouvernement traditionnelles inculquées par leurs parents. Ces nouveaux notables ont hérité l'administration politique et militaire du pays, en surplus des richesses familiales accrues pendant la période coloniale, sans négliger les relations tissées entre les familles. Force est de constater que la classe politique du Maroc est constituée des gens ayant bénéficié des bienfaits de l'hérédité, le caractère conservateur de l'élite, et son immobilisme politique, ont constitué des facteurs paralysant la démocratie amorcée juste après l'indépendance du pays, et un obstacle devant l'édification d'une administration moderne, fondée sur la base de la compétence et l'efficacité comme, critères de recrutement et de promotion.

Les notables tentent par tous les moyens, de maintenir le statuquo. L'hérédité en constitue une méthode préférée. Elle est utilisée pour éviter le danger de la rotation des élites, pouvant générer l'ascension des éléments parvenus d'en bas pour intégrer l'élite. Cette hypothèse risque de mettre en péril les intérêts des biens matériels et politiques de ces groupes65(*). L'hérédité était avant le protectorat un moyen d'occuper les fonctions du Makhzen, bien que ces fonctions fussent mal délimitées, elles tendaient à devenir héréditaires. Les moeurs politiques n'en furent pas changées, par le contact direct avec les nouvelles techniques administratives et économiques introduites au Maroc par les français66(*).

Sur le plan politique les notables ne se sont en effet portés fidèles à aucune idéologie, ou à une tendance politique, pour ces ruraux, c'est la personne qui importe. Dans bien de cas le choix d'un individu n'est que la réplique de celui de son père ou de son frère ainé. L'avis favorable des autres l'emporte bien sur des considérations idéologiques67(*).

Un double rôle est assigné à ce groupe, le premier se situe au niveau national, alors que le second revêt un aspect local, à ce niveau les notables ont développés des rapports avec le pouvoir central. la densité de cette relation a donné naissance à un pouvoir local dont la consolidation a permis d'échouer le projet de la démocratisation de la vie politique au niveau de la commune et l'amorce d'une politique de réforme agraire. Cette démarche initiée par le gouvernement Abdallah Ibrahim, tend en premier lieu à mettre en péril le système notabiliaire. Son dépérissement ouvre la voie devant les partis du mouvement national pour prendre les rênes du pouvoir local. Mais les relations d'allégeances et de fidélités locales tissées par les notables ont pressé l'avortement de ce projet. Dans les sociétés à base clanique ou tribale, les grandes familles ont utilisé la marge de manoeuvre que leur permet leur fortune, le groupe des proches, serviteurs, khemmas, obligés et clients. Ils ont joué à la fois des liens de solidarité et de fidélité personnelles qui constituent la trame des relations sociales et de distribution des avantages, places, honneurs et argent qui forment à la fois l'enjeu et le moyen d'influence politique68(*). Ainsi il s'avère que le monde rural est encore prisonnier de son passé notabiliaire. Un nouveau projet est adopté, il continue de voir les problèmes dans les perspectives du temps passé.69(*)

Paragraphe II : les acteurs économiques 

« Ce qu'il y'a de plus odieux dans l'argent, c'est qu'il confère des talents » disait Dostoïevski70(*). Alors que le vieux système commençait à chuter, un petit nombre de grandes familles citadines, qui se livraient au commerce, occupèrent des positions au sein du makhzen, en plus de leur fortune. La révolte de Fès en 1820, les amena au pouvoir, elles ne devaient pas le quitter. Leur habilité, leur savoir faire, faisaient d'eux des gens sollicités par tous le monde. Une dépendance mutuelle entre le pouvoir et l'économique, les commerçants gardaient à servir le sultan, celui-ci les a toujours sollicités. Ils sont tous héritiers de longue date. Avide du pouvoir, ils déploient beaucoup de manoeuvres pour s'en emparer et le préserver par la suite. L'économique n'était jamais loin du pouvoir, il entend enrichir ses interventions et améliorer ces positions politiques et sociales. En effet, les élites économiques au Maroc s'activent dans le domaine des affaires et sur le plan politique. A tel point que celui-ci demeure inefficace en l'absence des apports matériels de l'acteur économique et non politique71(*). Ayant subi des formations modernes, inventeur d'idées et de théories (B) les technocrates partent à l'assaut des appareils étatiques (A).

A- les technocrates un acteur dominant l'appareil politico-administratif 

La bourgeoisie marocaine était ouverte, organisée en clans familiaux, ainsi, ces éléments s'emparent au nom de l'héritage, des positions stratégiques. Ils sont originaires des familles honorables qui, depuis 1873 année d'insurrection d'une élite lourdement taxée ont servi la monarchie par intérêt, par vocation ou par tradition72(*). Ces familles sont riches et cultivées, et initiées depuis la nuit des temps au sens de la responsabilité. Elles fournissent des technocrates, l'Etat assure leur ascension aux dépens d'autres acteurs de la vie politique, de telle sorte qu'ils terminent par croire à une interdépendance des affaires de l'Etat avec celles de leurs familles73(*). Le sommet du pouvoir se charge de la promotion des carrières individuelles, les diplômés de prestigieuses écoles et les tenants du capital ne passent jamais par les échelons intermédiaires, ils empruntent le même chemin, ils viennent d'en haut. Pour se confirmer certains s'organisent en clans familiaux, d'autres forment des castes au sein des hiérarchies de l'Etat. Par conséquent, les pouvoirs se concentrent dans les mains d'une minorité. Les uns y parviennent par cooptation d'autres par succession patriarcale. La compétence n'est pas suppliée par le pouvoir, mais elle peut être un moyen de le conquérir.

Les groupes familiaux et les cercles des technocrates, assurent désormais une promotion fulgurantes, parce qu'ils sont garants de la neutralité politique. Cet apolitique des individus, si elle n'est pas un moyen d'accès au pouvoir, elle est du moins un garant de réussite personnelle.

Ces technocrates et chefs de groupes économiques, navigants désormais dans la sphère du pouvoir, peuvent ils satisfaire les impératifs de développement du pays qui leur incombent ?

B- les marchands et le cheminement de nouvelles idées

Les bourgeois, anciens négociants, originaires de Fès, l'ancienne capitale du royaume, où le commerce des idées a été intimement lié au commerce des choses74(*). Dépourvus de grands projets et de croyances, ils veulent seulement s'emparer du pouvoir. Aucune manoeuvre n'est exclue y compris des méthodes autoritaires empruntées de leurs origines sociales et professionnelles. Les technocrates et les héritiers tendent à exercer le pouvoir avec tous ses exigences et son prestige. Mais ils écartent les nouvelles méthodes de management, notamment la philosophie de la confiance, le partage des responsabilités, la pratique de la décentralisation. Il s'agit d'une panoplie du paternalisme et d'autoritarisme, qui constituent des handicaps à la démocratisation du système. L'exercice démocratique du pouvoir ne fait pas partie des moeurs des technocrates et de celles, encore plus totalitaires, des héritiers de l'argent. Rompus les un au dirigisme centralisateur, les autres au paternalisme autoritaire, ils arrivent au pouvoir avec des idées préconçues et des plans d'organisation préétablis75(*). Au nom de la prédestination, ils manoeuvrent les richesses nationales. Ils gèrent les affaires déjà faites sans risques ni effort. Simplement parce qu'ils ont servi les intérêts supérieurs de l'Etat, ceux de la famille patriarcale et héréditaires des grandes familles. Leur accession aux postes clés de la société ne change rien à leur mentalité de bureaucrates ou de chefs de familles, rien non plus à leurs méthodes de travail. Mais ils sont tous avides du pouvoir, ils ne veulent plus le quitter76(*). Sous pression des générations montantes, de la prolifération de la culture et des diplômes, les technocrates et les héritiers sont contraints d'inventer d'autres dimensions nécessaires pour l'exercice du pouvoir. L'appel à la réforme des connaissances et des expériences individuelles, laisse croire que le temps de la mise en valeur du potentiel de l'individu a surgi. La recherche du génie de l'être humain et de ses potentialités remplacent l'aspiration au profit et au pouvoir. En réalité, il ne s'agit que d'un effort de conformité avec le discours officiel, absorbant le mécontentement des classes inférieures, sans aucune ambition politique d'accomplissement d'un projet de réformes institutionnelles aboutissant à une démocratisation de la vie économique et politique du pays. Tout d'abord parce que ces projets sont initiés par des dirigeants, qui est de leur intérêt de garder le statu quo. Ils proposent des changements, pour contrarier d'autres plus radicaux. En effet les transitions sociales, les différentes mutations internes et externes, imposent la transformation des comportements de ces groupes. Mais l'héritage du passé garde toujours son influence sur les esprits. Les héritiers continuent de contrôler le sort des citoyens. Les technocrates ne sont pas les seuls privilégiés, d'autres héritiers de la culture et de l'origine chérifienne s'efforcent pour se faire place au sein du système.

Paragraphe III : les acteurs extra-étatiques

Au Maroc des forces extra-étatiques ont exercé une influence sur le pouvoir, il en est des oulémas et les chorfas. Ceux-ci détenaient une autorité symbolique et religieuse qui pouvait agir sur les individus et les groupes. Leur autorité est étrangère à l'Etat, et dans un autre sens ils ont besoin de son existence pour se réaliser, pour se déployer77(*). Le pouvoir conserve des apparences théocratiques, pour assister son fondement religieux. L'approbation des oulémas est indispensable. De même, la monarchie tente de garder le renom et l'influence des chorfas et des marabouts, ils font parti des nombreux réseaux manipulés par le palais. Ces catégories décorent un champ réservé du roi commandeur des croyants, c'est le champ religieux que le pouvoir est déterminé à restructurer afin de faire face aux nouveaux défis, en l'occurrence le défi Salafiste.

1-les oulémas : le poids de la culture

Les grandes familles de l'aristocratie religieuses, furent leur apparition au XVII siècle, depuis, leur influence augmentait. Jusqu'à ce qu'elles deviennent aujourd'hui les responsables du traditionalisme politique et culturel. Ces familles procuraient des notables, des professeurs, des secrétaires, des leaders politiques, des théoriciens..., le pouvoir des oulémas est né avec leurs ancêtres, dans un moment où les fonctions se transmettaient d'une dynastie à une autre. Les oulémas n'ont aucune influence directe sur la décision politique. Ils peuvent opposer et refuser certaines décisions .Mais le sentiment religieux des marocains soutenait jusqu'à un point la monarchie78(*). Depuis les années 1990, un processus d'intégration d'une grande portion des acteurs religieux, au sein du champ politique national, est lancé. Il s'agit d'intellectuels religieux éclairés et ouvert, en plus de certains membres des groupes islamistes ayant renoncés à la violence. L'Etat tente de redynamiser le champ politique et diminuer les tensions générées par l'opposition des pieux, et enfin pour assurer la réhabilitation du champ religieux, adressée aux serviteurs officiels de l'Etat et précisément à l'intellectuel pieux du makhzen, celui qui veille à l'exécution des ordres de la politique religieuse de l'Etat qu'il reçoit directement du commandeur des croyants. Le pouvoir essaie ainsi une politique de modernisation de ce champ pour être capable de rivaliser avec les défis actuels. Le roi, en tant que commandeur des croyants est obligé de se servir des oulémas, pour rétablir l'ordre religieux perturbé par des insurrections salafistes. La lutte contre ces nouveaux infidèles s'avère inéluctable. Ce corps de réserve peut il réussir cette mission ?

2-les chorfas : Une légitimité sur la base de descendance prophétique

Parmi les privilégiés au Maroc, on trouve les chorfas, ils bénéficient d'un régime de faveur. Ils sont originaires des familles chérifiennes. Au Maroc, on relève deux principaux groupes de chérifs, descendants du prophète : les Alaouites qui, depuis 1668 ont accédé au pouvoir, et les Idrissides qui montent à la première dynastie ayant gouverné le Maroc. On trouve aussi des chorfas, venant de l'étranger, les skalis, les irakis. Au début, ils recevaient des dons de l'Etat, en plus de l'aumône et concessions foncières. Ils n'étaient soumis à aucun impôt, ni à autres charges aux quelles sont soumis les bourgeois. Ils sont des hommes élevés sur d'autres, par l'hérédité à l'instar des membres des autres groupes. Fortunés par la naissance, ils étaient considérés comme des symboles de l'unité marocaine, de la libération tribale et de la détermination à résister aux invasions étrangères. En outre, ils ont joué un rôle d'intermédiaire entre le pouvoir et les tribus, les individus qui ont commis des pèches recourent au chérif pour s'excuser. Ils interviennent dans les conflits les plus graves ; on ne pouvait rien leur refuser. Ils étaient un élément de stabilisation et de concorde. Il n'y a pas une tribu où n'étaient pas essaimés les hommes qui portaient la bonne parole et qui étaient des témoins de la moralité de leur époque79(*). Avant de passer aux commandes des grandes affaires publiques, ils recevaient des subsides de l'Etat, ils bénéficiaient des concessions foncières et des offrandes apportées par la piété publique. Aucun impôt ne les atteignait, ni aucune charge pesant sur les autres bourgeois du pays80(*). Les chorfas ne présentent aucun danger pour le pouvoir, mais ils continuent, à l'instar des autres héritiers, de bénéficier des bienfaits du pouvoir. Ce qui constitue un autre fardeau qui pèse sur les masses, et enraye leur aspiration à bénéficier eux aussi des richesses de la nation. Bien que ces héritiers disposent de ressources diverses, ils font recours aux mêmes pratiques pour une exploitation optimale de leurs potentialités matérielles et immatérielles.

Section II : similitude des facteurs de l'ascension de l'élite 

Au Maroc, l'élite est un ensemble des groupes minoritaires, stratégiquement placée, susceptibles de prendre une décision à haut niveau ou du moins participer d'une manière ou autre à sa formulation. Il s'agit d'une catégorie de marocains pouvant influencer pour différentes raisons, le pouvoir décisionnel à l'échelon national81(*). En outre ces mêmes groupes peuvent intervenir dans la distribution des bienfaits de l'Etat et ses avantages, leur influence peut être liée à un réseau de fidèles et de clients. L'élite au Maroc est un énorme réseau tissé des relations et d'intérêts. J.Waterbury a précisé que l'élite domine toutes les couches, et s'enracine de cette manière au sein de toute la société. Ils sont des groupes d'origines différentes. Un mélange d'arabes, d'andalous, de juifs et d'européens convertis à l'islam82(*). Mais, ils sont tous voraces du pouvoir, ils veulent l'exercer à perpétuité. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas contacté les procédés démocratiques modernes de la gestion des affaires privées et publiques. Au contraire, ils sont diplômés des grandes écoles à l'instar de leurs homologues français. Mais les marocains, tombent sous l'autorité paternaliste qui, fabrique des hommes privés de toute autonomie de jugement. Ils sont en conséquence contraints à défendre les intérêts de la famille, de la filiation, il faut rester au pouvoir et respecter la règle de l'hérédité des fonctions, des ordres et des professions. Pour se faire, les élites procèdent à des méthodes à même de pourvoir leur ascension sociale. Ils sont issues de groupes distincts pourtant leurs moyens de promotion sont identiques. Comment cette élite se forme-t-elle, et comment elle est intégrée ?

Aborder ce sujet légitime une série de question qui sautent à l'esprit : est ce le jeu de la démocratie est respecté et tous les candidats peuvent être traité de la même manière, est ce que la compétence est le seul critère ? Ou il existe d'autres obstacles à franchir pour être enfin admis au sein de l'élite ?

L'origine noble et la fortune peuvent dans certaines mesures ouvrir le chemin de l'élite, renforcée par le facteur de la compétence. Le Makhzen a été le maitre de la scène, personne n'est autorisé à faire partie de l'élite sans recevoir son aval (Paragraphe I), ans négliger le rôle de la famille dans la réussite individuelle (Paragraphe II). La culture traditionnelle des marocains, tient encore place dans la scène politique, deux moyens d'ascension subsistent aux différents changements (Paragraphe III).

Paragraphe I : le makhzen reproduction des anciennes pratiques

L'élite politique est un facteur de continuité des systèmes de la monarchie et de ses structures. Elle entretient un réseau de relations de connaissances et de reconnaissances mutuelles et de conspirations, dont tous les membres s'impliquent y compris l'opposition. Ils s'alignent avec la monarchie, pour sauvegarder leurs intérêts, en contre partie, le roi a besoin d'eux pour contrôler la société. Cette élite commande la société et détient les moyens de production, tente de limiter les ambitions des autres catégories qui cherchent à jouir, elles aussi, des mêmes prérogatives liées à celles du makhzen. Celui-ci n'est qu'une continuité du jeu de l'ancien makhzen et des notables avant et après le protectorat. Dans cette période, pour consolider et étaler son autorité, et alimenter sa trésorerie, le sultan bataillait tout le temps contre les tribus. Une série d'alliances et contre alliances se lancent, par la suite, sans fin. Il devait négocier la paix avec les unes contre la terre, et acheter les autres. Après l'indépendance, les mêmes méthodes ont été adoptées à l'égard des partis politiques. Le makhzen est étranger à la société, il puise sa source en dehors des sphères rurales, il est d'essence urbain. Partant de là il n'a jamais contracté des alliances en dehors des élites (A). Compte tenu de la particularité de sa genèse, il tend échapper à toute institutionnalisation (B)

A- Des alliances en dehors de l'élite : Une stratégie dangereuse

La monarchie s'est investie, depuis son avènement, comme le porte parole d'une élite technocratique urbaine. Celle-ci est issue des familles de la bourgeoisie citadine qui conservant des attitudes identiques envers le pouvoir au même titre que les pratiques de spéculations foncières et commerciales similaires. Ces familles résidaient à l'intérieur des villes qui étaient en permanence menacées par les attaques des tribus dissidentes. Cette élite commerçante n'a jamais tenté de changer la nature du makhzen, c'est lui qui assurait sa sécurité et celle de ses transactions.

Les familles composants cette bourgeoisie étaient au nombre de trois groupes interférents. Leur cohésion et solidarité a été à l'origine de l'augmentation de leur fortune et influence. Au lendemain de l'indépendance, le roi avait assuré la participation au pouvoir, de cette élite moderne hautement instruite, qui composait une classe de technocrates qualifiés. Pour garantir la continuité de ce régime la monarchie, devait contrôler les cercles d'ascension sociale des élites83(*). Elle tenait à réaliser deux objectifs : la continuité du caractère religieux ayant justifié une efficacité politique, ainsi que la stabilité par le monopole du dossier sécuritaire. Pour se faire, une politique de domestication, segmentation, captation des élites a été menée. Les ambitions des groupes sociaux qui se servent de la crise économique comme un prétexte pour intégrer l'élite, constituent une vraie menace au régime. Le contenement des élites est plus facile que celui de la jeunesse qualifiée de «  prolétariat instruit ». La monarchie préfère la voracité de l'élite, sur l'accès des éléments des classes défavorisées, aux positions qui, historiquement ont constitué un héritage réservé aux notables et bourgeois. La monarchie consolide la position de l'élite, car même si l'accès au champ politique est devenu libéral et large, son intégration est conditionnée par des situations et positions spéciales. En outre l'élite en tant que minorité dominante affronte les franges dominées afin de réduire leurs ambitions et prévenir toute atteinte à ses privilèges. En conséquence l'ascension sociale au Maroc, est soumise à la logique de l'origine familiale et sociale.

B- Le traditionalisme et rupture de l'institutionnel

Au Maroc, chaque génération de l'élite prétend se démarquer de celles qui l'ont précédé, mais le divorce mental entre les générations n'a jamais atteint le point de rupture84(*). Malgré leur enseignement moderne, les descendants des notables, continuent d'entretenir les mêmes relations avec le pouvoir. L'élite comme tous les marocains a une utilisation défensive du pouvoir. Ils se rapprochent de son titulaire et sont toujours prêts à le servir. L'appartenance à l'élite gouvernante, isole ses membres du reste de la population. Cette autarcie constitue une tradition enracinée de ce groupe. Elle forme des castes qui ne pouvaient maintenir leur pouvoir qu'en refusant de se fondre avec la masse du pays85(*). La tendance élitiste citadine s'est accentuée par la fortune et le développement technique permettant une distinction sociale exprimée par une sorte d'exhibitionnisme. Ses intérêts dépendent de ceux de la monarchie. Quelque soit sa culture, l'élite est incapable de rivaliser avec celle-ci, et n'inclut que quelques vrais opposants. L'existence et la continuité de l'élite sont liées à la grâce royale. La monarchie peut surélever un individu comme elle est capable de le dévaluer. L'accès au pouvoir est tributaire de la vogue royale, peu importe les règlements juridiques et législatifs. En dépit d'une formelle appartenance aux sphères de l'institution et de la rationalité, beaucoup de ses pratiques l'éloignent de cette appartenance. L'individualisme, le traditionalisme et la rupture avec l'institutionnel constituent des moyens de la continuité des manières traditionnelles de l'ascension sociale. La continuité de telles méthodes ajournent en permanence tout progrès démocratique.

Paragraphe II : le rôle de la famille pour l'accès à l'élite

Au Maroc, l'ascension sociale d'un individu reste tributaire de sa famille ou de son groupe. C'est l'appartenance qui lui confère le statut de l'élite et non sa situation administrative. La famille prépare et assure l'insertion de l'individu dans son futur milieu, s'il existe une mobilité c'est à l'intérieur de la classe dirigeante. Le rôle de la famille, dans l'accès des membres de l'élite aux postes de décision, constitue un aspect de l'hérédité86(*) . L'élite est un monde fermé, une société distincte de la masse, cet esprit est renforcé par des pratiques courantes d'intermariages. La descendance et l'alliance à une grande famille constituent les moyens d'assurer la permanence et l'expansion de ce groupe.

A- l'ascendance et l'autorité paternaliste socle de l'élite

En France, l'école partage le rôle de la famille, comme lieu de formation sociale87(*), au Maroc, ce que font et pensent les gens de l'élite, échappent complètement à l'action de l'école. Au Maroc, faire partie de l'élite, fuit les lois politiques et démocratiques et devient un système social héréditaire. Un système asservit par l'autorité paternaliste, qui fait tout pour le fils, elle s'infiltre dans la vie individuelle pour faire de lui un homme dépendant de la tradition paternaliste, incapable d'agir sur son propre sort. Rares sont les marocains instruits qui ont renié leur famille. C'est l'hérédité des ordres, des fonctions et des professions qui est la règle, le livret de famille remplace le diplôme et la compétence. Parce qu'il n'y a pas eu de révolution industrielle, ni culturelle, et le progrès n'a pas pu briser les liens de consanguinité ou de mariage qui continuent à produire des castes et des classes dominantes, c'est l'héritage du passé qui prévaut88(*). Comme le dit Paul Pascon, le Maroc traine derrière lui les casseroles de l'histoire89(*).

B- l'alliance 

La bourgeoisie marocaine se prétend issue d'origines civilisatrices de l'orient et de l'occident, persuadée par la noblesse de son origine, de sa supériorité éthique, ethnique et sociale, elle tient à assurer sa permanence par les relations d'alliance. En effet les mariages consanguins assurent la conservation ou l'acquisition des postes et des positions. Pour ce groupe le mariage est une décision familiale et non personnelle. Les familles issues de ce groupe cherchent une exploitation optimale des ressources des autres groupes. Les chorfas sont convoités pour leur autorité et leur noblesse, l'union contractée avec eux permet l'accès au privilège du sacré et du politique, parce que l'Etat est d'essence chérifienne. Les bourgeois sont souhaités pour leur fortune, leur relation avec le pouvoir et le savoir faire étatique rend l'alliance avec les familles makhzen une affaire affriolante. Il est apparent que tous ce qui concerne l'élite se passe hors de sa volonté, leurs membres ne sont ni maitres de leurs idées, ni de leurs désirs, encore moins de leur destin. C'est pourquoi ils haïssent le changement, et la nouveauté, ils idolâtrent le statuquo, véritable problème qui sursoit le progrès institutionnel.

Paragraphe III : les autres moyens de promotion sociale

Par son assiduité et sa fidélité à son arriéré traditionnel, l'élite politique a conservé les pratiques d'ascension s'appuyant sur l'échange des cadeaux et des avantages avec les détendeurs du pouvoir décisionnel au sein du makhzen. De même les partis politiques conservent encore les mêmes rapports d'antan entretenus entre le maitre et le disciple.

A- l'ascension et régime de l'Inâam

Le champ politique connaît une compétition acharnée pour s'emparer des appareils de l'Etat. Le régime des cadeaux peut constituer un mécanisme parmi d'autres permettant la reproduction des élites dans le système sociopolitique marocain. Il traduit une expression d'allégeance et de soumission au makhzen. Celui-ci de part son statut de principal acteur politique, tient à transpercer les armatures de la société, se hâte pour domestiquer les élites, il accorde avec générosité, les postes et les intérêts au profit de l'élite partisane, pour anticiper son désenchantement et son opposition. La monarchie se servait beaucoup de la tactique de «  diviser pour régner », ainsi la cupidité devenait la force motrice des nouvelles élites, si soigneusement mise en place par le roi. La corruption existe dans tous les appareils politico-administratifs de l'Etat90(*). Le roi se servait du dahir Al Inâam, pour créer une clientèle fidèle composée d'individus personnellement dépendants du souverain, dans un système de faveurs et d'obligations. Le roi tenait à ce que tous les biens brigués, ne soient mérités, ils ne sont liés qu'à la générosité royale. La compétence et le mérite objectif n'entrent pas en ligne de compte et la procédure administrative régulière est escamotée au profit du favoritisme. Ce que vous êtes, ce que vous possédez, vous a été donné, vous ne l'avez pas gagné. Et puisqu'on vous l'a donné, on peut vous le reprendre91(*). Le roi ne cesse de rappeler aux différents favoris, qu'ils jouissaient d'une situation qu'ils ne méritaient pas. Par conséquent, ils doivent soutenir leur dispensateur, s'ils veulent préserver leurs situations. S'ils refusent, ils seront dépossédés, sans pouvoir réclamer. La portée de cette situation a permis au pouvoir de contrôler, pour une longue durée, la vie politique. Tous les acteurs se concurrencent pour avoir leur part ou une place au sein du système. Ainsi les membres du parti politique, mènent une lutte intestine pour occuper des positions avancées au sein de leur parti, ces postes permettent de se faire remarquer par le makhzen. Les membres de l'élite de leur part n'hésitent pas à présenter des cadeaux aux différents décideurs, c'est un signe d'allégeance et une manifestation de volonté de mobilité sociale. Elle est aussi, une pratique séculaire qui trace les relations entre le pouvoir central et les tribus, les notables et les caïds présentent des cadeaux précieux pour briguer des privilèges92(*).

L'enracinement historique du régime du favoritisme, au sein de la société marocaine, en conçoit un style légitime d'ascension sociale. La légitimité religieuse de cette démarche en fait un moyen légal, agrée par la société, pour intégrer la sphère des privilégiés. L'élite marocaine ne cesse de diversifier les mécanismes permettant son ascension, dans une lutte sans merci pour pérenniser son hégémonie sociale.

B- leadership et régime du disciple et du maitre

Dans un système marqué par une carence des ressources, et pour sauvegarder la situation privilégiée du roi, le pouvoir veillait à ce que les relations le liant à sa clientèle soient essentiellement des rapports de dépendance, il n'est permis à aucun groupe de s'ériger en autorité indépendante. Ils ne sont titulaire d'aucun mérite pour acquérir l'autonomie d'action, ils sont dépourvus de la compétence, de la fortune et en plus ils sont complices du pouvoir.

Les partis politiques qui, constituent progressivement de véritables centres de pouvoir, incarnés par un groupe de cadres qui contrôlent la hiérarchie du parti en l'occurrence, le secrétariat général, bureau politique et comité central. L'accès à ces forteresses, adjure des allégeances, des alliances, des sacrifices voire des querelles parce que le sommet partisan aplanit la voie, et permis les possibilités de l'accès à un ministère et au centre de décision93(*).

Les partis politiques demeurent fidèles aux traditions d'élitisme héritées des zaouïas, les membres du parti sanctifient leur leader comme faisaient jadis le disciple et son cheikh de confrérie. L'escalade des cadres se règle par la proximité du leader du parti. Leurs chefs charismatiques, ressemblent à des bonzes, à des seigneurs de la haute féodalité, à qui il faut faire à tout moment allégeance94(*). Cette relation hypothèque l'avenir partisan et politique des membres et adhérents. On constate que l'élite politique même s'elle montre des apparences modernes, son système de valeurs et d'action font preuve d'une assimilation étonnante au makhzen. Les chefs de partis marocains s'apparentent comme détenteur de leur propre décision, mais en réalité ils étaient toujours des domestiques du Makhzen, incapables d'agir hors de sa sphère. Son inspiration d'un système archaïque, plonge la société politique dans une situation statique et stationnaire, semi féodale, indices pressant son effondrement et sa faillite. Ces pratiques archaïques constituent des signes pathologiques, elles touchent non seulement les institutions partisanes. Elles s'étendent pour atteindre toute les groupes et particulièrement les élites ministérielles et parlementaires.

Chapitre II : élites parlementaires et ministérielles : une reproduction de la tradition

Les ministres dans le régime politique marocain, sont nommés par le roi et responsables devant lui, c'est lui qui décide de leur limogeage. Aucun d'entre eux ne détient le pouvoir de décision dans le secteur qu'il gère. C'est le souverain qui détermine en dernier ressort les orientations politiques du pays. Le roi, selon la constitution est le représentant suprême de la nation, les parlementaires ne peuvent se prétendre représentants de la nation, leur rôle est subsidiaire.

Dans un système marqué par le rôle prépondérant attribué à la monarchie, il s'avère difficile d'évoquer les termes «élites parlementaires » et « élites ministérielles » ces termes sont utilisés comme un confort linguistique. Parce que le contexte marocain comporte des terminologies spécifiques (makhzen), le Maroc, en outre n'a pas connu une stabilité parlementaire et une même pratique de nomination et congédiement des ministres. Les élections, le parlement et les ministres sont à la marge du pouvoir, c'est le roi qui en détient l'essentiel.

Section I : principes élémentaires de conception

Evoquer une élite parlementaire au Maroc est prématuré, mais l'étude du groupe des parlementaires est une démarche nécessaire pour appréhender le système politique marocain, ses moyens de survie et son système de rotation des élites qu'il adopte en vue de répondre aux besoins d'élitisation. En effet, tous les enjeux de l'élite se concentrent autour des mandats parlementaires et portefeuilles ministériels. Les membres de ces deux groupes forment- ils une élite permanente ou sont des simples représentants contingents et ministres fortuits ? De même est ce que cette élite est touchée par les changements socioprofessionnels ayant modifié l'aspect de la société marocaine95(*).

Paragraphe 1 : renouveau et continuité

Pour cerner le problème du renouvellement de l'élite parlementaire et ministérielle, il convient de traiter le parlementaire et le ministre en tant que structures et non des autorités96(*).

A- élite parlementaire : le contrôle de la circulation

Le personnel parlementaire, se situe à mi-chemin entre les élites politiques à la base et les élites dirigeantes et gouvernementales du sommet. Ce qui peut être précieux pour évaluer jusqu'où va le contrôle des élites par le pouvoir97(*). L'approche adoptée cherche, si l'expérience parlementaire permet la constitution d'une classe de parlementaires ou de simples élus contingents. Le taux de retour lors des élections 2007 est de 44,31%, pour les partis politiques jouissant d'une certaine base électorale le taux passe à 50%. Tous les députés réélus gèrent des conseils communaux. Ce retour des parlementaires, peut il être constitutif d'une classe parlementaire  commandée par, l'harmonie et l'action commun et débouchant sur une culture parlementaire institutionnalisée ? Dans le contexte marocain, il est précoce d'invoquer « une élite parlementaire » car la continuité de certaines figures, ne génère forcement une institution. Le système partisan marocain, étouffe un consensus autour des projets déterminés. Les partis enrayent les possibilités de consolidation du champ politique, par des représentations idéologiques engagées où l'Etat intervient pour définir les règles de la compétition. La légitimité des acteurs politiques y compris le parlement est inhérente à leur efficience98(*). Si l'expérience communale permet un mandat parlementaire, celui-ci peut il être un issu vers le portefeuille ministériel ?

B- élites ministérielles 

Les ministres ont dans leur majorité, des origines sociales ou professionnelles plus élevés et ont suivi un cursus scolaire en moyenne plus élitiste encore que les parlementaires99(*). Dans un régime monarchique, le monarque est obligé de choisir parmi ses proches ou au sein de l'élite sociale100(*). Au Maroc, le gouvernement est formé par un chef de gouvernement du parti politique arrivé en tête des élections de la chambre des représentants. Il est difficile de reconnaître que le parlement peut être le seul débouché pour le poste de ministre, il en existe beaucoup. Le choix des candidats est assujetti à la logique des relations personnelles, du clientélisme, de l'origine sociale et l'aval du makhzen. C'est lui qui décide en dernier lieu quant à leur nomination et révocation. Le Maroc, a connu beaucoup de remaniements ministériels, sans que cela puisse accélérer la rotation des élites. Le régime politique par sa nature contrôle cette circulation. Ce qui pose le problème d'absorption des élites devenu aigu au Maroc.

Paragraphe 2 : changements socioprofessionnels

Le Maroc, connaît actuellement un renversement de l'équilibre rural-urbain sur lequel s'est construite toute l'architecture électorale de ces dernières décennies. Avec les effets des changements qui s`accélèrent au sein de la société marocaine, conjugués avec les conséquences de la mondialisation qui accélèrent les recompositions territoriales. On assiste à l'émergence de nouvelles catégories d'acteurs sociaux et politiques qui vont se positionner par rapport à ces transformations pour les activer, les maîtriser ou les freiner101(*).

Après le temps des notables à statut prescrit, le temps des fonctionnaires, c'est le temps d'une fragmentation de l'élite avec l'accès de profils inédits, technocrates, militants associatifs. Juste après l'indépendance, la monarchie consciente du rôle du monde rural, a contracté dès les premières années de l'indépendance une alliance avec les notables ruraux. Ce pacte a servi de système stabilisateur du régime en contenant la poussée de la classe moyenne urbaine et en assurant la survie d'un jeu politique limité aux élites, où l'opposition évolue entre cooptation et prison102(*). Cet équilibre au profit des élites traditionnelles, était au prix d'un blocage de toutes réformes qui auraient porté atteinte aux intérêts de l'élite rurale. L'exode rural, les changements démographiques, l'urbanisme ont altéré le soutien rural à la monarchie. Au Maroc, la personnalité l'emporte sur l'appartenance politique parce que l'élite est prédisposée à penser en termes de personnalité politique plutôt que de partis politiques. Ces derniers forment des coalitions souples que l'on peut remodeler avec des nouvelles orientations en cas de besoins. Le ministre ou le député ne représentent, dans pas mal de cas, que les clans ou les groupes familiaux qui le soutiennent. De ce fait le poids des changements socioprofessionnels pèse beaucoup sur ces élites et préside à leur changement.

A- les parlementaires et les changements socio-professionnels

La société marocaine a connu des grandes mutations sociales, ainsi depuis les années 1980 on assiste à une montée des entrepreneurs et des fonctionnaires. Ils s'emparent de plus de 60% des sièges parlementaires. Dans la société marocaine fondée sur l'équilibre entre les segments rivaux. Si cet équilibre est rompu, un processus spontané se lance pour réinstaurer la stabilité. Des nouvelles instances éclosent et deviennent des espaces de reproduction du champ politique. Certains partis de masses, se convertissent en partis de notables et entrepreneurs. L'USFP devient de plus en plus un parti attractif de ces catégories, ces masses mécontentes, de sa participation au gouvernement le quittèrent, et votent pour le PJD qui, lui aussi parait être déjà consommé par sa participation au gouvernement, ceux qui ont fait venir le PJD savent bien qu'il va mourir, ils préparent la succession dès maintenant.103(*) Les partis politiques accordent beaucoup d'intérêts à la fortune et au clientélisme ce qui entrave toute ébauche de rationalisation et institutionnalisation du système politique. Dans cette fièvre de changements sociaux, il est difficile de parler d'une élite parlementaire, les députés oeuvrent à la marge, le roi est le représentant suprême de la nation comme il détient l'essentiel du pouvoir. Le roi est épaulé dans l'exercice du pouvoir par des ministres issus d'origines variées, pour la recherche du maintien de l'équilibre politique.

B - les origines socioprofessionnelles des ministres

Les ministres ont toujours été intégrés parmi les études et recherches sociologiques afférentes aux élites, cette catégorie se trouve en haut de la pyramide administrative comme elle joue un rôle politique. Les traits et origines des ministres ont été au centre de ces recherches, qui se sont intéressées aux traits des personnalités gouvernementales, car ce côté revêt une importance extrême quand à l'étude politique de l'institution ministérielle. En plus, la majorité des administrés, souhaite connaître les origines des ministres ainsi que les traits de leur personnalité et surtout si ces caractéristiques comptent pour la nomination d'une catégorie au détriment de l'autre.

a- l'âge 

L'analyse de l'âge des ministres, renseigne sur le renouvellement des élites, s'il est constant ou au contraire, il permet l'escalade des personnes relevant des couches inférieures. La moyenne d'âge des ministres dans la première période (1955-1960) était de 43 ans, la seconde (1960-1972) de 46 ans alors que la moyenne a atteint 51 ans dans la 3ème période (1972-1985)104(*). Pour les gouvernements formés sous le règne du roi Mohamed VI, la moyenne d'âge a dépassé 60 ans.

Lors de la première période, le facteur de l'engagement politique a contribué au jeune âge des gouvernements. Mais, il vient aussi du fait que, tout naturellement, les jeunes se sont les premiers à déclencher la lutte pour l'indépendance, à une époque où n'existait pour eux ni possibilité individuelle, ni possibilité historique de devenir ministre. L'engagement partisan, appelant plus vite les jeunes leur permet plus vite d'atteindre des fonctions importantes.105(*) La monarchie n'était pas dans une situation d'imposer ses choix, au cours de la phase défensive, le passé nationaliste et l'adhésion à un parti comptent beaucoup pour la nomination dans des postes gouvernementaux. Dans la deuxième période, la participation de personnalités ministérielles hautement diplômées, a concouru à l'augmentation de la moyenne d'âge des ministres. L'implication des personnalités politiques et partisanes, déjà membres des gouvernements précédents, a contribué à l'augmentation de la moyenne d'âge des ministres des gouvernements de la troisième période. Le renouvellement des élites au cours de cette période est constant106(*). Le poids des élites au pouvoir s'est consolidé et les doléances des autres catégories sont reléguées à l'arrière plan.

b- le facteur de l'appartenance géographique

Aussi, le facteur géographique, est d'une efficacité considérable, pour analyser les phénomènes politiques, notamment celles afférant à l'étude des élites. Le Maroc, n'est pas géographiquement homogène, aux oppositions côte atlantique-intérieur, nord-sud, zone espagnole-zone française, s'ajoute la réplique entre ville et compagne. Les ministres des gouvernements qui ont succédé au Maroc, représentent ils toutes les villes et régions du pays. L'origine géographique des ministres révèle un déséquilibre entre les villes du royaume. En effet, les cités de Fès, Rabat, Casablanca et Marrakech viennent en tête des villes représentées par des ministres au sein du gouvernement. De même, le recrutement du personnel politique marocain est en grande majorité urbain107(*). Pourtant les villes de Casablanca et Agadir ont été mal représentées, malgré leur poids économique et démographique. En effet, de la forte proportion des citadins dans les gouvernements, la vie politique apparaît ainsi, comme une vie de cité, une vie urbaine, les ruraux y participent peu.

c- l'origine sociale 

La connaissance de l'origine sociale, définit par la situation professionnelle de leur parent, un autre critère peut élucider la recherche, les écoles et instituts où ces personnalités ont suivi leurs études. Cette étude permet de vérifier, si le système d'élitisation permet l'ascension des individus originaires des classes inférieures, ou que l'élite est fermée et ne tolère aucun changement en son dehors. Sur la base des critères précédemment cités, l'origine sociale reflète trois niveaux. Bien que certains ministres relèvent d'origines modestes, l'élite politique marocaine relève dans son ensemble des classes sociales aisées, ou de celles situées entre grande bourgeoisie et moyenne bourgeoisie d'affaires. L'étude de l'élite ministérielle n'enseigne sur l'existence d'aucun facteur manifeste de différenciation entre les trois niveaux de rangement des origines des ministres, mais la marginalisation des élites rurales et populaire est signifiante. Même au niveau des postes ministériels, les ruraux se chargent des ministères d'une importance moindre, alors que les plus importantes sont accordées à des éléments de l'élite urbaine108(*). Enfin, il est digne de signaler que dans le contexte marocain, où règnent les idées archaïques, dévalorisant la femme, l'élite ministérielle est foncièrement masculine, les femmes sont faiblement représentées.

Section II : les maux parlementaires et ministériels

L'institution prend la forme d'un organisme, doté de moyens humains et matériels pour assurer ses missions. L'élément humain reste primordial pour la réalisation de sa tâche. Les qualités socioprofessionnelles, quelles soient celles des députés ou des ministres influencent l'efficacité, l'enracinement et le degré de la satisfaction des demandes de la masse. Mais les constances du jeu politique désorientent cette élite. La principale caractéristique du jeu politique local, c'est qu'il évacue totalement les questions de développement, de croissance et de compétition entre les territoires. Les campagnes électorales restent marquées par des thèmes liés aux équipements de base ou de proximité ou encore de promesses de diverses natures difficiles à tenir. Les relations clientélistes décident de la réussite électorale. Rares sont les députés qui gagnent leur siège en se présentant seulement comme un développeur ou en faisant prévaloir leurs capacités entrepreneuriales. Les moeurs politiques restent encore frapper par leur caractère archaïque, clientéliste et foncièrement vénal. Le poste de député n'est souvent gagné qu'à la suite de multiples tractations où se combinent relations partisanes, relations familiales, notabiliaires, clientélistes. « Ce qui génère des groupes de parlementaires simplifiant la relation avec cette institution en une source d'enrichissement personnel, chose qui présente des signes pathologiques de l'élite »109(*).

Quels sont alors ses symptômes ? Ainsi que ses répercussions au niveau du parlement et du gouvernement ?

Paragraphe 1 : institutions vassales du pouvoir

Le parlement est l'expression de la volonté populaire, la souveraineté nationale s'exprime par le biais des parlementaires. Mais, cette institution est souvent manipulée d'une manière qu'elle parait comme un organisme de façade, si elle n'est pas purement et simplement dissolue. Le Maroc, en fournit un exemple en 1965 avec la dissolution du parlement, et la restitution de tous les pouvoirs par le roi. Après, la reprise de la vie parlementaire, celle-ci était manoeuvrée par une administration qui se considérait comme le gardien du temple de l'ordre établi110(*). L'essentiel du pouvoir est désormais entre les mains du roi (A), les parlementaires se livrent à des pratiques portant atteinte à leur représentation, comme à l'institution elle-même (B).

A- la problématique des compétences

Le makhzen est le centre de gravité du pouvoir, toutes les activités politiques se déroulent sous le contrôle méticuleux de son appareil. Il ne tolère l'évolution d'aucun pouvoir hors de sa conception, le rôle du parlement est réduit d'une institution de conception et d'initiative à un corps de rengaine des politiques du makhzen. Soustrait de l'essence de son existence qui, la représentation de la nation, le parlement est un représentant du second degré, le roi est représentant suprême de la nation. Le pouvoir au Maroc est unique et indivisible. Celui du roi est un pouvoir original alors que l'autorité du parlement est déléguée. De ce fait le pouvoir du souverain est suprême, et intervient par conséquent dans tous les domaines. Le parlementaire n'est autorisé qu'à jouer le rôle de médiateur et de conseiller. Son autorité ne peut rivaliser avec le pouvoir du monarque, il n'exerce que des obligations législatives qui consistent à soutenir le roi dans sa mission111(*). Celui-ci exerce un contrôle constitutionnel sur les travaux du parlement comme il dispose du pouvoir de sa dissolution. Toutes les institutions au Maroc, ont été implantées dans un environnement spécial. Le régime a procédé à un dressage politique de l'élite, par la cooptation de ces membres et leur remodelage, selon des mesures conformes au pouvoir112(*). Une élite docile a été formée, totalement dépendante du régime, dépourvue du pouvoir de décision et de la volonté du travail et d'initiative. La pratique au sein de cette institution, renferme l'élite dans un cercle où la monarchie constitue le commencement et la fin. Les choix du parlement ne peuvent être que ceux du roi.

B- Absence de professionnalisation et institutionnalisation

Le fonctionnement des institutions dans un Etat, est borné par la nature de la culture sociopolitique, les données économiques et le contexte international. Si le parlement et le gouvernement vaquent pour développer la vie politique, ils relatent la nature de la culture politique dominante. L'action du parlement est une tenue systémique et intégrée dans un processus réactionnaire de ces principales composantes, elle fixe les traits essentiels de la culture d'une institution déterminée113(*).

Au Maroc, l'idée récente du parlement empêche un soubassement de l'idée du parlementarisme, qui s'adjoint à une défaillance des partis politiques en matière d'encadrement des députés. De même, les pratiques des parlementaires ont affirmé cette situation, par des tournures privilégiant les intérêts personnels sur ceux de l'institution. Le parlement est devenu un espace d'intéressement personnel au détriment de l'intérêt public114(*). Ceux qui sont élus ne sont pas forcément les mieux outillés pour représenter les Territoires et cerner leurs besoins. L'individualisme, le népotisme, le clientélisme détournent l'institutionnalisation parlementaire. Une fois élu, le député ne se considère pas comme responsable devant les populations, les opérateurs économiques ou investi d'une mission de développement des électeurs qui l'ont choisi, il ne s'intéresse qu'à une seule chose, se porter attentif aux dictées du pouvoir. En effet, la soumission de l'élite parlementaire aux sommations du système, a étouffé l'avènement d'une élite parlementaire professionnelle manifestant une existence matérielle et politique dans le respect de la loi et de l'intérêt général, capable de faire face au défit de la mondialisation115(*).

Le contexte sociopolitique actuel suppose un parlementaire professionnelle au lieu d'un amateur désintéressé de son rôle. Tout cela révèle que les relations élite/élite et élite/pouvoir sont gouvernées par des relations personnelles pragmatiques et ne sont soumises à aucune règle constitutionnelle juridique116(*).

Paragraphe 2 : une élite inadaptée

La course aux avantages, lancée par la monarchie, est un agent sûr de l'altération de la classe politique et des formations partisanes. Devant cette situation avantageuse, le pouvoir, ne traitait qu'avec certaines organisations politiques et personnalités isolées, celles qui ne mettent pas en péril le système, leur seul souci est de se faire place. La conduite de l'élite parlementaire, témoigne d'un ensemble de pratiques négatives. Leurs répercussions sont néfastes sur l'institution.

A- inadaptation au sein de l'institution 

La nature de l'alliance contractée par la monarchie et les notables ruraux, avait des répercussions considérables sur la composition parlementaire. Les élites traditionnelles ont confirmé leur hégémonie au sein du parlement, elles ne représentaient que leurs propres intérêts. Alors que la majorité était dépourvue d'une représentation politique qui présentait ses doléances, elle était politiquement marginalisée et éliminée. Ainsi, on relate l'absence de l'initiative de proposition au profit d'un « parlementarisme de service ». Les questions orales et écrites remplacent les motions de censure ce qui réduit le contrôle à une formalité simple. La recherche de l'intérêt individuel devient la culture dominante au sein de l'institution, l'immunité parlementaire est devenue un instrument politique de défense des agissements illicites des représentants de la nation. Ils dissimulent leurs intentions, et prétendent chercher l'intérêt général, c'est une représentation négative de la nation. De même l'absence des députés lors des séances plénières ou au cours des travaux des commissions, constitue un manquement aux obligations de représentation qui leur incombe. Un autre phénomène de nomadisme politique pèse sur cette institution, il ajourne le processus de stabilité au sein des institutions constitutionnelles, dont le parlement constitue la pierre angulaire. L'absence de communication entre le parlementaire et sa base électorale, empêche toute action de l'électeur sur les agissements de son représentant117(*).

B- inadaptation des partis politiques

L'opposition entre les segments, s'accentue au sein des systèmes politiques qui souffrent de la fragilité du pouvoir central. Le Maroc, est un pays fragmenté, il était durant plusieurs siècles, organisé dans le cadre des groupements tribaux fractionnés, le Maroc connaît d'autre divisions, la famille, le quartier, la ville, la tribu, ensuite les groupes mixtes cherchant des intérêts matériels et objectifs enfin les groupes d'intérêts composés des syndicats, des groupes économiques et partis politiques. Tous les groupes oeuvrent pour défendre leurs acquis plus qu'en chercher d'autres avantages. La monarchie fait l'exception, elle tient à ne jamais se soumettre à aucun groupe, c'est là où réside sa force118(*). Les autres fractions devenaient proies aux divers changements. Les partis politiques cherchent en permanence à développer le nombre de leur parlementaire, pour pouvoir se placer au devant de la scène politique et assister la monarchie qui monopole la capacité de distribution des biens matériels et immatériels du pouvoir119(*). Les partis s'engagent à leur tour dans un mouvement de recherche de nouveaux candidats avec des profils de technocrates. Le capital du militantisme collectif est laissé tomber pour céder la voie devant des capitaux individuels et capacités personnelles considérés comme réservoir des voix. Ainsi le régime a procédé à une adjonction entre des changements économiques avec des principes politiques qui n'échappe guère aux mécanismes du rapprochement et de vassalité. « La participation et le bénéfice institutionnel de l'élite, ont été accomplis sans la moindre révision du système politiques et ses règles de jeu. Son objectif principal est d'embrigader de nouveaux alliés produit du développement sociologique, capables de protéger le pouvoir et assurer sa pérennité. Les choix idéologiques ne créent chez leurs adeptes aucun engagement comportemental. L'utopie idéologique reste absente au Maroc, le réalisme politique règne dans le pays, c'est le système politique qui garantit sa pérennité120(*) ». Si le système politique marocain est caractérisé par l'immobilisme et l'inertie, la monarchie remplit un rôle primordial marqué par un équilibre fragile et sa rupture n'est pas foncièrement tolérée. Dans ce contexte comment les élites peuvent parvenir à se renouveler. Seule l'hérédité des postes et des positions peut amener une réponse à cette question.

Partie II : Renouvellement de l'élite politique dans la logique de l'hérédité

Les mécanismes de transmission politique intergénérationnelle obéissent à des règles qui varient selon les sociétés et les époques.121(*) Dans le contexte marocain, où le poids de la tradition ne cesse de peser sur la scène politique marquée par un équilibre ténu, l'hérédité constitue un mécanisme de renouvellement des élites. En étirant la notion d'hérédité, nous sommes amenés à faire une distinction entre : hérédité politique effectuée suite à une socialisation dans la politique, et hérédité politique débouchant sur une transmission de mandat électif, des postes et positions au sein des groupes au pouvoir. Cette pratique fait appel aux méthodes de cooptation qui président à la sélection des candidats. Par conséquent la notion d'héritage politique est réduite aux successions familiales, formes les plus visibles et plus nombreuses dans la reproduction du personnel politique marocain, mais d'autres pratiques délaissent les filiations objectives et biologiques au profit des usages symboliques et métaphoriques du paradigme de la parenté122(*).

Le phénomène de transmission n'est pas une réminiscence d'un état antérieur de la compétition politique, il pérennise une situation déjà enracinée dans la société. Le système notabiliaire au Maroc, a résisté aux différentes tentatives de son éradication après le départ du protectorat, en plus il a pu s'imposer avec force sur la scène politique, grâce aux facteurs de domination qu'il a hérités123(*).

La transmission semble être plus fréquente au sein de tous les milieux politiques, économiques et religieux, à  «  droite » qu'à « gauche ». Par la suite, on est en droit de signaler que l'élection est toujours indirecte, au deuxième degré, puisque la sélection a été faite par ailleurs au sein de la famille ou dans le clan ou le groupe du candidat, l'individu marocain n'a d'existence qu'au sein de son groupe d'origine ou du clan qui le soutient. L'élite marocaine use des méthodes précédemment aboli en occident. Leurs instruments sont : le paternalisme, l'autoritarisme, l'exploitation et la répression, par ces moyens, les membres de l'élite tentent de préserver leurs privilèges. Issus des familles alliées, fortunées, instruites, hautement placées, ils font partie des privilégiés qui ont fait des études supérieurs. Ils font de l'arbitraire un principe d'autorité, et de l'exploitation un régime économique. Il s'agit d'un système basé sur les traditions de dévolution intergénérationnelle (chapitre I) tant que ce système fonctionne il n'y a ni développement, ni démocratie (chapitre II).

Chapitre 1 : Rotation de l'élite politique : un continuum des traditions

Les concepts d' « élites » et la « circulation  des élites » ont été élaboré par les théoriciens libéraux pour s'opposer au concept marxiste des classes et leur antagonisme124(*). Ces théoriciens ont voulu rétorquer les principes marxistes, et montrer qu'il n'existe pas de stratification de classes dans ces sociétés, mais il s'agit seulement des strates où l'on peut entrer et sortir facilement. Les individus travailleurs, ambitieux et intelligents peuvent grimper l'échelle sociale, quelque soit leurs origines et quelque soit le rang qu'ils occupaient auparavant au sein de la société.

Dans l'ancienne monarchie marocaine, le successeur du sultan était choisi parmi les membres de la famille Alaouite par les oulémas. Partout dans le monde quatre techniques sont employées pour la désignation des autorités suprêmes de l'Etat : la cooptation, l'élection, la conquête et l'hérédité125(*). Au Maroc, la conception du pouvoir est liée aux formes traditionnelles d'organisation sociale du pays, encore vivaces aujourd'hui.126(*)Les marocains étaient en grande majorité issus des tribus, l'esprit de cette appartenance les habite encore. Ces entités étaient constituées de segments antagonistes, les tensions permanentes animent l'équilibre. La pression et la menace permanentes servent à renforcer la structure et l'identité des unités composantes de cette société. Les élites qui ont commandé l'activité nationale après l'indépendance, ont appris à se servir de l'attirail classique des régimes modernes : partis politiques, syndicats, groupes de pression... Mais dans la pratique, ils se comportent selon des règles puisées dans le traditionalisme de la société marocaine. La classe dirigeante au Maroc, est constituée essentiellement des fils de la minorité de privilégiés, qui ont pu faire leurs études sous le protectorat. « Des hommes issus des familles alliées qui ont accédé aux privilèges du pouvoir, ils ne veulent plus en être dessaisi, ils sont des héritiers, ils méprisent les compétences, les capacités, ils haïssent le progrès et le changement. Le renouvellement des élites se déroule dans des conditions politiques et sociales marquées par la primauté des pratiques héritées de la tradition sur les méthodes nouvelles »127(*). Une telle situation favorisant la stabilité du régime, préside à la reproduction des mêmes structures et reconduit au pouvoir les anciens favoris.

Section 1 : contexte politique de l'élitisation

Le Maroc est un état segmentaire, au sens le plus large, il l'est aussi du fait que sa population a été organisée en lignages segmentaires. Raison pour laquelle le comportement des acteurs politiques, aujourd'hui est modelé à la fois par, les idéaux politiques traditionnels et par le factionnalisme moderne. Si les sociétés de transition sont portées au factionnalisme, c'est en grande partie à cause des incertitudes de la situation politique et de la rapidité des transformations sociales128(*). La disparition des régimes coloniaux a élargi le champ des rivalités des groupes en présence et accru les ressources matérielles qu'ils s'efforcent de contrôler. Il est rare que les factions mesurent exactement leurs forces ni celles de leurs adversaires, mais toutes sont fermement décidées à prendre leur part du butin. Elles se lancent, pour s'impressionner les unes les autres, dans des démonstrations de force qui déclenchent des réactions en chaine. Que cela se termine en une empoignade générale ou sur un face à face rageur, l'intensité et la généralisation de la compétition sont un fait indéniable129(*). En effet les marocains se sentent appartenir fondamentalement à une tribu, à une religion, à une famille, à un quartier, à un métier, à un groupe économique, parfois même à une région, ce qui fait du Maroc un mélange divisé. Waterbury s'attendait à ce que les hostilités soient ouvertes, mais rien de cela n'arrive. L'utilisation défensive du pouvoir et de l'autorité constituent la caractéristique constante de l'attitude politique des marocains. Le pouvoir sert à maintenir, conserver et protéger et non à détruire et ouvrir130(*). De même, il ne faut pas négliger la toute-puissance des structures politiques anciennes, leur capacité de réadaptation et de récupération. Tous ces éléments confèrent au système marocain une force de conservation et de permanence que l'ensemble de son ouvrage pose comme quasi-infaillible131(*). Un autre groupe segmentaire, dont les éléments sont le produit de l'impact de la culture étrangère luttait depuis l'indépendance, pour conquérir le pouvoir, son attitude est façonnée par la nature segmentaire de la compétition politique et par la culture traditionnelle. Les partis politiques, officiers, groupes économiques, syndicats tous sont des favoris, aucune organisation ne représente les intérêts des couches inférieures de la société. Ces comportements politiques débouchent sur une immutabilité politique (paragraphe I), partant de son rôle du principal acteur politique, le pouvoir procède à une domestication des élites pour prévenir toute concurrence à son autorité (Paragraphe II).

Paragraphe1 : immutabilité politique au Maroc

La classe dirigeante n'a pas rompu avec le passé, elle est son héritière, et cette prolongation des traditions influence le champ politique. Le climat d'apparente inimitié entre les différentes factions ne doit pas faire allusion. Tension et conflits ont longtemps animés la cohésion des composantes de la société marocaine. La communauté et la défense des intérêts contrebalançaient cette segmentation. En outre les liens familiaux, sociaux et économiques réparent ce que les antagonismes politiques auraient détruits. C'est ainsi que tous les mouvements transperçant la société marocaine seraient en dernier ressort insignifiants. Cette invariance toucherait aussi bien les structures en place (A) que les stratégies déployées(B).

A- Des structures constantes 

Le comportement politique des acteurs modernes, notamment les partis politiques, les groupes économiques, les syndicats, est affecté par les traditions segmentaires héritées du passé du Maroc. L'institutionnalisation des tensions entre les compétiteurs, crée une situation d'équilibre. « Les marocains, cherchent malicieusement à garantir leurs patrimoines, leurs positions et renforcer leur prestige, sans négliger que leur ascension peut engendrer la ruine d'une autre personne et qu'à leur tour ils peuvent être victimes d'une semblable manigance. Une politique s'avère indispensable : « vivre et laisser vivre ». Survivre et réussir dans le système marocain, rendraient nécessaire d'évaluer constamment les possibilités d'alliance  et contre-alliance entre les groupes de l'élite. Ensuite le repli général sur une position du statuquo, apparaitrait aux yeux de tous comme la ligne de conduite la plus sûre »132(*).

La permanence des tensions et la violence caractérisant la société marocaine, ne peuvent générer que la stagnation, nonobstant, le changement certain des institutions politiques osé par quarante quatre années du protectorat. En dépit du développement de nouveaux rapports socio-économiques et la récente mouvance des pays arabes, la stagnation caractérise encore la société marocaine. Cela est lié au caractère des acteurs de la vie politique dans les systèmes segmentaires, tel le Maroc, où la vie politique est immuable. Rompre l'équilibre est intolérable, si une faction de l'élite révèle des symptômes d'un quelconque avantage, les autres factions s'unissent pour rétablir l'équilibre. Tous dans cette société tendrait à préserver le statuquo. L'initiative ainsi que la démarche risquée et audacieuse entrainent l'isolement dès que la situation évolue133(*). Il est donc préférable de ne pas s'aventurer aux téméraires. La témérité insolite des officiers marocains qui ont tenté à deux reprises de renverser la monarchie n'a eu d'égale que l'isolement des conspirateurs et leur échec.134(*) Cette attitude prédominante peut expliquer l'avènement du mouvement de 20 Février qui pourrait avantager la mouvance islamiste radicale d'Abdeslam Yassine. Pour contrebalancer, les islamistes modérés du Parti de Justice et Développement, contractent une contre alliance avec le pouvoir. Le contexte politique marocain, n'encourage guerre les éléments de l'élite à se maintenir dans leurs positions héritées. Eux aussi, oeuvrent, et tentent de ménager le chou et la chèvre pour consacrer le maintien de l'immobilisme et le conservatisme dans le pays.

B-Stratégies de l'immobilisme 

Le comportement particulièrement tactique de l'élite, ne peut être que le corollaire du genre des structures sociales et politiques prédominantes au Maroc. L'invariance politique serait la portée du jeu de bascule entre coteries, partis et syndicats en permanence animosité. Une manifestation de suprématie d'un segment de l'élite, pousse les autres à contracter des coalitions pour équilibrer.

Le pouvoir, et pour maintenir sa maitrise du jeu politique, développe très tôt des stratégies globales relativement cohérentes, pour faire face à des comportements tactiques de la part des segments. Il opte ainsi à maintenir les structures de l'immobilisme, quand la société est visée par des pressions, traversées de quelques tendances, bousculée par des heurts jusqu'à ses soubassements, les réactions du pouvoir auraient tentées à mettre l'ensemble de ces mouvements en oeuvre pour sauvegarder les structures de l'immobilité. Le formalisme légal (nouvelle constitution, régionalisation, élection démocratique) observé ces dernières années ne peut dévier l'acteur principal de son objectif primordial de protection et de conservation des structures en place135(*). Les élections communales de 1960, ont montrés l'aptitude du pouvoir à mettre cette opération démocratique au service du maintien de l'immobilisme, puisqu'il a réussi à rétablir le système d'élite locale, qui lui est favorable pour contrebalancer l'ascension de la bourgeoisie urbaine. En dépit des changements multiples, le makhzen préside à la création des élites à travers les partis administratifs, même les formations issues du mouvement national n'échappent à la transpercée du Makhzen136(*). Seuls les petits partis de la gauche radicale et le mouvement de « Al Adl oua al-ihssane » d'Abdesslam Yassine, fuient ce contrôle. Il est indispensable de libéraliser l'élite politique pour démocratiser d'avantage la vie politique du pays, et dépasser le statuquo. La primauté d'un seul acteur politique dérégle la vie démocratique137(*). Dans le contexte marocain qui manifestait une résistance remarquable aux facteurs de changement, la croissance démographique, la poussée de l'urbanisme, la généralisation de l'enseignement, la promotion nationale, la politique des barrages, l'INDH...sont fortement encadrés par cette stratégie d'invariance et leur résultats demeurent restreints. La vie politique se souscrit dans un cercle d'élite et de contre-élite, permettant l'hérédité des postes et des positions. Les membres de ces groupes sont tous des privilégiés, qui en dépit de la phraséologie, ils tentaient de préserver une situation de statuquo où les masses ne seraient prises en considération que pour accroitre le pouvoir de négociation. En dépit de la docilité des élites, le pouvoir ne cesse de développer des politiques et stratégies présidant à la restriction de la marge de manoeuvre de la société civile.

Paragraphe II : politique de domestication et limitations des ambitions de la mouvance sociale

La société civile selon Gramsci, désigne toute la famille, les organisations de production privés, les syndicats, les institutions religieuses, les entreprises de l'information et de l'éducation, les partis politiques et le parlement. Elle domine la société indirectement par le biais des intellectuels. Alors que la société politique, assure l'hégémonie et la direction exprimées par le pouvoir de l'Etat et l'appareil juridique. Les structures de la société civile s'activent pour la défense du citoyen contre l'abus du pouvoir de l'Etat. Au Maroc, le pouvoir repousse toute concurrence au niveau de la gestion publique, pour préserver la situation du principal acteur politique dont jouit le roi138(*). Et par conséquent, être capable de manipuler facilement l'élite rendue docile et contrôler effectivement l'administration. Cette mission est rendue possible par le monopole du pouvoir de distribution des bienfaits politiques et matériels du pouvoir, par la monarchie. La société civile fonde son existence sur la contestation de l'Etat, elle réclame la liberté et la justice alors que l'Etat est un espace de rationalité, de réglementation et de légitimité. Pour contrecarrer toute atteinte au statuquo, l'Etat développe en permanence des styles et des politiques afin d'assurer le contrôle des élites. Deux méthodes ont été tentées de bonne heure, celle de répression (A) de la domestication et sa concurrence par la création d'une fausse société civile (B).

A- répression et domestication de la société civile 

A l'image du système patronal et héréditaire, les réseaux associatifs sont des canaux d'accès au pouvoir, leur efficacité est éprouvée. Poussé par son éternel souci, de préserver les institutions en place, le pouvoir se sert de son appareil répressif contre les organisations échappant à son contrôle. La répression s'exprime en termes d'interdiction à caractère administratif d'activités ou le refus de remise du récépissé du dossier. De même, l'Etat peut interdire l'organisation d'une activité, l'emprisonnement, les poursuites judiciaires et la persécution139(*). L'appareil répressif de l'Etat fonctionne pour contrecarrer toute menace de concurrence, lors de la mise en vigueur de la décision sociopolitique. Le maintien de la tension et de la violence continue de traverser la société civile, le pouvoir n'a pas encore abandonné ses anciens dérivés. Il s'attache à son rôle protecteur de l'immobilisme en faveur d'une élite contrôlée dans sa majorité par des héritiers, riches et cultivés, qui ont transgressé toutes les principes libéraux, pour satisfaire leur soif du pouvoir. Mais le contexte international, rejette ces agissements. Ainsi pour embellir son image devant la société internationale, le makhzen a compris qu'il est plus indéniable de recourir à la politique de domestication et de concurrence.

B- domestication et concurrence de la société civile

Si la société civile en occident est l'émanation de la dynamique de la société toute entière, au Maroc, l'Etat a largement contribué à la formation d'une grande partie de cette société. « L'encouragement du multipartisme et la constitution d'associations régionales, constituent des exemples de l'ingérence du pouvoir dans les affaires de la société civile, en vue de maintenir l'équilibre politique. Par la suite le pouvoir, perçoit qu'il lui est utile d'intégrer les réseaux associatifs dans sa stratégie. Un processus de domestication et d'intégration de nombreuses structures de la société civile fut lancé. Le makhzen, soucieux d'assurer sa présence au niveau des différentes structures de la société, conteste tout partage de compétence au niveau social »140(*). Par la suite il concurrence la société civile, par la création, en parallèle, d'une autre plus docile. Celle-ci annonce son appartenance à la sphère de la société, alors qu'elle est ralliée aux intérêts du makhzen et ceux de tous les détenteurs du pouvoir et de la fortune. L'Etat a réussi à transpercer toutes les espaces d'action et de réflexion de l'individu, pour élargir le domaine du politique au détriment de la société. Le soutien étonnant de l'Etat aux associations concurrentes a réduit le rôle de la société civile. Ainsi l'Etat a pu simplifier au néant le dynamisme des acteurs de la société civile. De ce fait le pouvoir a réussi à limiter les ambitions de cette société, pour être capable de guider et diriger sans la moindre contestation ou opposition.

Si la société civile a été facilement pénétrée, cela signifie que ses structures sont perméables. Elle intériorise des tendances tribales, confrériques et familiales. Les débris des différentes appartenances traditionnelles, survivent à l'intérieur des institutions. La persistance des facteurs segmentaires, facilite l'intervention du makhzen, qui la simplifie à un corps manipulable. L'avènement d'une société civile imperméable aux interventions étatiques est tributaire de sa capacité de dépasser les modes de production traditionnels entachant sa naissance et désorientant ses tendances sociétales141(*).

Section 2 : l'hérédité et les possibilités de transmission des ressources politiques

L'hérédité en politique est  la transmission parentale des mandats électifs, des postes et positions dans la hiérarchie du pouvoir.  La parenté recouvre aussi, un ensemble de rapports que des groupes sociaux donnés reconnaissent comme des liens entre individus, pour autant que ces liens soient issus du mariage et de la descendance. Cette relation établit ainsi entre les individus, des liens personnels fondés sur le sang et l'alliance, qui dessinent sur un territoire donné ou dans un domaine déterminé et sur une longue période, des réseaux sociaux. Elle est aussi un ré-encastrement du politique dans le social142(*). Partant de l'origine traditionnelle de la société marocaine, l'hérédité se situe au centre de la société, elle traverse toute la société, les élites marocaines s'attachent aux structures du passé qui fondent l'organisation primitive de leur pouvoir. Les dirigeants marocains se présentent comme des serviteurs de la société, en réalité ils ne font que légitimer leurs statuts acquis ou transmis. Ils appliquent la loi d'airain dans toutes les organisations, pour perdurer leur pouvoir conquis depuis des décennies, ils ne sont pas prêt à céder leur place ou la moindre prérogative personnelle de leur fonction143(*). Le phénomène de la transmission héréditaire est enraciné dans la pratique politique, les formes modernes de la compétition électorale n'a pas réduit le poids de cette pratique. Au contraire, les dynasties qui, depuis le XVII ème siècle régnaient sur les grands appareils économiques, bureaucratiques et politiques de l'Etat, continuent de le faire encore. L'hérédité se révèle, une piste plus féconde, l'élection est indirecte, elle est au deuxième degré puisque c'est l'origine sociale et l'appartenance à une grande famille qui est déterminant144(*).

Paragraphe 1 : l'hérédité : une ressource politique

La structure sociale est caractérisée par l'inégalité qui constitue son premier élément, et présente deux formes très différentes : inégalité individuelle et inégalité sociale entre classes ou castes. Mais chez les animaux, l'inégalité reste strictement personnelle145(*) . Au sein des sociétés humaines, les inégalités individuelles sont l'apanage des inégalités collectives, les gens du haut de l'échelle y parviennent en partie parce que leurs parents étaient eux même en haut de l'échelle sociale. Ils réussissent en général à maintenir leurs fils en haut de cette échelle ou à les empêcher à descendre trop en bas. En revanche les gens dont les parents se situent en bas trouvent une difficulté plus grande à parvenir à une situation plus grande. L'apologie des castes repose sur l'idée que les habitudes acquises chez les parents, tendent à constituer autant d'aptitudes innées chez les fils. « Il est vraisemblable que les qualités professionnelles non seulement se fixent, mais se majorent là ou les fonctions sont transmises avec le sang, cette transmission héréditaire est admise par les structures sociales »146(*).

Dans le contexte marocain fidèles aux traditions de conservatisme politique mêlé d'un libéralisme de façade, les institutions stratégiques du pouvoir, tombées, après le départ du protectorat, entre les mains des élites bourgeoises, deviennent un héritage que seuls les héritiers issus de ces mêmes franges de la population, peuvent bénéficier de leurs ressources et privilèges, au détriment d'une majorité délaissée proie à la pauvreté et l'ignorance147(*). Les élites traditionnelles deviennent alors des héritiers (B) du sort de l'Etat. Cet héritage (A) introduit la vie politique dans l'inertie et l'invariance.

A- L'Héritage politique 

L'analyse de l'hérédité comme une ressource politique, qui recèle des acceptions multiples, et peut faire l'objet d'usages variés. Tout d'abord le nom de la famille renvoie à une pléthore de significations. Il est lié à une activité, une fonction religieuse, un commerce, un poste occupé au sein de l'administration makhzen ou à un territoire. La socialisation politique se déroule au sein de la famille, elle est à la fois l'origine et la limite du pouvoir. C'est à cela qu'on reconnaît socialement la valeur de l'individu, non à ses qualités personnelles. Celui-ci grâce au nom qu'il a reçu du père, accède au privilège d'un mariage de luxe, d'un recrutement ou d'une nomination à un poste de responsabilité politique ou économique. Mais la généalogie montre que l'origine n'est pas une donnée, au contraire il faut agir. Contrôler un territoire, c'est pouvoir agir sur ses découpages administratifs et politiques. De même, gérer un capital patronymique nécessite des actes de production et de reproduction des mêmes rapports sociaux de fidélité et du clientélisme. C'est aussi la capacité de transformer un répertoire à usage domestique en instrument de conservation ou d'appropriation des positions de pouvoir politique148(*). L'ancienneté de la famille dans le service de l'Etat, la richesse, la renommée et le prestige sont désormais des arguments propres à susciter l'adhésion de l'acteur makhzanien. L'étude de l'histoire de ces familles prouve que c'étaient leurs pères, leurs grands-pères et arrières grands-pères qui, sans interruption depuis la deuxième moitié du XIX ème siècle, fournissaient à l'Etat ses vizirs, ses secrétaires, ses diplômâtes, ses magistrats et ses idéologues149(*). Etre un Héritier renvoie à une socialisation d'un type particulier, par acquisition raisonnée et systématique ou par apprentissage inconscient permettant d'anticiper les droits et les devoirs de la fonction et d'abord d'intérioriser l'évidence de l'appartenance de la gestion des affaires publiques, au patrimoine de la famille.

B- L'héritier  politique

Hériter en politique, c'est aussi bénéficier du capital social accumulé dans et par la famille, et donc, s'approprier aux réseaux de clientèle et de patronage qui ont été construits et entretenus sous l'étiquette de la famille au long de son histoire. Aussi l'usage de la ressource implique une préparation, une prédisposition à son utilisation. La famille pour se maintenir dans ses positions procède aux règles traditionnelles de la sélection et de la stratification. Dans la famille, il y'a des gens d'en bas et les gens d'en haut. La sélection fixe les priorités en fonction du sexe, de l'âge, du diplôme, de la vocation et de la profession150(*). Il s'ensuit une stratification qui, selon les qualités acquises, classe les uns dans la catégorie des maitres, les autres dans celle des serviteurs. Ceux qui ont fait des études brillantes et qui exercent des professions nobles, sont voués aux mariages d'affaires ou de prestige. Ils valent très cher sur le marché matrimonial. Les autres, les sans-diplômes, les ignares, les simplets, les incompétents, bref les ratés sont destinés aux alliances de camouflage151(*).

Cet usage d'une ressource rare est, bien entendu, sujet de stratégies et de manoeuvres différentes pour sauvegarder leur patrimoine. Si on étudie ceux qui dirigent les grands appareils du pays, on verra que tout se restreint à une minorité de familles opérantes. Grâce à l'efficience des dispositions mises en oeuvre par les élites, ils gardent encore leur influence première, elles recouvrent avec aisance les mêmes positions auxquelles elles sont entachées depuis près de deux siècles152(*).

L'essentiel devient dès lors, le processus de sélection précédant le choix du candidat. L'héritier consentant et pressenti saura répondre aux sollicitations de jouer de ses propres ressources pour habiter l'héritage face à la famille biologique ou à la famille politique. L'élection réussie démontrant la capacité de l'héritier à poursuivre la lignée, l'adéquation de l'héritage et de l'héritier153(*).

Paragraphe2 : possibilités de transmission et de socialisation

Théoriquement, tout citoyen garde son droit d'entrer dans la carrière politique, peu importe sa profession, son niveau d'étude, son sexe, son âge, son origine et son héritage familial. Mais il ne faut pas perdre de vue que les minorités se distinguent de la masse des gouvernés, par des qualités qui donnent aux individus une certaine supériorité matérielle, intellectuelle ou morale. En d'autres termes, les membres de la minorité qui gouvernent ont des attributs, réels ou apparents, qui sont très estimés ou importants dans la société dans laquelle ils vivent154(*). La classe politique peut dans certaines mesures contrôler les forces sociales qui, à période donnée et dans une société déterminée, sont fondamentales pour conquérir le pouvoir. Mais, il ne faut pas croire que n'importe qui peut acquérir ces aptitudes ou que tout le monde commencent du même point de départ. En effet, exercer l'influence politique ou sociale, est toujours plus aisé aux riches qu'aux pauvres, à ceux issus des grandes familles influentes qu'à ceux oeuvrant tous seuls. Les positions politiques tendent à devenir héréditaires sinon en droit du moins en fait. « La socialisation et la transmission politique sont d'une importance d'envergure. La qualification pour des postes importants, l'habitude et la capacité d'occuper ces postes s'acquirent aisément lorsqu'on a une familiarité dès l'enfance »155(*).

A- Transmissions héréditaires 

Les conditions de possibilités des transmissions héréditaires, sont inhérentes à la professionnalisation et l'autonomisation du politique. Car l'héritier peut bien avoir des prétentions propres et intérioriser le sentiment de son pouvoir et de son devoir. Encore faut il que cette offre de service de l'héritier rencontre des dispositions auprès du sélecteur (pouvoir). Pour qu'il y ait des héritiers, encore faut il qu'il y ait des héritages. C'est-à-dire que des sources de la société, admettent les mérites d'un temps de la communauté assumé par la continuité d'une dynastie. Encore, il faut que les conditions sociales qui rendent possible et autorisent cette croyance, puissent perdurer156(*). Dans une société traversée par les pratiques traditionnelles du pouvoir, il semble que tout se ligue pour sauvegarder l'immobilisme politique. La politique, de part ces pratiques, va longtemps rester encastrée dans le social. La famille constitue la pierre angulaire de ce système, elle continue à produire les instruments de compréhension, d'organisation et de légitimation du politique, au même titre, elle incarne aussi la force des croyances communes sur l'hérédité. Les possibilités d'utiliser les relations de parenté dans les transactions politiques, dépendent d'un ordre de représentation culturellement partagé par les élites. Le système politique marocain d'essence traditionnel, attribue un rôle particulièrement important à la famille et à l'hérédité, de ce fait les élites qui cherchent à se maintenir au pouvoir, voient en elle, un outil efficace. Facteur qui entache l'action du pouvoir de l'immobilisme, l'idée même du changement effraye les dirigeants157(*). Persuadés d'être nés pour diriger, ils ne supportent ni la contradiction, ni la critique, ni même le débat d'idées. En vérité, ils craignent les conséquences du changement. Car celui-ci devait imposer le renouvellement des élites sur des critères professionnels ou politiques, il aurait pour première conséquence de casser les monopoles, de briser les héritages et les privilèges158(*), qui pendant un demi siècle se sont développés par suite de concentration de pouvoir aux mains d'une minorité d'individus stratégiquement placés.

En résumé, la construction et l'usage de la parenté sont isomorphes dans le temps et dans l'espace, les tribus Zayane du XIX ème siècle ne sont pas celles d'aujourd'hui, certes la tribu a perdu beaucoup de son influence, mais les réseaux familiaux constituent encore des entreprises politiques capables de mobiliser des ressources sociales. Les héritiers se situent sur un continuum de ressources avec, à un pôle, le patrimoine familial et, à l'autre, des capitaux collectifs garantis par l'usage du sigle partisan. L'imbrication des ressources qui donnent accès à l'élite du pouvoir peut d'ailleurs empêcher d'isoler les effets propres d'un des facteurs, même si elle ne dispense pas de s'interroger sur les mécanismes de son efficacité. La transmission de la gestion des affaires économiques, politiques, administratives ou sociales, présentent des signes concrets de l'intercession du familial dans le politique. « Ce rapport apparaît ainsi comme un objet mutilé, puisqu'il ne couvre que l'aspect le plus visible de l'influence de la famille et des réseaux familiaux, et parce qu'il n'incite pas à réfléchir sur la spécificité des liens familiaux par rapport aux autres liens »159(*).

B- Socialisation des générations en politique

Le mot «  socialisation » est en lui-même équivoque, il comporte des sens variés. Cependant, l'usage s'est établi de désigner par lui le processus d'assimilation des individus aux groupes sociaux.160(*) La notion est extrêmement large, elle peut s'appliquer à tous les processus d'apprentissage ou d'intégration des enfants comme les adultes. En effet, le phénomène de socialisation politique est étroitement lié à la culture politique. Si celle-ci témoigne de sa spécificité et garantit sa continuité dans le temps, c'est parce qu'elle existe des processus capables de renforcer son particularisme et pourvoir sa reproduction. Ces processus sont purement immanents, car la socialisation politique échappe à l'emprise de l'école, c'est la spontanéité sociale qui s'en charge. L'intégration d'un milieu par la culture et par le comportement, est le domaine de l'élection de l'influence familiale161(*). Les modes de socialisation sont nombreuses et bien adaptés aux traditions culturelles particulières162(*).

La socialisation peut être comprise dans le sens de conditionnement, elle serait ainsi, le processus par lequel les individus sont dès leur jeune âge contraints à adopter un mode de pensée et de comportement à des stéréotypes dominants163(*). En outre la socialisation peut être réfléchie en tant que modèle d'interaction, l'individu n'est pas passif devant la socialisation politique. Le modèle d'interaction permet de distinguer une socialisation primaire acquise dans l'enfance et une autre secondaire à l'adolescence et à l'âge adulte. La socialisation primaire conditionne les attitudes politiques chez certains. Pour d'autres, l'intégration politique, n'est réalisée qu'à travers des expériences personnelles, individuelles ou collectives. La solidarité entre culture politique et socialisation politique est très forte. Au Maroc, la culture bourgeoise enracinée dans la société, et la tradition de servir le pouvoir pendant des décennies voire des siècles couplés à l'intervention du protectorat au profit de ces catégories, ont permis la production et la reproduction des élites issues des mêmes familles. Il s'agit des familles bourgeoises et makhzens qui ont été reconduit dans le pouvoir, la familiarité de leurs membres avec les affaires publiques, facilite leur acquisition des positions importantes.

La rotation des élites au Maroc diffère du concept préconisé par Pareto. Leur renouvellement obéit à d'autres conceptions.  « Les changements que connaissent les élites fonctionnelles : ministérielles et parlementaires, sont édictées essentiellement pour affronter les vagues de mécontentements populaires ou pour annoncer de nouvelles orientations de la politique générale. Ils interviennent dans le cadre d'une politique de contenement des crises politiques qui menacent le pouvoir. Ce mouvement de changement tend à assurer la continuité du système et non son amendement »164(*). Il s'en suit la reproduction des mêmes élites et le maintien du statuquo. Ainsi, la rotation des élites est un mouvement interne, elle ne concerne que la couche sociale au pouvoir, sans qu'elle permette l'ascension des individus issus des couches inférieures. Les mêmes figures disparaît et réapparaît selon le besoin et suivant les exigences politiques de la période. Le mouvement des élites est éphémère, il n'est pas une stratégie, son objectif est d'étouffer toute demande de changement politique. Cette rotation n'est que partielle, elle épargne les individus qui occupent des postes sensibles au sein du système. Tous ces mouvements de rotation fermée, partielle et superficielle des élites, se passent sous contrôle et direction du pouvoir. Les manoeuvres éprouvées par le pouvoir pour assurer sa pérennité, en l'occurrence l'hérédité menant à la continuité des élites traditionnelles, s'affrontent avec les demandes de démocratisation de la vie politique. Comment les rapports sont entretenus entre l'hérédité et la démocratie ?

Chapitre 2 : l'hérédité et la démocratisation du système, le grand paradoxe

Un régime démocratique est celui qui, dans son organisation, se conforme au principe selon lequel le pouvoir souverain n'appartient qu'au peuple. Par des votes librement exprimés, et non entachés de fraude, par la majorité des votants, directement ou par ses représentants élus, est la source de toutes les décisions publique liant l'ensemble de la communauté.165(*) Un régime pour être démocratique, doit d'abord abolir l'exploitation du peuple par la classe dominante, et mobiliser tous les moyens pour amorcer le développement de la société. La démocratie a été réclamée par une partie du mouvement national166(*) . Progressivement, sous l'effet des diverses péripéties de la vie politique marocaine, des grands évènements des années 1960, substitue une autre conception de la démocratie de référents et de contenus plus traditionnels.

Section 1: l'hérédité : un frein à l'institutionnalisation

Partant de leurs origines sociales, les élites marocaines sont similaires au makhzen dont la genèse est étrangère à la société. Le pouvoir central puisant sa source en dehors de la sphère rurale, était, de ce fait, vu comme un corps étranger, il établit une séparation entre pouvoir politique et société tribale, en conséquence, il est un système non représentatif de la société marocaine167(*), composée dans sa majorité par les tribus. Le pouvoir central et ses élites urbaines, usaient de la volonté de la puissance, plus que de l'élitisme pour s'imposer. Les héritiers du pouvoir économique ou politico-administratif, avaient longtemps concurrencé les organes de représentation politique au moment de leur période défensive. Dès qu'ils passaient à l'offensif notamment après la proclamation de l'état d'exception, ils tentaient d'écraser les acteurs sociaux et politiques notamment les syndicats et les partis politiques. Là aussi les élites au pouvoir n'inventent rien. Elles attendent que les conjonctures décident à leur place, leurs membres sont dépourvus de la force de l'initiative. Les événements extérieurs, les forcent à penser et à conceptualiser les problèmes. En plus, l'idée de « syndicat de maison » qui règle les problèmes en famille, est une vieille formule inspirée du paternalisme moralisateur et autoritaire, ils aspirent à ce que cette ancienne technique intervienne à leur place. Tous les héritiers et même les administrateurs l'adoptent au quotidien, sans avoir à passer par des rapports institutionnels entre différents acteurs politiques, syndicaux et sociaux. Les successeurs revendiquent moins le paternalisme que le droit à l'hégémonie. Leur appétit à la domination est si grande, qu'ils prétendent réduire les groupements médiateurs à l'état d'ectoplasme, ils veulent réduire au néant toute idée d'institutionnalisation pour écarter toute tentative d'ascension d'autres groupes inferieurs. La menace des technocrates et des confréries familiales est plus dangereuse. Elle risque, si ce n'est déjà fait, de porter atteinte à l'énergie du social et au dynamisme du politique168(*). Ces groupes au pouvoir, entravent l'institutionnalisation du travail de la société civile et politique.

Paragraphe I : classe politique et la problématique du changement

Le désir irrésistible des élites d'exercer le pouvoir politique, a engendré chez le pouvoir une volonté de régulation du champ politique. Celui-ci tente de diriger la classe politique et confisquer sa décision, pour prévenir tout risque éventuel du changement. Le contrôle de l'espace et son ajustage constituent la pierre angulaire de la stratégie des élites, pour contrecarrer tout changement. Le statuquo est maintenu par le découpage électoral qui, reproduit les mêmes élites, favorise les partis au pouvoir, engendre des institutions qui assurent la continuité et fluidifient l'action politique de l'opposition, la création de la chambre des conseillers fait partie de la stratégie du pouvoir(A). L'aboutissement de ces plans serait l'origine d'une crise des élites au Maroc (B).

A- les ambitions du pouvoir 

Après l'indépendance, on assiste à l'effondrement de l'ancien système d'élites locales chargées de l'administration du territoire. Une bureaucratie bourgeoise, urbaine et moderne lui substitue. Elle a tenté dès le début un plan réformateur, dont l'idée directrice est de détruire le cadre tribal et la cohésion des groupes, et devra s'établir sur la base de rapports de production assurant un contenu économique et social aux solidarités nouvelles169(*). Les hésitations de la monarchie couplées aux ambitions des notables ruraux de récupérer leur ancienne position, ont étouffé cette idée dans l'oeuf. Le découpage des communes intéresse principalement la mise en pratique d'une politique visant le rétablissement des élites rurales intermédiaires. L'adoption du scrutin uninominal majoritaire à un tour pour la désignation des conseillers communaux a été un élément déterminant dans la reconstitution d'un réseau d'élites locales.170(*) Cela en dépit de l'opposition farouche des élites urbaines, qui ont lutté pour le scrutin de liste, seul capable de faire des commune un moyen de reconstruction économique et social171(*). Le roi a réussi à construire une clientèle politique, personnellement attachée à lui dans un système de faveurs et d'obligations. Un régime où tous les biens convoités ne sont jamais mérités ou acquis mais alloués et rétrocédés. Les membres de l'élite vivaient sous la tension et l'inquiétude d'être dépossédée. Elle devenait par conséquent docile et facilement manipulable, et perdait l'initiative, par conséquent le plafond des revendications de la majorité des formations politiques, se rétrécissait et devenait inférieur à celui du pouvoir. Les élites étaient ses vassales et ses complices. Leurs membres ciblent bénéficier des privilèges de l'autorité. Et leur rôle est réduit au soutien des thèses officielles au détriment des intérêts des masses, le politique devient ainsi au service de l'autorité, au lieu de s'aligner du côté des dépossédés pour faire entendre leur revendications. Le Makhzen, après avoir assuré le contrôle du champ politique, passait à la mise en oeuvre de ses politiques, sans craindre l'affrontement de la moindre opinion inverse. Face à cette situation, où le pouvoir devient l'acteur principal, les partis politiques furent constitués sur mesure, ils adoptent des programmes similaires, leurs membres se recrutent sur la base de l'origine familiale et non sur des convictions idéologiques. Ils forment une version nouvelle de tribus politiques172(*). La classe dirigeante au Maroc, est segmentaire, son histoire est celui des divisions, d'alliances, des contre alliances et des luttes. A l'occasion d'une échéance électorale, un ou plusieurs partis, font jour sous l'impulsion du pouvoir. « La fragmentation assure au système sa continuité ainsi que le contrôle des acteurs. Elle est le résultat d'une longue expérience accumulée pendant des siècles. La division de la classe politique, n'est pas la conséquence de la divergence d'objectifs et des idéologies. Mais elle est conditionnée par la lutte autour des postes de leadership et des privilèges procurés par le champ politique. C'est une inspiration des modes de fonctionnement du système tribal et confrérique »173(*). La reproduction des élites, n'est possible que par les scissions à cause de l'absence de la démocratie au sein des partis politiques, les pressions des bases sur les dirigeants partisans, sont réglées par des divisions. Ce qui sèche l'appartenance idéologique de toute substance, la concurrence s'oriente pour recevoir l'aval du pouvoir174(*), au lieu de formuler des thèses incarnant les doléances des masses. La monarchie a réussi à devenir une puissance d'attraction. Sa capacité à attribuer des positions dans la politique, l'économie et l'administration, et à pratiquer un clientélisme tournant et manipulateur, met en concurrence les différents segments cherchant à être reconnus et à prendre part175(*) à la gestion des affaires publiques de l'Etat. La dégradation des ressources d'intégration à mis le pouvoir et ses élites dans la crise.

B- La crise des élites  au pouvoir

Les pratiques des élites au pouvoir et leur attachement inconditionné à leurs intérêts, empêchent toute réforme. Ce qui précipitait leur crise et par ricochet celle de l'Etat. L'annonce par le pouvoir de ses intentions de libéralisation et de démocratisation, ne rend pas compte des dynamiques en cours et informe sur des avancés que des régressions. La vie politique au cours des deux dernières années permet de tirer cinq enseignements, qui sont perçus par la monarchie comme des risques majeurs176(*). Il s'agit du discrédit de la politique, incarné par le faible taux de participation, la résistance des réseaux notabiliaires, l'échec des partis de gauche à assurer le rôle de stabilisateur, l'incapacité des islamistes modérés à gérer le défi Salafiste et extrémiste (l'organisation Aladl Oua Alihsane), et en fin l'inaudibilité du discours réformiste. Ces phénomènes, vécus comme des défaillances du pouvoir, qui tentait un réaménagement du champ politique et une réhabilitation des élites177(*).

En effet, si le pari de la crédibilité des élections semble acquis, le taux de participation faible et l'abstention, permet de déduire que les élites ont échoués à présenter une offre politique attrayante. A cela s'ajoute l'échec de la gauche à se succéder aux notables. Cette déception ne met pas en cause l'expérience d'alternance qui a concouru à la normalisation de la vie politique du pays, comme elle a révélé l'étroitesse des marges de l'action politique et le déséquilibre des pouvoirs entre la monarchie et les partis. Le passage au gouvernement, du parti USFP lui a valu la perte de sa clientèle traditionnelle de la classe moyenne urbaine, pour se rapprocher d'une structure notabiliaire, qui lui a permis de se maintenir dans le monde rural178(*). Le passage du PJD du statut d'un mouvement religieux, à celui d'un parti politique, était à un cout élevé. Le parti islamiste est amené à se livrer à une restructuration au sein de ses rangs, pour maitriser les idéologues notamment les oulémas défenseurs du dogme, de plus, il est contraint à tisser des alliances contre nature, et s'inscrire dans des compromis qui impliquent des réinterprétations des doctrines, en jouant sur un file ténu, entre opportunisme et pragmatisme, par la suite la marginalisation de la base au profit des états majors technocratiques s'avère inévitable179(*). Ces mesures rassurant les adversaires, ont brouillé le message du parti et ont amené à la défection d'une partie de sa base, procédés qui réduit son aptitude à neutraliser le discours Salafiste et Adliste. Les mutations sociales au Maroc, ont amortis le poids des notables. Pour se tenir sur scène, ils s'affilient à des partis de connotations de gauche en sus des formations où ils s'activaient traditionnellement. Cette nouvelle donne, a renforcé les zones de résistances au changement. La classe politique par conséquent manifeste son indifférence voire son hostilité aux projets politiques ou aux choix de sociétés initiés par le pouvoir. L'incapacité ou le refus de la classe politique d'en porter la responsabilité devant l'opinion publique, fragilise la monarchie, et la met au défi de confronter directement les oppositions potentielles, notamment celle des islamistes radicaux. Ce qui constitue un énorme risque dans une société globalement conservatrice180(*). La monarchie a rompu avec ses traditions de soutenir l'ambigüité et l'ambivalence, elle a besoin de relais qui portent le discours réformiste dans la configuration du pouvoir qui refuse la concurrence. C'est ce que l'élite au pouvoir très longtemps entretenu par la monarchie, ne le permet pas. La monarchie a provoqué des leaderships, sans pouvoir en infléchir durablement l'orientation181(*). La dégradation des ressources contrôlées par le pouvoir, épuisées par le développement intense des demandes, ne cesse d'aggraver la crise des élites au pouvoir. Pour parer à cette situation, le pouvoir se réoriente vers la société pour l'encadrer et la transpercer.

Paragraphe II : société civile transpercée

Dans leur lutte pour le pouvoir, les élites ne ménagent aucun effort, ils usent de toutes les formules. Des associations d'intérêts publics fussent crées, elles font apparence de libérer la société civile par son encadrement, alors qu'ils l'ont dévorée et anéantie. Ce sont les hommes hautement placés qui s'érigent en représentants idéologiques des pauvres et des humbles. Et ceux qui se sont faits eux-mêmes à force d'intelligence, deviennent les serviteurs enthousiastes des intérêts les plus héréditaires182(*).

Les élites forment un monde isolé, la puissance de l'argent et de l'autorité prolifèrent les écarts. Affamées du pouvoir, elles s'associent, pour former une unité capable de maitriser la société. En un mot, ils cherchent à contrôler tous les maillons du système général du commandement. En effet, elles monopolisent le champ des libertés publiques non pour créer une dynamique d'intégration sociale, mais pour faire triompher leurs idéaux, leurs valeurs, leurs revendications183(*). En effet, elles se hâtent pour mener la réflexion sur les grands problèmes intéressants la société, et devancer les autres acteurs sociaux concurrents. Il s'agit notamment des thèmes de l'intensité des changements démographiques, de l'exode rural, de l'habitat, de l'urbanisation, du chômage des jeunes, de l'éducation des masses, de la lutte contre les maladies incurables le sida et le cancer. « Ce que veulent ces élites c'est d'ériger la charité en institution, pour tenir les pauvres en otages et les manipuler pour perdurer leur situation privilégiée. Elles ne tiennent jamais compte de ce que veulent les indigents, elles agissent comme si ces individus n'existaient pas »184(*). « La charité telle qu'elle est conçue par les élites, ne résorbe pas la nécessité, au contraire elle ne fait qu'accroitre le nombre de déracinés. Les nécessiteux ont besoin d'une réforme économique et sociale, dont la visée est la réalisation d'une intégration socio-économique des couches déshéritées. La réalisation de cet objectif sera la conséquence d'une politique de mobilisation collective »185(*). Le développement constitue un besoin, une demande sociétale. L'hégémonie de l'hérédité et des héritiers et l'état du statuquo qu'ils ont instauré, produisent des obstacles entravant le développement du pays.

Section2 : l'hérédité et le développement sociétal

De part sa qualité, de système d'encastrement du social dans le politique, l'hérédité lève le paternalisme en dogme. Elle est un précepte général d'autorité et d'exploitation, et symbolise un ensemble structuré de relations sociales et économiques. Elle découle de l'autorité affective irrésistible à la famille patriarcale. Le père sert de modèle de reproduction de cette autorité, à tous les niveaux, où les héritiers tiennent les rennes du pouvoir. Ils inculquent l'obéissance aveugle, l'allégeance, la vassalité et le respect du statuquo. Leur vertu est l'anéantissement de toute contestation sociale sur l'origine du pouvoir des gouvernants et de leur autorité. En contre partie, l'hérédité provoque la formation de reflexes, de peur et d'obéissance186(*). La bourgeoisie des affaires et tous les grands corps de l'Etat, tentent d'assurer leur stabilité et leur pérennité. Leur comportement, génère la dégradation de tout ce qu'il y'a de vif dans la dynamique économique (Paragraphe II) et politique du pays (Paragraphe I).

Paragraphe I : maturation politique étouffée

La montée des technocrates, héréditaires du pouvoir, préside à l'affaiblissement et à la marginalisation des partis politiques. Ils agissent seuls, sans la participation du grand nombre à l'exercice du pouvoir même indirectement. Le problème, c'est qu'ils ne peuvent pas être à la fois au service d'une élite de classe et de la communauté nationale toute entière. Le rôle de la première est économique, celui de la seconde est politique. En confondant les rôles et les idéologies, ils commettent des erreurs de langage, de conception et de stratégie. Pour déstabiliser leurs adversaires, ils prônent la défection et l'émergence des majorités silencieuses187(*).

La défection, c'est la fuite, retraite, désaffectation, retranchement, désertion. Au niveau social et politique, elle se traduit par des mouvements d'abstention de masse, c'est-à-dire de la dépolitisation, de désyndicalisation et de déssocialisation. Il en provient un désintéressement de la part des citoyens et spécialement les jeunes de s'investir, ni dans la vie associative, ni dans les activités politiques et syndicales. Cette auto-marginalisation dérive de l'écart économique et social très grand entre les classes privilégiées et le reste de la population et des chances d'ascension quasiment nulles des non privilégiés. Cette situation crée un sentiment d'aspiration à la rupture avec l'espace d'appartenance, il s'accompagne d'un projet de départ hors des frontières qui, faute de perspectives d'avenir, reflète une tentative d'échapper à la marginalité et une volonté de précipitation. Au Maroc, l'émigration vers l'Europe n'est plus perçue comme un projet économique, mais plutôt un rêve de réalisation de soi188(*).

Au Maroc, les jeunes ne sont attachés à la société que dans la mesure où celle-ci leur apporte ce qu'ils demandent. Dans le cas contraire, ils se défont de l'habitude qui les lie à la loi, à l'autorité et à l'organisation. Mais ils ne cherchent ni à influencer le pouvoir par l'action idéologique, ni par le civisme, ils deviennent passives.

Les élites se servent de toutes les méthodes, de tous les maux de la société pour enraciner des convictions d'obéissance, de servitude voire de passivité, peu importe le sort de la société et celui de son développement. Elles craignent l'ouverture, qui risque de leur faire perdre leurs privilèges. Elles agissent d'une manière qui indique, que l'essentiel pour ces élites, c'est de se maintenir au pouvoir au prix de l'ajournement du développement économique.

Paragraphe II : développement économique manqué

 La modernisation du Maroc, passe par le passage obligé de la territorialité du développement, la propagation du progrès sur l'ensemble du territoire national. La modernité se mesure en terme territorial par une répartition équitable des richesses, une implantation rationnelle des équipements, et un équilibre géoéconomique, faute de quoi le pays se fissure et apparaissent des fractures sociales et économiques189(*). L'idéal des jeunes marocains conçoit un Etat fonctionnaire fort, juste, sécurisant et rentable. Leurs critiques envers le pouvoir se rapportent toujours à l'injustice, à la corruption et à l'insécurité du travail. Ils ne proposent jamais de solution à leurs problèmes. Ils demandent à ce que l'Etat les résout. L'avenir des jeunes au Maroc présentent des signes de graves difficultés, c'est là où réside le terrain sociologique favorable à l'éclosion et à l'expansion de mouvements religieux de caractère fondamentalistes190(*).

Le retrait des masses, présente un signe de désenchantement, mais aussi de contestation absolue, il incarne une menace plus ou moins directe à l'ordre public et l'ordre économique. La dissuasion des masses, s'est révélée par des explosions brèves et barbares, souvent occasionnées par une décision gouvernementale : réduction du budget de l'éducation nationale et de la santé publique, gel des salaires, augmentation des prix des produits de première nécessité, opérations d'assainissement, chômage. Puis en temps normal, la défection s'enlise dans l'implosion, c'est-à-dire par l'effondrement par en dedans, qui est le révélateur du dissensus social. Des affrontements entre pauvres et moins pauvres se multiplient et les secteurs d'activités informels s'accroissent, tels les affrontements entre marchands ambulants et commerçants sédentaires191(*). Cette situation ne met pas en cause la légitimité des classes possédantes, mais elle crée une situation de vulnérabilité sociale. Les démunis sous pression de la nécessité créent un marché parallèle, qui fait vivre plusieurs milliers de chômeurs, cependant il ronge l'économie nationale.

Les entreprises nationales, se voient incapables de liquider leurs marchandises, même à bas prix. Les heures de travail sont réduites, il en résulte une baise de productivité, une dégradation des salaires, voire des licenciements massifs et des faillites en spirale. L'économie nationale souffre, beaucoup d'unités de production ont scellées leur activité du fait du recul de la demande locale à qui s'ajoute le fléau de la contrebande.

Le marché national est envahit par les produits d'importation illicite, à cause de la qualité défaillante des fabriqués marocains. Le consommateur en est conscient. C'est pour cette raison qu'il préfère acheter, même d'une manière illicite les produits en provenance de l'étranger192(*).

Une partie de ces problèmes touchant l'économie nationale, n'aurait pas existé si les élites au pouvoir avaient adopté une méthode favorisant le recrutement sur la base de la compétence et du savoir faire, au lieu des relations familiales, chose qui aboutirait à une conception rationnelle de l'organisation industrielle. De même, il faut que le pouvoir adopte une politique d'insertion professionnelle et sociale des jeunes qui accèdent chaque année au marché du travail, bref il faut lutter contre l'exclusion qui favorise l'avènement des trafiquants susceptible de manipuler des capitaux d'origines douteuses193(*).

L'enjeu du trafic de la contrebande est politique. Avec lui les pouvoirs publics entretiennent des rapports ambigus. Sous l'autorité des héritiers, les illégalités ne semblent épargner aucun groupe social ; chaque catégorie à sa zone de déploiement toléré. Du vendeur ambulant étalant ses produits sur la voie publique sans autorisation jusqu'au haut fonctionnaire détournant les fonds publics, ou au contrebandier, en passant par le patronat qui défigure le droit social, l'attitude est la même : se soustraire à la règle, transgresser les codes, utiliser les procédures parallèles, et trouver son compte dans l'illégalité194(*). L'illégalisme des pauvres qui est nécessaire pour leur survie, semble être la contrepartie de celui des grandes familles qui forment l'élite politico-économique, sur lequel, beaucoup d'entre elles, ont fondé leur enrichissement.

Dans un autre sens, « le cumul des fonctions qui, poussé à l'extrême, engendre des attitudes contraires à la morale traditionnelle. Beaucoup d'hommes occupant plusieurs fonctions à la fois, confondent les affaires publiques et les affaires privées, finissent par affranchir les limites imposées par la séparation de pouvoir »195(*). C'est à alors qu'intervient la corruption comme facteur de compensation du temps, des moyens et des énergies consacrés à la vie publique. Les pouvoirs publics s'abstiennent d'adopter une politique d'éradication, car la corruption et le trafic de contrebande procurent des situations et des ressources financières aux marginaux comme à ceux bien placés. Par l'illégalisme, les marginaux tentent de créer des fronts de contestation de l'ordre social établi, par les héritiers du pouvoir économique et politique.

B-L'économique face aux relations sociales 

Lorsque des individus, se sentent exclus et marginalisés, ils pensent se séparer de la société pour s'adonner à des pratiques illégales. Les liens qui les joignaient aux organisations du pouvoir sont brisés. La société qui constituait l'espoir de tous les individus cesse d'être intégratrice. Des groupes de la société se sentent éloigner les uns des autres, les écarts entre eux se creusent en permanence. Cependant les bureaucrates et les capitalistes, bref les détenteurs du pouvoir, se précipitent pour leur enrichissement personnel. Ils s'arrangent pour discréditer leurs concurrents, pour exclure le débat et consacrer la pensée unique. Ce n'est que lorsque la pression atteint les niveaux les plus extrêmes, qu'ils commencent à se diviser en groupes pour conserver les privilèges ou se doter d'autres moyens pour se maintenir au pouvoir. Leur statut d'héritiers et privilégiés, les placent en permanence hostilité à tout changement, mais ils arrivent parfois qu'ils acquiescent sous la contrainte des mutations internes et externes. Pour se maintenir au pouvoir, ils soutiennent l'idéologie libérale, et encouragent les actions volontaires de nature sociale ou humanitaire, elles sont orientées à empêcher la radicalisation politique des masses196(*). L'épuisement des forces d'attraction, pousse les élites à se servir de la pression sur les groupes organisés qui aspirent accéder au pouvoir. Au fur et à mesure, elles pilotent la répression sur la majorité mal organisée en vue d'étouffer dans l'oeuf toute ébauche de changement. La détermination de l'élite au pouvoir de préserver tous ses privilèges, a engendré une situation où le problème le plus insoluble est celui de l'intégration des jeunes diplômés, l'économie privée ne pouvant les absorber, alors que le secteur de la fonction publique s'avère saturé. Conséquence naturelle de la politique du maintien du statuquo, qui a empêché l'émergence d'une bourgeoisie capitaliste moderne indépendante du pouvoir pouvant contribuer à l'industrialisation du pays. Le même sort a été réservé à une bourgeoisie agraire moderne dont la promotion aurait engendré la modernisation de l'agriculture, ce qui facilitera l'insertion des paysans sans terre dans le circuit économique et éviter à l'Etat les périples d'un exode rural démesuré197(*).

Conclusion :

Les élites marocaines continuent à trop compter sur l'Etat, c'est l'origine de la situation critique actuelle. Le chaos, est global, il est économique, social et politique. Et provient de l'égoïsme poussant chaque segment à tenter de s'emparer seul du pouvoir, avec l'intention de ne laisser aux autres que les débris, tout en gardant à ce qu'aucune initiative radicale, menaçant cette situation, ne soit prise.

La monarchie a voulu garder sa situation privilégiée d'acteur principal face aux partis issus du mouvement national. La bourgeoisie urbaine a hérité l'administration, elle a tenté une politique de modernisation du pays aux frais des notables, grands propriétaires terriens, ceux-ci réfutèrent cette initiative. La monarchie soucieuse des résultats d'une telle démarche, soutenait les notables. Une alliance voit le jour au prix de geler toute politique de modernisation du pays et désamorcer les réformes agricoles. Ces élites se sont emparées des positions économiques, politiques et administratives les plus avantageuses sans ménager aucun effort, pour récupérer les déshérités, dans le circuit économique et politique du pays.

Le pouvoir était essentiellement urbain, au moment où 80% de la population se composait des ruraux. Les citadins n'ont jamais censé intégrer la majorité à participer à la vie publique. Au contraire, après le coup d'Etat manqué de 1970, les élites urbaines s'écriaient « ...non, non à la Siba... ». Ils pensaient qu'il s'agit d'une revanche rurale, du fait que les conspirateurs dans leur majorité étaient berbères, alors qu'en réalité il ne s'agit que d'un résultat du mode de recrutement du protectorat, où les berbères étaient orientés vers les carrières militaires198(*).

Le système politique tenait grâce aux relations de dépendance entre la monarchie et ses clients. Les événements sanglantes de juillet 1970, ont met fin à un régime de rapports où les élites d'opposition essentiellement étaient humiliées ou derrières les barreaux. Par la suite la monarchie tentait une ouverture basée sur une large participation au pouvoir en vue de contrecarrer toute aventure démesurée pouvant mettre tout le système en péril.

En dépit de cela, le malaise social persiste, il existe des exclus pourtant ils ne protestent jamais, bien qu'ils sont en légitimité morale de faire entendre leurs doléances. Les ruraux, les pauvres, les chômeurs, les jeunes, les femmes toutes ces catégories sont hors des calculs des acteurs du système. Le pouvoir manipule l'Etat pour entretenir sa clientèle, le favoritisme, le clientélisme et la corruption forment les soubassements du système. Les incertitudes et l'inquiétude planent en perspectives de l'avenir, la puissance du pouvoir n'est qu'artificielle. N'étant pas sûrs de l'avenir, les avidités pour l'enrichissement immédiat des élites, deviennent illimitées. Ainsi les propriétés foncières, immobilières et commerciales constituent leurs domaines privilégiés. L'investissement industriel à long terme éveille leur crainte199(*).

L'équilibre est rompu du moment où la seule entente, entre les différents niveaux des élites, devient inacceptable. L'ancien équilibre où le makhzen jouait le rôle d'arbitre, marchait dans un contexte socioéconomique marqué par des écarts minimes entre pauvres et riches, au sein de la tribu, la pauvreté n'était pas réellement sentie, l'Amghar n'était qu'un pasteur comme tous les membres du groupe, ce rôle ne lui est accordé que grâce à sa sagesse et non à sa fortune200(*).

Dans le contexte actuel des choses, l'instauration d'un nouvel équilibre s'impose, il est impartial que chaque groupe accède aux ressources de l'Etat et se faire place au sein du système. L'heure est désormais au changement, celle de trop compter sur l'Etat est révolue, pour aplanir le terrain de l'ouverture du système sur la démocratie économique et sociale. Elle est Le seul moyen d'ouvrir le système sur la base de la société, et permettre le partage des postes, comme elle prône le débat des idées, anime le processus de séparation des pouvoirs, pour que l'ascension sociale soit consentie à tous.

La démocratie est une éducation de toute la société, elle est le symbole de la liberté, d'autonomie de solidarité entre les hommes. Il n'y a pas des supérieurs des inférieurs et des égaux, il y'a des différences de classes201(*). Pour se faire, la réforme de l'institution législative s'avère obligatoire. Cette institution est décriée par une majorité des marocains voire par la classe politique elle-même, notamment à cause de certains maux qui la touchent et qui sont devenus désormais bien ancrés dans les représentations collectives des marocains, tels que la non représentation effectives des citoyens, l'incompétence, le vieillissement des députés, l'analphabétisme de leur majorité, la corruption de certains d'entre eux.

Sans ces démarches, il n'y aurait ni démocratie ni développement et le système est condamné à l'échec.

Bibliographie :

I - Ouvrages :

-Madeleine Grawitz et jean leca , Traité de science politique  tome 2, édition Puf, 1985.

- Madeleine Grawitz, jean leca : Traité de science politique  tome 3, édition Puf, 1985.

- Jean Marie Denquin : science politique, édition Puf, 1985.

- Aziz El Maoula Eiraki : des notables, du Makhzen à l'épreuve de la gouvernance, édition L'Harmattan, 2002.

- Ali BENHADDOU : Les élites du Royaume, essai sur l'organisation du pouvoir au Maroc, édition L'Harmattan, 1997.

- Abdellah SAAF : Politique et savoir au Maroc, édition SMER.

- Abdellah SAAF : images politiques du Maroc, éditions OKAD, 1987.

-Bernard Cubertafond : Le système politique marocain, édition L'Harmattan, 1997.

- Driss Basri : L'administration territoriale, édition Bordas 1990.

-Mohamed Ben Lahcen : Moha ou Hamou Zayani : l'ame de la résistance marocaine à la pénétration française dans le moyen Atlas, édition Info-print , 2003.

- Jean Baudouin, Introduction à la science politique, édition Dalloz, 1998.

- Rémy Levau : Le fellah marocain défenseur du trône, édition Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1976.

-Célestin Bouglé : la démocratie devant la science, édition bibliothèque des sciences sociales, 1904, édition électronique réalisée en 2004 par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Canada.

- J.Waterbury : le commandeur des croyants, la monarchie marocaine et son élite, traduction de Catherine Aubin, Presse Universitaire de France, 1975,

-Maurice Duverger : sociologie de la politique, édition Puf,1973.

- Elghazi Fathallah : Alternance et démocratie, édition ,2000.

- Abdelghani Abouhani : Pouvoirs, villes et notabilités locales, édition URBAMA, 2000.

- Lhachemi Berrady, Jean Jacques Regnier, Jean Claude Santucci : la formation des élites politiques maghrebines, édition libraire générale de droit et de jurisprudence, 1973.

- Pierre Vermeren : Ecole, élite et pouvoir au Maroc et en Tunisie au XX siècle, édition Alizés 2002.

- Pierre Vermeren : Histoire du Maroc depuis l'indépendance, éditions La découverte, 2006. 

- Dominique Chagnollaud , science politique : éléments de sociologie politique, édition Dalloz, 2002.

-Faouzi. M. Houroro, sociologie politique coloniale au Maroc , cas de Michaux Bellaire, édition Afrique Orient, 1988.

-Dominique Collas : Sociologie politique, édition Puf, 1993.

- Lahcen Brouksy : Makhzanité et modernité, révolution tranquille d'un roi, édition Elmaarif Eljadida, 2002.

- Lahcen Brouksy : La mémoire du temps, Maroc, pays de l'inachevé, édition Publisud, 2004.

- Michèle Aliot Marie : La décision politique, Attention, une république peut en cacher une autre, éditions PUF, 1983.

-Jean Yves Dorgman et Daniel Mouchard : Introduction à la sociologie politique, éditions deboek, 1998

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II- Thèses et mémoires :

- Ihazrir Abdelmalek, paysans, élites rurales et réforme agricole, thèse d'état en science politique, 1996 inédit.

- ÍãÏ ÌÇá :ÇáäÎÈÉ ÇáÓíÇÓíÉ í ÇáæØä ÇáÚÑÈí ØÑæÍÉ ÏßÊæÑÇå ÊÍÊ ÅÔÑÇ ÌÇá ãÕØì ßáíÉ ÇáÍÞæÞ ÇáÏÇÑ ÇáÈíÖÇÁ ÇáÓäÉ ÇáÌÇãÚíÉ :1999-2000

III- Articles de revues :

- Michel Offerle : usage et usure de l'hérédité en politique, in Revue française de science politique,1993, 43 ème année, n° 5 .

- Gerard Grumberg : acteurs et comportements politiques in cahiers français, 1996, n°276 .

- Guy Brunet : Populations et hérédité à la croisée des pistes, in revue d'histoire des sciences, année 1994, volume 47, n°47.

- j.Waterbury : Thèmes et vocabulaire de la propagande des élites politiques au Maroc, in Pouvoir et administration au Maghreb, édition centre de recherches et d'études sur les sociétés méditerranéennes, année : 1973.

-Mustapha Shimi : Les élites parlementaires : continuité ou renouvellement, in Edification d'un Etat moderne, Le Maroc de Hassan II, ouvrage collectif, éditions Albin Michel, 1986.

- Mohamed Tozy : crise des élites et restructuration du champ politique par le haut, in les cahiers bleus n° 13, P:6.

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Table des matières 

Introduction Erreur ! Signet non défini.

Partie I : l'élite politique au Maroc : le poids de l'hérédité. 18

Chapitre I : différentes composantes et facteurs d'ascension similaires. 20

Section I : les composantes de l'élite 20

Paragraphe I : identification des acteurs politiques. 21

A- le Makhzen et les technocrates de l'Etat : héritage et cooptation 22

B - Partis politiques : les nouvelles zaouïas. 28

a- du religieux et du politique : 29

b- tentative de classification : 33

1- le parti marocain n'est pas un parti de cadres 34

2- Des partis administratifs 37

3- les partis issus du mouvement national 38

C - les notables : un pouvoir d'influencer les règles du jeu politique local 39

a- notables : une assise du protectorat et de la monarchie 40

b- les notables jouent un rôle de stabilisateur 42

Paragraphe II : les acteurs économiques 46

A- les technocrates un acteur dominant l'appareil politico-administratif 47

B- les marchands et le cheminement de nouvelles idées 49

Paragraphe III : les acteurs extra-étatiques 51

1-les oulémas : le poids de la culture 52

2-les chorfas : Une légitimité sur la base de descendance prophétique 53

Section II : similitude des facteurs de l'ascension de l'élite 54

Paragraphe I : le makhzen reproduction des anciennes pratiques 56

A- Des alliances en dehors de l'élite : Une stratégie dangereuse 57

B- Le traditionalisme et rupture de l'institutionnel 59

Paragraphe II : le rôle de la famille pour l'accès à l'élite 60

A- l'ascendance et l'autorité paternaliste socle de l'élite 60

B- l'alliance 61

Paragraphe III : les autres moyens de promotion sociale 62

A- l'ascension et régime de l'Inâam 62

B- leadership et régime du disciple et du maitre 64

Chapitre II : élites parlementaires et ministérielles : une reproduction de la tradition 66

Section I : principes élémentaires de conception 67

Paragraphe 1 : renouveau et continuité 67

A- élite parlementaire : le contrôle de la circulation 68

B- élites ministérielles 69

Paragraphe 2 : changements socioprofessionnels 70

A- les parlementaires et les changements socio-professionnels 71

B - les origines socioprofessionnelles des ministres 72

a- l'âge 72

b- le facteur de l'appartenance géographique 74

c- l'origine sociale 75

Section II : les maux parlementaires et ministériels 76

Paragraphe 1 : institutions vassales du pouvoir 77

A- la problématique des compétences 77

B- Absence de professionnalisation et institutionnalisation 79

Paragraphe 2 : une élite inadaptée 80

A- inadaptation au sein de l'institution 80

B- inadaptation des partis politiques 81

Partie II : Renouvellement de l'élite politique dans la logique de l'hérédité 84

Chapitre 1 : Rotation de l'élite politique : un continuum des traditions 86

Section 1 : contexte politique de l'élitisation 87

Paragraphe1 : immutabilité politique au Maroc 89

A- Des structures constantes 90

B-Stratégies de l'immobilisme 92

Paragraphe II : politique de domestication et limitations des ambitions de la mouvance sociale 94

A- répression et domestication de la société civile 95

B- domestication et concurrence de la société civile 96

Section 2 : l'hérédité et les possibilités de transmission des ressources politiques 97

Paragraphe 1 : l'hérédité : une ressource politique 99

A- L'Héritage politique 100

B- L'héritier  politique 101

Paragraphe2 : possibilités de transmission et de socialisation 103

A- Transmissions héréditaires 104

B- Socialisation des générations en politique 106

Chapitre 2 : l'hérédité et la démocratisation du système, le grand paradoxe 109

Section 1: l'hérédité : un frein à l'institutionnalisation 110

Paragraphe I : classe politique et la problématique du changement 111

A- les ambitions du pouvoir 112

B- La crise des élites  au pouvoir 115

Paragraphe II : société civile transpercée 118

Section2 : l'hérédité et le développement sociétal 119

Paragraphe I : maturation politique étouffée 120

Paragraphe II : développement économique manqué 122

B-L'économique face aux relations sociales 126

Conclusion : 128

Bibliographie : 132

Table des matières 137

* 1 - John Waterbury, «  La légitimité du pouvoir au Maghreb : protestation et pression », AAN, 1977, p.49.

* 2 - Lazarev Grigori, « Changement social et développement dans les campagnes », BESM, n° 109, p. 21, sans date.

* 3 - Pierre Balandier, Anthropos, Paris, PUF, sociologie d'aujourd'hui, chapitre V, p. 216.

La société rurale a été tenue loin des transformations au cours des décennies 60, 70 et 80, mais au cours des vingt dernières années, cette société a connu des changements qui ont atteint ses structures, ainsi que les mentalités des individus, grâce à la généralisation de l'enseignement et la propagation de l'audio-visuel.

* 4 - Rémy Levau, Le fellah marocain défenseur du trône, éditions Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1976, p. 240.

* 5 - John Waterbury, le commandeur des croyants, op. cit, p. 372.

* 6 - Maurice Duverger, Sociologie de la politique, Puf, 1988, p. 166.

* 7 - Maurice Duverger, op.cit, p.165.

* 8 - Ibid, p. 166

* 9 -Jean Paul Chagnalland, Le système politique marocain, L'Harmattan, 1997, p. 93.

* 10 - Célestin Bouglé, la démocratie devant la science, Collection : Bibliothèque des Sciences Sociales n° 21, Paris, 1904, p. 35.

* 11 - Octave Marais, « La classe dirigeante au Maroc », in Revue française de science politique, 14° année, n°4, 1964, p. 718.

* 12 - Ali Benhaddou, Les élites du Royaume, essai sur l'organisation du pouvoir au Maroc, éditions L'Harmattan, 1997, p .216.

* 13 - Ali Benhaddou, Les élites du royaume, op. cit, p. 221.

* 14 -Pierre Vermeren, Histoire du Maroc depuis l'indépendance, éditions la découverte, 2006, p. 3.

* 15 - Octave Marais,  « les classes dirigeante du Maroc », in revue scientifique politique, n° 4, année 1964, p. 719.

* 16 - Remy levau, op. cit, p. 237.

* 17 -Alain Rouquié, « Changement politique et transformation des régimes », in traité de science politique, les régimes politiques, tome 2, éditions PUF, 1985, p. 602.

* 18- Aziz Elmoula iraki , Des notables, du makhzen à l'épreuve de la « gouvernance », préfacé par Mohamed Tozy, éditions L'Harmattan, 2002, p. 8.

* 19 - ?EI C??C?? ??????- ?II? ???? C???E?C? C???C??? ??C??CE ????E ??? ??EE C???C?E ?C??? ?C?? ???E C????? ???C??2011-2012 (U?? ??O??)

* 20 -John Waterbury, le commandeur des croyants, op.cit, p . 104.

* 21 -Grigori Lazarev, « les concessions foncières » A.A.N, 1977, p. 83.

* 22 -Lazarev Grigori, Aspects du capitalisme agraire avant le protectorat, AAN, 1975, p. 60.

* 23 - Driss Ben Ali, le Maroc précolonial, SIMER 1993, p. 13.

* 24 -Abdellah Saâf, Images politiques du Maroc, éditions Okad, 1987, p. 79.

* 25 - Ibid, p. 79.

* 26 - Ignacio Ramonet, « Le Maroc indécis », in le Monde diplomatique, juillet 2000, p.1.

* 27 - John Waterbury, le commandeur des croyants, op.cit, p. 33.

* 28 -Ihazrir Abdelmalek, élite rurale et politique agricole , contribution à l'étude de l'univers politique et social des acteurs, thèse d'Etat en droit public, faculté de droit Marrakech, 1997, p . 103.

* 29 -Laroui Abdellah, Les origines sociales et culturelles du nationalisme marocain, Maspero, 1977, p .16.

* 30 -Bernard Cubertafond, le système politique marocain, l'Harmattan, 1997, p.25

* 31 -John Waterbury : le commandeur des croyants, opt.cit, p.170.

* 32 - Ibid, p. 39.

* 33 - John Waterbury, Le commandeur des croyants, op.cit, p. 312.

* 34 - Ibid, p. 127.

* 35 - Ali Benhaddou, op.cit, p. 116.

* 36 - ibid. p. 117.

* 37 - Pierre Vermeren, la formation des élites marocaines et tunisiennes, La découverte, 2002, p. 201.

* 38 - Ali Benhaddou, op.cit, p. 118.

* 39 -Mohamed Othman Benjelloun, Projet national et identité au Maroc-un essai anthropologique politique, L'Harmattan, 2003, p .206.

* 40 -Aziz El Moula El Iraki, des notables du makhzen à l'épreuve de la gouvernance - L'Harmattan, 2003, p. 16.

* 41 -??? C?I?? C??C??- C??C??E ?C???E?C????C? ?C???C?E ?? C???E?? C?U?E????????C C?O???2001?? 205. -

* 42 - ??? C??????? 209.

* 43 - Faouzi. M. Houroro, Sociologie politique coloniale au Maroc, Afrique Orient, 1988, p.56.

* 44- ? ? 184 - ÍÓä ÞÑäá- ÇáãÌÊãÚ ÇáãÏäí æÇáäÎÈÉ ÇáÓíÇÓíÉ ÅÞÕÇÁ ã ÊßÇãá ÑíÞíÇ ÇáÔÑÞ 2000

* 45 - Abdellah Saaf, images politiques du Maroc, éditions OKAD, 1987, p. 78.

* 46 -Jean Yves Dorgman et Daniel Mochard : introduction à la sociologie politique, éditions de boeck, 2008, p.  109.

* 47 -Troiiv Jean François (sous direction), Maroc : région, pays, territoire, éditions Maisonneuve, 2002, p .74.

* 48 - Abdelkebir Khatibi, Alternance et les partis politiques au Maroc, eddif, 1999, p. 26.

* 49 - Pierre Vermeren, La démocratie impossible, éditions Fayard, 2004, p. 41.

* 50 ? ?? 188 - ÍÓä ÞÑäá- ???? ?CE? -

* 51 - Ali Benhaddou, op.cit, p. 69

* 52 -- ??EI? E?????- C??IE C?????E? C??IC?E C?E?CE?E ???C?E C?E???E C?????E ??C??E ?? I?C?E C???C?CE C??????-??C??E ???C????? C???E C??C???E 2008-2009 ? ?.114.

* 53 -Marais octave, « Le Maroc» in Mendras (Henri), « terre, paysans, et politique», Futurible,T2, 1970, p. 282.

* 54 -Remy Levau, Le fellah marocain défenseur du trône, op.cit, p.8

* 55-??I ???E- C??IEE C??I???E ? C?????E :E?C?? ?? ??? C?I?? ?C?C?E??C?? ???E ?U?? ?II 9? ??28

* 56 - Remy Leveau , Le fellah marocain défenseur du trône, op.cit, p.7

* 57 - Daniel Rivet, Maghreb à l'épreuve de la colonisation, 2002, p. 116.

* 58 - John Waterbury, Le commandeur des croyants..., opt.cit, p. 55.

* 59 - Abdelghani Abouhani, Pouvoirs, villes et notabilités locales, quand les notables font les villes, éditions URBAMA, p. 170.

* 60 -Aziz El Moula El Iraki, des notables du makhzen à l'épreuve..., op.cit, p. 25.

* 61 - Jean Noel Ferrié, Jean Claude Santucci, dispositifs de démocratisation et dispositifs autoritaires en Afrique du Nord, CNRS, éditions A.A.N, 2006, p. 15.

* 62 -Bernard Cubertafond, le système politique marocain, op. cit, p. 25.

* 63 - John Waterbury, le commandeur des croyants..., opt.cit, p. 61.

* 64 - John Waterbury, le commandeur des croyants..., opt.cit, p. 104.

* 65 - Pierre Rosenvallon, la démocratie inachevée, éditions Gallimard, 2000, p. 172.

* 66 -Gille lafuente, Politique berbère de la France et nationalisme marocain, éditions L'Harmattan, 1999, p. 161.

* 67 - John Waterbury, Le commandeur des croyants..., opt.cit, p. 102

* 68 - Jean Marie Denquin, science politique, éditions Puf, 1996, p. 298

* 69 -Ihazrir Abdelmalek, paysans, élites rurales et politique agricole, thèse d'Etat en science politique, 1996, op. cit, p .73.

* 70 - Ali Benhaddou, op.cit, p. 20.

* 71 - ?EI C????? C?????- C??IEE C?C?E?CI?E EC??U?E? ??C? C??C? ?C???C?E? ???E ?U?? ?II 9? ??34?

* 72 - Ali Benhaddou, op.cit, p. 71.

* 73 - Ibid, p. 72.

* 74 -Lhachmi Berrady , la formation des élites maghrébines, LGDJ, 1973, p. 147.

* 75 -Pierre Rosanvallon, le peuple introuvable, Histoire de la représentation démocratique en France, Folio-histoire, 1998.

* 76 - Ali Benhaddou, op. cit, 1997, p. 86.

* 77 - Ali Benhaddou, opt.cit. p. 21.

* 78 -Mohamed Tozy, Monarchie, islam politique au Maroc, Presses de science politique, 1999, p. 103.

* 79 - Lahcen Brouksy, Makhzénité et modernité, révolution tranquille d'un roi, éditions El Maarif El Jadida, Rabat, 2002, p. 112.

* 80 -Ali Benhaddou, op. cit, p. 23.

* 81 - ?EI C????? C?????- ??C?E C??IEE EC??U?E? C??I?? ?C??C? ?C???E ?C???I? ??? C????? ??? C???E? I?CE? ???E ?U? C??II:9? ?:22

* 82 - Ali Benhaddou, opt. cit. p. 27

* 83 -??I ???E- C??IEE C??I???E ?C?????E: E?C?? ?? ??? C?I?? ?C?C?E??C? ??? ??? C????C? IIC? C??I?? ?C?C?E??C?? ???E ?U? ?II 43???E 2010 ?? ?? 30 -

* 84 - J.Waterbury, Le commandeur des croyants..., op.cit, p. 109

* 85 -Octave Marais,  « les classes dirigeante du Maroc », op.cit, p. 709.

* 86 -Michèle Marie Aliote, la décision politique, Attention une république peut en cacher une autre, éditions Puf, 1983, p.96.

* 87-Ibid, p. 94.

* 88 - Ali Benhaddou, op. cit. p. 26.

* 89 -Paul Pascon, Trente de sociologie au Maroc, in BESM, 1997, p. 73.

* 90 - John Waterbury, op. cit, p. 366.

* 91 - Ibid. p. 367.

* 92 -Jean Paul Chagnalland, le Système politique marocain, op. cit, p .128.

* 93 -Claude Palazolli, Le Maroc politique, Sindibad, 1970, p. 87.

* 94 -Brouksy Lachen, La mémoire du temps Maroc, pays de l'inachevé, éditions Publisud 2004, p. 42.

* 95 -Jean Claude Santucci, Chroniques politiques du Maroc, CNRS, 1978, p. 02.

* 96 - ???I ???O?? - C??IEE C?E???C??E ??O?C??E C?E?I?I? ??C??E ????E ?? C?E?I?I ? ???E ?U? ? C??II 9? C???E 2010? ?? 40,

* 97 - Mustapha Shimi, « les élites parlementaires : continuité ou renouvellement », in édification d'un Etat moderne, le Maroc de Hassan II, Albin Michel, 1986, p. 95.

* 98 -. ???I ???O??- C??IEE C?E???C??E ??O?C??E C?E?I?I ? ??C??E ????E ?? C?E?I?I ? ???E ?U?? ???? ?CE? ? ??.41

* 99 - Jean Yves Dormagen et Daniel Mouchard, introduction à la sociologie politique, op.cit, p. 136.

* 100 -Jean Blondel, « gouvernements et exécutifs, parlements et législatifs », in traité de science politique, Tome 2, éditions PUF, 1985.

* 101 -Aziz El Maoula El Iraki, op. cit, p. 7.

* 102 - Bernard Cubertafond, Le système politique marocain, op.cit, p .25.

* 103- Driss Ben Ali, interview in le quotidien Al Massae n° 1758 du 18/05/2012, p. 07.

* 104 -????E C?????I?-C????C? ?? C??UC? C???C?? C??U?E?? 1955-1992? ??E?E C???C? C??I?IE? 2001? ?: 70

* 105 -Lhachmi Berrady, La formation des élites politiques Maghrébines, op.cit, p. 136.

* 106 -?EI C????? ????- ???C? C???? ???I C??CI?? ???E ???E ?U?? C??II 9? C???E 2010? ?: 33

* 107 - Lhachmi Berrady, La formation des élites politiques Maghrébines, op.cit, p. 145.

* 108 - Pierre Vermeren, la formation des élites, op. cit, p. 202.

* 109 -Makhoukhi Abdelhamid, le parlement à l'épreuve de la tradition, thèse d'Etat, droit public, FSJES de Marakech, 1997, p. 63.

* 110 -Lahcen Brouksy, La mémoire du temps, op.cit, p. 35.

* 111 -Ben dorourou Omar, l'exécutif au Maroc.

* 112 -Makhoukhi Abdelhamid, le parlement à l'épreuve de la tradition, thèse d'Etat, op. cit, p. 313.

* 113 -Christophe Charles, les élites de la république, Fayard, 2006, p. 106.

* 114 -Bernard Cubertafond, vie politique au Maroc, op.cit, p. 36.

* 115 - Bernard Cubertafond, vie politique..., op. cit, p : 36.

* 116 - ???E ?U?????? ?CE??? 46, ?E?C? C???C??- ?????CE C??IEE C?E???C??E ?? C??U?E?

* 117 - Bernard Cubertafond, Vie politique..., op. cit, p. 37.

* 118 -Octave Marais et John Waterbury, «  Thèmes et vocabulaire de la propagande des élites », A.A.N, 1969, p. 52.

* 119 - Bernard Cubertafond, Vie politique..., op.cit, p. 37.

* 120 -Jean Claude Santucci, dispositifs de démocratisation..., op.cit, p. 301 et suivant.

* 121 - Dominique Colas, sociologie politique, éditions PUF, 1994, p. 62.

* 122- Christophe Charles, op. cit, p .33.

* 123 -Ali Benhaddou, op.cit, p. 88.

* 124 - Duverger Maurice, sociologie de la politique, éléments de science politique, Puf, 1973. p. 216

* 125 - Maurice Duverger : sociologie de la politique, op.cit, p. 188.

* 126 - John Waterbury, le commandeur des croyants, op. cit. p. 24.

* 127 - Wardi (M), être notable au Maghreb, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, Maisonneuve, 2006, p. 77.

* 128 -Ibid, p. 77.

* 129 - John Waterbury, op. cit. p. 92.

* 130 - Ibid, p. 93.

* 131 - Abdellah Saaf, Images politiques du Maroc, op.cit, p . 77.

* 132 - John Waterbury, commandeur des croyants..., op.cit, p .94.

* 133 -Remy Levau, Le fellah marocain défenseur du trône, op.cit, p. 11.

* 134 -Bernard Cubertafond, Le système politique marocain, op. cit, p. 27.

* 135 - Abdellah Saaf, Images politiques du Maroc, op.cit, p. 80.

* 136 -Karim Guellab, actuellement président du conseil des représentants a été introduit par Mazyane Belfkih au sein du parti Istiqlal, bien qu'il n'a jamais entretenu de relations avec ce parti et en dépit de la contestation des membres de ce parti. (Driss ben Ali, dans une interview avec le quotidien Almassae n° 1758 du 18/05/2012).

* 137 - Driss ben Ali, dans une interview in le quotidien Al massae, n° 1758 du 18-05- 2012.

* 138 -Jean Charles Faladreau, «  des élites traditionnelles aux nouvelles », in revue recherches sociologiques- volume 7 - n° 1-2, 1966, pp 131-145.

* 139 - ?EI C????? C?????- ??C?E C??IEE EC??U?E? ??O??CE I?CE? ???E ?U? C??II:9? ?: 124

* 140 -Abdellah Saaf, « aperçu sur les élites politiques marocaines », in la société civile au Maroc, éditions Maghrebines, 1994, p. 24.

* 141 - Ibid, p. 25. Voir aussi Jean François Bayart « permanence des élites traditionnelles et nouvelles formes du pouvoir », in revue cahiers de la méditerranée, Novembre 1981, p. 74.

* 142 -Offerle Michel, « usage et usure de l'hérédité en politique », in revue française de science politique, 43e année, n° 5, 1993. p. 851.

* 143 - Ali Benhaddou , op. cit, p .95.

* 144 -Offerle Michel, op.cit, p .852.

* 145 - Maurice Duverger, Sociologie de la politique, op.cit, p.164.

* 146 -Offerle Michel, op .cit, p. 852.

* 147 -Ibid, p. 853.

* 148- Offerle Michel, op. cit. p. 852.

* 149 -Ali Benhaddou, op. cit. p. 26

* 150 - Jean François Bayart, «  Permanence des élites traditionnelles et nouvelles formes du pouvoir », op. cit, p. 74.

* 151 - Ali Benhaddou, op. cit. p. 47.

* 152 - Offerle Michel, op. cit, p. 853

* 153- Offerle Michel, op. cit, p. 852.

* 154 - Colette Ysmal, «  Elites et leaders », in Traité de science politique,  Tome 2, éditions Puf, 1985, p. 612.

* 155- Marc Bételès et Martine Segalin, Jeux des familles, Presses CNRS, 1991, p. 25.

* 156 -Jean Louis Briquet, « La tradition en mouvement », in clientélisme et politique en corse, éditions Belin, 1997, p .114.

* 157 - Philippe Garaud, la carrière politique et les maires urbains, L'Harmattan, 1989.

* 158 - Ali Benhaddou, op. cit. p. 85.

* 159 -Marc Bételès et Martine Segalin, Jeux de familles, op.cit, p. 26.

* 160 -Jean Marie Denquin, op.cit, p. 208.

* 161 - Michèle Aliot Marie, op.cit, p .96.

* 162 - Ibid, p : 97.

* 163 - Jean Marie Denquin, op.cit, 1985, p. 211.

* 164 -Mustapha Shimi, « les élites ministérielles et parlementaires » in revue Machrek maghreb, 1989.

* 165 -Georges Lavau et Olivier Duhamel, « La démocratie », in traité de science politique, les régimes politiques contemporains, éditions PUF, 1985, p. 29.

* 166 -Belhassan Elouazani se démarque par la solution qu'il propose pour remédier aux maux marocains : cette issue réside dans l'adhésion du pays à la démocratie, il exige d'accoutumer les marocains aux méthodes démocratiques de gouvernement et d'administration.

* 167 - Faouzi. M. Houroro, op.cit .p. 35.

* 168 -Ali Benhaddou , op. cit. p .128

* 169 - Rémy Levau , op.cit, p. 26.

* 170 - Ibid p. 38.

* 171 -Mehdi ben Barka, « Option révolutionnaire au Maroc, Rapport au secrétariat de l'UNFP avant le 2° congrès, Rabat, Le 1° mai 1962 », in « journal Almounadhil-a », sit internet : http://www.almounadhil-a.info.

* 172 - ?EI C????? C?????- ??C?E C??IEE EC??U?E? ??O??CE I?CE? ???E ?U? C??II:9?? 80

* 173 - Alain Claisse, «le Makhzen d'aujourd'hui» in le Maroc actuel.

* 174- ?EI C????? C?????? ??C?E C??IEE EC??U?E? ???? ?CE??? 90 -

* 175 - Bernard Cubertafond , le système politique marocain, op.cit, p . 135.

* 176 - Tozy Mohamed, « crise des élites et restructuration du champ politique par le haut », in les cahiers bleus n° 13, année 2009, p.6.

* 177 -Alain Claisse et Gérard Cenac (sous la direction) le grand Maghreb : données socio-politiques et facteurs d'intégration des Etats au Maghreb, éditions Economica, 1988, p. 302.

* 178 - Tozy  Mohamed, « crise des élites et restructuration du champ politique ... », op.cit, p. 8.

* 179 -Ibid, p. 9.

* 180 -Ibid, p. 14.

* 181 -Ibid, p. 11.

* 182 - Ali Benhaddou , op. cit. p. 141.

* 183 - Ibid, p. 175.

* 184 -Elias Norbert, la société des individus, éditions Fayard, 1991, p. 3.

* 185 -Cohn Daniel, les infortunes de la prospérité, éditions Julliard, 1994, p. 24.

* 186 - Ali Benhaddou, op. cit, p.177.

* 187 - Ali Benhaddou , op. cit, p . 129.

* 188 -Belguendouz Abdelkrim, « le phénomène migratoire : bilan de 30 ans » in revue PJES, Faculté de droit Rabat, 1991.

* 189 - Lahcen Brouksy , Makhzanité et modernité, révolution tranquille d'un roi, éditions Elmaarif Eljadida, 2002, p . 111.

* 190 -Tozy Mohamed, monarchie et islam politique au Maroc, presses de science politique, 1999.

* 191 - voir Maroc hebdo, n° 116 - Décembre 1993.

* 192 -Le Plan de développement Economique et Social 2000-2004 volume 1, Ministère de la Prévision Economique et du Plan.

* 193 -le même rapport.

* 194 -Abdelghani Abouhani, Pouvoirs, villes et notabilités locales, op. cit, p.166.

* 195 - Pierre Vermeren, Le Maroc en transition, La découverte, collection cahiers libres, 2001, p. 223.

* 196 -Ignace Dalle, Hassan II, 1961-1999, L'espérance trahie, Maisonneuve Larose, 2001, p.320

* 197 -Najib Akesbi et Driss Guerraoui, enjeux agricole, Le Fennec, 1988, p.117.

* 198 -John Waterbury, le commandeur des croyants, op. cit, p. 223.

* 199 - Ali Benhaddou, op.cit, p.218.

* 200 - Lahcen Brouksy, Makhzénité et modernité, op.cit, p.114.

* 201 - Ali Benhaddou, op.cit, p. 222.






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