Introduction:
L'intérêt accordé au sujet des
élites traditionnelles émane de l'immobilisme politique auquel le
régime politique marocain a été condamné par sa
base rurale. En effet, la monarchie renverse ses alliances et s'allie aux
notables ruraux. Ces derniers s'acharnaient contre la politique rurale
amorcée par la bourgeoisie urbaine susceptible de briser leur pouvoir
politique et économique, alors que ces mêmes réformes
créeraient un bouleversement au niveau des structures politiques et
sociales. Ce qui risque de rompre l'équilibre au profit de la
bourgeoisie, et installer un régime où le monarque risque de voir
son rôle réduit jusqu'à devenir symbolique. Pour maintenir
un système marqué par la prépondérance des
élites locales, la monarchie a été amenée à
renoncer au projet de changements profonds annoncés par le mouvement
national, notamment le parti de l'Istiqlal qui ne dissimulait guère ses
intentions hégémoniques. Au début de l'indépendance
les élites rurales, occupaient une position distinguée dans le
champ politique. Elles disposeraient désormais de capitaux
matériels et économiques accumulés pendant la
période coloniale. Il était naturel, que la monarchie contracte
une alliance avec ses élites pour garantir sa suprématie et son
hégémonie politique et faire face aux pressions et ambitions du
mouvement national. Cette union devenait l'ossature du système politique
du pays1(*). Afin de
pérenniser l'hégémonie des élites rurales, le
pouvoir a déployé d'énormes efforts pour maintenir le
statuquo et le conservatisme. En effet le statuquo signifie : «
tenir le temps social d'une société donnée, dans un sens
circulaire, fondé sur la répétition des mêmes actes
sociaux, sans adopter aucun projet sociétal de changement2(*). De surcroit, une
société rurale statique, est inévitablement constante,
réitérative et productive de génération
après génération sans aucun changement manifeste dans ses
structures. C'est une société où les structures
traditionnelles constituent une force d'obstruction de toute nouvelle
transformation3(*). En
effet le statuquo est instauré dans l'espace rurale. Aucune tentative
sérieuse de moderniser le pays n'a été initié au
cours de trois décennies écoulées depuis l'année
1960. La priorité était accordée aux considérations
sécuritaires et politiques, les intermédiaires locaux assuraient
le contrôle de cet espace ainsi que sa population. Ils étaient
dotés par le pouvoir de tous les moyens matériels et financier
pour moderniser leurs propriétés agricoles et assurer leur
prestige social aux yeux des ruraux, au même moment, il a
marginalisé la majorité absolue des ruraux. La monarchie
conservait dès lors la même relation standard ayant
caractérisé les relations du makhzen avec les groupes tribaux au
cours du XIX ème siècle. Ces mêmes rapports ont
été conservés par le protectorat. Pour consolider son
hégémonie sur la scène politique, la monarchie adoptait le
modèle administratif installé par les autorités du
protectorat, celui-ci présente une efficacité de contrôle
des populations et des territoires. Désormais les enjeux des acteurs
politiques et leurs stratégies, opéraient dans un champ
tempéré par le conservatisme et l'invariance.
Dans ce contexte, le pouvoir administratif et
économique passe aux mains de la bourgeoisie urbaine, jouissant d'un
passé nationaliste ou proche du palais. Les membres de l'élite
nationale espéraient que le pouvoir lance sous leur
responsabilité un vaste projet de restructuration de l'économie
et de la société. Mais le maintien de leur situation repose sur
un système d'élites locales dont la composition, le
système de valeurs et d'autorité sont profondément
différents du leur, la monarchie constitue le lien entre les deux
systèmes4(*). Ainsi,
le Maroc se trouvait divisé en deux mondes, l'un représentait la
force de la tradition et l'autre incarnait la volonté du mouvement et du
progrès. Soutenu par le poids de l'histoire le premier univers a pu
s'imposer pendant la période offensive du pouvoir (années 1960).
Un système clientélaire à tête unique qu'est le roi,
s'instaurait dès lors, aucune force n'est autorisée à
s'ériger en pouvoir indépendant. La monarchie n'a rien fait pour
encourager l'apparition d'une bourgeoisie capitaliste ou agraire.
Paradoxalement une concurrence aux avantages fut lancée par le pouvoir,
elle provoquait la désagrégation des formations politiques et
syndicales, qui dépendaient désormais du palais. La gestion
administrative a été confiée à des technocrates
dépolitisés, qui commençaient à s'infiltrer dans
les postes de responsabilités, jusqu'à ce qu'ils devenaient
ministres à la fin des années 1960. Une fois au pouvoir, ils
trufferaient leurs cabinets et les directions de leur ministère de
jeunes technocrates. La mise en place d'un vaste appareil administratif posait
le problème de contrôle de l'exécution de ses programmes.
De même le pouvoir veillait à ce que personne ne restait assez
longtemps dans son poste, pour ne pas acquérir une compétence
suffisante dans son domaine et se servir ensuite de cette situation à
des fins politiques5(*).
L'administration a assuré la bonne marche des rouages de l'Etat,
grâce à la haute formation de ses cadres. Mais sans réussir
à se transformer en une nouvelle classe. Il s'agit d'une
détermination de la monarchie par ce que les fonctionnaires sont issus,
dans leur majorité, de la bourgeoisie citadine, base sociale du parti de
l'Istiqlal. Cette situation était au coût de l'incapacité
du pouvoir à utiliser l'administration comme un moyen de
développement économique.
L'invariance imprègne la vie politique,
économique et sociale. Le pouvoir se porte fidèle de la vieille
formule populaire qui recommande de ne pas sacrifier le vieux au profit du
neuf ! Toutes les institutions traditionnelles étaient maintenues,
la tribu constitue encore une réalité vivante qui provient du
fond des âges, elle n'a pas encore fusionnée dans la
société nationale. A cause de la fermeture du système, des
ilots humains persistent encore hors du circuit du développement et des
populations continuent d'exister repliées sur elles-mêmes.
Le système politique sacrifie ainsi la
modernité, en vue de maintenir le statuquo. Les élites
politiques, économiques et administratives, les partis politiques et
les syndicats étaient tous affectés par ce système. Leurs
membres se lançaient dans une course de privilèges et de la
richesse, et deviennent avides du pouvoir, ils refusent de le quitter, ils
espèrent en faire une affaire familiale. On commence dès lors
à parler de l'hérédité dans les domaines de gestion
des affaires publiques, le pouvoir exerce un attrait sur l'élite. Avant
d'analyser les effets pervers de l'hérédité politique
dans les élites ministérielles et parlementaires, il
s'avère utile de définir théoriquement les notions
d'élites, pouvoir, influence et hérédité.
Le pouvoir est un concept normatif, il définit la
situation de celui qui dans une relation sociale, a le droit d'exiger que les
autres se plient à ses directives, parce que le système des
normes et des valeurs de la collectivité, établit ce droit, et
l'attribue à celui qui s'en prévaut. Pour Robert Dahl le pouvoir
est « un cas spécial d'influence qui implique des pertes
sévères pour qui refuse de s'y conformer »6(*). Le pouvoir constitue un cas
spécial d'exercice d'influence : il s'agit d'un processus affectant
les politiques des autres par le recours à la menace à l'encontre
des récalcitrants.
L'influence, telle qu'elle est utilisée par les
sociologues et les politologues américains, constitue un synonyme de
l'inégalité, ainsi Robert Dahl appelle influence « un
rapport entre des acteurs par lequel l'un d'entre eux amène les autres
à agir autrement qu'ils ne l'auraient fait sans cela »7(*) . L'influence revêt des
formes variées. Parmi eux on distingue un type particulier d'influence
qui est le pouvoir, qui se définit en général par la
coercition, entendue dans le sens d'infliger des sanctions à l'encontre
de ceux qui refusent de se plier à la volonté des
détenteurs du pouvoir. La puissance ou l'influence présente
plusieurs variétés : puissance fondée sur le
prestige et puissance fondée sur la violence.
La contrainte est absente, quand la puissance tient au
prestige, à l'ascendant, c'est-à-dire à une sorte de
supériorité morale quand le leader est obéi à cause
de son prestige. Ainsi l'existence d'un pouvoir, établit des relations
inégalitaires officielles, donnant à certaines personnes le droit
de commander et aux autres l'obligation d'obéir aux premiers. Au sein de
la notion du pouvoir, il faut distinguer entre pouvoir politique et pouvoirs
non politiques.
Le pouvoir politique est le pouvoir souverain, c'est lui qui
décide en dernière analyse, sans être soumis à un
autre, donc sans être limité par un pouvoir
supérieur8(*). De
surcroit deux types du pouvoir peuvent être distingués, l'un tend
à l'organisation et à la régulation d'ensemble de la vie
collective, alors que l'autre s'occupe de la gestion d'un secteur particulier.
L'essentiel c'est que les membres de la société reconnaissent
pour les titulaires du pouvoir, le droit de donner des ordres et des directives
aux autres membres tenus de se conformer et obéir. La désignation
des détenteurs du pouvoir est un acte qui est revêtu d'une
importance, puisqu'elle met en place, les individus investis du pouvoir et
possèdent par conséquent, une influence sur la
société toute entière. Cette opération est
effectuée selon des mécanismes essayés depuis belle
lurette.
Pour gouverner et assumer la responsabilité des
affaires publiques, des qualités sont exigées. Elles ne se
trouvent que chez un petit nombre d'individus, c'est l'élite. Elle est
le groupe de personnes qui dispose de l'influence et du pouvoir au sein d'une
société donnée, c'est un groupe de personnes jouissant de
capacités exceptionnelles, dans un domaine ou plusieurs, et qui ont pu
accéder à la gestion des affaires publiques. Et par
conséquent, ils détiennent le pouvoir politique. Le rôle
de l'élite est double, certains de ses membres se trouvent au centre du
pouvoir, et défendent les attitudes du régime en place, alors
que d'autres s'alignent dans les rangs de l'opposition.
L'élite, occupe une place prépondérante
au sein de la hiérarchie politique, elle a toujours
légitimé le pouvoir, son rôle porte soit sur le soutien et
la préservation du statuquo, ou elle s'active dans l'opposition et
proclame le changement.
Suite à ces deux fonctions contradictoires remplit
à la fois par l'élite, ses membres sont soit rapprochés
du pouvoir, assiégés ou subjugués. L'élite qu'elle
soit gouvernementale ou non gouvernementale, elle constitue, dans les deux
cas, l'ensemble de personnes détenteurs de l'autorité et capables
d'influencer la société9(*).
De la masse montent perpétuellement de nouvelles
élites, celles en place ont le choix de les combattre ou les
intégrer jusqu'à ce qu'elles soient finalement défaites et
remplacées. L'étude de la circulation des élites est
souvent réduite à la fameuse phrase ''L'histoire est un
cimetière d'aristocraties''.
Gaetano Mosca a contribué à la science
politique, en observant que les sociétés primitives sont
gouvernées dans les faits, si ce n'est sous le règne de la loi,
par une minorité numérique. Qu'il a nommé « classe
politique ». Bien que cette théorie soit élitiste, on peut
constater que sa base est différente du pouvoir que détient
l'élite tel que décrit par C. Wright Mills. Contrairement
à ce dernier, et d'autres sociologues plus tard, Gaetano Mosca visait
à développer une théorie universelle de la
société politique, sa théorie de la classe politique
reflète le plus ce dessein.
Néanmoins, la théorie de Gaetano Mosca
était plus démocratique que celle de Pareto puisque dans sa
conception, les élites ne sont pas héréditaires. Des
individus originaires de toutes les classes peuvent accéder à
l'élite. Il a aussi adhéré au concept de « la
circulation des élites » qui est une théorie dialectique de
compétition constante entre les élites, avec un groupe
d'élite remplaçant progressivement un autre à maintes
reprises. La formation des contre-élites lors de l'apparition de
"symptômes de dégénérescence" de la classe
dirigeante lui paraissait être l'élément dynamique de
l'histoire.
Il faut mentionner qu'au cours du XIX siècle, la
littérature de l'hérédité est devenue une toute
puissante notion, elle répond à deux aspirations bien
diverses : à un ancien besoin d'admiration mystique, et à un
besoin nouveau d'explication scientifique.10(*)
Cette idée de l'hérédité a
été abandonnée par la classe politique occidentale. Alors
que les élites marocaines refusent de le faire. En effet la classe
politique constituée au lendemain de l'indépendance à
partir des cadres de l'Istiqlal et des personnalités cautionnées
par Mohamed V reste depuis lors fermée sur elle-même en
dépit de bouleversements superficiels11(*). Mais la rupture avec l'ancienne classe dirigeante du
protectorat n'était pas définitive. Les élites marocaines
originaires d'un petit cercle des grandes familles bourgeoises et des familles
qui ont assurées leur ascension au service du makhzen, poursuivent
l'exercice de leur influence sur tous les champs du pouvoir, leur comportement
traditionnel est resté intact. Les pratiques de l'élite,
demeurent identiques, elles visent un ultime objectif : l'exercice du
pouvoir sans le jamais quitter. Pour ce faire les dirigeants s'agencent dans
des corporatismes familiaux, contractent des coalitions à vocation
d'intérêts et de clientélisme politique. Si les uns
s'organisent en clans familiaux pour résister au changement, les autres
forment les castes au sein de l'Etat, de l'autorité et de
l'économie pour assurer la reproduction de leurs pouvoirs. Les uns se
méfient de l'industrialisation du pays, refusent la
libéralisation du marché et la redistribution des fruits de la
croissance. Les autres freinent la démocratisation des pouvoirs
économiques et politiques, parce qu'elle menace à court, moyen et
long terme leur autorité sur les hommes et les organisations. Les uns et
les autres, s'ils s'opposent à cause de leurs intérêts
contradictoires s'entendent sur le même principe : la
domination12(*). Leur
éducation paternaliste, leur origine sociale et culturelle
homogène, consacrent l'hégémonie de la coalition des
familles au pouvoir. La famille est une notion subjective, qui se
réfère aux traditions ancestrales du gouvernement, basée
sur des rapports de consanguinité, et de mariage issus de l'appartenance
à une grande famille, à une tribu ou des intérêts
communs. Un modèle qui ne préside qu'à
l'épanouissement des affaires restreintes de la famille ou du clan.
Alors que l'autre forme basée sur les relations politiques et
professionnelles, favorise l'intégration sociale, l'ascension des
individus originaires des classes inférieures, aboutit en dernier
ressort à la démocratisation du système. En
réalité, cette idée incarne un véritable besoin
national, du fait qu'il déclenche, l'intégration politique et
sociale débouchant sur le développement économique.
L'amélioration de la situation économique, réduit les
inégalités entre les couches sociales, ce qui permet la
diminution des tensions entre différentes composantes de la
société. La démocratie n'est pas seulement un ensemble de
règles, de procédures et d'institutions. Elle est aussi une
éducation et une culture, c'est-à-dire un ensemble de relations
d'échange d'idées et de valeurs13(*). Les élites au pouvoir réfutent cette
culture, car elle diminue leur pouvoir. En contre partie, elles luttent pour
légitimer l'hérédité des postes et positions. Leurs
membres méprisent la compétence et les classes
inférieures.
La demande démocratique au Maroc est une constante de
la vie politique, cela signifie qu'il existe dans l'identité collective
une énergie démocratique potentielle. Mais cette revendication
n'a jamais été réellement entendue. En effet, la courte
durée du protectorat avait instillé des ferments encore mal
digérés de modernisation économique et politique. La
société demeurait largement tribale, rurale et rebelle à
une autorité centrale que le protectorat n'avait pu faire respecter que
par la force. La bourgeoisie économique était avide de
récupérer les positions des colons, sans envisager d'en partager
les fruits avec le reste de la population. Si le nationalisme de l'Istiqlal a
su un moment fédérer les énergies contre la puissance
protectrice, une fois celle-ci défaite, les mouvements centrifuges
reprirent de plus belle14(*). Les conflits de l'indépendance, trouvaient
leur fondement dans l'héritage d'avant le protectorat. Il s'est
avéré que le protectorat a instauré une stabilité
forcée au profit du sultan et de l'appareil makhzen de l'Etat. Le
problème de la modernisation du pays a été posé
à la classe politique. Au premier abord, la bourgeoisie a tenté
d'utiliser la bureaucratie pour dominer les autres secteurs de la
société, et les enrôler pour contribuer à l'effort
de modernisation, en récupérant certaines allures
libérales de la politique du protectorat. La monarchie ne pouvait pas
s'opposer à ces initiatives, elle risquait d'être
marginalisée. Ce n'est que lorsque la paysannerie rurale s'opposait aux
projets de la bureaucratie que le roi s'imposait comme intermédiaire
auprès des notables, et reprend sa place dominante dans le
système politique. Le roi réhabilitait les notables de leur
présomption de complicité et de conspiration contre la monarchie.
En retour ceux-ci garantiraient au monarque, le soutien politique des ruraux.
S'instaure dès lors, un équilibre instable, les grands projets
d'industrialisation fussent abandonnés par la monarchie. De même
cette institution soutenait les grands propriétaires terriens qui ont
refusé de faire frais de ces réformes projetées par la
bureaucratie bourgeoise, elle supposait que l'industrialisation aurait rompu
l'équilibre du régime en faveur de la bourgeoisie. Pourtant ce
dernier groupe maintenait encore ses rapports avec la monarchie, car il
craignait un prolétariat urbain menaçant son
hégémonie, comme il souhaitait volontiers à l'image du
protectorat, maintenir très haut le prestige du roi pour faire accepter
son autorité15(*).
L'intervention des notables a aboutit à un immobilisme politique,
où la monarchie se présente comme la clef de voute du
système. Un groupe favorise le statuquo, il rassemble toute la
bannière traditionaliste, aussi bien les notables ruraux que la petite
bourgeoisie et le vieux makhzen renforcé par diverses catégories
de bigots de l'islam16(*).
Pour perdurer la prépondérance des ces
alliés, dont les élites locales constituent le centre de
gravité, la monarchie renonçait aux changements profonds, et
tenta tout les remèdes pour se maintenir au pouvoir. Ainsi
l'industrialisation, la réforme agraire, la compétence,
l'intégration, le libéralisme politique et économique
fussent confinés. Le népotisme, le clientélisme,
l'allégeance, l'hérédité, l'économie de
rente deviennent les termes les plus usités.
L'élite se renferme sur elle et plonge dans l'autarcie,
aucun changement en dehors du groupe au pouvoir n'est toléré. La
classe dirigeante au Maroc, retourne à son ancien style de
dévolution des postes et positions à leur progéniture. Il
est naturel qu'au sein d'un système adoptant un style d'Etat ancestral,
qu'il serait inéluctable de faire recours à
l'hérédité politique, comme un procédé
permettant d'assurer la continuité du makhzen et ses alliés,
dans la direction des affaires politiques et économiques de l'Etat. Les
élites parviennent à maitriser la situation politique à la
base, les assises de leur pouvoir sont fondées autant, sur les liens de
parenté que sur les relations clientélaires. C'est pour cette
raison qu'on assiste, depuis l'indépendance, à un retard de
l'évolution du pays vers une modernisation politique et
économique. Le régime est condamné à l'inertie
politique.
Le régime politique comme n'importe quel organisme
change continuellement, pour s'adapter à l'évolution et aux
mutations de leur environnement17(*). Au Maroc, l'hérédité constitue
un moyen de reproduction politique et social. Le renouvellement des
élites, mesure la capacité d'un régime à
s'accommoder au changement social et à la conjoncture, il est essentiel
pour son équilibre. La stabilité politique n'était qu'une
stabilité forcée, basée sur la maintenance des niveaux
assez élevés des tensions entre les différents groupes,
pour éviter leur coalition contre le roi. En revanche, il n'est pas
toléré qu'il atteigne un niveau qui menace la survie du
système. L'hérédité de ce fait constitue une
situation du fait sinon du droit, dans le système politique marocain.
Quel est l'impact de cette situation sur la démocratie ? Est ce
qu'elle n'entrave pas la démocratisation du système, ainsi que
l'émergence des compétences en provenance des différentes
couches de la société ? Le temps n'est il pas opportun de
substituer à la question classique comment l'Etat construit ses
élites à celle de comment les élites forment
l'Etat ?
Pour analyser le système politique marocain, il est
fondamental de le concevoir à partir des postures des acteurs
contribuant à sa dynamique, en l'occurrence la monarchie, les partis
politiques, les institutions et de la société civile. Il faut
mettre l'accent sur tous les acteurs, sans outrepasser l'action d'aucun parmi
eux, car ils sont liés par des relations d'interdépendance,
agissant sur leur comportement politique. La monarchie, les partis, les
institutions gouvernementales, les technocrates, les islamistes, les marxistes,
les amazighs, tous ces acteurs ont contribué à l'action
politique et tous revendiquent actuellement un système
démocratique dont chacun en a sa propre conception.
Certes, la société est en permanence mouvement,
on assiste ailleurs à un changement de taille de l'élite du fait
de la poussée démographique , la diversification et la
multiplication des positions de pouvoir, ainsi que la déruralisation, le
rajeunissement et l'élévation du niveau d'instruction18(*). La démocratisation du
système s'impose dans tous les discours. En effet la démocratie
avant tout, est une lutte pour l'ouverture du système, cette
rivalité est susceptible de promouvoir l'égalité et la
justice sociale. Elle préside enfin au développement
économique. Mais les héritiers, encouragent la passivité,
entretiennent le manque d'initiative, d'innovation et de compétition,
incitent le repli sur soi, le respect du traditionalisme, inculquent la crainte
de la coopération, de la solidarité, du renouveau et de la
modernisation. En contre partie ils s'accordent sur un seul lobby, amasser des
fortunes énormes sans fournir aucun effort. Le maintien de la
pauvreté, pérennise leur prospérité, pour cela, ils
abandonnent l'élaboration des plans de développement à
long terme. Les héritiers rejettent la démocratie, elle menace
leur statut. De ce fait, l'étude des relations entretenues entre
l'hérédité et la démocratie revêt une
importance d'envergure dans la mesure où elle permet de s'interroger sur
le poids de l'hérédité au sein l'élite politique du
Maroc (Partie I) et comment elles s'organisent pour
conquérir le pouvoir, quel est le rôle de la famille, et quelle
est l'importance de la socialisation politique de l'ascendance.
Le pouvoir est libéral en ce qui concerne la
nomination dans des postes contingents de députés, alors que le
choix des personnalités aux postes de ministres éveille la
méfiance des cercles du pouvoir. Les élites se montrent
très réservées, ce qui permet de se demander sur les
impacts de l'hérédité, en tant que moyens de
renouvellement des élites, sur la démocratie et la vie
institutionnelle du pays (Partie II), les institutions
démocratiques demeurent incapables de remplir pleinement leur mission,
des défaillances sont relevées au niveau des compétences
et du personnel. Impératifs qui augmentent les pouvoirs des
héritiers, et portent préjudices à tout ébauche
démocratique.
Partie I : l'élite politique au Maroc : le
poids de l'hérédité.
L'élite politique est une minorité qui
détient toutes les potentialités, lui permettant d'influencer la
masse. Dans chaque société qu'elle que soit son degré de
développement, il y'a une élite qui gouverne et une
majorité gouvernée. De nombreux travaux sociologiques ont
été consacrés aux élites et leur reproduction. En
outre une pléthore de spécialistes, s'est
intéressée à leurs études. Des sociologues
élitistes, tels Mosca, qualifié de conservateur ; et
Robert Michels classé, parmi les socialistes
révolutionnaires, ont manifesté un regain d'intérêt
à la théorie des élites. Cela suffirait à
démontrer qu'il ne s'agit pas d'une doctrine orientée à
droite ou à gauche. Au contraire, on est face à une
réalité politique et sociologique, observée au niveau de
chaque société, quel que soit son degré de
civilisation19(*).
L'étude des élites revêt une importance
non équivoque, vu le rôle qu'elles sont appelées à
jouer, à savoir la monopolisation et l'exercice du pouvoir politique.
Chaque société produit sa propre élite, suivant des
mécanismes d'ascension sociale. Elle est tributaire de ses fondements
socio-historiques et culturels. Le nombre des familles
prépondérantes est déterminé par le dynamisme de la
vie politique. Dans le contexte marocain marqué par des
inégalités sociales, économiques, régionales et
culturelles, il est difficile d'utiliser le terme «
élite politique ». Si une définition universellement
reconnue de ce terme n'est pas encore réalisée, Raymond Aron
invoque celui des « minorités
stratégiques ». Il s'agit d'individus placés dans des
positions stratégiques dans un moment de l'histoire du pays. Ces
minorités détiennent le pouvoir, non seulement dans leurs
domaines d'activités, mais aussi dans celui de la gestion des affaires
de l'Etat. Au Maroc, des grandes familles bourgeoises, possédant des
expériences dans l'administration et le commerce qui, dans leur
majorité originaires de Fès, ont pu accéder au
système d'enseignement élitiste du protectorat. Certains de leurs
descendants étaient recrutés dans des postes administratifs
alors que les autres issus des familles des notables ruraux, intègrent
l'armée française. Ils se familiarisent avec les rouages de
l'administration française. Après 1956, ils ont
hérité l'autorité administrative et militaire20(*). Ces privilégiés
sont membres des grandes familles, qui se répartissent en quatre
groupes. Les familles des notables ensuite les familles makhzen, les familles
commerçantes et les familles religieuses. Elles fournissaient des cadres
à la bureaucratie makhzen, des militants au sein des partis politiques,
des intellectuels, des officiers de l'armée, des oulémas et
cheikh des zaouïas. Leurs tactiques d'ascension sociale sont identiques,
bien que ces groupes proviennent d'origines diversifiées.
Chapitre I : différentes composantes et facteurs
d'ascension similaires.
L'élite a la responsabilité de gérer les
affaires vitales de la société, comme elle assure la marche des
affaires étatiques. Vu son importance, cette mission devrait être
assurée par des individus, minutieusement sélectionnés. De
par sa situation dominante dans le système politique marocain, le
makhzen assure et garantit la continuité des anciennes familles qui
l'ont servi depuis des années voire des siècles. Sa
pérennité est liée à leur prospérité
de ces familles. Ils tendent tous les deux à garder le statu quo.
Section I : les composantes de
l'élite
Avant 1912, seuls le makhzen et une petite frange de la
bourgeoisie urbaine, entretenaient des relations avec l'étranger, au
moment où le reste du pays plongeait dans l'anarchie, le tribalisme et
l'ignorance21(*). Cette
minorité se composait des commerçants issus des familles
bourgeoises installées au Maroc, suite aux flues d'émigrations de
l'Andalousie. Etablis à Fès, Tétouan, Meknès ou
Salé, ils se livraient à l'artisanat et au commerce.
Préservaient en outre des traditions de culture et du savoir, ils
assuraient l'écoulement à l'intérieur du pays de produits
d'importation tels les vêtements, le thé et le sucre, comme ils
acquièrent d'autres marchandises pour l'exportation (cuir, laine...).
Installées dans des villes menacées en permanence par les tribus,
ils étaient au service du makhzen. Une classe commerciale a
émergé et devint une force économique et sociale. Le
makhzen parvient à l'intégrer au sein de ses structures
politiques et administratives. En effet ces commerçants assumaient les
missions de la gestion civile et les fonctions commerciales, consulaires,
administration des douanes, habous et les ports22(*). Ils escomptaient assurer, et
leur sécurité et la marche de leurs affaires. Ils n'ont jamais
songé rivaliser avec le pouvoir central. Grace à
l'hérédité de la fortune, l'administration et le savoir
faire, des dynasties bourgeoises se sont formées au Maroc23(*). Depuis l'indépendance,
les membres de ces familles dirigent les organisations stratégiques du
pouvoir, ils ne les ont plus quittés. Qui sont-ils ? Leur
identification s'avère indispensable.
Paragraphe I : identification des acteurs politiques.
La société marocaine, du haut en bas, de part en
part, est immuable. L'invariance imprégnerait tant les structures en
place que les stratégies qui s'y déploient24(*). Le pouvoir monarchique
reproduit toutes les vieilles structures et des procédés
séculaires. L'hérédité des postes et des positions
assure la reproduction de ces pratiques ainsi que la continuité des
structures archaïques. J.Waterbury remarque que les groupes de
l'élite marocaine (groupes primordiaux, tribus, régions, villes,
quartiers, familles, partis politiques, syndicats...) développeraient
des conduites similaires à celles des tribus organisées selon les
principes segmentaires25(*). En effet la tension permanente et la violence
constituent les traits caractéristiques de la scène politique
marocaine, cette situation engendre la stagnation, l'immobilité et le
conservatisme politique. Le makhzen, ancienne structure dominante,
défend les technocrates apolitique pour se maintenir dans sa position.
Les partis politiques encadrent les élites urbaines. Alors que les
notables n'ont jamais été fidèles qu'à leurs
intérêts. Tenant compte de cette réalité, le pouvoir
veille à la diversification de ses assises et entretient les
technocrates qui, sous l'impulsion du makhzen s'emparent des appareils de
l'Etat.
A-
le Makhzen et les technocrates de l'Etat : héritage et
cooptation
Le makhzen c'est « la structure
politico-administrative sur laquelle repose le pouvoir au Maroc, elle est
faite de soumission, de rituels, de cérémonies, de traditions;
une conception spécifique de l'autorité qui imprègne
l'ensemble de la classe politique et dont la pièce maîtresse est
le roi »26(*).
Elle désigne, les réseaux traditionnels liés au Palais,
et qui concurrencent les circuits étatiques modernes, quand ils
deviennent incapables de les anéantir ou de bloquer leurs
activités. Il existe un makhzen économique qui se moque des
règles de la concurrence; un makhzen politique où fleurissent les
partis sans militants, les députés sans électeurs, bref le
makhzen a tenté de contrôler la vie politique du pays. Il est le
fruit d'une communauté qui se définit comme telle, à un
moment de son histoire, jouit de ce fait d'une légitimité
historique et ancrée dans l'imaginaire collectif, qui lui reconnait la
représentation de l'identité nationale et le monopole des
symboles religieux. Au Maroc, une tentative de rationalisation de l'exercice du
pouvoir via la création d'une administration moderne sans rompre avec
les pratiques héritées du passé, a été
amorcée.
En effet, les structures traditionnelles de la
société marocaine marquent le comportement des élites
politiques actuelles.27(*)
Le rôle du makhzen a été transformé par le
protectorat, bien que l'essence de son hégémonie fût
laissé intacte, suivant l'assertion célèbre de
Léauty « pacifier sans aigrir et organiser sans
briser »28(*).
En effet le makhzen est un style de gouvernement enraciné dans la
société marocaine. Jusqu'en 1912, le régime fondé
par le sultan Molay Ismaïl au XVII siècle n'a subi que peu
d'amendement. L'essentiel des taches de son administration est la collecte des
impôts en nature et en espèces. D'où son nom Makhzen qui
veut dire littéralement : « entrepôt ».
Pour étendre son autorité, le sultan déploie des
stratégies différentes envers les tribus29(*). En effet les tribus tenaient
un rôle de premier ordre sur le plan politique. Le pays était
divisé en bled Siba qui ne reconnaît qu'un certain pouvoir
religieux du sultan, et bled Makhzen, zone totalement soumise au pouvoir
central. Cette situation a perduré jusqu'à l'arrivée du
protectorat, qui a pu mettre fin à ce système, au moment
où le makhzen a inscrit un échec flagrant pendant des
siècles à soumettre les tribus dissidentes. Le pouvoir central
n'a jamais disposé de la force militaire, pour pouvoir écraser
les tribus en permanente rébellion. Il a toujours joint la guerre
à l'alliance, devenues une stratégie permanente. Il lui fallait
entre deux compagnes militaires, se lancer dans une politique d'alliance. Une
dialectique d'opposition momentanée et de transaction de rejets
violents et d'appels réciproques30(*). Le Makhzen est incapable de guerroyer tout le temps
comme les tribus qui étaient incapables de faire face au pouvoir
central. Cette situation est l'apanage de dispersion des groupes et
d'intérêts. Les sultans ont toujours
bénéficié de la segmentation de la société
marocaine divisée en segments antagonistes et équilibrés
par des tensions et rivalités. L'institution monarchique ne tenait pas
sérieusement à les résoudre. La souplesse du sultan est
flagrante de manière à ce qu'avait écrit John Waterbury
« ce régime ne tranche ni les têtes, ni les
problèmes31(*) ». Le pouvoir n'ôte pas les
têtes par ce qu'ils peuvent appartenir à des futurs
alliés, alors que les problèmes demeurent nécessaires pour
qu'il exerce son rôle avantageux d'arbitre. La monarchie a mis en oeuvre
l'adage : « diviser pour survivre » pour contre
carrer certaines aspirations politiques, qui tentaient de réduire sa
place à un rôle symbolique ou à celui d'un Amghar
traditionnel.
Historiquement, les tribus Guich procuraient la
majorité du personnel militaire et administratif, les autres fonctions
nécessitant des connaissances spéciales revenaient aux bourgeois
citadins. Ces familles étaient au service du makhzen durant des
années voire des siècles, de ce fait leurs missions tendaient
souvent à devenir héréditaires. Après
l'indépendance, la monarchie marocaine, menait une politique
dominée par le maintien et la consolidation de l'autorité du
makhzen. Celui-ci déploie des tactiques afin de contrôler,
domestiquer et limiter les ambitions des partis politiques. Légataire
d'un double héritage: celui du passé avec ses coutumes
séculaires 32(*)d'organisation du pouvoir et celui du protectorat,
incarné dans une infrastructure complexe qui ne fut jamais
complètement acceptée par ses héritiers ni adaptée
à leur besoin. La monarchie fondait son pouvoir sur des assises
religieuses, idéologiques et démagogiques.
Après avoir surmonté la période
défensive de 1955 à 1960, le roi récupère le
monopole de la distribution des avantages politiques et matériels du
pouvoir, ce qui lui facilite la manipulation de l'élite, et lui permet
de plus de contrôler effectivement l'administration33(*). Celle-ci devient son
principal instrument du gouvernement. Le monarque ouvre les portes de la haute
fonction publique et supervise les activités de ceux qu'il y fait
entrer. En effet occuper une place prépondérante dans
l'administration constitue un garant d'allégeance à la monarchie.
Au temps du makhzen, la bourgeoisie avait participé à la gestion
des affaires publiques. Le sultan faisait souvent appel aux compétences
des commerçants, à leur connaissance de l'étranger et il
leur confiait des missions diplomatiques et les chargeait des finances de
l'Etat. La bourgeoisie citadine a continué après
l'indépendance, à dominer ces deux sphères
administratives34(*). La
classe dirigeante économique doit sa prospérité aussi bien
à la position privilégiée au sein de l'administration,
qu'a ses affaires qui, dépendent beaucoup de la protection du
gouvernement. Pendant la période offensive, la monarchie a pu
écarter les partis politiques, et les technocrates accèdent au
pouvoir dans un climat marqué par l'incapacité de la bourgeoisie
d'affaires à développer une idéologie économique
de production. Ils contrôlent désormais toutes les
institutions35(*). Ils
sont partout, sauf là où ils devaient être aux commandes
des affaires techniques ou technologiques36(*). Les technocrates sont aussi des héritiers de
la fortune et des positions, formés par l'Etat pour seconder les
confréries des grandes familles. Préparés à ces
taches, ils n'ont jamais été politisés, ni manifester une
quelconque opposition, ils sont seulement initiés à
développer l'idée de collaboration avec le pouvoir37(*).
Les technocrates une fois établis au pouvoir,
conservent les mêmes rapports persévérants avec leurs
camarades de classe ou de la fonction publique. Sans oublier leur famille,
elles aussi portées au niveau des responsabilités par la
cooptation ou l'héritage. C'est dans cette chaine de complicité,
de fidélités et de mansuétudes que les affaires publiques
sont gérées, entrainés dans le réseau des grandes
familles et dans la mouvance de l'idéologie bureaucratique, les
technocrates se livraient à la défense des intérêts
des groupes les plus dominants. Une dépendance mutuelle entre les
technocrates et le makhzen faisait jour. Ce dernier se servait d'eux pour
dresser l'élite politique insaisissable, les technocrates, ont besoins
du pouvoir pour se maintenir dans leurs positions. A l'instar de tout les
héritiers, le pouvoir absolu devient leur ultime finalité, ils ne
pensent ni au développement ni à la libéralisation
économique. Ils cherchent seulement, à défendre leurs
intérêts qui, la prospérité économique et le
pouvoir furent une fin. Ils sont habitués à diriger sans partage
ni persécution, faire des promesses sans être capables de les
tenir, ils ont du mal à se défaire de ces habitudes,
désormais partie intégrante de leur culture du pouvoir. Le
makhzen a émergé et consolidé le pouvoir des
technocrates, ils deviennent la pierre angulaire du système. Ils
occupent une position de pouvoir faire entendre leur manière de
gérer les affaires publiques, ils parviennent à consolider leur
position économique afin de soutenir leur rôle
politique38(*).
B - Partis politiques : les nouvelles
zaouïas.
Au Maroc, l'apparition du parti au sens moderne du terme est
liée à la période coloniale, leur apparition a
été imposée par les exigences de la lutte contre le
protectorat Français. Le premier parti a fait jour en 1937
intitulé « le parti national » avant de se
transformer au « parti de l'Istiqlal »(1943). Bien que la
naissance du phénomène partisan soit liée à
l'occident, le parti politique marocain est resté prisonnier de
l'héritage traditionnel caractérisant la société.
L'anatomie des partis politiques au Maroc, révèle des
étendues de la tribu et de la zaouïa. En effet, toute formation
politique, reste insusceptible de se former en dehors des valeurs
inculquées par les zaouïas durant des siècles,
aucune institution n'est capable de se libérer de l'influence de ces
formes, qui ont transpercé la société marocaine. Cette
hypothèse est justifiée par les termes et de pratiques
adoptés par les partis, importés des zaouïas et
confréries. Le parti bien qu'il se prétend politiquement moderne,
reste soumis aux relations de parenté, le choix du leader du parti
obéit aux mêmes conditions de réunions de la tribu
confirmant la suprématie du chef39(*). La procédure du vote est sacrifiée au
profit de l'unanimité et l'applaudissement. Le lexique des formations
politiques trouve ses fondements dans celui de zaouïas.
a- du religieux et du politique :
Les partis politiques nationalistes étaient contraints
de recourir à la discrétion sous le protectorat. Naturellement,
les mosquées étaient des lieux de rencontre et de mobilisation
des citoyens. Leur situation privilégiée ainsi que, les
conditions de l'action politique ont consolidé l'idée les
considérant, un prolongement de l'organisation confrérique. Cette
instance politique occupait les mêmes lieux, et adoptait une organisation
hiérarchique, ainsi le leader du parti jouit d'un rang
social similaire à celui du cheikh de la zaouïa. Les partis
politiques au Maroc ont emprunté beaucoup de symboles relevant du champ
religieux, il s'agit principalement de :
La terminologie utilisée par l'élite, confirme
son identité musulmane comme elle réincarne des attitudes
révélées dans l'histoire. Bref, vivre le passé dans
le présent. C'est une détermination à renouer les liens
entre un passé lointain et le présent, pour rappeler l'âge
d'or de l'islam. Ainsi, les leaders politiques désignaient pour eux des
surnoms islamiques, leur dessein est de légitimer leur présence
au sein des structures de la société marocaine et annoncer leur
retour à la profondeur culturelle du Maroc. Le réveil du
religieux a conféré à ces personnalités, une vogue
symbolique et une renommée religieuse plus que politique.
L'espace religieux était le milieu d'action des partis
du mouvement national. La ville de Fès, avec sa profondeur spirituelle,
était un espace principal de l'action des nationalistes. Elle
était une capitale religieuse (Al Quaruiyine), politique et
économique (existence de commerçants, artisans et intellectuels).
Tous ces éléments intensifiaient, son influence sur tout le
territoire marocain. La mosquée à Fès jouait un rôle
unificateur comme elle encadrait les pieux qui la fréquentaient. Toutes
les manifestations dénonçant le protectorat sont sorties de la
mosquée. Elle était l'endroit principal de la protestation.
L'espace détermine la nature de l'élite nationale, les
réunions au sein de la mosquée, renferment le discours politique
dans une locution dévote, qui s'assimile elle aussi le sacré
déterminant le religieux. Les édifices de culte ont
conféré à ces activités, un aspect sacré,
décliné du caractère religieux des lieux de leur exercice.
Si les écoles ont remplacé les zaouïas, l'espace est
resté intact, seules les personnes ont changé. « Au
lieu du cheikh, on trouve l'homme de politique et le disciple est
remplacé par l'élève. Par conséquent l'espace
impose des types de relations spéciales, le changement des personnes ne
modifie point la relation agencée par les lieux »40(*). La limitation de la conduite
politique de l'élite marocaine dans des espaces religieux, l'a
vénérée de sacralité. Ce qui impose à cette
élite de renouer avec un profond social, duquel elle
tentait de se soustraire, c'est le profond politico-religieux de la
société marocaine41(*).
Sur le plan de la lutte politique, la religion a marqué
une présence via les moyens de pression
utilisés par l'élite nationale. Ainsi en sus des
mémorandums, requêtes et rencontres, l'élite nationale a
mené une campagne pour le boycott des vins, cigarettes et
vêtements modernes. Il s'agit d'un moyen de pression économique et
politique utilisé contre les autorités du protectorat. De plus
l'élite a été amenée à raviver
l'ascétisme qui trouve son fondement dans les discours des zaouïas
et celui du çoufisme. Cet acte avait un effet positif, il avait
apaisé la tension entre l'élite et les zaouïas, du
même qu'il a transformé les hommes politiques à des
symboles religieux.
La politique de rétrécissement appliquée
par le protectorat, a renforcé les réseaux de communication orale
des renseignements, comme moyen d'acheminement de l'information. Excepte le
journal, on trouve la zaouïa, la mosquée, les funérailles
et les prêches religieuses. L'élite marocaine a rempli un
échec quant a sa libération du discours religieux, et ses
pratiques enracinés dans la culture traditionnelle des marocains.
Facteur qui a entravé son processus de modernisation42(*).
En effet l'approche assimilant, le parti à la
zaouïa a rencontré un triomphe flagrant. La confrérie a
été qualifiée, par Michaux Bellaire de véritable
organisme vivant du pays43(*).Elle a participé à
l'émiettement de l'autonomie locale au niveau verticale, alors qu'elle a
procédé à des tentatives d'unification horizontale, elles
ouvraient des sections au niveau des différentes régions du
pays. L'originalité de cette approche trouve ses fondements dans
l'infiltration du religieux au sein de l'action politique d'une part, et le
rôle prépondérant du chef du parti, est similaire à
celui du cheikh de la zaouïa d'autre part. Au Maroc, si la règle de
la fonction crée l'organe, est vérifiée à l'instar
de l'occident ; un phénomène fait son apparition : la
personne du chef domine le parti. Mais certains auteurs
estiment que l'hégémonie du leader est sentie au sein de
beaucoup de formations politiques. Max Weber considère que la
présence des leaders au sein de toute organisation politique ou sociale,
est une réalité sociologique
considérable. Toute formation forte, exige un leader puissant, bien que
certains partis prétendent une gestion collective de leur formation
politique. Leurs homologues marocains se démarquent-ils de ceux de
l'occident, et obéissent- ils aux mêmes classifications ?
b- tentative de classification :
Après l'indépendance, le Maroc, a opté en
faveur d'une monarchie exécutive basée sur un multipartisme
politique. Ce choix est l'apanage des circonstances de la libération du
pays. Une coalition composée des forces du mouvement national et le roi,
a permis cet exploit. Dans le contexte marocain fondé sur l'alliance et
la contre-alliance, il est impossible, qu'une composante s'empare seule du
pouvoir. Cela signifie un parti du roi contre le mouvement national ou un parti
du mouvement national contre le roi44(*). Chacun des antagonistes détient une
légitimité incontestable.
L'institutionnalisation des tensions, crée une
situation où les ennemis ne peuvent s'entre-détruire sans s'auto
détruire eux mêmes45(*). Aucun rival n'a pris l'initiative d'éliminer
son concurrent. Mais chacun d'eux tenta de bonne heure des méthodes
assurant tout d'abord sa survie, son expansion ou sa
prépondérance. La monarchie a favorisé la création
de nouveaux partis politiques, sous l'influence de certaines
personnalités soucieuses des ambitions hégémoniques du
parti de l'Istiqlal. Des personnalités pro-monarchiques ont
créé des partis, pour les placer en face des partis du mouvement
national. Conscientes de l'ampleur de cette initiative, l'aile progressiste du
parti de l'Istiqlal, a manifesté son mécontentement, la scission
était inévitable. L'U.N.F.P. fut créé, ses
positions se radicalisent de plus en plus, l'heure de la segmentation de la
gauche a sonné. La monarchie reprenait son rôle d'arbitre, ainsi
que tous les pouvoirs, le roi devenait le principal acteur politique.
La genèse des partis politiques, et leur
évolution dans un cadre sociopolitique spécifique, rend leur
classification en partis de masses et partis de cadres inappropriée. De
l'analyse du système partisan marocain, deux enseignements peuvent
être tirés : le parti marocain n'est pas un parti de
cadres(1) une classification en partis administratifs et partis issus du
mouvement national semble adaptée au contexte marocain(2).
1-
le parti marocain n'est pas un parti de cadres
Selon la typologie pionnière de Maurice Duverger, les
partis de cadres sont des organisations composées essentiellement des
notables. Ces partis ont une activité centrée sur les
élections et attirent des membres des élites sociales, dont la
fortune ou la notoriété constituent d'importantes ressources
électorales46(*).
Il s'agit d'appareils organisationnels peu développés et sont en
général faiblement organisés, et articulés
localement sur des réseaux notabiliaires assez autonomes, ils sont en
conséquence peu disciplinés et faiblement
hiérarchisés47(*).
Au Maroc, les relations organisationnelles ne peuvent
être appréhendées, elles restent imprécises.
L'identification du parti politique s'avère délicate. Sa
délimitation exige des lignes le démarquant du modèle
occidental laïque, le parti politique marocain s'inspire de la culture
arabo-musulmane qui constitue le fondement de l'identité du pays. Les
adhérents se réunissent autour de la personne du fondateur et non
à propos d'une idée ou un principe. Le Zaïm vient avant le
parti, l'idéologie et le programme politique. Le parti politique
marocain, était alors une étendue du texte coranique, qui
rassemble les croyants et les unifie autour du dieu unique. L'influence de la
religion rend impossible la production de cadres et des leaders. Elle permet
seulement l'avènement d'un leader et des membres. Une relation
sacrée se noue entre les membres et le dirigeant unique. De ce moment
là, le leader est préoccupé par la consécration et
la pérennisation de ces rapports. Aucune concurrence n'est
tolérée, l'ascension d'un membre quelques soient ses
qualités est interdite. La scission est l'aboutissement naturel des
rivalités au sein de la même organisation politique.
A l'intérieur du parti marocain, les conflits,
n'ont jamais été d'origine idéologique ou sociale, ils
sont axés autour du leadership et de la direction du parti. La
société ne tolère jamais une multitude de dirigeants. Seul
l'unique chef est accepté, le parti se confond avec le leader. Celui-ci
le considère comme sa propriété privée,
et ne sent aucune difficulté à préparer son fils
pour le remplacer48(*). A
cause de la mentalité de gestion, les partis deviennent non
attractives des cadres, en raison de l'absence, de la représentation
sociale, de l'idéologie, d'un projet de société et la
forte présence des ambitions personnelles, ainsi que les
intérêts individuels, qui renforcent l'idée des clans et
acharnent les rivalités. La compétence ne compte plus, la
fidélité et le clientélisme lui substituent. Après
tout cela, il est légitime de conclure qu'il est inadéquat de
parler au Maroc de partis de cadres, Ils sont différents du
modèle initié par Maurice Duverger. Les partis politiques au
Maroc présentent des caractères similaires, provenant de la
profondeur historique et culturelle de la société. De même
le champ politique est marqué par la présence d'un acteur
primordial qui, la monarchie. Une tentative de classification peut être
mise à l'essai : partis
de l' « administration » et partis issus du
mouvement national.
2-
Des partis administratifs
La stratégie du pouvoir au Maroc, consiste à
pénétrer la société via ses institutions. Celui-ci
réussit en plus du contrôle de la vie politique du pays, à
assurer la gestion, la direction et sa participation à la
définition de l'aspect politique de l'Etat. La multitude partisane
instaurée au Maroc a été transformée en un
instrument du pouvoir. Il s'en servait pour s'assurer le contrôle, le
récolement et la limitation des ambitions des partis politiques. L'Etat
intervenait directement ou indirectement pour la création de nouvelles
formations, à travers des personnalités proches du pouvoir. Des
organisations partisanes fassent jour à l'occasion des élections
législatives et emportent des majorités confortables49(*).
Leurs dirigeants entretiennent des relations étroites
avec les hautes autorités de l'Etat, et n'adhèrent à
aucune idéologie. Après sa création, le parti adopte une
orientation idéologique, même si ses dirigeants n'en sont pas
totalement convaincus. C'est le cas du mouvement populaire qui a annoncé
sa détermination à réaliser un socialisme islamique sans
présenter une définition de ses termes. Le socialisme
était idéologie de ces partis au moment où il gagnait du
champ50(*).
Aussitôt, ils changèrent cette orientation, et le
libéralisme redevient leur idéologie au cours des années
1980. Les partis de l'administration vivaient le vide idéologique et
souffraient de conflits intestins animés autour de leadership, qu'en
est-il des partis issus du mouvement national.
3-
les partis issus du mouvement national
Il s'agit des partis qui ont participé à la
lutte pour la récupération de l'indépendance du Maroc. A
l'instar des formations marocaines, caractérisées par le
tribalisme, ces partis sont aussi ravagés par des rivalités
internes. Cela n'est pas surprenant, Ibn Khaldoun a attribué aux
élites maghrébines, le caractère de tribalisme. 51(*) Les partis politiques
marocains ont marqué un désintérêt envers
l'idéologie. La scission de l'U.N.F.P. en 1959 a
révélé cette question, les dirigeants de ce nouveau parti
ont prétendu que des rivalités d'ordre idéologiques
étaient derrière leur scission. Les partis du mouvement national
étaient porteurs d'une idéologie et fortement
hiérarchisés, avec des sections essaimées au long du
territoire national comme ils recouraient au recrutement des masses, ce qui
les poussent à demander de prendre le pouvoir.
Les militants de ces partis ne reçoivent pas les
mêmes traitements. Le niveau intellectuel, la situation et l'origine
sociale en plus de l'ancienneté et de la popularité,
déterminent le rang à occuper au sein de leurs partis.
Les formations politiques issues du mouvement national,
souffrent de l'absence de la démocratie. L'esprit de camaraderie et des
clans pèsent lourdement sur les structures partisanes, les
rivalités personnelles l'emportent sur tout rapprochement
idéologique, et la segmentation se fait de place. Facteur qui facilite
l'intervention du makhzen et la mise en oeuvre de sa politique de division.
Celui-ci déploie des mécanismes de freinage et de domestication
des partis pour assurer la pérennité d'un système
où il est la clef de voute. Ces partis garrotés par tous les maux
de la tradition, peuvent ils réaliser le changement ? Ces formes
héréditaires et d'hérédité, ne constituent
elles naguère des obstacles à la démocratisation du
système ?
C - les notables : un pouvoir d'influencer les
règles du jeu politique local
Le notable est définit comme étant un individu
qui possède une certaine réputation, au niveau national ou local.
Il a beaucoup de relations, avec des divers milieux sociaux, comme il est
capable d'agir sur autrui. La richesse peut constituer un moyen
d'accéder à la notabilité, notamment la
propriété foncière qui confère à son
titulaire le pouvoir d'influencer les règles du jeu politique local
comme national52(*). Les
notables étaient au centre de l'action politique dans la période
coloniale, la monarchie les reconduits pour constituer la pierre angulaire du
système au cours des années 1960. En effet une lutte
acharnée était déclenchée entre le roi et les
parties du mouvement national pour le contrôle du monde rural, tous les
acteurs politiques tentaient l'utiliser comme pièce de puzzle
déterminante dans leur concurrence pour s'emparer du pouvoir53(*). En effet, l'histoire, la
géographie et la démographie faisaient du monde rural un facteur
décisif dans le combat pour contrôler le système politique
marocain. Dès le début, le roi est avertit que celui qui
établira une nouvelle alliance avec le monde rural dominera le
système politique marocain dans son ensemble54(*). Ainsi les notables gardaient
la position qu'elle avait occupée sous le protectorat et devenaient de
ce fait, alliés du pouvoir. Le même rôle leur était
assigné c'est celui de stabilisateur et contrôleur du monde
rural.
a- notables : une assise du protectorat et de la
monarchie
Lorsque l'administration coloniale française, a
parachevée la conquête du Maroc utile, elle a confiée aux
notables le contrôle du monde rurale55(*). Cette politique tend à économiser les
frais de l'administration d'un territoire peu rentable. Ils ne percevaient
aucun traitement en contre partie de leurs services, ils sont
rémunérés par leurs administrés. Bref
l'administration française s'est assuré le contrôle du
« Maroc utile » en laissant les notables exploiter le monde
rural traditionnel56(*).
Cette politique amorcé par le résident général
Lyautey qui, à court de personnel sur le plan administratif et
militaire, confia la région du sud aux grands caïds pour s'assurer
leur soutien57(*). Bien
qu'ils n'ont rien fait pour l'aider à la conquête de cette zone.
C'est ainsi que naquit la politique des grands caïds. Cette situation
devenait par la suite une politique officielle, justifiée par le souci
de préserver les institutions indigènes. En fait les
autorités estimaient surtout qu'il était plus économique
et plus facile de contrôler tout le pays par l'intermédiaire d'un
nombre limité de chefs locaux que d'en assurer directement
l'administration58(*) .
Le notable est le produit de son milieu. Son enracinement
social est souvent assuré par un solide encrage terrien. C'est là
une constante dans l'histoire des pouvoirs locaux au Maroc59(*). Avant le protectorat des
chefs locaux ont pu s'emparer des petits fiefs, dans bien de cas sous les
auspices du Makhzen. Influencée par l'existence de ces grands
caïds, l'administration du protectorat s'initiait elle aussi à la
fabrication des notables, dans les fractions des tribus et douars. Les
officiers des affaires indigènes ont procédé à une
sélection discrète des candidats parmi la population locale, qui
peuvent remplir ce rôle. Les gens de la tribu pouvaient congédier
un caïd ou un Amghar de son poste et le remplacer par un des leurs, le
protectorat garantissait à ces notables, une certaine fixation dans leur
poste, tant qu'ils collaborent avec les autorités du protectorat.
Le Maroc tribal, contrairement à la bourgeoisie
citadine commerçante, n'a jamais entretenu de relations avec
l'étranger. Aucune expérience dans le commerce extérieur
n'a été acquise. Les tribus berbères étaient
marginales par rapport au Makhzen60(*). C'est la raison pour laquelle leur place en marge
de la vie politique et économique était inéluctable.
Pourtant certains notables ruraux ont participé à la vie
politique nationale, je parle ici de Laaydi, Amhrouq..., ils ont gardé
une certaine influence après l'indépendance. Mais
l'éclatement de la société tribale a condamné leur
pouvoir à une disparition progressive. Leurs fils ont pu se faire une
place au sein de l'armée ou de l'administration. Il en résulte
que l'hérédité joue encore en faveur de ce groupe. Ils ont
hérité la richesse foncière, l'origine et l'influence,
pourtant, et pour pérenniser cette situation, ils s'opposent à
toute modernisation rurale. Ils clament, le maintien du statu quo, garant de
leur prospérité61(*).
b- les notables jouent un rôle de stabilisateur
Pour contenir la poussée de la classe moyenne urbaine,
et entériner la survie d'un jeu politique réservé aux
élites, la monarchie s'est alliée aux élites rurales au
cours des premières années de l'indépendance. Le parti de
l'Istiqlal a manifesté une volonté de domination, et le monarque
craignait une situation de fait le réduisant à un rôle
symbolique. De ce fait la monarchie se servait du monde rural par le biais de
ses élites pour faire contrepoids aux autres forces politiques. Le monde
rural devenait une réserve de voix électorales, en contre partie,
l'administration marocaine assurait la protection des intérêts des
élites rurales. En effet, les forces sociales et politiques qui ont
manifesté leur volonté d'adopter des réformes
structurelles, se sont trouvées face à des groupes, ayant
déjà bénéficié du régime colonial
notamment la monarchie et les notables. Cette alliance a survécu depuis
le milieu des années soixante du siècle précédent
jusqu'à nos jours, en dépit d'énormes changements
survenus. Le régime notabiliaire a fonctionné comme
système stabilisateur du régime, il a pu contenir la
poussée de la classe moyenne urbaine62(*), et a restauré l'équilibre rompu. En
effet la classe politique traditionnelle au Maroc, maintient encore le champ
politique, sans permettre l'ascension des autres couches. A l'exception d'une
petite minorité, qui a réussi à améliorer son sort.
Cette situation s'explique par le fait que les efforts de modernisation
déployées par la France pendant son occupation au Maroc n'ont
touchées qu'une minorité des marocains. Le système
éducatif était sélectif, des écoles furent
créer pour les fils des notables qui allaient devenir les
« évolués » marocains63(*). Alors que l'instruction du
reste de la population fut négligée, malgré la pression
des nationalistes, les réformes promises n'ont pas été
appliquées. Les efforts de la France sur le plan de l'enseignement n'ont
touchés qu'une mince frange de la population. Les carrières
militaires et certains postes administratifs accordés
parcimonieusement, ont familiarisé un autre secteur de la population
avec les méthodes françaises. Le premier groupe était
essentiellement d'origine rurale et le second surtout d'origine urbaine. Tout
deux ont hérité, après 1956, de l'autorité
administrative et militaire du pays et constitue l'élite politique du
Maroc64(*). Les relations
des grandes familles avec le Makhzen ont favorisé l'émergence de
la nouvelle élite au pouvoir. Ces individus, en dépit de la
formation moderne qu'ils ont subie, continuent de faire recours aux mêmes
méthodes de gouvernement traditionnelles inculquées par leurs
parents. Ces nouveaux notables ont hérité l'administration
politique et militaire du pays, en surplus des richesses familiales accrues
pendant la période coloniale, sans négliger les relations
tissées entre les familles. Force est de constater que la classe
politique du Maroc est constituée des gens ayant
bénéficié des bienfaits de
l'hérédité, le caractère conservateur de
l'élite, et son immobilisme politique, ont constitué des facteurs
paralysant la démocratie amorcée juste après
l'indépendance du pays, et un obstacle devant l'édification d'une
administration moderne, fondée sur la base de la compétence et
l'efficacité comme, critères de recrutement et de promotion.
Les notables tentent par tous les moyens, de maintenir le
statuquo. L'hérédité en constitue une méthode
préférée. Elle est utilisée pour éviter le
danger de la rotation des élites, pouvant générer
l'ascension des éléments parvenus d'en bas pour intégrer
l'élite. Cette hypothèse risque de mettre en péril les
intérêts des biens matériels et politiques de ces
groupes65(*).
L'hérédité était avant le protectorat un moyen
d'occuper les fonctions du Makhzen, bien que ces fonctions fussent mal
délimitées, elles tendaient à devenir
héréditaires. Les moeurs politiques n'en furent pas
changées, par le contact direct avec les nouvelles techniques
administratives et économiques introduites au Maroc par les
français66(*).
Sur le plan politique les notables ne se sont en effet
portés fidèles à aucune idéologie, ou à une
tendance politique, pour ces ruraux, c'est la personne qui importe. Dans bien
de cas le choix d'un individu n'est que la réplique de celui de son
père ou de son frère ainé. L'avis favorable des autres
l'emporte bien sur des considérations idéologiques67(*).
Un double rôle est assigné à ce groupe, le
premier se situe au niveau national, alors que le second revêt un aspect
local, à ce niveau les notables ont développés des
rapports avec le pouvoir central. la densité de cette relation a
donné naissance à un pouvoir local dont la consolidation a permis
d'échouer le projet de la démocratisation de la vie politique au
niveau de la commune et l'amorce d'une politique de réforme agraire.
Cette démarche initiée par le gouvernement Abdallah Ibrahim, tend
en premier lieu à mettre en péril le système notabiliaire.
Son dépérissement ouvre la voie devant les partis du mouvement
national pour prendre les rênes du pouvoir local. Mais les relations
d'allégeances et de fidélités locales tissées par
les notables ont pressé l'avortement de ce projet. Dans les
sociétés à base clanique ou tribale, les grandes familles
ont utilisé la marge de manoeuvre que leur permet leur fortune, le
groupe des proches, serviteurs, khemmas, obligés et clients. Ils ont
joué à la fois des liens de solidarité et de
fidélité personnelles qui constituent la trame des relations
sociales et de distribution des avantages, places, honneurs et argent qui
forment à la fois l'enjeu et le moyen d'influence politique68(*). Ainsi il s'avère que
le monde rural est encore prisonnier de son passé notabiliaire. Un
nouveau projet est adopté, il continue de voir les problèmes dans
les perspectives du temps passé.69(*)
Paragraphe II : les acteurs économiques
« Ce qu'il y'a de plus odieux dans l'argent, c'est
qu'il confère des talents » disait Dostoïevski70(*). Alors que le vieux
système commençait à chuter, un petit nombre de grandes
familles citadines, qui se livraient au commerce, occupèrent des
positions au sein du makhzen, en plus de leur fortune. La révolte de
Fès en 1820, les amena au pouvoir, elles ne devaient pas le quitter.
Leur habilité, leur savoir faire, faisaient d'eux des gens
sollicités par tous le monde. Une dépendance mutuelle entre le
pouvoir et l'économique, les commerçants gardaient à
servir le sultan, celui-ci les a toujours sollicités. Ils sont tous
héritiers de longue date. Avide du pouvoir, ils déploient
beaucoup de manoeuvres pour s'en emparer et le préserver par la suite.
L'économique n'était jamais loin du pouvoir, il entend enrichir
ses interventions et améliorer ces positions politiques et sociales. En
effet, les élites économiques au Maroc s'activent dans le domaine
des affaires et sur le plan politique. A tel point que celui-ci demeure
inefficace en l'absence des apports matériels de l'acteur
économique et non politique71(*). Ayant subi des formations modernes, inventeur
d'idées et de théories (B) les technocrates partent à
l'assaut des appareils étatiques (A).
A- les technocrates un acteur dominant l'appareil
politico-administratif
La bourgeoisie marocaine était ouverte,
organisée en clans familiaux, ainsi, ces éléments
s'emparent au nom de l'héritage, des positions stratégiques. Ils
sont originaires des familles honorables qui, depuis 1873 année
d'insurrection d'une élite lourdement taxée ont servi la
monarchie par intérêt, par vocation ou par tradition72(*). Ces familles sont riches et
cultivées, et initiées depuis la nuit des temps au sens de la
responsabilité. Elles fournissent des technocrates, l'Etat assure leur
ascension aux dépens d'autres acteurs de la vie politique, de telle
sorte qu'ils terminent par croire à une interdépendance des
affaires de l'Etat avec celles de leurs familles73(*). Le sommet du pouvoir se
charge de la promotion des carrières individuelles, les
diplômés de prestigieuses écoles et les tenants du capital
ne passent jamais par les échelons intermédiaires, ils empruntent
le même chemin, ils viennent d'en haut. Pour se confirmer certains
s'organisent en clans familiaux, d'autres forment des castes au sein des
hiérarchies de l'Etat. Par conséquent, les pouvoirs se
concentrent dans les mains d'une minorité. Les uns y parviennent par
cooptation d'autres par succession patriarcale. La compétence n'est pas
suppliée par le pouvoir, mais elle peut être un moyen de le
conquérir.
Les groupes familiaux et les cercles des technocrates,
assurent désormais une promotion fulgurantes, parce qu'ils sont garants
de la neutralité politique. Cet apolitique des individus, si elle n'est
pas un moyen d'accès au pouvoir, elle est du moins un garant de
réussite personnelle.
Ces technocrates et chefs de groupes économiques,
navigants désormais dans la sphère du pouvoir, peuvent ils
satisfaire les impératifs de développement du pays qui leur
incombent ?
B- les marchands et le cheminement de nouvelles
idées
Les bourgeois, anciens négociants, originaires de
Fès, l'ancienne capitale du royaume, où le commerce des
idées a été intimement lié au commerce des
choses74(*).
Dépourvus de grands projets et de croyances, ils veulent seulement
s'emparer du pouvoir. Aucune manoeuvre n'est exclue y compris des
méthodes autoritaires empruntées de leurs origines sociales et
professionnelles. Les technocrates et les héritiers tendent à
exercer le pouvoir avec tous ses exigences et son prestige. Mais ils
écartent les nouvelles méthodes de management, notamment la
philosophie de la confiance, le partage des responsabilités, la pratique
de la décentralisation. Il s'agit d'une panoplie du paternalisme et
d'autoritarisme, qui constituent des handicaps à la
démocratisation du système. L'exercice démocratique du
pouvoir ne fait pas partie des moeurs des technocrates et de celles, encore
plus totalitaires, des héritiers de l'argent. Rompus les un au dirigisme
centralisateur, les autres au paternalisme autoritaire, ils arrivent au pouvoir
avec des idées préconçues et des plans d'organisation
préétablis75(*). Au nom de la prédestination, ils manoeuvrent
les richesses nationales. Ils gèrent les affaires déjà
faites sans risques ni effort. Simplement parce qu'ils ont servi les
intérêts supérieurs de l'Etat, ceux de la famille
patriarcale et héréditaires des grandes familles. Leur accession
aux postes clés de la société ne change rien à leur
mentalité de bureaucrates ou de chefs de familles, rien non plus
à leurs méthodes de travail. Mais ils sont tous avides du
pouvoir, ils ne veulent plus le quitter76(*). Sous pression des générations
montantes, de la prolifération de la culture et des diplômes, les
technocrates et les héritiers sont contraints d'inventer d'autres
dimensions nécessaires pour l'exercice du pouvoir. L'appel à la
réforme des connaissances et des expériences individuelles,
laisse croire que le temps de la mise en valeur du potentiel de l'individu a
surgi. La recherche du génie de l'être humain et de ses
potentialités remplacent l'aspiration au profit et au pouvoir. En
réalité, il ne s'agit que d'un effort de conformité avec
le discours officiel, absorbant le mécontentement des classes
inférieures, sans aucune ambition politique d'accomplissement d'un
projet de réformes institutionnelles aboutissant à une
démocratisation de la vie économique et politique du pays. Tout
d'abord parce que ces projets sont initiés par des dirigeants, qui est
de leur intérêt de garder le statu quo. Ils proposent des
changements, pour contrarier d'autres plus radicaux. En effet les transitions
sociales, les différentes mutations internes et externes, imposent la
transformation des comportements de ces groupes. Mais l'héritage du
passé garde toujours son influence sur les esprits. Les héritiers
continuent de contrôler le sort des citoyens. Les technocrates ne sont
pas les seuls privilégiés, d'autres héritiers de la
culture et de l'origine chérifienne s'efforcent pour se faire place au
sein du système.
Paragraphe III : les acteurs extra-étatiques
Au Maroc des forces extra-étatiques ont exercé
une influence sur le pouvoir, il en est des oulémas et les chorfas.
Ceux-ci détenaient une autorité symbolique et religieuse qui
pouvait agir sur les individus et les groupes. Leur autorité est
étrangère à l'Etat, et dans un autre sens ils ont besoin
de son existence pour se réaliser, pour se déployer77(*). Le pouvoir conserve des
apparences théocratiques, pour assister son fondement religieux.
L'approbation des oulémas est indispensable. De même, la
monarchie tente de garder le renom et l'influence des chorfas et des marabouts,
ils font parti des nombreux réseaux manipulés par le palais. Ces
catégories décorent un champ réservé du roi
commandeur des croyants, c'est le champ religieux que le pouvoir est
déterminé à restructurer afin de faire face aux nouveaux
défis, en l'occurrence le défi Salafiste.
1-les oulémas : le poids de la culture
Les grandes familles de l'aristocratie religieuses, furent
leur apparition au XVII siècle, depuis, leur influence augmentait.
Jusqu'à ce qu'elles deviennent aujourd'hui les responsables du
traditionalisme politique et culturel. Ces familles procuraient des notables,
des professeurs, des secrétaires, des leaders politiques, des
théoriciens..., le pouvoir des oulémas est né avec leurs
ancêtres, dans un moment où les fonctions se transmettaient d'une
dynastie à une autre. Les oulémas n'ont aucune influence directe
sur la décision politique. Ils peuvent opposer et refuser certaines
décisions .Mais le sentiment religieux des marocains soutenait
jusqu'à un point la monarchie78(*). Depuis les années 1990, un processus
d'intégration d'une grande portion des acteurs religieux, au sein du
champ politique national, est lancé. Il s'agit d'intellectuels religieux
éclairés et ouvert, en plus de certains membres des groupes
islamistes ayant renoncés à la violence. L'Etat tente de
redynamiser le champ politique et diminuer les tensions
générées par l'opposition des pieux, et enfin pour assurer
la réhabilitation du champ religieux, adressée aux serviteurs
officiels de l'Etat et précisément à l'intellectuel pieux
du makhzen, celui qui veille à l'exécution des ordres de la
politique religieuse de l'Etat qu'il reçoit directement du commandeur
des croyants. Le pouvoir essaie ainsi une politique de modernisation de ce
champ pour être capable de rivaliser avec les défis actuels. Le
roi, en tant que commandeur des croyants est obligé de se servir des
oulémas, pour rétablir l'ordre religieux perturbé par des
insurrections salafistes. La lutte contre ces nouveaux infidèles
s'avère inéluctable. Ce corps de réserve peut il
réussir cette mission ?
2-les chorfas : Une légitimité sur la base
de descendance prophétique
Parmi les privilégiés au Maroc, on trouve les
chorfas, ils bénéficient d'un régime de faveur. Ils sont
originaires des familles chérifiennes. Au Maroc, on relève deux
principaux groupes de chérifs, descendants du prophète : les
Alaouites qui, depuis 1668 ont accédé au pouvoir, et les
Idrissides qui montent à la première dynastie ayant
gouverné le Maroc. On trouve aussi des chorfas, venant de
l'étranger, les skalis, les irakis. Au début, ils recevaient des
dons de l'Etat, en plus de l'aumône et concessions foncières. Ils
n'étaient soumis à aucun impôt, ni à autres charges
aux quelles sont soumis les bourgeois. Ils sont des hommes élevés
sur d'autres, par l'hérédité à l'instar des membres
des autres groupes. Fortunés par la naissance, ils étaient
considérés comme des symboles de l'unité marocaine, de la
libération tribale et de la détermination à
résister aux invasions étrangères. En outre, ils ont
joué un rôle d'intermédiaire entre le pouvoir et les
tribus, les individus qui ont commis des pèches recourent au
chérif pour s'excuser. Ils interviennent dans les conflits les plus
graves ; on ne pouvait rien leur refuser. Ils étaient un
élément de stabilisation et de concorde. Il n'y a pas une tribu
où n'étaient pas essaimés les hommes qui portaient la
bonne parole et qui étaient des témoins de la moralité de
leur époque79(*).
Avant de passer aux commandes des grandes affaires publiques, ils recevaient
des subsides de l'Etat, ils bénéficiaient des concessions
foncières et des offrandes apportées par la piété
publique. Aucun impôt ne les atteignait, ni aucune charge pesant sur les
autres bourgeois du pays80(*). Les chorfas ne présentent aucun danger pour
le pouvoir, mais ils continuent, à l'instar des autres héritiers,
de bénéficier des bienfaits du pouvoir. Ce qui constitue un autre
fardeau qui pèse sur les masses, et enraye leur aspiration à
bénéficier eux aussi des richesses de la nation. Bien que ces
héritiers disposent de ressources diverses, ils font recours aux
mêmes pratiques pour une exploitation optimale de leurs
potentialités matérielles et immatérielles.
Section II : similitude des facteurs de l'ascension de
l'élite
Au Maroc, l'élite est un ensemble des groupes
minoritaires, stratégiquement placée, susceptibles de prendre une
décision à haut niveau ou du moins participer d'une
manière ou autre à sa formulation. Il s'agit d'une
catégorie de marocains pouvant influencer pour différentes
raisons, le pouvoir décisionnel à l'échelon
national81(*). En outre
ces mêmes groupes peuvent intervenir dans la distribution des bienfaits
de l'Etat et ses avantages, leur influence peut être liée à
un réseau de fidèles et de clients. L'élite au Maroc est
un énorme réseau tissé des relations et
d'intérêts. J.Waterbury a précisé que l'élite
domine toutes les couches, et s'enracine de cette manière au sein de
toute la société. Ils sont des groupes d'origines
différentes. Un mélange d'arabes, d'andalous, de juifs et
d'européens convertis à l'islam82(*). Mais, ils sont tous voraces du pouvoir, ils veulent
l'exercer à perpétuité. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont
pas contacté les procédés démocratiques modernes de
la gestion des affaires privées et publiques. Au contraire, ils sont
diplômés des grandes écoles à l'instar de leurs
homologues français. Mais les marocains, tombent sous l'autorité
paternaliste qui, fabrique des hommes privés de toute autonomie de
jugement. Ils sont en conséquence contraints à défendre
les intérêts de la famille, de la filiation, il faut rester au
pouvoir et respecter la règle de l'hérédité des
fonctions, des ordres et des professions. Pour se faire, les élites
procèdent à des méthodes à même de pourvoir
leur ascension sociale. Ils sont issues de groupes distincts pourtant leurs
moyens de promotion sont identiques. Comment cette élite se
forme-t-elle, et comment elle est intégrée ?
Aborder ce sujet légitime une série de question
qui sautent à l'esprit : est ce le jeu de la démocratie est
respecté et tous les candidats peuvent être traité de la
même manière, est ce que la compétence est le seul
critère ? Ou il existe d'autres obstacles à franchir pour
être enfin admis au sein de l'élite ?
L'origine noble et la fortune peuvent dans certaines
mesures ouvrir le chemin de l'élite, renforcée par le facteur de
la compétence. Le Makhzen a été le maitre de la
scène, personne n'est autorisé à faire partie de
l'élite sans recevoir son aval (Paragraphe I), ans négliger le
rôle de la famille dans la réussite individuelle (Paragraphe II).
La culture traditionnelle des marocains, tient encore place dans la
scène politique, deux moyens d'ascension subsistent aux
différents changements (Paragraphe III).
Paragraphe I : le makhzen reproduction des anciennes
pratiques
L'élite politique est un facteur
de continuité des systèmes de la monarchie et de ses structures.
Elle entretient un réseau de relations de connaissances et de
reconnaissances mutuelles et de conspirations, dont tous les membres
s'impliquent y compris l'opposition. Ils s'alignent avec la monarchie, pour
sauvegarder leurs intérêts, en contre partie, le roi a besoin
d'eux pour contrôler la société. Cette élite
commande la société et détient les moyens de production,
tente de limiter les ambitions des autres catégories qui cherchent
à jouir, elles aussi, des mêmes prérogatives liées
à celles du makhzen. Celui-ci n'est qu'une continuité du jeu de
l'ancien makhzen et des notables avant et après le protectorat. Dans
cette période, pour consolider et étaler son autorité, et
alimenter sa trésorerie, le sultan bataillait tout le temps contre les
tribus. Une série d'alliances et contre alliances se lancent, par la
suite, sans fin. Il devait négocier la paix avec les unes contre la
terre, et acheter les autres. Après l'indépendance, les
mêmes méthodes ont été adoptées à
l'égard des partis politiques. Le makhzen est étranger à
la société, il puise sa source en dehors des sphères
rurales, il est d'essence urbain. Partant de là il n'a jamais
contracté des alliances en dehors des élites (A). Compte tenu de
la particularité de sa genèse, il tend échapper à
toute institutionnalisation (B)
A- Des alliances en dehors de l'élite : Une
stratégie dangereuse
La monarchie s'est investie, depuis son avènement,
comme le porte parole d'une élite technocratique urbaine. Celle-ci est
issue des familles de la bourgeoisie citadine qui conservant des attitudes
identiques envers le pouvoir au même titre que les pratiques de
spéculations foncières et commerciales similaires. Ces familles
résidaient à l'intérieur des villes qui étaient en
permanence menacées par les attaques des tribus dissidentes. Cette
élite commerçante n'a jamais tenté de changer la nature
du makhzen, c'est lui qui assurait sa sécurité et celle de ses
transactions.
Les familles composants cette bourgeoisie étaient au
nombre de trois groupes interférents. Leur cohésion et
solidarité a été à l'origine de l'augmentation de
leur fortune et influence. Au lendemain de l'indépendance, le roi avait
assuré la participation au pouvoir, de cette élite moderne
hautement instruite, qui composait une classe de technocrates qualifiés.
Pour garantir la continuité de ce régime la monarchie, devait
contrôler les cercles d'ascension sociale des élites83(*). Elle tenait à
réaliser deux objectifs : la continuité du caractère
religieux ayant justifié une efficacité politique, ainsi que la
stabilité par le monopole du dossier
sécuritaire. Pour se faire, une politique de domestication,
segmentation, captation des élites a été menée. Les
ambitions des groupes sociaux qui se servent de la crise économique
comme un prétexte pour intégrer l'élite, constituent une
vraie menace au régime. Le contenement des élites est plus facile
que celui de la jeunesse qualifiée de «
prolétariat instruit ». La monarchie préfère la
voracité de l'élite, sur l'accès des
éléments des classes défavorisées, aux positions
qui, historiquement ont constitué un héritage
réservé aux notables et bourgeois. La monarchie consolide la
position de l'élite, car même si l'accès au champ politique
est devenu libéral et large, son intégration est
conditionnée par des situations et positions spéciales. En outre
l'élite en tant que minorité dominante affronte les franges
dominées afin de réduire leurs ambitions et prévenir toute
atteinte à ses privilèges. En conséquence l'ascension
sociale au Maroc, est soumise à la logique de l'origine familiale et
sociale.
B- Le traditionalisme et rupture de l'institutionnel
Au Maroc, chaque génération de l'élite
prétend se démarquer de celles qui l'ont
précédé, mais le divorce mental entre les
générations n'a jamais atteint le point de rupture84(*). Malgré leur
enseignement moderne, les descendants des notables, continuent d'entretenir
les mêmes relations avec le pouvoir. L'élite comme tous les
marocains a une utilisation défensive du pouvoir. Ils se rapprochent de
son titulaire et sont toujours prêts à le servir. L'appartenance
à l'élite gouvernante, isole ses membres du reste de la
population. Cette autarcie constitue une tradition enracinée de ce
groupe. Elle forme des castes qui ne pouvaient maintenir leur pouvoir qu'en
refusant de se fondre avec la masse du pays85(*). La tendance élitiste citadine s'est
accentuée par la fortune et le développement technique permettant
une distinction sociale exprimée par une sorte d'exhibitionnisme. Ses
intérêts dépendent de ceux de la monarchie. Quelque soit sa
culture, l'élite est incapable de rivaliser avec celle-ci, et n'inclut
que quelques vrais opposants. L'existence et la continuité de
l'élite sont liées à la grâce royale. La monarchie
peut surélever un individu comme elle est capable de le
dévaluer. L'accès au pouvoir est tributaire de la vogue royale,
peu importe les règlements juridiques et législatifs. En
dépit d'une formelle appartenance aux sphères de l'institution et
de la rationalité, beaucoup de ses pratiques l'éloignent de cette
appartenance. L'individualisme, le traditionalisme et la rupture avec
l'institutionnel constituent des moyens de la continuité des
manières traditionnelles de l'ascension sociale. La continuité de
telles méthodes ajournent en permanence tout progrès
démocratique.
Paragraphe II : le rôle de la famille pour
l'accès à l'élite
Au Maroc, l'ascension sociale d'un individu reste tributaire
de sa famille ou de son groupe. C'est l'appartenance qui lui confère le
statut de l'élite et non sa situation administrative. La famille
prépare et assure l'insertion de l'individu dans son futur milieu, s'il
existe une mobilité c'est à l'intérieur de la classe
dirigeante. Le rôle de la famille, dans l'accès des membres de
l'élite aux postes de décision, constitue un aspect de
l'hérédité86(*) . L'élite est un monde fermé, une
société distincte de la masse, cet esprit est renforcé par
des pratiques courantes d'intermariages. La descendance et l'alliance à
une grande famille constituent les moyens d'assurer la permanence et
l'expansion de ce groupe.
A- l'ascendance et l'autorité paternaliste socle
de l'élite
En France, l'école partage le rôle de la
famille, comme lieu de formation sociale87(*), au Maroc, ce que font et pensent les gens de
l'élite, échappent complètement à l'action de
l'école. Au Maroc, faire partie de l'élite, fuit les lois
politiques et démocratiques et devient un système social
héréditaire. Un système asservit par l'autorité
paternaliste, qui fait tout pour le fils, elle s'infiltre dans la vie
individuelle pour faire de lui un homme dépendant de la tradition
paternaliste, incapable d'agir sur son propre sort. Rares sont les marocains
instruits qui ont renié leur famille. C'est
l'hérédité des ordres, des fonctions et des professions
qui est la règle, le livret de famille remplace le diplôme et la
compétence. Parce qu'il n'y a pas eu de révolution industrielle,
ni culturelle, et le progrès n'a pas pu briser les liens de
consanguinité ou de mariage qui continuent à produire des castes
et des classes dominantes, c'est l'héritage du passé qui
prévaut88(*). Comme
le dit Paul Pascon, le Maroc traine derrière lui les casseroles de
l'histoire89(*).
B- l'alliance
La bourgeoisie marocaine se prétend issue d'origines
civilisatrices de l'orient et de l'occident, persuadée par la noblesse
de son origine, de sa supériorité éthique, ethnique et
sociale, elle tient à assurer sa permanence par les relations
d'alliance. En effet les mariages consanguins assurent la conservation ou
l'acquisition des postes et des positions. Pour ce groupe le mariage est une
décision familiale et non personnelle. Les familles issues de ce groupe
cherchent une exploitation optimale des ressources des autres groupes. Les
chorfas sont convoités pour leur autorité et leur noblesse,
l'union contractée avec eux permet l'accès au privilège du
sacré et du politique, parce que l'Etat est d'essence
chérifienne. Les bourgeois sont souhaités pour leur fortune,
leur relation avec le pouvoir et le savoir faire étatique rend
l'alliance avec les familles makhzen une affaire affriolante. Il est apparent
que tous ce qui concerne l'élite se passe hors de sa volonté,
leurs membres ne sont ni maitres de leurs idées, ni de leurs
désirs, encore moins de leur destin. C'est pourquoi ils haïssent le
changement, et la nouveauté, ils idolâtrent le statuquo,
véritable problème qui sursoit le progrès institutionnel.
Paragraphe III : les autres moyens de promotion
sociale
Par son assiduité et sa fidélité à
son arriéré traditionnel, l'élite politique a
conservé les pratiques d'ascension s'appuyant sur l'échange des
cadeaux et des avantages avec les détendeurs du pouvoir
décisionnel au sein du makhzen. De même les partis politiques
conservent encore les mêmes rapports d'antan entretenus entre le maitre
et le disciple.
A- l'ascension et régime de l'Inâam
Le champ politique connaît une compétition
acharnée pour s'emparer des appareils de l'Etat. Le régime des
cadeaux peut constituer un mécanisme parmi d'autres permettant la
reproduction des élites dans le système sociopolitique marocain.
Il traduit une expression d'allégeance et de soumission au makhzen.
Celui-ci de part son statut de principal acteur politique, tient à
transpercer les armatures de la société, se hâte pour
domestiquer les élites, il accorde avec générosité,
les postes et les intérêts au profit de l'élite partisane,
pour anticiper son désenchantement et son opposition. La monarchie se
servait beaucoup de la tactique de « diviser pour
régner », ainsi la cupidité devenait la force motrice
des nouvelles élites, si soigneusement mise en place par le roi. La
corruption existe dans tous les appareils politico-administratifs de
l'Etat90(*). Le roi se
servait du dahir Al Inâam, pour créer une clientèle
fidèle composée d'individus personnellement dépendants du
souverain, dans un système de faveurs et d'obligations. Le roi tenait
à ce que tous les biens brigués, ne soient mérités,
ils ne sont liés qu'à la générosité royale.
La compétence et le mérite objectif n'entrent pas en ligne de
compte et la procédure administrative régulière est
escamotée au profit du favoritisme. Ce que vous êtes, ce que vous
possédez, vous a été donné, vous ne l'avez pas
gagné. Et puisqu'on vous l'a donné, on peut vous le
reprendre91(*). Le roi ne
cesse de rappeler aux différents favoris, qu'ils jouissaient d'une
situation qu'ils ne méritaient pas. Par conséquent, ils doivent
soutenir leur dispensateur, s'ils veulent préserver leurs situations.
S'ils refusent, ils seront dépossédés, sans pouvoir
réclamer. La portée de cette situation a permis au pouvoir de
contrôler, pour une longue durée, la vie politique. Tous les
acteurs se concurrencent pour avoir leur part ou une place au sein du
système. Ainsi les membres du parti politique, mènent une lutte
intestine pour occuper des positions avancées au sein de leur parti, ces
postes permettent de se faire remarquer par le makhzen. Les membres de
l'élite de leur part n'hésitent pas à présenter des
cadeaux aux différents décideurs, c'est un signe
d'allégeance et une manifestation de volonté de mobilité
sociale. Elle est aussi, une pratique séculaire qui trace les relations
entre le pouvoir central et les tribus, les notables et les caïds
présentent des cadeaux précieux pour briguer des
privilèges92(*).
L'enracinement historique du régime du favoritisme, au
sein de la société marocaine, en conçoit un style
légitime d'ascension sociale. La légitimité religieuse de
cette démarche en fait un moyen légal, agrée par la
société, pour intégrer la sphère des
privilégiés. L'élite marocaine ne cesse de diversifier les
mécanismes permettant son ascension, dans une lutte sans merci pour
pérenniser son hégémonie sociale.
B- leadership et régime du disciple et du maitre
Dans un système marqué par une carence des
ressources, et pour sauvegarder la situation privilégiée du roi,
le pouvoir veillait à ce que les relations le liant à sa
clientèle soient essentiellement des rapports de dépendance, il
n'est permis à aucun groupe de s'ériger en autorité
indépendante. Ils ne sont titulaire d'aucun mérite pour
acquérir l'autonomie d'action, ils sont dépourvus de la
compétence, de la fortune et en plus ils sont complices du pouvoir.
Les partis politiques qui, constituent progressivement de
véritables centres de pouvoir, incarnés par un groupe de cadres
qui contrôlent la hiérarchie du parti en l'occurrence, le
secrétariat général, bureau politique et comité
central. L'accès à ces forteresses, adjure des
allégeances, des alliances, des sacrifices voire des querelles parce que
le sommet partisan aplanit la voie, et permis les possibilités de
l'accès à un ministère et au centre de
décision93(*).
Les partis politiques demeurent fidèles aux traditions
d'élitisme héritées des zaouïas, les membres du parti
sanctifient leur leader comme faisaient jadis le disciple et son cheikh de
confrérie. L'escalade des cadres se règle par la proximité
du leader du parti. Leurs chefs charismatiques, ressemblent à des
bonzes, à des seigneurs de la haute féodalité, à
qui il faut faire à tout moment allégeance94(*). Cette relation
hypothèque l'avenir partisan et politique des membres et
adhérents. On constate que l'élite politique même s'elle
montre des apparences modernes, son système de valeurs et d'action font
preuve d'une assimilation étonnante au makhzen. Les chefs de partis
marocains s'apparentent comme détenteur de leur propre décision,
mais en réalité ils étaient toujours des domestiques du
Makhzen, incapables d'agir hors de sa sphère. Son inspiration d'un
système archaïque, plonge la société politique dans
une situation statique et stationnaire, semi féodale, indices pressant
son effondrement et sa faillite. Ces pratiques archaïques constituent des
signes pathologiques, elles touchent non seulement les institutions partisanes.
Elles s'étendent pour atteindre toute les groupes et
particulièrement les élites ministérielles et
parlementaires.
Chapitre II : élites parlementaires et
ministérielles : une reproduction de la tradition
Les ministres dans le régime politique marocain, sont
nommés par le roi et responsables devant lui, c'est lui qui
décide de leur limogeage. Aucun d'entre eux ne détient le pouvoir
de décision dans le secteur qu'il gère. C'est le souverain qui
détermine en dernier ressort les orientations politiques du pays. Le
roi, selon la constitution est le représentant suprême de la
nation, les parlementaires ne peuvent se prétendre représentants
de la nation, leur rôle est subsidiaire.
Dans un système marqué par le rôle
prépondérant attribué à la monarchie, il
s'avère difficile d'évoquer les termes «élites
parlementaires » et « élites
ministérielles » ces termes sont utilisés comme un
confort linguistique. Parce que le contexte marocain comporte des
terminologies spécifiques (makhzen), le Maroc, en outre n'a pas connu
une stabilité parlementaire et une même pratique de nomination et
congédiement des ministres. Les élections, le parlement et les
ministres sont à la marge du pouvoir, c'est le roi qui en
détient l'essentiel.
Section I : principes élémentaires
de conception
Evoquer une élite parlementaire au Maroc est
prématuré, mais l'étude du groupe des parlementaires est
une démarche nécessaire pour appréhender le système
politique marocain, ses moyens de survie et son système de rotation des
élites qu'il adopte en vue de répondre aux besoins
d'élitisation. En effet, tous les enjeux de l'élite se
concentrent autour des mandats parlementaires et portefeuilles
ministériels. Les membres de ces deux groupes forment- ils une
élite permanente ou sont des simples représentants contingents et
ministres fortuits ? De même est ce que cette élite est
touchée par les changements socioprofessionnels ayant modifié
l'aspect de la société marocaine95(*).
Paragraphe 1 : renouveau et continuité
Pour cerner le problème du renouvellement de
l'élite parlementaire et ministérielle, il convient de traiter le
parlementaire et le ministre en tant que structures et non des
autorités96(*).
A- élite parlementaire : le contrôle de la
circulation
Le personnel parlementaire, se situe à mi-chemin entre
les élites politiques à la base et les élites dirigeantes
et gouvernementales du sommet. Ce qui peut être précieux pour
évaluer jusqu'où va le contrôle des élites par le
pouvoir97(*). L'approche
adoptée cherche, si l'expérience parlementaire permet la
constitution d'une classe de parlementaires ou de simples élus
contingents. Le taux de retour lors des élections 2007 est de 44,31%,
pour les partis politiques jouissant d'une certaine base électorale le
taux passe à 50%. Tous les députés
réélus gèrent des conseils communaux. Ce retour des
parlementaires, peut il être constitutif d'une classe parlementaire
commandée par, l'harmonie et l'action commun et débouchant sur
une culture parlementaire institutionnalisée ? Dans le contexte
marocain, il est précoce d'invoquer « une élite
parlementaire » car la continuité de certaines figures, ne
génère forcement une institution. Le système partisan
marocain, étouffe un consensus autour des projets
déterminés. Les partis enrayent les possibilités de
consolidation du champ politique, par des représentations
idéologiques engagées où l'Etat intervient pour
définir les règles de la compétition. La
légitimité des acteurs politiques y compris le parlement est
inhérente à leur efficience98(*). Si l'expérience communale permet un mandat
parlementaire, celui-ci peut il être un issu vers le portefeuille
ministériel ?
B- élites ministérielles
Les ministres ont dans leur majorité, des origines
sociales ou professionnelles plus élevés et ont suivi un cursus
scolaire en moyenne plus élitiste encore que les parlementaires99(*). Dans un régime
monarchique, le monarque est obligé de choisir parmi ses proches ou au
sein de l'élite sociale100(*). Au Maroc, le gouvernement est formé par un
chef de gouvernement du parti politique arrivé en tête des
élections de la chambre des représentants. Il est difficile de
reconnaître que le parlement peut être le seul
débouché pour le poste de ministre, il en existe beaucoup. Le
choix des candidats est assujetti à la logique des relations
personnelles, du clientélisme, de l'origine sociale et l'aval du
makhzen. C'est lui qui décide en dernier lieu quant à leur
nomination et révocation. Le Maroc, a connu beaucoup de remaniements
ministériels, sans que cela puisse accélérer la rotation
des élites. Le régime politique par sa nature contrôle
cette circulation. Ce qui pose le problème d'absorption des
élites devenu aigu au Maroc.
Paragraphe 2 : changements socioprofessionnels
Le Maroc, connaît actuellement un renversement de
l'équilibre rural-urbain sur lequel s'est construite toute
l'architecture électorale de ces dernières décennies. Avec
les effets des changements qui s`accélèrent au sein de la
société marocaine, conjugués avec les conséquences
de la mondialisation qui accélèrent les recompositions
territoriales. On assiste à l'émergence de nouvelles
catégories d'acteurs sociaux et politiques qui vont se positionner par
rapport à ces transformations pour les activer, les maîtriser ou
les freiner101(*).
Après le temps des notables à statut prescrit,
le temps des fonctionnaires, c'est le temps d'une fragmentation de
l'élite avec l'accès de profils inédits, technocrates,
militants associatifs. Juste après l'indépendance, la monarchie
consciente du rôle du monde rural, a contracté dès les
premières années de l'indépendance une alliance avec les
notables ruraux. Ce pacte a servi de système stabilisateur du
régime en contenant la poussée de la classe moyenne urbaine et en
assurant la survie d'un jeu politique limité aux élites,
où l'opposition évolue entre cooptation et prison102(*). Cet équilibre au
profit des élites traditionnelles, était au prix d'un blocage de
toutes réformes qui auraient porté atteinte aux
intérêts de l'élite rurale. L'exode rural, les changements
démographiques, l'urbanisme ont altéré le soutien rural
à la monarchie. Au Maroc, la personnalité l'emporte sur
l'appartenance politique parce que l'élite est prédisposée
à penser en termes de personnalité politique plutôt que de
partis politiques. Ces derniers forment des coalitions souples que l'on peut
remodeler avec des nouvelles orientations en cas de besoins. Le ministre ou le
député ne représentent, dans pas mal de cas, que les clans
ou les groupes familiaux qui le soutiennent. De ce fait le poids des
changements socioprofessionnels pèse beaucoup sur ces élites et
préside à leur changement.
A- les parlementaires et les changements socio-professionnels
La société marocaine a connu des grandes
mutations sociales, ainsi depuis les années 1980 on assiste à une
montée des entrepreneurs et des fonctionnaires. Ils s'emparent de plus
de 60% des sièges parlementaires. Dans la société
marocaine fondée sur l'équilibre entre les segments rivaux. Si
cet équilibre est rompu, un processus spontané se lance pour
réinstaurer la stabilité. Des nouvelles instances éclosent
et deviennent des espaces de reproduction du champ politique. Certains partis
de masses, se convertissent en partis de notables et entrepreneurs. L'USFP
devient de plus en plus un parti attractif de ces catégories, ces masses
mécontentes, de sa participation au gouvernement le quittèrent,
et votent pour le PJD qui, lui aussi parait être déjà
consommé par sa participation au gouvernement, ceux qui ont fait venir
le PJD savent bien qu'il va mourir, ils préparent la succession
dès maintenant.103(*) Les partis politiques accordent beaucoup
d'intérêts à la fortune et au clientélisme ce qui
entrave toute ébauche de rationalisation et institutionnalisation du
système politique. Dans cette fièvre de changements sociaux, il
est difficile de parler d'une élite parlementaire, les
députés oeuvrent à la marge, le roi est le
représentant suprême de la nation comme il détient
l'essentiel du pouvoir. Le roi est épaulé dans l'exercice du
pouvoir par des ministres issus d'origines variées, pour la recherche du
maintien de l'équilibre politique.
B - les origines socioprofessionnelles des ministres
Les ministres ont toujours été
intégrés parmi les études et recherches sociologiques
afférentes aux élites, cette catégorie se trouve en haut
de la pyramide administrative comme elle joue un rôle politique. Les
traits et origines des ministres ont été au centre de ces
recherches, qui se sont intéressées aux traits des
personnalités gouvernementales, car ce côté revêt une
importance extrême quand à l'étude politique de
l'institution ministérielle. En plus, la majorité des
administrés, souhaite connaître les origines des ministres ainsi
que les traits de leur personnalité et surtout si ces
caractéristiques comptent pour la nomination d'une catégorie au
détriment de l'autre.
a- l'âge
L'analyse de l'âge des ministres, renseigne sur le
renouvellement des élites, s'il est constant ou au contraire, il permet
l'escalade des personnes relevant des couches inférieures. La moyenne
d'âge des ministres dans la première période (1955-1960)
était de 43 ans, la seconde (1960-1972) de 46 ans alors que la moyenne a
atteint 51 ans dans la 3ème période
(1972-1985)104(*). Pour
les gouvernements formés sous le règne du roi Mohamed VI, la
moyenne d'âge a dépassé 60 ans.
Lors de la première période, le facteur de
l'engagement politique a contribué au jeune âge des gouvernements.
Mais, il vient aussi du fait que, tout naturellement, les jeunes se sont les
premiers à déclencher la lutte pour l'indépendance,
à une époque où n'existait pour eux ni possibilité
individuelle, ni possibilité historique de devenir ministre.
L'engagement partisan, appelant plus vite les jeunes leur permet plus vite
d'atteindre des fonctions importantes.105(*) La monarchie n'était pas dans une situation
d'imposer ses choix, au cours de la phase défensive, le passé
nationaliste et l'adhésion à un parti comptent beaucoup pour la
nomination dans des postes gouvernementaux. Dans la deuxième
période, la participation de personnalités ministérielles
hautement diplômées, a concouru à l'augmentation de la
moyenne d'âge des ministres. L'implication des personnalités
politiques et partisanes, déjà membres des gouvernements
précédents, a contribué à l'augmentation de la
moyenne d'âge des ministres des gouvernements de la troisième
période. Le renouvellement des élites au cours de cette
période est constant106(*). Le poids des élites au pouvoir s'est
consolidé et les doléances des autres catégories sont
reléguées à l'arrière plan.
b- le facteur de l'appartenance géographique
Aussi, le facteur géographique, est d'une
efficacité considérable, pour analyser les
phénomènes politiques, notamment celles afférant à
l'étude des élites. Le Maroc, n'est pas géographiquement
homogène, aux oppositions côte atlantique-intérieur,
nord-sud, zone espagnole-zone française, s'ajoute la réplique
entre ville et compagne. Les ministres des gouvernements qui ont
succédé au Maroc, représentent ils toutes les villes et
régions du pays. L'origine géographique des ministres
révèle un déséquilibre entre les villes du royaume.
En effet, les cités de Fès, Rabat, Casablanca et Marrakech
viennent en tête des villes représentées par des ministres
au sein du gouvernement. De même, le recrutement du personnel politique
marocain est en grande majorité urbain107(*). Pourtant les villes de Casablanca et Agadir ont
été mal représentées, malgré leur poids
économique et démographique. En effet, de la forte proportion
des citadins dans les gouvernements, la vie politique apparaît ainsi,
comme une vie de cité, une vie urbaine, les ruraux y participent peu.
c- l'origine sociale
La connaissance de l'origine sociale, définit par la
situation professionnelle de leur parent, un autre critère peut
élucider la recherche, les écoles et instituts où ces
personnalités ont suivi leurs études. Cette étude permet
de vérifier, si le système d'élitisation permet
l'ascension des individus originaires des classes inférieures, ou que
l'élite est fermée et ne tolère aucun changement en son
dehors. Sur la base des critères précédemment
cités, l'origine sociale reflète trois niveaux. Bien que certains
ministres relèvent d'origines modestes, l'élite politique
marocaine relève dans son ensemble des classes sociales aisées,
ou de celles situées entre grande bourgeoisie et moyenne bourgeoisie
d'affaires. L'étude de l'élite ministérielle n'enseigne
sur l'existence d'aucun facteur manifeste de différenciation entre les
trois niveaux de rangement des origines des ministres, mais la marginalisation
des élites rurales et populaire est signifiante. Même au niveau
des postes ministériels, les ruraux se chargent des ministères
d'une importance moindre, alors que les plus importantes sont accordées
à des éléments de l'élite urbaine108(*). Enfin, il est digne de
signaler que dans le contexte marocain, où règnent les
idées archaïques, dévalorisant la femme, l'élite
ministérielle est foncièrement masculine, les femmes sont
faiblement représentées.
Section II : les maux parlementaires et
ministériels
L'institution prend la forme d'un organisme, doté de
moyens humains et matériels pour assurer ses missions.
L'élément humain reste primordial pour la réalisation de
sa tâche. Les qualités socioprofessionnelles, quelles soient
celles des députés ou des ministres influencent
l'efficacité, l'enracinement et le degré de la satisfaction des
demandes de la masse. Mais les constances du jeu politique désorientent
cette élite. La principale caractéristique du jeu politique
local, c'est qu'il évacue totalement les questions de
développement, de croissance et de compétition entre les
territoires. Les campagnes électorales restent marquées par des
thèmes liés aux équipements de base ou de proximité
ou encore de promesses de diverses natures difficiles à tenir. Les
relations clientélistes décident de la réussite
électorale. Rares sont les députés qui gagnent leur
siège en se présentant seulement comme un développeur ou
en faisant prévaloir leurs capacités entrepreneuriales. Les
moeurs politiques restent encore frapper par leur caractère
archaïque, clientéliste et foncièrement vénal. Le
poste de député n'est souvent gagné qu'à la suite
de multiples tractations où se combinent relations partisanes, relations
familiales, notabiliaires, clientélistes. « Ce qui
génère des groupes de parlementaires simplifiant la relation
avec cette institution en une source d'enrichissement personnel, chose qui
présente des signes pathologiques de
l'élite »109(*).
Quels sont alors ses symptômes ? Ainsi que ses
répercussions au niveau du parlement et du gouvernement ?
Paragraphe 1 : institutions vassales du pouvoir
Le parlement est l'expression de la volonté populaire,
la souveraineté nationale s'exprime par le biais des parlementaires.
Mais, cette institution est souvent manipulée d'une manière
qu'elle parait comme un organisme de façade, si elle n'est pas purement
et simplement dissolue. Le Maroc, en fournit un exemple en 1965 avec la
dissolution du parlement, et la restitution de tous les pouvoirs par le roi.
Après, la reprise de la vie parlementaire, celle-ci était
manoeuvrée par une administration qui se considérait comme le
gardien du temple de l'ordre établi110(*). L'essentiel du pouvoir est désormais entre
les mains du roi (A), les parlementaires se livrent à des pratiques
portant atteinte à leur représentation, comme à
l'institution elle-même (B).
A- la problématique des compétences
Le makhzen est le centre de gravité du pouvoir, toutes
les activités politiques se déroulent sous le contrôle
méticuleux de son appareil. Il ne tolère l'évolution
d'aucun pouvoir hors de sa conception, le rôle du parlement est
réduit d'une institution de conception et d'initiative à un corps
de rengaine des politiques du makhzen. Soustrait de l'essence de son
existence qui, la représentation de la nation, le parlement est un
représentant du second degré, le roi est représentant
suprême de la nation. Le pouvoir au Maroc est unique et indivisible.
Celui du roi est un pouvoir original alors que l'autorité du parlement
est déléguée. De ce fait le pouvoir du souverain est
suprême, et intervient par conséquent dans tous les domaines. Le
parlementaire n'est autorisé qu'à jouer le rôle de
médiateur et de conseiller. Son autorité ne peut rivaliser avec
le pouvoir du monarque, il n'exerce que des obligations législatives qui
consistent à soutenir le roi dans sa mission111(*). Celui-ci exerce un
contrôle constitutionnel sur les travaux du parlement comme il dispose du
pouvoir de sa dissolution. Toutes les institutions au Maroc, ont
été implantées dans un environnement spécial. Le
régime a procédé à un dressage politique de
l'élite, par la cooptation de ces membres et leur remodelage, selon des
mesures conformes au pouvoir112(*). Une élite docile a été
formée, totalement dépendante du régime, dépourvue
du pouvoir de décision et de la volonté du travail et
d'initiative. La pratique au sein de cette institution, renferme
l'élite dans un cercle où la monarchie constitue le commencement
et la fin. Les choix du parlement ne peuvent être que ceux du roi.
B- Absence de professionnalisation et
institutionnalisation
Le fonctionnement des institutions dans un Etat, est
borné par la nature de la culture sociopolitique, les données
économiques et le contexte international. Si le parlement et le
gouvernement vaquent pour développer la vie politique, ils relatent la
nature de la culture politique dominante. L'action du parlement est une tenue
systémique et intégrée dans un processus
réactionnaire de ces principales composantes, elle fixe les traits
essentiels de la culture d'une institution déterminée113(*).
Au Maroc, l'idée récente du parlement
empêche un soubassement de l'idée du parlementarisme, qui
s'adjoint à une défaillance des partis politiques en
matière d'encadrement des députés. De même, les
pratiques des parlementaires ont affirmé cette situation, par des
tournures privilégiant les intérêts personnels sur ceux de
l'institution. Le parlement est devenu un espace d'intéressement
personnel au détriment de l'intérêt public114(*). Ceux qui sont élus
ne sont pas forcément les mieux outillés pour représenter
les Territoires et cerner leurs besoins. L'individualisme, le
népotisme, le clientélisme détournent
l'institutionnalisation parlementaire. Une fois élu, le
député ne se considère pas comme responsable devant les
populations, les opérateurs économiques ou investi d'une mission
de développement des électeurs qui l'ont choisi, il ne
s'intéresse qu'à une seule chose, se porter attentif aux
dictées du pouvoir. En effet, la soumission de l'élite
parlementaire aux sommations du système, a étouffé
l'avènement d'une élite parlementaire professionnelle manifestant
une existence matérielle et politique dans le respect de la loi et de
l'intérêt général, capable de faire face au
défit de la mondialisation115(*).
Le contexte sociopolitique actuel suppose un parlementaire
professionnelle au lieu d'un amateur désintéressé de son
rôle. Tout cela révèle que les relations
élite/élite et élite/pouvoir sont gouvernées par
des relations personnelles pragmatiques et ne sont soumises à aucune
règle constitutionnelle juridique116(*).
Paragraphe 2 : une élite inadaptée
La course aux avantages, lancée par la monarchie, est
un agent sûr de l'altération de la classe politique et des
formations partisanes. Devant cette situation avantageuse, le pouvoir, ne
traitait qu'avec certaines organisations politiques et personnalités
isolées, celles qui ne mettent pas en péril le système,
leur seul souci est de se faire place. La conduite de l'élite
parlementaire, témoigne d'un ensemble de pratiques négatives.
Leurs répercussions sont néfastes sur l'institution.
A- inadaptation au sein de l'institution
La nature de l'alliance contractée par la monarchie
et les notables ruraux, avait des répercussions considérables sur
la composition parlementaire. Les élites traditionnelles ont
confirmé leur hégémonie au sein du parlement, elles ne
représentaient que leurs propres intérêts. Alors que la
majorité était dépourvue d'une représentation
politique qui présentait ses doléances, elle était
politiquement marginalisée et éliminée. Ainsi, on
relate l'absence de l'initiative de proposition au profit d'un
« parlementarisme de service ». Les questions orales et
écrites remplacent les motions de censure ce qui réduit le
contrôle à une formalité simple. La recherche de
l'intérêt individuel devient la culture dominante au sein de
l'institution, l'immunité parlementaire est devenue un instrument
politique de défense des agissements illicites des représentants
de la nation. Ils dissimulent leurs intentions, et prétendent chercher
l'intérêt général, c'est une représentation
négative de la nation. De même l'absence des
députés lors des séances plénières ou au
cours des travaux des commissions, constitue un manquement aux obligations de
représentation qui leur incombe. Un autre phénomène de
nomadisme politique pèse sur cette institution, il ajourne le processus
de stabilité au sein des institutions constitutionnelles, dont le
parlement constitue la pierre angulaire. L'absence de communication entre le
parlementaire et sa base électorale, empêche toute action de
l'électeur sur les agissements de son représentant117(*).
B- inadaptation des partis politiques
L'opposition entre les segments, s'accentue au sein des
systèmes politiques qui souffrent de la fragilité du pouvoir
central. Le Maroc, est un pays fragmenté, il était durant
plusieurs siècles, organisé dans le cadre des groupements tribaux
fractionnés, le Maroc connaît d'autre divisions, la famille, le
quartier, la ville, la tribu, ensuite les groupes mixtes cherchant des
intérêts matériels et objectifs enfin les groupes
d'intérêts composés des syndicats, des groupes
économiques et partis politiques. Tous les groupes oeuvrent pour
défendre leurs acquis plus qu'en chercher d'autres avantages. La
monarchie fait l'exception, elle tient à ne jamais se soumettre à
aucun groupe, c'est là où réside sa force118(*). Les autres fractions
devenaient proies aux divers changements. Les partis politiques cherchent en
permanence à développer le nombre de leur parlementaire, pour
pouvoir se placer au devant de la scène politique et assister la
monarchie qui monopole la capacité de distribution des biens
matériels et immatériels du pouvoir119(*). Les partis s'engagent
à leur tour dans un mouvement de recherche de nouveaux candidats avec
des profils de technocrates. Le capital du militantisme collectif est
laissé tomber pour céder la voie devant des capitaux individuels
et capacités personnelles considérés comme
réservoir des voix. Ainsi le régime a procédé
à une adjonction entre des changements économiques avec des
principes politiques qui n'échappe guère aux mécanismes du
rapprochement et de vassalité. « La participation et le
bénéfice institutionnel de l'élite, ont été
accomplis sans la moindre révision du système politiques et ses
règles de jeu. Son objectif principal est d'embrigader de nouveaux
alliés produit du développement sociologique, capables de
protéger le pouvoir et assurer sa pérennité. Les choix
idéologiques ne créent chez leurs adeptes aucun engagement
comportemental. L'utopie idéologique reste absente au Maroc, le
réalisme politique règne dans le pays, c'est le système
politique qui garantit sa pérennité120(*) ». Si le
système politique marocain est caractérisé par
l'immobilisme et l'inertie, la monarchie remplit un rôle primordial
marqué par un équilibre fragile et sa rupture n'est pas
foncièrement tolérée. Dans ce contexte comment les
élites peuvent parvenir à se renouveler. Seule
l'hérédité des postes et des positions peut amener une
réponse à cette question.
Partie II : Renouvellement de l'élite
politique dans la logique de l'hérédité
Les mécanismes de transmission politique
intergénérationnelle obéissent à des règles
qui varient selon les sociétés et les époques.121(*) Dans le contexte marocain,
où le poids de la tradition ne cesse de peser sur la scène
politique marquée par un équilibre ténu,
l'hérédité constitue un mécanisme de renouvellement
des élites. En étirant la notion d'hérédité,
nous sommes amenés à faire une distinction entre :
hérédité politique effectuée suite à une
socialisation dans la politique, et hérédité politique
débouchant sur une transmission de mandat électif, des postes et
positions au sein des groupes au pouvoir. Cette pratique fait appel aux
méthodes de cooptation qui président à la sélection
des candidats. Par conséquent la notion d'héritage politique est
réduite aux successions familiales, formes les plus visibles et plus
nombreuses dans la reproduction du personnel politique marocain, mais d'autres
pratiques délaissent les filiations objectives et biologiques au profit
des usages symboliques et métaphoriques du paradigme de la
parenté122(*).
Le phénomène de transmission n'est pas une
réminiscence d'un état antérieur de la compétition
politique, il pérennise une situation déjà
enracinée dans la société. Le système
notabiliaire au Maroc, a résisté aux différentes
tentatives de son éradication après le départ du
protectorat, en plus il a pu s'imposer avec force sur la scène
politique, grâce aux facteurs de domination qu'il a
hérités123(*).
La transmission semble être plus fréquente au
sein de tous les milieux politiques, économiques et religieux,
à « droite » qu'à
« gauche ». Par la suite, on est en droit de signaler que
l'élection est toujours indirecte, au deuxième degré,
puisque la sélection a été faite par ailleurs au sein de
la famille ou dans le clan ou le groupe du candidat, l'individu marocain n'a
d'existence qu'au sein de son groupe d'origine ou du clan qui le soutient.
L'élite marocaine use des méthodes précédemment
aboli en occident. Leurs instruments sont : le paternalisme,
l'autoritarisme, l'exploitation et la répression, par ces moyens, les
membres de l'élite tentent de préserver leurs privilèges.
Issus des familles alliées, fortunées, instruites, hautement
placées, ils font partie des privilégiés qui ont fait des
études supérieurs. Ils font de l'arbitraire un principe
d'autorité, et de l'exploitation un régime économique. Il
s'agit d'un système basé sur les traditions de dévolution
intergénérationnelle (chapitre I) tant que ce système
fonctionne il n'y a ni développement, ni démocratie (chapitre
II).
Chapitre 1 : Rotation
de l'élite politique : un continuum des traditions
Les concepts d' « élites » et
la « circulation des élites » ont
été élaboré par les théoriciens
libéraux pour s'opposer au concept marxiste des classes et leur
antagonisme124(*). Ces
théoriciens ont voulu rétorquer les principes marxistes, et
montrer qu'il n'existe pas de stratification de classes dans ces
sociétés, mais il s'agit seulement des strates où l'on
peut entrer et sortir facilement. Les individus travailleurs, ambitieux et
intelligents peuvent grimper l'échelle sociale, quelque soit leurs
origines et quelque soit le rang qu'ils occupaient auparavant au sein de la
société.
Dans l'ancienne monarchie marocaine, le successeur du sultan
était choisi parmi les membres de la famille Alaouite par les
oulémas. Partout dans le monde quatre techniques sont employées
pour la désignation des autorités suprêmes de l'Etat :
la cooptation, l'élection, la conquête et
l'hérédité125(*). Au Maroc, la conception du pouvoir est liée
aux formes traditionnelles d'organisation sociale du pays, encore vivaces
aujourd'hui.126(*)Les
marocains étaient en grande majorité issus des tribus, l'esprit
de cette appartenance les habite encore. Ces entités étaient
constituées de segments antagonistes, les tensions permanentes animent
l'équilibre. La pression et la menace permanentes servent à
renforcer la structure et l'identité des unités composantes de
cette société. Les élites qui ont commandé
l'activité nationale après l'indépendance, ont appris
à se servir de l'attirail classique des régimes modernes :
partis politiques, syndicats, groupes de pression... Mais dans la pratique, ils
se comportent selon des règles puisées dans le traditionalisme de
la société marocaine. La classe dirigeante au Maroc, est
constituée essentiellement des fils de la minorité de
privilégiés, qui ont pu faire leurs études sous le
protectorat. « Des hommes issus des familles alliées qui ont
accédé aux privilèges du pouvoir, ils ne veulent plus en
être dessaisi, ils sont des héritiers, ils méprisent les
compétences, les capacités, ils haïssent le progrès
et le changement. Le renouvellement des élites se déroule dans
des conditions politiques et sociales marquées par la primauté
des pratiques héritées de la tradition sur les méthodes
nouvelles »127(*). Une telle situation favorisant la stabilité
du régime, préside à la reproduction des mêmes
structures et reconduit au pouvoir les anciens favoris.
Section 1 : contexte
politique de l'élitisation
Le Maroc est un état segmentaire, au sens le plus
large, il l'est aussi du fait que sa population a été
organisée en lignages segmentaires. Raison pour laquelle le comportement
des acteurs politiques, aujourd'hui est modelé à la fois par,
les idéaux politiques traditionnels et par le factionnalisme moderne. Si
les sociétés de transition sont portées au factionnalisme,
c'est en grande partie à cause des incertitudes de la situation
politique et de la rapidité des transformations sociales128(*). La disparition des
régimes coloniaux a élargi le champ des rivalités des
groupes en présence et accru les ressources matérielles qu'ils
s'efforcent de contrôler. Il est rare que les factions mesurent
exactement leurs forces ni celles de leurs adversaires, mais toutes sont
fermement décidées à prendre leur part du butin. Elles se
lancent, pour s'impressionner les unes les autres, dans des
démonstrations de force qui déclenchent des réactions en
chaine. Que cela se termine en une empoignade générale ou sur un
face à face rageur, l'intensité et la
généralisation de la compétition sont un fait
indéniable129(*).
En effet les marocains se sentent appartenir fondamentalement à une
tribu, à une religion, à une famille, à un quartier,
à un métier, à un groupe économique, parfois
même à une région, ce qui fait du Maroc un mélange
divisé. Waterbury s'attendait à ce que les hostilités
soient ouvertes, mais rien de cela n'arrive. L'utilisation défensive du
pouvoir et de l'autorité constituent la caractéristique constante
de l'attitude politique des marocains. Le pouvoir sert à maintenir,
conserver et protéger et non à détruire et
ouvrir130(*). De
même, il ne faut pas négliger la toute-puissance des structures
politiques anciennes, leur capacité de réadaptation et de
récupération. Tous ces éléments confèrent au
système marocain une force de conservation et de permanence que
l'ensemble de son ouvrage pose comme quasi-infaillible131(*). Un autre groupe
segmentaire, dont les éléments sont le produit de l'impact de la
culture étrangère luttait depuis l'indépendance, pour
conquérir le pouvoir, son attitude est façonnée par la
nature segmentaire de la compétition politique et par la culture
traditionnelle. Les partis politiques, officiers, groupes économiques,
syndicats tous sont des favoris, aucune organisation ne représente les
intérêts des couches inférieures de la
société. Ces comportements politiques débouchent sur une
immutabilité politique (paragraphe I), partant de son
rôle du principal acteur politique, le pouvoir procède à
une domestication des élites pour prévenir toute concurrence
à son autorité (Paragraphe II).
Paragraphe1 :
immutabilité politique au Maroc
La classe dirigeante n'a pas rompu avec le passé, elle
est son héritière, et cette prolongation des traditions influence
le champ politique. Le climat d'apparente inimitié entre les
différentes factions ne doit pas faire allusion. Tension et conflits
ont longtemps animés la cohésion des composantes de la
société marocaine. La communauté et la défense des
intérêts contrebalançaient cette segmentation. En outre les
liens familiaux, sociaux et économiques réparent ce que les
antagonismes politiques auraient détruits. C'est ainsi que tous les
mouvements transperçant la société marocaine seraient en
dernier ressort insignifiants. Cette invariance toucherait aussi bien les
structures en place (A) que les stratégies déployées(B).
A- Des structures
constantes
Le comportement politique des acteurs modernes, notamment les
partis politiques, les groupes économiques, les syndicats, est
affecté par les traditions segmentaires héritées du
passé du Maroc. L'institutionnalisation des tensions entre les
compétiteurs, crée une situation d'équilibre.
« Les marocains, cherchent malicieusement à garantir leurs
patrimoines, leurs positions et renforcer leur prestige, sans négliger
que leur ascension peut engendrer la ruine d'une autre personne et qu'à
leur tour ils peuvent être victimes d'une semblable manigance. Une
politique s'avère indispensable : « vivre et laisser
vivre ». Survivre et réussir dans le système marocain,
rendraient nécessaire d'évaluer constamment les
possibilités d'alliance et contre-alliance entre les groupes de
l'élite. Ensuite le repli général sur une position du
statuquo, apparaitrait aux yeux de tous comme la ligne de conduite la plus
sûre »132(*).
La permanence des tensions et la violence caractérisant
la société marocaine, ne peuvent générer que la
stagnation, nonobstant, le changement certain des institutions politiques
osé par quarante quatre années du protectorat. En dépit du
développement de nouveaux rapports socio-économiques et la
récente mouvance des pays arabes, la stagnation caractérise
encore la société marocaine. Cela est lié au
caractère des acteurs de la vie politique dans les systèmes
segmentaires, tel le Maroc, où la vie politique est immuable. Rompre
l'équilibre est intolérable, si une faction de l'élite
révèle des symptômes d'un quelconque avantage, les autres
factions s'unissent pour rétablir l'équilibre. Tous dans cette
société tendrait à préserver le statuquo.
L'initiative ainsi que la démarche risquée et audacieuse
entrainent l'isolement dès que la situation évolue133(*). Il est donc
préférable de ne pas s'aventurer aux téméraires. La
témérité insolite des officiers marocains qui ont
tenté à deux reprises de renverser la monarchie n'a eu
d'égale que l'isolement des conspirateurs et leur
échec.134(*)
Cette attitude prédominante peut expliquer l'avènement du
mouvement de 20 Février qui pourrait avantager la mouvance islamiste
radicale d'Abdeslam Yassine. Pour contrebalancer, les islamistes
modérés du Parti de Justice et Développement, contractent
une contre alliance avec le pouvoir. Le contexte politique marocain,
n'encourage guerre les éléments de l'élite à se
maintenir dans leurs positions héritées. Eux aussi, oeuvrent, et
tentent de ménager le chou et la chèvre pour consacrer le
maintien de l'immobilisme et le conservatisme dans le pays.
B-Stratégies de
l'immobilisme
Le comportement particulièrement tactique de
l'élite, ne peut être que le corollaire du genre des structures
sociales et politiques prédominantes au Maroc. L'invariance politique
serait la portée du jeu de bascule entre coteries, partis et syndicats
en permanence animosité. Une manifestation de suprématie d'un
segment de l'élite, pousse les autres à contracter des coalitions
pour équilibrer.
Le pouvoir, et pour maintenir sa maitrise du jeu politique,
développe très tôt des stratégies globales
relativement cohérentes, pour faire face à des comportements
tactiques de la part des segments. Il opte ainsi à maintenir les
structures de l'immobilisme, quand la société est visée
par des pressions, traversées de quelques tendances, bousculée
par des heurts jusqu'à ses soubassements, les réactions du
pouvoir auraient tentées à mettre l'ensemble de ces mouvements en
oeuvre pour sauvegarder les structures de l'immobilité. Le formalisme
légal (nouvelle constitution, régionalisation, élection
démocratique) observé ces dernières années ne
peut dévier l'acteur principal de son objectif primordial de protection
et de conservation des structures en place135(*). Les élections communales de 1960, ont
montrés l'aptitude du pouvoir à mettre cette opération
démocratique au service du maintien de l'immobilisme, puisqu'il a
réussi à rétablir le système d'élite locale,
qui lui est favorable pour contrebalancer l'ascension de la bourgeoisie
urbaine. En dépit des changements multiples, le makhzen préside
à la création des élites à travers les partis
administratifs, même les formations issues du mouvement national
n'échappent à la transpercée du Makhzen136(*). Seuls les petits partis de
la gauche radicale et le mouvement de « Al Adl oua
al-ihssane » d'Abdesslam Yassine, fuient ce contrôle. Il est
indispensable de libéraliser l'élite politique pour
démocratiser d'avantage la vie politique du pays, et dépasser le
statuquo. La primauté d'un seul acteur politique dérégle
la vie démocratique137(*). Dans le contexte marocain qui manifestait une
résistance remarquable aux facteurs de changement, la croissance
démographique, la poussée de l'urbanisme, la
généralisation de l'enseignement, la promotion nationale, la
politique des barrages, l'INDH...sont fortement encadrés par cette
stratégie d'invariance et leur résultats demeurent restreints. La
vie politique se souscrit dans un cercle d'élite et de
contre-élite, permettant l'hérédité des postes et
des positions. Les membres de ces groupes sont tous des
privilégiés, qui en dépit de la phraséologie, ils
tentaient de préserver une situation de statuquo où les masses
ne seraient prises en considération que pour accroitre le pouvoir de
négociation. En dépit de la docilité des élites, le
pouvoir ne cesse de développer des politiques et stratégies
présidant à la restriction de la marge de manoeuvre de la
société civile.
Paragraphe II :
politique de domestication et limitations des ambitions de la mouvance
sociale
La société civile selon Gramsci, désigne
toute la famille, les organisations de production privés, les syndicats,
les institutions religieuses, les entreprises de l'information et de
l'éducation, les partis politiques et le parlement. Elle domine la
société indirectement par le biais des intellectuels. Alors que
la société politique, assure l'hégémonie et la
direction exprimées par le pouvoir de l'Etat et l'appareil juridique.
Les structures de la société civile s'activent pour la
défense du citoyen contre l'abus du pouvoir de l'Etat. Au Maroc, le
pouvoir repousse toute concurrence au niveau de la gestion publique, pour
préserver la situation du principal acteur politique dont jouit le
roi138(*). Et par
conséquent, être capable de manipuler facilement l'élite
rendue docile et contrôler effectivement l'administration. Cette mission
est rendue possible par le monopole du pouvoir de distribution des bienfaits
politiques et matériels du pouvoir, par la monarchie. La
société civile fonde son existence sur la contestation de l'Etat,
elle réclame la liberté et la justice alors que l'Etat est un
espace de rationalité, de réglementation et de
légitimité. Pour contrecarrer toute atteinte au statuquo, l'Etat
développe en permanence des styles et des politiques afin d'assurer le
contrôle des élites. Deux méthodes ont été
tentées de bonne heure, celle de répression (A) de la
domestication et sa concurrence par la création d'une fausse
société civile (B).
A- répression et
domestication de la société civile
A l'image du système patronal et
héréditaire, les réseaux associatifs sont des canaux
d'accès au pouvoir, leur efficacité est éprouvée.
Poussé par son éternel souci, de préserver les
institutions en place, le pouvoir se sert de son appareil répressif
contre les organisations échappant à son contrôle. La
répression s'exprime en termes d'interdiction à caractère
administratif d'activités ou le refus de remise du
récépissé du dossier. De même, l'Etat peut interdire
l'organisation d'une activité, l'emprisonnement, les poursuites
judiciaires et la persécution139(*). L'appareil répressif de l'Etat fonctionne
pour contrecarrer toute menace de concurrence, lors de la mise en vigueur de la
décision sociopolitique. Le maintien de la tension et de la violence
continue de traverser la société civile, le pouvoir n'a pas
encore abandonné ses anciens dérivés. Il s'attache
à son rôle protecteur de l'immobilisme en faveur d'une
élite contrôlée dans sa majorité par des
héritiers, riches et cultivés, qui ont transgressé toutes
les principes libéraux, pour satisfaire leur soif du pouvoir. Mais le
contexte international, rejette ces agissements. Ainsi pour embellir son image
devant la société internationale, le makhzen a compris qu'il est
plus indéniable de recourir à la politique de domestication et
de concurrence.
B- domestication et
concurrence de la société civile
Si la société civile en occident est
l'émanation de la dynamique de la société toute
entière, au Maroc, l'Etat a largement contribué à la
formation d'une grande partie de cette société.
« L'encouragement du multipartisme et la constitution d'associations
régionales, constituent des exemples de l'ingérence du pouvoir
dans les affaires de la société civile, en vue de maintenir
l'équilibre politique. Par la suite le pouvoir, perçoit qu'il
lui est utile d'intégrer les réseaux associatifs dans sa
stratégie. Un processus de domestication et d'intégration de
nombreuses structures de la société civile fut lancé. Le
makhzen, soucieux d'assurer sa présence au niveau des différentes
structures de la société, conteste tout partage de
compétence au niveau social »140(*). Par la suite il concurrence
la société civile, par la création, en parallèle,
d'une autre plus docile. Celle-ci annonce son appartenance à la
sphère de la société, alors qu'elle est ralliée aux
intérêts du makhzen et ceux de tous les détenteurs du
pouvoir et de la fortune. L'Etat a réussi à transpercer toutes
les espaces d'action et de réflexion de l'individu, pour élargir
le domaine du politique au détriment de la société. Le
soutien étonnant de l'Etat aux associations concurrentes a réduit
le rôle de la société civile. Ainsi l'Etat a pu simplifier
au néant le dynamisme des acteurs de la société civile.
De ce fait le pouvoir a réussi à limiter les ambitions de cette
société, pour être capable de guider et diriger sans la
moindre contestation ou opposition.
Si la société civile a été
facilement pénétrée, cela signifie que ses structures sont
perméables. Elle intériorise des tendances tribales,
confrériques et familiales. Les débris des différentes
appartenances traditionnelles, survivent à l'intérieur des
institutions. La persistance des facteurs segmentaires, facilite
l'intervention du makhzen, qui la simplifie à un corps manipulable.
L'avènement d'une société civile imperméable aux
interventions étatiques est tributaire de sa capacité de
dépasser les modes de production traditionnels entachant sa naissance et
désorientant ses tendances sociétales141(*).
Section 2 :
l'hérédité et les possibilités de
transmission des ressources politiques
L'hérédité en politique est la
transmission parentale des mandats électifs, des postes et positions
dans la hiérarchie du pouvoir. La parenté recouvre aussi,
un ensemble de rapports que des groupes sociaux donnés reconnaissent
comme des liens entre individus, pour autant que ces liens soient issus du
mariage et de la descendance. Cette relation établit ainsi entre les
individus, des liens personnels fondés sur le sang et l'alliance, qui
dessinent sur un territoire donné ou dans un domaine
déterminé et sur une longue période, des réseaux
sociaux. Elle est aussi un ré-encastrement du politique dans le
social142(*). Partant de
l'origine traditionnelle de la société marocaine,
l'hérédité se situe au centre de la société,
elle traverse toute la société, les élites marocaines
s'attachent aux structures du passé qui fondent l'organisation primitive
de leur pouvoir. Les dirigeants marocains se présentent comme des
serviteurs de la société, en réalité ils ne font
que légitimer leurs statuts acquis ou transmis. Ils appliquent la loi
d'airain dans toutes les organisations, pour perdurer leur pouvoir conquis
depuis des décennies, ils ne sont pas prêt à céder
leur place ou la moindre prérogative personnelle de leur
fonction143(*). Le
phénomène de la transmission héréditaire est
enraciné dans la pratique politique, les formes modernes de la
compétition électorale n'a pas réduit le poids de cette
pratique. Au contraire, les dynasties qui, depuis le XVII ème
siècle régnaient sur les grands appareils économiques,
bureaucratiques et politiques de l'Etat, continuent de le faire encore.
L'hérédité se révèle, une piste plus
féconde, l'élection est indirecte, elle est au deuxième
degré puisque c'est l'origine sociale et l'appartenance à une
grande famille qui est déterminant144(*).
Paragraphe 1 :
l'hérédité : une ressource politique
La structure sociale est caractérisée par
l'inégalité qui constitue son premier élément, et
présente deux formes très différentes :
inégalité individuelle et inégalité sociale entre
classes ou castes. Mais chez les animaux, l'inégalité reste
strictement personnelle145(*) . Au sein des sociétés humaines, les
inégalités individuelles sont l'apanage des
inégalités collectives, les gens du haut de l'échelle y
parviennent en partie parce que leurs parents étaient eux même en
haut de l'échelle sociale. Ils réussissent en
général à maintenir leurs fils en haut de cette
échelle ou à les empêcher à descendre trop en bas.
En revanche les gens dont les parents se situent en bas trouvent une
difficulté plus grande à parvenir à une situation plus
grande. L'apologie des castes repose sur l'idée que les habitudes
acquises chez les parents, tendent à constituer autant d'aptitudes
innées chez les fils. « Il est vraisemblable que les
qualités professionnelles non seulement se fixent, mais se majorent
là ou les fonctions sont transmises avec le sang, cette transmission
héréditaire est admise par les structures
sociales »146(*).
Dans le contexte marocain fidèles aux traditions de
conservatisme politique mêlé d'un libéralisme de
façade, les institutions stratégiques du pouvoir, tombées,
après le départ du protectorat, entre les mains des élites
bourgeoises, deviennent un héritage que seuls les héritiers
issus de ces mêmes franges de la population, peuvent
bénéficier de leurs ressources et privilèges, au
détriment d'une majorité délaissée proie à
la pauvreté et l'ignorance147(*). Les élites traditionnelles deviennent alors
des héritiers (B) du sort de l'Etat. Cet héritage (A) introduit
la vie politique dans l'inertie et l'invariance.
A- L'Héritage
politique
L'analyse de l'hérédité comme une
ressource politique, qui recèle des acceptions multiples, et peut faire
l'objet d'usages variés. Tout d'abord le nom de la famille renvoie
à une pléthore de significations. Il est lié à une
activité, une fonction religieuse, un commerce, un poste occupé
au sein de l'administration makhzen ou à un territoire. La socialisation
politique se déroule au sein de la famille, elle est à la fois
l'origine et la limite du pouvoir. C'est à cela qu'on reconnaît
socialement la valeur de l'individu, non à ses qualités
personnelles. Celui-ci grâce au nom qu'il a reçu du père,
accède au privilège d'un mariage de luxe, d'un recrutement ou
d'une nomination à un poste de responsabilité politique ou
économique. Mais la généalogie montre que l'origine n'est
pas une donnée, au contraire il faut agir. Contrôler un
territoire, c'est pouvoir agir sur ses découpages administratifs et
politiques. De même, gérer un capital patronymique
nécessite des actes de production et de reproduction des mêmes
rapports sociaux de fidélité et du clientélisme. C'est
aussi la capacité de transformer un répertoire à usage
domestique en instrument de conservation ou d'appropriation des positions de
pouvoir politique148(*).
L'ancienneté de la famille dans le service de l'Etat, la richesse, la
renommée et le prestige sont désormais des arguments propres
à susciter l'adhésion de l'acteur makhzanien. L'étude de
l'histoire de ces familles prouve que c'étaient leurs pères,
leurs grands-pères et arrières grands-pères qui, sans
interruption depuis la deuxième moitié du XIX ème
siècle, fournissaient à l'Etat ses vizirs, ses
secrétaires, ses diplômâtes, ses magistrats et ses
idéologues149(*).
Etre un Héritier renvoie à une socialisation d'un type
particulier, par acquisition raisonnée et systématique ou par
apprentissage inconscient permettant d'anticiper les droits et les devoirs de
la fonction et d'abord d'intérioriser l'évidence de
l'appartenance de la gestion des affaires publiques, au patrimoine de la
famille.
B- L'héritier
politique
Hériter en politique, c'est aussi
bénéficier du capital social accumulé dans et par la
famille, et donc, s'approprier aux réseaux de clientèle et de
patronage qui ont été construits et entretenus sous
l'étiquette de la famille au long de son histoire. Aussi l'usage de la
ressource implique une préparation, une prédisposition à
son utilisation. La famille pour se maintenir dans ses positions procède
aux règles traditionnelles de la sélection et de la
stratification. Dans la famille, il y'a des gens d'en bas et les gens d'en
haut. La sélection fixe les priorités en fonction du sexe, de
l'âge, du diplôme, de la vocation et de la profession150(*). Il s'ensuit une
stratification qui, selon les qualités acquises, classe les uns dans la
catégorie des maitres, les autres dans celle des serviteurs. Ceux qui
ont fait des études brillantes et qui exercent des professions nobles,
sont voués aux mariages d'affaires ou de prestige. Ils valent
très cher sur le marché matrimonial. Les autres, les
sans-diplômes, les ignares, les simplets, les incompétents, bref
les ratés sont destinés aux alliances de camouflage151(*).
Cet usage d'une ressource rare est, bien entendu, sujet de
stratégies et de manoeuvres différentes pour sauvegarder leur
patrimoine. Si on étudie ceux qui dirigent les grands appareils du
pays, on verra que tout se restreint à une minorité de familles
opérantes. Grâce à l'efficience des dispositions mises en
oeuvre par les élites, ils gardent encore leur influence
première, elles recouvrent avec aisance les mêmes positions
auxquelles elles sont entachées depuis près de deux
siècles152(*).
L'essentiel devient dès lors, le processus de
sélection précédant le choix du candidat.
L'héritier consentant et pressenti saura répondre aux
sollicitations de jouer de ses propres ressources pour habiter
l'héritage face à la famille biologique ou à la famille
politique. L'élection réussie démontrant la
capacité de l'héritier à poursuivre la lignée,
l'adéquation de l'héritage et de l'héritier153(*).
Paragraphe2 :
possibilités de transmission et de socialisation
Théoriquement, tout citoyen garde son droit d'entrer
dans la carrière politique, peu importe sa profession, son niveau
d'étude, son sexe, son âge, son origine et son héritage
familial. Mais il ne faut pas perdre de vue que les minorités se
distinguent de la masse des gouvernés, par des qualités qui
donnent aux individus une certaine supériorité matérielle,
intellectuelle ou morale. En d'autres termes, les membres de la minorité
qui gouvernent ont des attributs, réels ou apparents, qui sont
très estimés ou importants dans la société dans
laquelle ils vivent154(*). La classe politique peut dans certaines mesures
contrôler les forces sociales qui, à période donnée
et dans une société déterminée, sont fondamentales
pour conquérir le pouvoir. Mais, il ne faut pas croire que n'importe
qui peut acquérir ces aptitudes ou que tout le monde commencent du
même point de départ. En effet, exercer l'influence politique ou
sociale, est toujours plus aisé aux riches qu'aux pauvres, à ceux
issus des grandes familles influentes qu'à ceux oeuvrant tous seuls. Les
positions politiques tendent à devenir héréditaires sinon
en droit du moins en fait. « La socialisation et la transmission
politique sont d'une importance d'envergure. La qualification pour des postes
importants, l'habitude et la capacité d'occuper ces postes s'acquirent
aisément lorsqu'on a une familiarité dès
l'enfance »155(*).
A- Transmissions
héréditaires
Les conditions de possibilités des transmissions
héréditaires, sont inhérentes à la
professionnalisation et l'autonomisation du politique. Car l'héritier
peut bien avoir des prétentions propres et intérioriser le
sentiment de son pouvoir et de son devoir. Encore faut il que cette offre de
service de l'héritier rencontre des dispositions auprès du
sélecteur (pouvoir). Pour qu'il y ait des héritiers, encore faut
il qu'il y ait des héritages. C'est-à-dire que des sources de la
société, admettent les mérites d'un temps de la
communauté assumé par la continuité d'une dynastie.
Encore, il faut que les conditions sociales qui rendent possible et autorisent
cette croyance, puissent perdurer156(*). Dans une société traversée par
les pratiques traditionnelles du pouvoir, il semble que tout se ligue pour
sauvegarder l'immobilisme politique. La politique, de part ces pratiques, va
longtemps rester encastrée dans le social. La famille constitue la
pierre angulaire de ce système, elle continue à produire les
instruments de compréhension, d'organisation et de légitimation
du politique, au même titre, elle incarne aussi la force des croyances
communes sur l'hérédité. Les possibilités
d'utiliser les relations de parenté dans les transactions politiques,
dépendent d'un ordre de représentation culturellement
partagé par les élites. Le système politique marocain
d'essence traditionnel, attribue un rôle particulièrement
important à la famille et à l'hérédité, de
ce fait les élites qui cherchent à se maintenir au pouvoir,
voient en elle, un outil efficace. Facteur qui entache l'action du pouvoir de
l'immobilisme, l'idée même du changement effraye les
dirigeants157(*).
Persuadés d'être nés pour diriger, ils ne supportent ni la
contradiction, ni la critique, ni même le débat d'idées. En
vérité, ils craignent les conséquences du changement. Car
celui-ci devait imposer le renouvellement des élites sur des
critères professionnels ou politiques, il aurait pour première
conséquence de casser les monopoles, de briser les héritages et
les privilèges158(*), qui pendant un demi siècle se sont
développés par suite de concentration de pouvoir aux mains d'une
minorité d'individus stratégiquement placés.
En résumé, la construction et l'usage de la
parenté sont isomorphes dans le temps et dans l'espace, les tribus
Zayane du XIX ème siècle ne sont pas celles d'aujourd'hui, certes
la tribu a perdu beaucoup de son influence, mais les réseaux familiaux
constituent encore des entreprises politiques capables de mobiliser des
ressources sociales. Les héritiers se situent sur un continuum de
ressources avec, à un pôle, le patrimoine familial et, à
l'autre, des capitaux collectifs garantis par l'usage du sigle partisan.
L'imbrication des ressources qui donnent accès à l'élite
du pouvoir peut d'ailleurs empêcher d'isoler les effets propres d'un des
facteurs, même si elle ne dispense pas de s'interroger sur les
mécanismes de son efficacité. La transmission de la gestion des
affaires économiques, politiques, administratives ou sociales,
présentent des signes concrets de l'intercession du familial dans le
politique. « Ce rapport apparaît ainsi comme un objet
mutilé, puisqu'il ne couvre que l'aspect le plus visible de l'influence
de la famille et des réseaux familiaux, et parce qu'il n'incite pas
à réfléchir sur la spécificité des liens
familiaux par rapport aux autres liens »159(*).
B- Socialisation des
générations en politique
Le mot «
socialisation » est en lui-même équivoque, il comporte
des sens variés. Cependant, l'usage s'est établi de
désigner par lui le processus d'assimilation des individus aux groupes
sociaux.160(*) La notion
est extrêmement large, elle peut s'appliquer à tous les processus
d'apprentissage ou d'intégration des enfants comme les adultes. En
effet, le phénomène de socialisation politique est
étroitement lié à la culture politique. Si celle-ci
témoigne de sa spécificité et garantit sa
continuité dans le temps, c'est parce qu'elle existe des processus
capables de renforcer son particularisme et pourvoir sa reproduction. Ces
processus sont purement immanents, car la socialisation politique
échappe à l'emprise de l'école, c'est la
spontanéité sociale qui s'en charge. L'intégration d'un
milieu par la culture et par le comportement, est le domaine de
l'élection de l'influence familiale161(*). Les modes de socialisation sont nombreuses et bien
adaptés aux traditions culturelles particulières162(*).
La socialisation peut être comprise dans le sens de
conditionnement, elle serait ainsi, le processus par lequel les individus sont
dès leur jeune âge contraints à adopter un mode de
pensée et de comportement à des stéréotypes
dominants163(*). En
outre la socialisation peut être réfléchie en tant que
modèle d'interaction, l'individu n'est pas passif devant la
socialisation politique. Le modèle d'interaction permet de distinguer
une socialisation primaire acquise dans l'enfance et une autre secondaire
à l'adolescence et à l'âge adulte. La socialisation
primaire conditionne les attitudes politiques chez certains. Pour d'autres,
l'intégration politique, n'est réalisée qu'à
travers des expériences personnelles, individuelles ou collectives. La
solidarité entre culture politique et socialisation politique est
très forte. Au Maroc, la culture bourgeoise enracinée dans la
société, et la tradition de servir le pouvoir pendant des
décennies voire des siècles couplés à
l'intervention du protectorat au profit de ces catégories, ont permis
la production et la reproduction des élites issues des mêmes
familles. Il s'agit des familles bourgeoises et makhzens qui ont
été reconduit dans le pouvoir, la familiarité de leurs
membres avec les affaires publiques, facilite leur acquisition des positions
importantes.
La rotation des élites au Maroc diffère du
concept préconisé par Pareto. Leur renouvellement obéit
à d'autres conceptions. « Les changements que
connaissent les élites fonctionnelles : ministérielles et
parlementaires, sont édictées essentiellement pour affronter les
vagues de mécontentements populaires ou pour annoncer de nouvelles
orientations de la politique générale. Ils interviennent dans le
cadre d'une politique de contenement des crises politiques qui menacent le
pouvoir. Ce mouvement de changement tend à assurer la continuité
du système et non son amendement »164(*). Il s'en suit la
reproduction des mêmes élites et le maintien du statuquo. Ainsi,
la rotation des élites est un mouvement interne, elle ne concerne que
la couche sociale au pouvoir, sans qu'elle permette l'ascension des individus
issus des couches inférieures. Les mêmes figures disparaît
et réapparaît selon le besoin et suivant les exigences politiques
de la période. Le mouvement des élites est
éphémère, il n'est pas une stratégie, son objectif
est d'étouffer toute demande de changement politique. Cette rotation
n'est que partielle, elle épargne les individus qui occupent des postes
sensibles au sein du système. Tous ces mouvements de rotation
fermée, partielle et superficielle des élites, se passent sous
contrôle et direction du pouvoir. Les manoeuvres éprouvées
par le pouvoir pour assurer sa pérennité, en l'occurrence
l'hérédité menant à la continuité des
élites traditionnelles, s'affrontent avec les demandes de
démocratisation de la vie politique. Comment les rapports sont
entretenus entre l'hérédité et la démocratie ?
Chapitre 2 :
l'hérédité et la démocratisation du système,
le grand paradoxe
Un régime démocratique est celui qui, dans son
organisation, se conforme au principe selon lequel le pouvoir souverain
n'appartient qu'au peuple. Par des votes librement exprimés, et non
entachés de fraude, par la majorité des votants, directement ou
par ses représentants élus, est la source de toutes les
décisions publique liant l'ensemble de la communauté.165(*) Un régime pour
être démocratique, doit d'abord abolir l'exploitation du peuple
par la classe dominante, et mobiliser tous les moyens pour amorcer le
développement de la société. La démocratie a
été réclamée par une partie du mouvement
national166(*) .
Progressivement, sous l'effet des diverses péripéties de la vie
politique marocaine, des grands évènements des années
1960, substitue une autre conception de la démocratie de
référents et de contenus plus traditionnels.
Section 1:
l'hérédité : un frein à
l'institutionnalisation
Partant de leurs origines sociales, les élites
marocaines sont similaires au makhzen dont la genèse est
étrangère à la société. Le pouvoir central
puisant sa source en dehors de la sphère rurale, était, de ce
fait, vu comme un corps étranger, il établit une
séparation entre pouvoir politique et société tribale, en
conséquence, il est un système non représentatif de la
société marocaine167(*), composée dans sa majorité par les
tribus. Le pouvoir central et ses élites urbaines, usaient de la
volonté de la puissance, plus que de l'élitisme pour s'imposer.
Les héritiers du pouvoir économique ou politico-administratif,
avaient longtemps concurrencé les organes de représentation
politique au moment de leur période défensive. Dès qu'ils
passaient à l'offensif notamment après la proclamation de
l'état d'exception, ils tentaient d'écraser les acteurs sociaux
et politiques notamment les syndicats et les partis politiques. Là aussi
les élites au pouvoir n'inventent rien. Elles attendent que les
conjonctures décident à leur place, leurs membres sont
dépourvus de la force de l'initiative. Les événements
extérieurs, les forcent à penser et à conceptualiser les
problèmes. En plus, l'idée de « syndicat de
maison » qui règle les problèmes en famille, est une
vieille formule inspirée du paternalisme moralisateur et autoritaire,
ils aspirent à ce que cette ancienne technique intervienne à
leur place. Tous les héritiers et même les administrateurs
l'adoptent au quotidien, sans avoir à passer par des rapports
institutionnels entre différents acteurs politiques, syndicaux et
sociaux. Les successeurs revendiquent moins le paternalisme que le droit
à l'hégémonie. Leur appétit à la domination
est si grande, qu'ils prétendent réduire les groupements
médiateurs à l'état d'ectoplasme, ils veulent
réduire au néant toute idée d'institutionnalisation pour
écarter toute tentative d'ascension d'autres groupes inferieurs. La
menace des technocrates et des confréries familiales est plus
dangereuse. Elle risque, si ce n'est déjà fait, de porter
atteinte à l'énergie du social et au dynamisme du
politique168(*). Ces
groupes au pouvoir, entravent l'institutionnalisation du travail de la
société civile et politique.
Paragraphe I : classe
politique et la problématique du changement
Le désir irrésistible des élites
d'exercer le pouvoir politique, a engendré chez le pouvoir une
volonté de régulation du champ politique. Celui-ci tente de
diriger la classe politique et confisquer sa décision, pour
prévenir tout risque éventuel du changement. Le contrôle de
l'espace et son ajustage constituent la pierre angulaire de la stratégie
des élites, pour contrecarrer tout changement. Le statuquo est maintenu
par le découpage électoral qui, reproduit les mêmes
élites, favorise les partis au pouvoir, engendre des institutions qui
assurent la continuité et fluidifient l'action politique de
l'opposition, la création de la chambre des conseillers fait partie de
la stratégie du pouvoir(A). L'aboutissement de ces plans serait
l'origine d'une crise des élites au Maroc (B).
A- les ambitions du
pouvoir
Après l'indépendance, on assiste à
l'effondrement de l'ancien système d'élites locales
chargées de l'administration du territoire. Une bureaucratie bourgeoise,
urbaine et moderne lui substitue. Elle a tenté dès le
début un plan réformateur, dont l'idée directrice est de
détruire le cadre tribal et la cohésion des groupes, et devra
s'établir sur la base de rapports de production assurant un contenu
économique et social aux solidarités nouvelles169(*). Les hésitations de
la monarchie couplées aux ambitions des notables ruraux de
récupérer leur ancienne position, ont étouffé cette
idée dans l'oeuf. Le découpage des communes intéresse
principalement la mise en pratique d'une politique visant le
rétablissement des élites rurales intermédiaires.
L'adoption du scrutin uninominal majoritaire à un tour pour la
désignation des conseillers communaux a été un
élément déterminant dans la reconstitution d'un
réseau d'élites locales.170(*) Cela en dépit de l'opposition farouche des
élites urbaines, qui ont lutté pour le scrutin de liste, seul
capable de faire des commune un moyen de reconstruction économique et
social171(*). Le roi a
réussi à construire une clientèle politique,
personnellement attachée à lui dans un système de faveurs
et d'obligations. Un régime où tous les biens convoités ne
sont jamais mérités ou acquis mais alloués et
rétrocédés. Les membres de l'élite vivaient sous la
tension et l'inquiétude d'être dépossédée.
Elle devenait par conséquent docile et facilement manipulable, et
perdait l'initiative, par conséquent le plafond des revendications de la
majorité des formations politiques, se rétrécissait et
devenait inférieur à celui du pouvoir. Les élites
étaient ses vassales et ses complices. Leurs membres ciblent
bénéficier des privilèges de l'autorité. Et leur
rôle est réduit au soutien des thèses officielles au
détriment des intérêts des masses, le politique devient
ainsi au service de l'autorité, au lieu de s'aligner du
côté des dépossédés pour faire entendre leur
revendications. Le Makhzen, après avoir assuré le contrôle
du champ politique, passait à la mise en oeuvre de ses politiques, sans
craindre l'affrontement de la moindre opinion inverse. Face à cette
situation, où le pouvoir devient l'acteur principal, les partis
politiques furent constitués sur mesure, ils adoptent des programmes
similaires, leurs membres se recrutent sur la base de l'origine familiale et
non sur des convictions idéologiques. Ils forment une version nouvelle
de tribus politiques172(*). La classe dirigeante au Maroc, est segmentaire, son
histoire est celui des divisions, d'alliances, des contre alliances et des
luttes. A l'occasion d'une échéance électorale, un ou
plusieurs partis, font jour sous l'impulsion du pouvoir. « La
fragmentation assure au système sa continuité ainsi que le
contrôle des acteurs. Elle est le résultat d'une longue
expérience accumulée pendant des siècles. La division de
la classe politique, n'est pas la conséquence de la divergence
d'objectifs et des idéologies. Mais elle est conditionnée par la
lutte autour des postes de leadership et des privilèges procurés
par le champ politique. C'est une inspiration des modes de fonctionnement du
système tribal et confrérique »173(*). La reproduction des
élites, n'est possible que par les scissions à cause de l'absence
de la démocratie au sein des partis politiques, les pressions des bases
sur les dirigeants partisans, sont réglées par des divisions. Ce
qui sèche l'appartenance idéologique de toute substance, la
concurrence s'oriente pour recevoir l'aval du pouvoir174(*), au lieu de formuler des
thèses incarnant les doléances des masses. La monarchie a
réussi à devenir une puissance d'attraction. Sa capacité
à attribuer des positions dans la politique, l'économie et
l'administration, et à pratiquer un clientélisme tournant et
manipulateur, met en concurrence les différents segments cherchant
à être reconnus et à prendre part175(*) à la gestion des
affaires publiques de l'Etat. La dégradation des ressources
d'intégration à mis le pouvoir et ses élites dans la
crise.
B- La crise des
élites au pouvoir
Les pratiques des élites au pouvoir
et leur attachement inconditionné à leurs intérêts,
empêchent toute réforme. Ce qui précipitait leur crise et
par ricochet celle de l'Etat. L'annonce par le pouvoir de ses intentions de
libéralisation et de démocratisation, ne rend pas compte des
dynamiques en cours et informe sur des avancés que des
régressions. La vie politique au cours des deux dernières
années permet de tirer cinq enseignements, qui sont perçus par la
monarchie comme des risques majeurs176(*). Il s'agit du discrédit de la politique,
incarné par le faible taux de participation, la résistance des
réseaux notabiliaires, l'échec des partis de gauche à
assurer le rôle de stabilisateur, l'incapacité des islamistes
modérés à gérer le défi Salafiste et
extrémiste (l'organisation Aladl Oua Alihsane), et en fin
l'inaudibilité du discours réformiste. Ces
phénomènes, vécus comme des défaillances du
pouvoir, qui tentait un réaménagement du champ politique et une
réhabilitation des élites177(*).
En effet, si le pari de la crédibilité des
élections semble acquis, le taux de participation faible et
l'abstention, permet de déduire que les élites ont
échoués à présenter une offre politique attrayante.
A cela s'ajoute l'échec de la gauche à se succéder aux
notables. Cette déception ne met pas en cause l'expérience
d'alternance qui a concouru à la normalisation de la vie politique du
pays, comme elle a révélé l'étroitesse des marges
de l'action politique et le déséquilibre des pouvoirs entre la
monarchie et les partis. Le passage au gouvernement, du parti USFP lui a valu
la perte de sa clientèle traditionnelle de la classe moyenne urbaine,
pour se rapprocher d'une structure notabiliaire, qui lui a permis de se
maintenir dans le monde rural178(*). Le passage du PJD du statut d'un mouvement
religieux, à celui d'un parti politique, était à un cout
élevé. Le parti islamiste est amené à se livrer
à une restructuration au sein de ses rangs, pour maitriser les
idéologues notamment les oulémas défenseurs du dogme, de
plus, il est contraint à tisser des alliances contre nature, et
s'inscrire dans des compromis qui impliquent des
réinterprétations des doctrines, en jouant sur un file
ténu, entre opportunisme et pragmatisme, par la suite la marginalisation
de la base au profit des états majors technocratiques s'avère
inévitable179(*).
Ces mesures rassurant les adversaires, ont brouillé le message du parti
et ont amené à la défection d'une partie de sa base,
procédés qui réduit son aptitude à neutraliser le
discours Salafiste et Adliste. Les mutations sociales au Maroc, ont amortis le
poids des notables. Pour se tenir sur scène, ils s'affilient à
des partis de connotations de gauche en sus des formations où ils
s'activaient traditionnellement. Cette nouvelle donne, a renforcé les
zones de résistances au changement. La classe politique par
conséquent manifeste son indifférence voire son hostilité
aux projets politiques ou aux choix de sociétés initiés
par le pouvoir. L'incapacité ou le refus de la classe politique d'en
porter la responsabilité devant l'opinion publique, fragilise la
monarchie, et la met au défi de confronter directement les oppositions
potentielles, notamment celle des islamistes radicaux. Ce qui constitue un
énorme risque dans une société globalement
conservatrice180(*). La
monarchie a rompu avec ses traditions de soutenir l'ambigüité et
l'ambivalence, elle a besoin de relais qui portent le discours
réformiste dans la configuration du pouvoir qui refuse la concurrence.
C'est ce que l'élite au pouvoir très longtemps entretenu par la
monarchie, ne le permet pas. La monarchie a provoqué des leaderships,
sans pouvoir en infléchir durablement l'orientation181(*). La dégradation des
ressources contrôlées par le pouvoir, épuisées par
le développement intense des demandes, ne cesse d'aggraver la crise des
élites au pouvoir. Pour parer à cette situation, le pouvoir se
réoriente vers la société pour l'encadrer et la
transpercer.
Paragraphe II :
société civile transpercée
Dans leur lutte pour le pouvoir, les élites ne
ménagent aucun effort, ils usent de toutes les formules. Des
associations d'intérêts publics fussent crées, elles font
apparence de libérer la société civile par son
encadrement, alors qu'ils l'ont dévorée et anéantie. Ce
sont les hommes hautement placés qui s'érigent en
représentants idéologiques des pauvres et des humbles. Et ceux
qui se sont faits eux-mêmes à force d'intelligence, deviennent les
serviteurs enthousiastes des intérêts les plus
héréditaires182(*).
Les élites forment un monde isolé, la puissance
de l'argent et de l'autorité prolifèrent les écarts.
Affamées du pouvoir, elles s'associent, pour former une unité
capable de maitriser la société. En un mot, ils cherchent
à contrôler tous les maillons du système
général du commandement. En effet, elles monopolisent le champ
des libertés publiques non pour créer une dynamique
d'intégration sociale, mais pour faire triompher leurs idéaux,
leurs valeurs, leurs revendications183(*). En effet, elles se hâtent pour mener la
réflexion sur les grands problèmes intéressants la
société, et devancer les autres acteurs sociaux concurrents. Il
s'agit notamment des thèmes de l'intensité des changements
démographiques, de l'exode rural, de l'habitat, de l'urbanisation, du
chômage des jeunes, de l'éducation des masses, de la lutte contre
les maladies incurables le sida et le cancer. « Ce que veulent ces
élites c'est d'ériger la charité en institution, pour
tenir les pauvres en otages et les manipuler pour perdurer leur situation
privilégiée. Elles ne tiennent jamais compte de ce que veulent
les indigents, elles agissent comme si ces individus n'existaient
pas »184(*).
« La charité telle qu'elle est conçue par les
élites, ne résorbe pas la nécessité, au contraire
elle ne fait qu'accroitre le nombre de déracinés. Les
nécessiteux ont besoin d'une réforme économique et
sociale, dont la visée est la réalisation d'une
intégration socio-économique des couches
déshéritées. La réalisation de cet objectif sera la
conséquence d'une politique de mobilisation
collective »185(*). Le développement constitue un besoin, une
demande sociétale. L'hégémonie de
l'hérédité et des héritiers et l'état du
statuquo qu'ils ont instauré, produisent des obstacles entravant le
développement du pays.
Section2 :
l'hérédité et le développement sociétal
De part sa qualité, de système d'encastrement du
social dans le politique, l'hérédité lève le
paternalisme en dogme. Elle est un précepte général
d'autorité et d'exploitation, et symbolise un ensemble structuré
de relations sociales et économiques. Elle découle de
l'autorité affective irrésistible à la famille
patriarcale. Le père sert de modèle de reproduction de cette
autorité, à tous les niveaux, où les héritiers
tiennent les rennes du pouvoir. Ils inculquent l'obéissance aveugle,
l'allégeance, la vassalité et le respect du statuquo. Leur vertu
est l'anéantissement de toute contestation sociale sur l'origine du
pouvoir des gouvernants et de leur autorité. En contre partie,
l'hérédité provoque la formation de reflexes, de peur et
d'obéissance186(*). La bourgeoisie des affaires et tous les grands
corps de l'Etat, tentent d'assurer leur stabilité et leur
pérennité. Leur comportement, génère la
dégradation de tout ce qu'il y'a de vif dans la dynamique
économique (Paragraphe II) et politique du pays (Paragraphe I).
Paragraphe I : maturation
politique étouffée
La montée des technocrates, héréditaires
du pouvoir, préside à l'affaiblissement et à la
marginalisation des partis politiques. Ils agissent seuls, sans la
participation du grand nombre à l'exercice du pouvoir même
indirectement. Le problème, c'est qu'ils ne peuvent pas être
à la fois au service d'une élite de classe et de la
communauté nationale toute entière. Le rôle de la
première est économique, celui de la seconde est politique. En
confondant les rôles et les idéologies, ils commettent des erreurs
de langage, de conception et de stratégie. Pour déstabiliser
leurs adversaires, ils prônent la défection et l'émergence
des majorités silencieuses187(*).
La défection, c'est la fuite, retraite,
désaffectation, retranchement, désertion. Au niveau social et
politique, elle se traduit par des mouvements d'abstention de masse,
c'est-à-dire de la dépolitisation, de désyndicalisation et
de déssocialisation. Il en provient un désintéressement de
la part des citoyens et spécialement les jeunes de s'investir, ni dans
la vie associative, ni dans les activités politiques et syndicales.
Cette auto-marginalisation dérive de l'écart économique et
social très grand entre les classes privilégiées et le
reste de la population et des chances d'ascension quasiment nulles des non
privilégiés. Cette situation crée un sentiment
d'aspiration à la rupture avec l'espace d'appartenance, il s'accompagne
d'un projet de départ hors des frontières qui, faute de
perspectives d'avenir, reflète une tentative d'échapper à
la marginalité et une volonté de précipitation. Au Maroc,
l'émigration vers l'Europe n'est plus perçue comme un projet
économique, mais plutôt un rêve de réalisation de
soi188(*).
Au Maroc, les jeunes ne sont attachés à la
société que dans la mesure où celle-ci leur apporte ce
qu'ils demandent. Dans le cas contraire, ils se défont de l'habitude qui
les lie à la loi, à l'autorité et à
l'organisation. Mais ils ne cherchent ni à influencer le pouvoir par
l'action idéologique, ni par le civisme, ils deviennent passives.
Les élites se servent de toutes les méthodes, de
tous les maux de la société pour enraciner des convictions
d'obéissance, de servitude voire de passivité, peu importe le
sort de la société et celui de son développement. Elles
craignent l'ouverture, qui risque de leur faire perdre leurs privilèges.
Elles agissent d'une manière qui indique, que l'essentiel pour ces
élites, c'est de se maintenir au pouvoir au prix de l'ajournement du
développement économique.
Paragraphe II :
développement économique manqué
La modernisation du Maroc, passe par le
passage obligé de la territorialité du développement, la
propagation du progrès sur l'ensemble du territoire national. La
modernité se mesure en terme territorial par une répartition
équitable des richesses, une implantation rationnelle des
équipements, et un équilibre géoéconomique, faute
de quoi le pays se fissure et apparaissent des fractures sociales et
économiques189(*). L'idéal des jeunes marocains conçoit
un Etat fonctionnaire fort, juste, sécurisant et rentable. Leurs
critiques envers le pouvoir se rapportent toujours à l'injustice,
à la corruption et à l'insécurité du travail. Ils
ne proposent jamais de solution à leurs problèmes. Ils demandent
à ce que l'Etat les résout. L'avenir des jeunes au Maroc
présentent des signes de graves difficultés, c'est là
où réside le terrain sociologique favorable à
l'éclosion et à l'expansion de mouvements religieux de
caractère fondamentalistes190(*).
Le retrait des masses, présente un signe de
désenchantement, mais aussi de contestation absolue, il incarne une
menace plus ou moins directe à l'ordre public et l'ordre
économique. La dissuasion des masses, s'est
révélée par des explosions brèves et barbares,
souvent occasionnées par une décision gouvernementale :
réduction du budget de l'éducation nationale et de la
santé publique, gel des salaires, augmentation des prix des produits de
première nécessité, opérations d'assainissement,
chômage. Puis en temps normal, la défection s'enlise dans
l'implosion, c'est-à-dire par l'effondrement par en dedans, qui est le
révélateur du dissensus social. Des affrontements entre pauvres
et moins pauvres se multiplient et les secteurs d'activités informels
s'accroissent, tels les affrontements entre marchands ambulants et
commerçants sédentaires191(*). Cette situation ne met pas en cause la
légitimité des classes possédantes, mais elle crée
une situation de vulnérabilité sociale. Les démunis sous
pression de la nécessité créent un marché
parallèle, qui fait vivre plusieurs milliers de chômeurs,
cependant il ronge l'économie nationale.
Les entreprises nationales, se voient incapables de liquider
leurs marchandises, même à bas prix. Les heures de travail sont
réduites, il en résulte une baise de productivité, une
dégradation des salaires, voire des licenciements massifs et des
faillites en spirale. L'économie nationale souffre, beaucoup
d'unités de production ont scellées leur activité du fait
du recul de la demande locale à qui s'ajoute le fléau de la
contrebande.
Le marché national est envahit par les produits
d'importation illicite, à cause de la qualité défaillante
des fabriqués marocains. Le consommateur en est conscient. C'est pour
cette raison qu'il préfère acheter, même d'une
manière illicite les produits en provenance de
l'étranger192(*).
Une partie de ces problèmes touchant l'économie
nationale, n'aurait pas existé si les élites au pouvoir avaient
adopté une méthode favorisant le recrutement sur la base de la
compétence et du savoir faire, au lieu des relations familiales, chose
qui aboutirait à une conception rationnelle de l'organisation
industrielle. De même, il faut que le pouvoir adopte une politique
d'insertion professionnelle et sociale des jeunes qui accèdent chaque
année au marché du travail, bref il faut lutter contre
l'exclusion qui favorise l'avènement des trafiquants susceptible de
manipuler des capitaux d'origines douteuses193(*).
L'enjeu du trafic de la contrebande est politique. Avec lui
les pouvoirs publics entretiennent des rapports ambigus. Sous l'autorité
des héritiers, les illégalités ne semblent épargner
aucun groupe social ; chaque catégorie à sa zone de
déploiement toléré. Du vendeur ambulant étalant ses
produits sur la voie publique sans autorisation jusqu'au haut fonctionnaire
détournant les fonds publics, ou au contrebandier, en passant par le
patronat qui défigure le droit social, l'attitude est la
même : se soustraire à la règle, transgresser les
codes, utiliser les procédures parallèles, et trouver son compte
dans l'illégalité194(*). L'illégalisme des pauvres qui est
nécessaire pour leur survie, semble être la contrepartie de celui
des grandes familles qui forment l'élite politico-économique, sur
lequel, beaucoup d'entre elles, ont fondé leur enrichissement.
Dans un autre sens, « le cumul des fonctions qui,
poussé à l'extrême, engendre des attitudes contraires
à la morale traditionnelle. Beaucoup d'hommes occupant plusieurs
fonctions à la fois, confondent les affaires publiques et les affaires
privées, finissent par affranchir les limites imposées par la
séparation de pouvoir »195(*). C'est à alors qu'intervient la corruption
comme facteur de compensation du temps, des moyens et des énergies
consacrés à la vie publique. Les pouvoirs publics s'abstiennent
d'adopter une politique d'éradication, car la corruption et le trafic de
contrebande procurent des situations et des ressources financières aux
marginaux comme à ceux bien placés. Par l'illégalisme, les
marginaux tentent de créer des fronts de contestation de l'ordre social
établi, par les héritiers du pouvoir économique et
politique.
B-L'économique face
aux relations sociales
Lorsque des individus, se sentent exclus et
marginalisés, ils pensent se séparer de la société
pour s'adonner à des pratiques illégales. Les liens qui les
joignaient aux organisations du pouvoir sont brisés. La
société qui constituait l'espoir de tous les individus cesse
d'être intégratrice. Des groupes de la société se
sentent éloigner les uns des autres, les écarts entre eux se
creusent en permanence. Cependant les bureaucrates et les capitalistes, bref
les détenteurs du pouvoir, se précipitent pour leur
enrichissement personnel. Ils s'arrangent pour discréditer leurs
concurrents, pour exclure le débat et consacrer la pensée unique.
Ce n'est que lorsque la pression atteint les niveaux les plus extrêmes,
qu'ils commencent à se diviser en groupes pour conserver les
privilèges ou se doter d'autres moyens pour se maintenir au pouvoir.
Leur statut d'héritiers et privilégiés, les placent en
permanence hostilité à tout changement, mais ils arrivent parfois
qu'ils acquiescent sous la contrainte des mutations internes et externes. Pour
se maintenir au pouvoir, ils soutiennent l'idéologie libérale, et
encouragent les actions volontaires de nature sociale ou humanitaire, elles
sont orientées à empêcher la radicalisation politique des
masses196(*).
L'épuisement des forces d'attraction, pousse les élites à
se servir de la pression sur les groupes organisés qui aspirent
accéder au pouvoir. Au fur et à mesure, elles pilotent la
répression sur la majorité mal organisée en vue
d'étouffer dans l'oeuf toute ébauche de changement. La
détermination de l'élite au pouvoir de préserver tous ses
privilèges, a engendré une situation où le problème
le plus insoluble est celui de l'intégration des jeunes
diplômés, l'économie privée ne pouvant les absorber,
alors que le secteur de la fonction publique s'avère saturé.
Conséquence naturelle de la politique du maintien du statuquo, qui a
empêché l'émergence d'une bourgeoisie capitaliste moderne
indépendante du pouvoir pouvant contribuer à l'industrialisation
du pays. Le même sort a été réservé à
une bourgeoisie agraire moderne dont la promotion aurait engendré la
modernisation de l'agriculture, ce qui facilitera l'insertion des paysans sans
terre dans le circuit économique et éviter à l'Etat les
périples d'un exode rural démesuré197(*).
Conclusion :
Les élites marocaines continuent à trop compter
sur l'Etat, c'est l'origine de la situation critique actuelle. Le chaos, est
global, il est économique, social et politique. Et provient de
l'égoïsme poussant chaque segment à tenter de s'emparer seul
du pouvoir, avec l'intention de ne laisser aux autres que les débris,
tout en gardant à ce qu'aucune initiative radicale, menaçant
cette situation, ne soit prise.
La monarchie a voulu garder sa situation
privilégiée d'acteur principal face aux partis issus du mouvement
national. La bourgeoisie urbaine a hérité l'administration, elle
a tenté une politique de modernisation du pays aux frais des notables,
grands propriétaires terriens, ceux-ci réfutèrent cette
initiative. La monarchie soucieuse des résultats d'une telle
démarche, soutenait les notables. Une alliance voit le jour au prix de
geler toute politique de modernisation du pays et désamorcer les
réformes agricoles. Ces élites se sont emparées des
positions économiques, politiques et administratives les plus
avantageuses sans ménager aucun effort, pour récupérer les
déshérités, dans le circuit économique et politique
du pays.
Le pouvoir était essentiellement urbain, au moment
où 80% de la population se composait des ruraux. Les citadins n'ont
jamais censé intégrer la majorité à participer
à la vie publique. Au contraire, après le coup d'Etat
manqué de 1970, les élites urbaines s'écriaient
« ...non, non à la Siba... ». Ils pensaient qu'il
s'agit d'une revanche rurale, du fait que les conspirateurs dans leur
majorité étaient berbères, alors qu'en
réalité il ne s'agit que d'un résultat du mode de
recrutement du protectorat, où les berbères étaient
orientés vers les carrières militaires198(*).
Le système politique tenait grâce aux relations
de dépendance entre la monarchie et ses clients. Les
événements sanglantes de juillet 1970, ont met fin à un
régime de rapports où les élites d'opposition
essentiellement étaient humiliées ou derrières les
barreaux. Par la suite la monarchie tentait une ouverture basée sur une
large participation au pouvoir en vue de contrecarrer toute aventure
démesurée pouvant mettre tout le système en péril.
En dépit de cela, le malaise social persiste, il existe
des exclus pourtant ils ne protestent jamais, bien qu'ils sont en
légitimité morale de faire entendre leurs doléances. Les
ruraux, les pauvres, les chômeurs, les jeunes, les femmes toutes ces
catégories sont hors des calculs des acteurs du système. Le
pouvoir manipule l'Etat pour entretenir sa clientèle, le favoritisme, le
clientélisme et la corruption forment les soubassements du
système. Les incertitudes et l'inquiétude planent en perspectives
de l'avenir, la puissance du pouvoir n'est qu'artificielle. N'étant pas
sûrs de l'avenir, les avidités pour l'enrichissement
immédiat des élites, deviennent illimitées. Ainsi les
propriétés foncières, immobilières et commerciales
constituent leurs domaines privilégiés. L'investissement
industriel à long terme éveille leur crainte199(*).
L'équilibre est rompu du moment où la seule
entente, entre les différents niveaux des élites, devient
inacceptable. L'ancien équilibre où le makhzen jouait le
rôle d'arbitre, marchait dans un contexte socioéconomique
marqué par des écarts minimes entre pauvres et riches, au sein de
la tribu, la pauvreté n'était pas réellement sentie,
l'Amghar n'était qu'un pasteur comme tous les membres du groupe, ce
rôle ne lui est accordé que grâce à sa sagesse et
non à sa fortune200(*).
Dans le contexte actuel des choses, l'instauration d'un nouvel
équilibre s'impose, il est impartial que chaque groupe accède aux
ressources de l'Etat et se faire place au sein du système. L'heure est
désormais au changement, celle de trop compter sur l'Etat est
révolue, pour aplanir le terrain de l'ouverture du système sur la
démocratie économique et sociale. Elle est Le seul moyen d'ouvrir
le système sur la base de la société, et permettre le
partage des postes, comme elle prône le débat des idées,
anime le processus de séparation des pouvoirs, pour que l'ascension
sociale soit consentie à tous.
La démocratie est une éducation de toute la
société, elle est le symbole de la liberté, d'autonomie de
solidarité entre les hommes. Il n'y a pas des supérieurs des
inférieurs et des égaux, il y'a des différences de
classes201(*). Pour se
faire, la réforme de l'institution législative s'avère
obligatoire. Cette institution est décriée par une
majorité des marocains voire par la classe politique elle-même,
notamment à cause de certains maux qui la touchent et qui sont devenus
désormais bien ancrés dans les représentations collectives
des marocains, tels que la non représentation effectives des citoyens,
l'incompétence, le vieillissement des députés,
l'analphabétisme de leur majorité, la corruption de certains
d'entre eux.
Sans ces démarches, il n'y aurait ni démocratie
ni développement et le système est condamné à
l'échec.
Bibliographie :
I - Ouvrages :
-Madeleine Grawitz et jean leca , Traité de science
politique tome 2, édition Puf, 1985.
- Madeleine Grawitz, jean leca : Traité de science
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- Aziz El Maoula Eiraki : des notables, du Makhzen à
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- Abdellah SAAF : Politique et savoir au Maroc,
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devant la science, édition bibliothèque des sciences sociales,
1904, édition électronique réalisée en 2004 par
Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Canada.
- J.Waterbury : le commandeur des croyants, la monarchie
marocaine et son élite, traduction de Catherine Aubin, Presse
Universitaire de France, 1975,
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édition ,2000.
- Abdelghani Abouhani : Pouvoirs, villes et
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Santucci : la formation des élites politiques maghrebines,
édition libraire générale de droit et de jurisprudence,
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- Pierre Vermeren : Histoire du Maroc depuis
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- Dominique Chagnollaud , science politique :
éléments de sociologie politique, édition Dalloz, 2002.
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Maroc , cas de Michaux Bellaire, édition Afrique Orient, 1988.
-Dominique Collas : Sociologie politique, édition
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- Lahcen Brouksy : Makhzanité et modernité,
révolution tranquille d'un roi, édition Elmaarif Eljadida,
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- Lahcen Brouksy : La mémoire du temps, Maroc, pays
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- Michèle Aliot Marie : La décision politique,
Attention, une république peut en cacher une autre, éditions PUF,
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-Jean Yves Dorgman et Daniel Mouchard : Introduction
à la sociologie politique, éditions deboek, 1998
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C??U?E?? ??????C C?O??? 2001
II- Thèses et
mémoires :
- Ihazrir Abdelmalek, paysans, élites rurales et
réforme agricole, thèse d'état en science politique, 1996
inédit.
- ÍãÏ ÌÇá
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ÇáÓíÇÓíÉ í
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ÇáÚÑÈí
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ÏßÊæÑÇå ÊÍÊ
ÅÔÑÇ ÌÇá
ãÕØì ßáíÉ
ÇáÍÞæÞ
ÇáÏÇÑ
ÇáÈíÖÇÁ
ÇáÓäÉ
ÇáÌÇãÚíÉ :1999-2000
III- Articles de revues :
- Michel Offerle : usage et usure de
l'hérédité en politique, in Revue française de
science politique,1993, 43 ème année, n° 5 .
- Gerard Grumberg : acteurs et comportements politiques in
cahiers français, 1996, n°276 .
- Guy Brunet : Populations et hérédité
à la croisée des pistes, in revue d'histoire des sciences,
année 1994, volume 47, n°47.
- j.Waterbury : Thèmes et vocabulaire de la
propagande des élites politiques au Maroc, in Pouvoir et administration
au Maghreb, édition centre de recherches et d'études sur les
sociétés méditerranéennes, année :
1973.
-Mustapha Shimi : Les élites parlementaires :
continuité ou renouvellement, in Edification d'un Etat moderne, Le Maroc
de Hassan II, ouvrage collectif, éditions Albin Michel, 1986.
- Mohamed Tozy : crise des élites et
restructuration du champ politique par le haut, in les cahiers
bleus n° 13, P:6.
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Table des
matières
Introduction
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Partie I : l'élite politique au
Maroc : le poids de l'hérédité.
18
Chapitre I : différentes composantes et
facteurs d'ascension similaires.
20
Section I : les composantes de
l'élite
20
Paragraphe I : identification des acteurs
politiques.
21
A- le Makhzen et les technocrates de l'Etat :
héritage et cooptation
22
B - Partis politiques : les nouvelles
zaouïas.
28
a- du religieux et du politique :
29
b- tentative de classification :
33
1- le parti marocain n'est pas un parti de
cadres
34
2- Des partis administratifs
37
3- les partis issus du mouvement national
38
C - les notables : un pouvoir
d'influencer les règles du jeu politique local
39
a- notables : une assise du protectorat et de
la monarchie
40
b- les notables jouent un rôle de
stabilisateur
42
Paragraphe II : les acteurs
économiques
46
A- les technocrates un acteur dominant l'appareil
politico-administratif
47
B- les marchands et le cheminement de nouvelles
idées
49
Paragraphe III : les acteurs
extra-étatiques
51
1-les oulémas : le poids de la
culture
52
2-les chorfas : Une légitimité
sur la base de descendance prophétique
53
Section II : similitude des facteurs de
l'ascension de l'élite
54
Paragraphe I : le makhzen reproduction des
anciennes pratiques
56
A- Des alliances en dehors de l'élite :
Une stratégie dangereuse
57
B- Le traditionalisme et rupture de
l'institutionnel
59
Paragraphe II : le rôle de la famille
pour l'accès à l'élite
60
A- l'ascendance et l'autorité
paternaliste socle de l'élite
60
B- l'alliance
61
Paragraphe III : les autres moyens de
promotion sociale
62
A- l'ascension et régime de
l'Inâam
62
B- leadership et régime du disciple et du
maitre
64
Chapitre II : élites parlementaires et
ministérielles : une reproduction de la tradition
66
Section I : principes
élémentaires de conception
67
Paragraphe 1 : renouveau et
continuité
67
A- élite parlementaire : le
contrôle de la circulation
68
B- élites ministérielles
69
Paragraphe 2 : changements
socioprofessionnels
70
A- les parlementaires et les changements
socio-professionnels
71
B - les origines socioprofessionnelles des
ministres
72
a- l'âge
72
b- le facteur de l'appartenance
géographique
74
c- l'origine sociale
75
Section II : les maux parlementaires et
ministériels
76
Paragraphe 1 : institutions vassales du
pouvoir
77
A- la problématique des
compétences
77
B- Absence de professionnalisation et
institutionnalisation
79
Paragraphe 2 : une élite
inadaptée
80
A- inadaptation au sein de l'institution
80
B- inadaptation des partis politiques
81
Partie II : Renouvellement de l'élite
politique dans la logique de l'hérédité
84
Chapitre 1 : Rotation de l'élite
politique : un continuum des traditions
86
Section 1 : contexte politique de
l'élitisation
87
Paragraphe1 : immutabilité politique au
Maroc
89
A- Des structures constantes
90
B-Stratégies de l'immobilisme
92
Paragraphe II : politique de domestication et
limitations des ambitions de la mouvance sociale
94
A- répression et domestication de la
société civile
95
B- domestication et concurrence de la
société civile
96
Section 2 :
l'hérédité et les possibilités de
transmission des ressources politiques
97
Paragraphe 1 :
l'hérédité : une ressource politique
99
A- L'Héritage politique
100
B- L'héritier politique
101
Paragraphe2 : possibilités de
transmission et de socialisation
103
A- Transmissions héréditaires
104
B- Socialisation des générations
en politique
106
Chapitre 2 : l'hérédité
et la démocratisation du système, le grand paradoxe
109
Section 1:
l'hérédité : un frein à
l'institutionnalisation
110
Paragraphe I : classe politique et la
problématique du changement
111
A- les ambitions du pouvoir
112
B- La crise des élites au pouvoir
115
Paragraphe II : société civile
transpercée
118
Section2 : l'hérédité et
le développement sociétal
119
Paragraphe I : maturation politique
étouffée
120
Paragraphe II : développement
économique manqué
122
B-L'économique face aux relations
sociales
126
Conclusion :
128
Bibliographie :
132
Table des matières
137
* 1 - John Waterbury,
« La légitimité du pouvoir au Maghreb :
protestation et pression », AAN, 1977, p.49.
* 2 - Lazarev Grigori,
« Changement social et développement dans les
campagnes », BESM, n° 109, p. 21, sans date.
* 3 - Pierre Balandier,
Anthropos, Paris, PUF, sociologie d'aujourd'hui, chapitre V, p. 216.
La société rurale a été tenue loin
des transformations au cours des décennies 60, 70 et 80, mais au cours
des vingt dernières années, cette société a connu
des changements qui ont atteint ses structures, ainsi que les mentalités
des individus, grâce à la généralisation de
l'enseignement et la propagation de l'audio-visuel.
* 4 - Rémy Levau, Le
fellah marocain défenseur du trône, éditions Presses de la
Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1976, p. 240.
* 5 - John Waterbury, le
commandeur des croyants, op. cit, p. 372.
* 6 - Maurice Duverger,
Sociologie de la politique, Puf, 1988, p. 166.
* 7 - Maurice Duverger, op.cit,
p.165.
* 8 - Ibid, p. 166
* 9 -Jean Paul Chagnalland, Le
système politique marocain, L'Harmattan, 1997, p. 93.
* 10 - Célestin
Bouglé, la démocratie devant la science, Collection :
Bibliothèque des Sciences Sociales n° 21, Paris, 1904, p. 35.
* 11 - Octave Marais,
« La classe dirigeante au Maroc », in Revue
française de science politique, 14° année, n°4, 1964,
p. 718.
* 12 - Ali Benhaddou, Les
élites du Royaume, essai sur l'organisation du pouvoir au Maroc,
éditions L'Harmattan, 1997, p .216.
* 13 - Ali Benhaddou, Les
élites du royaume, op. cit, p. 221.
* 14 -Pierre Vermeren, Histoire
du Maroc depuis l'indépendance, éditions la découverte,
2006, p. 3.
* 15 - Octave Marais,
« les classes dirigeante du Maroc », in revue scientifique
politique, n° 4, année 1964, p. 719.
* 16 - Remy levau, op. cit, p.
237.
* 17 -Alain Rouquié,
« Changement politique et transformation des
régimes », in traité de science politique, les
régimes politiques, tome 2, éditions PUF, 1985, p. 602.
* 18- Aziz Elmoula iraki ,
Des notables, du makhzen à l'épreuve de la
« gouvernance », préfacé par Mohamed Tozy,
éditions L'Harmattan, 2002, p. 8.
* 19 - ?EI C??C?? ??????- ?II?
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* 20 -John Waterbury, le
commandeur des croyants, op.cit, p . 104.
* 21 -Grigori Lazarev,
« les concessions foncières » A.A.N, 1977, p. 83.
* 22 -Lazarev Grigori, Aspects
du capitalisme agraire avant le protectorat, AAN, 1975, p. 60.
* 23 - Driss Ben Ali, le Maroc
précolonial, SIMER 1993, p. 13.
* 24 -Abdellah Saâf,
Images politiques du Maroc, éditions Okad, 1987, p. 79.
* 25 - Ibid, p. 79.
* 26 - Ignacio Ramonet,
« Le Maroc indécis », in le Monde diplomatique,
juillet 2000, p.1.
* 27 - John Waterbury, le
commandeur des croyants, op.cit, p. 33.
* 28 -Ihazrir Abdelmalek,
élite rurale et politique agricole , contribution à
l'étude de l'univers politique et social des acteurs, thèse
d'Etat en droit public, faculté de droit Marrakech, 1997, p . 103.
* 29 -Laroui Abdellah, Les
origines sociales et culturelles du nationalisme marocain, Maspero, 1977,
p .16.
* 30 -Bernard Cubertafond, le
système politique marocain, l'Harmattan, 1997, p.25
* 31 -John Waterbury : le
commandeur des croyants, opt.cit, p.170.
* 32 - Ibid, p. 39.
* 33 - John Waterbury, Le
commandeur des croyants, op.cit, p. 312.
* 34 - Ibid, p. 127.
* 35 - Ali
Benhaddou, op.cit, p. 116.
* 36 - ibid. p. 117.
* 37 - Pierre Vermeren, la
formation des élites marocaines et tunisiennes, La découverte,
2002, p. 201.
* 38 - Ali
Benhaddou, op.cit, p. 118.
* 39 -Mohamed Othman
Benjelloun, Projet national et identité au Maroc-un essai
anthropologique politique, L'Harmattan, 2003, p .206.
* 40 -Aziz El Moula El Iraki,
des notables du makhzen à l'épreuve de la gouvernance -
L'Harmattan, 2003, p. 16.
* 41 -??? C?I?? C??C??- C??C??E
?C???E?C????C? ?C???C?E ?? C???E?? C?U?E????????C C?O???2001?? 205. -
* 42 - ??? C??????? 209.
* 43 - Faouzi. M. Houroro,
Sociologie politique coloniale au Maroc, Afrique Orient, 1988, p.56.
* 44- ? ? 184 -
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* 45 - Abdellah Saaf, images
politiques du Maroc, éditions OKAD, 1987, p. 78.
* 46 -Jean Yves Dorgman et
Daniel Mochard : introduction à la sociologie politique,
éditions de boeck, 2008, p. 109.
* 47 -Troiiv Jean
François (sous direction), Maroc : région, pays, territoire,
éditions Maisonneuve, 2002, p .74.
* 48 - Abdelkebir Khatibi,
Alternance et les partis politiques au Maroc, eddif, 1999, p. 26.
* 49 - Pierre Vermeren, La
démocratie impossible, éditions Fayard, 2004, p. 41.
* 50 ? ?? 188 -
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* 51 - Ali Benhaddou, op.cit,
p. 69
* 52 -- ??EI? E?????- C??IE
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C??????-??C??E ???C????? C???E C??C???E 2008-2009 ? ?.114.
* 53 -Marais octave, « Le
Maroc» in Mendras (Henri), « terre, paysans, et politique»,
Futurible,T2, 1970, p. 282.
* 54 -Remy Levau, Le fellah
marocain défenseur du trône, op.cit, p.8
* 55-??I ???E- C??IEE C??I???E
? C?????E :E?C?? ?? ??? C?I?? ?C?C?E??C?? ???E ?U?? ?II 9? ??28
* 56 - Remy Leveau , Le
fellah marocain défenseur du trône, op.cit, p.7
* 57 - Daniel Rivet, Maghreb
à l'épreuve de la colonisation, 2002, p. 116.
* 58 - John Waterbury, Le
commandeur des croyants..., opt.cit, p. 55.
* 59 - Abdelghani Abouhani,
Pouvoirs, villes et notabilités locales, quand les notables font les
villes, éditions URBAMA, p. 170.
* 60 -Aziz El Moula El Iraki,
des notables du makhzen à l'épreuve..., op.cit, p. 25.
* 61 - Jean Noel Ferrié,
Jean Claude Santucci, dispositifs de démocratisation et dispositifs
autoritaires en Afrique du Nord, CNRS, éditions A.A.N, 2006, p. 15.
* 62 -Bernard Cubertafond, le
système politique marocain, op. cit, p. 25.
* 63 - John Waterbury, le
commandeur des croyants..., opt.cit, p. 61.
* 64 - John Waterbury, le
commandeur des croyants..., opt.cit, p. 104.
* 65 - Pierre Rosenvallon, la
démocratie inachevée, éditions Gallimard, 2000, p. 172.
* 66 -Gille lafuente, Politique
berbère de la France et nationalisme marocain, éditions
L'Harmattan, 1999, p. 161.
* 67 - John Waterbury, Le
commandeur des croyants..., opt.cit, p. 102
* 68 - Jean Marie Denquin,
science politique, éditions Puf, 1996, p. 298
* 69 -Ihazrir Abdelmalek,
paysans, élites rurales et politique agricole, thèse d'Etat en
science politique, 1996, op. cit, p .73.
* 70 - Ali Benhaddou, op.cit,
p. 20.
* 71 - ?EI C????? C?????-
C??IEE C?C?E?CI?E EC??U?E? ??C? C??C? ?C???C?E? ???E ?U?? ?II 9? ??34?
* 72 - Ali Benhaddou, op.cit,
p. 71.
* 73 - Ibid, p. 72.
* 74 -Lhachmi Berrady ,
la formation des élites maghrébines, LGDJ, 1973, p. 147.
* 75 -Pierre Rosanvallon, le
peuple introuvable, Histoire de la représentation démocratique en
France, Folio-histoire, 1998.
* 76 - Ali Benhaddou, op. cit,
1997, p. 86.
* 77 - Ali Benhaddou, opt.cit.
p. 21.
* 78 -Mohamed Tozy, Monarchie,
islam politique au Maroc, Presses de science politique, 1999, p. 103.
* 79 - Lahcen Brouksy,
Makhzénité et modernité, révolution tranquille d'un
roi, éditions El Maarif El Jadida, Rabat, 2002, p. 112.
* 80 -Ali Benhaddou, op. cit,
p. 23.
* 81 - ?EI C????? C?????-
??C?E C??IEE EC??U?E? C??I?? ?C??C? ?C???E ?C???I? ??? C????? ??? C???E? I?CE?
???E ?U? C??II:9? ?:22
* 82 - Ali Benhaddou, opt. cit.
p. 27
* 83 -??I ???E- C??IEE
C??I???E ?C?????E: E?C?? ?? ??? C?I?? ?C?C?E??C? ??? ??? C????C? IIC? C??I??
?C?C?E??C?? ???E ?U? ?II 43???E 2010 ?? ?? 30 -
* 84 - J.Waterbury, Le
commandeur des croyants..., op.cit, p. 109
* 85 -Octave Marais,
« les classes dirigeante du Maroc », op.cit, p. 709.
* 86 -Michèle Marie
Aliote, la décision politique, Attention une république peut en
cacher une autre, éditions Puf, 1983, p.96.
* 87-Ibid, p. 94.
* 88 - Ali Benhaddou, op. cit.
p. 26.
* 89 -Paul Pascon, Trente de
sociologie au Maroc, in BESM, 1997, p. 73.
* 90 - John Waterbury, op. cit,
p. 366.
* 91 - Ibid. p. 367.
* 92 -Jean Paul Chagnalland, le
Système politique marocain, op. cit, p .128.
* 93 -Claude Palazolli, Le
Maroc politique, Sindibad, 1970, p. 87.
* 94 -Brouksy Lachen, La
mémoire du temps Maroc, pays de l'inachevé, éditions
Publisud 2004, p. 42.
* 95 -Jean Claude Santucci,
Chroniques politiques du Maroc, CNRS, 1978, p. 02.
* 96 - ???I ???O?? - C??IEE
C?E???C??E ??O?C??E C?E?I?I? ??C??E ????E ?? C?E?I?I ? ???E ?U? ? C??II 9?
C???E 2010? ?? 40,
* 97 - Mustapha Shimi,
« les élites parlementaires : continuité ou
renouvellement », in édification d'un Etat moderne, le Maroc
de Hassan II, Albin Michel, 1986, p. 95.
* 98 -. ???I ???O??- C??IEE
C?E???C??E ??O?C??E C?E?I?I ? ??C??E ????E ?? C?E?I?I ? ???E ?U?? ????
?CE? ? ??.41
* 99 - Jean Yves Dormagen et
Daniel Mouchard, introduction à la sociologie politique, op.cit, p.
136.
* 100 -Jean Blondel,
« gouvernements et exécutifs, parlements et
législatifs », in traité de science politique, Tome 2,
éditions PUF, 1985.
* 101 -Aziz El Maoula El
Iraki, op. cit, p. 7.
* 102 - Bernard Cubertafond,
Le système politique marocain, op.cit, p .25.
* 103- Driss Ben Ali,
interview in le quotidien Al Massae n° 1758 du 18/05/2012, p. 07.
* 104 -????E C?????I?-C????C?
?? C??UC? C???C?? C??U?E?? 1955-1992? ??E?E C???C? C??I?IE? 2001? ?: 70
* 105 -Lhachmi Berrady, La
formation des élites politiques Maghrébines, op.cit, p. 136.
* 106 -?EI C????? ????- ???C?
C???? ???I C??CI?? ???E ???E ?U?? C??II 9? C???E 2010? ?: 33
* 107 - Lhachmi Berrady, La
formation des élites politiques Maghrébines, op.cit, p. 145.
* 108 - Pierre Vermeren, la
formation des élites, op. cit, p. 202.
* 109 -Makhoukhi Abdelhamid,
le parlement à l'épreuve de la tradition, thèse d'Etat,
droit public, FSJES de Marakech, 1997, p. 63.
* 110 -Lahcen Brouksy, La
mémoire du temps, op.cit, p. 35.
* 111 -Ben dorourou Omar,
l'exécutif au Maroc.
* 112 -Makhoukhi Abdelhamid,
le parlement à l'épreuve de la tradition, thèse d'Etat,
op. cit, p. 313.
* 113 -Christophe Charles, les
élites de la république, Fayard, 2006, p. 106.
* 114 -Bernard Cubertafond,
vie politique au Maroc, op.cit, p. 36.
* 115 - Bernard Cubertafond,
vie politique..., op. cit, p : 36.
* 116 - ???E ?U?????? ?CE???
46, ?E?C? C???C??- ?????CE C??IEE C?E???C??E ?? C??U?E?
* 117 - Bernard Cubertafond,
Vie politique..., op. cit, p. 37.
* 118 -Octave Marais et John
Waterbury, « Thèmes et vocabulaire de la propagande
des élites », A.A.N, 1969, p. 52.
* 119 - Bernard Cubertafond,
Vie politique..., op.cit, p. 37.
* 120 -Jean Claude Santucci,
dispositifs de démocratisation..., op.cit, p. 301 et suivant.
* 121 - Dominique Colas,
sociologie politique, éditions PUF, 1994, p. 62.
* 122- Christophe Charles, op.
cit, p .33.
* 123 -Ali Benhaddou, op.cit,
p. 88.
* 124 - Duverger Maurice,
sociologie de la politique, éléments de science politique, Puf,
1973. p. 216
* 125 - Maurice
Duverger : sociologie de la politique, op.cit, p. 188.
* 126 - John Waterbury, le
commandeur des croyants, op. cit. p. 24.
* 127 - Wardi (M), être
notable au Maghreb, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain,
Maisonneuve, 2006, p. 77.
* 128 -Ibid, p. 77.
* 129 - John Waterbury, op.
cit. p. 92.
* 130 - Ibid, p. 93.
* 131 - Abdellah Saaf, Images
politiques du Maroc, op.cit, p . 77.
* 132 - John Waterbury,
commandeur des croyants..., op.cit, p .94.
* 133 -Remy Levau, Le fellah
marocain défenseur du trône, op.cit, p. 11.
* 134 -Bernard Cubertafond, Le
système politique marocain, op. cit, p. 27.
* 135 - Abdellah Saaf, Images
politiques du Maroc, op.cit, p. 80.
* 136 -Karim Guellab,
actuellement président du conseil des représentants a
été introduit par Mazyane Belfkih au sein du parti Istiqlal,
bien qu'il n'a jamais entretenu de relations avec ce parti et en dépit
de la contestation des membres de ce parti. (Driss ben Ali, dans une interview
avec le quotidien Almassae n° 1758 du 18/05/2012).
* 137 - Driss ben Ali, dans
une interview in le quotidien Al massae, n° 1758 du 18-05- 2012.
* 138 -Jean Charles Faladreau,
« des élites traditionnelles aux nouvelles », in
revue recherches sociologiques- volume 7 - n° 1-2, 1966, pp 131-145.
* 139 - ?EI C????? C?????-
??C?E C??IEE EC??U?E? ??O??CE I?CE? ???E ?U? C??II:9? ?: 124
* 140 -Abdellah Saaf,
« aperçu sur les élites politiques
marocaines », in la société civile au Maroc,
éditions Maghrebines, 1994, p. 24.
* 141 - Ibid, p. 25. Voir
aussi Jean François Bayart « permanence des élites
traditionnelles et nouvelles formes du pouvoir », in revue
cahiers de la méditerranée, Novembre 1981, p. 74.
* 142 -Offerle Michel,
« usage et usure de l'hérédité en
politique », in revue française de science politique,
43e année, n° 5, 1993. p. 851.
* 143 - Ali Benhaddou ,
op. cit, p .95.
* 144 -Offerle Michel, op.cit,
p .852.
* 145 - Maurice Duverger,
Sociologie de la politique, op.cit, p.164.
* 146 -Offerle Michel,
op .cit, p. 852.
* 147 -Ibid, p. 853.
* 148- Offerle Michel, op.
cit. p. 852.
* 149 -Ali Benhaddou, op. cit.
p. 26
* 150 - Jean François
Bayart, « Permanence des élites traditionnelles et nouvelles
formes du pouvoir », op. cit, p. 74.
* 151 - Ali Benhaddou, op.
cit. p. 47.
* 152 - Offerle Michel, op.
cit, p. 853
* 153- Offerle Michel, op.
cit, p. 852.
* 154 - Colette
Ysmal, « Elites et leaders », in Traité de
science politique, Tome 2, éditions Puf, 1985, p. 612.
* 155- Marc
Bételès et Martine Segalin, Jeux des familles, Presses CNRS,
1991, p. 25.
* 156 -Jean Louis Briquet,
« La tradition en mouvement », in clientélisme et
politique en corse, éditions Belin, 1997, p .114.
* 157 - Philippe Garaud, la
carrière politique et les maires urbains, L'Harmattan, 1989.
* 158 - Ali Benhaddou, op.
cit. p. 85.
* 159 -Marc
Bételès et Martine Segalin, Jeux de familles, op.cit, p. 26.
* 160 -Jean Marie Denquin,
op.cit, p. 208.
* 161 - Michèle Aliot
Marie, op.cit, p .96.
* 162 - Ibid, p : 97.
* 163 - Jean Marie Denquin,
op.cit, 1985, p. 211.
* 164 -Mustapha Shimi,
« les élites ministérielles et
parlementaires » in revue Machrek maghreb, 1989.
* 165 -Georges Lavau et
Olivier Duhamel, « La démocratie », in traité
de science politique, les régimes politiques contemporains,
éditions PUF, 1985, p. 29.
* 166 -Belhassan Elouazani
se démarque par la solution qu'il propose pour remédier aux maux
marocains : cette issue réside dans l'adhésion du pays
à la démocratie, il exige d'accoutumer les marocains aux
méthodes démocratiques de gouvernement et d'administration.
* 167 - Faouzi. M. Houroro,
op.cit .p. 35.
* 168 -Ali Benhaddou ,
op. cit. p .128
* 169 - Rémy
Levau , op.cit, p. 26.
* 170 - Ibid p. 38.
* 171 -Mehdi ben Barka,
« Option révolutionnaire au Maroc, Rapport au
secrétariat de l'UNFP avant le 2° congrès, Rabat, Le 1°
mai 1962 », in « journal Almounadhil-a », sit
internet : http://www.almounadhil-a.info.
* 172 - ?EI C????? C?????-
??C?E C??IEE EC??U?E? ??O??CE I?CE? ???E ?U? C??II:9?? 80
* 173 - Alain Claisse,
«le Makhzen d'aujourd'hui» in le Maroc actuel.
* 174- ?EI C????? C??????
??C?E C??IEE EC??U?E? ???? ?CE??? 90 -
* 175 - Bernard
Cubertafond , le système politique marocain, op.cit, p .
135.
* 176 - Tozy Mohamed,
« crise des élites et restructuration du champ politique par
le haut », in les cahiers bleus n° 13, année 2009,
p.6.
* 177 -Alain Claisse et
Gérard Cenac (sous la direction) le grand Maghreb : données
socio-politiques et facteurs d'intégration des Etats au Maghreb,
éditions Economica, 1988, p. 302.
* 178 - Tozy Mohamed,
« crise des élites et restructuration du champ politique
... », op.cit, p. 8.
* 179 -Ibid, p. 9.
* 180 -Ibid, p. 14.
* 181 -Ibid, p. 11.
* 182 - Ali Benhaddou ,
op. cit. p. 141.
* 183 - Ibid, p. 175.
* 184 -Elias Norbert, la
société des individus, éditions Fayard, 1991, p. 3.
* 185 -Cohn Daniel, les
infortunes de la prospérité, éditions Julliard, 1994, p.
24.
* 186 - Ali Benhaddou, op.
cit, p.177.
* 187 - Ali Benhaddou ,
op. cit, p . 129.
* 188 -Belguendouz Abdelkrim,
« le phénomène migratoire : bilan de 30
ans » in revue PJES, Faculté de droit Rabat, 1991.
* 189 - Lahcen Brouksy ,
Makhzanité et modernité, révolution tranquille d'un roi,
éditions Elmaarif Eljadida, 2002, p . 111.
* 190 -Tozy Mohamed, monarchie
et islam politique au Maroc, presses de science politique, 1999.
* 191 - voir Maroc hebdo,
n° 116 - Décembre 1993.
* 192 -Le Plan de
développement Economique et Social 2000-2004 volume 1, Ministère
de la Prévision Economique et du Plan.
* 193 -le même rapport.
* 194 -Abdelghani Abouhani,
Pouvoirs, villes et notabilités locales, op. cit, p.166.
* 195 - Pierre Vermeren, Le
Maroc en transition, La découverte, collection cahiers libres, 2001, p.
223.
* 196 -Ignace Dalle, Hassan
II, 1961-1999, L'espérance trahie, Maisonneuve Larose, 2001, p.320
* 197 -Najib Akesbi et Driss
Guerraoui, enjeux agricole, Le Fennec, 1988, p.117.
* 198 -John Waterbury, le
commandeur des croyants, op. cit, p. 223.
* 199 - Ali Benhaddou, op.cit,
p.218.
* 200 - Lahcen Brouksy,
Makhzénité et modernité, op.cit, p.114.
* 201 - Ali Benhaddou, op.cit,
p. 222.
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