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Les nouvelles hégémonies de la région Septentrionale. Le Royaume Tem du Tchaoudjo (1880- 1914 )

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par Akimou TCHAGNAOU
Université de Lomé Togo - Maà®trise 2007
  

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    INTRODUCTION GENERALE

    S'il est vrai comme le dit le journaliste Alain Foka que « Nul n'a le droit d'effacer une page de l'histoire d'un peuple car un peuple sans histoire est un monde sans âme »1, il est aussi nécessaire voire indispensable que chaque peuple prenne conscience qu'il faut reconstituer sa propre histoire.

    En effet, Eugène Pittard paraphrasant Hegel n'écrivait-il pas en 1953 que : « Les races africaines proprement dites (celle de l'Egypte et d'une partie de l'Afrique Mineure mise à part), n'ont guère participé à l'histoire telle que l'entendent les historiens...Je ne me refuse pas à accepter que nous avons dans les veines quelques gouttes d'un sang africain (d'Africain à peau vraisemblablement jaune) mais nous devons avouer que ce qu'il en peut subsister est bien difficile à retrouver. Donc deux races humaines habitant l'Afrique ont seules joué un rôle efficient dans l'histoire universelle : en premier lieu et d'une façon considérable les Egyptiens puis les peuples du nord de l'Afrique »2

    C'est dans le but de briser les élucubrations de ces penseurs occidentaux qui dénient toute histoire à l'Afrique que Patrice Lumumba3 écrit : « l'histoire dira un jour son mot...L'Afrique écrira sa propre histoire ».

    Ainsi, c'est dans le souci de faire la lumière sur l'histoire du royaume tem du Tchaoudjo dont certains des aspects ont déjà fait l'objet d'étude par nos prédécesseurs, que nous avons choisi notre thème que voici : « LES NOUVELLES HEGEMONIES DE LA REGION SEPTENTRIONALE. LE ROYAUME TEM DU TCHAOUDJO (18801914) ».

    1 -Alain Foka, journaliste de RFI dans son émission hebdomadaire de vendredi « Archives d'Afrique ».

    2 - Ki-Zerbo, 1978, p10.

    3 - Cité par Ki-Zerbo, 1978, p9.

    2

    Etant donné que l'histoire n'est jamais écrite une fois pour toute et qu'elle se renouvelle au rythme de l'évolution des sources documentaires et surtout du questionnement, nous avons voulu traiter certains aspects restés encore sous silence et apporter quelques précisions sur d'autres.

    En effet pour traiter ce thème, nous avons choisi un cadre spatial et chronologique très réduit. Par ailleurs, le choix de notre thème n'est pas le fait du hasard. Il s'explique par la motivation que nous avons pour les études monographiques. De même, l'intérêt scientifique que nous trouvons en de telles études, c'est celui de contribuer à reconstituer l'histoire globale du Togo en général et celle du pays1 tem en particulier.

    Pour dégager le sens de notre travail, nous dirons que les dates qui délimitent notre thème de recherche sont significatives. En effet, 1880 est la date à laquelle le royaume a pris véritablement son essor pendant le règne de Ouro-Djobo Boukari dit « sémôh » de Kparatao2. C'est aussi la date à laquelle il aurait pris le pouvoir suite à la guerre qui l'aurait opposé à Yélivo3.

    19144 est la date à laquelle les Allemands quittent le Togo après leur défaite de la « Grande guerre » cédant la place aux Français.

    Après cet exposé, une série de questions se posent :

    Comment se fit le peuplement du royaume et quelle évolution connurent ses peuples de 1880 à 1914 ?

    Dans quelles conditions voit-il le jour ? Quelle évolution connaît-il ? Comment s'explique la sédentarisation du pouvoir royal du Tchaoudjo à Kparatao ?

    Qui furent les principaux acteurs de sa formation ? Quels rôles jouèrent les sémassi dans le trafic esclavagiste ?

    1 -Signifie dans notre contexte toute la région de peuplement tem.

    2 -Gayibor N L (ss la dir), 1997, p346.

    3 -Entretien avec Ouro-Akpo Kassim, chef de Yélivo, du 16-08-06.

    4 -Avec la Grande guerre de 1914-1918, les Allemands vaincus au Togo dès Août 1914 ont évacué cédant la place aux Français.

    3

    Quels furent les changements provoqués au sein du royaume au contact des Allemands ? Quel rôle joue-t-il dans le nouveau contexte ? En effet, l'histoire du Togo a fait l'objet de plusieurs recherches tant par les chercheurs étrangers que par les chercheurs nationaux et les étudiants de l'Université de Lomé. Tous ces travaux, dans leur ensemble ont permis d'avoir un éclairage nouveau sur l'histoire des différents peuples du Togo. Mais, si l'histoire de la plupart des populations du sud-Togo telle que celle des Guin, des Mina et des Ewé est connue, cela n'est pas pour autant le cas en ce qui concerne l'histoire des peuples de l'hinterland (tels que les Kabiyè, les Losso, les Tem etc.). Ceci s'explique d'une part, par le fait que ces peuples du sud ont eu un contact précoce avec l'homme blanc et d'autre part, par l'abondance de la littérature historique dont ils disposent sur leur passé.

    Afin de réussir ce travail, nous avons parcouru la plupart des travaux qui ont déjà abordé notre thème. De ce fait, nous avons pu recenser les documents qui ont traité de l'histoire générale de l'Afrique, du Togo et ceux qui ont traité spécifiquement de l'histoire des Tem.

    En dépit de notre documentation très variée, nous nous sommes confronté à des lacunes d'informations précises sur notre thème.

    Les obstacles rencontrés sont liés à l'état très précaire et de délabrement des documents écrits (surtout les archives), à la rareté des sources documentaires relatives aux populations du Nord-Togo, au manque de moyens financiers et matériels.

    Quant aux enquêtes sur le terrain, la tâche n'a pas été du tout facile. Les obstacles rencontrés sont liés au manque de personnes ressources car la plupart de nos informateurs se contentent de répéter les versions transmises par les ancêtres ou carrément tentent de forger leur propre version des faits.

    Nous étions également confronté aux problèmes de réticence de nos informateurs qui refusent de nous livrer les informations car ils croyaient que nous étions mus par des mobiles politiques.

    En dépit de cette situation, nous avons fait de la tradition orale notre cheval de bataille avec tout ce qu'elle comporte comme inconvénients. Nous n'avons pas la chance de rencontrer les personnes « idéales »1 puisque la plupart de nos informateurs n'ont pas vécu la période qui correspond à notre étude (1880-1914). Ils tiennent leurs informations de leurs parents. C'est donc avec une grande prudence que nous utilisons les témoignages oraux.

    Néanmoins, nous avons pu recueillir suffisamment d'informations qui nous permettront de faire la lumière sur l'histoire du royaume tem du Tchaoudjo.

    En définitive, soulignons que toutes ces difficultés citées plus haut ont exigé de nous une attention particulière, mieux une analyse très approfondie et un sens critique.

    Dans ces conditions, nous nous sommes efforcé de combiner aussi harmonieusement que possible les différentes informations recueillies sur les Tem pour pouvoir rendre intelligible notre travail. C'est grâce à cette méthode que nous sommes parvenu aux résultats réunis dans ce mémoire que nous présentons en deux grandes parties :

    La première partie intitulée origine et cadre de la constitution du royaume comprend trois chapitres: d'abord, la présentation générale du pays tem et histoire du peuplement, ensuite la constitution du royaume et enfin, l'organisation politique et économique du royaume. La seconde partie intitulée la militarisation du royaume comprend deux chapitres notamment : la militarisation et les différents conflits du royaume et le Tchaoudjo sous domination allemande.

    4

    1 -C'est-à-dire des témoins oculaires qui ont vécu les faits qu'ils nous rapportent.

    5

    Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, il nous paraît important pour la compréhension de notre travail d'expliquer l'utilisation d'un certain nombre de concepts.

    Ainsi, le choix du concept « royaume » au détriment des concepts « chefferies » et «confédération » est significatif.

    Selon le Petit Robert1, la confédération se définit comme l'« union de plusieurs Etats qui s'associent tout en conservant leur souveraineté ». Quand on se réfère à l'histoire de l'Europe, on note l'exemple de la Confédération helvétique, de la Confédération de Délos pour la crise antique.

    Or, pour ce qui concerne notre étude, les sept villages constitutifs correspondent plus à une « union » plutôt qu'à une quelconque « souveraineté » puisqu'ils dépendaient tous du village à qui revenait le pouvoir royal. Ce qui prouve donc que les sept villages ne sont pas indépendants les uns des autres comme on a pu le croire.

    Pour ce qui est de la chefferie, le Petit Robert, la définit comme une « unité territoriale sur laquelle s'exerce l'autorité d'un chef de tribu ». Cette définition nous paraît insuffisante pour expliciter le cas du Tchaoudjo.

    Cependant, selon Larousse2, le royaume est un « Etat gouverné par un roi ». Cette définition semble répondre à notre sujet d'autant plus que

    l' « Etat » dans notre contexte peut englober plusieurs entités qui correspondent mieux aux sept villages constitutifs du royaume et le « roi » qui correspond au souverain ou à ouro-esso.

    Kotokoli ou Cotocoli : c'est une variation graphique. Les Allemands utilisaient la première forme et les Français la seconde. Ce terme désigne l'ethnie du pays tem. Pour raison de notre contexte historique, nous avons fait usage de la forme adoptée par les Allemands : Kotokoli.

    1 -Dictionnaire Le Petit Robert, 1986, p298.

    2 -Dictionnaire Larousse, 1977, p341.

    Pays : ce mot perd un peu de son sens premier dans notre contexte. Pour nous, il représente toute la région de peuplement tem.

    Tem : nous l'avons utilisé à la fois comme nom : Les Tem sont des Kotokoli, à la fois comme adjectif : Les Kotokoli sont de culture tem. Pays tem : le territoire sur lequel vit une population dont les membres se reconnaissent traditionnellement comme les « Temba » c'est-à-dire des gens qui parlent la même langue tem.

    Royaume tem du Tchaoudjo : qui fait l'objet de notre étude ne comprend que les sept villages constitutifs du royaume où seuls les Mola peuvent postuler au pouvoir royal.

    Kotokoli et Tem : La nuance entre les deux noms ne devrait pas poser des problèmes.

    Le Tem de l'avis de nos informateurs est l'habitant autochtone connu comme étant un agriculteur, un éleveur, un chasseur, un forgeron, un animiste, enraciné dans son milieu par ses occupations et sa culture. A propos des deux noms, Gayibor1 écrit : « Quoi qu'il en soit,

    l'ethnonyme kotokoli est le plus usité de nos jours. Il semble s'identifier plus aux éléments du groupe qui sont urbanisés et islamisés alors que

    le tem désignerait plutôt le monde rural et païen, le fonds ancien du peuplement. Ainsi donc cette appellation cotocoli ou kotokoli qui, à l'origine, ne semble avoir revêtu qu'une signification culturelle, s'est-elle imposée au détriment de tem ou temba, le véritable ethnonyme » C'est ce qui explique cette transmutation du tem en Kotokoli.

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    1 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p350

    Première partie

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    ORIGINE ET CADRE DE LA CONSTITUTION DU ROYAUME

    Source : Gayibor, 1996, p12

    Carte n°1 : schéma ethnique du Togo

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    Chapitre1 : PRESENTATION GENERALE DU PAYS TEM ET HISTOIRE DU PEUPLEMENT

    Introduction

    On a fort peu de connaissances sur l'histoire du royaume tem du Tchaoudjo avant l'arrivée des Européens. Ceci s'explique par le fait que, nous manquons de traditionnistes de métier à l'instar des griots au Mali ou ailleurs en Afrique. De plus, il n'existe aucune chronique digne de ce nom qui puisse remonter à plus de 150 à 200 ans.

    D'une manière générale, dans la plupart des contrées du Togo, les populations vivaient sur les montagnes où elles se sentaient plus en sécurité.

    L'occupation du site de Tabalo situant sur le mont Malfakassa le confirme.

    De ce fait, il est important de décrire d'abord le cadre physique du pays tem et ensuite les stades de peuplement du royaume.

    1- Présentation générale du pays tem

    1-1. Situation géographique

    Les Tem constituent une entité hétérogène où à des degrés variables selon les régions, l'influence de l'Islam est très importante.

    Nous appelons pays tem, le territoire sur lequel vit une population dont les membres se reconnaissent traditionnellement comme les « Temba » c'est-à-dire des gens qui parlent la même langue tem.

    Le pays s'étend de Kéouda (sud de Fazao) jusqu'au delà de Bafilo. D'est en ouest, il s'étend sur la crête montagneuse de Malfakassa depuis Tabalo jusqu'à Kri-Kri (Adjéïdè)

    (voir carte n°2, p12).

    10

    Le territoire ainsi défini englobe aujourd'hui plusieurs préfectures. Deux préfectures s'inscrivent entièrement dans le pays tem. Il s'agit de la préfecture de Tchaoudjo (chef-lieu Sokodé) et la préfecture d'Assoli (chef-lieu Bafilo).

    Actuellement les deux foyers tem, Tchaoudjo d'environ 2549 Km2 et Assoli 937,5Km2 couvrent moins de 4000Km2 sur les 56600Km2 que représente le territoire national1.

    On rencontre aussi les Kotokoli dans trois autres préfectures où ils constituent des minorités : Bassar à l'ouest, Tchamba à l'est et Sotouboua et Blitta au sud.

    En dehors de ces cas, il existe des Tem ailleurs à Kozah, Ogou.

    Par ailleurs, nombreux sont les Kotokoli qui vivent hors du Togo. Ils sont dans les villages d'Alédjo-Koura, d'Akaradè et de Semere en République du Bénin, dans certaines localités du Ghana : Ahamassou, Kédjébi, Yendi, Koumassi, Accra2 etc.

    1-2. Les traits géographiques dominants

    Le relief du pays tem est d'une grande variété et se présente de la façon suivante :

    -une succession de chaînes de montagnes orientées sud-ouest et nord-est. Ces chaînes s'étendent de Bafilo au nord jusqu'à Fazao, Boulohou au sud en passant par Koumondè, Alédjo, Tabalo et Malfakassa.

    Les plus fortes altitudes se situent au centre de la région de Malfakassa et au sud dans le Fazao. Par endroits, cette chaîne de montagnes a l'aspect d'une véritable muraille avec de fortes dénivellations.

    1 - Labodja S E, 1991, p8.

    2 - Tchanilé MM, 1987, p17

    Le deuxième élément topographique à souligner est la série de collines s'intercalant entre la plaine du Mono à l'est et les montagnes d'Alédjo, juste au nord-est de Sokodé puis Tchavadi et Wassarabou jusqu'à Kpaza.

    - à l'est, une petite partie de l'immense plaine du Mono

    - à l'ouest, la plaine triangulaire du Mont Fazao développée sur le Buem1.

    Très grossièrement, les correspondances topographiques sont les suivantes : à la vaste plaine du Mô, correspond le pays dahoméen (actuel Bénin) et la plaine du Mô-Fazao, le Buem.

    C'est la chaîne de l'Atakora qui est à l'origine des hauts reliefs du Togo central, il est fait de quartzistes essentiellement avec par endroits des schistes et des micaschistes traversés par de nombreux filons de quartz.

    Dans la plaine du Mô-Fazao, la série du Buem est composée localement de grès quartzistes relativement homogènes.

    Le climat est de type soudanais. De ce fait, on a deux saisons qui se succèdent : une saison sèche de novembre à avril et une saison de pluie de mai à octobre2.

    11

    1 - Tchanilé MM, 1987, p17

    2 - Tchanilé MM, 1987, p17

    Carte n°2 : Carte administrative du pays tem

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    DU PAYS KOTOKOLI

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    CARTE ADMINISTRATIVE DU PAYS KOTOKOLI

    Source : Tchanilé, 1987, p60

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    ADMINISTRATIVE

    12

    13

    1-3. La pédologie

    Au point de vue pédologique, les sols sont assez variés, néanmoins, il existe des entités plus ou moins homogènes s'étendant sur de larges superficies :

    - une région à bonne fertilité des sols, région située au sud de
    Tchaoudjo,

    - une région au sol un peu pauvre au nord de Tchaoudjo et le secteur
    de Bafilo,

    - trois zones enclavées mais fertiles (Ouest-Fazao, Mô, Est-Mono)1.

    1-4. La végétation

    Le couvert végétal est constitué essentiellement de savanes herbeuses, arbustives, arborées et d'îlot forestiers localisés sur les massifs montagneux ou le long des cours d'eau (forêts-galeries). Les forêts classées de Fazao, de Malfakassa, d'Alédjo, zones non habitées ni cultivées représentent plus de 10% de la superficie régionale.

    1-5. La faune

    Quant à la faune, celle-ci est très riche. Elle se trouve confinée dans les réserves ou forêts classées. On y rencontre des ruminants, des carnivores, des rongeurs comme des lions, des buffles, des biches, des éléphants. Toutes ces espèces sont en voie de disparition à cause de la chasse. Mais de nos jours, avec la politique de la protection de la faune, cette chasse est réglementée, voire interdite.

    1-6. L'hydrographie

    Si nous considérons l'hydrographie, nous pouvons dire qu'avec la chaîne de l'Atakora, le pays kotokoli est un véritable château d'eau pour le Togo.

    1 -Tchanilé MM, 1987, p17

    La plupart des affluents du Mono comme Na, Kolowaré, Kpaza y prennent leurs sources. Le pays n'a point de problèmes d'eau comme dans le pays bassar.

    Cependant tous les cours d'eau ne sont pas permanents. Certains tarissent pendant les saisons sèches.

    Carte no3 : Le royaume tem du Tchaoudjo

    14

    Source : Gayibor, 1997, p 346

    15

    2- Le peuplement du royaume

    En ce qui concerne le peuplement du royaume en général et plus précisément des premiers occupants, les versions diffèrent. Les récits écrits tant par les Européens1 que par les Togolais2 soutiennent l'ancienneté des groupes lama. Cette thèse est remise en cause par la tradition orale.

    Qui est-ce qui sont les premiers occupants avant l'arrivée des Mola ? Les Mola, qui sont-ils et d'où viennent-ils ? Quels sont les clans migrants ?

    Les réponses à ces trois questions nous permettront de mieux cerner les réalités qui concourent à l'occupation de ce site.

    2-1- Les premiers occupants avant l'arrivée des Mola

    A propos des premiers occupants, nous avons recueillis des témoignages de divers auteurs :

    JC Froelich3, estime que les plus anciens des habitants du pays sont des Lama de langue voltaïque et appartiennent au groupe des « paléonigritiques ».

    Capitaine Sicre4 abordant dans le même sens écrivait : « La race (lama) la plus autochtone que l'on connaisse a aujourd'hui totalement disparu du cercle de Sokodé, mais s'est décomposée en deux fractions Lambas et Cabrais dont un certain nombre de famille ont tendance à venir retrouver Sokodé, la terre de leurs lointains ancêtres ».

    1 - Alexandre P., Cornevin R, Froelich JC, Capitaine Sicre, Barbier JC etc.

    2 -. Ali Napo P, Gayibor NL, Ouro-Djéri etc

    3 - Froelich JC, 1947, p23.

    4 - Sicre Cap., 1918, p5.

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    Ali Napo1 écrit que : « le royaume tem de Tchaoudjo se partage avec les royaume Bassar, Dagomba et Tchokossi, la domination sur presque toutes les populations à l'exception de celles considérées comme autochtones kabyè et losso de tout le Nord-Togo »

    Cependant, la tradition orale révèle que les véritables autochtones du pays sont les Nawo, les Koli2.

    -Les Nawo : ils font partie des clans autochtones du royaume. Leur ancêtre s'appelait Takam et leur origine est Lognadè, village situé actuellement sur la route Sokodé-Tchamba à côté de Kadambara. Ils détenaient le pouvoir d'électeur du souverain du Tchaoudjo. Pouvoir qu'ils ont perdu au temps de Ouro Koura de Birini3.

    -Les Koli : Ceux-ci sont considérés également comme des autochtones. Leur centre de gravité semble être le village d'Effolo dans la préfecture d'Assoli. Ils se retrouvent un peu partout à Bassar, à Tchamba, à Agoulou et en pays kabiyè. Ils sont en majorité à Bafilo où ils constituent un noyau important jouant à la fois un rôle capital dans la vie politique de cette localité. En effet, en cas de vacance du pouvoir, c'est l'un des membres de ce clan qui assume l'intérim.

    Les Koli représentent une entité clanique assez forte. Ce sont de véritables forgerons et par conséquent des guerriers avertis.

    Certains vont encore plus loin, comme Agodomou Adam4, jusqu'à affirmer que les Mola n'avaient retrouvé personne à leur arrivée ni à Tabalo, ni dans leurs sites actuels.

    1 - Ali Napo, 1995, p598

    2 - Entretien avec El Hadji Agouda Soulé, garde du corps du souverain El Hadji Issifou Ayéva, du 11-08-06.

    3 - les Nawo ont récupéré de nos jours ce pouvoir. Ils se trouvent aussi disperser dans les villages tem comme Agoulou, Kpaza etc

    4 - Entretien avec Agodomou Adam, chef du canton de Wassaradè, du 14-08-06.

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    Pour ce qui nous concerne, nous dirons que la thèse de l'antériorité du groupe lama soutenue par les Européens et les Togolais mérite une certaine précision. Ainsi, le sens du groupe lama ne peut se comprendre que sur le plan linguistique. Il désigne un ensemble de groupes ethniques qui parlent des langues apparentées comme le cas des Kabiyè, des Tem, des Lamba et des Logba. De ce fait, il ne désigne pas les seuls Kabiyè et Losso comme l'ont écrit Ali-Napo et JC Froelich et Sicre.

    Ainsi, l'antériorité des Koli et des Nawo défendue par la tradition orale peut se comprendre d'autant plus qu'ils sont tous deux des Tem et à plus forte raison parlent la même langue tem.

    2-2 L'origine du clan mola, fondateur du royaume

    L'origine du clan dominant mola a fait l'objet de plusieurs versions. D'une part, par les Mola eux-mêmes et d'autre part, par les autres clans peuplant le royaume.

    On note ainsi deux hypothèses en ce qui concerne leur origine.

    2-2-1. La thèse de l'origine arabe

    Celle-ci attribue aux Mola une origine arabe1. En effet, c'est en bordure d'une localité située sur les rives de la Mer Rouge que serait venu le nom de Mola. L'ancêtre des Mola serait passé par le Soudan, le Tchad, le Nigeria et le nord du Dahomey (au Bénin) avant de s'installer à Tabalo.

    L'acceptation de cette thèse nous paraît difficile d'autant plus que nous y relevons une influence islamique manifeste.

    En effet, on constate partout en pays tem que le clan mola est foncièrement attaché à la pratique de la religion traditionnelle.

    1 - Tchanilé MM, 1987, p45.

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    Le royaume ainsi créé par les Mola est un royaume solidement lié aux cultes des ancêtres.

    La conversion des Mola à l'Islam remonte à l'accession au pouvoir de Ouro-Djobo Boukari de Kparatao. La royauté mola a reposé et repose encore de nos jours sur les rites animistes. Les rites funéraires et ceux de l'intronisation d'un nouveau souverain le confirment aisément.

    En revanche, la version qui nous paraît crédible est celle qui attribue aux Mola une origine gourma.

    2-2-2. La thèse de l'origine gourma

    La troisième version qui nous paraît crédible fait venir le clan mola de la Haute-Volta (Burkina Faso actuel) et serait d'origine gourma. Cette thèse est soutenue par certains auteurs1 comme P. Alexandre, JC Froelich, R. Cornevin, et tout récemment JC Barbier, MM Tchanilé, NL Gayibor, Ouro-Djéri etc.

    En effet, dans leur ouvrage commun consacré aux Kotokoli, P. Alexandre et JC Froelich2 rapportent ce qui suit : « Un chasseur gourma, de clan mola, parti en avant-garde vers le sud, découvrit une région giboyeuse, qu'il décida d'y faire venir ses parents. Ceux-ci quittèrent Fada N'Gourma, sous la conduite de Kotokoro et vinrent s'installer à Tabalo »

    Nous pensons que cette thèse se rapproche plus de la réalité. Ainsi, les Mola ne commencent à apparaître dans l'univers tem qu'avec leur installation à Tabalo sur le Mont Malfakassa qu'on peut toutefois remonter entre le XVIè et le XVIIè siècles3.

    Les Mola disent qu'ils viennent du pays gourma et qu'ils sont à l'origine de la fondation de Tabalo.

    1 - pour les références de tous ces auteurs, voir bibliographie.

    2 - Alexandre P et Froelich JC, 1960, p212

    3 - Sicre Capitaine, 1918, p5.

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    De la même manière, Ali-Napo1 citant JC Froelich écrit : « Les Mola seraient de la première vague des envahisseurs gourma apparue à la fin du XVIIè siècle. Ils seraient originaires de Dadéni, arrivés par l'axe Mango-Kanté et s'installant dans les montagnes de l'Atakora pour fonder le village de Tabalo d'où après quelque temps de séjour, le temps de s'assimiler linguistiquement aux autochtones se répandent ensuite dans la plaine abandonnée par les Kabyè ».

    Il est bien évident qu'ils sont d'origine gourma mais ils ne sont pas à l'origine de la fondation de Tabalo comme le prétendent la tradition orale et JC Froelich. Certains clans tem y habitaient avant leur arrivée. Ceux-ci furent dominés par la suite par les Mola. De plus, il ressort de l'analyse des informations recueillies sur le terrain que les Mola retrouvèrent les populations autochtones à leur arrivée à Tabalo même s'il leur soit difficile de les identifier.

    2-3. Les autres clans tem

    En dehors de ces clans autochtones et les Mola, on note la présence d'autres clans tem. C'est le cas des Dikéni, des Tagbabia, des Wari, des Nintché, des Louwo, des Sandou, des Bougoum etc.

    - Les Dikéni : Ils représentent une entité clanique non négligeable et font partie des autochtones du royaume. Ils sont originaires de Dantcho dans la préfecture de Bassar.

    On les retrouve actuellement un peu partout en pays tem. Ils sont à l'origine de la fondation des villages comme Kolina, Aguidagbadè, Kédjikadjo, Sabarignadè où ils détiennent les chefferies. Ils sont aussi de véritables forgerons.

    1 - Ali-Napo, 1995, p605.

    20

    -Les Nintché : ils sont de véritables chasseurs et ont quitté leur village d'origine appelé Bowouda à la recherche des lieux giboyeux. Bowouda est situé au nord-est de Sokodé au pied du mont Koronga.

    On les trouve aussi à Alibi II sur la route de Tchamba. De nos jours, ce sont eux qui intronisent les chefs à Tchamba.

    -Les Sandou-Bougoum : Ces deux clans ont une même origine qui est Wassarabou situé sur la route Kparatao-Agoulou. Actuellement ils constituent deux clans distincts.

    Les Sandou sont à l'origine de la fondation de Wassaradè tandis que les Bougoum sont à l'origine de la fondation de Koumondé, sis sur la route nationale No1 entre la faille d'Alédjo et Bafilo.

    Néanmoins, ils observent toujours les mêmes interdits alimentaires et quelques cérémonies rituelles.

    -Les Adjouti ou Laoumbia : les gens (bia) de la forêt (laou) sont venus des régions d'Adélé. Ils ont fondé la chefferie de Kpalada et on les trouve aussi à Alédjo- Koura, à Kambolé, à Bago etc.

    2-4. Les clans migrants

    Vers la fin du XIXè siècle, le royaume accordait son hospitalité à des commerçants étrangers. Parmi ceux-ci, on note les clans d'origine soudanaise comme les Touré (à l'origine de l'introduction de l'Islam), les Fofana, les Traoré, les Cissé, les Konaté etc. Il existe également les clans d'origine haoussa comme les Mendé et les clans d'origine dagomba comme les Daro.

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    Conclusion

    D'une manière générale, nous dirons en ce qui concerne l'origine et le peuplement du royaume que d'une part, il était peuplé de clans tem avant l'arrivée des Mola. Ainsi, le problème d'autochtonie ne se pose plus quand on se réfère aux informations recueillies sur le terrain.

    Néanmoins, les Mola furent à l'origine de la fondation du royaume.

    Plus tard avec leur migration vers les plaines de la Kara et du Mô, ils y

    trouvèrent d'autres clans tem plus anciens. Aussi vécurent-ils
    ensemble dans ces nouveaux sites. D'autres clans étrangers s'y installèrent également, mais les Mola par la suite, les dominèrent tous sans exception.

    Cependant, les Mola n'étaient pas des musulmans à leur arrivée dans la région. Ce qui remet en cause la thèse de l'origine arabe.

    Ils ne se sont convertis à l'Islam que sous Ouro-Djobo Boukari de Kparatao.

    En outre, la thèse de l'origine gourma défendue tant par les Européens, les Togolais que par la tradition orale, nous paraît crédible d'autant plus qu'il subsiste encore jusqu'à aujourd'hui la parenté à plaisanterie entre les Gourma et les Tem.

    Après cette analyse, nous verrons dans le chapitre suivant les circonstances de la constitution du royaume.

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    Chapitre 2 : LA CONSTITUTION DU ROYAUME

    Introduction

    Rappelons que l'ancêtre des Mola du nom de Gadaou s'était installé à Tabalo entre le XVIè et le XVIIè siècles. Après un long séjour à Tabalo, certains de ses fils pour diverses raisons, migrèrent vers les plaines de la Kara et du Mô et occupèrent leurs sites actuels.

    Nous verrons les circonstances de la constitution du royaume et les types de pouvoirs qu'on rencontre en pays tem au temps précolonial.

    1 - De Tabalo à la naissance du royaume

    Ayant vécu longtemps à Tabalo, les Mola quittèrent leur site originel pour diverses raisons pour s'installer sur leurs sites actuels. L'occupation des nouveaux sites s'est faite d'une façon progressive.

    1-1. Tabalo à l'installation des Mola

    Tabalo était un village où s'installa Gadaou qui reste toujours l'ancêtre des Mola. Ce village se situa sur une montagne à l'ouest entre Sokodé et Bassar. C'est là où Gadaou disparut de façon mystérieuse. Selon Ouro-Gaffo Badassa1, un jour, Gadaou rassembla ses fils et leur annonça la triste nouvelle en ces termes : « il est temps que je retourne chez mes ancêtres » A ces paroles, Gadaou commença à s'enfoncer en terre. Les enfants se précipitèrent et enlevèrent le chapeau royal () de sa tête. Cet endroit est devenu un point d'eau. Ainsi, tout nouveau ouro-esso est, à partir de ce moment, lavé de cette eau à son intronisation.

    1 - Entretien avec Ouro-Gaffo Badassa, ex-secrétaire du souverain Ouro-Ayéva Issifou de Komah qui fut le onzième Ouro-Esso du Tchaoudjo, du 11-08-06

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    De même tout nouveau souverain n'est pas autorisé à aller à cet endroit en signe du respect et de la soumission, car dit-on, l'enfant ne regarde pas la face de son père sous peine d'être sanctionné en signe du non respect à l'ordre hiérarchique1. De nos jours, ce village est dédoublé en Tabalo I qui reste dans les montagnes à environ six Kilomètres de la route, et Tabalo II qui est aux abords de la route Sokodé-Bassar.

    Plusieurs causes ont été à l'origine de l'émigration des Mola de Tabalo vers leurs sites actuels.

    1-2. Les causes de migration de Tabalo

    D'après certains chercheurs et la tradition orale, plusieurs causes ont contribué à déclencher le départ des Mola vers les plaines fertiles de la Kara et du Mô. Les premiers qui auraient quitté Tabalo furent les Mola suivis par les Koli, les Nawo et les Louwo2 .

    On retient les causes naturelles, économiques et démographiques.

    1-2-1. Les causes naturelles

    Tabalo était un village situé sur le mont Malfakassa. A cet effet, avec ses fréquents éboulis de roches, il constituait un danger pour la population. De plus d'après notre informatrice3, le site était infesté d'animaux féroces tels que les lions, panthères, chacals et des serpents venimeux.

    Pour éviter tout danger, les populations ont dû émigrer vers la plaine. En dehors des causes naturelles, il y a les causes économiques qui ont affecté les populations.

    1 -Entretien avec Agodomou Adam, chef du canton de Wassarabou, du 14-08-06.

    2 Voir Banna (Isso-Mollah), 1989, p21

    3 Entretien avec Ouro-Gbélé Filératou du 31-12-05

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    1-2-2. Les causes économiques

    Les surexploitations des petites parcelles de terres cultivables, disponibles autour du village, avaient entraîné l'épuisement rapide des surfaces cultivables. Les habitants étaient obligés de parcourir journellement de très longues distances afin de trouver de nouvelles terres vierges. Evoquant les mêmes causes, Gayibor1 écrit : « Très tôt, sans doute pour des raisons économiques et stratégiques les Mola, suivis de certains clans, ont essaimé à travers la plaine, vers l'est et le nord »

    Pour raison de proximité, ils durent quitter le lieu et se rapprocher davantage de leurs champs.

    La croissance rapide de la population n'était pas sans conséquence.

    1-2-3. Les causes démographiques

    La population en croissance rapide, l'afflux incessant au fil des années des clans étrangers, en particulier les artisans Louwo, eurent pour conséquence, le surpeuplement du site qui s'avéra bientôt exigu. Les places pour construire de nouvelles habitations devenaient rares. Les habitants abandonnèrent le site en quête des espaces plus vastes où ils se sentiront bien aisés en ayant de vastes portions pour se bâtir de nouvelles habitations.

    Il n'est pas donc possible d'affirmer avec P. Alexandre et J.C. Froelich2 que : « les razzias d'esclaves étaient la cause certaine de ce départ », ni avec Léo Frobenius3 qui soutint la même thèse en ces termes : « Un jour, venus de l'ouest, les Tchokossi, avec les Wangara à leurs trousses, pénétrèrent dans le pays et le peuple Tabalo fut ainsi dispersé », étant donné qu'on sait que Tabalo était un site de montagnes inaccessibles aux cavaliers esclavagistes.

    1 -Gayibor NL (ss la dir), 1997, p116.

    2 -Cités par Banna (Isso-Mollah), 1989, p22

    3 -Frobénuis (Léo), 2002, p431

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    De plus, les Mola ne se seraient pas installés dans les plaines de la Kara et du Mô s'ils avaient été chassés de Tabalo par des raids esclavagistes, car la plaine n'offrait aucune garantie sur le plan de la sécurité.

    On ne peut pas admettre non plus avec le capitaine Sicre1 qui soutient que : «les populations étaient descendues dans la plaine que du jour où la présence européenne avait garanti la paix dans le milieu », car cette migration s'était produite bien avant la pénétration européenne dans l'hinterland plus précisément dans le royaume sous le règne de Ouro-Djobo Boukari de Paratao en mai 18892.

    Cependant, toutes les causes défendues par la tradition orale nous semblent crédibles d'autant plus que la plupart des Tem sont des agriculteurs et de ce fait, ils ont plus besoin des terres fertiles pour leurs diverses cultures.

    L'occupation de nouveaux sites s'est faite de façon progressive et aboutit finalement à la naissance du royaume.

    1-3. L'occupation progressive et naissance du royaume

    Les descendants de Gadaou après avoir séjourné longtemps à côté de leur père à Tabalo, n'ont pas émigré en même temps et n'ont pas occupé non plus leurs sites au même moment. Certains ont occupé directement leurs sites tandis que d'autres ont fait des escales chez leurs frères avant d'aller occuper leurs sites respectifs.

    1- Sicre (cap), 1918, p5

    2 Date à laquelle le missionnaire allemand Ludwig Wolf a signé le traité de protectorat avec le chef supérieur du Tchaoudjo, Ouro-Djobo Boukari

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    1-3-1 L'occupation chronologique des sites

    Les chercheurs et la tradition orale révèlent que le premier village du royaume qui fut fondé est bien évidemment Kpangalam. Cependant, les versions diffèrent sur le nom du fondateur de ce village.

    D'une part, d'après les enquêtes menées par le sociologue français Barbier1, le fondateur serait un certain Agoro Dam. D'autre part, selon l'information recueillie par le même auteur chez l'ancien secrétaire du chef Aguda Adam, le fondateur serait un chasseur nommé Agrinya dont la tombe serait encore visible.

    Par ailleurs, JC Froelich2 et Gayibor3 donnent ce nom comme étant celui du premier chef.

    Pour notre part, Ouro-Agoro Bodjo4, nous a confirmé que Ouro Dam est certainement le fondateur de Kpangalam et premier souverain du Tchaoudjo.

    Il ressort toujours d'après la tradition orale que quelques années plus tard, Bang'na, frère cadet du fondateur de Kpangalam, serait venu vivre avec ce dernier. Peu de temps après être installé à Kpangalam, il se serait trouvé un emplacement plus à l'est pour s'y installer, lieu qu'il nomma Tchavadi. Il fut ainsi le deuxième souverain du Tchaoudjo et le premier chef de Tchavadi.

    Selon Djobo- Bivahi Mouhamadou, Ouro-Takpara serait le fondateur de Kadambara, troisième village à voir le jour. Il se serait installé d'abord à Agbandè près de Bassar.

    L'un d'entre ses fils aurait séduit une femme du chef de Bassar. Ce qui provoqua un conflit qui entraîna par la suite leur départ du site pour s'installer à Kadambara.

    1 -Barbier (JC) et Klein (B), 1995, p24 2- Froelich (JC), 1947, p54

    3 - Gayibor (ss la dir), 1996, p154

    4 - Entretien avec Ouro-Agoro Bodjo, chef de Kpangalam, du 18-08-06.

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    De l'avis du même informateur, Kadambara vient du mot tem dabara qui signifie « Nous nous sommes enracinés ». Ce toponyme fait allusion à leur conflit contre Bassar. Ainsi, Takpara fut le premier chef de Kadambara et le troisième souverain du Tchaoudjo.

    Selon une information recueillie auprès de Ouro- Gbèlè Idrissou1, le fondateur de Birini serait Ouro Tchatikpi qui n'a pas été souverain du Tchaoudjo mais il fut le premier chef de Birini. Le seul souverain du Tchaoudjo qui soit sorti de Birini était Ouro-Koura qui en fut le cinquième ouro-esso.

    Un certain nommé Uro Ifa2 serait parti de Tchavadi vers le sud à la recherche d'une zone giboyeuse et fonda le village Komah. Celui-ci comme son nom l'indique ne fut pas souverain du Tchaoudjo mais fut le premier chef de Komah.

    Selon Ouro-Akpo Kassim3, le fondateur de Yélivo du nom de Ouro Dam se serait installé d'abord auprès de son frère à Birini. De là, il alla plus à l'ouest pour fonder Yélivo.

    Un autre groupe vint séjourner à Kadambara pendant une ou deux décennies. Après cette longue escale, le groupe continua son chemin pour fonder le village de Nadjoma. C'est de là et avec l'intention de trouver de bonnes terres qu'un certain Djeri Fama aurait quitté ses pairs pour fonder Kparatao4.

    Ces villages constitutifs du royaume avaient des liens particuliers deux à deux en fonction de la consanguinité des fondateurs.

    Ainsi, ces liens s'observent entre Kpangalam et Tchavadi, entre Birini et Yélivo, entre Kadambara et Kparatao et plus tard entre Tchavadi et Komah.

    Les sept villages précités vont être à l'origine de la naissance du royaume tem du Tchaoudjo.

    1 - Entretien avec Ouro-Gbèlè Idrissou, chef de Birini, du 16-08-06.

    2- Fondateur de Komah, village issu de Tchavadi. Mais, il n'était pas chef comme son nom semblait l'indiquer.

    3 - Entretien avec Ouro-Akpo kassim, chef du village de Yélivo, du 16-08-06.

    4 Voir Ouro-Djéri, 1989, p8

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    1-3-2. Naissance et évolution du royaume

    On ne peut véritablement parler du royaume tem du Tchaoudjo qu'à partir du moment où les autres villages (Tchavadi, Kadambara, Birini, Komah, Yélivo et Kparatao) se sont réunis à l'initiative de Tchavadi pour combattre Kpangalam qui avait monopolisé le pouvoir. D'une part, selon Gayibor1, « Kpangalam est la première à assumer le pouvoir à la tête du royaume pendant deux règnes ». D'autre part, il semble d'après Ouro-Agoro Bodjo2 que Kpangalam aurait fait plus de deux règnes successifs. Quand Tchavadi fit appel aux autres villages pour l'aider à reprendre le pouvoir chez leur grand frère de Kpangalam, les cinq villages se seraient engagés de participer à ce combat mais à condition qu'ils règnent à leur tour. Ce qui fut conclu. De ce fait, après la défaite de Kpangalam, Tchavadi prit le pouvoir. C'est ici que la loi de la rotation du pouvoir suprême du Tchaoudjo trouve son origine.

    Cependant seul Yélivo n'avait pas pu siéger au poste de souverain du Tchaoudjo pour des raisons que nous évoquerons dans la deuxième partie sur le conflit Kparatao -Yélivo3.

    Comme nous l'avons évoqué précédemment, le royaume connut son apogée sous Ouro-Djobo Boukari de Kparatao. Celui-ci étend son hégémonie sur toute la région.

    A propos de l'extension du royaume, Gayibor4 citant von Zech rapporte : « Je crois qu'on peut considérer cette grande région comme une entité, étant donné qu'elle constitue un même édifice, non seulement sur le plan linguistique, mais aussi au niveau politique. Le très célèbre Uro Dyabo, c'est-à-dire le Seigneur ou Roi Dyabo, domine tout le pays temu, laissant plus ou moins de liberté aux chefs des diverses parties du pays.

    1 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p346.

    2 -Entretien avec Ouro-Agoro Bodjo, chef du canton de Kpangalam, du 18-08-06.

    3 -Après Ouro- Koura de Birini, le pouvoir devait revenir à Yélivo selon la règle de dévolution du pouvoir royal. Mais Kparatao ravi le pouvoir après un dur combat contre Yélivo qui dut céder.

    4 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p 350

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    Le pouvoir de Dyabo dépasse même le pays temu et s'étend sur des territoires comme Tchamba, Alibi, une partie du pays anyanga, où la langue temu n'est pas parlée en tant que langue maternelle »

    L'étendue du royaume dont parle von Zech est discutable. Comme nous le verrons plus tard, Adam Méatchi a combattu du côté du royaume mais pas contre celui-ci. Si le Tchaoudjo englobait Tchamba et Alibi, comment Méatchi pouvait-il combattre Tchamba au profit de Kri-Kri qui lui fit appel ? Ce qui signifierait que le pouvoir de Djobo ne s'est, en outre, jamais exercé sur tout le pays tem. Certes, compte tenu de l'évolution fulgurante que ce royaume connut à partir de l'accession au trône de Djobo Boukari, on peut penser raisonnablement que son hégémonie aurait pu s'exercer par la suite sur l'ensemble du centre du Togo actuel.

    C'est sous son règne que le royaume connut véritablement son apogée.

    La migration des Mola donna naissance à deux types de pouvoirs en pays tem : Le pouvoir suprême du Tchaoudjo et le pouvoir des villages.

    2- Les pouvoirs en pays tem au temps précolonial

    La migration des Mola de Tabalo vers leurs sites actuels avait donné naissance à deux types de pouvoirs qu'on rencontre en pays tem avec bien évidemment à la tête le pouvoir suprême du Tchaoudjo.

    En effet, Le royaume tem du Tchaoudjo est un royaume bien organisé sur le plan politique.

    Ainsi, pour postuler au pouvoir en pays tem, il faut avoir rempli un certain nombre de conditions. Mais, ces conditions varient selon les pouvoirs.

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    2-1. Le pouvoir suprême du Tchaoudjo

    Rappelons que le pouvoir suprême du Tchaoudjo avait été instauré par les sept villages du clan mola. Il s'agit de Kpangalam, Tchavadi, Kadambara, Birini, Komah, Yélivo et Kparatao.

    Cette forme d'organisation existait chez les Tem bien avant la pénétration allemande. Ce qui n'était pas le cas chez leurs voisins kabiyè.

    En effet, tout postulant au poste de ouro-esso doit être du clan mola appartenant à l'un ou à l'autre des sept villages constitutifs du royaume. Le postulant doit être apte sur le plan physique. Il doit avoir une bonne moralité, doit être un enfant légitime1. De plus, il doit jouir d'une certaine popularité. Ainsi, tout postulant qui remplit toutes ces conditions peut-être considéré comme porteur de bonheur et de prospérité pour le royaume.

    De plus le pouvoir est rotatif sans qu'on puisse désigner deux souverains successifs dans le même village ou lignage. Ceci sous l'arbitrage du clan daro2 de Tchalo.

    Cependant, il n'existe pas de procédure de détrônement3 comme c'était le cas dans les autres contrées d'Afrique notamment chez les Tchagga en Tanzanie4 où le chef peut-être déposé par l'assemblée des guerriers, c'est-à-dire par des hommes âgés de trente à quarante-cinq ans s'il violait la coutume.

    Autrement dit, si le chef pose un acte qui est contraire à la loi coutumière, la pénalité qu'il en court, c'est celle de perdre son pouvoir.

    1 - C'est-à- dire un enfant né d'un père et d'une mère connus ou qui ne soit pas un enfant bâtard.

    2 - Autrefois c'était le clan Nawo qui élisait les souverains du Tchaoudjo. Mais suite au problème qui avait existé entre les Nawo et les Mola concernant la cour qu'un Nawo aurait faite à la femme de Ouro Koura, ce pouvoir était revenu au clan daro. Ceux aussi se verront ravir le même pouvoir suite à leur mauvaise conduite à l'endroit des Mola. Actuellement, c'est le clan nawo qui joue ce rôle.

    3 - C'est le même rôle que joue dans les démocraties modernes à l'instar de la Cour Constitutionnelle au Togo ou le Conseil d'Etat en France etc.

    4 - Encyclopoedia Universalis, 1975, vol 13, p237.

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    Ce pouvoir relève de cette assemblée qui est composée des hommes sages, supposés capables d'assumer cette lourde responsabilité.

    Par ailleurs, il en est de même chez les Bemba en Zambie où le Citimukulu (chef) devait tenir compte de l'avis de quarante conseillers héréditaires les plus anciens et chargés de certains rites indispensables à l'exercice du pouvoir, avant de prendre une décision sous peine d'être déposé par ces derniers1.

    Le chef du Tchaoudjo prenait le titre de ouro-esso ou souverain et il a droit de vie et de mort sur son peuple. De l'avis de notre informateur Ouro-Touh Adam2, le chef prend le titre de ouro-esso car il est considéré comme le représentant de Dieu sur la terre et de ce fait, il doit être loué par son peuple comme les fidèles le font à l'égard de Dieu. Le nouveau souverain recevait son investiture des mains du chef de Tabalo qui est considéré comme son père.

    Le choix du chef de villages obéit aussi à des règles plus particulières aux villages.

    2-2- Le pouvoir des villages

    Il concerne les villages fondés soit par les mola ou soit par les autres clans tem. Le critère fondamental dans ce type de pouvoir est l'appartenance du postulant au clan fondateur du village, seul héritier de la chefferie. C'est ainsi qu'on a certains chefs de villages de clans mola et d'autres de clans non mola. L'exemple du village d'Agoulou où le chef est du clan mola et celui du village de Kolina où le chef est du clan dikéni.

    1 - Encyclopoedia Universalis, 1975, vol 13, p237.

    2 -Entretien avec Ouro-Touh Adam, chef du village de Tchavadi, du 14-08-06.

    Les mêmes qualités physiques et morales de la personnalité du chef sont exigées de même que l'alternance entre les lignages. Le choix du chef doit toutefois, recevoir l'approbation de ouro-esso à qui le nouveau chef doit, avant d'être définitivement investi, rendre un hommage servile (yoma sedi « salut d'esclaves »)1surtout à l'époque précoloniale.

    Dans l'ensemble, les chefs de villages étaient généralement plus âgés que les souverains du Tchaoudjo au moment de leur nomination car on prétend que leur marge de manoeuvre se limitait dans leurs villages par rapport au souverain qui doit gérer en plus des affaires du royaume, quelques unes des autres villages tem supposées délicates ou complexes.

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    1- Alexandre P, 1963, p255

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    Carte no4 : Les chefferies en pays tem

    Source : Barbier, 1995, p20

    Note : La chefferie de Kpaza est fondée par les Touré et non par les Mola comme l'atteste JC Barbier.

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    CONCLUSION

    En définitive, Gadaou était l'ancêtre du clan mola, originaire du pays gourma. Il s'était installé dans la zone montagneuse à Tabalo. Par la suite pour des raisons d'ordre naturel, économique et sociodémographique, les populations émigrèrent vers les plaines de la Kara et du Mô.

    Cependant, les incursions des esclavagistes évoquées par certains auteurs nous paraissent injustifiables car la plaine n'offrait aucune garantie sur le plan de la sécurité. Cette migration s'était faite par étape donnant naissance à des villages, qui à leur tour allaient constituer le royaume tem du Tchaoudjo.

    D'une manière générale, le pays tem comportait deux types de pouvoirs. Des règles bien définies, régissaient la désignation de tout nouveau souverain.

    Mais, ces règles furent violées à deux reprises en ce qui concerne le pouvoir suprême du Tchaoudjo : d'une part, par Ouro-Djobo Boukari1 de Kparatao et d'autre part, par Komah2.

    Le royaume tem du Tchaoudjo a su garder son intégrité et son influence sur les autres peuples de la région grâce à son organisation politique et économique.

    1 - Dit « Sémôh » qui a voulu rendre héréditaire la chefferie suprême du Tchaoudjo à Paratao. Cinq chefs se sont succédé de 1880 à 1948 dans le compte du seul village Kparatao. Tout ceci grâce au soutien incontestable des Allemands.

    2 - Deux chefs se sont succédé de 1949 à 1994 dans le compte de Komah. Après le départ en exil de Ouro Issifou Ayéva en 1960, la régence fut assurée par ses fils. D'abord, par Ayéva Fousséni, puis par Koura Foudou Ayéva qui devint plus tard douzième et dernier Souverain du Tchaoudjo.

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    Chapitre 3 : L'ORGANISATION POLITIQUE ET ECONOMIQUE DU ROYAUME

    Introduction

    Rappelons que les villages constitutifs du royaume furent fondés par les Mola avec l'appui des populations autochtones1. Comme toute organisation étatique, le royaume tem du Tchaoudjo était bien organisé sur les plans social, politique et économique. La plupart des communautés qu'elles soient autochtones ou allogènes occupèrent des fonctions spécifiques dans le royaume.

    1- Structure socio-politique du royaume

    A l'instar de la Confédération de Délos dans l'antiquité grecque où Athènes avait joué un rôle pilote, Kparatao aussi va jouer le même rôle dans le royaume tem du Tchaoudjo. Ceci n'a pu être possible que grâce au charisme et à la forte personnalité de Ouro-Djobo Boukari qui fut le sixième ouro-esso du royaume.

    1-1. L'organisation sociale du royaume

    Pour ce qui est de l'organisation sociale, notons que le royaume était composé d'une population hétérogène2 où il y a le brassage entre les clans. Chaque clan avait son rôle spécifique qu'il joue dans la société. Ainsi, seuls les Mola pouvaient-ils accéder au poste de ouro-esso.

    Les Nawo d'abord et ensuite les Daro jouèrent un rôle essentiel d'arbitrage. Depuis l'origine du royaume, le droit du choix du souverain fut détenu par le clan nawo. Mais au cours du règne de Ouro-Koura de Birini, un Nawo aurait fait la cour à une des femmes du souverain. Cet acte leur fit perdre leur rôle d'arbitrage au profit du clan daro3.

    1 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p351

    2 - C'est-à-dire une population composée de plusieurs clans.

    3 - Entretien avec Ouro-Doni Fousséni, notable du chef de Birini, du 16-08-06.

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    Les Touré Safara1 de leur côté furent à l'origine de l'introduction de l'Islam dans le royaume2. Ces Touré Safara avec les Traoré et les Fofana ont seuls droit à l'imamat.

    Par ailleurs les Issa Touré originaires de Sokoto s'occupent seulement de la fonction de Malwa-ouro3. Celui-ci intervient conjointement avec les Tchakpindé4 pour nommer l'imam5 grâce à son rôle social car d'une part, il est le chef des musulmans et d'autre part, il est considéré comme la première autorité religieuse. En cela, Malwa-ouro est supposé maîtriser les prescriptions divines qui régissent la religion et en cela constitue une personne ressource pour la nomination de l'imam.

    De la même manière, les Tchakpindé furent les plus anciens et de ce fait, sont censés trancher entre les trois clans (Touré, Fofana et Traoré) dans le choix de l'Imam.

    Les Tchakpindé en tant que doyens de Didaouré restent très puissants grâce à leurs connaissances des rites traditionnels de protection.

    En ce qui concerne la religion, les mola étaient animistes à leur arrivée dans le royaume. L'Islam ne gagne le royaume qu'avec l'arrivée des étrangers notamment les Touré au cours du XIXè siècle.

    En effet avec l'arrivée au pouvoir de Ouro-Djobo Boukari et surtout après sa conversion à l'Islam, il voulut l'imposer comme religion d'état6.

    La conversion de Ouro-Djobo Boukari à l'Islam peut s'expliquer d'une part, par l'afflux des étrangers musulmans dans le royaume. A cette époque, le Tchaoudjo connut pour la première fois une religion monothéiste.

    1 - Ils sont actuellement détenteurs du premier Livre Saint (le Coran) qu'ils héritent de leurs ancêtres et ont actuellement dans leur concession, la première mosquée de Didaouré.

    2 - Ils possèdent jusqu'à nos jours le premier Coran de leurs ancêtres et ont dans leur concession la première mosquée de Didaouré.

    3 - Signifie le chef des musulmans.

    4 -Ancêtre venu de Dosso (Niger) et fondateur de Didaouré.

    5 - Barbier JC et Klein B, 1995, p30.

    6 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p347.

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    D'autre part, après la guerre Kparatao-Yélivo, le souverain sollicita auprès de Adam Méatchi un expert en Islam (Alpha) pour prêcher à son peuple la nouvelle religion.

    Par ailleurs, on note aussi l'influence de son frère Abdulai Apu Traoré1. Ces évènements auraient contribué énormément à la conversion Ouro Djobo.

    Cette époque marqua le rayonnement de l'Islam ainsi que l'apogée du royaume.

    La vie politique du royaume est d'une importance capitale.

    1-2. L'organisation politique du royaume

    A la tête du royaume du royaume se trouve ouro-esso (Chef-dieu). Celui-ci est assisté dans ses tâches par un nombre important de notables. Ceux-ci sont pour la plupart chefs des autres villages constitutifs du royaume et des personnages sages proches du souverain. Il existait selon le terme moderne une forme de gestion « déconcentrée » du pouvoir royal. Ce qui signifie que certains pouvoirs étaient légués aux chefs locaux sous l'oeil attentif du souverain. Ces chefs locaux doivent rendre compte de leur gestion à celui-ci. Ceci étant, le pouvoir du souverain était absolu. Il sillonnait de temps en temps les villages, réglait les conflits mineurs sur place et recensait les problèmes complexes qui seront traités plus tard au palais royal. Le souverain ne marche pas2. Il est transporté chaque fois par les populations du village de départ pour une autre destination et ceci à tour de rôle3.

    1 - Il fut l'un des musulmans prosélytes qui prêchèrent la nouvelle religion dans la région.

    2 - A l'origine, on transportait le souverain pour ses voyages. Avec l'arrivée des chevaux, il n'est plus transporté, mais il va à cheval et toute son escorte l'accompagne à pied.

    3 - C'est-à-dire que le souverain est transporté par les habitants du village de départ pour un autre village. De la même manière, les habitants du village suivant prennent la relève ainsi de suite jusqu'à son retour au palais royal.

    Douze souverains1 connus et nommés ont dominé la vie politique du royaume des origines à 1914. Les règnes qui ont plus marqué le royaume sont entre autres celui de Ouro- Koura qui accéda au trône après la mort de Ouro Akoriko de Komah. En effet, celui-ci permit la victoire du Tchaoudjo dans le second conflit Komah-Agoulou que nous verrons plus tard, grâce au rôle militaire qu'il avait joué. Sous son règne, le village Birini était entouré d'une muraille comme c'était le cas d'Agokoli à Notsè. Ceci à cause des conflits qui les opposaient aux

    populations d'Alibi sur les problèmes fonciers. Ainsi le village
    s'appelait Tchoboto qui signifie « village fortifié ».

    Ce souverain a régné sur le royaume durant quatre vingts ans. C'est le règne qui a le plus duré dans l'histoire du royaume tem du Tchaoudjo. A l'époque, les commerçants haoussa sillonnaient la région et étant donné que Tchoboto signifiait en langue haoussa « Birini », cette appellation haoussa supplanta celle des tem et le village garda jusqu'à aujourd'hui le nom Birini.

    Celui qui a aussi marqué l'histoire du royaume était Ouro-Djobo Boukari de Kparatao. En effet, celui-ci en cooptant les mercenaires djerma et en ayant la faveur des Allemands, avait dominé toute la région. Son règne ne dura que neuf ans. Il est à l'origine de la sédentarisation du pouvoir royal du Tchaoudjo à Kparatao2. Rappelons que le royaume a connu justement son apogée sous son règne.

    38

    1 - Pour toute la liste des souverains du Tchaoudjo voir Annexe I, p III.

    2 - Alexandre P., 1963, p263.

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    Liste des souverains du Tchaoudjo des origines à 1914 (Barbier, 1995 : 126)

    1- Ouro-Agoro Dam de Kpangalam (1785-1805)

    2- Ouro-Bangna Tcha-Ali de Tchavadi (1805-1825)

    3- Ouro Takpara de Kadambara (1825-1845)

    4- Ouro Akoriko de Komah (1845-1865)

    5- Ouro Koura de Birini (1865-1880)

    6- Ouro -Djobo Boukari dit sémôh de Kparatao (1880-1889)

    7- Ouro - Djobo Tchadjobo de Kparatao (1897-1901)

    8- Ouro - Djobo Tchagodomou de Kparatao (1901-1906)

    9- Ouro - Djobo Bouraïma de kparatao (1906-1924)

    Les auteurs comme Gayibor1, Ouro-Djéri estiment que le septième et le huitième ouro-esso étaient destitués par les Allemands sans toutefois préciser les raisons de leur destitution.

    Cependant, d'après nos enquêtes, il ressort que les règnes des quatre souverains qui se sont succédé à Kparatao ont été éphémères à cause de la violation de la loi coutumière de désignation du souverain du Tchaoudjo par ce village royal. Ceci s'explique par le fait que d'une part, Kparatao avait usurpé le pouvoir qui normalement devait revenir à Yélivo et d'autre part, par la sédentarisation du pouvoir royal du Tchaoudjo dans ledit village.

    Ces deux évènements sont contraires à la loi coutumière qui stipule que le pouvoir doit être rotatif sans qu'on puisse désigner deux souverains dans le même village ou lignage.

    Si nous analysons la durée par règne, nous constatons évidemment qu'elle devînt plus ou moins courte avec l'accession au pouvoir de Ouro-Djobo Boukari. Ceci étant, les informations recueillies de la tradition orale nous expliquent mieux la situation.

    1 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p352

    40

    La prospérité du royaume s'explique aussi par ses activités économiques.

    2- L'économie du royaume

    L'économie traditionnelle du royaume était basée à la fois sur l'agriculture et le commerce. Le commerce était fondé sur le transit des esclaves destinés à l'exportation. Mais le secteur artisanal n'était pas à négliger.

    La population tem était une population de travailleurs. Le royaume regorgeait de talents en ce qui concerne les travaux manuels.

    On y trouvait les agriculteurs, des éleveurs, des forgerons de même que des artisans.

    2-1. L'agriculture.

    En milieu foncièrement traditionnel, l'agriculture était la principale activité des Kotokoli. C'est d'elle qu'ils tiraient l'essentiel de leurs moyens de subsistance. Les cultures vivrières de premier plan sont le mil et l'igname. Les techniques agricoles restent toujours rudimentaires. L'agriculture ne connaît pas la mécanisation. La houe, le coupe-coupe, la daba, restent toujours les outils les plus utilisés.

    Les 80% environ des produits agricoles sont consommés en milieu traditionnel par la population elle-même. Cette agriculture n'était pas aussi développée qu'en pays Bassar et n'utilisait pas l'engrais comme en pays kabiyè. Ainsi, Léo Frobénius1 l'a si bien remarqué lorsqu'il écrit en ces termes : « L'agriculture prospère, mais je ne crois pas avoir remarqué les récoltes aussi importantes qu'en pays bassar...Je n'ai jamais vu au pays tem une fosse d'engrais comme en possède chaque ferme kabiyè.»

    1 -Frobénius Léo, 2002, p442.

    41

    L'élevage joue un rôle non négligeable dans l'économie du royaume.

    2-2. L'élevage

    Il concerne surtout la volaille tels les poulets, les pintades et le petit bétail tels les moutons et les chèvres. Quant au gros bétail, celui-ci était entièrement confié au Peul qu'on retrouve dans presque toutes les localités de la région.

    Pour ce faire, il n'existe aucun contrat entre le propriétaire et le Peul. Il existe cependant une sorte de « convention » entre eux. Celle-ci consiste à faire bénéficier le gardien peul d'un veau sur trois ou quatre que la vache donnera. En outre, le lait qu'on extrait tous les jours revient de plein droit au peul. Les femmes peulh commercialisent ce lait en vue de trouver des fonds pour quelques dépenses du ménage. Les tem étaient aussi de braves guerriers grâce à leurs équipements qui sont pour la plupart fabriqués sur place.

    2-3. La forge.

    C'est une activité pratiquée par certains clans dont les plus connus sont les Koli et les Dikéni. Ces forgerons1 jouèrent un rôle de second plan dans la militarisation du Tchaoudjo. Ils fabriquaient des fusils traditionnels que les guerriers du royaume utilisaient dans leurs divers combats.

    C'est une profession héréditaire en quelque sorte puisque les enfants issus des parents forgerons ont la forte chance de devenir à leur tour forgerons. Ces forgerons tem s'approvisionnaient en fer de Bangeli en pays Bassar.

    Hormis leur rôle de forgerons, les Koli sont aussi de véritables guerriers d'où leur slogan: « Quand il y a la guerre, nous prenions toujours le devant »2.

    1 -le forgeron se dit en tem « Kolou », pluriel « Kolinaa ». Les Dikéni ont leur fief à Kolina. Koloundè (Pluriel Kolinaadè) signifie « Chez le ou les forgeron (s)».

    2 - Ouro-Djéri, 1989, p29.

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    Ceci suppose que la forge était aussi bien l'apanage des Koli que des Dikéni.

    Le royaume était réputé aussi pour ses produits artisanaux convoités tant par les autochtones que par les étrangers.

    2-4. L'artisanat

    Les activités artisanales se réduisent au tissage, à la vannerie et à la poterie.

    -Le tissage : c'est une activité assez repandue à Didaouré et à Kparatao. Le métier de tissage est l'apanage des clans migrants (Watara de Didaouré).

    Ainsi le tissage, la teinture, la fabrication des vêtements se présentent dans certains villages comme des activités complémentaires pratiquées par les hommes et les femmes pendant la saison dite morte.

    -La vannerie : elle aboutit à la fabrication des nattes, des paniers, des sacs etc. Quelques produits fabriqués sont vendus sur place et d'autres sont exportés.

    -La poterie : elle n'est pas du tout développée en pays tem. Cependant, on trouve parfois des potières de grands talents dans certaines localités.

    Toute cette production faisait l'objet d'un commerce qui constitue à cet effet la deuxième activité importante du royaume.

    2-5 Les échanges

    En tant qu'activité secondaire du royaume, le commerce avait fait du royaume, une région d'hospitalité pour les étrangers ambulants. La situation géographique du royaume faisait de lui un carrefour commercial.

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    Le Tchaoudjo est reconnu de l'extérieur car les commerçants étrangers venaient du pays haoussa et y séjournaient des mois1.

    On distingue les itinéraires commerciaux, les partenaires commerciaux et les produits échangés.

    2-5-1 Les itinéraires commerciaux

    Le Tchaoudjo constituait une étape importante pour le transit de la cola. La plupart des villages du royaume servaient de points d'escale pour les commerçants étrangers.

    Déjà avant le XIXè siècle, les commerçants haoussa et mandingue passaient par les villages tem notamment Agoulou en provenance de Salaga (au centre- est du Ghana actuel) en allant vers Djougou (dans le centre-ouest du Bénin actuel).

    L'un des itinéraires fréquentés au moment où Tchavadi avait le commandement du royaume du Tchaoudjo, passait par : Djougou-Alédjo-Koura- Agoulou- Kpassoua- Tchavadi- Didaouré2. On note que Sokodé, Bafilo et Daoudé étaient des points de relais et d'échange de produits3.

    A la fin du XIXè siècle, l'itinéraire passera par Agoulou-Kparatao-Kadambara-Didaouré pour continuer ensuite vers Fazao-Suruku-Bulohu-Djérêkpagna, puis après la traversée de la Mô, Bubalêm (près de Nakpali), Bimbila ( au centre du pays nanumba) et Salaga où les voyageurs arrivaient par « la route des Kotocolé »4.

    Ces échanges se faisaient entre les habitants de la région d'une part et avec les commerçants étrangers d'autre part.

    1 - Nassam O-S T, 1990, p101.

    2 - Amidou M, 2004, p18.

    3 - Labodja SE, 1991, p9.

    4 - Binger cité Barbier JC et Klein B, 1995, p27.

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    2-5-2. Les partenaires commerciaux

    Les habitants du Tchaoudjo échangeaient leurs produits avec leurs voisins de la région et avec les étrangers venant de l'extérieur. Ainsi les produits du tissage sont exportés dans les contrées voisines : Bassar, pays kabiyè, Anyanga. Leur commerce atteint aussi l'Adjouti, l'Adélé et surtout le dagomba1.

    De plus avec la traite négrière, le pays tem a été une plaque tournante du commerce entre les caravaniers du nord du Nigeria et du Bénin actuel2.

    Divers produits étaient à la base de ces échanges.

    2-5-3.Les produits échangés

    Parmi les produits qui faisaient l'objet des échanges, on note les produits de la forge comme les daba, les fusils traditionnels et les couteaux. Il y a aussi le sel gemme, les textiles, les vanneries, les bijoux en cuivre du pays ashanti étaient aussi échangés. Les Foulbé proposaient du lait qu'ils vendaient aux habitants de Tchaoudjo3. Mais la monnaie d'échange était le cauris « lidedozè » en tem.

    Le royaume participait aussi au commerce interafricain par ses produits comme les tissus de cotonnade au sujet desquels Binger4 écrit : « Le pagne des Kotokolé qu'on apporte également sur les marchés du Dagomba, est une étoffe à jours en cotonnade blanche ». Parlant des échanges du royaume, Gayibor cite Adam Mischlich5 (missionnaire suisse de la Mission de Bâle en juillet 1897) en ces termes: « A Didaouré, le vendredi, un grand marché se tient (...). On voit même vendre des pantalons turcs et de belles étoffes en soie et en velours provenant de la côte.

    1 - Gayibor NL, 1996, p154..

    2 -Labodja SE, 1991, p9.

    3 - Frobénius Léo, 2002, p443.

    4 Cité par Gayibor NL (ss la dir), 1997, p353

    5 - Cité par Gayibor NL (ss la dir), 1997, p353.

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    On vend aussi du kaffa, des ignames, des arachides, des haricots, du sorgho, du maïs, du piment, du karité, du sel, de la viande, du bois, du fil à broder, des allumettes, des perles, des verroteries, des pommades, des huiles parfumées et bien d'autres choses ».

    Les captifs de guerre et les esclaves faisaient aussi l'objet d'échange d'où le royaume tirait l'essentiel de ses revenus.

    CONCLUSION

    Nous pouvons retenir en définitive, que le royaume tem du Tchaoudjo était bien organisé sur les plans socio-politique et économique.

    En effet, le royaume était constitué d'une population diversifiée où il y a le brassage entre les différents clans. Ainsi, chaque entité de la population avait son rôle spécifique à jouer dans la société.

    De ce fait, le Tchaoudjo tirait l'essentiel de ses revenus de l'agriculture et surtout du commerce. Celui-ci était fructueux grâce à la participation des populations étrangères.

    En réalité, il n'existait pas une capitale du royaume comme l'a écrit P. Alexandre, car il n'existait pas un palais royal unique pour tout le royaume. Chaque village avait son palais qui lui est propre et où tout nouveau souverain issu du village pouvait y habiter.

    Nous analyserons dans les lignes qui vont suivre les conditions qui ont favorisé la militarisation du Tchaoudjo.

    Deuxième partie :

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    LA MILITARISATION DU ROYAUME

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    Introduction

    Le royaume était à son apogée avant l'arrivée des Allemands. Au contact de ceux-ci, Kparatao détenait le pouvoir suprême avec comme souverain, Ouro-Djobo Boukari. A l'instar de toute formation étatique, le royaume se dota à l'origine, d'une force armée composée des autochtones. Celle-ci avait pour mission d'assurer la sécurité du royaume et de défendre ses intérêts. Tchaoudjo va ainsi jouer un rôle prépondérant dans la conquête de l'hinterland par les Allemands.

    Cette partie sera consacrée à l'étude des conflits auxquels le royaume avait participé et le rôle ce dernier dans la conquête et la stabilisation du pouvoir colonial allemand.

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    Chapitre 4 : MILITARISATION ET LES DIFFERENTS CONFLITS DU ROYAUME

    Introduction

    Le royaume avait besoin d'une force armée non seulement pour protéger les populations contre les attaques extérieures mais également pour assurer sa sécurité intérieure. Ainsi dans l'intention d'étendre son hégémonie sur toute la région, le royaume organisa des expéditions contre les populations avoisinantes.

    1- Militarisation du royaume

    Le royaume connut deux stades de militarisation dans son histoire : d'une part, la militarisation avant l'arrivée des sémassi et d'autre part, la militarisation sous Ouro-Djobo Boukari de Kparatao.

    A l'origine, la force armée dont disposait le Tchaoudjo se composait des hommes valides qui répondaient mieux aux conditions physiques indispensables pour les combats militaires. Ceux-ci étaient recrutés non seulement dans les villages royaux, mais également dans les autres villages tem. En effet, cette armée royale ne dépassait guère un millier d'hommes et était sous-équipée car ne possédant que des armes blanches et des fusils traditionnels.

    Ce qui pouvait justifier certaines des défaites qu'a connues le royaume à l'époque.

    Outre la défaite de 18791 lors du premier conflit contre les Anyanga sous Ouro Koura de Birini, on note aussi la défaite lors du premier conflit contre Agoulou sous Ouro Akoriko de Komah2.

    1 - Date à laquelle le premier conflit éclata entre le Tchaoudjo et les Anyanga sous le règne de Ouro-Koura de Birini. A Kaza, les Tem furent défaits par les Anyanga.

    2 -Il s'agit du premier conflit qui opposa Komah et Agoulou à propos d'un oeuf d'autruche. Mais, tous les villages du royaume n'avaient pas participé à ce conflit qui vit la victoire d'Agoulou sur le Tchaoudjo.

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    Ainsi, le souverain du Tchaoudjo avait à sa disposition une force armée qui constituait sa garde royale. Elle assurait sa propre sécurité et l'accompagnait au cours de ses déplacements dans la région.

    Cependant, avec l'arrivée au pouvoir de Ouro-Djobo Boukari de Kparatao, cette militarisation du royaume s'accentua.

    En effet, Ouro-Djobo avait coopté les mercenaires djerma qui furent de véritables cavaliers armés1. Ceux-ci provinrent de la Boucle du Niger vers 18852.

    Le Tchaoudjo devint à la fin du XIXè siècle, une puissance guerrière redoutable avec l'arrivée de ces mercenaires germa.

    Avant de faire une étude sur les origines de sémassi, nous trouvons important de faire des interprétations sur l'étymologie du terme lui-même. Selon Ouro-Djéri3, sémassi a été tiré du groupe de mots « wansagari sémassi ( wansagari qui veut dire paresseux ou plutôt celui qui ne veut pas manger à la sueur de son front et sémassi, pilleurs, razzieurs).

    Au total, l'expression «wansagari sémassi » indique qu'il est question des guerriers qui par force pillent les autres. D'où viennent-ils ?

    Les sémassi étaient venus du pays djerma (dans l'actuel Niger) vers la fin du XIXè siècle. Ils traversèrent les régions occidentales emportant avec eux des éléments du peuple bariba, des peulhs, des Touré. Ils poursuivent leur chemin pour atteindre les régions de peuplement tem, kabiyè.

    1 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p346.

    2 - Barbier JC et Klein B, 1995, p23.

    3 - Ouro-Djéri, 1989, p38

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    C'est JC Barbier1qui a décrit leurs itinéraires : « En 1883, ils sont à Seméré, puis à Alédjo-Kura, en 1885 à Adjéidè (d'où ils tentent une attaque contre Tchamba). Ils sont cooptés par le souverain Uro Djobo Bukari à Paratao. Avec eux, des Peuls installés à Kpaza et à Agoulou ainsi que de nombreux Kotokoli, apprennent l'art du combat à cheval ». Les Peuls de Kpaza dont JC Barbier a fait cas ici étaient conduits par Adam Méatchi. Ceux-ci étaient indépendants des cavaliers de Kparatao.

    Par ailleurs, leur installation à Kpaza avait bien évidemment précédé l'arrivée des mercenaires djerma dans le royaume. A ce propos, JC Froelich2 écrit que : « l'apparition de ces Peuls à Kpaza provenant de Sokoto (Nigeria) remonte à 1830 ».

    Selon El Hadji Ouro-Nilé Alassane3, c'était Adam Méatchi qui, à l'appel de Djobo Boukari de Kparatao, aurait combattu Yélivo et aurait donné le pouvoir à Kparatao grâce à sa puissance militaire.

    S'agissant des causes de l'arrivée des mercenaires djerma dans la région, certains auteurs ainsi que la tradition orale soulignent que c'est suite à l'insécurité qui régnait dans la région après l'accession au pouvoir par la force de Ouro-Djobo Boukari que ce dernier leur aurait fait appel.

    En ce qui concerne les causes de la migration des pilleurs, nous pouvons dire qu'elles peuvent être liées aux conflits internes qui étaient fréquents dans la sous-région ouest africaine au XIXè siècle. Elle peut être due à une cause commerciale. En effet, les sémassi étaient des guerriers de formation qui résulteraient de l'empire songhaï.

    1 - Barbier JC et Klein B, 1995, p23.

    2 - Froelich JC, 1947, p55.

    3 - Entretien avec El- Hadji Ouro-Nilé Alassane dit Tchalé, cultivateur à Kpaza, du 26-12-05.

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    Et comme l'empire était en décadence, les guerriers auraient décidé volontiers de migrer vers l'ouest pour louer leurs services aux chefs locaux. C'est ainsi qu'on les appelle aussi des mercenaires.

    C'est dans cette perspective que les guerriers arrivèrent à Tchaoudjo pour louer leurs services au nouveau souverain Ouro-Djobo Boukari. Du fait que celui-ci ait reçu les mercenaires, on le surnomma « Sémôh »1

    Quant à la logistique qui est une partie de l'art militaire ayant trait aux problèmes de transport et de ravitaillement en armes, le problème ne se pose pas. Car le transport était essentiellement assuré avec l'abondance des chevaux. Selon Ouro-Djéri2, l'introduction du cheval dans le milieu tem a deux origines : Djougou et la Boucle du Niger. D'une part, ces cavaliers militaires permirent l'intronisation du nouveau souverain et d'autre part, contribuèrent à mettre de l'ordre dans le royaume.

    En effet, les commerçants soudanais qui devraient emprunter la route de la cola pour se rendre à Salaga, passaient nécessairement par le pays tem. Ils voyageaient à dos d'ânes, de chevaux. C'est ainsi que les kotokoli connurent d'abord les chevaux de petite taille à poils longs pendant les XVIIIè et XIXè siècles.

    De même les commerçants haussa et germa en provenance de la Boucle du Niger vont par le même procédé introduire chez les Tem les chevaux cette fois-ci d'une grande taille et d'une forme moyenne et qui sont adaptés à la course. Ces chevaux seront appréciés et plus utilisés par les cavaliers.

    Cette armée du royaume était composée de deux sortes de combattants : d'une part, les cavaliers et d'autre part, les fantassins ou archers.

    1 - singuilier de sémassi

    2 - Ouro-Djéri, 1989, p42

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    Ainsi, les cavaliers utilisaient les chevaux et étaient radicalement plus armés que les fantassins. Ils avaient pour leur compte des lances et des poignards. Ils sont souvent vêtus de boubous avec des ceintures aux hanches pouvant retenir le poignard.

    De leur côté, les fantassins étaient habillés de la même façon. Mais ce qui les distinguait des cavaliers est qu'ils n'ont pas de chevaux et qu'ils ne possèdent que des armes modestes : gourdins, coupe-coupe. Ils jouaient le rôle d'auxiliaires et de transporteurs.

    Pendant la guerre, les cavaliers attaquaient les premiers les ennemis, ensuite venaient les fantassins. Mais de temps en temps, l'armée et surtout les cavaliers organisaient des séances d'entraînement qui constituaient des divertissements équestres dans le village ou en brousse.

    Cette préparation technique était suivie d'autres préparations d'ordre spirituel et magique.

    En effet, avant de partir pour la guerre, les autorités locales allaient consulter les divinités protectrices pour savoir si la guerre serait remportée ou non.

    Sur le plan magique, les vêtements des sémassi portaient des amulettes, signes d'invincibilité.

    Toutes ces préparations nous incitent à une analyse scientifique.

    En effet, nous pensons que les habits de guerre, la consultation des dieux ont avant tout des effets psychologiques sur les guerriers car, on suppose que le combattant en état de conscience claire ne pourrait pas donner le rendement escompté. Ainsi, le fait de porter un habit entouré d'amulettes développe en lui l'esprit d'endurance et de détermination.

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    C'est le cas à Sparte dans l'antiquité grecque où les enfants étaient instruits à l'éducation militaire où on cultive en eux les vertus comme l'endurance, la détermination pour la défense de la Patrie.

    Dans cette situation, le combattant est sûr de lui-même qu'il ne craint plus la mort.

    Par ailleurs, la technique de guerre adoptée par les guerriers était la technique d'encerclement.

    Celle-ci consiste à encercler l'ennemi afin de triompher de ce dernier. Les cavaliers au devant des opérations étaient les vrais attaquants. Ce sont eux qui mettaient souvent l'ennemi en déroute en tuant les gens et en incendiant les agglomérations des adversaires au moment où les fantassins s'occupaient à compléter la mise en déroute et à piller. Le butin peut être composé de céréales, d'hommes, de femmes voire des enfants.

    De nombreux conflits vont par la suite opposer le royaume aux autres peuples de la région.

    2- Les conflits connus par le royaume.

    Les souverains du Tchaoudjo étaient presque tous ambitieux.

    En effet, pour réaliser leurs desseins qui consistaient en la domination des autres peuples voisins, ils organisèrent des expéditions militaires contre ces derniers.

    On note les conflits internes et les conflits externes.

    2-1 Les conflits externes

    Plusieurs conflits opposèrent le royaume aux peuples voisins. Ces divers conflits se soldaient soit par la victoire, soit par la défaite du Tchaoudjo. Tout ceci dépendait à la fois de la bonne ou de la mauvaise préparation, de la puissance des personnages qui conduisaient les expéditions et surtout des motifs de celles-ci.

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    Parmi ces conflits, trois retiendront notre attention, notamment celui contre Agoulou, celui contre les Anyanga et celui contre Alédjo Kadara.

    2-1-1 Le conflit Komah-Agoulou

    C'est l'un des conflits qui marqua les esprits de la population de Tchaoudjo jusqu'à aujourd'hui à cause des désastres qu'il occasionna au sein de celle-ci.

    Ainsi, le village Agoulou quoique fondé par les Mola de Tabalo n'échappa pas à la volonté d'hégémonie du Tchaoudjo.

    Deux conflits opposèrent le Tchaoudjo1 à Agoulou.

    En effet, le pouvoir suprême du Tchaoudjo était symbolisé par l'oeuf d'autruche. Selon notre informateur Djobo Bivahi Mouhamadou2, une fille du souverain Ouro Akoriko3 serait partie à Agoulou et leur aurait promis qu'à la mort de son père, le pouvoir royal reviendrait à Agoulou. Satisfaits de cette promesse, les habitants d'Agoulou auraient donné une grande quantité de cauris à la princesse de Komah. Ainsi, à la mort de Ouro Akoriko, fidèle à sa parole, la princesse prit secrètement l'oeuf d'autruche qui était mis au faîte du vestibule de la résidence du souverain et l'aurait remis au chef d'Agoulou contre la même récompense.

    Les populations de Komah après avoir constaté la disparition de l'oeuf d'autruche et après avoir été informées de la mauvaise conduite de la princesse, déclarèrent la guerre à Agoulou en vue de le récupérer.

    Ainsi, le premier conflit qui se termina par la défaite du Tchaoudjo lui causa d'énormes pertes en vies humaines.

    1 -On parle de Tchaoudjo parce que ce conflit avait mobilisé tout le royaume. Même si tous les villages n'avaient pas participé au premier conflit, presque tous étaient mobilisés pour le second conflit.

    2 - Djobo Bivahi Mouhamadou, premier notable de l'ex-chef du canton de Kadambara, du 16-08-06.

    3 -Fut à la fois chef de Komah et quatrième souverain du Tchaoudjo.

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    Du moment où les populations d'Agoulou étaient informées d'une éventuelle attaque de leur village, elles allèrent dans la rivière « Ouro Boungoulou »1 et y firent des sacrifices. Ces populations comptaient sur leur innocence et de ce fait étaient sûres de leur victoire.

    Pour lutter contre un adversaire de taille, la population d'Agoulou utilisa la technique de la «terre brûlée»2. Les ennemis arrivèrent après que la population d'Agoulou se réfugiât dans la brousse. De ce fait, ils se mirent aveuglement à massacrer les bêtes et à razzier les biens des habitants du village.

    Ainsi, les troupes de Tchaoudjo se crurent déjà victorieuses du seul fait que les habitants d'Agoulou se montrèrent incapables de les affronter pour la simple raison qu'ils se sont réfugiés dans la brousse. Au chemin de retour à Tchaoudjo, les combattants de Komah furent piégés par la boue que la « rivière-fétiche » laissât sur leur passage. Alors, la boue enfonça les chevaux et les combattants d'Agoulou sortirent de leurs refuges et vinrent couper les têtes des ennemis de Tchaoudjo.

    Ce qui provoqua d'énormes pertes en vies humaines dans le rang des ennemis.

    Ainsi, pour se venger, le Tchaoudjo se prépara en conséquence avec comme chef militaire Koura3 de Birini qui n'avait pas participé au premier conflit.

    1 - c'est la rivière fétiche protectrice du village.

    Du moment où les habitants d'Agoulou se rendirent compte que le Tchaoudjo prépara sa revanche, certains habitants quittèrent le village en direction du Bénin.

    2 - c'est-à-dire que toute la population avait fui le village pour regagner la brousse.

    3 -C'était un véritable guerrier dans l'armée du Tchaoudjo. Il conduisit les troupes du royaume au second conflit contre Agoulou. Ce qui lui valut sa nomination au poste de cinquième Ouro-Esso de Tchaoudjo.

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    C'est ainsi que certains d'entre eux s'installèrent à Kpaza sous l'ordre de Adam Méatchi1 tandis que d'autres allèrent jusqu'à Toboni, Tchimbéri voire au Bénin actuel.

    Etant donné que la plupart des habitants s'étaient enfuis par crainte des ennemis qui, sans subir aucune défensive, s'emparèrent facilement de leur oeuf d'autruche.

    Ainsi, ce second conflit qui vit la défaite d'Agoulou avait permis à Tchaoudjo de récupérer l'oeuf d'autruche, objet prestigieux et symbole du pouvoir royal du Tchaoudjo.

    Cette victoire s'explique d'une part, par la mobilisation de tous les villages du royaume qui combattirent au côté de Komah et d'autre part, par le dévouement des habitants du Tchaoudjo pour récupérer l'oeuf d'autruche que Agoulou ne peut jamais hériter. Bien que faisant partie des groupes de descendants de l'ancêtre Gadaou, Agoulou ne compte pas parmi les sept villages fondateurs du royaume.

    La cause ainsi que le déroulement des deux conflits nous incitent à une analyse scientifique.

    S'agissant de la cause, nous pensons pour notre part que l'oeuf d'autruche est peut-être pris comme un symbole pour désigner une autre cause. Est-ce qu'il ne s'agirait pas d'un problème de femme quand on sait qu'à l'époque la femme constituait une source de conflits inter et intra-villages ? Etant donné qu'elle constitue quelque chose de précieux qu'on ne doit pas partager avec autrui, n'est-ce pas un moyen pour ne pas divulguer l'affaire en vue d'éviter tout cynisme de la part de la femme ou de l'homme qui ayant commis l'adultère ?

    Pour ce qui concerne leur manifestation, nous pensons que la consultation de la « rivière-fétiche » ne nous explique en rien le problème.

    1 - Dit « Ouro-Nilé », véritable guerrier et chef du village de Kpaza de l'époque. C'était lui qui accorda asile aux Mola d'Agoulou qui fuyaient le second conflit contre Tchaoudjo. Il fut le deuxième occupant et le fondateur de la chefferie de ce village.

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    La boue dont fait cas la tradition orale ne relève-t-elle pas de la boue naturelle ? Il peut arriver qu'il ait plu abondamment en amont après le passage des guerriers et qui aurait causé le débordement de la rivière. Ainsi qu'au retour des guerriers, ceux-ci se seraient enfoncés dans la boue qu'aurait laissée la rivière après le retrait de l'eau.

    Ceci peut être aussi une explication magique retenue par la population d'Agoulou pour confirmer leur suprématie dans le mysticisme sur celle de Tchaoudjo.

    2-1-2. Le conflit contre les Anyanga.

    En tout, deux conflits opposèrent le Tchaoudjo aux Anyanga.

    Rappelons que le Tchaoudjo était un carrefour d'échanges et de ce fait, il jouissait des avantages que lui procurait sa situation géographique. Les transits du sel et de la cola faisaient la richesse du royaume qui se sentait menacer par l'attitude des Anyanga qui constituaient un obstacle sur la route du sel vers Atakpamé, Sagada et la côte en exigeant le payement de taxes1.

    Ainsi, ceux qui refusaient de payer se voyaient arracher leurs charges par les Anyanga. Selon Kparaki2, les raisons militaires et économiques expliquent mieux ce conflit puisqu'il écrit en 1988 que : « sans doute, si on se réfère à l'époque, des raisons économiques et militaires expliquent clairement eu égard aux nombreuses routes commerciales de la kola, des esclaves, du sel, du fer, des fusils qui traversaient la région ».

    Pour briser cet obstacle que constituaient les Anyanga, le Tchaoudjo dut leur déclarer la guerre.

    La guerre devint inévitable du moment où les revendications populaires s'accentuèrent. Le souverain Ouro Koura n'hésita pas à déclarer la guerre qui devenait de plus en plus imminente.

    1 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p348.

    2 - Kparaki K, 1988, p61.

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    Après que Ouro Koura eût jugé légitimes les revendications populaires, il se résolut à envoyer au chef Ogadja d'Agbandi, un messager.

    Celui-ci lui remit une flèche. Ce qui signifie que « mon souverain vous déclare la guerre ». Pour répliquer à ce geste de Ouro Koura, le chef Ogadja après avoir convoqué les sages, décida d'envoyer à Ouro Koura trois balles. Le choix du chiffre trois est significatif. Ce qui veut dire que pour prévenir un homme, on lui adresse trois avertissements. Les Anyanga ayant compris que la guerre contre leur territoire était inévitable, ensorcelèrent la rivière Kaza de sorte que tous les chevaux tem en voulant la traverser se noient avec toute leur cavalerie.

    Cette stratégie utilisée par les Anyanga fut payante. Ce fut donc le premier conflit qui vit la défaite du Tchaoudjo puisque les Tem furent repoussés par les Anyanga qui disposaient en plus d'armes à feu.

    Aussi les Tem perdirent-ils beaucoup de soldats alors qu'on dénombrait moins de dix morts du côté Anyanga1.

    Ce premier conflit se déroula en 1879 sous le règne du souverain Ouro Koura de Birini.

    Cependant, le second conflit qui verra la victoire du Tchaoudjo eut lieu en mai 1893. Von Doering et le comte von Zech entendirent parler de cette victoire du Tchaoudjo sur les Anyanga lors de leurs passages dans la région à l'époque.

    Ce second conflit se termina par un pacte signé par les deux parties (Tchaoudjo et Anyanga) à Aouta (Aouda actuel) en 1893. Ainsi, par ce pacte, chacun des deux camps2 décide de faire la paix et jure de ne plus agresser son prochain.

    1 -Kparaki K, 1988, p66.

    2 - Dofouli est représenté par son chef Goma et Tchaoudjo est représenté par son souverain Ouro-Djobo Boukari de Kparatao.

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    Nous dirons que si le Tchaoudjo fut défait par les Anyanga en 1879 lors du premier conflit, cela s'explique par la médiocrité de son armée qui était sous équipée face à un adversaire mieux armé et qui a su adopter une stratégie conséquente contre sa cavalerie.

    De plus sous Ouro Koura de Birini, les mercenaires djerma étaient encore absents dans la région.

    En revanche, la victoire du Tchaoudjo lors du second conflit s'explique par le fait que durant cette période, il eut déjà au sein de son armée, des cavaliers djerma qui furent de véritables guerriers.

    Elle s'explique aussi par l'accession au pouvoir du nouveau souverain Ouro-Djobo Boukari de Kparatao, qui aussi fut animé d'un sentiment de revanche contre ce petit territoire qui défit la force armée du Tchaoudjo.

    Donc, les raisons d'ordre moral, stratégique et humain expliquent mieux cette victoire du Tchaoudjo sur les Anyanga en mai 1893.

    A partir de cette date, le Tchaoudjo ne connut plus de défaite quel que soit le niveau de militarisation de l'adversaire.

    2-1-3. Expédition militaire des sémassi à Alédjo Kadara (1885) Une année après l'arrivée des Allemands sur le territoire du futur Togo, période au cours de laquelle l'hégémonie du royaume était à son paroxysme sous Ouro-Djobo Boukari de Kparatao, le Tchaoudjo intervint militairement à Alédjo Kadara.

    Il se posait un problème de succession au chef. En effet, à la mort de ce dernier, deux candidats s'étaient présentés aux élections. En cette période, les chefs étaient élus et ceux qui avaient plus de popularité remportaient les élections.

    Ainsi, à la fin de celles-ci, le candidat le plus populaire fut élu et le candidat malheureux et ses acolytes protestèrent sous prétexte que les élections ont été mal organisées1.

    Peu après, un groupe d'opposition né probablement du côté du candidat malheureux déclara la guerre au nouveau chef. C'est dans cette situation de crise que Ouro-Djobo Boukari mobilisa son armée pour intervenir à Alédjo Kadara pour rétablir la paix.

    Le royaume joua un rôle déterminant dans cette crise en envoyant des cavaliers dans ce village pour soutenir le nouvel élu. Ces cavaliers furent conduits par Adam Méatchi.

    On peut se poser la question sur cette intervention du royaume. Pourquoi Ouro Djobo Boukari s'était-il arrogé le droit de faire justice dans un village qu'il n'administrait pas ?

    Il est évident que le royaume était puissant et de ce fait, il était reconnu comme tel dans tous les milieux tem.

    Toutefois, les Mola n'avaient pourtant pas de relation de parenté avec Alédjo Kadara. Mais si le Tchaoudjo était intervenu comme médiateur dans ce conflit interne, c'était sûrement pour assurer sa suprématie « diplomatique » sur les autres chefs et par voie de conséquence, à étendre son hégémonie sur les autres contrées de la région.

    Bref, l'intervention du royaume à Alédjo Kadara illustre l'une des manifestations de son rayonnement et de son impérialisme dans la région.

    Par ailleurs, l'ambition du Tchaoudjo dépassait même les frontières du futur Togo.

    En dehors des conflits externes, le Tchaoudjo exerça son hégémonie aussi sur les peuples frères.

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    1 - C'est-à-dire qu'elles n'ont pas été transparentes donc le nouveau chef est illégitime.

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    2-2 Les conflits internes

    Les conflits internes font référence au conflit entre Kparatao et Yélivo et les raids esclavagistes des sémassi dans la région.

    2-2-1. Le conflit entre Kparatao et Yélivo

    Ce conflit avait fait l'objet de nombreuses controverses. Nombreux sont les auteurs qui soutiennent que ce conflit aurait opposé Kparatao à Birini. Ce qui n'est pas confirmé d'après nos enquêtes sur le terrain. En effet, selon P. Alexandre1, c'était Birini qui déclara la guerre à Kparatao puisqu'il écrit : « Cette révolution provoqua une véritable guerre civile, menée par le lignage royal de Birini, dont le chef tenta vainement de s'emparer du sà ».

    Cependant, selon Gayibor2, c'était Kparatao qui attaqua Birini puisqu'il écrit : « Birini également, quoique comptant au nombre des fondateurs du royaume, fit les frais de la montée en puissance de Djobo ».

    Contrairement à ces deux versions, il ressort de notre enquête que ce conflit avait opposé bien évidemment Kparatao à Yélivo et que dans l'histoire du royaume, aucun conflit n'avait opposé Kparatao à Birini.

    Les deux villages antagonistes Kparatao et Yélivo font partie des sept villages constitutifs du royaume. Selon les critères de désignation de Ouro Esso, il était prévu que le pouvoir devait être rotatif. Or, depuis 1800, Birini détenait le pouvoir avec comme souverain, Ouro Koura.

    En effet, à sa mort, le pouvoir devait revenir à Yélivo. Mais Kparatao par volonté d'usurpation voulait s'emparer de celui-ci que Birini revendiquait pour Yélivo.

    Ce fut dans cette atmosphère d'incompréhension que Kparatao déclara la guerre à Yélivo.

    1 - Alexandre P., 1963, p262.

    2 - Gayibor NL (ss le dir), 1997, p347.

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    Pour satisfaire son ambition, Kparatao attaqua Yélivo. Ainsi, Adam Méatchi sur sollicitation de Kparatao conduisit cette expédition qui se solda par la défaite de Yélivo.

    Ce conflit aurait fait de l'avis de Ouro-Akpo Kassim1, sept morts au rang des combattants de Yélivo et de nombreux déplacés.

    Ainsi, les combattants de Kparatao remportèrent la victoire. Dans ce climat d'insécurité et de méfiance, le , le siège sculpté symbole du pouvoir, fut caché à Tabalo.

    Peu de temps après, le trône fut ramené à Kparatao avec comme nouveau souverain Ouro-Djobo Boukari.

    Compte tenu de l'insécurité qui régnait dans la région que le nouveau souverain coopta les mercenaires djerma. Ceux-ci permirent la consolidation de l'autorité de Ouro-Djobo Boukari2.

    Le trafic esclavagiste s'accentua plus tard avec l'arrivée des sémassi.

    2-2-2 Les raids esclavagistes

    Très tôt après sa fondation, le royaume se lança dans le trafic des esclaves qui connaîtra une grande ampleur avec l'arrivée des sémassi.

    En effet, le trafic des esclaves constituait une activité économique avant l'arrivée des sémassi. Ainsi, l'esclavage a de tous les temps existé chez les Tem. Il s'effectuait entre les Kotokoli eux- mêmes ou entre les Kotokoli et les étrangers. L'enjeu était tel que ceux qui avaient de nombreux enfants et qu'ils n'arrivaient pas à nourrir, pouvaient volontiers vendre quelques uns pour s'approvisionner en vivres et pouvoir assurer leur survie. A ce sujet, Verdier3 écrit : « Bafilo est un lieu important de commerce où l'on vient notamment vendre les enfants kabiyè en cas de famine ».

    Par ailleurs, les prisonniers de guerre devenaient des esclaves au service du royaume. De ce fait, ils travaillaient pour ce dernier.

    1 - Entretien avec Ouro-Akpo Kassim, chef de Yélivo, du 16-08-06.

    2 -Gayibor NL (ss la dir), 1997, p347.

    3 - Verdier R, 1982, p187.

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    Ils allaient en nombre important transporter du sel depuis Atakpamé jusqu'à Kparatao1. De plus, le souverain pouvait les échanger contre les produits d'exportation qu'apportaient les étrangers (cheval, harnachement, etc.)

    Devenant de plus en plus important, ce commerce des esclaves s'accentua avec l'entrée en scène des sémassi.

    Rappelons que les sémassi furent des cavaliers armés qui vinrent de la Boucle du Niger et qui furent cooptés par Ouro-Djobo Boukari de Kparatao. Par la suite, ils vont se lancer dans le trafic esclavagiste en raflant les populations dont les plus vulnérables furent les enfants, les femmes voire les hommes.

    Ces cavaliers razzieurs firent des expéditions en longeant les pistes de champs et fermes et enlevèrent ceux-ci pour en faire des captifs. Ces derniers étaient lavés dans une rivière appelée yomaboua2 avant de les vendre aux trafiquants du sud3. La plupart des esclaves qui alimentaient le commerce négrier en ce qui concerne le Togo provenaient de l'hinterland dont les sémassi constituèrent l'un des acteurs.

    A ce sujet, Gayibor4 écrit : « De toutes les sources confondues, il ressort que la traite était régulièrement alimentée par des captifs provenant de l'hinterland...Les régions réservoirs se limitaient essentiellement à celles qui sont situées à au moins une certaine de kilomètres de la côte ».

    Dans son entretien avec Coubadja Touré, Tchanilé5 rapporte ce qui suit : « Mes ancêtres étaient des esclavagistes. Ils capturaient des gens qu'ils allaient vendre à Blitta »

    1 -Ouro-Djéri, 1989, p62.

    2 - c'est-à-dire la rivière des esclaves

    3 - Alexandre P, 1963, p241.

    4 -Gayibor NL, (ss la dir), 1997, p240.

    5 - Tchanilé MM, 1987, p34.

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    Ainsi, on constate que ces raids esclavagistes avaient aussi bien un intérêt politique qu'économique.

    Un intérêt politique parce qu'ils servaient à renforcer le pouvoir du souverain qui devint de plus en plus respecté et craint.

    Et un intérêt économique d'autant plus que les captifs provenant de ces rapts furent essentiellement vendus puis constituèrent une source de revenus pour le royaume.

    Il occasionna le déplacement des villages qui fuyaient les esclavagistes et qui trouvaient des points de refuge surtout dans les sites montagneux. Ce fut le cas du village Bouladè à propos duquel Alpha1 écrit en 2006 en ces termes : « Sous la menace des chasseurs d'esclaves (les sémassi), les populations de Bouladè entamèrent une nouvelle phase de migration cette fois-ci vers le sud et s'installèrent de nouveau sur le piémont de K'gbafulu... ».

    Ceci étant, ces raids esclavagistes ont concerné aussi bien les peuples frères que les peuples voisins étant entendu que le village de Bouladè près de Bafilo est aussi une fondation des Mola de Tabalo.

    Ce trafic fut aboli dans le royaume avec l'arrivée des Allemands2.

    L'une des figures qui auraient marqué l'histoire du royaume fut sans doute celle de Adam Méatchi.

    2-2-3 Le rôle de Adam Méatchi dans la montée en puissance de Tchaoudjo.

    Si le royaume du Tchaoudjo avait pu s'imposer comme une puissance dominante dans la région, il le doit en grande partie à la personnalité de Adam Méatchi.

    De son vrai nom Ouro-Nilé et de son nom de guerre Méatchi qui signifie « le terrible », Adam Méatchi est un peulh du clan touré originaire de Sokoto au Nigeria. Son père s'appelait Soulémane Djodi.

    1 - Alpha E, 2006, p34.

    2 - Barbier JC et Klein B, 1995, p23

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    Ses ancêtres étaient respectivement Nouhoum, Moussa, Maman, Soulémane Djodi et se seraient installés à Kpaza vers 18301.

    Mais, ceux-ci s'installèrent d'abord à Souloum près de Koumondè. Après un long séjour à Souloum, ils découvrirent le site de Kpaza et s'y installèrent. Ces Touré furent les deuxièmes occupants de Kpaza après Madja Koubouh du clan sandou.

    Ainsi, par un commun accord entre les Sandou et les Touré respectivement premiers et seconds occupants du site, ils se partagèrent la gestion2 du village.

    Ainsi, les Madja s'occupèrent de l'héritage3 tandis que les Touré s'en chargèrent du pouvoir politique, car ceux-ci furent de véritables guerriers et de ce fait, furent capables de défendre le village contre les agressions extérieures.

    C'est ainsi que Adam Méatchi devint le fondateur de la chefferie de Kpaza ; Il a vécu avant, pendant et après les Allemands. Son règne dura plus de soixante dix ans.

    En effet, il fut un enfant turbulent, il était physiquement fort si bien qu'il battait les jeunes de son âge voire les jeunes plus âgés que lui. Il fit ses études coraniques à Djougou au Bénin actuel. Il doit aussi sa puissance au Coran, Livre Saint des musulmans d'autant plus que toutes ses tenues militaires étaient bardées d'amulettes contenant des versets coraniques (cf. Annexe III, photo1).

    En outre, Adam Méatchi vit du commerce des esclaves. De ce fait, il fit des expéditions militaires contre les peuples voisins de la région voire contre ceux du Bénin actuel.

    1 - Froelich JC, 1947, p55.

    2 - la succession de Adam Méatchi a été complexe puisque les Mola dont il avait donné asile postulaient aussi. Donc on avait deux candidats un du camps des Touré et un de celui des Mola. D'après la version des faits, le parrain de Ouro-Nilé Issifou du nom de Ouro-Nilé Bako aurait soulevé dans l'assemblée les services que Adam Méatchi, le père du postulant touré a rendus au royaume. Ce qui donna la chance au clan Touré. Mais par la suite avec la politisation de la chefferie traditionnelle, les Mola reprennent la chefferie de Kpaza jusqu'à aujourd'hui. Ceci est à l'origine même des conflits qui opposent actuellement les deux clans.

    3 - se dit tout ce qui rapporte de l'argent : les anacardiers, les palmiers à huile, les rivières, même les terres etc.

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    C'est lui qui accorda asile à certains des Mola d'Agoulou qui fuyaient le second conflit qui les opposa à Tchaoudjo. Il était cependant indépendant des sémassi de Kparatao contrairement à ce qu'ont écrit certains auteurs à l'instar de P. Alexandre, JC Froelich et JC Barbier1.

    Toutefois, il collaborait avec Kparatao lorsqu'on lui fit appel. Ce fut le cas du conflit Kparatao-Yélivo où Djobo Boukari sollicita son appui.

    Quel fut alors l'apport de Adam Méatchi dans l'histoire du royaume tem du Tchaoudjo ?

    Etant un véritable guerrier et trafiquant, Adam Méatchi tirait l'essentiel de ses revenus du commerce des esclaves.

    Comme nous l'avons souligné précédemment, c'était à lui que Kparatao recourut pour diriger l'expédition contre Yélivo. Ce qui aurait favorisé l'accession au pouvoir de Ouro-Djobo Boukari après la défaite de ce dernier. De l'avis de Ouro-Nilé Abdou Karim2, Kparatao confia un jeune à Adam Méatchi après ce conflit. Il s'agit de Séni Worogo à qui, il apprit l'art de la guerre. Ce dernier fut à l'origine de la fondation de Kouloundè, situé entre Didaouré et Kadambara. De plus, Djobo Boukari lui sollicita un Alpha3 pour enseigner l'Islam aux populations de Kparatao. Raison pour laquelle on trouve jusqu'à aujourd'hui une concession4 dans ce village du nom de cet Alpha.

    1 - Pour les références de ces auteurs, voir la bibliographie.

    2 - Entretien avec Ouro-Nilé Abdou Karim, patriarche du clan Touré et petit fils de Adam Méatchi, du 27-12-05.

    3 - Se dit un expert et prédicateur de la foi islamique.

    4 - elle est nommée « chez Alpha Kpaza »

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    Après avoir contribué à rétablir l'ordre suite à l'accession par usurpation au pouvoir de Ouro-Djobo Boukari, il accepta l'invitation de Séméré (au Bénin actuel) de combattre le redoutable guerrier Biyaou Kpembi de Djougou1.

    Par ailleurs, Méatchi aida aussi Kri-Kri (Adjéidè actuel) en luttant contre ses ennemis et ceci à deux reprises : d'abord, contre les menaces du guerrier Eguida de Tchamba et ensuite contre Djougou (au Bénin actuel)2.

    Il était craint de l'extérieur à cause de sa puissance militaire si bien que les ennemis qu'ils soient de l'intérieur ou de l'extérieur du pays tem, n'osèrent pas préparer des attaques contre Tchaoudjo.

    Pour récompenser les bienfaits de Adam Méatchi au royaume, son fils Ouro-Nilé Issifou3 fut choisi au détriment du candidat malheureux Alassane4 du clan mola pour lui succéder à Kpaza.

    Selon El-Hadji Alpha Kpabia Mouhaman5, Ouro-Nilé Issifou avait été choisi comme deuxième chef de Kpaza par le dixième souverain du Tchaoudjo, Ouro Anyoro Tchagodomou de Kparatao.

    En somme, Adam Méatchi n'avait pas lutté contre le royaume tem du Tchaoudjo. Mais il l'avait aidé à combattre ses adversaires.

    Il serait sans doute l'un des acteurs qui favorisèrent la sédentarisation du pouvoir royal du Tchaoudjo à Kparatao.

    En cela, son apport à la consolidation du royaume tem du Tchaoudjo est indéniable.

    1 - Entretien avec El-Hadji Ouro Nilé Alassane, du 26-12-05.

    2 - Entretien avec El-Hadji Ouro Nilé Alassane, du 26-12-05.

    3 - la succession de Adam Méatchi a été complexe puisque les Mola dont il avait donné asile postulaient aussi. Donc on avait deux candidats un du camps des Touré et un de celui des Mola. D'après la version des faits, le parrain de Ouro-Nilé Issifou du nom de Ouro-Nilé Bako aurait soulevé dans l'assemblée les services que Adam Méatchi, le père du postulant touré a rendus au royaume. Ce qui donna la chance au clan Touré. Mais par la suite avec la politisation de la chefferie traditionnelle, les Mola reprennent la chefferie de Kpaza jusqu'à aujourd'hui. Ceci est à l'origine même des conflits qui opposent actuellement les deux clans.

    4 -Il fut un ancien combattant et fut le premier Mola à avoir postulé à la chefferie de Kpaza. Il fut plus tard le troisième chef de Kpaza et le premier chef parmi les Mola. Ses parents font partie des Mola à qui Adam Méatchi avait accordé asile à Kpaza.

    5 Entretien avec El-Hadji Alpha Kpabia Mouhaman, patriarche du clan sandou, héritier de Kpaza, du 19-12-05.

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    Conclusion

    Il est évident que le royaume était craint tant à l'intérieur qu'à l'extérieur à cause de la puissance militaire de son armée.

    Cependant, cette puissance militaire du royaume ne doit pas masquer sa vulnérabilité. Puisque le Tchaoudjo a été défait à deux reprises dans ses expéditions militaires.

    Par ailleurs, Adam Méatchi est une personnalité incontournable qui joua un rôle prépondérant dans l'histoire du royaume tem du Tchaoudjo. En cela, il incarne à l'instar de Ouro-Djobo Boukari de Kparatao, l'hégémonie du Tchaoudjo.

    Le royaume va jouer un rôle de premier plan dans la conquête et la stabilisation du pouvoir colonial allemand. De ce fait, il connut dès lors un autre destin avec la colonisation.

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    Chapitre 5 : RÔLE DU ROYAUME DANS LA CONQUÊTE ET LA STABILISATION DU POUVOIRE COLONIAL ALLEMAND

    Introduction.

    Les Allemands, installés au Togo depuis 1884, entrent en contact avec le Tchaoudjo dès 18881 ; Cette période de contact et de tractation finit par aboutir à l'occupation effective du royaume par les Allemands dès 18972.

    Le rôle du royaume ne peut se comprendre qu'en étudiant l'histoire de la conquête allemande de l'hinterland d'une part, et qu'en examinant le rôle des sémassi dans cette conquête d'autre part.

    1- Histoire de la conquête coloniale allemande de l'hinterland

    Suite à leur contact avec le Tchaoudjo, les Allemands multiplièrent leurs missions dans le royaume. En effet, leur intention était de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour précéder les Français dans l'occupation du Tchaoudjo et ceci en signant des traités avec celui-ci.

    1-1.L'histoire de la conquête du royaume.

    L'explorateur et linguiste Gottlob Adolf Krause fut le premier allemand qui voyagea dans le royaume à titre personnel en compagnie de commerçants haoussa en 18873.

    Il revenait ainsi de Salaga en traversant le pays tem avant de redescendre sur la côte par « la route du sel » (Blitta, Kpessi, Atakpamé, Sagada, Aného).

    Il arriva le 15 juin 1887 à Kparatao qu'il nomma Kpara-Tagu, qui signifie en langue dendi « la nouvelle ville »4

    1 -Date de fondation de la station scientifique de Bismarckburg (2juin 1888) par Ludwig Wolf et qui servait de base pour les expéditions de l'intérieur.

    2 - Alexandre P, 1963, p262.

    3 - Barbier JC et Klein B,1995, p32.

    4 - Barbier JC et Klein B.,1995, p32

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    Un an après ce voyage, la véritable pénétration allemande dans le royaume devait commencer avec la fondation, le 2 juin 1888, de la station scientifique de Bismarckburg par Ludwig Wolf.

    Celui-ci monta une expédition vers la vallée du Niger et arriva à Kadambara et à Kparatao le 1er mai 1889. Il fut reçu à Kparatao par Ouro-Djobo Boukari avec qui il signa un traité de protectorat le même jour1.

    Dans l'intention d'occuper toute la région avant l'intervention française, les Allemands multiplièrent la création des postes administratifs. Ainsi, furent créés respectivement les postes de Misahöhe, le 7 mai 1890 qui donne accès à la vallée de la Volta et Kete-Kratchi, le 31 décembre 1893 qui est une étape importante sur le fleuve Volta à l'autre extrémité de la grande voie commerciale reliant Lomé à l'intérieur du pays. Ces deux postes furent créés par le chef de territoire Puttkamer2.

    Après la mort de Wolf le 26 juin à N'dali en pays bariba, son second, le major Kling reprit son projet et quitta Bismarckburg le 21 octobre 1891 en direction de Djougou. Il arriva à Kparatao le 10 novembre et remit à Ouro-Djobo Tchadjobo, des cadeaux de la part de l'empereur Kaiser.

    Après leur échec en pays bariba, les Allemands se tournèrent désormais vers Salaga et Mango. Ainsi, von Doering se rendit à Tachi, à Suruku et à Fazao dès novembre 1893, puis à Bassar en juin 1894. De son côté, Grüner se rendit à Mango en janvier 1895.

    Cependant, la victoire des Français sur Béhanzin en janvier 1892 va changer les données.

    1 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p19.

    2 - Jesko von Puttkamer (1855-1917) était le neveu de Bismarck. Il fut le véritable artisan de la mise sur pied de l'administration coloniale allemande au Togo.

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    Ainsi, les Français interviennent dans la région et le 24 février 1895 arrivent à Bassila, les 1er et 3 avril à Adjéidè et Bafilo, puis à Daoudè, Kabou et Koumondè de la même année.

    Face à cette situation, les Allemands réagissent en se précipitant à Djougou où von Zech signe un traité le 10 février 18961. A l'aller, von Zech avait séjourné dix jours à Kparatao pour renouveler le traité de protectorat signé par Wolf et y fonda un poste avec un soldat et un agent « indigène ». Au retour, il se fait accompagner par la cavalerie de Ouro-Djobo Boukari afin de mettre au pas le chef Ouro Banya de Bulohu, qui s'était opposé aux passages de Kling et de von Doering. Il s'ensuivit à cet effet, une brève bataille, le 6 mars à la descente sur Tachi2.

    Ces missions dans le royaume seront prolongées par celles de Adam Mischlich, de von Massow, de kersting, de Rudolf Fisch, de Friedrich Schroeder etc. C'est ce dernier qui commença la construction du poste de Sokodé à la fin de l'année 1897.

    C'est dans cette atmosphère de compétitions avec les Français que les Allemands prennent pied dans le royaume. Ils furent à l'origine de la réalisation de nombreuses infrastructures qu'on retrouve actuellement à Sokodé.

    En effet, les Allemands ne seront chassés définitivement du royaume qu'en août 1914 après leur défaite face à la coalition franco-anglaise. C'est ainsi que les Allemands seront supplantés par les Français.

    La présence allemande dans le royaume entraîna des changements sur les plans politique et stratégique.

    1-2 L'impact de la présence allemande à Tchaoudjo

    Les Allemands furent à l'origine de nombreuses réalisations dans le royaume. Mais ils avaient une part de responsabilité dans la sédentarisation du pouvoir royal à Kparatao.

    1 - Barbier JC et Klein B, 1995, p32.

    2 - Barbier JC et Klein B, 1995, p32

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    Néanmoins, ils jouèrent un rôle de premier ordre dans la suppression de la traite des esclaves qui a tant ruiné la région.

    Le premier acte des Allemands avait consisté à entériner une usurpation qui dura presque un demi-siècle. A cet effet, selon P. Alexandre1, « le Comte von Zech lors de son passage dans le royaume, avait trouvé le souverain Ouro- Djobo très vieux et il pensait à le détrôner».

    Cependant, ajoute-t-il qu' « il fut empêché par la nécessité d'utiliser l'armée royale pour venir à bout du chef de Kegbafilo qui venait d'arborer le pavillon français ». Dans ces conditions, un nouveau traité fut signé en 1897.

    Par ce traité, le souverain transféra sa souveraineté au Kaiser qui garantit en échange de préserver le droit au pouvoir suprême aux descendants de Djobo2. Ce qui fut respecté car cinq souverains vont se succéder dans le compte de Kparatao.

    C'est ainsi que tous les souverains qui se sont succédé à Kparatao eurent l'aval des Allemands.

    Par ailleurs, ce sont ces mêmes Allemands qui élargirent le commandement des souverains du Tchaoudjo en leur donnant le titre de « chef supérieur des Kotokoli ».

    Ce qui leur accordait plus d'autorité et de légitimité sur tout le pays tem.

    Hormis les conséquences politiques, on note également le déplacement du poste de Kparatao.

    Pour des raisons stratégiques, le poste administratif de Kparatao fut transféré en 1897 à Sokodé par le Dr Kersting, premier commandant de cercle de Sokodé (1897-1909)3.

    1 - Alexandre P, 1963, p263.

    2 - Alexandre P, idem

    3 - Barbier JC et Klein B, 1995, p125.

    73

    Après avoir appris dès son voyage à Tchaoudjo que le siège du pouvoir suprême changeait à chaque règne, von Zech réagissait en considérant que ce n'était pas une bonne pratique. Il aurait voulu qu'on établisse une capitale du Tchaoudjo et que Kouloundè lui apparaissait une localité idéale pour l'abriter car, disait-il, Kouloundè est « située au centre du pays »1

    En effet, comme nous l'avons dit précédemment, le poste de Kparatao se trouvait sur la rive gauche de la rivière Na. Etant donné que le poste se trouvait à côté de la rivière, on supposait que ce n'était pas un endroit idéal à cause des moustiques. De plus, le Blanc pouvait contracter une fièvre meurtrière.

    Voilà pourquoi le poste de Kparatao fut transféré vers Sokodé2.

    Mais au-delà de cette raison, nous pensons pour notre part que la raison de ce transfert ne peut être que stratégique.

    En effet, il se pourrait que le Docteur Kersting lors de son passage à Kparatao en 1897 ait eu peut-être peur de l'hégémonie du Ouro Djobo Tchadjobo et de la force de son armée qu'il souhaitait utiliser. Pour cela, il préférait s'éloigner de Kparatao en vue de mieux trouver les voies et moyens pour y parvenir.

    Il se pourrait aussi que Kersting aurait tenu compte du niveau de développement de Didaouré par rapport à celui de Kparatao car il était au centre du Tchaoudjo et de ce fait abritait des commerçants étrangers à l'époque.

    Ainsi, les sémassi jouèrent un rôle capital dans la conquête des territoires de l'hinterland du Togo.

    1 - Barbier JC et Klein B, 1995, p37.

    2 - Le poste ainsi transféré se situe là où se trouvent actuellement les bureaux de la préfecture et la

    résidence du préfet de Tchaoudjo.

    74

    2- Rôle des sémassi dans la conquête allemande de l'hinterland

    A l'arrivée des Allemands à Tchaoudjo, le problème du trafic des esclaves fut l'une de leurs préoccupations majeures. Ainsi, les peuples frères se faisaient la guerre alors que le colonisateur vint pour occuper la région. Pour supprimer cette pratique inhumaine en vue de gagner à la fois la confiance des dirigeants et de leurs sujets, les Allemands assistaient financièrement les cours royales et les trafiquants d'esclaves. Autrement dit, ils étaient dévoués pour mettre les chefs locaux dans des conditions matérielles et financières assez acceptables afin de bannir progressivement le système de captivité qui enrichissait les chefs et les commerçants d'esclaves.

    Les sémassi furent placés à la disposition des Allemands. A cet effet, ils firent partie de la force de police coloniale créée par les Allemands en vue de faciliter la conquête de l'hinterland.

    Ainsi, les sémassi devaient participer aux diverses expéditions qui furent organisées dans le nord-Togo au cours de la douloureuse pacification.

    2-1. La police coloniale « die Polizeitruppe »

    Cette petite force de police créée le 3 septembre 1885, fut réorganisée par Jesko von Puttkamer pour en faire une véritable troupe militaire. Elle fut placée sous les ordres d'un officier et entraînée par un sous-officier1.

    En effet, cette police coloniale avait pour rôle principal d'assurer la « sécurité militaire du protectorat»2. Ainsi, cette cavalerie militaire du Tchaoudjo fut composée selon Barbier3 « de mercenaires djerma, de Peuls et des notables Kotokoli ». Elle fit ainsi partie de la force de police coloniale et ceci d'une façon déterminante.

    1 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p19.

    2 - Trierenberg (von Georg) cité par Ouro-Djéri, 1989, p80.

    3 - Barbier JC et Klein B, 2001, p13.

    75

    En effet, les bonnes relations établies par les Allemands entre autres Wolf, Kling, Zech etc. avec les souverains, leur offraient l'alliance d'un royaume déjà islamisé qui donna volontiers des contingents de guerriers.

    En tout état de cause, les effectifs affectés aux postes dépendaient donc du degré d'insécurité qui régnait dans ces régions.

    Ainsi, à titre d'exemple, voici la composition numérique de cette force par poste selon Trierenberg cité par Ouro-Djéri.

    Tableau No1 : Répartition des soldats dans les postes

    POSTES

    NOMBRE DE
    SOLDATS

    Lomé-Land

    30

    Anécho

    40

    Misahöhe

    50

    Atakpamé

    60

    Kete-Kratchi

    30

    Sokodé-Bassari

    90

    Mango-Yendi

    100

    Source : Ouro-Djéri, 1989, p85

    76

    Ces soldats organisèrent des expéditions pour réprimer les soulèvements des autochtones. Pour l'administrateur français R. Cornevin1, « on compte en quatre années (1897-1901), trente-cinq tournées de police et plus de cinquante combats allant de l'escarmouche à la bataille de plusieurs heures parfois appuyée par une mitrailleuse et faisait plusieurs morts et blessés ».

    Ainsi, toutefois que les Allemands voulaient se servir des cavaliers du Tchaoudjo, ils s'adressaient à Adam Méatchi à Kpaza et à Salami des alentours de Bafilo2.

    Les sémassi jouèrent un rôle capital dans les diverses expéditions de répression des peuples hostiles à l'occupation allemande.

    2-2 Les expéditions militaires dans l'hinterland (1896-1898)

    Le rôle des sémassi a été très déterminant sur ce plan. Etant au service des Allemands, ils organisèrent des expéditions pour réprimer les populations qui sont hostiles à la présence allemande dans la région. Ainsi, dans leurs diverses expéditions, ils avaient acquis de nouvelles connaissances en ce qui concerne la manipulation des fusils modernes.

    De ces multiples expéditions, nous retiendrons celles de Tassi (ou Tachi), des Kabiyè et des Losso.

    2-2-1 L'incident de Tassi (6 mars 1896)

    A cette époque où la cavalerie militaire du Tchaoudjo était à la disposition des Allemands, ceux-ci pouvaient s'en servir dans leurs diverses expéditions. En effet, von Zech organisera une expédition sur Bulohu suite à l'opposition du chef Ouro Banya de laisser passer ses prédécesseurs Kling et von Doering au cours de leurs passages dans la région.

    1 -cité par Ouro-Djéri, 1989, p81.

    2 -Ouro-Djéri, 1989, p85.

    77

    De ce fait, von Zech de retour de Kparatao, s'était fait accompagner de la cavalerie du Tchaoudjo afin de mettre au pas le chef Ouro Banya de la localité.

    Il s'ensuivit une brève bataille le 6 mars 1896 à la descente sur Tassi1. La troupe de Tassi fut défaite. Cette défaite entraîna la fuite du chef qui se réfugia à Bassar2.

    Le Docteur Kersting fit sa première apparition à Kparatao le 23 juillet 1897 et alla ensuite prendre le commandement du poste de Djougou. En effet, il amena avec lui, Ouro Banya vaincu pour que ce dernier fasse acte d'allégeance à Ouro Djobo Tchadjobo3.

    Il existait depuis fort longtemps une discorde entre Tchaoudjo et Bulohu. En effet, Bulohu se situait sur la route de la cola. Ce commerce se tourna plus tard vers Kete-Kratchi et de ce fait, ce village n'en profitait plus. Ce qui entraîna certainement une dépression économique chez les populations de ce village. Ainsi, pour Bulohu, le Tchaoudjo était en partie responsable de ce qui leur était arrivé puisque celui-ci collaborait harmonieusement avec les Allemands.

    Ceci peut paraître vrai d'autant plus que les Allemands ont toujours considéré les Kotokoli comme leurs meilleurs amis.

    Le pays kabiyè était aussi concerné par ces expéditions militaires.

    2-2-2 Soumission des peuples kabiyè

    Le pays kabiyè comprenait non seulement les Kabiyè mais également les Nawdeba, les Lamba etc.

    En effet, les Kabiyè étaient de braves combattants, ce qui n'avait pas facilité la tâche à l'administrateur et ses troupes. Pour les soumettre à l'ordre colonial, le Dr Kersting y mène trente gardes de Cercle, cent cavaliers kotokoli et deux cents partisans d'Adjéidè en janvier 18984.

    1 - Barbier JC et Klein B, 1995, p33

    2 - Ouro-Djéri, 1989, p84.

    3 - Barbier JC et Klein B, 1995, p33

    4 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p351.

    78

    Ainsi, la centaine de cavaliers qui avaient pris part à cette expédition, prouve la participation massive des sémassi dans cette expédition pour la cause des Allemands.

    Les Kabiyè étaient obligés de se soumettre car ils avaient devant eux un adversaire de taille qui utilisait aussi les armes modernes.

    Le pays losso était aussi la cible de l'administration allemande.

    2-2-3 L'attaque du pays losso

    Le Lieutenant von Massow à l'instar de Kersting, était parti du pays Bassar le 21 janvier pour attaquer le pays des Lamba. Il utilisa aussi comme contingents des Européens, des cavaliers germa.

    (cf. les données du tableau ci-dessous)

    Tableau No2 : Effectifs des contingents et matériels militaires

    CONTINGENTS ET MATERIELS
    MILITAIRES

    EFFECTIFS

    Européens

    2

    Soldats

    63

    Cavaliers germa

    33

    Porteurs et

    80

    Mitrailleuse

    1

    Source : Ouro-Djéri, 1989, p83

    La participation de la force armée du Tchaoudjo était si révélatrice qu'on pouvait affirmer que les mercenaires du Tchaoudjo jouèrent véritablement leur rôle au côté des Allemands, notamment dans la répression des peuples voisins de l'intérieur du Togo.

    Cependant, les sémassi furent utilisés par les Allemands pour atteindre leur objectif.

    79

    Ces cavaliers n'agirent que sous les ordres des colons. Ils n'avaient pas l'intention de réprimer les peuples frères mais ils le firent dans la volonté d'obéir à l'ordre colonial.

    80

    CONCLUSION GENERALE

    En définitive, nous pouvons retenir que Gadaou était l'ancêtre des Mola, originaire du pays gourma qui s'était installé dans la zone montagneuse à Tabalo. En effet, quelques années plus tard, pour des raisons d'ordre naturel économique et sociodémographique, les populations émigrèrent vers les plaines de la Kara et du Mô. Cette émigration aboutit à la fondation des villages notamment Kpangalam, Tchavadi, Kadambara, Birini, Komah, Yélivo et Kparatao. Six d'entre ces villages se soulevèrent contre Kpangalam, à l'initiative de Tchavadi, pour ravir le pouvoir que celui-ci s'était emparé seul. Ces villages décidèrent de régner à tour de rôle après leur victoire sur Kpangalam.

    Ce qui fut à l'origine de la fondation du royaume tem du Tchaoudjo.

    Par ailleurs, le royaume a pris véritablement son apogée en 1880 avec la prise controversée du pouvoir par Ouro-Djobo Boukari dit « Sémôh » de Kparatao.

    En effet, pour mieux établir l'ordre dans le royaume, ce souverain dut faire appel aux cavaliers djerma appelés sémassi qui permirent enfin son intronisation.

    Ainsi, le royaume constituait le point d'escale de nombreux commerçants étrangers dont la plupart s'y installèrent.

    Ainsi, la commercialisation du sel, de la cola et surtout des esclaves constituait ses sources de revenus.

    Pour réaliser son dessein, celui d'asseoir son hégémonie et d'accroître son prestige sur les autres peuples de la région, le royaume organisa diverses expéditions militaires.

    Celles-ci aboutirent à la soumission des peuples tant étrangers qu'autochtones ainsi que des autres peuples frères1.

    Aussi l'intervention allemande dans le royaume permit-il la sédentarisation du pouvoir royal à Kparatao et le renforcement du pouvoir des souverains du Tchaoudjo.

    Cependant, les Allemands jouèrent un rôle capital dans la suppression du trafic esclavagiste.

    Par ailleurs, le Tchaoudjo joua un rôle prépondérant dans la conquête de l'hinterland du Togo en mettant sa cavalerie militaire à la disposition des Allemands.

    Ainsi, pour finir, signalons que notre travail n'est pas définitif. Car, comme toutes les autres sciences sociales, l'histoire n'est jamais écrite une fois pour toute et qu'elle se renouvelle au rythme de l'évolution des sources documentaires et surtout du questionnement.

    Bref, notre travail a consisté à traiter certains aspects du royaume qui ne sont pas encore abordés et à apporter certaines précisions sur d'autres déjà traités.

    En cela, notre travail vient élargir donc la liste des monographies réalisées dans le cadre des études sur les Tem et constitue de ce fait, une contribution à la construction de l'histoire nationale togolaise.

    81

    1 - Fait allusion aux razzias des sémassi dans l'hinterland, au Bénin et aux conflits Kparatao-Yélivo et Komah-Agoulou.

    82

    1- SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

    1-1 Sources de premières mains 1-1-1 Sources orales

    d'ordre

    Noms et Prénoms

    Age
    (années)

    Fonction

    Date et lieu
    d'entretien

    1

    ALI-Kibanda
    Safiétou

    105

    Ménagère

    29 décembre
    2005 à Kpaza

    2

    Ayéva Mérigua
    Doumoussé

    64

    Institutrice en
    retraite

    2 avril 2006 à
    Lomé

    3

    El-Hadji Alpha
    Kpabia Mouhaman

    100

    Cultivateur

    19 décembre
    2005 à Kpaza

    4

    El- Hadji Agouda
    Soulé

    112

    Ex-Garde du
    corps de Ouro
    Issifou Ayéva

    11 Août 2006 à
    Sokodé

    5

    El- Hadji Batakpali
    Alkamatou Touré

    76

    Imam de la
    région centrale

    17 Août 2006 à
    Sokodé

    6

    El- Hadji Ouro-Nilé
    Alassane dit Tchalé

    76

    Cultivateur

    26 décembre
    2005 à Sokodé

    7

    El- Hadji Ouro-Nilé
    Yaya

    65

    Cultivateur

    27 décembre
    2005 à Kpaza

    8

    El-Hadji Mêmen
    Arouna

    79

    Cultivateur

    2 janvier 2006 à
    Sokodé

    9

    Ouro-Gbèlè
    Filératou

    102

    Ménagère

    31 décembre
    2005 à Sokodé

    10

    Ouro-Nilé Abdou
    Karim

    90

    Cultivateur

    27 décembre
    2005 à Kpaza

     
     
     
     
     

    83

    11

    Ouro-Nilé
    Abdoudermane

    64

    Cultivateur

    28 décembre
    2005 à Aléhéridè

    12

    Ouro-Nilé Ayouba

    62

    Tailleur

    28 décembre
    2005 à Aléhéridè

    13

    Ouro-Gaffo
    Badassa

    62

    Ex-secrétaire
    de OURO
    Issifou Ayéva

    11 août à Sokodé

    2006

    14

    Ouro-Touh Adam

    55

    Chef de
    Tchavadi

    14 août 2006 à
    Sokodé

    15

    Ouro-Sama
    Mouhamed

    65

    Notable du
    chef à Komah

    14 août 2006 à
    Sokodé

    16

    Ouro-Akpo Kassim

    54

    Chef de Yélivo

    16 août 2006 à
    Yélivo

    17

    Ouro-Doni
    Fousséni

    57

    Notable à
    Doubouyidè

    16 août 2006 à
    Doubouyidè

    18

    Ouro-Gbèlè
    Idrissou

    75

    Chef de Birini

    16 août 2006 à
    Birini

    19

    Ouro-Alidou Adam

    85

    Notable à
    Birirni

    16 août 2006 à
    Birini

    20

    Ouro-Agouda
    Oumorou

    87

    Notable à
    Kparatao

    17 août 2006 à
    Kparatao

    21

    Ouro-Agoro Bodjo

    58

    Chef du canton de Kpangalam

    18 août 2006 à
    Kpangalam

    22

    Ouro-Koura
    Botchou

    70

    Notable à
    Kpangalam

    18 août à
    kpangalam

    23

    Ouro-Sama Ali
    Tchassama

    49

    Régent de
    Kadambara

    19 août 2006 à
    Sokodé

     
     
     
     
     

    84

    24

    Ayéva Abdou
    Latifou

    68

    Régent de
    Komah

    14 août 2006 à
    Komah

    25

    Agodomou Adam

    82

    Chef du canton

    de

    Wassarabou

    14 août 2006 à
    Sokodé

    26

    Agodomou
    Moumouni

    80

    Notable à
    Kpangalam

    18 août 2006 à
    Kpangalam

    27

    Dermane Boukari

    77

    Ancien
    chauffeur

    14 août 2006 à
    Komah

    28

    Djobo Bivahi
    Mouhamadou

    95

    Notable à
    Kadambara

    16 août 2006 à
    Kadambara

    29

    Alpha Issa Saharou

    73

    cutivateur

    17 août 2006 à
    Sokodé

    30

    Tchagodomou
    Alilou

    67

    Ex-mécanicien
    des TP à
    Sokodé

    14 août 2006 à
    Sokodé

    31

    Tchagodomou
    Bouraïma

    75

    Notable à
    Kpangalam

    18 août 2006 à
    Kpangalam

    32

    Tchatikpi Issofa

    36

    Ex-Régent de
    Yélivo

    16 août 2006 à
    Yélivo

    33

    Tchakpidè Aziz

    57

    médecin

    17 août 2006 à
    Sokodé

    34

    Tchakpidè
    Mouhamadou

    55

    maçon

    17 août 2006 à
    Sokodé

    85

    1-1-2 Sources d'archives

    A. N .T. sous-série 2APA à Lomé

    Dossier 8 : Colonisation des terres par les Cabrais (Kabiyè et les Losso) sur la route Sokodé-Atakpamé (1927-1943).

    Dossier 42 : Fiche de renseignements des chefs de cantons et villages du cercle de Sokodé (1946-1960).

    Dossier 2 : Liste des chefs de cantons et de villages du cercle au moment de l'occupation du territoire par les troupes françaises (19141918).

    Dossier 1 : Monographie du cercle de Sokodé par le commandant de cercle, le capitaine Sicre, 1918.

    Dossier 4 : Rapport de tournée effectuée du 23 juillet au 2 Août 1926 dans les cantons de Korona-Berg ; Agoulou, Kéméni, Koumondè, Soudou et Bafilo par l'Adjoint au Commandant de Cercle, 1926.

    Dossier 52 : Rapports memnsuels des secrétaires de chefs de cantons de Koumondè, Paratao, Tchamba, Fazao, Kéméni, Kri-Kri, Sotouboua (1938 à 1958).

    2- BIBLIOGRAPHIE

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    91

    TABLE DES MATIERES

    Pages

    Sommaire I

    Dédicace II

    Remerciements III

    INTRODUCTION GENERALE 1
    Première partie : ORIGINE ET CADRE DE LA

    7

    CONSTITUTION DU ROYAUME

    Chapitre 1 : PRESENTATION GENERALE DU PAYS

    9

    TEM ET HISTOIRE DU PEUPLEMENT

    Introduction 9

    1 Présentation générale du pays tem 9

    1-1 Situation géographique 9

    1-2 Les traits géographiques dominants 10

    1-3 La pédologie 13

    1-4 La végétation 13

    1-5 La faune 13

    1-6 L'hydrographie 13

    2 Le peuplement du royaume 15

    2-1 Les premiers occupants avant l'arrivée des Mola--- 15

    2-2 L'origine du clan mola, fondateur du royaume 17

    2-2-1 La thèse de l'origine arabe 17

    2-2-2 La thèse de l'origine gourma 18

    2-3 Les autres clans tem 19

    2-4 Les clans migrants- 20

    Conclusion 21

    Chapitre 2 : LA CONSTITUTION DU ROYAUME 22

    Introduction 22

    1 De Tabalo à la naissance du royaume 22

    1-1 à l'installation des Mola 22

    1-2 Les causes de migration de Tabalo 23

    92

    1-2-1

     
     

    Les causes naturelles

    23

    1-2-2

     

    Les causes économiques

    24

    1-2-3

     

    Les causes démographiques

    24

    1-3

     

    L'occupation progressive et naissance du royaume

    25

    1-3-1

     

    L'occupation chronologique des sites

    26

    1-3-2

     

    Naissance et évolution du royaume

    28

    2

     

    Les pouvoirs en pays tem au temps précolonial

    29

    2-1

     

    Le pouvoir suprême du Tchaoudjo

    30

    2-2

     

    Le pouvoir des villages

    31

     
     

    Conclusion

    34

     

    Chapitre 3 : L'ORGANISATION SOCIO-POLITIQUE ET

     
     
     

    ECONOMIQUE DU ROYAUME

    35

     
     

    Introduction

    35

    1

     

    Structure socio-politique du royaume

    35

    1-1

     

    L'organisation sociale du royaume

    35

    1-2

     

    L'organisation politique du royaume

    37

    2

     

    L'économie du royaume

    39

    2-1

     

    L'agriculture

    39

    2-2

     

    L'élevage

    40

    2-3

     

    La forge

    40

    2-4

     

    L'artisanat

    42

    2-5

     

    Les échanges

    42

    2-5-1

     

    Les itinéraires commerciaux

    43

    2-5-2

     

    Les partenaires commerciaux

    44

    2-5-3

     

    Les produits échangés

    44

     
     

    Conclusion

    45

     
     

    Deuxième partie : LE TCHAOUDJO DE LA VEILLE

     
     
     

    DE LA CONQUETE AU CONTACT DES

     
     
     

    ALLEMANDS

    46

     
     

    Introduction

    47

    Chapitre 4 : MILITARISATION ET LES DIFFERENTS

    93

    CONFLITS DU ROYAUME 48

    Introduction 48

    1 Militarisation du royaume 48

    2 Les différents conflits du royaume 53

    2-1 Les conflits externes 53

    2-1-1 Le conflit Komah-Agoulou 54

    2-1-2 Le conflit contre les Anyanga 56

    2-1-3 Expédition militaire des sémassi à Alédjo Kadara 59

    2-2 Les conflits internes 61

    2-2-1 Le conflit entre Kparatao et Yélivo 61

    2-2-2 Les raids esclavagistes 62

    2-2-3 Le rôle de Adam Méatchi dans la montée en

    puissance du Tchaoudjo 64

    Conclusion 68

    Chapitre 5 : ROLE DU ROYAUME DANS LA CONQUÊTE ET LA STABILISATION DU POUVOIR

    COLONIAL ALLEMAND 69

    Introduction 69

    1 Histoire de la conquête allemande de l'hinterland 69

    1-1 L'histoire de la conquête du royaume 69

    1-2 L'impact de la présence allemande à Tchaoudjo 71

    2 Rôle des sémassi dans la conquête allemande de

    l'hinterland 74

    2-1 La police coloniale « Die Polizeitruppe » 74

    2-2 Les expéditions militaires dans l'hinterland (1896-

    1898) 76

    2-2-1 L'incident de Tassi (6 mars 1896) 76

    2-2-2 Soumission des peuples kabiyè 77

    2-2-3 L'attaque du pays losso 78

    CONCLUSION GENERALE 80

    SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 82

    94

    TABLE DES MATIERES 91

    ANNEXES 95

    95

    ANNEXES

    96






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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe