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Les violences faites aux femmes dans la ville de Kaolack au Sénégal

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par Djelia LY
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2011
  

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INTRODUCTION

Avec les bouleversements de la révolution du XIX eme siècle, de nouvelles idéologies sont nées déclenchant ainsi une lutte perpétuelle pour la reconnaissance et le respect des droits humains. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des Peuples de 1879 sonne l'alarme et octroie plus de liberté à la personne. Dans toutes les sociétés ce processus a permis de défendre des causes politiques, sociales, économiques, raciales et culturelles.Le statut de la femme préoccupe dès lors les mouvements féminins et les institutions tant nationales qu'internationales qui mettent en place des stratégies pour améliorer sa condition. Cette situation pousse les Etats à adopter de nouvelles politiques de développement tenant compte de la cible féminine jusque-là délaissée.En 1945, l'égalité des femmes et des hommes est admise en tant que principe fondamental de la personne à travers l'adoption générale de la charte des Nations Unies.De la conférence de Mexico en 1975 sur « le statut des femmes »,coïncidant avec la décennie des femmes, une série de conférences mondiales est organisée par l'ONU : celle de Copenhague en 1980 sur « égalité développement et paix », celle de Nairobie en 1985 chargée d'évaluer les résultats de la décennie des Nations Unies pour la femme, celle de Rio en 1992 sur « l'environnement et le développement », celle de Vienne 1993 sur « les droits de l'homme », celle de Caire en 1994 sur « la population et le développement » et par la suite celles de Beijing, AddisAbéba, Dakar, New York viendront approfondir les analyses et pousser la réflexion, toujours avec des éclairages plus pointus, des propositions mieux articulées et des engagements de plus en plus éclairés et argumentés des Etats et gouvernements. La rencontre Beijing + 10 notera des avancées appréciables, mais surtout relèvera des manques notoires qui font que les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) planifiés pour l'horizon 2015, ont peu de chances d'être atteints surtout en Afrique.

Après ces années de réformes et de grandes conférences, la communauté internationale s'est dotée de tout un appareil de conventions internationales et des plans d'actions en faveurs de l'égalité entre hommes et femmes.Au Sénégal avec la ratification et l'adhésion du pays à la CEDAW1(*), la CDE, les Conventions et Traités de l'OIT, la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples d'Arusha et son Protocole Additifs Relatif aux Droits des Femmes, la Déclaration des Chefs d'Etats et de Gouvernements Africains sur la Parité à tous les postes Electifs et Nominatif, la Structuration de la Commission Africaine, les Textes de la CEDEAO et le fait que Dakar abrite le Centre de la CEDEAO pour le Développement du Genre (CCDG), l'adoption de la SNEEG , font que les questions relevant de la marginalisation et de l'exclusion ne doivent plus être posées en termes de manques mais plutôt en termes de droits à réaliser pour l'Equité, l'Egalité de Chances et l'Egalité de Traitement entre les sexes.
D'ailleurs la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW/CEDEF) adoptée en 1979 est ratifiée par le Sénégal le 5 février 1985 et son Protocole Additionnel ratifié en 2000 dont l'article 15.2  relatif à l'égalité des femmes et des hommes. L'égalité et l'équité genre a été inscrite dans la constitution2(*)du Sénégal en 2001. Pour permettre aux autorités de réaffirmer ces engagements à construire un Sénégal sans discriminationentre les sexes, la Stratégie nationale pour l'Egalité et l'Equité de Genre (SNEEG) a été élaborée pour la période 2005-2015.Dans le cadre de la mise en oeuvre du plan décennal de développement familial et social, des réformes sont mises en place par le gouvernement du Sénégal pour appuyer la promotion de la femme à travers la création d'une Direction Nationale de l'Equité et de l'Egalité de Genre, d'un Observatoire des Droits de la Femme et de l'Enfant et d'outils de suivi comme l'IDISA et d'autres indicateurs.

Le Sénégal comme beaucoup de pays Africains a ratifié des traités, signé des conventions, élaboré des chartes et même procédé à des réformes constitutionnelles visant à améliorer le statut de la femme.3(*)Cette période a aussi été marquée par l'émergence d'une masse critique de femmes sur les questions relatives à la condition féminine.Ainsi sont nées plusieurs organisations de femmes oeuvrant pour la promotion féminine. Les tendances du mouvement féministe remontent avant les indépendances, mais c'est avec le mouvement « yéwwu-yéwwi4(*) » vers les années 80 que le débat a été véritablement ouvert mais, traité de radicale, ce mouvement ne dura pas.Cependant, cette lutte continue permet quelques avancées. Le 03 Mai 2010, la loi sur la parité est votéepar l'assemblée nationale du Sénégal, même si son application n'est pas encore effective. Des améliorations sont perçues au Sénégal : des femmes ont été promues à des postes de responsabilité, beaucoup de projets et programmes publiques et privés tiennent particulièrement compte de leurs préoccupations et la tendance à trouver des solutions à leurs problèmes continue de susciter aujourd'hui des réflexions poussées et la création de mouvements autour de ce sujet. Cependant comme l'attestent les rapports5(*) sur la situation de la femme sénégalaise, ces acquis semblent dissimuler une réalité autre, marquée par leur sous représentativité dans la plupart des instances de prise de décision, leur difficile accès aux ressources, leurs problèmes de santé, de scolarisation et une persistance de la violence qu'elles subissent au quotidien.

Pour pallier à cela, depuis la décennie des femmes instituée en Décembre 1972 par l'Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 3010 et proclamée en 1975, la période 1976-1985 ainsi que le 08 Mars retenue comme Journée Internationale de la Femme, la lutte contre la pauvreté a pris essentiellement en considération les problèmes de la femme à travers différentes approches dont l'IFD (intégration des femmes dans le développement), la FED (femmes et le développement) et le GED (genre et développement). Le concept Genre est donc apparu dans ce contexte, vers les années 1990 après des recherches menées en vue de pallier aux inégalités observées entre les Hommes pour accéder au développement. La rupture opérée par l'approche genre montre que le déséquilibre noté entre les hommes et les femmes ne résidait pas chez l'un d'eux mais dans leurs relations. Il faudrait alors pour améliorer la condition de la femme redresser ces rapports inégaux entre elles et les hommes. Le genre tente donc une analyse de la société dans sa totalité en analysant la capacité de chacun.Etant donné qu'en Afrique le patriarcat prédomine au sein des communautés et influence les valeurs et les croyances, il sied de s'interroger sur les déterminantes psychosociologiques qui structurent les rapports entre les hommes et les femmes. La construction sociale des rapports entre les hommes et les femmes dans la société a été l'objet de nombreuses interrogations à travers le concept de genre.Des chercheurs s'intéressent de plus en plus à ce concept sociologique qui jette un regard analytique sur les rapports entre les diverses catégories sociales, notamment entre les hommes et les femmes. A ce titre,Fatou SARR SOW6(*), conçoit que «  Introduire l'analyse genre dans les sciences sociales, c'est s'interroger à la fois sur les statuts et les rôles des femmes et des hommes dans la stratification sociale, sur l'impact des rapports sociaux de sexe ou de genre sur les situations qui concernent l'individu ou le groupe ; c'est s'interroger sur les manières dont les statuts et les rôles par l'appartenance à un sexe donné ».Ainsi, le genre en s'intéressant aux relations homme/femme et aux inégalités observées dans ces relations souvent caractérisées par des rapports de pouvoir, de subordination d'une catégorie sur l'autre, s'inquiète nécessairement des violences faites aux femmes. 

Dans la région de Kaolack située au centre du Sénégal, ces violences y sont depuis un certain temps de plus en plus nombreuses.Nous ne disposons pas de statistiques fiables qui informent sur le nombre de femmes victimes de violences dans cette zone, mais devant la fréquence des cas de violences faites aux femmes, le Groupe de Recherche sur les Femmes et les Lois GREFELS avait mené une première recherche sur le thème à Dakar et Kaolack. En2000, l'unité Promotion des Droits des Femmes (PDPF) du Centre Canadien de Coopération Internationale (CECI) a mené une deuxième étude sur les violences conjugales dans ces deux régions. Ces études et les actions menées par les ONG montrent une effectivité et une recrudescence de ces violences dans la région de Kaolack. Mais c'est surtout à travers la presse que de nombreux cas de violences ont été dénoncés dans cette zone. La couverture de la presse écrite sur les violences à l'égard des femmes a connu une amélioration depuis quelque temps. C'est surtout vers la fin de l'année 1994 avec l'affaire DOKI NIASS dans la région de Kaolack que la presse a commencé à vraiment s'intéresser à ce phénomène. Notons aussi que les jugements en 1996 du cas DOKI NIASS, de l'assassinat de ASTOU MBENGUE, des cas de viols collectifs à Dalifort, Saint- Louis et Ngor et d'autres formes de violences ont été à l'origine de beaucoup d'articles sur ce thème. De par son ampleur et sa persistance dans la société, ce phénomène soulève des interrogations qui nécessitent des analyses pluridisciplinaires. L'analyse crédible du phénomène nécessite que soient convoqués les aspects sociaux, juridiques, psychologiques, anthropologiques, démographiques et même cliniques des violences faites aux femmes.

Nous nous sommes donc investis à rechercher les éléments sociaux explicatifs du phénomène sans occulter l'importance des autres aspects.Notre cadre d'étude, le Point d'écoute de l'ONG APROFES (Association pour la Promotion de la Femme Sénégalaise) de Kaolack, reçoit chaque jour des cas de violences de toutes sortes. Nous mènerons notre étude sur les cas traités par cette ONG.

Nous avons tenté d'analyser les causes de ces violences en rapport avec le genre donc la construction des rapports sociaux de sexe.

Nous présentons dans la première partie le cadre théorique et méthodologique de cette recherche.

La seconde partie est le cadre d'analyse, nous montrons le cadre d'étude et l'analyse des données recueillies à travers nos recherches.

PREMIERE PARTIE : CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE

I.1. ETAT DES CONNAISSANCES

Les études qui existentne traitent passpécifiquement du rapport entre le genre et lesviolences faites aux femmes. Celles que nous avons consultées portent soit sur le genre ou sur les violences faites aux femmes. Un certainnombre d'ouvrages traitant du genre a été consulté. Pour les violences faites aux femmes un nombre assez limité de recherche a été mené au Sénégal et il n'existe pas encore d'étude nationale sur ce phénomène. De ce fait des textes internationaux et nationaux ont été consultés. Ces textes nous renseignent en fait sur l'évidence des pratiques de violences sur les femmes au Sénégal, les lois sur ces violences et les actions entreprises par le Sénégal pour la protection des femmes en général.

Maryse Jaspart, (2005) fait l'analyse sociologique du phénomène de violences faites aux femmes dans un ouvrage du même thème7(*).Directrice scientifique de la première enquête statistique sur le sujet, elle se réfère à l'enquête ENVEFF (Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France) pour répondre à la plupart des questions sur les violences faites aux femmes. La prise en compte d'untel phénomène en France est suscitée par un contexte ou l'émergence d'un concept sociopolitique international s'engage à éliminer les discriminations à l'égard de femmes. Les actions menées pour cela allant des réformes juridiques à l'aide aux victimes et prévention et en 2000 à l'enquête ENVEFF donne à ce phénomène une reconnaissance institutionnelle jusque là inconnue. L'enquête révèle surtout que les formes de violence les plus répandues en France en 2000 sont les agressions verbales et les pressions psychologiques et que le huis clos familial demeure le principal cadre des violences les plus graves. Un accent particulier est mis sur les violences conjugales en France. Ses formes sont multiples : propos blessants, paroles injurieuses, autoritarisme paternaliste, condescendant ou tyrannique, contrôle, reproches et réprimandes, humiliations, jalousie maladive, dénigrement, dévalorisation, cris, menaces, brutalités physiques et sexuelles etc. Bien souvent le comportement du violent qui selon les analyses recentre sur un seul type d'auteur le conjoint ou le concubin est fondé sur l'accumulation d'actes, des paroles de geste en apparence sans gravité. La violence sexuelle toujours en rapport avec la sexualité de l'agresseur et de l'agressé concerne dans l'analyse sociologique des formes moins graves comme les atteintes sexuelles et des formes les plus graves telles que les agressions sexuelles, les tentatives de viol et les viols, le harcèlement sexuel.

Maryse Jaspart fait aussi état de la prise en compte des violences au plan international et de sa situation différente dans d'autres pays.L'auteure en s'appuyant sur l'enquête ENVEFF expose la situation des violences contre les femmes en France en 2000,mais surtout une profonde analyse sociologique du concept de violence dans divers aspects.Cependant les résultats de l'étude portent spécifiquement sur la France alors que le phénomène ne se produit pas forcément partout de la même manière.

AyeshaM.Imam,FatouSowSarr, Amima Mama(2004)ont traité dans un ouvrage collectif (Sexe, genre et société : Engendrer les sciences sociales en Afrique) et dans une approche pluridisciplinaire, de l'analyse genre et des sciences sociales en Afrique.8(*)Les éclairages apportés surl'analyse de genre internationale puis africaine et l'histoire de leur émergence, les concepts de rapports sociaux de sexe, de rôles sexués et sur les courants théoriques (le féminisme)fournissent dés le débutde leur analyse, une définition de ces concepts clés.Par une nette rupturel'ouvrage fait en générale une critique sexuée des sciences socialesdominantes. Se basant sur l'analyse genre, les études féminines et la recherche féministe ils critiquent ainsi et remettent en cause les sciences sociales dominantes. La plupart des chapitres de cette publication critiquent la théorie et la pratique des sciences sociales. Ils montrent ainsi par quels mécanismes la plupart des sciences sociales ignorent et marginalisent l'apport des femmes à la société et aident à les inférioriser et à les assujettir par le fait de produire des connaissances sexistes qui légitiment la domination de l'homme.

Les auteurs suggèrent ainsi l'incorporation de la dimension genre dans le courant dominant de la théorie sociale. Ils adoptent une approche qui reconnaît l'importance des rapports sociaux de sexe. Ils considèrent que toute science sociale qui ne reconnaît pas ces rapports comme catégorie analytique est une science appauvrie et dénaturée et ne peut pas dans ce cas expliquer les réalités sociales. Ainsi ces auteurs ne se limitent pas seulement aux critiques, ils suggèrent une analyse qui intègre les rapports sociaux de sexe dans les sciences sociales Africaines. C'est ce qu'ils appliquent d'ailleurs dans cet ouvrage à propos de quelques sciences sociales telles que l'histoire, la géographie, l'économie etc.

Cette étude a le mérite de proposer une nouvelle approche basée sur l'analyse genre adaptée presque à toutes les sciences sociales. Ceci a son importance dans le sens où le genre a été pensé au début des années 1990 pour pallier aux inégalités sociales et comme un moyen d'accéder au développement.

Dans le sens où notre étude propose une analyse genre des violences faites aux femmes cet ouvrage ne peut manquer d'être une référence.

Cependant l'ouvrage se limite à la critique des sciences sociales existantes et propose une analyse de quelques sciences sociales. Il aurait plus de mérite en adoptant cette analyse sur les principaux problèmes auxquels les femmes sont confrontées. Ceci nous aurait permis d'avoir une esquisse de solutions sur les violences faites aux femmes qui nous intéressent présentement.

Pierre Bourdieu (1998)dans son ouvrage intitulé (La domination masculine), fait une étude sociologique des rapports sociaux de sexe et tente d'expliquer les causes de la permanence de la domination des hommes sur les femmes dans toutes les sociétés humaines. Il s'interroge sur la permanence de la domination masculine. En mettant cela en évidence il base son étude sur une ethnographie menée auprès des Berbères de Kabylie une société entièrement construite autour de l'homme archétype d'une culture méditerranéenne. La pensée relative à la différence des sexes y est profondément enracinée permettant ainsi de dégager les structures symboliques qui perpétuent la domination de l'homme. Cet inconscientandrocentique  qui réside chez les hommes et les femmes doit selon l'auteur être dissout et exploré car c'est à l'intérieur de lui que se trouvent les structures symboliques qui légitiment cette domination.

Pierre Bourdieu pense que cette domination masculine s'entend par un habitus donnant aux femmes et aux hommes un rôle prédéterminé. Une culture différenciatrice entre les sexes est imposée par la société, notamment via la famille (les filles sont moins encouragées à suivre les études scientifiques que les garçons, par exemple). Il en résulte une dissymétrie dans l'enseignement supérieur, entre les études littéraires et linguistiques, où la population étudiante est fortement féminisée, et les études techniques et scientifique

La domination masculine tente notamment de se perpétuer par un processus de dé historicisation. Tout au long de son oeuvre, Pierre Bourdieu s'est attaché à décrire les rapports de domination qui s'exercent entre les individus dans tous les domaines de la société. Selon sa théorie, les dominants (groupes sociaux, ethnies, sexes) imposent leurs valeurs aux dominés qui, en les intériorisant, deviennent les artisans de leur propre domination. C'est à partir de cette grille de lecture qu'il analyse les ressorts de la domination masculine.

Cet ouvrage de Bourdieu revêt une grande importance pour notre étude en ce sens qu'il met en évidence les fondements sociologiques de la domination de l'homme sur la femme. Même si l'étude porte sur la civilisation traditionnelle des Kabyles, l'entendement qu'il a des catégories sociales de sexes arbore des caractéristiques universelles.

Cependant force est de constater que cette étudeaborde surtout les causes de la domination masculine. Cette domination étant présente dans toutes les sociétés, il aurait pu aborder les problèmes engendrés par cette domination masculinecomme les violences.

Les travaux de Fatoumata Bintou Kebe (2004) sur (La violence conjugale au Point d'écoute de l'APROFES KAOLACK)nous intéressent particulièrement. C'est la seule recherche effectuée sur notre site à savoir le point d'écoute de l'APROFES Kaolack. Fatoumata. B. Kebe traite des violences conjugales exercées sur les femmes âgées de 18 à 35 ans qui fréquentent le Point d'écoute de l'APROFES. L'étudese penche sur les causes réelles des violences conjugales et sur les stratégies d'intervention de l'APROFES dans la prise en charge des victimes. Parmi les causes évoquées dans la présentation des résultats, on retrouve notamment : le défaut d'entretien (30%), la jalousie (20%) et l'incompatibilité (20%) d'humeur. Cette recherche a le mérite d'explorer un type de violence très courant dans la région de Kaolack et d'en évoquer les causes. Cependant la recherche s'est plus employée à développer les activités de l'ONG APROFES. Elle aurait pu s'appesantir sur les actions du Point d'écoute et sur les causes des violences conjugales.

Des études non moins importantes sur la situation de femmes Sénégalaises ont aussi attirés notre attention. Il s'agit de deux études du WILDAF, celle de Jacqueline CABRAL NDIONE et une autre du GREFFELS.

L'étude de Jacqueline CABRAL NDIONE (2000) qui porte sur (Les violences conjugales dans les réions de Dakar et de Kaolack)traite spécifiquement des types de violences conjugales9(*).C'est une étude du CECI (Centre d'Etudes Canadien et de Coopération Internationale) et de la PDPF (Promotion des Droits et Renforcement du Pouvoir des Femmes) en partenariat avec l'ACDI a pour objectif d'estimer l'ampleur et les causes des violences conjugales dans les régions de Dakar et Kaolack et d'identifier des moyens pour lutter contre ce phénomène.L'auteur élabore en premier lieu une typologie des violences conjugales dans ces deux régions et révèle que les violences conjugales sont très connues par la population cible à savoir les régions de Dakar et Kaolack, (95%) des enquêtés estiment les connaître. Les formes de violences conjugales, leurs causes, conséquences, fréquences et les partenaires qui interviennent dans ce domaine sont aussi bien maîtrisés par grande majorité des enquêtés. L'étude s'est aussi intéressée sur l'impact que les croyances socioculturelles pouvaient avoir sur ces violences, (49%) pensent que ces croyances socioculturelles incitent à la violence eu sein du couple. Par rapport à l'action judiciaire, l'étude montre que seulement (22%) des victimes en ont eu recours et même parmi les femmes enquêtées qui n'ont jamais subi de violences (66%) projettent de recourir à la réconciliation et seulement (26%) pour l'action judiciaire.

Cette recherche a aussi établi une typologie des violences conjugales, les causes des violences, les réactions face aux violences, les opinions sur les violences, les conséquences des violences, et les stratégies de lutte.Cette étude nous intéresse surtout en se sens que c'est la seule étude qui existe sur les violences faites aux femmes à Kaolack, cible de notre étude. Il ne peut manquer d'être une référence pour nous même s'il ne traite que d'une seule forme de violence à savoir la violence conjugale

Le GREFELS(1997) a aussi mené une étude nationale sur (Les violences à l'encontre des femmes)10(*).En l'absence d'enquêtes nationales sur les violences contre les femmes au Sénégal, le GREFELS avait comme objectif de recueillir des données plus substantielles sur cette question. L'étude concerne la violence physique, sexuelle et psychologique et a été menée dans les zones urbaines de Dakar et de Kaolack. Elle traite de l'effectivité des violences faites aux femmes au Sénégal. Cependant elle ne nous renseigne que très peu sur ce phénomène dans la région de Kaolack.

Un document de WILDAF/FEDDAF Sénégal (2002) traitant de la non violence au Sénégalnous a aussi intéressée.Ce document constitue un module élaboré par WILDAF/FEDDAF afin d'apporter aux acteurs judiciaires et extrajudiciaires une assistance en informations et en habiletés dans le but de les aider à lutter plus efficacement contre les violences faites aux femmes.Il fait partie du projet de WILDAF/FEDDAF sur l'amélioration de l'effectivité des droits des femmes dans certains pays de l'Afrique de l'Ouest (Bénin, Burkina Faso, Mali, Sénégal, Togo, Nigeria et Ghana).Son objectif général consiste à informer les groupes cibles impliqués dans la mise en oeuvre des droits des femmes, les différents types de violences à l'égard des femmes et les amener à combattre ces violences.Une partie du document présente les actions entreprises par le gouvernement du Sénégal pour la lutte contre les violences faites aux femmes par le vote de la loi du 29 janvier 1999, et la signature de conventions visant à protéger les femmes en général et à combattre toutes violences dirigées contre elles.Selon les auteurs du module, si sur le plan législatif et quantitatif il y a eu de réel progrès, des difficultés existent en ce qui concerne la connaissance des textes et de la répression des violences contre les femmes.

En outre, en l'absence de données statistiques fiables, seule l'observation de la réalité judiciaire qui alimente la presse, permet une bonne connaissance du phénomène.

Une partie du document présente aussi les textes internationaux prohibant les violences faites aux femmes auxquels le Sénégal a adhérés et les textes nationaux sanctionnant également les violences faites aux femmes. 

Un autre document de WiLDAF/FeDDAF- AFRIQUE DE L'OUEST (2004) trace et relate sous forme d'articles la situation des femmes du Sénégal.L'article présente le cadre juridique dans lequel s'exercent les droits des femmes civils, économiques et sociaux des femmes. Il présente aussi les lois nationales touchant les droits des femmes, les textes existants et les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits des femmes auxquels le Sénégal est partie prenante ou a ratifié. Une partie de l'article examine la situation effective des droits des femmes au Sénégal et révèle des aspects négatifs tels que les mariages forcés dans certaines régions du Sénégal (Nord), les mutilations génitales des filles, la violence conjugale tolérée socialement et la répudiation des femmes.Le dernier point abordé porte sur la femme Sénégalaise et l'outil juridique. Il estime que dans la société traditionnelle Sénégalaise, la femme était reléguée au second rang. En ces temps elle occupait le même titre que les biens mobiliers et les animaux. Cette situation a longtemps empêché à la femme d'accéder au statut officiel, même avec l'introduction de l'islam elle demeurait toujours sous la domination de l'homme.

Devant l'insuffisance de documents sur les violences faites aux femmes au Sénégal, nous nous sommes intéressés à quelques conventions internationales et lois traitant de ce sujet.

Le Protocole11(*) à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes de (Maputo 2003) consacre une partie à la violence faite aux femmes. Ce Protocole de l'Union Africaine complète la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et protège spécifiquement les droits fondamentaux des femmes. Adopté le 11 juillet 2003 à Maputo, il exhorte les gouvernements africains à lutter contre toute forme de discrimination et de violence à l'encontre des femmes en Afrique .Il les engage aussi à inclure dans leurs constitutions nationales et autres textes législatifs les principes d'égalité entre hommes et femmes et la notion de discrimination fondée sur le sexe.

Les Etats présents à la signature du protocole dont le Sénégal, sont convenus d'oeuvrer à l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes dans toutes ses formes et des pratiques néfastes et se sont engagés dans les articles 2 et 5 à prendre toutes les dispositions nécessaires allant dans ce sens.

Ils reconnaissent que toute femme a droit à la dignité, à la vie, à l'intégrité et la sécurité. Les Etats se doivent donc d'adopter et d'appuyer les lois réprimant les violences faites aux femmes, de promouvoir la paix, la sécurité et l'épanouissement de la femme comme évoqué ici « Les états combattent la discrimination à l'égard des femmes, sous toutes ses formes, en adoptant les mesures appropriées aux plans législatifs, institutionnels et autre »12(*)

Le Protocole engage les Etats à assurer et à veiller au respect des droits des femmes relatif à la paix, à l'éducation et à la formation, à la protection sociale, à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction par les femmes ;à la sécurité alimentaire, à un habitat adéquat, à un environnement sain et viable et à un développement durable. Il demande aux Etats d'assurer une protection spéciale à une catégorie de femmes considérées comme vulnérables à savoir la veuve, les femmes âgées les femmes handicapées, celles en situation de détresse et leurs droits à la succession. Les Etats doivent garantir en outre une réparation à toute femme dont les droits et libertés ont été violés. La réparation est déterminée par une autorité compétente.

Le Journal officiel13(*) de la République du Sénégal (1999) par la loi 99-05 du 29 janvier 1999 porte sur un certains nombre de réformes apportées au droit pénal et à la procédure pénale14(*) dans le souci de sauvegarder et de renforcer les droits de la défense et les principes de liberté, d'une part et d'autre part de renforcer les droits de la victime et de protéger les groupes vulnérables.Dans l'objectif de réprimer les violences faites aux femmes et aux enfants, les articles 4, 80, 238,239, 240,294, 297, 299, 320 et 379 du code pénal ont été modifiés.

Ces articles modifiés traitent des violences telles que les coups et blessures, les mutilations génitales féminines, l'harcèlement sexuel, la pédophilie, le viol, la violence conjugale.

Cette loi traite des violences auxquelles les femmes sont le plus souvent confrontées au Sénégal et sur les peines encourues par les auteurs de tels actes. L'Article 320 par exemple définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuel de quelque nature qu'il soit sur une autre personne par violence, contrainte, menace ou surprise » 15(*)et punit son auteur d'un emprisonnement de cinq à dix ans. Si le viol a entraîné une mutilation, une infirmité permanente ou si l'infraction a été commise par séquestration ou par plusieurs personnes, la peine sera doublée. La peine prononcée contre les auteurs de violences tels que le viol, la mutilation génitale féminine, de violences conjugales, de coups et blessures ou d'autres violences de faits est alourdie si la victime est une personne de sexe féminin et si l'infraction a causé la mort ou bien a occasionné une maladie ou une incapacité de travail.

D'autres textes de loi ou conventions, chartes pourraient s'ajouter à cette liste. Nous citerons au niveau national : le code de la famille adopté en 1972, le code du travail, le code de la sécurité sociale et la Constitution adoptée sous l'ère de l'alternance par référendum de 07 janvier 2001.

Au niveau international les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits des femmes auxquels le Sénégal est partie prenante ou a ratifié qui sont : la Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes (1985) CEDEF, la convention no 156 de 1981 de l'organisation internationale du travail, la Déclaration des Nations Unies sur l'élimination des violences à l'égard des femmes.

Ces données nous renseignent suffisamment sur l'existence et la persistance des violences faites aux femmes au Sénégal, les engagements pris par le gouvernement du Sénégal pour lutter contre ce phénomène et l'existence de lois réprimant de tels actes.

De manière générale, le Sénégal a ratifié toutes les conventions favorables au statut de la femme. Il se pose un problème d'effectivité de ces conventions jusque-là peu connues et comprises du public.

Cependant les données sur la question sont parcellaires, elles n'utilisent pas toutes l'analyse genre et surtout elles ne fournissent pas toutes des données statistiques.

I.2. PROBLEMATIQUE

La généralisation des constats sur la situation des violences faitesaux femmes dans le monde a amené les associations féminines et l'opinion internationale à se pencher sur la question.Ce phénomène socialreste fréquent et suscite de plus en plus des observations.Le prix Nobel d'économie « Amartya Sen »de 1990 note qu'il manque prés de 100 millions de femmes et filles dans le monde. Ce qui constitue une inégalité démographique du au fait que des millions de bébés et foetus de sexe féminin sont supprimés chaque année en raison de leur moindre valeur supposée et de la préférence culturelle et sociale accordée dans certaines cultures.16(*)Selon une étude mondiale du Fonds des Nations Unies pour l'Enfance UNICEF publié en Aout 2006, dans le monde, une femme sur trois a été violée, battue, ou victime d'une forme ou d'une autre de mauvais traitement au moins une fois dans sa vie. Dans certains pays, la violence domestique est la cause principale de la mort ou de l'atteinte à la santé des femmes entre 16 et 44 ans. 17(*)

Ce contexte a poussé la communauté internationale à élaborer des politiques visant à améliorer la condition de vie de la femme, notamment par la protection et le renforcement de ses droits.C'est l'occasion de faire le point sur le problème des femmes et de proposer des pistes et solutions pour leur prise en compte effective dans tous les actes des Etats, Institutions Internationales et Organisations de la Société Civile. Ainsi en 1979 en continuation des promesses et perspectives de Mexico fut adoptée la Convention sur l'Elimination de Toutes les Formes de Discrimination à l'Egard des Femmes (CEDEF/CEDAW).

Au Sénégal comme dans beaucoup de pays africains, l'on s'inquiète aussi sur le phénomène.

Le Sénégal a ratifié la plupart des chartes, traités, protocoles et conventions relatives aux violences faites aux femmes.Sur le plan législatif l'on note même une certaine amélioration suite au vote de la loi de la loi 06-99 de 1999 qui modifie le code pénal en aggravant les peines encourues par les auteurs de violences à l'encontre des femmes et des filles.

Malgré ces efforts opérés sur le plan international et national pour la protection des droits des femmes, la situation des femmes restent dans la réalité presque inchangée.Les Nations Unies confirmeront d'ailleurs toute la précarité de la situation sociale des femmes sénégalaises, de leurs positions politiques comme  dépourvues de leurs droits à la citoyenneté et à une vie digne de ce nom. Cecia amené les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l'homme à mentionner les principaux problèmes des femmes dans leurs rapports, dont des faits de violences subies par les femmes sénégalaises.Le rapport de la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies en 2002 en relatant les acquis dans le cadre de la législation du gouvernement sénégalais allant dans le sens de lutter contre les violences faites aux femmes ne manque pas de s'inquiéter.La Rapporteuse Spéciale évoquant les points qui l'inquiète le plus, remarque en effet que malgré les garanties constitutionnelles dont bénéficient les femmes, l'existenced'une forte discrimination surtout en milieu rural, la violence au foyer persiste, le manque de législation qui prévoit des mesures de protection pour celles qui sont victimes de violence et la persistance de la mutilation génitale au Sénégal.18(*)

Un autre rapport, celui du Comité des Droits Economiques Sociaux et Culturels des Nations Unies (2001) considère que l'Etat pratiquementn'a pas progressé dans la lutte des pratiques discriminatoires à l'égard des filles et des femmes.Il estime que le Sénégal n'a pas pris des mesures pour combattre les discriminations à l'égard des femmes concernant l'accès à l'emploi et est d'autant préoccupé par le fait que les mutilations sont toujours pratiquées dans l'impunité, dans certaines régions du Sénégal malgré les lois qui l'interdisent.

Ce comité constate surtout une absence de mesures réelles prises pour éliminer toutes les formes de violence contre les femmes mais aussi pour faire appliquer les lois en vigueur.

Suite à ces observations l'OMCT recommande au gouvernement du Sénégal de mettre en oeuvre des politiques visant à lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes.

Les rapports et études révèlent que ce phénomène persiste dans la société et sous des formes diverses : physiques, verbales, morales, économiques, psychologiques etc.

Les actions menées par les associations féminines ont permis de lever le tabou qui entourait ce phénomène. Ainsi l'opinion publique devient de plus en plus consciente de la gravité des violences faites aux femmes depuis la mobilisation de ces associations féminines sur les affaires DOKI NIASS, ASTOU MBENGUE, A.S. de Kaolack, Caty Gaye, FamaNiane, etc.

Même si un manque est observé dans la documentation sur le thème, des cas de violence sont fréquemment cité par les médias.

Dans la commune de Kaolack, depuis l'affaire DOKI NIASS19(*), une jeune femme enceinte battue à mort par son mari en 1993 et la récente affaire de KATY GAYE en 2007, les cas de violences continuent de défrayer la chronique. Ce qui a certainement poussé des organisations de la région de Kaolack regroupées sous le Forum d'Initiative Citoyenne des Femmes Leaders de la Région de Kaolack à faire une déclaration en 2009 pour attirer l'attention sur la gravité du phénomène.« Le point d'écoute de l'APROFES a enregistré durant l'année 2008, 184 cas de violences dont les violences conjugales et viols sont les plus nombreux. Et de plus en plus au niveau de la région, certaines violences se soldent par des meurtres. Les péripéties rocambolesques du meurtre de la jeune lycéenne Katy GUEYE, le 17 Octobre 2008 à Ngane Alassane dans la banlieue Nord-Est de la commune de Kaolack, met sur les feux de la rampe ce type de violence odieuse, sans occulter, les violences sociales, économiques, culturelles, morales, voire psychiques ».20(*)

Mais force est de constater que seuls quelques cas de violences sont cités ou dénoncés tels que les meurtres, les viols, et quelques cas de violences physiques. Or, si nous nous en tenons aux textes et à l'acceptation du terme violence, il existe plusieurs sortes de violences infligées aux femmes.Au sens courant, la violence est caractérisée par l'usage de la force physique (brutalité, crime, etc.), ou mentale (harcèlement, violence psychologique ou verbale) afin d'imposer sa propre volonté contre celle d'autrui. L'enquête ENVEFF menée en 2000 en France sous la directiondu professeur Maryse Jaspart la définit d'abord en référence à (Gavert 1968) qui convoque la notion d'atteinte à la personne par« les actes violents, quels qu'en soient la nature et les protagonistes , sont une atteinte àl'intégrité physique et psychique de la personne »21(*), ensuite par sa définition qui voit le phénomène comme « La violence est fondée sur un rapport de force ou de domination qui s'exerce par les brutalités physiques ou mentales entre au moins deux personnes. Il s'agit d'imposer sa volonté à l'autre, de la dominer, au besoin en l'humiliant, en le dévalorisant, le harcelant jusqu'à sa capitulation ou sa soumission »22(*)

Harona SY (2006) essaie aussi de donner une définition de la violenceétant exercée spécifiquement sur la femme mais en rapport avec le genre , il le conçoit comme « Toute action qui s'exerce sur la personne de la femme en tant que cible spécifique produisant chez elle une douleur et/ou préjudice physique et/ou moraux. Selon le type d'effet produit l'action violente exercée soit par un individu singulier, soit de manière collective ne s'exprime pas toujours par la force physique. » 23(*)

Les violences sont donc multiformes et beaucoup de facteurs entre en jeu quant il faut l'expliquer, la décrire ou en dégager les causes. Car lorsqu'il s'agit d'une cible particulière comme la femme, l'homme, les enfants, une ethnie, un peuple ; une analyse spécifique s'impose.AwaThiam(1978) auteure de La Parole au Négresses24(*) met d'ailleurs en exergue plusieurs sortes de violences dont les femmes sont confrontées. Elle montre que la femme a toujours était l'objet de différentes sortes de violences dans la société Africaine et Sénégalaise. Sa description de la vie des femmes met en exergue les oppressions et exploitations que le système patriarcat leur fait subir en tant que sexe, tant au niveau du couple qu'au niveau de l'organisation du travail.

Le fait est que la violence infligée spécifiquement aux femmes s'accentue de plus en plus dans la société sénégalaise notamment dans la commune de Kaolack. Elle revêt plusieurs formes. Cependant l'attention est plus attirée sur une de ses formes ; les meurtres et les brutalités. Or analyser ce phénomène dans sa totalité et en sortir les causes requiert une observation générale et beaucoup d'interrogations sur:

-Le statut de la femme et les rôles qui lui sont confinés, la place qu'elle occupe dans la société Sénégalaise en général

-La construction des rapports sociaux de sexe notamment les facteursqui interagissent dans l'encrage de cette construction tels que la culture, les valeurs, la religion, le patriarcat et les croyances de la société Sénégalaise.

-Dans l'exercice de ces violences, les responsabilités qui incombent à la femme violentée et à l'homme avec qui elle partage la société.

Nous ne manquons pas de constater que ces aspects dégagés sont intrinsèquement liés au concept sociologique qui est le genre. Le terme genre apparaît au début des années 90 et vient du terme anglais « gender »qui signifie « catégorie sociale de sexe ». Par opposition au rôle biologique déterminé par les gènes, le concept genre s'intéresse aux rôles et responsabilités des hommes et des femmes qui sont socialement déterminés souvent par la culture et les croyances.

Les sociétés évoluent en se référant à leurs propresconstructions. Quelles que soient leurs domaines, ces constructions sociales portent nécessairement les caractéristiques de la société d'origine.Le genre en s'intéressant surtout aux rapports inéquitables entre les hommes et les femmes a décelé un certain nombre de problèmes auxquelles les femmes sont confrontées. Ainsi Fatou SARR SOW en se référant à ces aspect sociaux et inégalitaires montre que «  L'analyse genre se veut donc une approche militante qui, à partir des rapports sociaux entres les sexes, en analyse le degré, les formes et les conséquences pour les transformer. Elle suppose donc que l'on en reconnaisse non seulement l'inégalité, mais son caractère social. Les hommes et les femmes sont des produits de leurs cultures, de leurs valeurs et de leur histoires »25(*).Ces relations inégalitaires notées entre homme/femme présentent ainsi des caractéristiques de subordination d'une catégorie sur l'autre. Il se trouve qu'entre ces deux catégories les femmes montrent une grande vulnérabilité les exposant ainsi à diverses sortes de violences.Édifier ce phénomène qui est la violence infligée aux femmes, requiert une analyse genre qui étudie les soubassements de ces rapports sociaux de sexe. Pour cela, l'organisation sociale qui pour Guy Rocher est « L'arrangement global de tous les éléments qui servent à structurer l'action sociale, en une totalité présentant une image, une figure particulière, différente de ces parties composantes et différentes aussi d'autres arrangements possibles »26(*) nécessite une large observation. La société Sénégalaise comme la plupart des sociétés Africaines est structurée de sorte que les femmes et hommes sont différenciés dans les places qu'ils occupent et les rôles qu'ils jouent. Cette structuration n'est pas neutre en ce qui concerne les sexes. La société est érigée avec des valeurs profondément ancrées dans toutes les pratiques. Et une organisation interne qui ne privilégie pas toujours les besoins de la femme. D'ailleurs, cette situation est bien cernée par Raaby DIOUF (2005) qui avance que « Partout dans le monde, les fonctions et les rôles sont biens déterminés. Chaque culture possède une façon caractéristique de définir les rôles des deux sexes. Les femmes sont presque toujours cantonnées dans des rôles secondaires par rapport à ceux des hommes. Et la violence est souvent fréquemment utilisée pour faire respecter cette répartition des compétences. Les institutions sociales et politiques encouragent parfois la soumission des femmes et les violences dont elles sont victimes »27(*) . Ilfaudrait alors se demander si la prolifération de ces cas de violences ne serait pas du à la façon dont la société est construite, la manière dont elle construit ses femmes et ses hommes. Chaque société a sa façon spécifique de fonctionner. La manière dont chaque société évolue varie d'un milieu à l'autre. De la même manière chaque société donne des places et rôles différents à ses femmes et hommes.

Pierre Bourdieu met en exerce cette différence entre homme et femme dans son ouvrage intitulé «La domination masculine ». Cette étude qui se trouve être une ethnographie menée auprès des Berbères de Kabylie montre cette différence des sexes en dégageant les structures symboliques qui perpétuent cette domination masculine28(*). C'est en effet l'habitus qui donne aux hommes et aux femmes un rôle prédéterminé qui exerce cette domination masculine. La société impose ainsi selon Bourdieu une différence entre hommes et femmes par le biais de la culture et les sphères telles que la famille et l'école.

Mais l'analyse sociologique de ce phénomène peut se faire sous des angles aussi divers que variés. La problématique des violences dont les femmes sont victimes soulève de nombreuses interrogations comme l'attestent la plupart des textes consultés. En effet l'analyse de la situation des femmes s'effectue en prenant en compte différents contextes. Les aspects historiques, sociologiques, juridiques, culturels, anthropologiques, religieux et même économique interagissent dans la lecture de ce fait de société.

Il sied d'approfondir cette réflexion en s'intéressant davantage aux aspects socio anthropologiques liés aux violences dont les femmes sont confrontées. En recadrant le problème dans le contexte social nous l'analyserons dans un angle plutôt spécifique, mais non moins important c'est-à-dire les rapports sociaux de sexe.

Donc nous établirons l'analyse des violences auxquelles les femmes qui fréquentent le Point d'écoute de l'APROFES Kaolack sont confrontées en partant de l'étude des rapports sociaux de sexe. Il s'agira d'étudier particulièrement les violences contre les femmes parmi les problèmes posés par le genre. Ceci dit nous porterons notre regard sur la construction des rapports entre les hommes et les femmes en général tout en s'intéressant particulièrement aux violences dont les femmes sont victimes dans la commune de Kaolack.

Ces constats nous ont conduit à nous interroger sur ces aspects :

Ø Quels sont les déterminantssocioculturelsdu phénomène de violence faites aux femmes dans la ville de Kaolack notamment celles suivies au Point d'écoute del'APROFES Kaolack ?

I.3. PERTINENCE DE L'ETUDE

Le choix d'une telle étude est fondé sur les observations suivantes :

-Un des éléments de pertinence est qu'on parle beaucoup de violence sans en maîtriser parfaitement les causes et sans se baser sur des données chiffrées. C'est d'ailleurs surtout la presse qui en parle. Cette recherche vient donc contribuer à combler un vide scientifique en apportant des éclairages sur ce phénomène insuffisamment élucidé par une analyse profonde.

-La population du Sénégal est estimée à 12 171 264 habitants selon le dernier recensement général de la population et de l'habitat de 200229(*). Selon cette même source les femmes constituent prés 51% de cette population. Si nous nous en tenons à cela, l'évidence serait que le développement du Sénégal dépend en partie du rôle que jouerait cette partie non négligeable de la population. Mais dans un contexte où elles n'ont pas suffisamment accès aux ressources, ne sont pas très représentatives dans les instances de prise de décision et sont majoritaires dans la population analphabète du Sénégal et devant la fréquence des violences qui leur sont infligées chaque jour, de réels obstacles les empêchent de participer effectivement au développement du Sénégal. Beaucoup de femmes sénégalaises restent ainsi en marge des processus de développement et dans une situation de pauvreté.

Dès lors la recherche doit de plus en plus s'orienter vers l'analyse de ces problèmes notamment par plus d'études sur les violences faites aux femmes

-L'autre aspect est que le genre est érigé en principe par l'Etat du Sénégal à travers le SNEEG30(*) et un Ministère spécifiquement chargé du genre a été créé. Les femmes bénéficient aussi de dispositifs législatifs et répressifs et de mesures socio économiques pour les protéger. En parfaite harmonie avec la CEDAW/CEDEF ratifiée, le dispositif législatif, accompagné d'un cadre législatif et répressif tend à les protéger. Les dispositions allant dans le sens de lutter contre les violences faites aux femmes contenu dans, l'OMD31(*), le DSRP32(*) et le SNEEG l'ont d'ailleurs certifié en prenant en compte toute les préoccupations des femmes dans leurs programmes. Il sied ainsi de confronter la réalité, le vécu des Sénégalais à toutes ces mesures prises. Notre étude s'inscrit dans ce cadre, liant deux aspects saillants de ces principaux engagements par une analyse des violences basées sur le genre.

-Un dernier élément qui a aussi poussé à investir sur une étude sur les violences faites aux femmes est la recrudescence des cas de violences. Nous constatons chaque jour des cas de violences surtout à travers les médias. Ces derniers temps, ce phénomène se caractérise non seulement par son atrocité, mais aussi par l'exacerbation dont il est marqué. Nous constatons par ces faits que le Sénégalais a tendance à devenir de plus en plus violent. Or ceci doit attirer la curiosité des sociologues que nous sommes. Cette étude entre dans ce cadre en s'intéressant particulièrement au Point d'Ecoute de l'APROFES KAOLACK qui reçoit quotidiennement des cas de violences faites aux femmes. Ainsi les résultats qui seront tirés de cette étude permettront à l'APROFES d'affiner sa stratégie et de mieux s'arrimer à l'approche genre.

I.4. OBJECTIF DE LA RECHERCHE :

I.4.1. OBJECTIF GENERAL

Cette étude a pour objectif général d'analyser les déterminants socioculturels des violences faites aux femmes par l'étude des cas reçus au Point d'Ecoute de l'APROFES Kaolack en privilégiant une approche genre axée sur les rapports sociaux de sexe.

I.4.2. OBJECTIFS SPECIFIQUES :

Les objectifs spécifiques de cette étude consiste à :

- Analyser les causes de ces violences en mettant l'axant sur les déterminants socioculturels

- Identifier les rapports sociaux sexe et croyances socioculturellesprédisposant les femmes dans une certaine vulnérabilité

- Saisir l'ampleur du phénomène de violences faites aux femmes dans la commune de Kaolack par l'analyse des cas référés au point d'écoute de l'APROFES Kaolack

I.5. HYPOTHESE

Une hypothèse est une proposition provisoire, une présomption, qui demande à être vérifiée.

Nous élaborerons deux types d'hypothèse, une hypothèse principale et des hypothèses secondaires.

I.5.1. HYPOTHESE PRINCIPALE

Le processus de socialisation à travers les facteurs socioculturels inculque à deux catégories distinctes du genre à savoir les hommes et les femmes un modèle à suivre pas forcement avantageux. Compte tenu de cela nous affirmons que ces violences dont les femmes suivies au Point d'écoute de l'APROFES sont victimes sont liées au genre par conséquent à la construction des rapports sociaux de sexe et aux facteurs socioculturels qui interagissent, se fondent et s'institutionnalisent dans la structuration de ces rapports.

I.5.2. HYPOTHESES SECONDAIRES :

- La construction des rapports sociaux de sexe prédispose les femmes suivies au centre d'écoute de l'APROFES à une vulnérabilité manifeste les exposant ainsi à toutes sortes de violences

- Les facteurs sociaux culturels qui régissent les rapports sociaux de sexe tels que le patriarcat, la religion, la tradition, l'éducation, les coutumes tolèrent et favorisent dans certaines circonstances les violences infligées aux femmes.

-Les rôles différents des hommes et des femmes déterminés par les réalités historiques, religieux et culturelles enclins à ne pas dénoncer les cas de violences, favorisant ainsi l'impunité et la recrudescence de ce phénomène.

I.6. MODELE THEORIQUE

Les enseignements tirés de la phase de documentation nous orientent vers quelques modèles constituant des références pour cette présente recherche.Le genre, un outil d'analyse et concept sociologique33(*) n'en est pas moins un model pour étudier les violences faites aux femmes. C'est ce que nous avons fait en nous référant à quelques chercheurs qui nous ont précédés.D'abord utilisée par les anthropologues américains par le concept « Gender » pour définir les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes, sa traduction française par le terme « Genre » apparaît très polysémique mais elle devient une méthode d'analyse pour la plupart des sciences sociales à la fin du XVXém siècle.

Les premières conceptualisations du terme Genre apparaît dans l'ouvrage de Margaret Mead intitulé «Sex and temperament in three primitive societies » (1935) par le concept de rôle sexué.D'autres comme le psychanalyste Robert Stoller, souvent associé vers les années 1970 aux mouvements de « genderstudies » l'ont utilisé pour faire la distinction entre le biologique et le psychologique et pour définir les identités masculines et féminines.

Simone de Beauvoir dans « Le deuxième sexe » (1949), ouvre véritablement le débat des inégalités entre les hommes et les femmes. Sa célèbre phrase « On ne nait pas femme on le devient» résume à elle seule l'analyse qu'elle fait de cette ségrégation sexuelle. Elle l'explique par le construit social, un héritage ancien transmis par le biais de l'éducation et de la culture. Les différences morphologiques ne sont pour rien de ces inégalités ou de la domination de l'homme sur la femme.Si le genre est l'expression des rôles traditionnels assignés aux hommes et aux femmes, si le genre se définit par les constructions sociales et historiques de ces rôles et s'il traduit les rapports entre les hommes et les femmes, donc les violences faites aux femmes peuvent être analysées dans cette approche. C'est en ce sens que le genre s'entend être l'outil d'analyse par excellence des violences infligées aux femmes.

Nous nous référons aussi à d'autres penseurs. Emile DURKHEIM, en nous appuyant sur l'approche34(*) qu'il a optée dans « le suicide35(*) » (1897). Considéré comme le père fondateur de la sociologie moderne, il est le premier à élaborer une méthode qui étudie les faits sociaux comme des choses dans son ouvrage intitulé « Les Règles de la Méthode Sociologique » (1895). Pour ce faire il conçoit qu'il faut définir rigoureusement et rechercher leurs causes dans les faits sociaux antérieures.La sociologie cherche les relations générales qui existent entre les phénomènes de par la causalité. La méthode comparative est selon E.DURKHEIM la seule qui permet cette causalité. De ce fait la statistique s'impose pour connaître les faits sociaux car étant la seule méthode à pouvoir saisir les faits dans leur globalité indépendamment des cas particuliers. Cependant en élaborant la méthode à suivre ilressortque les règles de la vie sociale sont intériorisées au cours du processus de socialisation, d'éducation etc.Dans Le Suicide(1897) il met en oeuvre sa méthode préalablement établie et définie dans Les « Règles de la Méthode Sociologique » (1895). Il considère le suicide comme un fait social total. Le suicide exerce sur les individus un pouvoir coercitif extérieur à l'individu. C'est en étudiant les causes et la typologie des cas de suicide qu'il découvre que c'est un phénomène normal et régulier. En suivant cette logique d'E.DURKHEIM notre étude sur les violences basées sur le genre, nous considérons les violences comme des faits sociaux à part entière. Elles sont présentes dans toutes les sociétés donc générales, sont extérieures à l'individu et exercent un pouvoir coercitif. Comme E.DURKHEIM nous considérons ces cas de violences comme indépendants de la volonté de l'individu. C'est par le processus de socialisation qui inculque des valeurs à l'individu qui estdonc le facteur moteur de ces violences.Ce phénomène a donc ses causes dans la manière dont la société construit ses membres. En nous référant à la logique d'E.DURKHEIM ces violences faites aux femmes sont à rechercher dans la conscience collective donc déterministe. Toujours dans cette logique, nous avons utilisé les statistiques de la base de données du Point d'écoute de l'APROFES pour cerner les différents aspects de ce fait de société.

Nous basons aussi notre analyse sur une autre logique, celui de Pierre BOURDIEU. Sociologue moderne, il axe son analyse sur les mécanismes des hiérarchies sociales en insistant sur l'importance des facteurs culturels et symboliques de la reproduction.

P. BOURDIEU (1987) 36(*)en dépassant les concepts fondatrices de la sociologie crée le « Le structuralisme constructiviste ou constructivisme structuraliste37(*) ». Il conçoit ainsi le monde comme constitué de structures qui sont certes constituées par les agents selon le constructivisme mais qui une fois constitués conditionnent à leur tour l'action de ces agents, selon la position structuraliste.Dans Théorie de l'action  P. Bourdieu (1998) développe le concept d'habitus pour penser ce lien entre socialisation et action des individus. Il le définit comme étant l'ensemble des dispositions, des schèmes, des actions, et des perceptions que l'individu acquiert à travers son expérience sociale. Ce puissant générateur qu'est l'habitus38(*) montre ainsi que c'est par la socialisation puis par sa trajectoire sociale que tout individu incorpore lentement un ensemble de manières de penser de sentir. Cette logique de P. Bourdieu montre que les agents sociaux ne font que développer des stratégies acquis par la socialisation. En nous référant à cette analyse nous constatons que les agents occupent des positions que leur confèrent des dispositions qu'ils acquièrent dans leurs sociétés d'origines. Les violences auxquelles les femmes sont confrontées ne peuvent être expliquées que par cet habitus qui les prédispose en une position de vulnérabilité. Dans la reproduction, P. Bourdieu développe d'ailleurs le concept de violence symbolique qu'il considère comme la capacité de faire méconnaitre l'arbitraire des productions symboliques et à les faire admettre. C'est donc le mécanisme symbolique des rapports de domination. De ce fait P. Bourdieu conçoit que la capacité des agents en position de domination à imposer leurs productions culturelles et symboliques joue un rôle essentiel dans la reproduction des rapports sociaux de domination.

Ces deux auteurs P.BOURDIEU ET PASSERON mettent de ce fait la violence symbolique en rapport avec les positions qu'occupent les agents. Elle est donc liée à l'intériorisation par les agents de la domination sociale inhérente à la position qu'ils occupent dans un champ donné, plus généralement à leur position sociale. Cette violence symbolique trouve donc son fondement dans la légitimité des schèmes de classement inhérent à la hiérarchie des groupes sociaux.

Dans la présente étude nous nous référons surtout à l'ouvrage de P. Bourdieu intitulé « La Domination Masculine » (1998). Il y fait l'analyse des rapports sociaux de sexe en cherchant les causes permanentes de la domination de l'homme sur la femme. Dans toutes les sociétés humaines cette domination s'explique par un habitus donnant aux femmes un rôle prédéterminé. L'étude qu'il fait auprès des Berbères du Kabyle lui permet ainsi de dégager les structures qui perpétuent la domination de l'homme sur la femme.Il rejoint dans cette optique celle de Lévi-Strauss : « C'est dans la logique de l'économie des échanges symboliques et plus précisément dans la construction sociale des relations de parenté et du mariage qui assignent aux femmes universellement leur statut social d'objet d'échange définis conformément aux intérêts masculins.... Et vouées à contribuer ainsi à la reproduction du capital symbolique des hommes, que résident l'explication du primat universelle accordée à la masculinité dans les toxicomanies culturelles »39(*). Cette logique de P. Bourdieu montre simplement que des prédispositions assignent à la femme universellement une certaine vulnérabilité. Laquelle vulnérabilité est en fait l'expression de cet habitus et explique parfaitement la domination de la femme comme les violences en leur encontre. L'habitus en mettant la femme dans une position qui la prédispose à être violentée met l'homme forcement dans une position de dominant.

Cette logique se rapproche essentiellement à celui du genre. Le genre s'intéresse et cherche dans les constructions sociales et historiques des rôles assignés aux femmes et aux hommes.

I.7. DEFINITION DES CONCEPTS DE L'ETUDE

La définition des concepts de l'étude est une phase indispensable dans l'élaboration de la recherche. Il est donc nécessaire voire impérieuse de définir les concepts pour qu'ils puissent jouer leur rôle. Un concept peut avoir plusieurs acceptations, tout dépend de l'angle ou des aspects où le chercheur veut le situer. Cependant il sied de le définir rigoureusement en cernant les divers aspects du concept.

Le concept genre apparaît vers les années 90 et provient de l'anglais « Gender » 40(*)et se réfère principalement aux rôles, droit, et responsabilités des hommes et des femmes, et la relation entre eux. Le terme ne signifie pas seulement les hommes ou les femmes mais cherche à identifier le processus par lequel leurs qualités, comportements et identités sont déterminés a travers le processus de socialisation.Mais le genre ne s'intéresse pas uniquement a l'étude des catégories sociales de sexe, il s'intéresse a d'autres catégories ou genre tel que les jeunes et les vieux, les handicapés et les valides etc.Dans cette présente étude nous tenterons de définir le genre comme catégorie sociale de sexe. La différence entre le fait biologique et le fait social ou symbolique41(*) permet au genre de mettre en exergue les relations hiérarchiques entre les deux sexes. Dominées par des relations de pouvoirs qui ont tendance à défavoriser la femme, ces hiérarchies sont socialement déterminées et se basent le plus souvent sur la culture.

Les éclairages anthropologiques ont été déterminants dans la différenciation des faits biologiques désignés par le sexe et les faits sociaux ou symboliques désignés par le genre. Claude Levis Strauss considère le sexe comme un principe d'organisation sociale et une propriété symbolique. En rejetant l'acception biologique et toute différenciation physiologique, il fait appelle aux relations entre hommes et femmes dans ce qu'il appelle les trois piliers universelles de la société que sont la prohibition de l'inceste, le mariage et la répartition sexuelle des taches.En somme on peut retenir que le genre s'intéresse aux rapports sociaux de sexe. Socialement déterminés ces rapports hiérarchiques sont dominés par le pouvoir d'un sexe sur l'autre susceptible de violences comme celles vécues par les femmes en général.

Le concept de violence n'est pas facile à cerner. Tant les aspects qui régissent sa définition sont nombreux. Quelques caractéristiques permettent de spécifier des types de violence : violence économique, violence symbolique, violence raciale et beaucoup d'autres formes. De l'observation de cette diversité de violence nous retenons qu'elle ne se conçoit que dans le cadre d'une relation ou d'un système. Larousse définit cette violence en tant que relations comme « la force brutale des êtres et des choses ». Cette acceptation s'ouvre a plusieurs aspects de la violence, la violence militaire, la violence physique, la violence psychologique etc. Or dans cette présente étude nous nous intéressons a la violence dans le cadre des relations encore plus restreintes, dans la relation hommes /femmes. La sociologie lie violence et domination divisant la société en « dominants » et « dominés », termes souvent employés pour designer une forme de violence symbolique. Bourdieu élabore une théorie de cette violence symbolique dans son ouvrage intitulé « La domination masculine »et à partir d'une étude sur l'école qu'il élabore avec Passeron. Ainsi il cerne ce type de violence comme « Tout pouvoir qui parvient à imposer des significations et à les imposer comme légitimes en dissimulant les rapports de force qui sont au fondement de sa force ». Ce pouvoir est donc imposé à son destinataire par des significations et des rapports de sens. Parmi les caractéristiques de cette violence symboliques Bourdieu distingue aussi le caractère arbitraire car :

-elle contribue à renforcer l'inégalité sociale et culturelle entre les classes, en privilégiant une classe au détriment des autres.

- elle n'est fondée sur aucun principe biologique, philosophique ou autres qui transcenderaient les intérêts individuels ou de classes sociales.

- C'est une violence symbolique culturel "légitime" dans la mesure où elle apparaît, par une opération de méconnaissance instituée, comme "destinée" à certains à l'exclusion d'autres et comme ayant une valeur reconnue par tous.

Il sied aussi d'énumérer parmi les violences subies par les femmes, les plus récurrentes au Sénégal. HaronaSy42(*) (2007) les reparties en quatre groupes :

-Une violence normative coutumière qui s'exerce selon les normes, les valeurs sociales, les traditions et les coutumes ;

-Une violence normative conjugale qui se manifeste dans et par l'acte du mariage en tant qu'il apparaît comme contrat de soumission et de disponibilité de l'épouse ;

-Une violence expiatoire qui s'exerce sur la forme de bannissement pour sorcellerie ;

-Une violence déguisée qui se donne comme surtravail des femmes.

Les types de violences rencontrées par les femmes sont nombreux mais la plupart se regroupe en quatre types les violences physiques, verbales, morales et économiques.

En prenant les rapports sociaux comme cadre d'étude des violences faites aux femmes, nous définissons la violence comme l'expression du pouvoir que subissent les femmes sous diverses formes. Cette violence s'exerce sur elles d'une manière symbolique et est déterminée par des aspects culturels et historiques.

Le conceptRapports sociaux de sexeapparaît vers les années 70 suite aux nouvelles études liées au mouvement féministe et à la nécessite politique de décrire et de dénoncer les l'oppression des femmes. Le terme met en évidence le caractère entièrement social de l'oppression des femmes et l'omniprésence de la domination masculine dans divers sociétés.

Mais l'acception du concept de nos jours se réfère beaucoup à la reproduction du rapport social de sexe. Les rapports sociaux de sexe forment désormais une logique d'organisation du social qui fait système à travers l'ensemble des champs. C'est donc un construit social caractérisé par un aspect historique et une certaine transversalité dans les champs de la société. Ces rapports créent de ce fait des groupes opposes, hiérarchisés et antagonistes. Mais il est aussi important de noter l'aspect dynamique des rapports sociaux de sexe, ils dépendent de nombreux facteurs en constante évolution.

Le vocable socialisation désigne un processus. L'homme est un être social, son comportement, sa manière d'être et de penser lui ont été inculquée à travers ce processus de socialisation. La socialisation est caractérisée par l'intériorisation des valeurs et normes en vigueur dans une société donnée. La socialisation s'effectue tout au long de la vie, elle débute par une socialisation primaire au cours de l'enfance et de l'adolescence et se poursuit au cours de l'âge adulte. Plusieurs agents interviennent lors de la socialisation, d'abord la famille, l'école mais aussi d'autres agents complémentaires tels que les medias, les groupes de pairs l'entreprise etc.

Le terme pouvoir est souvent associéà la sphère politique. Il peut se définir comme une ressource ou une aptitude qui permet a une personne ou groupe d'agir. Considéré sur le plan relationnel, le pouvoir d'un individu A sur un individu B «  A a des chances d'imposer sa volonté sur B...même contre une résistance de B » (M.Weber). L'aspect relationnel, interactionniste de ce pouvoir permet à certains individus ou groupes d'agir sur d'autres individus dans une relation de pouvoir.

Les notionsde vulnérabilité43(*), de marginalité et de précarité font une entrée remarquée en sociologie vers les années 1990 pour affiner et la description et la compréhension de situation sociales d'exclusion et de pauvreté. La vulnérabilité revoit aussi bien a des situations individuelles que collectives, des fragilités matériels que morales, des personnes que des choses ou encore des territoires. Le terme est étroitement lie à la notion de risque et en terme juridique à la notion de victime. Dans le système juridique une personne vulnérable est une victime potentielle. (Fiechter-Boulvard 2000).Nous l'utilisons dans cette étude pour élucider les risques dont les femmes sont enclines dans la construction de rapports sociaux de sexe. Cette vulnérabilité traduit donc la manière dont la femme est exposée et prédisposée à subir toutes sortes de violences dans la société.

Le terme culturea plusieurs acceptations selon que l'on se trouve dans une perspective anthropologique, sociologique où l'on privilégie le sens courant du mot.

La perspective anthropologique de la culture s'oppose à la nature et désigne les manières de faire de sentir, de penser propres à une collectivité humaine. La culture relève donc de tout ce qui est acquis et transmis dans la société.Dans une perspective sociologique des auteurs comme Pierre Bourdieu font référence à ces facteurs culturels pour expliciter des faits de société comme la domination masculine. En analysant les mécanismes de reproduction des hiérarchies sociales,44(*)Pierre Bourdieu insiste sur le primat de facteurs culturels et symboliques au détriment des facteurs économiques des conceptions Marxistes. Les agents en position de domination imposent leurs productions culturelles en reproduisant des rapports sociaux de domination.

Dans la perspective où nous l'utilisons dans cette présente étude, nous l'associons aux éléments sociaux construits qui prédisposent les femmes à une certaine violence. Le concept de « Construction sociale » est dès lors au coeur de l'analyse que nous faisons présentement de la violence faite aux femmes, nous l'avons donc utilisé comme concept opératoire.

I.8. CONCEPT OPERATOIRE : « LA CONSTRUCTION SOCIALE »

En définissant les termes de notre hypothèse, les explications et analyses font toujours référence à un processus qui fonde même la nature de toute société. Les phénomènes sociaux suivent une logique sur laquelle beaucoup de sociologues ne se sont pas entendus, mais qui relève après tout d'une réalité construite. Ce que Marc LORIOL dans l'article « Réflexions sur la notion de construction sociale »reconnait à la plupart des sociologuestravaillant sur les politiques sociales, c'est qu'ils évitent d'appréhender les catégories ou les problèmes qu'ils étudient comme des phénomènes naturels et évidents, mais ils les considèrent au contraire comme des constructions sociales. Il est assez difficile de définir ce que recouvre l'expression construction sociale, les approches semblent surtout très diverses, cependant LORIOL le situe dans un premier temps dans la vision générale de Ian Hacking (2001)  qui le voit qu' « une analyse de ce type aurait pour but de monter qu'un phénomène ou une façon de voir généralement perçu comme inévitable, découlant naturellement de la nature des choses, aurait pu être différent dans un autre contexte social. La comparaison internationale ou historique pouvant servir à mettre en évidence cette relativité. »

Dans une logique de dégager une typologie des formes d'usage de la notion de construction sociale, LORIOL s'intéresse à des textes dont la plupart avaient une compréhension du concept comme une analyse de la connaissance du monde social,il s'agit principalement des travaux de Berger et Luckmann (1986)sur la construction d'un concept, d'une notion, d'une représentation, d'une catégorie de pensée... , de François Ewald (1986) sur l'accident du travail, de Salais (1986) ou Topalov(1994) sur le chômage ou encore celle d'Anne-Marie Guillemard (1986) sur la politique de la vieillesse, de Serge Paugam (1991) sur la notion de pauvreté.Suivant l'analyse de LORIOL toujours, dans un premier cas, l'expression « construction sociale » est là pour signifier qu'il doit s'agir d'une coproduction, d'un travail nécessairement collectif dans un deuxième cas (celui d'une construction non intentionnelle), le recours au terme de construction sociale a pour but, alors, de souligner le caractère contingent des phénomènes étudiés qui apparaissent comme des effets émergents, non voulus par aucun des acteurs impliqués, mais résultat de l'agrégation de leurs stratégies. C'est le sens donné par Crozier et Friedberg(1977) à l'emploi fréquent qu'ils font de la notion de « construction sociale ».Si l'on fait référence cependant auconstructivisme social en sociologie, le concept est au croisement de différents courants de pensée. Pierre Bourdieu dans son oeuvre Choses dites, propose de donner à sa théorie sociologique le nom de « structuralisme constructiviste » ou de « constructivisme structuraliste », 45(*)affichant par là sa volonté de dépasser l'opposition fréquente en sociologie entre le structuralisme (qui affirme la soumission de l'individu à des règles structurelles) et le constructivisme (qui fait du monde social le produit de l'action libre des acteurs sociaux). Bourdieu distingue ainsi deux moments dans l'investigation, un premier moment objectiviste et un deuxième subjectiviste« d'un côté, les structures objectives que construit le sociologue dans le moment objectiviste, en écartant les représentations subjectives des agents, sont le fondement des représentations subjectives et elles constituent les contraintes structures qui pèsent sur les interactions ; mais d'un autre côté, ces représentions doivent aussi être retenues sur l'on veut rendre compte notamment des luttes quotidiennes, individuelles et collectives, qui visent à transformer ou à conserver ces structures ». Dans son ouvrage intitulé « La Domination Masculine » (1998) il fait l'analyse des rapports sociaux de sexe en cherchant les causes permanentes de la domination de l'homme sur la femme. La rencontre de l'habitus et du champ46(*)comme mécanisme de production du monde social dont se sert l'auteur pour expliquer ces faits sociaux démontre la dimension constructiviste de son raisonnement.

Il existe certes des divergences dans la compréhension et l'utilisation du concept construction sociale mais malgré cela il est pratiquement toujours fait référence comme s'il s'agissait d'une démarche bien définie et dont le contenu serait clair pour tout lemonde, ce qui constitue un risque de dialogue de sourds. LORIOL sur cette difficulté conçoit que «  le plus important n'est pas de brandir ostensiblement la bannière imprécise de la construction sociale, mais de ne pas se faire enfermer dans des catégories de pensée ou des options épistémologiques sans avoir conscience des limites de leurs mérites respectifs, de leurs implications et de la part d'arbitraire qu'elles contiennent ».Ainsi pour l'étude des violences faites aux femmes nous l'envisagerons comme les spécialistes de sciences de l'éducation, du travail social ou des organisations qui l'emploient comme synonyme de production collective.

Dans la mesure où l'explication aux violences faites aux femmes est à rechercher dans la construction des rapports sociaux de genre, cette construction s'appuie sur les éléments, les facteurs qui participent de manière progressive ou brève à la production de tels actes. Par la socialisation, différents types de rapports et de comportements se construisent. Cette étude s'inscrit dans la logique de construction de rapports de pouvoir, de force au sein de la société qui place la femme victime de violence dans une position de vulnérabilité. Pour trouver une explication sociologique à ce phénomène l'analyse des principaux déterminants de cette violence qui participent de façons très active à la construction de tels rapports s'impose.

CHAPITRE II : CADRE METHODOLOGIQUE

II.1.SOURCES D'INFORMATIONS

La collecte des informations est parmi les phases les plus importantes d'une recherche. Il est primordial de collecter ce qui a été dit sur le sujet. De là doivent découler l'orientation et la position du problème.

Dans cette présente étude nous nous sommes rendus à plusieurs endroits. Enpremier lieu au département de sociologie pour consulter les mémoires qui traitent du sujet.

Ensuite il fallait se rendre à d'autres lieux de documentations pour recueillir des données sur le thème de recherche, ces lieux sont : la bibliothèque universitaire (BU) de l'Université Cheikh AntaDiop de Dakar, l'IFAN, le CODESRIA, l'IRD, l'ANDS, le CRDI, la bibliothèque de la faculté de sciences juridiques et politiques, le CESTI et le CECI.

Après cela des documents de quelques structures qui travaillent sur le sujet nous ont aussi servis. Ces structures sont le centre d'écoute de l'APROFES et le RADI à Kaolack, le Réseau SiggilJigéen, le CLVF, le GREFFELS et l'UNIFEM à Dakar.

Notons enfin que la documentation en ligne a été pour nous d'un grand apport, vu que les données sur ce sujet sont peu nombreuses.

II.2.METHODES ET TECHNIQUES DE TRAITEMENT DES DONNEES

Considérée selon le dictionnaire français comme un ensemble de procédés raisonnés pour faire une chose ou bien un ordre que l'on doit suivre pour étudier ou enseigner, en sciences sociales les conceptsméthodes et techniquesrenferment des sens plus précises.

L'ouvrage de MadelaineGrawitz, « Méthodes et techniques en sciences Sociales » (2001) qui demeure une référence dans la méthodologie en sciences sociales les définit selon plusieurs orientations. Cette opération instinctuelle renvoie tantôt à l'explication, tantôt à l'organisation de la recherche. Mais elle consiste surtout à poser théoriquement la manière, la démarche, la procédure par laquelle le chercheur étudie son sujet. Elle traite de la question du comment et est toujours liée un à domaine bien définit.

La technique quant à elle revoit au mode de traitement des données collectées, « un ensemble concerté d'opérations mise en oeuvre pour atteindre un ou plusieurs objectifs, un corps de principes présidant à toutes recherche organisée, un ensemble de normes permettant de sélectionner et coordonner les techniques. Elles constituent de façon plus ou moins abstraite ou concrète, précises ou vague, un plan de travail en fonction d'un but ».47(*)

Cependant en sciences sociales les méthodes et techniques sont nombreuses et variées mais il existe deux catégories : les méthodes qualitatives et les méthodes quantitatives.

II. 3. METHODE QUALITATIVE

La méthode qualitative a été utilisée dans cette recherche pour apporter quelques explications autour de la notion genre, recueillir d'une manière plus profonde les opinions sur la violence et surtout interroger ceux qui s'activent en même temps sur le genre et sur les violences faites aux femmes dans la région de Kaolack. Mais nous nous sommes aussi servi de cette méthode pour recueillird'une manière plus approfondie les opinions des victimes et auteurs de violence et de quelques proches de ces victimes.

L'entretien a été utilisé comme technique de recueil des données dans cette recherche.

Cette technique définit par Madeleine Grawitzs « Un procédé d'investigation scientifique utilisant un processus de communication verbal, pour recueillir des informations en relation avec le but fixé»48(*). Ce but fixé,la cible a été identifiée. Il s'agit de la responsable du Point d'écoute qui est aussi la représentante du CLVF (Comité de Lutte Contre les Violences Faites aux Femmes) dans la région de Kaolack et de quelques membres de l'APROFES qui se trouve être une association de femmes qui s'active dans la lutte contre les violences faites aux femmes à Kaolack et dans l'approche genre, c'est aussi la structure qui abrite le centre ou s'effectue notre étude.Sont aussi concernés par ces entretiens des usagers qui fréquentent le point d'écoute. Ces usagers sont composés en majorité de femmes victimes de violences, il y a aussi des auteurs de violences et les proches des victimes qui sont soit de la famille ou de l'entourage de la femme violentée.

La cible des entretiens touche aussi d'autres structures et autorités de la région concernée par le thème de notre recherche et entre autre partenaires du point d'écoute de l'APROFES. Il s'agit du RADI (Réseau Africain pour le Développement Intégré) de Kaolack, du Développement communautaire représentant le ministère de la famille dans la région,

Nous avons interrogé la police et le personnel de santé qui reçoivent aussi des femmes victimes de violences du Point d'Ecoute.

Le tableau ci-dessous regroupe les personnes concernées par les entretiens :

Tableau 1 : Répartition des personnes ressources interviewées

Personnes ressources

Nombre

Pourcentage

Victimes de violences

15

41

Auteurs de violences

5

14

Proches de victimes

10

27

Direction de Point d'écoute

1

3

APROFES

1

3

RADI

1

3

Développement communautaire

1

3

Personnel médical

1

3

Police

1

3

Total

37

100

Source : enquêtes 2010

En ce qui concerne l'autre partie de cette méthode qualitative nous avons fait des récits de vie et un focus group. En collaboration avec la responsable du point d'écoute, nous avons fait une liste des cas les plus en rapport avec notre recherche. Apres analyse nous en avons choisi quatre en tenant compte des différents aspects du problème. Nous avons ainsi pour ces récits de vie opté pour des cas de violence différents. La responsable du Point d'écoute classe les cas reçus par types de violence. En tenant compte de cette classification, nous avons fait un récit de vie par type de violence. La classification est la suivante :

-Violence physique

-Violence morale

-Violence verbale

-Violence économique

Le focus group a aussi était élaboré avec l'aide de la responsable.

II.4. METHODE QUANTITATIVE

L'utilisation de la méthode quantitative revêt un aspect plus qu'indispensable dans cette recherche. Pour mesurerl'ampleurde la violence, les différentes formes qu'elle prend et son rapport avec le genre il nous a fallu quantifier. Nous avons pour cela choisi des techniques appropriées, il s'agit de la méthode de l'analyse des données secondaires, nous avons travaillé sur les registres disponibles au point d'écoute de l'APROFES.

Il fallait recourir à des documents fiables pour étudier ce fait social. Durkheim (1897) s'intéressant au Suicide impose d'ailleurs cette technique pour l'étude de ce fait. Il l'utilise dans la méthode comparative pour saisir la cause des suicides. Il s'est en effet intéressé à des documents statistiques afin de prouver la multiplication des cas de suicide.

Dans cette présente étude nous avons procédé au dépouillement de documents statistiques fiables. Ce dépouillement concerne les registres du centre d'écoute de l'APROFES Kaolack durant ces quatre dernières années. Cette technique nous a permis de cerner l'effectivité de ce phénomène, de faire une typologie des violences et connaitre l'évolution des violences faites aux femmes. Nous avons aussi pu analyser à partir de ces documents le suivi des cas traités au point d'écoute, l'appui apporté aux victimes de violences et les stratégies de lutte contre les violences faites aux femmes.

L'autre technique consistait à administrer le questionnaire à un nombre de femmes du Point d'Ecoute choisi par sondage. Ceci a permis d'étudier le phénomène sur un plus grand nombre. Le choix des questions ouvertes laissant ainsi s'exprimer les victimes enquêtées et de questions fermées qui proposent une série de réponses, ont été formulées.

II.5. POPULATION DE L'ETUDE

La population de base est composée de l'ensemble des individus concernés par l'enquête. Elle doit être définie de façon très précise afin de faciliter le recueil des données.

Kaolack étant une très grande région nous avons effectué l'enquête sur une catégorie restreinte et bien définie. Notre étude porte sur tous les femmes victimes de violences suivies au centre d'écoute de l'APROFES et de tous les acteurs qui s'activent sur le genre et les violences faites aux femmes dans la région de Kaolack.

Nos recherches se sont donc faites sur un échantillon prélevé de cette population.

Les données du centre d'écoute de l'APROFES ont été pour nous d'un apport considérable les services de justice, de police ou de santé, les ONGs intervenant dans la lutte contre les violences faites aux femmes dans la région fontaussi partie de cette population

II.6. L'ECHANTILLONNAGE

La base de données du Point d'écoute a permis d'élaborer une source de sondage fiable. L'accès à ces données nous ont permis de d'avoir la liste des femmes victimes de violences ayant eu recours au centre depuis sa création. Cependant les chiffres enregistrés avant 2007 manquent de précision d'après la responsable. Pour respecter la précision et la fiabilité des données,la base de sondage a été élaborée en relevant toutes les femmes victimes de violence enregistrées au Point d'écoute en 2007, 2008 et 2009.

Tableau 2 : La base de sondage

Années

Effectifs

Fréquence

2007

152

28,20

2008

184

34,13

2009

203

37,66

TOTAL

539

100

Base de donnes Point d'Ecoute APROFES

La base de sondage est ainsi composée de 539 femmes. Cependant, techniquement il nous est impossible d'interroger ce nombre de personnes. Ainsi la méthode des quotas a été choisie pour tirer notre échantillon. L'échantillon est constitué de 40 femmes. Ce nombre a été retenu en rapport à la difficulté liée à l'accessibilité des lieux de résidence des enquêtées. En effet les premières investigations nous ont permis de situer ces zones de résidence qui s'avèrent éloignées car ne concernant pas seulement la Commune de Kaolack.

Tableau 3: La classification de l'échantillon des enquêtées

Années

Effectifs

Fréquence

2007

11,28

28,20

2008

13,65

34,13

2009

15,06

37,66

TOTAL

40

100

Base de données Point d'Ecoute APROFES

En définitive l'échantillon des femmes enquêtées par questionnaire sont au nombre de 40.

II.7.ANALYSE DES DONNEES

II.7.1 L'ANALYSE QUALITATIVE

L'entretien étaitparmi les principaux outils de collecte des données. Nos avons eu des interviews avec une cible plutôt large. L'usage d'un dictaphone nous a permis de mener à bien cette phase de la recherche. Toutes les conversations des entretiens ont été enregistrées dans le cadre de l'enquête.Par la suite il fallait retranscrire intégralement les discours des enquêtées et regrouper les éléments recueillis par thème pour ensuite les codifier à l'aide de chiffres. Pour finir les éléments de la retranscription ont été réunis dans un seul fichier.

II.7.2 L'ANALYSE QUANTITATIVE

La méthode quantitative de cette étude consistait à travailler sur les registres du point d'écoute de l'APROFES et à administrer des questionnaires aux usagers victimes de violences. Le procédé était d'utiliser les registres disponibles au point d'écoute pour recueillir des données sur les violences. Ces registres ont été dépouillés puis transcrits dans un seul fichier pour faciliter leur utilisation.

Les informations recueillis au questionnaire ont aussi été traitéespar informatique avec le logiciel SPHINX. Nous avions préalablement codifié toutes les informations reçues, des chiffres ont été attribués aux différentes formes de violence, aux lieux d'habitation des victimes et aux liens avec les auteurs de violences. Le logiciel SPHINX permet de faire des corrélations entre les différents caractères enregistrés notamment par des graphiques et des courbes. Ceci nous a permis d'élaborer une typologie des violences, une évolution du phénomène et d'analyser les différentes réponses.

II.8.DEROULEMENT DE L'ENQUETE

II.8.1 LA PRE-ENQUETE

Afin de tester les outils de collectes des données et en même temps avoir une approche de nos principales cibles,l'étape préliminaire ou étude de faisabilité a été effectuéeavant l'enquête proprement dite. Cetteétape consistait dans un premier temps à tenir des entretiens avec la responsable du Point d'écoute de l'APROFES. Ces interviews non moins importantes nous ont guidés sur les axes à privilégier et la technique à adopter pour mieux appréhender la recherche.

Dans cette étape préliminaire nous avons aussi assisté à des séances d'écoute de femmes victimes de violences. De ce faitdes entretiens avec certaines d'entre elles ont eu lieu afin de tester les outils de collecte.

La derrière phase de ce pré-test était d'avoir une première approche avec les autres organisations impliquées dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Cette phase de pré enquête a permis de corriger les guides d'entretien et les questionnaires permettant ainsi d'élaborer une approche plus appropriée à la cible de l'étude.

II.8.2.L'ENQUETE DE TERRAIN

Le déroulement de l'enquête de terrain a été entamé par une collecte des données du point d'écoute de l'APROFES. Nous avons d'abord recueilli les données disponibles dans le registre et dans la base de données du Point d'écoute. Cette collecte a été élaborée avec l'appui de la responsable et de son adjoint chargé de la gestion de la base de données.

Après cette étape, les questionnaires et les guides d'entretiens ont été administrés aux différentes cibles.Les entretiens ont débuté avec la responsable du point d'écoute et son assistant, puis avec la présidente de l'APROFES et d'autres membres de la structure.Ensuite les femmes victimes de violences ont été interviewées, ensuite les proches de victimes et les auteurs de violences qui fréquentent tous le Point d'écoute de l'APROFES. Cette deuxième étape du terrain s'est terminée avec un focus group que nous avons eu la possibilité d'effectuer avec l'appui du Point d'écoute. Dans le cadre de leur programme de suivi des femmes victimes de violences, se tient une activité de sensibilisation appelé ``GROUPES DE PAROLE''. Cette activité du Point d'écoute a beaucoup facilité la tenue du focus groupe.Après cela les structures impliquées dans la lutte contre les violences faites aux femmes comme le RADI et le développement communautaire, la police, l'hôpital, et d'autres qui reçoivent des femmes victimes de violences tels que les agents de la police, des hôpitaux et du tribunalont été interrogés par la voie de leurs responsables.Cette phase de recueil de données s'est terminée par l'élaboration des récits de vie qui nécessitaient une approche particulière.L'enquête de terrain a ainsi duré deux mois, du 15 Février au 13 Avril 2010, mais après cette périodele Point d'Ecoute a été sollicité pour des éléments de compléments de l'étude.

II.9.DIFFICULTES RENCONTREES

Le processus d'une recherche ne peut s'élaborer sans contraintes. La première difficulté à laquelle nous étions confrontés était le nombre limité de documents sur le sujet. Il nous a fallu recourir à la documentation en ligne et aux documents apparentés à notre thème.

Le terrain aussi ne s'est pas effectué sans contraintes. La principale difficulté lors de cette étape recherche était d'aborder le sujet avec les femmes victimes de violences. Ce fut difficile de leurfaire revivre ces moments surtout pour celles dont les cas sont récents. Nous avons aussi noté lors des entretiens la sensibilité des victimes sur certains aspects abordés. Ceci les amenait à pleurer ce qui affectait des fois notre concentration.

Lors des interviews avec ces femmes victimes de violences qui ne pas sont scolarisées pour la plupart d'entre elles, c'était très difficile d'aborder la question genre dans une autre langue que le français. Néanmoins une approche appropriée à cette cible a été utilisée pour la collecte des données.

D'autres difficultés sont liées à nos moyens limités pour l'accès aux documents, de quelques logiciels et à la prise en charge des frais de terrain.

DEUXIEME PARTIE : CADRES D'ETUDE ET D'ANALYSE

CHAPITRE III: CADRE D'ETUDE

III.1. CADRE GENERALE

Notre étude s'effectue dans la région de Kaolack plus précisément dans la commune et ville de la dite région. Kaolack se situe dans entre la zone sahélien Sud et la zone soudanienne Nord. Elle se situe aussi entre le 14° 30 et 16° 30 de latitude Nord.

Nous présenterons la région de Kaolack.

III.1.1.PRESENTATION DE LA REGION DE KAOLACK

Kaolack est une création coloniale qui a trouvé le village de Ndagane nom d'un de ses quartiers actuellement. Limitée au Nord par la région de Fatick et Louga, à l'Est par Tambacounda, au Sud par la république du Gambie et à l'Ouest par Fatick la région de Kaolack est située au centre-ouest duSénégal. Elle se trouve dansce qui fut le bassin arachidier à 192 km de Dakar.Sa superficie de 16 010 km2 soit 8,14 % de l'ensemble national la place parmi les régions moyennement vastes duSénégal. Kaolack fait partie des régions chaudes du Sénégal avec des températures maximales moyennes mensuelles oscillant entre 34 et 41 degré.Son histoire est essentiellement liée à celle de l'arachide. Ancien royaume du Saloum, ce centre de transit d'arachide a connu à l'époque une grande expansion. Economique, démographique et urbain.Kaolack avec 2500 villages et 7 communesa un faible taux d'urbanisation avec 23,4%. Sa plus grande ville dans la commune de Kaolack est un carrefour située au centre de l'Ouest du Sénégal, elle est reliée aux routes nationales, départementales, régionales et à l'Océan atlantique par le fleuve Sine Saloum.

La commune de Kaolack se présente comme uncarrefour des axes de communication et d'échangesentre populations d'horizons divers. Elle joue un rôled'intermédiaire sur le plan commercial, d'une partentre les régions du sud et de l'est et le reste du pays etd'autre part entre le Sénégal et les pays voisins (Gambie, Mali, Guinée). Cette position stratégique explique engrande partie le développement fulgurant de la ville, etavec lui, l'émergence de tous les problèmes liés à uneurbanisation trop rapide (notamment dans les domainesde l'environnement, de l'habitat, de l'emploi, etc.)

II.1.2.ASPECTS DEMOGRAPHIQUES

La population est estimée à 1 066 375 habitants avec une densité de 67 habitants/Km2 d'après les résultats provisoires du RGPH 2002, soit 11% de la population nationale.A l'image de la population du Sénégal cette région est composée en majorité de jeunes âgés de moins de 18 ans 44% et de femmes 51,4% contre 48, 6 % d'hommes.Cette population est composée de 62,4% de wolofs, 19,3% de Pulaar, de 11,8% de Sérères Bambara 2,4% etc. (RGPH 1988). La population urbaine prédomine avec un taux de 76%. Le département de Kaolack a la densité la plus élevée 193 habitants/Km². Frappée par le phénomène de l'exode rural la ville de Kaolack a une forte mobilité sociale.

III.1.3.ASPECTS ECONOMIQUES DE LA REGION

La culture de l'arachide est le facteur déterminant de la situation économique de la région 75% d'agriculteurs. Le grand comptoir commercial implanté dans cette ville avait favorisé son expansion économique, démographique et urbaine. Sa situation géographique de ville carrefour a aussi favorisé son peuplement. Ce centre de transit d'arachide était marqué sur le plan économique par la culture de rente au Sénégal et la production de sel.

Le secteur secondaire emploie au total 30,7 % de la population active de Kaolack malgré une activité industrielle pas très développée.Les pôles industrielles dans cette région sont composées d'usines comme : SONACOS Lydiane qui produit de l'huile, ISENCY (Industrie Sénégalais du Cycle), la nouvelle société des salins du Sine Saloum, SASMA (Société Africaine de Savonnerie Mahawa).

Son artisanat est scindé en deux types : l'artisanat de production et l'artisanat d'art et l'artisanat de service.L'économie de cette région est aussi très fortement marquée par l'activité commerciale. Avec l'un des plus grands marchés de l'Afrique de l'Ouest le commerce intérieur est très prospère dans cette commune comme l'atteste le nombre de commerçants détaillants et grossistes, son commerce extérieur aussi avec des milliards d'importations et d'exportations. Le secteur du transport fait aussi partie des activités qui génèrent des revenus à Kaolack avec un réseau routier de 1,677 km. Le réseau du transport ferroviaire qui s'étendait sur 150 km a disparu. Le transport maritime est basé sur les axes du port de Kaolack Diorane et Lydiane.Cependant le système du transport de cette ville est marqué ces dernières années par L'avènement des vélos taxis. Cette activité qui a marqué le système du transport et facilité les flux dans la ville est devenu un gagne pain pour un grand nombre de jeunes.

III.1.4.ASPECTS SOCIO-CULTURELS

Etudier l'aspect socioculturel d'une population revient à s'intéresser à sa socialisation, à l'identité des individus qui la composent, mais aussi aux diverses champs tels que la religion, la politique l'éducation etc. Nous ne saurions épuiser tous ces aspects de la population de Kaolack mais nous présenterons quelques éléments.

Kaolack a une grande dimension culturelle. Ceci est marqué par une diversité ethnique dominé par les Wolofs, suivi des Pulars, Sérères Bambaras. Cette diversité ethnique étant un facteur déterminant dans la socialisation étant donné que chaque ethnie inculque à sa manière ses propres valeurs. L'aspect religieux de cette ville reste marqué par une supériorité des musulmans sur les chrétiens. Ceci montre en fait sa grande dimension religieuse avec Médina Baye Niass école et lieu de convergence de beaucoup de fidèles. Medina Baye qui accueille chaque année des milliers de fidèles donne à cette région une grande dimension religieuse.

III.1.5.LES ACTEURS NON GOUVERNEMENTAUX

La gouvernance urbaine de Kaolack est gérée par les acteurs étatiques (services déconcentrés de l'état, maire, préfecture), les acteurs communautaires (comités de développement de quartier, associations etc.), les acteurs privés (structures bancaires, para bancaires, assurances, structures d'encadrement des entreprises et GIE), les acteurs périphériques (notables, délégués de quartiers, chefs coutumiers et religieux) et les acteurs non gouvernementaux (ONG).

Les acteurs non gouvernementaux participent au développement de la région de Kaolack en particulier. Il s'agit, entre autres, ducomité pour le développement de Kaolack (CODEKA),de la CARITAS, de l'Association pour la promotion dela femme sénégalaise (APROFES), de l'Association pour un Développement Equitable et Solidaire ASDES, du PRODEL, et duCIJ/RADI.L'ONG APROFES est citée parmi ces acteurs qui participent au développement de la région. Elle est implantée dans la commune de Kaolack et intervient dans les zones urbaines et rurales. APROFES en oeuvrant à la promotion de la femme sénégalaise a crée un point d'écoute pour les femmes victimes de violence dans la région de Kaolack.

III.2.LE CADRE INSTUTUTIONNEL

III.2.1.APROFES

APROFES est une organisation non gouvernementale (ONG) implantée dans la région de Kaolack plus exactement à Kasnack, un quartier dans ladite commune. Elle est reconnue comme ONG sous le numéro005712, du 23 août 2002 par le Ministère du Développement Social et de la Solidarité Nationale du Sénégal.

III.2.1.1.PRESENTATION DE L'ONG

L'Association pour la Promotion de la Femme Sénégalaise (APROFES) est née en 1987 de la volonté consciente d'un groupe de jeunes femmes de l'association culturelle et sportive, le MaggDaan, convaincues par leur expérience que l'échec des programmes de développement provient dans une large mesure de la non prise en charge des préoccupations des femmes. Elle est dirigée par des femmes et fait partie des rares ONG nées de la dynamique des organisations populaires à la base qu'elle s'efforce de servir. Elle regroupe des femmes de professions, d'origines sociales, de races, de religions et d'appartenance politique différentes. APROFES est une organisation nationale fédérative qui appuie les initiatives des populations, surtout les femmes et les jeunes, à travers des programmes de formation, de communication, de plaidoyer, de soutien aux activités productives et d'amélioration du cadre de vie des communautés.L'association a une ambition nationale mais, par manque de moyens, elle intervient pour le moment dans trois régions à savoir celle de Kaolack, de Diourbel et de Fatick.L'APROFES a pour mission de contribuer à la promotion socio-économique et culturelle de la femme Sénégalaise.

Dans le cadre de la poursuite de cette mission elle oeuvre pour :

-La promotion et la défense des droits de la femme/fille

-Le renforcement du leadership socio- culturel, politique et économique des femmes/filles

-L'accès aux ressources et au bien-être

-Le renforcement du pouvoir économique des femmes/filles

-La réduction effective des violences faites aux femmes/filles

III.2.1.2.DOMAINES D'ACTIVITES

Les domaines d'intervention des activités de l'APROFES sont assez larges, en effet elle s'active dans :

-La communication sur des thèmes afférents au droit, à la démocratie à la citoyenneté, à la paix, la justice économique (dette, APE, commerce équitable), de santé de la reproduction, du VIH/SIDA

-Le renforcement des capacitésdes groupes à la base, sur les techniques de production (agriculture - élevage - artisanat), sur l'entreprenariat, mais aussi sur des thèmes aussi stratégiques que : le genre, le leadership, le plaidoyer, le lobbying, la communication, la médiation, la gouvernance démocratique, le contrôle citoyenne et l'alphabétisation fonctionnelle

-La culture au service du développement avec :une troupe de théâtre action « BAMTAARE-APROFES »,uncentre socio-éducatif pour enfants « ALINE SITOE JAATA » au profit des enfants de 5 à 15 ans, descamps d'apprentissage pour enfants et jeunes durant les vacances pour leur inculquer une sensibilité genre et citoyenne, la culture de la paix.

-La micro finance et la micro assurance santé avec le couplage des mutuelles de crédit « APROFES-TERANGA » et « OYOFAL PAJ-APROFES » pour une prise en charge correcte de la dimension économique et sociale de la promotion féminine. Ces mutuelles sont décentralisées en milieu rural, dans les quartiers périphériques et les marchés en zone urbaine

-La Santéen mettant l'accent sur la santé communautaire, les droits à la santé de la reproduction et la lutte contre la féminisation du VIH/SIDA

-L'entreprenariat communautaire qui concerne surtout l'artisanat, l'élevage, l'agriculture biologique, le maraîchage, la transformation et la valorisation des produits locaux, les boutiques villageoises, les banques de céréales pour la sécurité alimentaire.

-L'allègement des travaux avec des installations de moulins à mil, de décortiqueuses, de réseaux d'adduction d'eau, de puits.

-L'environnement avec la mobilisation des femmes autour de projets d'hygiène, d'assainissement, d'agriculture biologique, de reboisement et de promotion des énergies renouvelables ou alternative (foyers améliorés, cuiseurs solaires, biogaz etc.)

-Les violences faites aux femmes/filles  avec la création depuis 1993 d'un point d'écoute, d'assistance, de référence et de réhabilitation des femmes et filles victimes de violences. Ce volet inclus la prévention des violences par des campagnes d'informations et de sensibilisation menées avec l'appui des para juristes , les campagnes de plaidoyer et de lobbying en cas de violences ou de violations flagrantes des droits de la femme, le développement du partenariat : local, sud - sud et nord - sud avec des visites d'échanges pardes stages , des festivals culturels, le tourisme alternatif et les camps de vacances.

III.2.2.LE POINT D'ECOUTE DE L'APROFES KAOLACK

III.2.2.1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION

Le point d'écoute a été crée en 1993 par l'APROFES pour assister les femmes victimes de violences et en même temps prévenir et lutter contre le phénomène des violences faites aux femmes. Le besoin de créer un tel lieu  n'est pas fortuit, c'est en fait un besoin qui a été exprimé par les femmes de Kaolack suite à quelques événements :

-la grande marche des femmes de Kaolack en 1992, après le décès de Doki NIASS, une jeune femme qui avait trouvé la mort sur le chemin de l'hôpital après avoir été battue par son époux ;

- la forte mobilisation du 24 juin 1996 de10 000 femmes venant de Kaolack et des autres régions du Sénégal , regroupées au tribunal de Kaolack pour manifester leur mécontentement dans l'affaire de la petite A.B., un cas de violence sexuelle qui a eu pour cadre Thioffack, un quartier périphérique de la ville où un notable de 66 ans Sacko Diagne, a violé une fillette de 9 ans . La petite dénommée A.B. était envoyée par sa mère pour acheter du savon dans la demeure du vieil homme qui la interpellée et entraînée dans une chambre où il a assouvi ses instincts ;

-le viol en 1997 d'une autre fillette A.C. habitant un quartier de la ville Dialègne. Un tailleur du nom de Arona NDIAYE âgé de 70 ans a violé sauvagement cette fillette de 9 ans qui revenait de l'école GuédelMbodj en classe de C.P ;

-une troisième affaire c'est un cas de violence qui s'est déroulé à Gapakh en 1998, dans le département de Nioro où une jeune femme M.D. âgée de 16 ans a été égorgée par son mari Sory Diallo sous le prétexte qu'il la soupçonnait d'être l'amante d'un ami du couple ;

-Un autre cas cette fois ci dans la ville de Diourbel en 1996, une femme a subi la violence conjugale pendant 22 ans. La femme qui n'a vécu que des humiliations et des sévices pendant toute sa vie de femme mariée était l'épouse d'un colonel de l'armée à la retraite.

C'est pour le cas principalement de DokiNiass et de multiples sollicitations postérieures à cet événement que l'APROFES en 1993 a mis en place le premier Point d'Ecoute et d'Orientation pour les Femmes et les filles victimes de violence dans la région de Kaolack.Au début le centre fonctionnait avec les moyens de l'APROFES et par la suite des bailleurs sont venus appuyer la structure. Aujourd'hui le Point d'écoute est appuyé par une organisation qui se nomme DIAKONIA ; et d'autres structures canadiennes comme CCI (Carrefour Canadien International) et l'ACDI. L e point d'écoute collabore avec le CLVF (Comite de Lutte Contre les Violences Faites aux Femmes) et en est le point focal au niveau de la région de Kaolack.

III.2.2.2 LES SERVICES RENDUS AU POINT D'ECOUTE

Le premier service que le Point d'écoute rend aux usagers c'est l'écoute. L'usager qui peut être la victime de violence, un proche ou même un auteur de violence est d'abord reçu et écouté. Cette écoute est importante car elle déterminera l'orientation et le suivi à donner au cas.Selon le cas traité le Point d'écoute apporte une assistance médicale si nécessaire. S'il s'agit de violence physique par exemple après avoir écouté la femme, elle est assistée et orientée vers des structures sanitaires pour faire les premiers soins et notamment établir un certificat médical.

Le Point d'écoute joue un grand rôle de médiateur surtout avec les de cas de conflits (disputes, bagarres, divorces etc.). Cette médiation comme le reconnaît la responsable du point d'écoute, fait que beaucoup de cas ne sont pas amenés en justice. Cette option consiste à convoquer l'auteur de la violence au Point d'écoute et à essayer de trouver un consensus entre les deux parties. L'accompagnement des victimes de violence fait aussi partie des services qui font que beaucoup de femmes fréquentent le centre. En effet si la tentative de médiation échoue, la femme violentée bénéficie d'une orientation vers la police ou la gendarmerie pour porter plainte contre son agresseur. Cet accompagnement se poursuit au tribunal s'il ya un procès et tout au long de l'affaire.Le suivi des victimes se faitaprès le tribunal et elles suivent un processus de réhabilitation. Elles ont parfois accès à des financements grâce au point d'écoute pour les aider à se réinsérer dans le tissu économique et social.

III.2.2.3. LES REALISATIONS DU POINT D'ECOUTE

Le Point d'écoute a élaboré des activités de prévention des violences faites aux femmes grâce à l'appui de partenaires techniques et financiers.

Beaucoup de campagnes d'informations et de sensibilisation ont été organisées avec l'appui des para-juristes.Des campagnes de plaidoyer et de lobbying en cas de violences ou de violations flagrantes des droits de la femme ont aussi été menées.

Le pointa réussi à développer un réseau de partenariat : local, sud - sud et nord - sud avec des visites d'échanges, stages, festivals culturels, tourisme alternatif, camp de vacances.

Entre autres, il faut citer les réalisations avec le RADI qui inspirent l'excellence dans la fourniture de services juridiques et l'accompagnement des victimes. Avec les efforts conjugués du Point d'écoute de l'APROFES et du Centre d'information juridique du RADI des constats de taille méritent d'être cités, il s'agit durecul de l'impunité, de l'accroissement du niveau d'information des Femmes sur leurs Droits et Devoirs et de l'acquisition de réflexe d'alerte et de défense en cas de violence.

CHAPITRE VI : CADRE D'ANALYSE

IV.1.SITUATION AU POINT D'ECOUTE DE L'APROFES KAOLACK : GENERALITE SUR LES CAS RECUS DEPUIS 2008

Graphique 1 : Répartition des usagers du point d'écoute reçus de 2008 à 2010 en fonction de leur sexe

Ce graphique présente la répartition selon le sexe de toutes les personnes ayant fréquenté le point d'écoute de l'APROFES entre 2008 et 2010.

Source : Base de données du Point d'écoute

Nous constatons à la lecture de ce graphique une prédominance de femmes sur les hommes qui fréquentent le point d'écoute de l'APROFES. Parmi les usagers 93.75% sont des femmes et seulement 6.25 %. Ceci parait normal d'autant plus que ce Point d'écoute a était créé pour assister les femmes victimes de violence. Il est important de signaler que les besoins ne sont pas les mêmes. Si les femmes victimes de violences viennent chercher de l'assistance, les hommes eux sont pour la plupart, soit des proches de victimes ou des auteurs de violences.

Les hommes appelés proches de victimes viennent au point d'écoute pour dénoncer des cas de violences subies par leurs soeurs, voisines dans la plupart des cas. L'autre partie est composée d'auteurs de violence. En effet lors des médiations la responsable du point d'écoute fait appel aux auteurs de violence pour tenter dans un premier temps de régler le conflit à l'amiable.Nous notons avec ces chiffres que parmi les auteurs de violences du Point d'écoute les hommes sont majoritaires et ils reconnaissent aussi en avoir fait l'acte. Les 93.75 % des usagers sont des femmes victimes de violence de toute sorte. Ces chiffres révèlent ainsi une violence basée sur le genre féminin dans la mesure où cette catégorie est la seule au point d'écoute à subir de tels actes. D'autres structures affirment aussi la présence du phénomène qui persiste dans la région malgré les efforts conjugués des acteurs de développement, c'est le cas du RADI dont la coordonatrice N.N.Fqui fait un accompagnement juridique à ces femmes constate que « La violence est un phénomène qui persiste dans la région de Kaolack même si la une tendance est à la dénonciation et à la sensibilisation ».

Nous allons cependantnous intéresser aux types de violences enregistrées au centre.

Graphique 2:Typologie des cas de violences reçus

La totalité des cas de violence reçus au Point d'écoute entre 2008 et 2010 est représentée par ce graphique, nous l'illustrons ici par une typologie.

Source Base de données du Point d'écoute

Nous observons à la lecture de ce graphique une diversité de types de violences enregistrés dans la base de données depuis 2007. Les violences physiques, verbales, morales et économiques figurent dans cette typologie. Cependant les coups et blessures volontaires (21%), les cas de viols (10%), les mauvais traitements (7%), la pédophilie (2%) et les cas d'inceste (1%) et les meurtres placent les violences physiques au dessus. Les violences dites économiques suivent avec les défauts d'entretiens (19%), abandon de domicile (15%) refus de paternité (6%). Cependant les violences que l'on pourrait considérer comme des préjudices moraux restent difficiles à cerner. Si l'on se réfère aux entretiens que l'on a eu avec les victimes de violences, tous les types de violence causent de grandes souffrances morales. Seulement, les types de violence visible (physiques) et ceux qui portent des préjudices aux femmes (économiques) sont le plus souvent dénoncés. Néanmoins nous avons noté quelques types de violences considérées comme morales dontla répudiation (8%), les injures (10%) et les mariages forcés et/ou précoces 2%.En s'intéressant à ce graphique de plus prés nous ne manquons pas d'observer qu'une bonne partie des violences listées dans ce graphique sont liées au statut matrimonial de la femme. La plupart des cas cités surviennent dans les liens du mariage. L'exemple de la répudiation, abandon de domicile conjugal, les mauvais traitements et la plupart des coups et blessures volontaires cités dans le graphique concernent des femmes mariées, c'est le cas de cette victime N.D. 36 ans que nous avons interrogée«  C'est mon mari l'auteur de la violence, il me frappait fréquemment et avait fini par nous abandonner mes enfants et moi, il est resté un an sans me donner de quoi nourrir les enfants, c'est par la suite que je suis allée au point d'écoute de l'APROFES ». Il y'a donc une nette prédominance de violences conjugales au Point d'écoute de l'APROFES Kaolack.

Est-ce parce que les femmes dans les liens du mariage sont plus susceptibles de violence ? Le mariage en tant union et réalité sociale devrait êtreétudié d'une manière plus approfondie afin de déceler les causes de violences. Le partenaire de la femme dans cette union étant son époux est de fait concerné par les violences que subit son épouse, pas parce qu'il en est forcément l'auteur, mais du fait qu'ils entretiennent des rapports pouvant être très explicatifs à la cause des violences. L'une des explications c'est que le mariage d'une part oblige le couple à vivre ensemble (toute relation humaine est potentiellement conflictuelle et le conflit comporte un risque de violence) et d'autre part le mariage crée un rapport de domination (l'homme est le chef de famille) qui peut favoriser l'abus d'autorité et la violence. Par ailleurs, beaucoup de traditions pour la plupart caractérisées par le patriarcat qui est un système cohérent qui façonne tous les domaines de la vie collective et individuelle,invitent la femme à se soumettre à son mari. Toute l'organisation sociale du mariage régit par la religion, la culture, les traditions justifient cette position de vulnérabilité de l'épouse.Nous nous intéressons à présent à l'évolution des cas de violence reçus au Point d'écoute ces dernières années.

Graphique 3 :Evolutiondes cas de violence enregistrés au Point d'écoute

Le graphique ci-dessous présente l'évolution des cas de violences reçus au Point d'écoute de 2006 à 2009.

Source Base de données du Point d'écoute

Pour montrer l'évolution des violences au Point d'écoute, nous ne nous sommes pas arrêté aux trois dernières années, en utilisant la base de données nous avons commencé par celles de 2006. Ceci nous a permis de mettre en évidence l'accroissement des violences. En effet, de 131 en 2006, les cas de violences sont passés à 152 en 2007, 184 en 2008 et 203 en 2009.

Il y'a donc une augmentation des cas de violences reçues au Point d'écoute d'années en années d'ailleurs la présidente de l'APROFES, B.S. en fait le constat« Le phénomène violence prend de plus en plus de l'ampleur mais il y'a une volonté conjuguée des efforts des organisations de femmes cependant il reste beaucoup à faire dans ce combat  aussi bien par les organisations de la société civile que par l'état » .D'ailleurs dans un communiqué que le Point d'écoute a eu à faire en 2007 avec d'autres organisations établies à Kaolack les femmesn'ont pas manqué d'attirer l'attention du public sur une recrudescence des violences non seulement au niveau du Point d'écoute mais sur toute la commune de Kaolack. Ce communiqué a été fait d'ailleurs dans un contexte où toute la population du Sénégal notamment la presse au Sénégal s'indignait d'un cas de violence très atroce survenu la nuit du 17 Octobre 2007, il s'agit de du meurtre de la jeune Caty Gaye.Le Point d'Ecoute affirmant ainsi que«  Le constat amer est qu'aujourd'hui les femmes sont de plus en plus l'objet de violences de toutes sortes. »49(*), atteste de la recrudescence de ce phénomène.

L'hypothèse selon laquelle les violences augmentent d'année en année se justifie ainsi au Point d'écoute.

IV.2.LES DETERMINANTS DE LA VIOLENCE AU POINT D'ECOUTE DE L'APROFES KAOLACK

Après cet aperçu général des violences au Point d'écoute de l'APROFES par le dépouillement des informations enregistrées dans la base de données, les interrogations se situent à présent au niveau des déterminants de ces violences.

Ces explications se situent à deux niveaux :

- D'abord auprès des personnes qui reçoivent au quotidien des femmes victimes de violence

- Ensuite auprès des victimes elles mêmes pour avoir vécu un tel acte

IV.2.1.IDENTIFICTION ET PERCEPTION DES STRUCTURES D'ACCUEILDES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE A KAOLACK

Tableau 4: Identification des structures recevant des femmes violentées à Kaolack

Ce tableau présente tous les acteurs interrogés qui travaillent au niveau de la commune de Kaolack avec des victimes de violences. Nous avons aussi identifié la personne interrogée et sa connaissance du concept genre.

SERVICES APPORTES

APROFES

POINT D'ECOUTE

RADI

POLICE

HOPITAL

TRIBUNAL

Développement communautaire

Actions menées

-Lutte contre les VFF

-Création d'un Point d'écoute pour femmes victimes de violences

-Réception écoute, accompagnement, suivi et orientation des victimes

-Conseil juridique aux victimes

-Réception des plaintes des victimes

-Répression des auteurs de violences

-Soins médicaux aux victimes de violence physique

-Conception de certificat médical

-Jugement des auteurs de viole-Déclaration des divorces

-Exécution des activités du Ministère

Connaissance du concept GENRE

Très bien

Très bien

Très bien

Peu

Bien

Peu

Bien

Personne interrogée

Présidente

Responsable

Responsable

Commissaire

Sage femme

Procureur

Représentant

Source enquêtes 2010

Nous avons tenu à nous entretenir avec les structures qui reçoivent des femmes victimes de violence dans la commune de Kaolack. Nous avons d'abord cherché à déterminer les services qu'elles rendent à ces femmes avant prendre leur opinion sur la question.APROFES comme nous l'avons précédemment montré est l'ONG qui a mis en place le Point d'écoute. Cette organisation oeuvre pour la promotion de la femme en luttant notamment contre les violences et en dégageant des programmes de vulgarisation de l'approche genre.Le Point d'écoute comme son l'indique reçoit, écoute, conseille et accompagne les femmes victimes de violence.Le RADI reçoit aussi des victimes de violences mais est spécialisé dans le conseil et accompagnement juridique.La police reçoit non seulement les victimes mais aussi après dépôt d'une plainte les auteurs poursuivis en justice. Elle est chargée de la répression des auteurs et doit assurer la sécurité de la population comme en témoigne le commissaire Divisionnaire de la région de Kaolack T.D.D « Nous recevons au niveau du commissariat des femmes victimes de violences physiques et verbales qui se manifestent par les insultes, les brimades etc, elles viennent déposer des plaintes ou demander des conseils ».

L'hôpital reçoit généralement les femmes victimes de violences physiques. Il s'occupe des premiers soins apportés à la femme et lui font un certificat médical en cas de besoin si la femme décide d'ester en justice.

Enfin, le tribunal stratifie sur le sort de l'auteur de violence. Ils reçoivent de nombreuses fois les femmes violentées compte tenu de la lenteur des processus. Ils sont donc une vision non moins importante sur la question.

Le Point d'écoute dans sa mission d'accompagnement travaille avec toutes ces structures afin de mieux réussir son travail.

Tableau 5: La perception de la vulnérabilité et du genre par les structures d'accueil

Le tableau ci-dessous présente la perception que les structures enquêtées ont du genre et de la vulnérabilité des femmes.

 

OUI

NON

TOTAL

PERCEPTION D'UNE VULNERABILITE

13

02

15

LIAISON AVEC LE

GENRE

11

04

15

Source enquêtes 2010

Les structures qui accueillent les femmes victimes de violence dans la commune de Kaolack de par leurs dirigeants se sont exprimées sur divers aspects du phénomène. Les personnes interrogées sont souvent en contact avec des femmes victimes de violences et ont ainsi décelé certaines explications à ce phénomène.

D'abord leur perception sur une possible vulnérabilité des victimes de violence a été étudiée. Sur 15 personnes, les 13 affirment percevoir une vulnérabilité des femmes qu'elles reçoivent. Le chef de service départemental du Développement communautaire M. N.chargé des questions des femmes et des ONG voit d'ailleurs que les femmes sont classées parmi les groupes vulnérables au Sénégal« Parmi les groupes vulnérables on note les femmes, les jeunes, les personnes âgées et les handicapés mais en plus de cela il s'y ajoute la vulnérabilité physique économique et politique de la femme. Sur tous les plans ce sont hommes qui détiennent les rênes des décisions même si la loi sur la parité est votée». Les enquêtés perçoivent ainsi à travers ces entretiens la personnalité, le vécu et l'expérience douloureuse des ces femmes. Cet aspect de la vulnérabilité qui reste déterminant dans cette présence étude est ainsi affirmé par ces structures qui reçoivent des victimes et mêmes des auteurs de violence.

L'autre aspect non moins important à étudier à travers ces structures est la notion genre. Il est vrai que parmi ces structures, la plupart connaissent cette notion,cependant il s'agissait surtout de les interroger sur le lien entre le genre et les violences subies par ces femmes.

Les réponses montrent que ces représentants de structures s'entendent mieux sur l'existence d'une certaine vulnérabilité que sur la notion de genre. Néanmoins sur les 15 répondants 11 reconnaissent que la violence est liée au genre c'est d'ailleurs l'opinion de B.S. présidente de l'ONG APROFES,« Du moment où ces VFF sont liés aux rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes, elles sont intrinsèquement liées au genre ».Ces affirmations de justifient ainsi notre hypothèse selon laquelle, la cause de la violence serait à rechercher dans les rapports sociaux de genre. Ces explications sont déterminantes dans cette recherche car les répondants sont pour la plupart des acteurs qui d'une part connaissent ou ont une perception de la notion de genre et d'autre part travaillent aussi sur les violences faites aux femmes.

L'affirmation que la violence est liée au genre relève ainsi de leurs expériences et leurs constantes observations des victimes de violences.

La perception que ces structures d'accueil avaient des deux notions à savoir la vulnérabilité et le genre a aussi été étudiée.

Tableau 6: Les causes de la vulnérabilité des femmes selon les structures d'accueil

Ce tableau illustre les différentes causes de la vulnérabilité des femmes victimes énumérées par les structures d'accueil.

PERCEPTION DE LA VULNERABILITE PAR LES STRUCTURES D'ACEUIL

Déterminants

Fréquence

Education

15

Culture

23

Faible pouvoir économique

21

La religion

7

Le patriarcat

5

La soumission de la femme

8

Manque de volonté politique

7

La tradition

10

Confusion entre religion et tradition

1

La physionomie de la femme

3

Source enquêtes 2010

Beaucoup de raisons sont évoquées, parmi lesquelles nous distinguons une nette dominance des facteurs de socialisation.Ainsi les raisons cités se logent pour la plupart parmi les acquis de l'individu en général et peuvent être considérés comme déterminants dans la construction des rapports sociaux de sexe. Ce sont surtout les vecteurs par lesquels passent les valeurs et normes qui régissent la société, qui sont cités comme explicatifs à la vulnérabilité des femmes victimes de violence. La culture même si elle est vague comme raison a été le plus cité avec (23%) et d'autres raisons qui le plus sont souvent ingurgitées à l'individu lors de sa socialisation l'éducation (15%), religion (7%), patriarcat (5%), soumission de la femme (7%), N.N.F. Coordonnatrice du RADI de Kaolack assimile d'ailleurs ces éléments à l'explication de cette vulnérabilité « D'abord les femmes sont vulnérables culturellement, elles sont éduquées de telle sorte qu'elles se soumettent, ensuite à cause de leur faible pouvoir économique. La structuration des rapports de genre sociaux souvent inégalitaires favorise la violence et la tolère en même temps ».Ceci confirme la thèse de Simone de Beauvoir50(*)(1949),qui retrace les tenants de cette intériorisation participant à placer la femme dans une posture inférieure.Sa célèbre phrase « On ne nait pas femme, on le devient » confirme que cette posture de la femme relève de la phase de socialisation qui est en fait l'interaction des tous ces éléments évoqués par les structures d'accueil comme cause de la vulnérabilité des femmes.Mais les explications comme le faible pouvoir économique des femmes avec 23% et le manque de volonté politique (7%), même s'ils peuvent être considérés comme des acquis se distinguent un peu des autres raisons. Ils peuvent être des facteurs de vulnérabilité certes, mais nous ne pouvons les associer aux autres facteurs qui semblent plus affecter le comportement et l'action de l'individu en général. Notons cependant que le faible pouvoir économique demeure en bonne place parmi les facteurs de vulnérabilité, B.S. l'explique ainsi « Les femmes sont vulnérables économiquement car elles sont les plus pauvres parmi les pauvres, c'est pour cela qu'on parle de la féminisation de la pauvreté, et aussi physiquement et physiologiquement elles sont vulnérables, elles ont moins de capacité pour se défendre mais aussi socialement elles sont vulnérables elles ont un statut inférieur à l'homme et sont confrontées à beaucoup de contraintes sociaux culturelles au niveau de la société».La physionomie de femme (3%) se différencieaussi des autres raisons cités.

Selon cette analyse les causes de la vulnérabilité serait surtout du aux facteurs de socialisation tels que la religion, la culture, etc. et des valeurs ancrées comme la soumission de la femme.

Tableau 7: La perception de l'inégalité de genre par les structures d'accueil

Ce tableau présente les perceptions que les structures d'accueil interrogées ont de l'inégalité genre ;

PERCEPTION DE L'INEGALITE DE GENRE PAR LES STRUCTURES D'ACCEUIL

Déterminants

Fréquence

Existence de rapports inégalitaires entre hommes et les femmes

52

Statut inférieur de la femme

22

Domination de l'homme

15

Légitimation des croyances socioculturelles défavorables aux femmes

11

Source enquêtes 2010

Les principales difficultés auxquelles les femmes sont confrontées, relèvent d'une inégalité de genre perçue dans les rapports homme/femme.En identifiant ces inégalités selon la perception des structures d'accueil, les violences faites aux femmes de Kaolack sont mieux appréhendées. Les personnes interrogées dans ces structures comprennent l'inégalité de genre d'abord par l'existence de rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes, une réponse qui reste la plus citée avec (52%). Même si ces concepts paraissent ambigus, cette inégalité qu'elle soit économique, sociale, culturelle est source de vulnérabilité pour la femme. Le statut inférieur de la femme suit avec (22%) des réponses et la domination de l'homme (15%). Ces concepts manquent de précision également mais nous pouvons considérer que la femme occupe une position pas avantageuse dans la société par rapport à l'homme. La dernière explication aux inégalités de genre indexe les croyances socioculturelles défavorables à la femme avec (11%) des réponses.

Les violences exercées sur la femme, notamment celles de Kaolack proviennent des inégalités notées dans les rapports sociaux de genre, comme l'explique B.S.« lapauvreté n'est pas la principale cause, il y'a partout des violences faites aux femmes dans le monde, elles sont essentiellement liées au statut inférieur de la femme dans la société que ca soit au Sénégal et partout dans le monde, l'homme pense que la femme est sa propriété, mais d'autres causes viennent renforcer cela comme l'alcool, la délinquance, la pauvreté etc » .Ces inégalités font que la femme occupe sur bien des domaines (économique, politique, sociale, religieuse, culturel etc) une position de faiblesse et potentiellement source de violence.

Nous avons voulu étudier de façon précise ce qui pouvait pousser les auteurs de violence à commettre de tels actes. Les responsables des structures d'accueil nous ont donné quelques précisions.

Tableau 8 :Lesdéterminants du comportement des auteurs de violence

Ce tableau illustre les différentes réponses données par les structures d'accueil sur les facteurs déterminants le comportement de l'auteur de violence.

Facteurs explicatifs

Nombre

Fréquence

Drogue et alcool

7

13

Socioculturelle

14

26

Analphabétisme

10

19

Manque de communication

5

10

Délinquance

5

10

Pauvreté

12

22

Total

53

100

Source enquêtes 2010

Les services qui pour la plupart reçoivent aussi des auteurs de violence se sont exprimés sur le comportement de ces derniers. Les répondantsavaient la possibilité de citer plusieurs explications. Le constat à la lecture de ce graphique est que les raisons sont multiples. Les facteurs socioculturels (14 fois) prédominent ainsi par tous les répondants, pour B.S « Les croyances sociaux culturelles ont une forte responsabilité dans l'exercice des VFF c'est à causes de cela qu'elles sont banalisées dans la société ».

Maintenant faut il entendre par là que ces facteurs socioculturels peuvent forger un comportement incitant à la violence envers les femmes ?

Autant ces répondants évoquent la culture comme déterminant de la vulnérabilité des femmes, autant ces mêmes répondants se réfèrent aux facteurs socioculturels comme déterminants du comportement des auteurs de violences. L'explication est que le rôle de l'homme socialement construit et déterminé par les facteurs sociaux culturels le pousse à violenter la femme.

La similitude des résultats concerne aussi de la même manière pour la pauvreté (12 fois) comme facteurs incitant à la violence et le faible pouvoir économique comme facteur de vulnérabilité. L'analphabétisme (10 fois) et est le troisième facteur évoqué. Tous les répondants ont un niveau d'études avancées nous comprenons qu'ils accordent une importance à la scolarisation. Cet analphabétisme en renforçant la méconnaissance de la loi et des risques encourus par l'acte de violence peut être accepté comme facteur de violence.L'usage de la drogue et de l'alcool est aussi cité comme déterminant de la violence. Enfin le manque de communication et la délinquance figurent en dernier et les deux sont cités (5) fois.

Nous avons jusque là analysé les données du Point d'écoute de l'APROFES et les entretiens que nous avions faits avec les responsables des structures qui reçoivent des femmes victimes de violences et même des auteurs de violence.Nous allons maintenant nous intéresser à la perception que les victimes ont de la violence qu'elles ont eu à subir.

IV.2.2.IDENTIFICATION ET PERCEPTION DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES DU POINT D'ECOUTE DE L'APROFES KAOLACK

IV.2.2.1.PROFIL DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE ENQUETEES

Les entretiens que nous avons faits concernent 40 femmes victimes de violence du Point d'écoute de l'APROFES. Il s'agissait de recueillir leurs opinions sur la question notamment étudier la probabilité d'une certaine vulnérabilité comme source de la violence dont elles sont victimes. Nous les avons d'abord identifiés avant de recueillir leurs perceptions.

Tableau 9: La répartition de l'âge des enquêtées en fonction de leur niveau d'instruction

Le tableau ci-dessous présente la répartition des victimes de violence enquêtées selon leur âge et leur niveau d'instruction.

Age des victimes

Niveau d'instruction

Total

 

Non instruites

Primaire

Secondaire

Supérieure

 

15-20

1

3

2

0

6

20-30

2

6

4

1

13

30- 40

6

7

2

0

15

40- 60

4

2

0

0

6

+ 60

0

0

0

0

0

Total

13

18

8

1

40

Source enquêtes 2010

Le profil des femmes victimes de violence enquêtées est important pour notre recherche. Il est vrai que nous avons déjà un aperçu des femmes qui fréquentent le point d'écoute par l'analyse de la base de données. Mais il est aussi important de connaître le profil des répondants.L'indicateur âge est très important pour l'analyse de la notion de vulnérabilité. Nous constatons que les tanches d'âge 20-30 (13) et 30-40 (15) sont plus touchées. Ces tendances sont d'ailleurs similaires à celles de la base de données qui regroupe l'ensemble des femmes qui fréquentent le Point d'écoute. Comme nous l'avons observé précédemment, c'est durant cette période ou ces femmes sont dans le lien matrimonial qu'elles sont généralement victimes de violences. Nous avons le même nombre de femme pour les tranches d'âge 15-20 (6) et 40-60 (6) et pas de victimes pour la tranche d'âge 60 et plus.

La scolarité est aussi un indicateur très déterminant pour la vulnérabilité. Les responsables des structures enquêtées ont d'ailleurs énuméré l'analphabétisme parmi les facteurs de vulnérabilité. Nous observons un niveau d'instruction assez faible avec une prédominance des femmes de niveau primaire (18) suivi des non instruites (13). Sur l'ensemble des 40 femmes interrogées seulement 8 ont un niveau secondaire et une seule de niveau supérieur.

La scolarisation est en effet un élément très déterminant dans l'épanouissement et la de protection des femmes. Mais nous constatons que c'est un droit dont beaucoup de femmes africaines sont privées. Nogaye Gueye (2008) en cernant la question de la scolarisation des filles montre que « La problématique de l'éducation, notamment celle des filles, s'est longtempsposée surtout dans les pays dits du Tiers Monde à cause d'une conception quasiuniverselle du statut et du rôle de la femme qui réduit celle-ci au cadre domestique.C'est le cas en Afrique où cette conception est fortement présente avec des traditionsqui confinent la femme au foyer »51(*), ce qui dans plus d'un sens peut être préjudiciable à la femme. Etant donné que l'absence d'instruction constitue un problème et renforce sa vulnérabilité.

Tableau 10 : La Répartition des victimes selon leur religion et leurstatut matrimonial

Ce tableau présente la répartition des victimes selon leur situation matrimoniale et leur religion

Religion

Situation  matrimonial

 

Célibataire

Marié

Divorcé

Veuf

Total

Monogame

Polygame

Musulmane

5

16

11

7

0

39

Chrétienne

0

1

0

0

0

1

Total

5

28

7

0

40

Source enquêtes 2010

La religion et la situation matrimoniale sont des aspects très révélateurs pour cette recherche. Ces deux indicateurs sont caractérisés par une majorité de femmes musulmanes mariées. Sur les 40 femmes enquêtées les (39) sont musulmanes et seulement une est chrétienne. Pour la situation matrimoniale, comme pour la base de données nous avons une prédominance des femmes mariées (27) dont (16) monogames et (11) polygames.

Ceci fait ressortir des aspects très importants, la place de la femme dans la religion musulmaneet les dispositions du code de la famille pour la femme mariée.La notion de famille en Afrique et au Sénégal et le rôle que la femme joue dans cette famille est aussi révélateur. En analysant ces aspects nous observons que dans la religion musulmane, dans lesdispositions du Code de la famille 52(*)et dans la société Africaine en général, la femme est sous la responsabilitéde l'homme.

Il est important de signaler que l'époux musulman a même le droit de corriger son épouse selon les normes prédéfinis par le Coran, ce qui a suscité cependant différentes interprétations. 53(*)

L'autre aspect est en rapport avec les dispositions du code de la famille sénégalais, dispositions qui font de l'époux le chef de la famille.L'article 100 du code de la famille pose la condition de la création de la famille par l'existence d'un lien matrimonial, par l'union solennel entre un homme et une femme pendant le mariage. Cette notion de chef de famille confère à l'homme une certaine autorité et un pouvoir, ce qui engendre en fait une inégalité dans les rapports entre conjoints.

S'agissant du régime matrimoniale des femmes mariées enquêtées, sur les 27 femmes, 16 sont monogames et 11 polygames. La polygamie est un indicateur non négligeable dans l'étude des violences. En effet la rivalité entre coépouses, la jalousie, la cohabitation sont des aspects conflictuels comme l'a vécu S.N. 28 ans « j'étais la troisième, déjà j'avais trouvé une situation très délicate dans ce foyer, mes deux coépouses, la première et la deuxième sont parentes mais ne s'entendaient pas elles se bagarraient souvent et mon époux avait l'habitude de les battre aussi. Lorsque je suis arrivée, j'ai subi le même sort qu'elles, mais en plus de cela les enfants de la première qui avaient le même âge que moi me battaient aussi ».La violence dans ces ménages polygames s'analyse donc à des degrés divers, l'époux n'en est pas forcément l'auteur. La violence faites aux femmes par les femmes, celle exercée par les enfants des coépouses ou même par la belle famille s'invite de plus en plus dans les couples polygames.

Le dernier aspect est la structuration de la société Africaine et sénégalaise régie par le patriarcat. Maryse JASPARD étudiant ce modèle y conclut unrapport avec la violence sur ces termes « On retiendra pour l'essentiel quele modèle de société patriarcale, en assignant aux femmes et aux hommes des fonctions et des positions sociales inégalitaires a engendré une violence spécifique à l'encontre des femmes ».54(*)La société Sénégalaise est patrilinéaire ce qui place l'homme dans une position de pouvoir sur la femme. Ce pouvoir sous tendu par des valeurs, des normes des croyances propres à cette société se traduit sous plusieurs formes pouvant placer la femme dans une position de vulnérabilité conduisant à la violence.

Ces observations confirment les rapports inégalitaires comme aspect déterminant des violences faites aux femmes, mais aussi le pouvoir de l'homme sur la femme.

Tableau 11: Répartition des victimes en fonction de leur catégorie socioprofessionnelle

Ce tableau présente la répartition des victimes de violences enquêtées selon leur catégorie socioprofessionnelle.

Catégorie socioprofessionnelle

Effectifs

Fréquence

Inactifs

17

42,5%

Prof. Services directs aux particuliers

23

57,5%

Employé de type administratif

0

0

Total

40

100

Source enquêtes 2010

Ce tableau montre les différents emplois occupés par ces femmes victimes de violences. Nous constatons une absence de ces femmes dans les emplois de types administratifs. Ceci s'expliquerait par leur faible niveau d'instruction qui réduit leur chance de s'insérer dans l'administration.

Plus de la moitié des femmes (57,5%) sont dans les professions de services directs aux particuliers, la plupart disent qu'elles sont dans le commerce et la petite vente. D'autres (42,5%) par contre n'ont aucune activité professionnelle, elles sont inactives, composées en majorité de femmes mariée elles s'occupent de leur foyer.

Il y a ainsi l'emploi qui détermine souvent le pouvoir économique de la personne qui s'affiche ici sous les deux aspects que nous venons de citer. Or cet aperçu indique dans l'ensemble, de faibles revenus pour ces femmes. Ceci traduit aussi une possibilité de dépendance de ces femmes, surtout celles qui sont mariées et probablement avec des enfants en charge. Or Maryse JASPART par rapport à cet aspect reconnait que «  Le manque d'argent lié aux situations de précarité, la dépendance des femmes sans aucun revenu ou qui ne possèdent pas de compte bancaire sont autant de facteurs aggravant les situations de violence »

Le faible pouvoir économique pour ne pas dire la pauvreté et la dépendance sont de véritables sources de vulnérabilité donc de la violence.

Tableau 12: Répartition des victimes en fonction de leurs zones de provenance

Le tableau ci-dessous présente la répartition des victimes de violences enquêtées selon leur zone de provenance

Zones de provenance

Effectif

Fréquence

Commune de Kaolack

33

82,5%

Autres localités

7

17,5%

Total

40

100

Source enquêtes 2010

Le Point d'écoute de l'APROFES est implanté dans la commune de Kaolack. Cependant les femmes qui le fréquentent proviennent de localités différentes. Parmi celles que nous avons enquêté (82,5 %) sont de la commune de Kaolack et les (17,5%) restant habitent les autres zones. Dans la commune de Kaolack les victimes viennent de quartiers différents. En ce qui concerne les autres localités nous notons des femmes provenant non seulement des autres collectivités locales de la région, mais aussi celles qui viennent des zones appartenant aux régions environnantes. Ainsi le Point d'écoute reçoit des victimes de la violence de Fatick, Diourbel, Kaffrine et même de Tambacouda.

Nous n'avons pas observé de grande différence entre les violences exerguées sur les femmes de la commune de Kaolack et celles des autres localités. Seulement, les femmes des autres localités provenant pour la plupart des zones rurales attendent souvent que la violence se répète pour venir au Point d'écoute. Ce qui fait que beaucoup de brutalités et même des meurtres sont observés dans ces zones.

Ces zones pour la plupart rurales sont des lieux oùla solidarité et la convivialité sont de mise et les problèmes se règlent généralement à l'amiable. Ce qui à la fin met ces femmes dans une position de vulnérabilité.

Dans la commune de Kaolack il est important de signaler des aspects qui mettent en cause la sécurité de la ville et de sa population. Il s'agit de l'électrification des rues et de la délinquance qui sont des éléments très propices à la violence. Pour rappel,c'est dans cette situation d'insécurité que la jeune C.GAYE55(*) a été sauvagement tuée la nuit du 17 Octobre 2007.La ville est donc dans son ensemble structurée de façons à développer des dispositions à la violence et pas des femmes seulement mais toute la population.

IV.2.2.2.LES DETERMINANTS DE LA VULNERABILITE SELON LES FEMMES VIOLENTEES DU POINT D'ECOUTE DE L'APROFES KAOLACK

Tableau 13 : Identification des auteurs de violence

Ce tableau présente les différents auteurs de violence perpétrée sur les victimes enquêtées.

Auteurs de violences

Nombre

Fréquence

Membre de la belle famille

3

7

Parent ou proche de la victime

2

5

Mari

30

75

Petit ami

1

2

Coépouse

5

11

Total

40

100

Source enquêtes 2010

Les auteurs de violences subies par les enquêtées comme le montre le graphique sont d'abord les époux des victimes (30). Ceci confirme le fait que les cas de violences reçus au Point d'écoute sont en majorité des violences conjugales. Les cas qui ne le sont pas sont d'ailleurs très rares et il s'agit en général de viol ou de mariages forcés.

En analysant le graphique toujours, nous observons d'autres auteurs de violences toujours dans le cadre du mariage, nous avons la belle famille (3) et les coépouses (5) qui viennent juste après l'époux.Ceci révèle des aspects jusque là inconnus dans étude, avec la prédominance des violences conjugales au Point d'écoute, les seuls auteurs de violences pris en compte étaient les époux des victimes. En effet, les coépouses et les membres de la belle famille entretiennent aussi des relations conflictuelles avec la victime. La raison est que la famille surtout lorsqu'elle est élargie comme la plupart des familles africaines, est souvent le lieu où se développe des rapports de forces entre les différents membres. En analysant le concept de ménage, Fatou SARR SOW dans cette optique conçoit que « les rapports au coeur de la famille sont de pouvoir : le pouvoir du patriarche, le pouvoir de la femme, le pouvoir de l'ainé ou les rapports du couple sont bâtis sur l'autorité, le conflit, la négociation, le dialogue, bref sur des rapports de force »56(*).

D'autres auteurs identifiés sont des parents ou proches (2) de l'entourage de la victime et les petits amis (1).Ce qui renforce l'idée des rapports conflictuels au sein de la famille. Cependant le seul cas de violence émis par le petit ami de l'enquêtée n'est pas à négliger. Les rapports inégalitaires notés au sein du couple et de la grande famille, peuvent aussi susciter la cause dans d'autres types de relations.Parmi les auteurs cités par les femmes victimes de violences il n'y a pas d'inconnu. Elles reconnaissent tous connaître l'auteur et entretenir des relations avant et pendant l'acte de violence. Ce qui montre que les auteurs ne commettent pas l'acte de violence d'une manière fortuite, il y'a toujours des relations entretenues avec la victime qui précédent et c'est durant cette période que la femme fait surtout montre d'une vulnérabilité.

C'est pour cette raison que nous nous sommes intéressés à ces rapports surtout avant l'acte de la violence entre l'auteur et la victime de violence.

Tableau 14: Les inégalités notées dans les rapports entre les victimes et les auteurs de violence

Ce tableau présente la nature des rapports inégalitaires notés entre les victimes et les différents auteurs de violences.

Rapports

Nature des inégalités

VICTIME / EPOUX

-Dépendance économique

-Soumission

-Dévotion

VICTIME / BELLE FAMILLE

-Soumission

-Dévotion

-Cohabitation difficile

-Jaloux

VICTIME / COEPOUSE

-Rivalité

-Conflits

-Cohabitation difficile

VICTIME / PETIT AMI

-Dépendance économique

-Conflits

-Jalousie

VICTIME / PARENT PROCHE OU ENTOURAGE

-Pas de rapport particulier

Source enquêtes 2010

Les relations que les enquêtées ont avec les auteurs de violences montrent sur plusieurs aspects des rapports inégalitaires.Les femmes victimes de la violence de la part de leur époux affirment leur être dévouées, dépendre d'eux sur le plan financier et leur être soumises. Ceci nous parait très déterminant d'autant plus que cette recherche s'intéresse aux rapports sociaux de sexe donc au genre. Ces rapports auteur/victime qui ont précédé l'acte de violence, sont caractérisés par des inégalités57(*).

Avec la belle famille aussi nous notons que la victime entretient des rapports souvent conflictuels. Comme pour l'époux, les membres de la belle famille doivent bénéficier des largesses de leur belle fille. Toujours pour les victimes mariées un autre type d'auteurs de violences est noté, les coépouses. Les rapports entre coépouses sont caractérisés par une cohabitation difficile, la jalousie et la rivalité. Or ces facteurs sont forcément conflictuels et prompts à la violence.D'autres auteurs se distinguent cette fois de ceux cités précédemment il s'agit des petits amis.Les rapports notés pour ces derniers pouvant conduire à la violence sont la jalousie et la dépendance. Une femme que nous avons enquêtée victime d'une violence physique de la part de son petit ami, nous a affirmé qu'elle était entretenue par ce dernier qui très jaloux ne supportait pas le voir avec un autre homme.

Les derniers types d'auteur identifiés sont les proches de la famille ou font partie de l'entourage de la victime. Interrogées ces victimes soutiennent n'entretenir aucun rapport particulier avec ces personnes.

Graphique 4 :Lesraisons évoquées par les femmes victimes de violences

Ce graphique illustre les causes de la violence énumérées par les victimes.

Source enquêtes 2010

L'opinion de celles qui ont subi l'acte de violence est très importante. La polygamie est en tête des raisons évoquées (12), cette réponse inclus non seulement la possibilité des violences entre coépouses, mais aussi et surtout l'attitude du mari qui est souvent impartial dans sa manière de gérer ses épouses. Ceci cause des violences surtout morales et économiques comme l'ont cité les victimes. L'influence de la belle famille (8) est aussi pour certaines femmes l'explication à leur violence. Ces dernières soutiennent que les membres de la belle famille souvent la mère et les soeurs de l'époux qui comme nous l'avons entretiennent souvent des rapports conflictuels avec la femme, mettent la pression sur l'époux afin de créer des désaccords entre lui et son époux. Ils réussissent souvent selon les victimes enquêtées, qui soutiennent ne devoir leur malheur qu'à la belle famille. Nous voyons là que les femmes ont une responsabilité sur ces violences car elles sont non seulement auteurs de violence mais aussi d'une manière plutôt indirecte incite à la violence. D'autres affirment que l'auteur a agi par méchanceté tout simplement (4).Le manque de moyens (7) est aussi cité comme raison, ainsi que l'usage de la drogue et de l'alcool (6)comme l'atteste cette victime N. N. « J'ai un problème avec mon mari ; quand on se mariait j'avais 13 ans, on a huit enfants aussi je ne savais qu'il était fumeur de chanvre indien et buveur d'alcool58(*).Cela étant, quand il se réveillait parfois il assurrait la dépense, il arrivait aussi des fois où il ne donnait rien.On se battait chaque jour et nos parents n'avaient fait toutes sortes de reproches et me taxaient de tout. »alorsque certaines conçoivent que leur époux a agi par jalousie (3), ainsi Maryse JASPARD le confirme en ces termes «  la jalousie masculine est une constante des situations « très graves » de violence conjugale ».

Nous nous sommes après cela interrogé sur l'opinion des victimes sur leur vulnérabilité et sa provenance.

Tableau 15 :Les déterminants de la vulnérabilité selon les femmes victimes de violences

Ce tableau illustre les raisons évoquées parles victimes comme étant la source de leur vulnérabilité.

Facteurs de vulnérabilité

Nombre

Fréquence

Position de dominée

13

33

Méconnaissance des droits

5

14

Manque de revenu

8

19

Ne sais pas

4

11

Analphabétisme

6

14

Faiblesse physique

4

9

Total

40

100

Source enquêtes 2010

Les enquêtées se sont aussi prononcées sur la notion de vulnérabilité. Elles ont déterminé ce qui les mettait dans une telle position pouvant causer la violence. Elles ont d'abord reconnue l'existence de cette vulnérabilité multiforme sur les femmes en générale.

La position de dominé (33%) revient encore une fois surtout pour celles qui sont dans les liens conjugaux et qui constituent (70%) des femmes enquêtées. L'autorité de leurs époux, le devoir qu'elles ont se soumettre pour réussir leur ménage les place souvent dans cette position de vulnérabilité. Nous avons même pu retenir quelque terme en wolof qui illustre bien cela. « Jigeendafaymougn 59(*)» « Jeukeur do moromnawléla60(*) ». Ce qui montre que pour être considérée comme une épouse modèle notamment avoir des enfants qui pourront réussir l'épouse doit accepter et se soumettre à certaines normes.

Le manque de revenu ou de moyens financier (19%) les place aussi dans une position de vulnérabilité. Comme le signale la présidente de l'APROFES B.S. « Les femmes sont pauvres parmi les plus pauvres ». Ceci les place dans une position de dépendance et de vulnérabilité. Certaines ont aussi cité la méconnaissance de leurs droits (17%) et l'analphabétisme (14%) comme cause de leur vulnérabilité. Mais elles ne manquent pas préciser que c'était avant de découvrir le point d'écouté qu'elles ignoraient la plupart de leur droits.

La faiblesse physique (9%) est aussi évoquée comme cause de vulnérabilité.

Comme pour les autres questions nous avons encore des victimes qui ne se sont pas prononcées sur la question (11%). Elles se limitent souvent à décrire comment la violence a été exercée sur leur personne et affirment ignorer les causes.

En élaborant cette recherche, la plupart des documents consultés faisaient état de l'impunité et de la non dénonciation des violences faites aux femmes. L'impunité est très liée à l'aspect juridique et son analyse nécessiterait une étude très approfondie. Mais nous avons essayé de comprendre avec ces victimes de violence enquêtées pourquoi les femmes qui se trouvaient dans cette même situation optaient pour la non dénonciation.

Tableau 16:Les déterminants de la non dénonciation selon les femmes victimes de violences

Ce tableau illustre les différentes raisons de non dénonciation énumérées par les victimes

Déterminants de la non dénonciation

Nombre

Fréquence

Enfants

15

12

Craintes des commérages

27

23

Manque de moyens

19

17

Menace de l'auteur

9

8

Méconnaissance des droits

12

10

Peur du divorce

35

30

Total

117

100

Source enquêtes 2010

Comme nous l'avons observé dans les analyses précédentes, les explications sont très souvent liées au statut matrimonial des victimes. Ici la principale raison selon les victimes qui fait que les femmes violentées ne dénoncent pas l'acte est la peur de briser leur ménage, de divorcer (35fois) et de la situation des enfants nés du mariage (15fois). Elles préfèrent ainsi rester et préserver leur statut de femme mariée. Il y'a aussi que certaines femmes nous ont avoué que le divorce était très mal vu dans certaines familles à la limite bannie, l'exemple de cette victime de violence G.D.28 ans « Aucune des femmes de notre famille n'a osé divorcer j'ai été la première et il m'a fallu beaucoup de courage pour le faire ».Beaucoup de familles préfèrent garder le secret d'un cas de violence survenu dans la maison ou bien d'essayer de le régler à l'amiable plutôt que de l'étaler dans la place publique en allant à la police ou dans les structures comme le point d'écoute. Par crainte des commérages (27 fois) ou d'être mal vues surtout pour les cas de viol des cas de violence restent non dénoncés selon les victimes.Par manque de moyens (19 fois) les femmes peuvent ne pas dénoncer les violences subies. Ceci se trouve à deux niveaux. D'abord en allant ester en justice les frais éventuels à prévoir et ensuite pour les femmes mariées en cas de divorce elles craignent de se retrouver seules et souvent avec des enfants en charge.Il y'a aussi la méconnaissance des droits (12 fois) et des lieux qui peuvent renseigner sur cela ou accueillir les femmes victimes de violences. Dans l'ignorance certaines femmes sont tenues de ne rien dire.Même si cette raison reste la moins citée, la menace de l'auteur de la violence (9 fois) réussit à faire garder le silence à la victime.

Toutes ces raisons évoquées sont toujours accompagnées par certaines croyances et valeurs qui jouent considérablement pour que la victime ne dénonce pas et se résigne après la violence. A l'unanimité, toutes les femmes enquêtées affirment avoir reçu des conseils de leurs proches qui les incitent à se résigner, à patienter et à laisser passer la douleur. Le concept de « Mougn » l'illustre bien. Ce mot Wolof est selon ces victimes la principale cause de leur souffrance.

CONCLUSION

Les violences faites aux femmes demeurent une réalité dans le vécu des sénégalais. Les préoccupations liées à ce fait desociété, a suscité des actions menées tant au niveau mondial que national par différèrent acteurs. Ce sont surtout ces différentes résolutions associées à d'autres sur les généralités des problèmes des femmes qui nous ont permis de dégager les postulats de cette recherche.

Nous nous sommes attelé à appréhender les déterminants de la violence faite aux femmes par une analyse des cas reçus au Point d'Ecoute de l'APROFES Kaolack. Cette étude a voulu montrer que ces violences étaient liées au genre, par conséquent à la construction des rapports sociaux de sexe.

Pour vérifier cette hypothèse, nous avons d'abord analysé et sorti des corrélations des informations de la base de données du Point d'Ecoute et ensuite mené des enquêtes auprès de ces femmes victimes de violences et des principaux acteurs concernés par la question au niveau de la région de Kaolack. La méthode quantitative avec le questionnaire comme outil de travail et la méthode qualitative associant des entretiens, des récits de vies et un focus group ont été les principaux moteurs de cette recherche.

Ainsi nous avons validé notre hypothèse de recherche : Les violences faites aux femmes sont essentiellement liées au genre ainsi à la construction des rapports sociaux de sexe et aux facteurs socioculturels qui interagissent, se fondent et s'institutionnalisent dans la structuration de ces rapports participant ainsi à rendre vulnérable les femmes.

Les premiers résultats tirés des analyses de la base de données du Point d'Ecoute, sur la spécificité des usagers du Point d'Ecoute (93,75%) de femmes, révèlent que ces violences sont basées sur le genre.

La particularité du statut matrimonial des victimes de violences constituées en majorité des femmes mariées (74,4%) révèlent que ces violences découlent pour la plupart de rapports conflictuels entre homme/femme. C'est donc la construction et la nature de ces rapports homme/femme qui expliquent les principales causes des violences reçus au Point d'Ecoute.

De là les indicateurs de cette hypothèse, qui concernent dans cette étude les facteurs sociaux culturels, qui fondent et structurent cette construction, constituent des aspects de la notion de genre et les principaux déterminants de la violence.

Ces aspects se trouvent autant dans les réponses citées par les représentants des structures d'accueil que par les femmes victimes de violences.

Les facteurs socioculturels principaux déterminants des violences faites aux femmes suivies au Point d'écoute de l'APROFES Kaolack, tolèrent dans une certaine mesure et incitent à la non dénonciation de ce phénomène.

Cette étude a aussi permis de situer la responsabilité des femmes dans l'exercice de la violence. L'identification des auteurs a montré que des femmes exerçaient ou incitaient des hommes à exercer la violence sur une autre femme.

Les résultats sortis de cette recherche font état de la situation des violences faites aux femmes au Point d'écoute de l'APROFES Kaolack. Certes ces données ne couvrent pas toute la région, mais elles permettent néanmoins d'analyser les causes des violences et surtout de comparer les engagements des politiques à la réalité.

Malgré les efforts de l'Etat du Sénégal et des femmes dans la lutte contre ces violences, le phénomène persiste sous différentes formes.Il faudrait dès lors élaborer des stratégies de lutte en phase avec le vécu des femmes victimes de violence.

L'ONG APROFES s'est longtemps engagée dans cette lancée par la création du Point d'écoute et par des actions de sensibilisation. Cependant les moyens dont elle dispose ne permettent pas de toucher une plus grande cible.

Ainsi, les politiques préoccupées par le phénomène des violences faites aux femmes devraient s'imprégner des actions du Point d'écoute par la création d'autres centres de ce genre à travers le pays.

La présente étude s'est limitée à analyser les déterminants socioculturels des violences faites aux femmes mais en s'intéressant spécifiquement aux usagers du Point d'Ecoute de l'APROFES KAOLACK. Or cette cible est composée par une grande majorité de femmes victimes de violences conjugales.

Il faudrait dès lors s'interroger sur la fréquence de violence sur d'autres cibles féminines (jeunes filles, femmes célibataires, veuves, divorcées etc.) et en étudier non seulement les principaux déterminants sociaux culturels mais aussi la dimension genre.

* 1 La CEDAW estConvention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en anglais

* 2 La constitution du Sénégal de 2001garantie l'équité et l'égalité de genre à l'article 7 de son préambule

* 3 Il s'agit d'un dispositif législatif et juridique mis en place par le Sénégal par la ratification en 1985 de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes ; en 2000 du protocole additionnel à la CEDAW/CEDEF ; en 2004 du protocole à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme

* 4 Mouvement féministe dont le nom tiré de la langue wolof signifie e français « se réveiller et l'action de dénouer, de libérer »

* 5 Il s'agit du rapport du rapporteur de Nations Unies

* 6Fatou,SARR SOW, 2004, L'analyse genre des sciences sociales en Afrique de l'Ouest, Sexe, genre et Société, CODESRIA, Dakar, P 48

* 7 Maryse Jaspart, 2005, Les Violence contre les femmes, La Découverte, Paris, 122 P.

* 8AyeshaM.Imam, FatouSowSarr, Amima Mama, 2004, (Sous la dir), Sexe, genre et société : Engendrer les sociales africaine, Ed Kartala et CODESRIA, Dakar,

* 9 Jacqueline Cabral DIONE, 2000, Les violences conjugales dans les régions de Dakar et Kaolack, CECI/PDPF, Dakar

* 10 GREFFELS, 1997, Les violences à l'encontre des femmes au Sénégal, GREFFELS, Dakar

* 11Voir UNION AFRICAINE, 2003, Protocole à la charte Africaine des Droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes, UA, Maputo

* 12 Protocole additif à la charte Africaine des droits de l'homme

* 13 REPUBLIQUE DU SENEGAL, Journal Officiel de la République N°5847, Dakar Février 1999

* 14 Des réformes sont apportées au droit pénal et à la procédure pénale par cette loi dans le souci de renforcer les droits de la victime de violence et de protéger les groupes vulnérables

* 15 Journal officiel de la République du Sénégal, 1999, La loi 99-05 du 29 janvier 1999, article 320

* 16Amartya Sen,1990, More than 100 million Women Are Missing, The New York Review, New York.

* 17 Rapport de l'OMS, 2005, Etude sur le santé des femmes et la violence domestique à l'égard des femmes, portant sur 24 000 femmes dans dix pays

* 18Ce rapport spécial des Nations Unies relate les acquis dans le cadre de la législation dugouvernement sénégalais allant dans le sens de lutter contre les violences faites aux femmes

* 19 Un cas de violence suivi par L' APROFES Kaolack et différentes associations de femme au Sénégal

* 20Forum d'Initiative Citoyenne des Femmes Leaders de la Région de Kaolack, 2009, Haltes aux violences faites aux femmes et aux filles, Kaolack.

* 21 Définition de la violence selon Garver cité par Maryse Jaspart dans son ouvrage intitulé les Violence contre les femmes

* 22 Définition de la violence donnée par Maryse Jaspart dans l'enquête ENVEFF

* 23Harona SY ,2006 Ordres sociaux et stratégies de genre, Sociétés en devenir mélange offert à Boubacar Ly P 160

* 24 Awa THIAM dans son ouvrage intitulé « la Parole aux Négresses » publié en 1978 retrace des témoignages de différentes femmes africaines qui ont subies ce qu'elle nomme « les maux des négresses » regroupant tous les types de violences

* 25Fatou SARR SOW, 2004, L'analyse genre des sciences sociales en Afrique de l'Ouest, Sexe, genr et Société, Dakar, CODESRIA, P 59

* 26 Guy Rocher, 1963, L'organisation sociale, Quebec, Editions HMH, P13

* 27DIOUF Raaby, 2004-2005, Etude des différentes approches utilisées dans la lutte contre le mutilations génitales féminines au Sénégal : le cas du Village de Malicounda Bambara, Mémoire de maitrise,UCAD

* 28Selon Bourdieu chaque champ est alors à la fois un champ de forces qui est marqué par une distribution inégale des ressources et donc un rapport de forces entre dominants et dominéset un champ de luttes les agents sociaux s'y affrontent pour conserver ou transformer ce rapport de forces.

* 29 ANSD Situation : Economique et Sociale du Sénagal, Ed. 2009.

* 30 La Stratégie Nationale d'Equité et d'Egalité Genre

* 31 OMD désigne les Objectifs du Millénaire pour le Développement

* 32 Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté Nous faisons référence ici au DSRP II

* 33 La sociologue Fatou SARR SOW dans Sexe, Genre et Société conçoit le genre comme méthode d'analyse qu'on doit introduire dans les sciences sociales pour s'interroger à la fois sur les statuts et rôles des femmes et des hommes dans la stratification sociale ... et sur les manières dont ces statuts et rôles sont déterminés par l'appartenance à un sexe donné.

* 34 Dans cette approche E.DURKHEIM s'est servi de données statistiques pour étudier le phénomène suicide, c'est par la suite qu'il a fait des corrélations afin de tirer des conclusions pour en dégager les causes

* 35 DURKHEIM (Emile), 1896,  le suicide, Alcan, Nouvelles édition PUF

* 36Voir BOURDIEU (Pierre), 1987, Choses dites, Paris, Minuit

* 37 Pierre BOURDIEU le définit à la jonction du subjectif et de l'objectif donnant ainsi une double dimension construite et objective à la réalité sociale

* 38 L'habitus selon la conception de l'auteur fait référence à la structuration sociale de notre subjectivité, la façon dont cette structuration s'imprime dans nos têtes et dans nos corps. Cet habitus se constitue d'abord aux travers les premières expériences (habitus primaire) , puis dans la vie adulte ( habitus secondaire).

* 39Pierre, Bourdieu, 1990, La Domination Masculine, Paris, Seuil, P.27

* 40 Les anglais ont d'abord eu une première conception de ce mot « Gender » qui sera utilisé en français par le terme genre

* 41 Cette dimension symbolique de l'ordre social analysée par P. BOURDIEU, a des conséquences sur la manière de penser les dominations entre individus et groupes c'est d'ailleurs là qu'intervient la violence symbolique.

* 42 Voir l'article de Harona SY dans Le Mélanges offerts à LY, Boubacar, 2006, Sociétés en devenir, PUD, Dakar

* 43Le DSRP II en donne une définition à sa page 18, la vulnérabilité estexpliquée en terme de risques particuliers et d'exposition des populations à ces risques. La définition va plus loin et l'assigne à « la nature des forces agissant sur le bien être d'une personne que sur son aptitude sous-jacente à se protéger des risques et des chocs auxquels elle est exposée

* 44Voir l'ouvrage de BOURDIEU (Pierre) et PASSERON, (Jean Claude), 1970, La Reproduction : éléments d'une théorie du système d'enseignement, Editions Minuit, Collection Sens Commun.

* 45Pierre Bourdieu définit le "constructivisme structuraliste" à la jonction de l'objectif et du subjectif : "Par structuralisme ou structuraliste, je veux dire qu'il existe, dans le monde social lui-même, [...] des structures objectifs indépendantes de la conscience et de la volonté des agents, qui sont capables d'orienter ou de contraindre leurs pratiques ou leurs représentations. Par constructivisme, je veux dire qu'il y a une genèse sociale d'une part des schèmes de perception, de pensée et d'action qui sont constitutifs de ce que j'appelle habitus, et d'autre part des structures sociales, et en particulier de ce que j'appelle des champs ."

* 46Pierre Bourdieu a spécifié ici, en cherchant à le rendre opératoire pour des travaux empiriques, le double mouvement constructiviste d'intériorisation de l'extérieur et d'extériorisation de l'intérieur.

* 47Madelaine,Grawitz, 2001, Méthodes et techniques en sciences Sociales, Paris, Dalloz P. 352

* 48Madelaine,Grawitz, 2001, Méthodes et techniques en sciences Sociales, Paris, Dalloz P 644

* 49 Ceci est un extrait d'un communiqué du Point d'Ecoute en 2008 à Kaolack

* 50 Nous nous référons ici à son ouvrage intitulé Le deuxième sexe (1949)

* 51 GUEYE Nogaye, 2007-2008, La scolarisation des filles dans la vile de Thiés: les difficultés de poursuites scolaire, Dakar, UCAD, FLSH, Département de sociologie.

* 52 L'article 152 du Code de la Famille Sénégalais stipule que « Le mari est le chef de la famille, il exerce ce pouvoir dans l'intérêt commun du ménage et des enfants ». P 22

* 53 Denise, Masson , 1967, Le Coran, trad., Paris, Gallimard « Folio »

* 54 A la page 21 de l'ouvrage de JASPARD Maryse sur les Violences contre les femmes, elle y montre comment ce model patriarcal renforce les relations inégalitaires entre hommes femmes et conduit à la violence

* 55 Ce meurtre très commentée par la presse sénégalais et suivi de très prés par le Point d'écoute de l'APROFES a eu lieu dans des conditions d'insécurité marquées par l'isolement du lieu et les délestages.

* 56Fatou SARR SOW, L'analyse genre dans les sciences sociales en afrique, Sexe genre et société, Dakar, CODESRIA, p 59

* 57 Ces victimes affirment pour la plupart être violentées par des proches, un mari, une coépouse, un proche, donc dans le cercle familial dans la plupart du temps. Ces espaces que Jaspart Maryse appelle huis clos familial est selon elle, le principal cadre des violences les plus graves, la danger étant moindre dans les espaces publics pourtant très sexistes

* 58 La boisson comme cause de la violence reste cependant une piste mitigée, des études notamment celles de Maryse JASPART ont montré que la boisson alcoolique est un catalysateur de la violence, un révélateur d'agressivité, mais il n'est pas toujours l'origine de la brutalité

* 59 Dans ce contexte précis la femme mariée doit être patiente et pouvoir supporter les difficultés du mariage

* 60 L'époux est avant tout une personne à respecter






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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote