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Penser la justice dans le monde, une urgence Rawlsienne

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par Eric Christian BONG NKOT
Université de Yaoundé 1 - Mémoire rédigé en vue de l'obtention d'un diplôme d'études approfondies ( DEA ) en philosophie.  2009
  

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2- Biopolitique et humanisme

Le paradigme biopolitique, en référence aux exigences englobantes de la vie, et dans le but de déconstruire l'inspiration antihumaniste qui anime la confrontation moderne entre l'idéal démocratique d'autonomie et le principe d'individualité, considère le respect de la vie et du pluralisme qui la caractérise comme fondement éthique de toute politique humaine. La vie est ici ce qui donne sens à l'agir humain, le champ d'action où se déploient les deux facultés que Rawls reconnaît à l'homme, à savoir le raisonnable et le rationnel. Bref ce qui fonde la transcendance de la personne humaine, transcendance ici signifiant comme le veut Jean Lacroix, « mouvement vers », entendu ici au sens de mouvement vers l'autre. Ce propos d'Edgar Morin nous instruit d'avantage :

Rappelons une dernière fois que chacun vit une pluralité des vies, sa propre vie, la vie des siens, la vie de la société, la vie de l'humanité, la vie de la vie. Chacun vit pour garder le passé en vie, vivre le présent, donner vie au futur.283(*)

Cette interprétation de la transcendance de la personne humaine peut déjà trouver une référence dans l'impératif catégorique de Kant, qui veut l'extension de la responsabilité du sujet rationnel qui vaut pour lui-même, à tout sujet possible et à tout le réel. Ce réel constitue un patrimoine commun à tout l'humanité, et dont la gestion doit se conformer à l'exigence éthique et rationnelle qui commande de traiter le sujet comme une fin et jamais comme un moyen. Cette exigence de transcendance, Kant la pose comme impératif pratique dans la maxime suivante : « Agis de telle sorte que tu traite l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen ». De cette maxime découle la théorie kantienne de l'autonomie du sujet. Quelle en est la conséquence ? Tout simplement que notre responsabilité à l'égard d'autrui est une responsabilité à l'égard d'une personne qui nous est égale, et qui est au même titre que nous un sujet libre et autonome. Seulement, Kant croit que le principe suprême de toutes les lois de la volonté, véhiculé par l'impératif catégorique, se cache dans l'expérience de la morale populaire. Et pour y accéder, il faut simplement remonter à la source de la morale populaire et en élucider le principe fondamentale qui est le devoir. Et le problème qui peut se poser ici est celui du type de rapport qu'entretiennent l'impératif catégorique et la réalité culturelle.

Même si l'on parvient à remonter à la source de l'expérience morale populaire, il est difficile de déboucher sur une conception immanente de la praxis sociale. Ceci parce que l'analytique transcendantale (remonter à la source de la morale populaire) qui explicite les principes, ne peut aboutir à une modification du réel par l'acte de la volonté. La volonté pour Kant est envisagée d'un point de vue formel, et même lorsqu'il envisage l'étude des conditions de l'agir moral dans les impératifs hypothétiques, c'est pour réduire ces derniers à leur aspect formel, à leurs maximes pratiques.

Au contraire, il nous parait évident que l'effort pour fonder la transcendance de la personne humaine et définir la possibilité d'un renouveau humaniste aujourd'hui, ne doit pas se faire de façon abstraite, formelle, théorique. Le problème de la transcendance humaine se définit comme problème du rapport de l'homme à l'homme, dans la culture qui est son domaine de définition. Ce rapport de l'homme à l'homme est de nature éthique. La transcendance de l'homme se déploie au sein de son être comme un être autonome, pas seulement comme un élément de la nature en général. Cette capacité d'autonomie fait de l'homme un être en situation, c'est-à-dire d'un être capable à la fois d'une analyse et d'une synthèse de la situation dans laquelle il se trouve, un être capable de changer sa situation en se choisissant.

Ceci nous amène à reconnaître la transcendance de l'homme dans sa capacité à se détacher de la nature par la production culturelle. La société, en tant que produit de l'autonomie humaine, est la sphère qui élève l'individualité physique de l'homme à sa valeur comme personne morale. Ceci introduit le problème de la reconnaissance d'autrui comme personne morale. Le problème de la transcendance de la personne humaine devient, dès lors, celui de son rapport à la société, correspondant ainsi à la tache critique de la reconnaissance de l'homme dans la société : il faut construire une société telle que la valeur de la personne, en tant qu'être rationnel et raisonnable, y soit reconnue.

Se situant dans cette voie, Rawls souligne significativement que toute sa recherche présuppose «  la conception des personnes comme des être libre et égaux, capable d'autonomie »284(*). Ainsi la société n'est elle pas seulement un instrument de praxis, elle est elle-même récupérée dans la synthèse du rapport de l'homme à la culture qui est son sol, sa terre d'habitat, et sans laquelle il n'est rien d'autre qu'une abstraction. La reconnaissance de l'autre comme personne morale ne doit cesser d'orienter la vie politique, il faut la ramener de l'analytique kantienne à la synthèse dynamique de la culture, c'est-à-dire la responsabilité dans la présence au monde de l'autre, au monde culturel, social, politique, économique. Tel est le sens de la limitation de l'individualité dans le vécu social.

Cette conception de la limitation de l'individualité, Rawls l'étudie dans la congruence du juste et du bien, qui ôte toute antinomie entre l'autonomie et l'objectivité des normes sociales. L'artisan de cette compatibilité est la position originelle dont l'action consensuelle reste le gage de l'objectivité des normes sociales.

Dans la doctrine du contrat, les notions d'autonomie et d'objectivité sont alors compatibles, il n'y a pas d'antinomie entre la liberté et la raison. Toutes deux sont caractérisées d'une manière conséquente par la référence à la position originelle. L'idée d'une situation initiale est centrale pour toute la théorie et les autres notions de base y sont définies dans ses termes. Agir de manière autonome, c'est donc agir à partir des principes auxquels nous consentirons en tant qu'êtres rationnels, libres et égaux, et que nous devons comprendre de cette façon. Ainsi ces principes sont objectifs285(*).

Dans un texte plus récent, Rawls étudie la responsabilité dans la présence au monde d'autrui à travers la complémentarité entre le juste et le bien.

Une conception de la justice politique doit en quelque sorte contenir en elle-même un espace suffisant afin que certains modes de vie obtiennent un soutient sans faille. En bref, la justice délimite, le juste révèle la raison d'être. Ainsi le juste et le bien sont complémentaires, ce que la priorité du juste sur le bien ne nie en rien. Sa signification générale est que bien qu'une conception politique de la justice doivent ménager, pour être acceptable, un espace suffisant pour certains modes de vie que les citoyens peuvent défendre, les conception du bien sur lesquelles elle s'appuie doivent correspondre aux limites fixées (l'espace autorisée) par cette conception politique même286(*).

La responsabilité dans la présence au monde d'autrui se présente comme une quête permanente, un devoir éthique qui pousse tout homme à aspirer à un monde social fondé sur le respect de la vie. Ce que qu'Edgar Morin considère comme un impératif pratique valable « non seulement pour soi, mais pour la tache la plus grande jamais rencontrée par l'homme : la lutte simultanée contre la mort de l'espèce humaine et pour la naissance de l'humanité »287(*). Elle intègre au plus profond d'elle-même le respect et la sauvegarde du patrimoine commun à l'humanité, comme la terre, la nature, et tout ce qui contribue à rendre agréable la vie de tout être vivant. Dans ce sens Rawls dévoile la dimension marxiste de sa pensée. Sa conception de la politique comme défense de la vie se rapproche de l'idée marxiste d'économie d'énergie qui voit le principal défaut du mode de production capitaliste dans le fait qu'il détruit la source principale de la richesse humaine, la terre. De manière tout aussi marxiste, Rawls fait de l'homme un être amphibie, puisqu'il est libre mais reste soumis à la nécessité sociale. En cela, Rawls reste le support intellectuel du renouveau humaniste d'aujourd'hui, un partisan de l'autonomie politique et individuelle.

* 283 Edgar Morin, Pour sortir du xxeme siècle, Paris, Fernand Nathan, 1981, p. 373.

* 284 John Rawls, « La théorie de la justice comme équité », in Collectif, Individu et justice sociale. Autour de John Rawls, Paris, Seuil, 1988, p. 310.

* 285 John Rawls, Théorie de la justice, p. 560.

* 286 John Rawls, « La priorité du juste et les conceptions du Bien » in Archives de philosophie du droit, vol 33, La philosophie du droit aujourd'hui, Paris, Sirey, 1988, p. 40.

* 287 Edgar Morin, Pour sortir du xxeme siècle, op cit, p. 372.

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