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Penser la justice dans le monde, une urgence Rawlsienne

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par Eric Christian BONG NKOT
Université de Yaoundé 1 - Mémoire rédigé en vue de l'obtention d'un diplôme d'études approfondies ( DEA ) en philosophie.  2009
  

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2. Quelques amendements sur le libéralisme politique de Rawls

Il va sans dire que la constitution d'un droit des peuples, c'est-à-dire un ensemble de normes politiques et morales qui régissent la société politique des peuples, est primordiale dans le libéralisme politique de Rawls. On a ainsi un système international organisé sur la base deux ordres juridiques correspondants à deux sphères d'application : la sphère domestique et la sphère internationale. Les principes de justice applicables dans la sphère domestique « interviennent dans le cadre simplifié d'une société que Rawls définit comme une « communauté nationale indépendante »296(*). Pour la sphère internationale, les principes qui s'y appliquent interviennent dans le respect de la souveraineté de chaque Etats.

Mais ce libéralisme politique mérite d'être révisé quant au privilège qu'il accorde à l'Etat souverain. Le dualisme institutionnel qui définit la théorie rawlsienne de la justice ne répond pas seulement à une simple exigence de simplification méthodologique. Il développe un ordre de priorité qui conditionne en même temps les droits des personnes et des peuples selon les domaines d'application. Même lorsque la complexité inhérente aux sociétés contemporaines est prise en compte, il va de soi que les personnes n'ont toujours pas à l'échelle internationale les même droits qu'elles détiennent dans les sociétés libérales. La même remarque s'applique aux peuples sans Etats qui se trouveraient lésés face aux peuples possédant un Etat souverain. Donc, dans la perspective rawlsienne, les droits individuels possèdent une priorité sur le droit des peuples dans un contexte national ; alors que dans la sphère internationale, les peuples ont plus d'importance que les individus. C'est le privilège accordé à l'Etat souverain qui pousse Rawls à adopter une attitude de tolérance vis-à-vis des Etats qui ne reconnaissent pas aux personnes les droits que leurs garantissent les sociétés libérales. Même lorsque Rawls veut réfléchir au sens du droit de sécession ainsi qu'aux règles gouvernant la fédération des peuples, il y a lieu de penser que ces droits sont moins importants que ceux qui s'appliquent aux peuples disposant d'un Etat souverain.

C'est là un inconvénient fondamental qui ne cadre pas avec ce que postule l'idée de nation d'un point de vue cosmopolitique. Car même si elle admet l'ambivalence de l'Etat-nation, elle ne souscrit pas à une distinction entre les sphères internationales et domestiques. L'idée de nation d'un point de vue cosmopolitique soutient une contrainte mutuelle entre les deux régimes de droits. Ces deux régimes de droits s'appliquent autant dans la sphère domestique que dans la sphère internationale. Cela dit, le « droit à l'indépendance » qu'est soutenu par le libéralisme politique rawlsien ne doit pas être vu comme une étape primordiale pour les peuples sans Etats de revendiquer un possible droit de sécession. Plutôt, le droit des peuples doit consister en des principes généraux ayant des signification et des incidentes différentes, selon qu'il s'applique aux peuples qui ont un Etat ou aux peuples sans Etats. Le droit des peuples à la souveraineté est un droit inaliénable, mais il doit avoir des incidences différentes selon qu'on se trouve en face d'un peuple détenant une souveraineté étatique ou non.

Dans ce cas les principes généraux du droit des peuples prennent l'allure des principes généraux d'une charte des droits de la personne. De même que l'égalité des personnes se décline différemment et adopte des incidences particulières en fonction des contextes de son application297(*), les principes du droit des peuples doivent être compris dans leur généralité pour pouvoir s'appliquer de façon équitable à l'ensemble des peuples, et des règles bien précises qui valent pour tous les peuples, qu'ils aient des Etats souverains ou en soient dépourvus. Mais ne sommes-nous pas en train de nous éloigner de l'humanisme du libéralisme politique rawlsien pour nous rapprocher de l'individualisme moral ? Le prétexte individualiste s'affirme à première vue. Car en établissant les principes généraux du droit des peuples sur le modèle des principes généraux d'une charte des droits de la personne, nous semblons soutenir que le droit des peuples doit s'identifier à un système de droits et libertés civiques et politiques promus par des institutions véritablement démocratiques. Ce qui revient à reconnaître une certaine priorité à l'autonomie individuelle. On pourra être tenté de réduire la tolérance aux sociétés démocratiques et dire que les deux régimes de droits doivent, pour paraphraser Habermas, être « co-originaires » et fondés sur une procédure de délibération sans entraves des citoyens libres dans leurs consciences et dans leurs opinions. Autrement dit, nous accordons implicitement un privilège à l'autonomie individuelle.

Mais tel n'est pas le cas. Notre défense de deux régimes de droits, individuels et collectifs, se veut respectueuse d'un équilibre entre les deux régimes de droits. Elle évite la subordination d'un régime à un autre. Et ce dualisme juridique offre un cadre institutionnel permettant à chaque individu de poursuivre ses fins rationnelles en fonction du rapport particulier qu'il choisit avoir avec son peuple. Les personnes qui privilégient les valeurs individuelles trouvent leur compte, et celles qui accordent une plus grande valeur à leur encrage communautaire ne se sentiront pas lésées car ce cadre institutionnel impose en même temps un ensemble de droit collectif s'appliquant aux peuples. Donc à première vue, on croit que la priorité est accordée à l'autonomie individuelle. Mais au fond, c'est une attitude de tolérance que nous traduisons entre deux façons de concevoir le rapport de l'individu à la société. Cette tolérance à l'égard des différents modes de vie axées sur les valeurs communautaires et individuelles est assurée en imposant côte à cote deux régimes de droits à l'intention des personnes et des peuples.

Ainsi l'objection individualiste évoquée, repose sur une triple méconnaissance. D'abord, elle méconnaît les deux procédures de délibération politique que sont, la procédure individuelle et la procédure collective. Elle méconnaît ensuite la distinction entre les critères de rationalité individuelle et collective qui interviennent dans ces deux procédures de délibération. Enfin, elle méconnaît la distinction entre les deux règles d'approbation qui accompagnent ces deux procédures de délibération : le consentement individuel et la règle de la majorité. Il y a donc deux procédures de délibération ; l'une impliquant les groupes, l'autre les individus ; on a ensuite deux sortes de représentation politique, la représentation individuelle et la représentation collective ; et deux sortes de ratification, le consentement individuel et la règle de la majorité. Et c'est la tolérance qui nous force à respecter les différences entre ces deux sortes de procédures délibératives.

* 296 John Rawls, Théorie de la justice, p. 499

* 297 C'est le cas lorsqu'on considère le cas spécifique des droits du foetus, de l'enfant, des immigrants, des réfugiés, des personnes âgées des travailleurs, des personnes handicapés.

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