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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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2. Un mot obus contre le capitalisme vert

La décroissance est un slogan volontairement provoquant, un « mot obus », afin d'engager le débat sur les implications de la société de croissance. L'émergence et la relative médiatisation du mouvement des objecteurs de croissance au moment d'une prise de conscience collective de la crise écologique n'est pas un hasard. Les partisans de la décroissance s'indignent de la récupération du discours écologiste par les promoteurs de ce qu'ils nomment le « capitalisme vert ».

Leur opposition résolue à toute idée de croissance verte est signe du caractère anticapitaliste de la décroissance qui remet aussi en question, de manière controversée, le développement lui-même.

L'impossible croissance verte

Les théoriciens de la décroissance se sont fixés pour objectif de déconstruire le mythe des bienfaits de la société de croissance. Leur critique ne s'arrête donc pas à la croissance du P.I.B comme nous avons pu le voir. Au contraire, ils avertissent l'opinion sur le non-sens que constitue à leurs yeux les néologismes de croissance verte ou de développement durable. Avec des intentions plus ou moins louables, ces mots induiraient un changement purement sémantique qui n'aurait aucunement l'intention de remettre en cause le productivisme.

Dans la littérature décroissante « la décolonisation de l'imaginaire collectif » revient comme un leitmotiv. L'objectif est de désaccoutumer les citoyens du consumérisme mais aussi de contrer les arguments qui présentent une mutation écoresponsable de la société de croissance. Le développement durable est ainsi désigné comme un piège tendu pour évacuer à bon compte la question de la déplétion des ressources naturelles. Pour les objecteurs de croissance, le développement durable serait donc un oxymore. Serge Latouche donne une définition qui résume à elle seule toute la critique sémantique décroissante : « On appelle oxymore, une figure de rhétorique consistant à juxtaposer deux mots contradictoires [...]. Ce procédé poétique servant à exprimer l'inexprimable est de plus en plus utilisé par les technocrates pour persuader de l'impossible : ils parlent ainsi de « guerre propre », de « mondialisation à visage humain », d'économie « solidaire », etc. »85(*). Bien que la généralisation de la notion de développement durable soit le signe d'une prise de conscience écologique salutaire, les objecteurs de croissance n'en stigmatisent pas moins la logique économique tout aussi peu soutenable à long terme.

Les biens naturels ne peuvent être remplacés par d'autres biens mêmes plus abondants ou artificiels. Les technologies vertes n'offrent pas plus une réponse satisfaisante. Les investissements dans l'économie immatérielle comme nous l'avons vu auparavant sont aussi une fausse piste pour les décroissants. Ce type d'économie accompagnerait plus l'ancienne économie qu'elle ne la remplacerait. Mais surtout les objecteurs de croissance lèvent une objection fondamentale à toute idée de croissance durable avec la redécouverte par le chercheur François Schneider du paradoxe de Jevons. L'économiste britannique du XIXème Stanley Jevons s'était interrogé sur la consommation croissante de charbon alors que les machines à vapeur étaient de plus en plus économes. Il s'était aperçu que les économies de charbon par machine apportées par le progrès technologique avaient été absorbées par l'augmentation du nombre total de machine si bien que la consommation absolue de charbon s'était accrue. C'est ce qu'on appelle « l'effet rebond », les économies d'énergies réalisées sont en tout ou partie compensées par une adaptation du mode de consommation. Par ce dernier argument le mouvement de la décroissance met à bas l'idée d'un développement éco-efficient. Tous les efforts développés par le capitalisme pour intégrer la contrainte écologique sont vains puisque la logique sociale de consommation qui le caractérise incite à acquérir toujours plus de biens.

En outre le développement durable implique un découplage absolu entre activité économique et impact environnemental. Ce découplage consiste à faire baisser l'empreinte écologique par unité produite. Or cette augmentation de l'efficacité dans l'utilisation des ressources doit se faire au moins au même rythme que l'activité économique pour espérer échapper à la déplétion des ressources. Pour les raisons que nous avons rappelées, un tel découplage semble extrêmement difficile à réaliser. L'étude de l'économiste Tim Jackson tend d'ailleurs à le vérifier empiriquement et qualifie ce découplage de « mythe »86(*). Les objecteurs de croissance n'oublient pas la critique sociale. Ils soulignent que les pauvres sont la variable d'ajustement de ce nouveau capitalisme qui tire de nouveaux marchés et profits de la problématique écologique. La décroissance se pose donc en butte au développement durable et à la normalisation du discours écologiste repris comme un outil marketing. Ses partisans n'hésitent d'ailleurs pas à prendre violemment à partie les ONG ou des personnalités telles que Yann Arthus Bertrand ou Nicolas Hulot régulièrement brocardés dans les pages « écotartufes » du journal La Décroissance. Symbole du greenwashing87(*), le Grenelle de l'Environnement est lui aussi pris pour cible comme « la concrétisation de cette alliance entre une écologie dépolitisée et les logiques ultralibérales », un « véritable Munich de l'écologie politique »88(*) selon les mots de Vincent Cheynet. Le journal La Décroissance organisa d'ailleurs deux « contre-grenelles » pour dire « Non au capitalisme vert ».

On l'aura remarqué, le mouvement de la décroissance s'ingère dans le champ politique et s'inscrit en faux contre la banalisation des questions écologiques. Mais plus encore la critique des oxymores « croissance verte » ou « développement durable » amène à contester le capitalisme lui-même. Paul Ariès en fait la démonstration : « Ce projet a une apparence, le développement durable. Il a une réalité : le passage à un nouvel âge du capitalisme »89(*).

* 85 LATOUCHE, Serge, Le Pari de la décroissance, op.cit., p. 114

* 86 JACKSON, Tim, Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable (version française réalisée par la fondation Etopia, Bruxelles, De Boeck, 2010

* 87 En français « éco-blanchiment » : opération de publicité donnant une image écologique non fondée à une entité ou un produit.

* 88 CHEYNET, Vincent, Le Choc de la décroissance, op.cit., p. 8

* 89 ARIES, Paul, « Contre le capitalisme vert » dans La Décroissance, mars 2009, p.3

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