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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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Europe Ecologie : vers une homogénéisation culturelle ?

Après le score désastreux de Dominique Voynet à l'élection présidentielle de 2007 et la normalisation de l'écologie suite au Grenelle de l'environnement, le parti écologiste disparait des radars médiatiques. En coulisse certaines personnalités du mouvement s'activent pour redonner un nouveau souffle à l'écologie politique dans la perspective des européennes de juin 2009. A l'initiative de Daniel Cohn Bendit est lancé un rassemblement des écologistes au-delà du seul parti Vert. Et pour cause ce dernier est considéré par certains comme incapable de quelques succès que ce soit en raison de ses sempiternels déchirements internes. Dany le Vert garde d'ailleurs une certaine rancoeur envers le parti écologiste. La direction voynettiste et une partie des militants ne l'avaient pas ménagé lors de la campagne européenne de 1999 dont il était la tête de liste. Son frère Gaby lance même un appel le 22 mars 2008 « Ecologistes de toutes tendances, unissez-vous » en vue des européennes. Le but affiché est de créer une liste indépendante de tout parti politique regroupant des membres des Verts, de l'extrême gauche, du P.S, et jusqu'au Modem.

Dans ce contexte la nouvelle secrétaire nationale des Verts Cécile Duflot prend ses responsabilités et engage le parti dans le rassemblement des écologistes. Ce dernier prend l'allure d'un véritable « casting électoral ». Des personnalités des Verts (Héléne Flautre, Pascal Canfin, Catherine Grèze,...) se retrouvent au côté de figures du mouvement associatif écologiste (Yannick Jadot responsable des campagnes à Greenpeace, Sandrine Bélier directrice de France Nature Environnement) et de la société civile (l'ex magistrate anticorruption Eva Joly, l'altermondialiste José Bové ou l'ancien journaliste Jean Paul Besset). La liste finalement intitulée « Europe Ecologie » remporte un franc succès dans les urnes. Avec plus de 2,8 millions d'électeurs et 16,28% des voix elle talonne le PS (16,4%) et le dépasse même allégrement dans certaines régions comme en Ile de France ou dans le Sud Est. Le triomphe inédit d'Europe Ecologie marque l'amorce d'un cycle de rénovation de l'écologie politique française. Aux régionales de 2010, la politique d'ouverture continue avec de nouvelles recrues issues de la gauche, de l'associatif ou du monde civil tels que le haut fonctionnaire Robert Lion, le responsable des enfants de Don Quichotte Augustin Legrand ou encore Stéphane Hessel qui figure sur la liste en Ile de France. Forts de leur nouvelle stature électorale et de leur unité, les écologistes souhaitent concrétiser cet élan en refondant l'organisation du mouvement écologique français. Après de nombreux travaux collectifs, consultations et rencontres, les Verts se fondent définitivement aux assises de Lyon le 13 Novembre 2010 dans un nouveau mouvement au nom original « Europe Ecologie - Les Verts » (EELV).

La question est ici de savoir si la transmutation du parti écologiste a permis d'instaurer une plus grande homogénéité culturelle. Force est d'abord de constater que la transformation du parti s'est accompagné d'un long processus de démocratie interne. Chaque adhérent peut participer à des groupes de travail qui réfléchissent sur la forme de la future organisation et sur la charte des valeurs qui doit en constituer le socle. Des assemblées régionales se réunissent également pour échanger sur la transformation du mouvement et faire remonter les observations des militants aux groupes de travail. En octobre 2010, les participants au processus d'Europe Ecologie ratifient les statuts à 84% et le texte manifeste à 90%. Quelques semaines plus tard les Verts font de même à 85,1%. Il faut noter que l'adoption d'un manifeste définissant les grandes lignes du projet et de la doctrine écologiste est une première pour les écologistes français. Son apport est bien plus que déclaratoire. Il permet de donner un socle de références communes à l'ensemble des adhérents du nouveau mouvement. Avec un peu plus d'une dizaine de pages, le Manifeste pour une société écologique offre aussi l'avantage d'être facilement diffusable. Vendu pour une somme modique, il est possible de le trouver dans un grand nombre de librairies et les groupes locaux s'en font livrer un certain nombre. Le manifeste apporte donc un progrès incontestable vers une plus grande homogénéité culturelle. La synthèse idéologique du parti est directement accessible aux militants qui peuvent facilement se l'approprier.

L'écriture d'un tel manifeste n'est pas un hasard. Par définition le rassemblement des écologistes agrège un ensemble de personnalités et de militants aux cultures politiques diverses. Le texte renvoie à un besoin d'unifier dans la durée un mouvement encore plus composite qu'auparavant. Mais outre cette diversité nouvelle, les mécanismes permettant d'établir une culture politique commune sont structurellement faibles dans le parti écologiste. Peu de choses sont en effet prévues pour « socialiser » les nouveaux adhérents et entretenir un corps de croyances partagé. Il n'existe pas de structures de formations institutionnalisées pour les militants et les séminaires de formations sont rares et organisés bénévolement. De plus les écologistes sont un des rares partis politiques à ne pas bénéficier d'instance de production doctrinale. Ce type de centre de réflexion est bien utile pour broder la cohérence idéologique et établir des propositions. Le manque de moyens financiers est souvent avancé pour expliquer cette absence. Pourtant même le Front national possède son « Conseil scientifique ». La création d'une Fondation de l'Ecologie politique a été évoquée après le succès d'Europe Ecologie sans que le projet ait vu le jour jusqu'ici.

Ainsi le parti vert connait un turn over élevé qui est à la fois la cause et la conséquence de son hétérogénéité culturelle. Daniel Boy établit à ce propos que 58% des adhérents verts le sont depuis moins de trois ans268(*). A l'heure où nous écrivons ces lignes il est encore trop tôt pour dire si ce phénomène perdurera avec Europe Ecologie - Les Verts. Mais gageons que l'afflux d'adhésions apporté par les bons scores du parti et l'attraction de la primaire écologiste risque de retomber avec la séquence des élections présidentielles et législatives toujours difficile pour les écologistes. En tout état de cause la faible stabilité du corps militant écologiste rend difficile l'élaboration d'une culture politique partagée qui nécessite une certaine continuité pour s'élaborer.

Pour conclure il ne s'agit pas d'affirmer que la culture politique écologiste n'existe pas. Les écologistes possèdent un socle minimal constitué notamment de l'attachement antiproductiviste et enrichi par le manifeste fondateur d'EELV. Cette culture est faiblement structurée et ne parvient pas à transcender l'ensemble des héritages culturels. Pour prendre acte de cette situation, elle est fondée sur le pluralisme et le respect des références culturelles individuelles. Ceci explique pourquoi le débat identitaire est toujours aussi sensible, en particulier sur le sujet de la décroissance. En tant qu'administrateur de sens le parti Vert doit entretenir un récit identitaire crucial pour lier les différents acteurs du parti. Or l'antiproductivisme constitue la base de l'identité partisane écologiste. C'est un des rares segments identitaires communs. Dans ces conditions le parti Vert ne peut ignorer la décroissance qui tend à exacerber cette identité antiproductiviste. Nier tout lien avec la décroissance reviendrait à s'éloigner des fondements mêmes du parti et à saper sa cohérence idéologique. Le parti Vert se livre donc à un subtil jeu de réappropriation des idées décroissantes.

* 268 BOY, Daniel, et alii, C'était la gauche plurielle, op.cit., p. 66

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