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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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Un travail d'euphémisation

La décroissance porte un projet de rupture radical avec la société moderne. Les Verts partagent en grande partie cette vision qui correspond à leur identité antiproductiviste. Pour autant depuis les années quatre-vingt-dix et en outre la participation au gouvernement de « gauche plurielle », le parti écologiste affiche son caractère de parti de gouvernement. Le débat sur la décroissance esquisse une ligne de friction entre logique identitaire et logique de compétition électorale. Le parti écologiste se livre alors à un exercice de synthèse délicat.

Le projet des écologistes n'a pas vocation à rester dans l'anonymat ou la marginalité. Cette assertion est en substance la réponse des Verts sur la question de la décroissance. Or derrière cette réponse brève se cache une ambivalence que les cadres du parti ont tenté d'éclaircir. L'économiste du parti Jérôme Gleizes est ainsi chargé de faire le point. Dans un article publié dans la revue EcoRev277(*) il tente de lever les ambiguïtés sur l'usage du terme par le parti écologiste. Si la décroissance est présentée comme au centre du programme écologiste, l'auteur insiste sur la nécessaire précision du concept qui n'est « jamais utilisé seul mais toujours qualifié ». Il se réfère à une motion d'orientation votée en 2006 lors de l'Assemblée Générale de Bordeaux qui affirme : « Il y a de la place pour la décroissance de notre empreinte écologique, avec plus de qualité de vie, de "bien être ensemble" et plus de justice sociale ». Les Verts se réapproprient la notion de décroissance mais sous l'angle de la réduction de l'empreinte écologique. Ce changement sémantique est plus qu'une nuance. L'expression « décroissance de l'empreinte écologique » neutralise la charge négative du terme mais également sa radicalité. Il permet de recentrer le concept sur l'antiproductivisme et partant de s'écarter de l'antilibéralisme qui marque la notion. La réappropriation de la décroissance par les Verts a donc valeur de compromis.

Lors d'un entretien lors des journées d'été d'EELV fin août 2011, Yves Cochet nous confirmait cette hypothèse. Il définissait la décroissance selon trois acceptions : la décroissance de l'empreinte écologique (réduction de la prédation de l'homme sur les ressources naturelles) ; la décroissance économique qui se traduit par une baisse du P.I.B (récession) ; la décroissance en tant que projet de société tel que porté par les objecteurs de croissance. Pour lui, la position du parti écologiste se limite à la première définition. La décroissance de l'empreinte écologique est d'ailleurs accompagnée d'adjectifs mélioratifs (« démocratique », « équitable », « solidaire ») pour éviter toute confusion. Dans le même ordre d'idée, de nombreux cadres du parti se rangent derrière l'idée de croissance/décroissance sélective. Autrement dit la transformation écologique doit conduire à la décroissance de certains secteurs (automobile, nucléaire, militaire, ...) et à la croissance d'autres (énergies renouvelables, transports collectifs, agriculture biologique, ...). Là encore la réappropriation du terme marque un recul par rapport au projet des objecteurs de croissance. Postuler une croissance/décroissance sélective occulte la remise en cause profonde de la logique sociale de la société de croissance pour se focaliser sur l'aspect économique et écologique.

L'appropriation de la « décroissance » par le parti Vert conduit donc à vider le concept en partie de sa substance. La raison de cette euphémisation est simple. Il s'agit d'éviter un « suicide électoral » selon la formule d'Yves Cochet. A travers les entretiens que nous avons réalisé avec les élus écologistes, nous avons en effet pu constater une certaine méfiance à l'égard du terme même de décroissance. Celui-ci serait trop violent pour être porté dans une campagne électorale. Selon Jean Paul Besset, il fait peur jusque dans les rangs d'EELV puisque « nos sociétés modernes se sont développées sur la matrice de la croissance »278(*). Or la philosophie du parti Vert n'est pas de s'enfermer dans des positions doctrinales mais de jeter des passerelles vers la société pour créer une majorité culturelle. L'ancien rédacteur en chef du journal Le Monde voit en cela la différence fondamentale entre les Verts et les objecteurs de croissance. Leurs charges virulentes contre le capitalisme et leur surenchère polémique sont contreproductives car « il faut se faire comprendre ».

La réappropriation de la décroissance par les Verts ne se fait donc qu'au prix d'une certaine reformulation. Le parti écologiste a intégré la dimension majoritaire du jeu politique et accepte la concurrence du marché politique. Par conséquent la décroissance est intégrée au récit identitaire mais de manière euphémisée. On retrouve cet équilibre dans les propositions programmatiques écologistes.

* 277 GLEIZES, Jérôme, « Les Verts et la décroissance », Ecorev, dossier « Sens de la décroissance », n°26, avril 2006

* 278 Entretien avec Jean Paul Besset, op.cit.

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