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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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L'antiproductivisme toujours au coeur du programme écologiste ?

Au centre de l'identité partisane écologiste, l'antiproductivisme doit logiquement constituer la trame du programme des Verts. Or bâtir un projet sur une valeur aussi spécifique est-il compatible avec une logique de compétition électorale ? Les documents programmatiques de 2007 et 2012 apportent quelques éléments de réponse.

Le premier constat est que l'antiproductivisme constitue effectivement le socle du programme des Verts. Il est le terreau dans lequel prennent racine les propositions écologistes et se retrouve le plus souvent dès le préambule. Le programme 2012 dénonce dès la première page l'impasse de la « reproduction sans frein de l'ancien modèle de croissance infinie » et appelle à faire « décroître notre empreinte écologique »285(*). On retrouve ici le concept de « décroissance de l'empreinte écologique » déjà présent dans le programme de 2007286(*). Concrètement cela se traduit par une volonté de faire décroitre la dépendance aux énergies fossiles, le volume des déchets, de sortir du nucléaire d'ici 2031 et du modèle agricole productiviste. Mais l'antiproductivisme du programme écologiste va au-delà de la décroissance de l'empreinte écologique. Les propositions de la semaine de travail à 32h ou la mise en place d'un revenu universel garanti font directement écho aux thématiques des objecteurs de croissance. Elles remettent en cause la société travailliste et s'opposent au consensus libéral. En ce sens le programme des Verts pourrait presque passer pour un programme décroissant.

Pourtant l'apport du programme présidentiel et législatif pour 2012 ne réside pas dans l'adhésion aux thèses de la décroissance. Au contraire ce projet parachève l'édification d'un parti généraliste qui démontrer une capacité gestionnaire. Des thématiques nouvelles sont mises en avant et rompent avec l'idée d'une alternative idéologique radicale. Pour la première fois sont ainsi détaillées des propositions pour une « industrie écologique » mais aussi pour « réduire fermement » la dette et les déficits publics. Certes ces mesures répondent à une conjoncture économique particulière mais notons tout de même l'évolution rapide vers un certain pragmatisme alors que le programme de 2007 entendait rompre avec la « mondialisation néolibérale »287(*). D'autre part à travers le projet de VIème République, les écologistes semblent initier une réflexion sur l'Etat jusqu'ici absente de leurs propositions.

La volonté d'apparaitre comme un parti crédible à vocation majoritaire s'illustre d'autant plus dans le projet présidentiel du candidat écologiste Eva Joly288(*). Ce document est en quelque sorte l'appropriation personnelle par le candidat du programme parti. Les propositions se retrouvent peu ou prou dans le programme officiel d'EELV mais dessinent un ordre de priorité. Ce sont pour l'essentiel ces mesures-là qui sont présentées pendant la campagne présidentielle. Or ce projet est riche d'enseignements. D'abord l'antiproductivisme a presque disparu du texte. On ne trouve aucune occurrence des mots « productiviste » ou « décroissance » dans un ensemble de soixante-huit pages quand il était possible de les dénombrer quatre fois (deux fois « productiviste » et deux fois « décroissance) dans le programme d'EELV pour 2012 et quatorze fois dans celui de 2007 (sept fois et cinq fois). D'ailleurs l'antiproductivisme n'apparait plus clairement. Tout juste est-il fait allusion au « choix de modèles économiques et de comportements respectueux, sobres, de nouveau en accord avec la nature » et à la volonté de construire « des modes de vie [...] qui réduisent notre empreinte sur la planète et sur l'atmosphère ». L'accent est mis sur les questions économiques et sociales notamment avec la proposition de créer « un million d'emplois verts ». A l'instar du voisin belge Ecolo, la tendance est donc à passer sous silence l'antiproductivisme pour y préférer un « néo-keynésianisme vert » dans l'idée d'un « Green New Deal ». Preuve de ce renversement doctrinal, le contre budget d'Eva Joly s'intitule « Budget 2012, un new deal écologique et social »289(*). Il prévoit quatorze milliards d'euros d'investissements dans « l'économie durable » et affirme fortement l'objectif de réduction des déficits réalisé essentiellement par des hausses d'impôts et des coupes dans les dépenses anti-écologiques.

L'étude des programmes écologistes permet de faire un rapide état des lieux de la réappropriation de la décroissance par les Verts. Elle se traduit à minima par la formule de « décroissance de l'empreinte écologique » et se fond plus largement dans l'antiproductivisme qui irrigue l'ensemble programmatique. Cependant la logique de compétition électorale tend à éroder la matrice antiproductiviste des programmes écologistes. Il est trop tôt pour dire si la conversion à une forme de néo-keynésianisme écologique se confirmera. Mais remarquons tout de même que l'objectif affiché de faire revenir le déficit public à 3% du P.I.B en 2014 est un tournant dans l'histoire des Verts.

***

Du fait de la pluralité des cultures qui le composent, le parti écologiste français est fragile sur le plan identitaire. Ces multiples influences rendent le débat identitaire sensible et permanent. Dans ce contexte la stratégie de minorité active des objecteurs de croissance porte ses fruits. Elle remet l'antiproductivisme au coeur de l'agenda politique des Verts alors qu'ils ont entamé un processus de transformation en parti de gouvernement. Pris sous cet angle il serait d'ailleurs possible d'expliquer l'émergence du mouvement pour la décroissance en réaction à l'institutionnalisation de l'écologie politique. En s'engageant à bras le corps dans la compétition électorale, les Verts laisseraient un espace vide que l'écologie radicale des objecteurs de croissance viendrait combler. Les Verts et les tenants de la décroissance se trouvant sur le même versant de clivage, les premiers sont confrontés à l'influence des seconds. La décroissance, en réactivant l'identité antiproductiviste, force ainsi les Verts à intégrer ses thématiques pour éviter la désagrégation de leur récit identitaire.

Dans ce contexte, l'équilibre entre logique électorale et logique identitaire se trouve sur une ligne de crête. L'équation est de se forger une culture politique de gouvernement tout en gardant une offre politique suffisamment différenciée. La décroissance est alors intégrée de manière euphémisée autour du concept de « décroissance de l'empreinte écologique ». Ce compromis permet de conserver à la fois une base culturelle commune aux adhérents du parti et de se mettre en condition pour se confronter à l'épreuve du pouvoir. Toutefois il convient de ne pas négliger la sociologie des adhérents Verts. Le parti étant composé en majorité d'élus, il est nécessaire de s'intéresser plus précisément aux militants Verts pour obtenir une vision d'ensemble de l'influence de la décroissance chez les écologistes français.

* 285 Europe Ecologie - Les Verts, « Vivre mieux vers la société écologique », http://eelv.fr/le-projet/

* 286 "L'avenir ne sera soutenable pour tous les habitants de la planète que si une décroissance de l'empreinte écologique des pays riches est amorcée : décroissance de l'exploitation des ressources non renouvelables, des profits et des revenus des 20% les plus aisés, de la fabrication et de la vente d'armes, du gaspillage énergétique, des transports routiers et aériens...", Les Verts, Le monde change, avec les Verts changeons le monde, programme présidentiel de 2007, http://lesverts.fr/spip.php?breve72

* 287 Les Verts, « Pour une alternative à la mondialisation néolibérale », Le monde change, avec les Verts changeons le monde

* 288 « L'Ecologie, la Solution. Le projet présidentiel d'Eva Joly », http://evajoly2012.fr/

* 289 « Budget 2012, un new deal écologique et social », http://evajoly2012.fr/

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