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La médiation familiale face à  la singularité des problématiques et des situations familiales

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par Chloé DONVAL
Institut des sciences de la famille- Lyon - Diplôme d'état de médiateur familial 2011
  

Disponible en mode multipage

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Introduction

Au cours de mes études, et par les observations que j'ai pu faire sur différents lieux de stage (les points rencontres, les services de médiation familiale, mais aussi dans l'accompagnement des personnes à mobilité à réduite), je me suis rendu compte de la difficulté pour les parents séparés de maintenir une communication suffisante pour le bien-être de leurs enfants, lorsqu'un conflit, souvent lié à la séparation, les oppose. J'ai aussi fait le constat que chaque famille est particulière, et que son accompagnement mérite de prendre en compte cette donnée. Je me suis alors demandée quelle pouvait être la profession qui permettrait d'accompagner ces familles dans la résolution de leur conflit, tout en prenant en compte chaque individu et chaque problématique de manière singulière.

C'est donc en quête de réponses face à ce questionnement que mon intérêt s'est porté vers la médiation familiale.

1. Problématique

Dans le cadre du stage inscrit dans le cursus de formation au Diplôme d'Etat de médiateur familial, j'ai suivi et accompagné plusieurs processus de médiation familiale. J'ai aussi été associée à un certain nombre de rencontres, sans en suivre la totalité du processus.

Les observations pratiques qui ont nourri cette recherche sont extraites de cette expérience.

De part le monde et le temps, le concept de famille a toujours trouvé sa place. Les liens unissant ses membres sont variés : biologiques, d'adoption, ou encore choisis. Leurs structures sont aussi différentes, et ne cessent d'évoluer au gré des sociétés dans lesquelles elles vivent. En France, il existe plusieurs modalités d'union pour les couples conjugaux : mariage, PACS1(*), union libre.

Les structures originelles de la familles sont très différentes les unes des autres : les familles dites « traditionnelles », les familles monoparentales et homoparentale, les familles recomposées. Malgré des traits communs à tous les types de familles, elles sont uniques. Les désaccords et les conflits qu'elle rencontrent au cours de leurs existences sont nombreux.

Les médiateurs familiaux sont des professionnels qui accompagnent ces familles dans le rétablissement de lien entre leurs membres, lorsque ceux-ci ont été altéré ou rompu, lorsque la communication est difficile ou qu'elle est devenue impossible.

La médiation familiale se trouve à la croisée des champs sociologiques, psychologiques et juridiques. Elle offre un espace d'accueil, d'écoute et de communication, où l'altérité, la reconnaissance et le respect de l'autre sont les maîtres mots.

Elle s'adresse essentiellement aux familles en situation de conflit ou de rupture de communication. Chaque participant est unique de part son histoire et sa personnalité. Les médiateurs familiaux sont aussi particuliers par leurs formations et leur manière d'exercer leur profession.

La médiation familiale se pratique dans un cadre fixe, avec des règles strictes, permettant de créer un environnement sécurisant et différent de celui dans lequel les personnes évoluent au quotidien.

Confrontée à cette diversité, les questionnements suivants ont émergé :

Comment prendre en compte chacun des individus dans sa singularité, tout en amenant chacun d'entre eux à réfléchir conjointement?

Comment travailler avec ce cadre fixe, tout en accueillant des familles aussi différentes les unes des autres ?

Comment répondre à la complexité de chaque demande ?

Comment travailler avec les familles à l'accomplissement de leurs volontés, et comment les aider à trouver ensemble des solutions à leurs problèmes ?

Comment le médiateur peut -il adapter le processus de médiation familiale à chaque famille ?

Aussi, ma problématique pourrait être énoncée de la façon suivante :

Comment la médiation familiale peut-elle accueillir, accompagner, et s'adapter à la singularité de chaque famille?

2. Hypothèse

Je formule l'hypothèse suivante :

C'est grâce à la garantie, par le médiateur, d'un cadre fixe structurant les demandes et les échanges, à l'animation d'un processus s'adaptant aux besoins spécifiques de chacun, couplée à la volonté des participants de trouver ensemble des solutions mutuellement acceptables, que la médiation familiale peut accueillir les demandes de chaque famille dans sa singularité.

3. Méthodologie

Le cadre, l'adaptabilité et la singularité seront les thèmes dominants de ma réflexion. Ils seront utilisés afin de comprendre et d'analyser ce qui permet aux personnes d'être accueillies et accompagnées en médiation familiale.

L'objectif de ce mémoire est de démontrer que la médiation familiale peut accueillir toutes sortes de problématiques familiales, et entendre chaque personne dans ses difficultés et ce, grâce à un cadre fixe et structurant, ainsi qu'à une grande part d'adaptabilité du processus de médiation familiale.

Pour cela, je me suis appuyée, d'une part sur les approches pratiques et théoriques de médiateurs familiaux formés à différents modèles théoriques, et d'autre part sur les analyses de certains professionnels des champs sociologiques et psychologiques.

Ce mémoire s'appuiera, dans la majorité des cas présentés, sur des problématiques tournant autour de la séparation conjugale ,car c'est là la grande partie du travail des médiateurs familiaux.

La première partie de mon travail traitera du cadre de la médiation familiale. Une définition étymologique tentera d'en donner une représentation plus symbolique et imagée.

Je décrirai dans un deuxième temps, les caractéristiques du cadre de la médiation familiale, c'est à dire les éléments matériels et humains le constituant.

Seront ensuite déclinées les fonctions de ce cadre, qui sont limitatives, contenantes et symboliques.

Puis viendra la déclinaison des compétences des garants de ce cadre que sont les médiateurs familiaux.

Il s'en suivra une partie décrivant les familles rencontrées en médiation familiale, leurs structures, leurs problématiques, tout en mettant en avant le caractère singulier de chacune d'entre elle, notamment à travers le processus de séparation.

La deuxième partie traitera du processus théorique de médiation familiale avec un développement particulier pour chacune des étapes qui le composent. Ensuite, j'exposerai les différents modèles théoriques auxquels les médiateurs peuvent être formés, afin de mettre en avant les points qui leurs sont communs.

La troisième et dernière partie traitera de la spécificité de chaque processus, en mettant l'accent sur le fait qu'il existe une trame commune, mais qu'il existe également une grande part d'adaptabilité de ce processus au regard des familles rencontrées, de leurs problématiques et des médiateurs familiaux accompagnant celui-ci. Cette adaptabilité sera mise en exergue par le biais de différentes pratiques sur des thèmes tels que : les entretiens gratuits d'informations, les entretiens individuels, la notion de temps, la place de la belle famille et des enfants lors des entretiens de médiation familiale etc...

La dernière section de ce travail tentera de confirmer ou d'infirmer l'hypothèse de départ, en confrontant le concept théorique de cadre fixe de la médiation familiale à des situations extraites de la pratique, mettant en avant l'adaptabilité et la singularité de chaque processus.

Première partie

Présentation de la médiation familiale et des familles rencontrées en médiation familiale

Dans cette première partie, je présenterai la médiation familiale en général, puis les familles rencontrées en médiation familiale.

I. Présentation de la médiation familiale

Mon but ici est de décrire la médiation familiale à travers la notion de cadre. Qu'est ce que le cadre de manière générale ? Comment définit-il la médiation familiale, et quelles sont ses fonctions ? Je développerai aussi la médiation familiale à travers les médiateurs familiaux. Quelle est leur formation ? Quelle place tiennent-ils dans la médiation familiale ? Et quelles sont les règles auxquelles ils répondent ? Ceci permettra un premier encrage dans la théorie.

1. Le cadre de la médiation familiale

A) Généralités sur le cadre

D'un point de vue étymologique, et selon le dictionnaire Larousse, la notion de « cadre » prend plusieurs sens. Un cadre peut signifier une bordure entourant un objet matériel ; une glace, un tableau, un panneau. Ici, nous pouvons dire que le cadre délimite et circonscrit un objet, une action, un espace. Il différencie l'intérieur de l'extérieur.

Le cadre, en tant que support, réunit et soutient différents éléments d'un ensemble. Si l'on prend l'exemple du cadre de vélo, il permet aussi la fonctionnalité du système, en mettant en lien les différentes parties, la roue et le pédalier par exemple. Le verbe « cadrer » renvoie à la notion d'accordage et d'adaptation entre l'objet cadre et son contenu.

Dans un registre plus abstrait, le cadre structure la pensée. C'est un ensemble de constantes et d'invariants constitués d'éléments fixes, de règles et de limites.

Afin d'appliquer la notion de cadre à la médiation familiale, je citerai quelques auteurs. Claire Denis, médiatrice familiale, dans son ouvrage « la médiatrice et le conflit dans la famille »2(*) dit « la notion de cadre est essentielle en médiation comme dans toute démarche scientifique : le cadre est, en effet, le contenant stable, neutre, fait d'éléments constants, de présupposés fixes, qui permet d'explorer un contenu variable et l'expérience en mouvement. »3(*)

Le psychologue Paul FUSTIER, s'appuyant sur les travaux du psychanalyste José BLEGER, définit la notion de cadre à partir de son rapport avec le processus. «Un processus (un changement, un effet de maturation ou de soin) est une variable qui ne peut se manifester qu'à l'intérieur d'un cadre, qui est, quant à lui, une constante. Ce cadre, qui représente les règles invariables dans lequel se joue le processus, est maintenu par le thérapeute de façon stable. »4(*)

Je vais maintenant aborder le cadre tel qu'il est défini par la circulaire du 30 juillet 2004 publié par le CNCMF.

B) Un cadre défini par la circulaire du 30 juillet 2004

Cette circulaire à été publiée par le CNCMF5(*) :

« La médiation familiale est un processus de construction et de reconstruction du lien familial, axé sur l'autonomie des personnes et la responsabilité des personnes concernées par des situations de rupture ou de séparation.

Fondée sur l'engagement volontaire des personnes et la reconnaissance de l'altérité, la médiation familiale est confidentielle.

Son champ d'intervention recouvre :

ñ Toutes les modalités de l'union, et notamment : le mariage, le concubinage, le PACS6(*)

ñ La situation des liens intergénérationnels dans leur diversité

ñ Toutes les situations de ruptures telles que : décès, séparations, questions patrimoniales, incommunications

ñ Les situations à dimension internationale

ñ Les situations familiales concernées par la protection de l'enfance

Dans une démarche éthique et dans le cadre d'entretiens confidentiels, le médiateur familial, tiers impartial et indépendant, sans pouvoir de décision, garant du cadre et du déroulement du processus, favorise l'accompagnement du projet des personnes à travers l'organisation de leur rencontre, la restauration d'un dialogue, la gestion de leurs conflits dans le domaine familial, entendu dans sa diversité et dans son évolution.

Le médiateur familial accompagne à la recherche de solutions concrètes amenant les personnes à trouver elles-mêmes les bases d'un accord mutuellement acceptable, tenant compte, en l'état du droit, des besoins de chacun des membres de la famille et particulièrement de ceux des enfants, dans un esprit de co-responsabilité parentale. »7(*)

Cette définition vient baliser de façon assez précise la pratique de la médiation familiale. Elle détermine son champ d'intervention (toutes les modalités de l'union, la situation de liens intergénérationnels, toutes les situations de rupture, les situations à dimension internationale, et les situations familiales concernées par la protection de l'enfance), ses objectifs (reconstruction du lien familial, restauration du dialogue, gestion des conflits) et sa finalité (la construction d'un accord qui s'appuie sur la coparentalité et qui recherche l'intérêt de l'enfant). Elle caractérise le cadre (confidentialité) et les postures du médiateur familial (impartial, indépendant et sans pouvoir de décision), ainsi que sa pratique (processus axé sur l'autonomie et la responsabilité des personnes concernées. Le médiateur accompagne la recherche de solutions concrètes amenant ces personnes à trouver elles-mêmes les bases d'un accord).

Cette définition représente les fondations sur lesquelles le médiateur construira son cadre de travail à l'intérieur duquel le processus s'organisera. Il me semble important de préciser qu'il existe d'autres codes de déontologie et d'autres définitions auxquels les médiateurs familiaux peuvent se référer.

Voici maintenant la description des fonctions du cadre, dans la pratique de la médiation familiale.

C) Le cadre et ses fonctions

? Le cadre spatio-temporel

Le lieu constitue un élément du cadre. Il est important qu'il garantisse la continuité du processus. Le lieu d'accueil est le reflet de ce que le médiateur est en mesure d'apporter à la famille. Il se doit d'être rassurant, agréable et contenant. Les personnes doivent s'y sentir à l'aise. Afin de respecter la confidentialité des entretiens, il est nécessaire que l'espace de médiation soit insonorisé, sans quoi les personnes pourraient penser que l'espace de médiation n'est pas en mesure de contenir ce qu'elles expriment.

La configuration de la salle et le mobilier sont des éléments changeants que le médiateur peut organiser à sa manière. Cependant, il semble important que chacun puisse être confortablement installé sur des fauteuils ou des chaises. Il me semble important que la distance entre les participants puisse s'adapter, car même si en début de la médiation les participants ne souhaitent pas être proche les uns des autres, il est important qu'ils puissent faire évoluer cette distance au cours des entretiens s'ils le désirent. Afin que le médiateur puisse observer les personnes physiquement et dans leur ensemble, pour une meilleure lecture du langage non verbal, on peut privilégier une table basse ou l'absence totale de mobilier entre les personnes.

Le cadre délimite aussi le temps. La notion de temporalité n'est pas à négliger dans un processus de médiation familiale. En effet, pour que le changement puisse être possible, les échanges entre les personnes doivent être structurés dans le temps. C'est pourquoi la durée du processus est limitée : il possède un début et une fin, il est rythmé par les entretiens, étant eux aussi d'une durée limitée. Cette notion de temps balise les moments de parole.

L'intervalle entre les entretiens est un élément négociable du cadre. Il n'est pas déterminé à l'avance, et fait l'objet d'une négociation entre les protagonistes et le médiateur. Il est important que le médiateur soit vigilant sur le fait que la rythmicité soit cohérente avec les besoins de la famille. L'espace temps entre les entretiens doit permettre aux personnes de réfléchir à la séance passée, et d'élaborer la suivante, tout en gardant à l'esprit ce qui a été dit précédemment. Je développerai plus largement cette notion dans la troisième partie.

? Un cadre constitue des règles

Des règles viennent caractériser le dispositif de médiation : il s'agit du financement de la médiation, du langage comme mode de communication, de la place des acteurs, de la confidentialité. Certaines définissent aussi le positionnement du médiateur, impartial et neutre. Ces règles permettent aux participants de se trouver dans un espace de parole différent de celui qu'ils rencontrent au quotidien, et c'est en partie la structuration de ce nouvel espace qui leur permettra d'amorcer des changements. L'espace de médiation est un espace protégé où les personnes doivent se sentir en sécurité.

? Les fonctions du cadre

Comme le dit le psychanalyste Didier ANZIEU8(*) quand il compare les fonctions psychiques du cadre et celles biologiques de la peau, « à l'instar de la peau, le cadre délimite un intérieur d'un extérieur, contient le dedans, protège le dehors et permet les échanges entre les deux ».

En médiation familiale, le cadre permet aux personnes de trouver un espace de communication différent de celui dans lequel leur conflit les enferme. Le cadre permet la mise en place de comportements différents, où l'agressivité et la violence vont pouvoir se transformer en reconnaissance de l'autre et en respect, où les participants vont pouvoir collaborer au lieu de s'affronter.

? La fonction limitative du cadre

Le cadre de la médiation, en tant qu'espace de parole, fonctionne avec ses propres règles venant différencier ce qui est possible à l'intérieur de l'espace de médiation, de ce qui ne l'est pas à l'extérieur. La règle principale étant que, dans l'espace de médiation, les participants ont la possibilité, et la liberté, de dire ce qu'ils estiment important, ce qu'ils ressentent, ce qu'ils pensent car ils ont des choses à se dire et à se transmettre, notamment au sujet de leurs enfants. Ils ont aussi le droit à la protection de leur espace privé, et ainsi, le droit de « ne pas dire ». En effet, seules les personnes présente en médiation familiale (les parents, les familles) sont celles qui vont décider des points a discuter et des choses à ce dire. Dans cette espace de médiation familiale, l'existence des règles telles que le temps de parole pour chacun, l'écoute, le respect qui est toute fois une règle fondamentale également en dehors de la médiation, constitue un « espace protégé ». dans cet espace, les parents vont pouvoir échanger sur des thèmes tel que leur colère, leur déception, leur émotions... Ici, les participants vont pouvoir aborder les points difficiles et sources de conflits avec certaines limites qui n'existent pas à l'extérieur. Ces limites permettront des échanges plus constructifs.

C'est par l'énonciation de ces règles que le cadre exerce sa fonction limitative. Ces règles se trouvent renforcées par la règle de confidentialité. Les acteurs s'engagent à ne pas exporter à l'extérieur ce qui est échangé à l'intérieur de la médiation, notamment au cours d'une procédure ultérieure ou parallèle.

? La fonction contenante du cadre

Le cadre va servir de réceptacle à tout ce qui peut faire obstacle à la mise en place du processus. Il va être le lieu de dépôt des haines, des rancoeurs, des blessures, des souffrances et des violences, mais aussi des fragilités encombrant la pensée des individus venant en médiation. Il permet aux personnes d'extérioriser leur ressenti, ce qui est une étape primordiale dans le déroulement du processus. Le médiateur offre un contenant permettant de classer, de trier, voire de réorienter les éléments qui ont été déposés dans le cadre, et cela avec la garantie pour la personne, que ce qui a été exprimé ne sera pas perdu et ne tombera pas dans l'oubli. Le médiateur recueille ainsi les émotions sans les traiter de manière thérapeutique, mais en permettant d'y mettre des mots.

Ici, ils vont « pouvoir se dire », le médiateur va écouter et entendre chacun dans un premier temps, pour ensuite pouvoir restituer ces paroles de façon positive et constructive.

Pour exemple lors d'un entretien individuel de médiation familiale auquel j'ai assisté lors de mon stage :

La médiatrice reçoit Madame pour un entretien individuel, celle-ci arrive dans un état de souffrance morale très marqué. Elle pleure beaucoup et tente de mettre des mots sur l'altercation intervenue la veille au soir avec son mari.

La médiatrice l'invite à expliquer la situation. Dans un premier temps, la médiatrice écoute le déversement de déception, de souffrance et de peur, vécu par Madame, elle l'encourage à faire le récit de son histoire. D'une écoute empathique, la médiatrice prend note des éléments significatifs de la conversation.

Dans un second temps, la médiatrice va aider Madame à mettre des mots sur son ressenti, elle restitue à Madame ce qu'elle a compris.

Puis dans un troisième temps, la médiatrice va utiliser les dires de Madame de façon positive en la rassurant sur ses compétences de parent vis à vis de son enfant. La médiatrice reconnaît les difficultés de Madame tout en amorçant une nouvelle façon de percevoir les événements.

A la fin de cet entretien, Madame part sereine et apaisée par le fait d'avoir pu trouver un endroit où déposer ses angoisses. Elle sait que ses paroles ont été entendues et comprises par la médiatrice. Elle quitte le service de médiation avec un regard un peu différent sur son histoire, regard qui petit à petit se tournera vers l'autre.

Je veux montrer à travers cet exemple, que le cadre permet de recevoir la parole tout en la travaillant, en l'organisant. Après avoir pu formuler leur ressenti, les personnes sont plus à même d'engager un processus de médiation familiale, quelques barrières se sont levées, signe que le changement est prêt à s'amorcer.

Le rôle du médiateur familial, comme conteneur du cadre, suppose de sa part, à la fois une empathie, et en même temps, il se doit de poser des mots sur ces ressentis souvent violents et angoissants, tout en sécurisant les membres de la famille.

? La fonction symbolique du cadre

L'aspect symbolique du cadre repose sur le fait qu'il respecte un ensemble de règles sur lesquelles il s'appuie ; celles-ci sont partagées par chacun, et leurs fonctions essentielles sont de permettre la vie en société et la communication entre les individus. Ces règles sont celles de l'extérieur, et sont à mettre en lien avec les interdits fondamentaux que sont l'interdit de tuer et l'interdit de l'inceste.

L'interdit de tuer détermine les comportements et les modes de relation entre les individus, en excluant le recours à la violence, et en privilégiant la parole comme mode de communication.

L'interdit de l'inceste marque les différences générationnelles, et inscrit les individus à des places identifiées d'homme, de femme, d'enfant, de père et de mère.

Alice De LARA, conseillère conjugale et Pierre DE LARA, psychiatre et psychanalyste, écrivent dans un article paru dans la revue DIALOGUE : « La médiation familiale permet à chacun des membres du groupe de s'inscrire dans l'ordre symbolique et la loi humaine, celle de la place dans la suite des générations, dans sa lignée respective, paternelle ou maternelle, assumant son identité sexuée.»9(*)

La fonction symbolique du cadre introduit donc la loi au sein de l'espace de médiation, loi qui contraint chacun à renoncer à certains de ses désirs pour construire un lien avec l'autre.

Le médiateur est garant du cadre. Je vous propose donc, maintenant, de voir plus en détail qui il est, quelle est sa place, et quel est son rôle dans la médiation familiale.

2. Les médiateurs familiaux

Les médiateurs familiaux sont des praticiens en capacité d'évaluer l'opportunité de la mise en oeuvre de la médiation familiale, et d'utiliser la technicité qu'ils estiment la plus appropriée aux médiations qu'ils conduisent.

A) La formation

La formation des médiateurs familiaux permet l'obtention d'un diplôme d'état de médiateur familial. Elle est d'une durée de 2 à 3 ans selon les établissements. Son accès est réservé à :

ñ des professionnels titulaires d'un diplôme des champs psychosociaux, juridiques, de l'éducation et de la santé, pouvant justifier d'une expérience dans le champ de la famille de plus de trois années.

ñ des professionnels titulaires d'un diplôme de niveau bac + 2, justifiant d'une expérience professionnelle et/ou associative de cinq années dans le champ de la famille.

ñ des personnes ne justifiant pas des diplômes précités ou de l'expérience professionnelle exigée, et dont la candidature est acceptée après validation de leurs acquis, conformément à la loi de 1971.

B) La posture de tiers

L'une des spécificités de la médiation familiale est la présence, tout au long du processus, d'un tiers impartial, neutre et indépendant, au sein du conflit familial. Comment ce tiers favorise-t-il les négociations ? Comment permet-il de rétablir la communication entre les personnes ?

Comme le précise Michèle GUILLAUME-HOFNUNG, Professeur des Facultés de droit, dans son ouvrage « La médiation » : « Tout troisième n'est pas un tiers »10(*). Le tiers, médiateur, doit cumuler des qualités précises, telle que la neutralité, l'indépendance, ayant pour objectif d'en faire un tiers mettant en oeuvre un processus vraiment ternaire, sans pouvoir de décision. Le tiers brise la dualité où sont enfermées les personnes ; il leur signifie qu'ils existent et qu'il est pour eux un point de repère commun. Le tiers doit connaître les positions de chacun, connaître la vérité de chacun d'entre eux, pour pouvoir en comprendre le sens, et de cette manière, être dans la capacité d'ouvrir les champs des possibilités en amenant les personnes à prendre en compte la vérité et le vécu de l'autre. Lorsque les participants comprennent que pour sortir de leur conflit, il est nécessaire de prendre en compte l'autre et soi, alors ils peuvent rechercher des solutions satisfaisantes pour chacun en prenant soin de respecter les besoins de chacun.

Le médiateur est comme une passerelle qui rejoindrait deux rives : il découvre les paysages de l'un et de l'autre, reconnaît leur singularité et leur complexité réciproques et les amène petit à petit à se découvrir l'un l'autre afin, qu'à leur tour, ils puissent se reconnaître mutuellement et créer un paysage commun.

Le tiers se doit d'être impartial et neutre, car sans cela les personnes se sentiraient jugées et n'exprimeraient pas honnêtement leur ressenti. Il ne prend parti ni pour l'un ni pour l'autre, afin de favoriser les échanges entre les personnes elles-mêmes.

Le tiers est garant du cadre. Pour ouvrir un espace de parole entre deux personnes, le médiateur doit savoir poser et maintenir sa position de tiers. Il doit assurer la sécurité des personnes, et s'engage, comme les participants, à respecter les règles de la médiation. Il est le gardien du bon déroulement de la médiation. Il gère le temps des entretiens, l'aspect financier etc.

Le tiers anime le processus de médiation, c'est lui qui va hiérarchiser les thématiques abordées au cours de celle-ci, selon son appréciation, il veille au bon déroulement du processus et à son adaptation à la situation.

C) L'absence de pouvoir décisionnel

Le médiateur familial est sans pouvoir de décision, c'est-à-dire qu'il ne lui appartient pas de décider des solutions à adopter. Ceci est à mettre en lien avec « la compétence des familles », en effet, c'est à elles-mêmes qu'il appartient de prendre les décisions qu'elles jugent les plus adaptées à leur propre famille, seul les parents sont les décideurs.

Le médiateur n'est ni juge ni arbitre ; en ce sens, il accompagne les personnes dans leur prise de décision, car ce n'est que de cette façon que les parents pourront reprendre confiance en eux, en leurs compétences. C'est parce que ce sont leurs solutions, celles qu'ils ont imaginées, choisies, que « l'équipe parentale » se trouvera renforcée et prêt à avancer, ensemble, pour leurs enfants. En leur restituant leur place de parent, de décideur, le médiateur les responsabilise, les valorise sur leur compétences de parents ; en leur rappelant les choix qu'ils ont pu faire dans le passé, ensemble, par exemple..

Le médiateur encourage les parents à communiquer dans le respect de l'autre, de ses idées. Il les amène à s'écouter, s'entendre afin qu'ils puissent ensemble développer leur créativité dans la recherche de solutions amiables les mieux adaptées à leur famille.

D) Les recommandations éthiques et déontologiques

Je vais détailler quelques unes de ces recommandations, qui selon moi sont particulièrement importantes.

Il n'existe actuellement pas de code de déontologie reconnu par l'ensemble des médiateurs familiaux. Cependant, plusieurs association en ont rédigés un. J'ai choisi celui de l'APMF11(*), qui est une association nationale, et voici quelques principes fondateurs :

ñ « La médiation familiale est une démarche volontaire et choisie qui ne peut se mettre en place qu'en présence de tous les protagonistes » ;

Ce premier point est l'une des spécificités de la médiation familiale. En effet, pour que le processus puisse se mettre en place, il faut que les personnes concernées par le conflit aspirent réellement à ce que la situation change. Cela commence par une volonté commune de communiquer autrement avec l'autre, et d'améliorer la relation qui les unit. Cet élément est très important, car il y a, chez les participants, une réelle envie de faire autrement, de sortir du conflit dans lequel ils sont enfermés. C'est parce qu'à un moment donné ceux-ci décident qu'il faut des changements, que ceux-ci sont alors possibles.

Le médiateur devra donc s'assurer de l'engagement réel des protagonistes avant la mise en place du processus. Je détaillerai plus loin comment cet engagement peut se concrétiser.

Dans ce principe déontologique, nous retrouvons aussi le fait que la médiation ne puisse se mettre en place qu'en présence des personnes concernées. Je décrirai plus largement cet élément dans une autre partie abordant la problématique de « Comment faire venir l'autre en médiation », car il est évident que, sans l'ensemble des participants la médiation ne peut se mettre en place.

ñ « Le médiateur est impartial et neutre vis-à-vis des personnes qu'il rencontre » ;

Je disais plus haut que le médiateur n'était ni un juge, ni un avocat ; en effet, c'est parce qu'il n'émet aucun jugement que les personnes peuvent librement s'expliquer, sans craindre le regard porté par le médiateur sur leur histoire. L'impartialité du médiateur permet la spontanéité, la franchise et l'honnêteté entre les participants. C'est grâce à cela que le médiateur pourra avoir une connaissance réelle du problème dans sa globalité et une meilleure compréhension de celui-ci.

La médiation familiale doit permettre la restitution de l'équilibre du pouvoir entre les participants, car ce n'est que de cette manière que les négociations pourront être menées à bien. Hors, si le médiateur soutenait d'avantage les dires de l'une des personnes, cet équilibre serait en péril.

Les parents vivant dans le conflit sont entourés de personnes ayant un avis sur leur situation ; leurs amis et leurs familles les soutiennent, et dans cette démarche de soutien, l'autre est souvent perçu comme « le mauvais », « celui qui ne fait pas bien ». Cette position peut renforcer le conflit, voire l'aggraver, mais surtout elle ne permet pas le changement.

C'est parce que le médiateur est neutre et sans avis sur la situation, que les personnes peuvent enfin se reconnaître dans des visions plus positives.

ñ Le médiateur familial doit respecter et préserver la confidentialité des entretiens et de tous les documents produits dans le cadre du processus de médiation familiale.

Ce principe sera plus largement détaillé dans une autre partie concernant la rédaction d'écrits que les médiateurs familiaux rédigent parfois, et dans lesquels la confidentialité du contenu des entretiens doit être respectée.

Après avoir défini le cadre et ses fonctions dans la médiation familiale ainsi que quelques principes fondateurs auxquels sont soumis les médiateurs familiaux, je vais maintenant vous présenter les participants à la médiation, à travers la singularité qui les caractérise.

II. Présentation générale et singularité des familles rencontrées en médiation familiale

Cette partie concerne les familles rencontrées en médiation familiale. Qui sont-elles ? Comment se forment-elles ? Et quelles sont les problématiques les amenant à franchir le pas vers la médiation familiale ?

1. L'évolution des familles des années 50 à nos jours, d'un point de vue sociologique

Dans cette partie, je m'appuierai sur un document remis par François GARAU, Psychologue, lors d'un cours de sociologie à l'Ecole des Parents et des Educateurs de Moselle. Celui-ci s'intitule : « Futuribles/ Etude rétrospective et prospective des évolutions de la société française (1950-2030) »12(*)

Il semble nécessaire de faire un tour d'horizon de l'évolution des structures familiales d'hier, afin de mettre en avant la diversité des familles rencontrées en médiation familiale aujourd'hui.

D'un point de vue statistique, « la famille correspond à un groupe comprenant au moins deux personnes et constitué d'un couple (qu'il soit légitime ou non) et le cas échéant de ses enfants célibataires de moins de 25 ans ».

La famille est universelle. Toutes les sociétés humaines ont imaginé et construit des liens familiaux. Elle commence par l'union entre des individus, et se poursuit généralement par l'arrivée d'un ou plusieurs enfants. Dans toutes les sociétés, il existe des liens de parenté. La parenté est un système de repérage social. Qui sont nos parents ? nos ancêtres ? Quels liens ont-ils avec nous ? La parenté s'effectue par la terminologie et le vocabulaire. Elle désigne l'univers des parents au sens large. La parentalité est la mise en oeuvre du lien.

Selon Nicolas JONAS, agrégé de sciences sociales,« Si la famille n'est pas une institution stable dans l'espace, elle ne l'est pas non plus dans le temps, ce qui montre bien que c'est une construction sociale et non pas une donnée de la nature. Son visage évolue au gré des bouleversements que traverse la société dans laquelle elle se déploie.»13(*) C'est ce que je vous propose de voir dans nos sociétés occidentales :

D'un point de vue démographique, la famille a beaucoup évolué à travers l'histoire et plus particulièrement depuis la révolution industrielle. Les années 50 et 60 ont été une période de nuptialité intense et de précocité des unions. Le taux de nuptialité va croissant jusqu'en 1972, l'âge moyen du premier mariage atteint son niveau le plus bas au vingtième siècle ; 24,5 ans pour les hommes et 22,5 ans pour les femmes. Dans les années 60 le divorce était encore un phénomène minoritaire, l'union libre ne concernait que 3% des couples, et les naissances « illégitimes » étaient peu fréquentes.

La période 1965-1975 apparaît comme une grande cassure dans la formation familiale, avec l'évolution des idées sur le mariage, la sexualité, les rapports parents-enfants. Face à ces changements de valeurs, mais aussi aux transformations économiques et démographiques, la loi s'est adaptée: droit à la contraception, l'adoption du divorce par consentement mutuel, le droit à l'avortement, la reconnaissance de l'autorité parentale et non plus paternelle. Ces évolutions sociologiques et législatives se manifestent dans les faits, par une diminution à la fois du nombre des mariages, ainsi que du nombre d'enfants par femme, une augmentation des divorces et des unions libres. Globalement, les français se marient donc moins souvent, plus tard, et de façon de moins en moins définitive. Le modèle familial traditionnel (composé du couple parental marié et des enfants) est donc remis en question. Inversement, de nouvelles formes de vie familiale se mettent en place.

Les foyers abritant des enfants avec un seul de leurs parents, divorcé, veuf ou célibataire, ont cessé d'être stigmatisés et ont été classifiés sous l'appellation de « famille monoparentale ». De 1968 à 1990, la monoparentalité a progressé de 63%. Elle concerne principalement les femmes.

Les familles recomposées compensent en partie la dissolution des couples. Au recensement de 1990, parmi l'ensemble des couples avec enfants, on comptait 8,5% de familles recomposées, soit une augmentation de 20% au cours des années 1980.

Après avoir mis en avant les changements politiques et idéologiques qui ont bouleversé la famille dite « traditionnelle », et qui ont pour conséquence l'émergence de nouvelles compositions familiales, je vais, à partir de ces évolutions, détailler les éléments essentiels qui font que chaque famille est différente et singulière.

2. La singularité des familles

La singularité du latin singularitas signifie « fait d'être unique ». Il peut s'agir du caractère singulier, ce qui rend une chose ou une personne singulière, mais cela peut aussi être en lien avec la manière d'agir, de penser, de parler etc... hors de l'ordinaire, différentes de celle de tous les autres14(*).

La singularité a à voir avec les personnes, ce qu'elles font, ce qu'elles vivent, à travers différents comportements. A travers l'émergence de nouvelles structures familiales, et des problématiques qu'elles rencontrent, je démontrerai que chaque personne est différente, et combien il est nécessaire de prendre en compte chaque individu et chaque groupe en médiation familiale afin de rassembler les participants dans des représentations communes.

A) Les structures familiales

La famille composée du couple parental marié et des enfants prévaut toujours actuellement, cependant quelques variantes sont à noter. Les modalités de l'union sont variées, parfois il s'agit d'union libre, sans contrat liant le couple, parfois le PACS peut être le mode d'union choisi. Les variations se trouvent aussi dans la naissance des enfants, car de plus en plus naissent hors mariage.

Du fait du nombre de plus en plus important de divorces, il n'est plus rare de voir des enfants élevés par un seul parent, il s'agit des familles monoparentales.

Mais parce que la « vie de famille » se doit de perdurer malgré l'échec d'union antérieure, nous voyons émerger de plus en plus de familles recomposées. Les fratries s'agrandissent, et le nombre de responsables se multiplient : les parents « géniteurs » auxquels viennent s'ajouter les beaux-parents.

B) Le temps de la séparation en médiation familiale

La séparation conjugale étant la problématique majeure rencontrée en médiation familiale, je vais détailler cette phase et tenter de mettre en avant la complexité des étapes par lesquelles passe la majeure partie des participants à la médiation familiale.

L'un des éléments illustrant cette singularité est la notion de temps. On dit souvent en médiation que « le temps de l'un n'est pas le temps de l'autre ». Je vais développer cette notion de temps, en lien avec la singularité de chaque membre de la famille à élaborer la séparation.

La médiation familiale intervient le plus souvent dans le cadre des séparations conjugales. Selon Bob Deits15(*), auteur de l'ouvrage « Revivre après l'épreuve » (1999), la détresse qui suit la rupture amoureuse ressemble étrangement à celle ressentie lors du processus de deuil. L'acceptation de la séparation est un cheminement long et difficile que chaque partenaire devra parcourir. Bien entendu, plus la relation était significative, plus grand sera le deuil. Plusieurs étapes ont été identifiées dans le processus de séparation ou de divorce, certains les traversent de façon linéaire, d'autres s'installent dans une étape significative sans pouvoir la dépasser, voire même régressent à une étape antérieure... Ainsi le vécu des personnes en instance de séparation est très variable. Afin de baliser cette évolution, je vais décrire et analyser certaines des différentes étapes de la séparation.

Alice et Pierre de Lara16(*), ont développé ces étapes :

ñ La menace de séparation ou de divorce

L'instabilité et l'insécurité s'installent. L'insatisfaction se manifeste, les frustrations s'accumulent : affectives, sexuelles, matérielles...Souvent, l'un des partenaires exprime sa désillusion à l'égard de l'autre partenaire incapable d'être à la hauteur des attentes narcissiques dont il l'a comblé. Il manifeste son mécontentement et son besoin de changement. Cette phase n'est pas forcément l'indice d'un échec programmé mais peut révéler un malaise profond dans la relation de couple et il est souhaitable que cette « crise » incite les deux partenaires à réagir à cette situation indésirable avant qu'elle ne devienne irrémédiable. A ce stade, la vie du couple est émaillée de crises de plus en plus fréquentes, sur un fond conflictuel permanent. Il est encore possible d'agir en prenant conscience de la nécessité de modifier son comportement et de tenter de trouver en soi les ressources pour impulser une nouvelle dynamique afin de « sauver son couple ».

Le couple peut éventuellement solliciter l'intervention d'un tiers expérimenté : thérapeute de couple, conseiller conjugal et familial, psychothérapeute ou psychanalyste. Si besoin, une aide thérapeutique ou psychanalytique individuelle peut s'avérer nécessaire si l'un des deux membres du couple est fragilisé par la situation.

Mais, il arrive souvent que le processus de séparation soit trop avancé. L'un ou l'autre des deux partenaires finit par visualiser sa vie à l'extérieur de la vie conjugale. La rupture est non seulement admise, mais devient inéluctable et nécessaire. Le sentiment amoureux disparaît, la vie de couple devient de plus en plus insatisfaisante, voir génère des tensions qui pourront aller jusqu'à la violence. La menace de rupture se concrétise.

ñ La séparation

Elle peut être brutale, violente mais aussi discrète et progressive. En effet, chaque séparation est unique.

Il arrive parfois, qu'après de longues années d'union, le couple conjugal se détériore, confronté à la routine du quotidien. Chacun est pris entre ses responsabilités, son travail, l'éducation des enfants, il arrive alors que le couple devienne secondaire. Dans la société dans laquelle nous évoluons, le temps est précieux et le quotidien pressant. Lorsque le couple conjugal devient un couple parental à l'arrivée des enfants, les hommes deviennent des pères et les femmes des mères, ils n'est pas rare que le couple endosse ces nouveaux rôles au détriment de sa vie conjugale.

La séparation ici peut alors être progressive, insidieuse... Le temps et les responsabilités séparent les amants. D'ailleurs, après la séparation, avec du recul et du temps, le couple dira que cela fait longtemps que l'affection a remplacé l'amour, que l'écart s'est installé progressivement, que leur vision de la vie a changé, que les points communs se sont transformés en différence.

Mais malgré cette progression, la séparation n'en sera pas moins difficile, elle sera vécue comme une déchirure, un échec de vie, les regrets seront souvent présents.

La séparation pourra aussi être plus violente car la frontière entre l'amour et la haine est parfois si fine... En effet, lorsque la rupture est consécutive à la trahison et au mensonge, les effets sont différents. Lorsqu'une personne est déçue, triste et trahie, souvent le sentiment de vengeance est présent : « faire payer l'autre » devient une priorité et peut prendre le pas sur tout le reste ; les enfants peuvent alors être instrumentalisés dans ce nouveau scénario. Commence alors un long combat contre celui ou celle que l'on a aimé.

Parfois, l'un des conjoints refuse d'admettre la réalité de la séparation que l'autre lui impose, pensant cette situation temporaire et transitoire. Il garde l'espoir d'une amélioration, mais souvent quand l'un des membres du couple pose la décision de la séparation, il est déjà trop tard. Cette personne aura certainement longuement réfléchi à cette option, cette idée aura progressé et la séparation deviendra alors inévitable.

Cette phase de déni peut être transitoire ou perdurer. Il sera nécessaire, pour que les partenaires évoluent, que chacun prenne conscience de l'état actuel du couple avec honnêteté. Mais cela est parfois extrêmement difficile.

ñ Le déni

La réalité est difficile à admettre, et les émotions submergent les comportements. Dans tout processus de deuil, cette phase est normale, la souffrance est si grande qu'elle anesthésie le réel, amène à un refus de la réalité, repousse à plus tard.

ñ La colère et le ressentiment

A ce stade, la colère et le ressentiment sont souvent présents, colère dirigée contre soi ou tournée vers l'extérieur, dont le but est d'atteindre l'autre dans son intégrité et ses valeurs profondes, souvent au travers d'actions irrationnelles pouvant même être préjudiciables pour soi-même. Ici, il ne faut pas penser la colère comme un sentiment négatif. Au contraire, le fait de pouvoir être en colère contre l'autre permet d'intégrer la séparation. Cette colère constitue une reprise de la communication directe avec l'autre partenaire, même si elle n'incarne pas le meilleur moyen de communiquer. Puis, cette colère doit cesser, pour pouvoir ouvrir l'espace des négociations.

ñ La dépression

La dépression peut apparaître lorsque la réalité du divorce est devenue inéluctable, et que le sentiment de perte vient remplacer la colère et la rage, dépression réactionnelle au sentiment d'abandon, s'inscrivant parfois dans un processus psychique préalable d'espoirs perdus ou de rêves brisés signant la brisure finale de la relation conjugale.

ñ L'isolement

A ce stade, l'isolement avec la famille ou l'extérieur est fréquent chez celui ou celle qui subit la séparation et la perte de l'autre. On coupe les liens avec l'autre conjoint et la belle-famille, on désire même parfois ne plus voir ses enfants. On peut garder des liens avec sa propre famille ou des amis proches. Mais certaines personnes préfèrent volontairement rester seules.

ñ L'acceptation

Au début, l'acceptation est ambivalente. Peu à peu, l'autre prend conscience que la décision de son ex-conjoint est inéluctable et irréversible. Il s'agit d'adopter de nouveaux comportements en présence des parents, de la famille, des enfants, des amis. Il s'agit d'accepter une situation qui pouvait paraître inacceptable. On compose avec la nouvelle situation.

Les conjoints ne vivent pas simultanément ces différentes étapes. Il est important que ce décalage soit reconnu pour mieux comprendre le vécu des personnes qui se séparent. Le temps est donc un facteur essentiel.

Je veux montrer ici, que les personnes vivant une séparation passent par différentes étapes d'élaboration. Elles n'évoluent pas au même rythme. La séparation est vécue de façon différente et singulière par chacun, selon qu'il subit ou choisit la séparation tout d'abord, mais aussi tout au long des étapes à franchir avant de l'accepter. Le temps entre chaque étape est différente d'une personne à l'autre.

Il n'est pas rare d'entendre les médiateurs familiaux dire que l'un des médiés semble plus avancé dans son cheminement que l'autre.

Je vais dès à présent développer les différentes problématiques rencontrées dans ces nouvelles familles.

d) Les problématiques rencontrées par les familles en médiation familiale

J'aimerais maintenant faire un pas de côté pour regarder de plus près les participants à la médiation. Ce sont des hommes et des femmes d'âges très variables et d'horizons différents, avec des valeurs et des croyances qui leur sont propres. Les raisons de leur venue en médiation sont liées le plus souvent à une séparation conjugale, mais elles peuvent être autres.

ñ La séparation conjugale

Dans les familles où le couple parental se sépare, les problématiques les plus courantes tournent autour de l'organisation de la vie des enfants ; le mode d'hébergement à réfléchir, le choix des écoles lorsque que l'un des parents déménage, le rythme des rencontres avec la famille élargie, l'organisation financière etc... Mais souvent, en amont de cette réflexion sur la nouvelle organisation familiale, il est nécessaire pour le couple parental de revenir sur les raisons de leur séparation, c'est le temps du bilan. Ce bilan pourra permettre aux parents de se rappeler les bons moments passer ensemble, la naissance des enfants, les vacances... Ceci leur permettra peut être de prendre un peu de recul, de se rendre compte qu'ils n'ont pas toujours été opposé l'un à l'autre, qu'à un moment donné de leur vie ils ont été heureux ensemble, qu'ils ont fait des choix conjointement pour eux et leurs enfants. Cette phase peut favoriser la communication et la reconnaissance de l'autre, alors que jusqu'ici seul le conflit semblait les unir.

Parfois il est question d'adultère, le ressenti vécu par l'un est alors très fort. Le sentiment de vengeance peut être très accentué, tout comme le sentiment de trahison. La première étape pour ces personnes consiste à pouvoir déposer leur colère et leur ressenti, à se sentir entendu, et à ce que leurs difficultés soient reconnues par le professionnel mais surtout par l'autre. Le médiateur favorisera cela en amenant les personnes à reconnaître dans l'autre, d'autres traits de caractère, d'autres qualités plus positives qui permettront alors à la personne trahie de pouvoir a nouveau percevoir l'autre dans sa globalité et non plus essentiellement à travers sa trahison.

Lorsque la séparation est plus ancienne et encore conflictuelle, les liens entre les enfants et l'un de leurs parents peuvent être altérés, voire absents ; il sera alors nécessaire d'apaiser le conflit encore présent entre les parents, afin de pouvoir reconstruire le lien parent-enfant.

De même dans cette situation, les personnes, avec l'aide du médiateur, devront se parler des événements douloureux qu'elles ont traversés, du ressenti qui les a accompagnées tout au long de ces années, et parfois, lorsque la souffrance est alors enfin reconnue, la colère peut se dissiper, laissant place à de nouvelles perspectives.

ñ Placement de la personne âgée

Avec une population de plus en plus vieillissante, de nouvelles problématiques émergent. Il n'est pas rare que les enfants adultes aient à faire des choix pour leurs parents. Les avis des participants sont différents : certains souhaitent une mise sous tutelle, d'autres un placement en maison de retraite, ou alors un maintien à domicile. Ce sont des choix difficiles qu'ils pourront discuter avec l'aide d'un tiers professionnel.

Réunir l'ensemble d'une fratrie n'est pas simple. L'éloignement géographique, des conjoints pas toujours acceptés, des relations différentes avec les parents sont autant d'éléments qui, au fur et à mesure des années, ont pu éloigné, voire opposer certains d'entre eux. La médiation familiale est un processus complexe au cours duquel les participants sont amenés à partager les difficultés qu'ils rencontrent, les événements passés et douloureux. Lorsqu'il s'agit de réunir des frères et soeurs adultes, la tâche peut en être complexifiée. En effet, ceux-ci ont un passé commun très riche et très long parfois. Durant leur enfance, ils ont certainement partagé beaucoup d'événements, heureux et malheureux aussi, c'est alors le temps des explications. Il sera parfois nécessaire de revenir sur les blessures de l'enfance, les préférences de papa ou de maman envers tel frère ou telle soeur, les mots prononcés qui ne seront jamais oubliés, les alliances parfois, sont autant d'éléments avec lesquels le médiateur va devoir composer.

Il s'agira pour celui-ci de prendre chacun en compte, et parfois de l'accompagner dans la résolution de conflits souvent très lointains, mais qu'il sera nécessaire de traiter pour aborder les problématiques actuelles. S'agissant du placement d'un parent âgé, beaucoup d'affects sont en jeu, c'est tout d'abord accepter la diminution physique et psychologique de celui ou celle qui autrefois s'occupait d'eux avec courage, clairvoyance, assurance. Parent de qui on veut prendre soin en réponse à tant d'amour et de soutien pendant l'enfance et la vie de jeune adulte. Il sera aussi parfois, question contrairement, de parents ayant pu être violents et pour qui aujourd'hui il est plus compliqué d'aspirer à améliorer le quotidien, vestige d'une amertume ou de blessures toujours présentes.

Chaque enfant a son propre vécu avec ses parents, et leur souhaitent un avenir différent aujourd'hui, maintenant que le temps est venu de décider pour eux. Il sera parfois difficile pour le médiateur de les rassembler dans une volonté commune, du fait de l'importance de la fratrie, parfois conséquente, mais aussi des divergences de point de vue et de valeur.

Dans de telles problématiques familiales, il sera aussi, souvent, question d'argent. L'argent est une manière de « régler ses comptes », certains pensent que pour tel ou tel préjudice tel dédommagement financier doit lui être attribué. Il faudra aussi composer la médiation familiale avec ce sujet souvent délicat.

ñ Les jeunes parents dans une séparation

De plus en plus de jeunes couples ont des enfants, et lorsque la séparation vient désorganiser leur vie, ceux-ci sont parfois démunis. La parentalité n'étant pas toujours évidente pour tous, le fait de se retrouver seul à élever son enfant peut être très compliqué. Il peut être nécessaire de leur apporter un soutien à la parentalité, et de les rassurer dans leurs choix de parents. Il est très important que le parent ne se sente pas seul face à ses difficultés, qu'il soit soutenu.

Être parent à l'adolescence ou dans sa vie de jeune majeur n'est pas une chose aisée, même si cette situation est choisie. Parfois il y a un réel désir pour le couple d'avoir des enfants, mais ce n'est pas toujours le cas. Certains parleront de grossesse non souhaitée, diront qu'ils ont du prendre une décision, celle de « garder » ce bébé. Les situations sont très variées mais celle que traversent ces jeunes parents est loin d'être évidente. Pris entre leur désir de poursuivre une vie d'adolescent auprès de leurs amis, et celle de s'épanouir dans leur nouveau rôle de parent, ils sont tiraillés. Lorsque la famille est là pour les accompagner dans cette tâche difficile, ces jeunes parents peuvent trouver un relais, pour conjuguer ces deux vies, mais en l'absence de celui-ci ou lorsque il est défaillant, le jeune couple se retrouve bien seul face à ses difficultés.

Il est temps pour eux de faire des choix concernant l'avenir de la famille. Il peut s'agir d'arrêter des études, de trouver un travail pour subvenir aux nouveaux besoins, chercher un logement adapté. Ce sont autant de problèmes auxquels ces jeunes parents peuvent être confrontés. Ils comptent alors beaucoup sur le conjoint, le bonheur de l'enfant à venir et l'épanouissement de leur famille. Alors, lorsque le jeune couple se sépare, c'est souvent l'effondrement, ils ne sont plus solidaires maintenant pour affronter toutes ces difficultés qui paraissaient surmontables du temps du couple.

Le médiateur familial, dans une telle situation, va rassurer ces parents, parfois encore des enfants, sur leurs compétences, va les aider à être plus déterminés au regard des décisions qu'ils ont prises. Le médiateur sera parfois la première personne à les reconnaître réellement en tant que parents, ceci les amènera probablement à se responsabiliser, et par la suite, à prendre les décisions nécessaire, pour leur enfant.

Le médiateur pourra les accompagner dans cette nouvelle parentalité en leur indiquant des lieux où ils pourront échanger sur leur difficultés avec d'autres jeunes parents par exemple. L'un des rôles du médiateur est aussi ici de pouvoir les informer sur les personnes susceptibles de pouvoir les soutenir, cela passera peut être par un rétablissement du lien avec leur famille d'origine.

ñ Les familles recomposées

Avec un nombre de divorce en constante augmentation, les familles recomposées émergent. Les problématiques sont alors différentes et souvent axées sur la place et le rôle de chacun. Les beaux-parents ont une place souvent difficile, ils ne sont pas les parents biologiques, mais ils en ont certaines fonctions, car ils partagent un quotidien avec ces enfants. Il faudra réfléchir à la place que chacun veut prendre auprès de ces enfants et aux conséquences que cela entraîne.

ñ Le maintien du lien grand-parents/petits-enfants

La séparation conjugale amène des problématiques au delà des enfants et du couple, car souvent les grands-parents peuvent eux aussi avoir à en subir les conséquences. Ils peuvent être amenés à voir moins, parfois plus du tout leurs petits-enfants. Ici, les problématiques vont s'axer autour de la reprise de communication entre parents, parfois beaux-parents, et les grands parents, et plus tard, sur l'organisation de droits de visite.

Dans toutes ces situations, si différentes soient-elles, les difficultés se placent souvent autour de conflits enkystés, de communication défaillante, d'absence de lien. Même s'il est possible de dégager des problématiques familiales type, aucune médiation ne se déroule de la même façon, car derrière ces conflits se cachent des personnes très différentes, vivant intensément et difficilement leur situation. Il est du devoir du médiateur de considérer chaque personne, de reconnaître ses difficultés, et de l'épauler dans sa reconstruction identitaire. En effet, il est fréquent dans ces situations conflictuelles et dans ces différentes configurations familiales, que les personnes rencontrent des difficultés à trouver leur place et leur rôle au sein de la famille, ainsi qu'à être reconnues comme telles par les autres. Le médiateur devra prendre en compte la singularité de chaque personne et ses difficultés pour pouvoir à un moment donné faire travailler ensemble les participants.

A travers la présentation de l'évolution des familles et de leurs singularités, j'ai mis en avant la complexité de reconnaître chaque participant comme une personne unique et singulière, du fait de sa personnalité bien sûr, mais aussi par rapport aux étapes qu'il a franchies, à la famille dans laquelle il évolue, et aux problématiques personnelles et collectives qu'il rencontre.

Je vous invite maintenant à découvrir la médiation familiale et la singularité de cette profession.

Deuxième partie

Processus de médiation familiale et singularité des médiateurs familiaux

Après vous avoir présenté les généralités sur la médiation familiale et les familles rencontrées, je vais, dans cette seconde partie, décrire de façon plus détaillée la médiation familiale à travers le processus. Dans cette partie, je mettrai en avant la trame commune, le processus théorique, avec ses étapes. Puis dans un second point, je vous parlerai de la singularité des médiateurs familiaux, acteurs de ce processus, à travers les différents modèles théoriques façonnant leur exercice.

I. Le processus de médiation familiale et ses étapes

« Le mot « processus » vient du latin pro (qui signifie « pour », « dans le sens de ») et de cessus, cedere (aller, marcher) ce qui signifie aller de l'avant, avancer. (...) Le processus a un propriétaire qui est garant de la bonne fin et du bon fonctionnement de celui-ci. »17(*)

Le processus est une succession d'étapes permettant le passage d'un état à un autre. Dans le cadre de la médiation familiale, il peut favoriser le passage du couple conjugal à une équipe parentale. Il permet aussi de conduire à une prise de décision commune et satisfaisante de la part des participants, compte tenu de leur situation.

Dans cette partie, je décrirai dans un premier temps « le développement du contexte préalable » décrit par Annie PABU et Pierrette BONNOURE-AUFIERE dans leur ouvrage « le guide de la médiation familiale étapes par étapes ». Puis, dans un second point, je m'appuierai sur la description du processus par Michèle SAVOUREY dans son livre « Re-créer les liens familiaux ».

1. Le développement du contexte préalable selon Annie PABU et Pierrette BONNOURE-AUFIERE

Annie PABU, assistante sociale, thérapeute familiale et médiatrice familiale, et Pierrette BONNOURE-AUFIERE, avocate et médiatrice familiale, dans leur ouvrage « Guide de la médiation familiale étapes par étapes »18(*) détaillent la mise en place du contexte préalable avant l'engagement dans le processus. Cette étape permet une première rencontre entre le médiateur et les participants, mais aussi entre les participants et la médiation familiale. J'ai choisi cet ouvrage car la manière dont les auteurs exposent cette étape correspond assez à mes observations personnelles réalisées au cours de mon stage.

Dans cette phase, le but est d'établir un climat de confiance entre les médiés et le médiateur. Elle se décompose en plusieurs paliers :

? L'accueil téléphonique

Tout d'abord, l'accueil téléphonique est un moment extrêmement important pour la personne qui appelle. En effet, c'est pour elle l'occasion d'établir un premier contact avec le médiateur et de se faire une première idée sur ce qu'est la médiation familiale. Pour le médiateur, le but est de répondre aux interrogations de l'appelant, d'évaluer la pertinence d'une médiation familiale, et dans ce cas de fixer un rendez-vous avec les participants. Pour cela, il répondra de manière claire et précise aux questions posées, en fonction de l'attitude de l'appelant. Dans le cas de personnes émotives, le médiateur devra avoir un ton de voix rassurant et une attitude empathique envers la personne, sans pour autant la laisser s'épandre trop longuement sur son vécu et ses émotions.

Afin d'évaluer la pertinence de la médiation, le médiateur posera un certain nombre de questions concernant la situation actuelle du couple, son mode de communication etc...

Au vu du déroulement de l'entretien téléphonique, le médiateur proposera à l'appelant un premier entretien. Dans le cas le plus simple, les personnes concernées sont informées de la démarche du premier, et sont en accord avec celui-ci, et dans ce cas, le premier entretien se fera avec l'ensemble des personnes. Dans le cas où les autres participants ne seraient pas informés de la démarche ou réfractaires à celle-ci, le médiateur et l'appelant vont réfléchir ensemble à la manière d'informer les autres et de les faire participer. Il existe plusieurs moyens de « faire venir l'autre », le plus adapté à la démarche de médiation, serait que l'information passe directement entre les parents, mais cependant, ceci n'est pas toujours possible. Le médiateur pourra dans ce cas et si cela s'avère nécessaire, contacter l'autre parent par un courrier, sous forme d'invitation par exemple. La démarche de médiation devant être choisie et volontaire, le processus ne pourra se mettre en place qu'en présence des personnes concernées.

A la fin de l'entretien téléphonique, si toutes les conditions sont réunies, le médiateur fixera un premier rendez-vous avec l'appelant.

Je vous montrerai par la suite que les pratiques sont très différentes concernant cette première rencontre. Pour certains médiateurs, l'entretien individuel est déjà rémunéré, pour d'autres, il s'agit d'un entretien gratuit d'information, collectif ou individuel, et pour d'autres encore, un entretien commun. Cependant, je détaillerai ici en quoi consiste une première rencontre de manière générale, sans tenir compte de ces différentes pratiques.

? Accueil et établissement d'un « bon » climat de travail

Lors de cette étape, l'environnement dans lequel les participants vont être accueillis est très important, que se soit la salle d'attente où ils vont patienter, ou la salle de médiation elle-même : ils doivent s'y sentir à l'aise et pris en compte. La disposition des salles doit refléter un climat de confiance et de confidentialité.

Le médiateur qui les accueille posera quelques questions anodines pour créer un premier contact simple et naturel.

? Présentation du but, du déroulement et de la durée de la rencontre

Une fois les participants mis à l'aise, le médiateur va pouvoir présenter la médiation familiale. Il présentera le but, le déroulement, et la durée approximative de l'entretien. Ces premières informations vont poser un cadre sécurisant, démontrer la compétence professionnelle du médiateur à organiser le processus. Les personnes pourront alors réagir à ces données et poser des questions s'il y a lieu.

Le but de cette rencontre est double : faire connaissance avec les personnes et leur permettre de faire connaissance avec la médiation familiale, afin de décider, à la fin de la rencontre, si cette approche leur parait appropriée à la situation.

Les règles de la médiation seront exposées tout au long de la rencontre, en fonction du déroulement de l'entretien.

Lors de cet entretien, le médiateur invitera les participants à dresser trois portraits de leur situation : un premier portrait dit « psychosocial » permettant de connaître les membres de la famille, leurs milieux d'origine, leur contexte de travail ainsi que les personnes-ressources dans leur vie.

Un portrait dit « matériel, financier et patrimonial », pour connaître leurs revenus par un rapide survol du patrimoine, ainsi que l'existence ou non d'un contrat de mariage ou d'un PACS. Ce portrait, n'est pas étudié par tous les médiateurs. En effet, s'il n'y a pas de conflit autour du patrimoine, il n'y a pas forcément de raisons de l'étudier. De même en ce qui concerne les finances, le médiateur pourra avoir un aperçu des revenus de chacun en faisant remplir l'imprimé qui servira dans un deuxième temps à préciser la participation financière de chacun aux entretiens.

Suivra un portrait dit « juridique ». En effet, si les participants viennent en médiation dans le cadre d'une médiation dite « judiciaire », ce portrait permettra au médiateur de faire le point sur les démarches judiciaires en cours, et expliquera aux participants le principe de la médiation, visant à suspendre toute procédure pendant le déroulement de la médiation.

Dans le cadre d'une médiation dite « conventionnelle », ce portrait permettra au médiateur de savoir si les personnes ont rencontré un avocat, et si la décision de se séparer est officialisée ; ce qui permet au médiateur de mieux cerner où en sont les personnes dans leur démarche.

? Résumé des points d'accords et des points à discuter

Après avoir pris connaissance de la situation dans laquelle les participants se trouvent, le médiateur peut alors résumer sa compréhension des événements ainsi que les points d'accord et les points pouvant faire l'objet de discussion en médiation familiale.

En effet, lors de cette première rencontre, les reproches sont souvent de mise, « tu n'as jamais fait ceci », « tu étais tout le temps au travail », « les enfants disent ceci » etc.. Le premier travail du médiateur, ici, est d'entendre ces reproches, mais aussi de rendre ces éléments plus constructifs, en demandant à l'autre de s'expliquer, de donner sa propre version, d'exprimer les sentiments qu'il éprouve à l'écoute des propos tenus.

Le médiateur va aussi aider les parents à réfléchir sur les souhaits qu'ils ont en commun, comme la sécurité de leurs enfants, l'écoute de leurs besoins etc.. L'objectif étant d'aider les parents à prendre conscience que malgré un certain nombre de désaccords, ils peuvent partager le même avis sur certaines situations. Les enfants, ici, seront le sujet de discussion privilégié pour que les parents puissent se rassembler sur des préoccupations communes.

? Présentation de la médiation familiale

Une fois que les personnes ont pu exprimer leur vécu et leur ressenti, celles-ci sont plus enclines à entendre les postulats de la médiation familiale, qui peuvent parfois paraître un peu théoriques. Cette étape peut être accompagnée d'un contrat de médiation, facilitant la lecture pour les participants, et permettant au médiateur de s'exprimer sur les points essentiels de la médiation familiale.

Le médiateur a maintenant une vision plus nette et globale de la situation, lui permettant ainsi de proposer aux personnes le déroulement de la médiation familiale dans leur cas particuliers.

? Vérification avec les personnes de leur volonté de s'engager dans le processus

Après avoir échangé sur les informations essentielles concernant la médiation familiale, mais également l'organisation familiale et la demande des personnes, le médiateur et les participants vérifient ensemble que la médiation soit adaptée à leur demande. Si c'est le cas, et qu'aucune contre-indication n'apparaît, les personnes décident de leur engagement dans le processus. Pour cela, les médiateurs familiaux peuvent avoir des pratiques différentes. En effet, cet engagement peut se faire de manière orale et collective au cours de cet entretien, ou après un temps de réflexion entre les participants. Parfois l'engagement peut être rédigé, sous forme de contrat signé par chaque participant. Ce contrat résume clairement les règles de la médiation et particulièrement l'engagement financier de chacun.

? Signature du contrat de médiation familiale

Lorsque les personnes sont prêtes à prendre cet engagement, parfois au cours même de cet entretien, mais donc également parfois après un temps de réflexion, le médiateur leur propose de signer le contrat, ou de manifester leur accord de façon orale et collective. Le processus peut alors démarrer.

Le contrat de médiation n'est pas utilisé par l'ensemble des médiateurs. Celui-ci regroupe l'ensemble des règles régissant la médiation familiale et auxquels les participants doivent se soumettre dès lors qu'ils acceptent de s'engager dans un processus. Ce document pourra être relu au cours de la médiation, et sa signature officialise l'engagement des protagonistes. Il marque le début du changement, et la volonté pour les participants de s'engager l'un envers l'autre tout d'abord, mais également vis à vis du médiateur.

? Préparation de la prochaine rencontre

Il est important pour l'élaboration psychique de chacun que l'entretien suivant soit organisé. Pour que les participants puissent s'y préparer, ils doivent connaître le sujet de la future rencontre. Parfois le médiateur peut donner quelques travaux à effectuer pour la rencontre suivante. Par exemple dans la cadre de l'élaboration du planning des vacances d'été, ou en ce qui concerne l'hébergement des enfants, chaque parent devra pour l'entretien suivant réfléchir et apporter des propositions.

2. Le processus de médiation familiale selon Michèle SAVOUREY

Je vous propose maintenant de voir plus en détail le processus de médiation familiale selon Michèle SAVOUREY dans son ouvrage « Re-créer les liens familiaux »19(*) qui décrit cinq étapes, dont voici une synthèse :

A) Identification de la situation-problème ou des points litigieux

Il s'agit ici, pour le médiateur, de recueillir les informations nécessaires à l'identification du conflit. Le plus souvent, le médiateur interroge chacun des parents successivement, en leur demandant de s'exprimer sur les raisons de leur venue en médiation familiale. Les questions peuvent aussi s'axer sur l'organisation actuelle de la famille, sur les enfants. Cette étape permet un éclairage nécessaire au médiateur sur la situation familiale.

Il arrive cependant que ce premier entretien ne se déroule pas toujours aussi simplement. En effet, dans certains cas, cela fait longtemps que les parents n'ont plus discuter des difficultés qu'ils rencontrent, et cet entretien peut représenté pour eux une première épreuve.

Voici un exemple pratique : la médiatrice reçoit pour la première fois un couple de parent (que nous appellerons Monsieur et Madame G). Lors de cette première rencontre, Madame G ne cesse de pleurer, et ne répond à aucune question de la médiatrice. Cette rencontre est visiblement très éprouvante pour elle. La médiatrice prend donc un peu de temps avec Madame et ainsi prend en considération ses difficultés et tente de lui montrer l'importance de son rôle, en tant que participante, dans cet entretien. C'est ainsi que Madame G parvient a expliquer combien elle regrette de ne pouvoir régler ses conflit directement avec monsieur et qu'intégrer un inconnu à leur conflit la met en grande difficulté.

Lors de cet entretien, la médiatrice va être très à l'écoute de Madame G de manière à ce qu'elle ressente un soutien, mais le but véritable ici est de rétablir la communication entre Monsieur et Madame, et c'est pourquoi la médiatrice va aussi travailler avec Monsieur de sorte qu'il comprenne le ressenti de Mme.

Je veux montrer ici que les entretiens se font en fonction de ce qui est apporté par les participants. Malgré une trame théorique, les entretiens ne suivent pas toujours le déroulement linéaire prévu. Le médiateur doit composer avec les participants, avec ce qu'ils sont, ce qu'ils ressentent et ce qu'ils vivent. Le médiateur doit aussi prendre en compte l'état psychologique des personnes, pour qu'elles puissent avancer à leur rythme, et que les entretiens soient bénéfiques au dénouement du conflit.

C'est en général à la fin de cette étape que le processus de médiation familiale est présenté, afin que les participants fassent part de leur engagement.

B) Exploration des intérêts et décodage des besoins sous-jacents

Chacun des protagonistes va donner sa réalité de l'histoire commune, de l'identification du conflit et argumenter. Le fait de pouvoir exprimer son ressenti émotionnel en présence de « l'autre », permet de commencer à individualiser les positions, ainsi qu'une première modification du mode d'écoute et de communication. Les personnes prennent conscience, petit à petit, que chacune d'elle ressent les choses différemment, sans qu'il existe de vérité absolue, qu'un même événement peut être perçu de plusieurs façons. Le médiateur va les aider à distinguer les faits qui parfois sont sujets de discordes, et le ressenti qu'ils peuvent éprouver face à ces mêmes faits. Ici, s'amorce alors le travail d'individuation.

Le but de cette phase, est aussi d'entendre « les attentes de chacun en terme de besoin spécifiques à satisfaire ».Les besoins des enfants seront aussi à explorer, au regard des parents et de ce qui leur semble nécessaire à l'épanouissement de ceux-ci comme par exemple apaiser le conflit entre les parents, avoir « le droit d'aimer ouvertement » chaque parent... Chacun des participants va s'exprimer sur ses propres besoins et ses attentes au cours de la médiation. Pour certains parents, il pourra s'agir d'annoncer ensemble aux enfants la décision de se séparer, pour d'autres encore d'avoir plus souvent l'hébergement de l'enfant en semaine afin de partager son quotidien, ou pour d'autres encore d'être assurés de leur place de papa ou de maman auprès de l'autre parent et du nouveau conjoint... Il s'agit ici des besoins des parents mais d'autres besoins sont à entendre et à prendre en compte, celui des individus, qui ont le besoin de s'aménager du temps pour la vie professionnelle, ou pour une nouvelle relation affective par exemple.

Axer la réflexion sur les besoins permet aux parents de sortir des faits pouvant être contestables, pour se concentrer sur ce qui est vraiment essentiel pour eux et leurs enfants.

A l'issue de cette étape, le médiateur propose un « recadrage positif de la situation-problème », en nommant clairement les intérêts communs et les besoins identifiés pour chacun des participants. Ce recadrage permet aux participants de prendre conscience des points qui les rassemblent, mais aussi parallèlement de reconnaître l'autre et ses besoins spécifiques, ce qui est une première étape dans l'individuation de chacun.

C) Recherche et liste des options

Il s'agit ici, de développer des options, des stratégies. Durant cette phase, le médiateur active la créativité des participants et les aide à entrevoir différemment l'avenir en mutualisant les décisions. Les participants vont réfléchir conjointement, aidés du médiateur, sur ce qui est réellement envisageable et réalisable en tenant compte des besoins repérés. Les options ne sont pas discutées ou critiquées à ce moment là, l'important étant d'en trouver un nombre suffisant afin d'ouvrir l'éventail des possibilités.

D) Discussion et accords retenus

C'est une phase de recherche, d'innovation, qui va nécessiter la participation de chacun dans l'élaboration d'idées, de propositions. Cette étape accélère la mise en mouvement amorcée dans les phases précédentes. Il est fondamental que le médiateur fasse circuler la parole de l'un à l'autre, laissant chacun s'exprimer, pour que personne ne se sente écarté. Le médiateur peut, par ses interventions, créer du mouvement dans la recherche d'idées nouvelles. Je vous citerai un exemple :

La médiatrice reçoit un jeune couple séparé, tous deux désirent l'hébergement principal de l'enfant ou un hébergement alterné, une semaine chez l'un, une semaine chez l'autre. Le problème se posant aux parents est que leur enfant est âgé de moins d'un an, et ceux-ci redoutent un effet néfaste pour lui d'être séparé de l'un de ses parents pendant une semaine. L'avis de la médiatrice est sollicité sur ce sujet, les parents souhaitent faire au mieux pour la stabilité psychologique de leur enfant. La médiatrice leur explique qu'elle ne donnera pas son avis car elle ne serait plus dans son rôle, et que ces décisions leur reviennent. La médiatrice les interrogent alors : « auprès de qui pourriez vous avoir une réponse à votre question ? ». De cette manière, la médiatrice restitue aux parents leur compétences parentales en stimulant leur créativité, tout en assurant elle-même sa position neutre et impartiale.

Lors d'une autre situation, la confiance entre le papa et la maman est réellement altérée, le papa ne voit plus sa fille, la mère le couvre de reproches, ceux-ci étant relatifs à des questions de sécurité et d'hygiène ; en effet, la maman a constaté à plusieurs reprises la présence de rats dans la cour intérieure de la maison, ainsi qu'un trou, dans cette même cour, pouvant s'avérer dangereux pour l'enfant. La médiatrice s'adresse alors au papa : « Comment pouvez vous sécuriser votre cour ? »

La médiatrice a une part active. Ici, elle s'efforce de créer du mouvement en restant attentive à ne pas suggérer de « solutions ».

Dans cette phase, les participants vont échanger sur les options, en rejetant certaines, et en conservant celles qui semblent convenir, celles pouvant être discutées.

Si aucune des options proposées n'est retenue, il sera alors nécessaire de revenir aux étapes précédentes afin de rechercher des besoins « cachés ou mal identifiés », de manière à pouvoir développer de nouvelles options.

Les options retenues seront ensuite reprises dans les accords finaux s'il y en a.

E) Résumé d'entente

Il s'agit de l'une des dernières étapes du processus : les décisions sont entérinées et constituent un projet d'entente. Celui-ci reprend toutes les décisions prises par les participants au cours de la médiation et qu'ils souhaitent instaurer pour leur famille. Il peut s'agir d'entente sur la communication, l'organisation familiale, financière... Cet accord peut être rédigé par la famille ou le médiateur. Il est important que les termes utilisés reflètent au mieux la situation familiale et les décisions des personnes. Il appartient à celles-ci, si elles le désirent, de faire homologuer cet accord auprès d'un juge aux affaires familiales.

Selon le contexte et les situations, l'accord obtenu pourra être uniquement verbal.

Il s'agit ici d'une trame théorique, servant de référence et de balisage au médiateur. Cependant le processus ne se développe pas toujours de façon aussi linéaire et hiérarchisé, chaque famille étant unique et chaque processus différent.

II. Modèles théoriques : définitions, points communs.

Le développement théorique du processus m'amène à mettre en avant la singularité de chaque médiateur. Ceux-ci sont issus de formations très variées et le diplôme d'état est une manière d'homogénéiser les pratiques. Cependant, malgré un processus de médiation familiale commun, il existe bon nombre de modèles théoriques et donc de pratiques différentes. Les modèles sont nombreux, voici certains d'entre eux :

ñ La Médiation Transformative par Joseph FOLGER et Robert A. BARUCH BUSH (1994)

ñ Le Modèle du Cycle de la Médiation de Thomas FUITAK

ñ La Négociation Raisonnée de FISHER et URY

ñ Le Modèle Groupal Narratif de Liliana PERRONE

Chaque médiateur, avec ses apports théoriques, va s'identifier à un modèle qui l'aidera dans sa pratique comme référence de son cheminement et du développement du processus. Chaque modèle possède des spécificités, des approches particulières du conflit et de la manière de l'apaiser. Ce sont aussi des manières différentes d'appréhender la question de la singularité de chacun. Voici quelques éclairages sur ces différents modèles théoriques :

1. La médiation transformative

La médiation transformative a été développée par Mariane SOUQUET à partir des théories de l'EMPOWERMENT de R.A. BARUCH BUSH et J.P. FOLGER, San Francisco,1994. Elle repose sur deux concepts-clés : la responsabilisation et la reconnaissance. Le médiateur encourage ici les participants à la médiation à assumer leurs responsabilités et à reconnaître leurs besoins et leurs sentiments réciproques. Selon FOLGER et BUSH, les médiateurs familiaux qui se concentrent sur les possibilités de transformation qu'offre le processus de médiation aident leurs clients non seulement à conclure des ententes équitables, mais aussi à mieux se respecter personnellement et mutuellement. L'objectif étant de faire apparaître les racines du conflit, le souci du médiateur n'est pas tant d'aboutir à un accord que de transformer le plus profondément possible la façon dont les personnes perçoivent le conflit et dont elles se comporteront à l'avenir. Un regard plus positif du conflit, transforme la vision des participants.

2. La négociation raisonnée

Pour le développement de ce concept, voici une synthèse de ce qu'ont écrit Annie PABU et Pierrette BONNOURE-AUFIERE dans « le guide de la médiation familiale ».

La négociation raisonnée est « l'épine dorsale » de la médiation familiale. Ce concept trouve son encrage dans les idées de Mary PARKER FOLLET, conseillère en management et pionnière de la théorie des organisations du point de vue des relations humaines en 1924, puis est développé en 1982 par Roger FISHER et William URY.

Le premier grand principe est de traiter différemment les questions des personnes et leur différent. Il s'agit ici de distinguer la problématique présentée en début de médiation et qui fait conflit, des forces invisibles opérant entre les participants : la perception, l'affectivité et la communication. C'est pourquoi il est essentiel que le médiateur distingue, dans ce que lui présentent les personnes, où se situe l'enjeu réel.

Le second grand principe est de se concentrer sur les intérêts en jeu et non sur les positions de chacun. Ici, l'une des tâches la plus importante du médiateur est de parvenir à comprendre les besoins qui animent le négociateur. Il peut ainsi déceler les motivations profondes des personnes à travers l'expression de leurs craintes et de leurs désirs. Il s'agit ici pour le médiateur de mettre en lumière les intérêts communs des personnes et pour cela il est nécessaire que celles-ci aient une définition commune du problème avant d'entrer dans la phase des négociations. Le médiateur doit fonder son action sur des bases positives et non sur les positions exprimées au départ.

Le troisième principe est d'élaborer une gamme d'options. La négociation raisonnée invite les participants à élaborer une gamme d'options et d'accepter de cesser de s'accrocher à une solution privilégiée. Il s'agit donc pour les personnes de se détacher de leur position initiale.

Le quatrième principe consiste à, quand les désaccords subsistent, exiger l'utilisation de critères objectifs, comme les besoins de l'enfant par exemple. En effet, dans la situation où les personnes restent sur leur position et n'aboutissent pas à une entente, la négociation raisonnée suggère de trouver une manière de faire ou un critère objectif sur lesquels les participants pourraient s'entendre. Par exemple amener les personnes à réaliser que si elles ne trouvent pas d'accord mutuel en médiation, leur conflit sera jugé au tribunal et il faudra alors qu'elles acceptent la décision du magistrat.

3. Le cycle de la médiation

Voici les trois principaux principes de ce modèle :

ñ « Le moins est le plus » : moins le médiateur s'appuie sur des moyens externes, plus il gagne en authenticité et plus il est en interaction directe avec les parties.

ñ « le paradoxe du vide » : moins le médiateur en sait, plus il est efficace. Ce vide sert les intérêts de tous.

ñ « Si vous ne savez quelle direction vous prenez, vous n'arrivez pas à destination » ce qui met en avant la nécessité pour le médiateur d'organiser les entretiens, de priorisé les thèmes à aborder.

Le modèle du cycle de la médiation est composé de quatre phases principales et du point de catharsis20(*).

è Phase 1 : quelle est la réalité que les parties choisissent d'apporter en médiation ?

è Phase 2:quels sont leurs principaux intérêts, et quelles sont les idées que se font les parties de la situation ?

è Le point de catharsis : l'identification des émotions attachées aux intérêts en jeu.

è Phase 4 : quelles options faut-il prendre en considération parmi les différentes solutions possibles ?

è Phase 5 : quel plan d'action mettre en place pour créer une nouvelle réalité ?

4. Le modèle groupal narratif

Il est développé par Liliana PERRONE, Psychologue clinicienne, Thérapeute individuel de couple et de famille, Médiatrice familiale.

Ce modèle est dit « groupal » car il tient compte du fait que l'émergence et le maintien d'un conflit au sein du couple parental, est un résultat construit par deux personnes au moins : pouvant être les membres du couple, mais aussi la famille, les parents, les enfants, les professionnels, les amis. Il est dit « narratif » parce qu'il fait référence à la manière de penser ou de parler des membres de ce groupe au sujet des événements qu'ils vivent. En effet, une femme blessée et trahie par son mari, va expliquer sa situation, une première fois à sa meilleure amie, par exemple : Là, elle va chercher ses mots, réfléchir à ce qu'elle a vécu, aux difficultés qu'elle rencontre, aux blessures qu'elle porte. Puis quelques jours plus tard, elle va à nouveau exposer sa situation à une autre personne ; son discours va alors être un peu plus construit que la fois précédente et ainsi de suite, à chaque fois qu'elle parlera de son mari, son argumentaire à son égard, sera de plus en plus précis et de moins en moins nuancé. Nous voyons bien ici, que la pensée de cette femme va se structurer au regard de l'histoire qu'elle raconte à l'autre. C'est en cela que ce modèle est groupal et narratif.

Ce modèle se base sur l'idée que ces narratives sont en grande partie un produit groupal.

Ce modèle se base sur deux registres : le « registre de changement dans la construction de la réalité » et le « registre d'aide à la négociation ». Dans le registre de changement de la construction de la réalité, le premier point est « l'exploration de la construction de la réalité de chaque acteur et mise en avant des récits dominants ». C'est à travers le discours des participants que le médiateur pourra entendre ces « récits dominants » qui peuvent être par exemple, l'égalité parfaite pour l'hébergement alterné des enfants, la déception, le sentiment d'être une mauvaise mère, la trahison...

Le second point est « l'exploration du système de croyance », il s'agit de l'ensemble des valeurs qui constitue la grille à travers laquelle chaque individu observe le monde et tout ce qui s'y trouve, y compris lui-même. Le médiateur va donc explorer ces croyances de sorte à ce qu'il soit assuré que ses interventions soient compatibles avec les valeurs de chacun des participants. En effet, les personnes peuvent intégrer une vision un peu différente seulement si celle-ci respecte leurs système de croyance.

Le troisième point est « la réalisation des interventions visant l'émergence des récits alternatifs ». Ici, le médiateur va mettre l'accent sur ce qui n'est pas perçu par les personnes, ce qui est exceptionnel, ce qui est différent du récit principal de manière à leur permettre de s'interroger sur leur discours en vue « d'amoindrir son extrême cohérence ». Il s'agit de mettre un peu de doute, d'ouvrir quelques portes pour chacun puisse à un moment donné, changer sa vision ; du problème, des interlocuteurs, d'eux-mêmes et de leur relation.

Le quatrième point est « la réalisation des interventions visant la construction d'un récit commun en vue de la prise de décisions et la mise en place des accords ». Le médiateur, tout au long du processus participe à la mise en évidence des éléments narratifs qui peuvent être communs aux récits des deux partenaires, et de cette manière, il permet aux participants d'avoir une vision suffisamment commune de la réalité pour pouvoir engager des négociations.

Le second registre « aide à la négociation » se compose de quatre étapes : « exploration des besoins », « exploration des possibilités », « prise de décisions et construction de règles de fonctionnement », « rédaction de l'accord de médiation ». Ces étapes sont relativement similaires au développement du processus de Michèle SAVOUREY décrit plus haut, c'est pourquoi je ne les développerai pas à nouveau.

5. Analyse et points commun

Je vous propose maintenant, d'analyser ces différents modèles théoriques et leur mise en pratique, afin de mettre en avant leurs points communs.

Certains de ces modèles ont été pensé et développé à partir d'une pratique de la médiation familiale et spécifiquement pour elle, comme le Modèle Groupal Narratif. D'autres l'ont été à partir d'une pratique de la médiation dans ses différents contextes d'intervention comme le Modèle du Cycle de la Médiation. D'autres sont plutôt une conceptualisation de la pratique de la négociation comme la Négociation Raisonnée.

Alors que chaque modèle s'appuie sur des présupposés théoriques privilégiés par leur auteur (point de vue particulier sur la séparation conjugale, sur le conflit, sur la famille...) nous pouvons distinguer un cheminement commun. Il est clair que chacun des modèles amène les participants à modifier leurs positions de départ afin de permettre des avancées.

? Le premier point commun est « la recherche d'une vision commune de la situation »

En effet, les personnes arrivent souvent en médiation avec la conviction qu'elles n'ont plus rien en commun, que les points de vue et perceptions de la réalité sont totalement divergents.

Le médiateur se fixe comme premier objectif l'exploration de la construction de la réalité de chaque acteur. Puis il va ensuite essayer de définir un problème collectif (définition commune du problème), il va en découler la liste des points à aborder en médiation familiale. Les interventions du médiateur visent à instaurer les conditions d'un véritable dialogue entre les parties. Cette première étape prépare donc la phase de négociation.

? Le second point est « l'exploration des besoins et des intérêts en vue de la recherche de besoins et d'intérêts communs »

Dans tous ces modèles théoriques, l'exploration des besoins et la recherche d'intérêts communs est présent. En effet, c'est une étape primordiale à la résolution du conflit et la remise en lien des participants. En explorant les besoins de chacun, cela permet aux participants d'individualiser leurs positions en se centrant sur leur besoin individuel, cela permet au médiateur de mieux cerner les enjeux du conflit, cela permet aussi aux participants de s'exprimer et d'être entendu. Mais cette recherche vise avant tout à mettre en avant les besoins communs des personnes dans un souci d'apaiser les tension et de rétablir un lien entre eux. Le principe de l'intérêt de l'enfant est bien sûr fondamental en médiation familiale et pour tous les médiateurs. Les enfants étant la préoccupation principale des parents dans une séparation conjugale, la recherche de besoins nécessaire à leur épanouissement permettra souvent aux parents de se retrouver, de se rendre compte qu'ils ont les mêmes priorités pour leurs enfants et donc de travailler à nouveau en collaboration.

? Le troisième point est « l'exploration des possibilités ou options »

Cette recherche permet d'activé la créativité des personnes, d'ouvrir le champ des possibilités. Cette étape permet une réelle interactions entre les participants. En amont, beaucoup de travail à été fait, le conflit et les tension sont apaiser, la communication rétablie. Ici, les personnes vont pouvoir à nouveau échanger leur point de vue, discuter de façon constructive, s'écouter.

? Le quatrième point est « la prise de décision et la construction des règles de fonctionnement »

Ici, les participants vont devoir se mettre d'accord. Après avoir franchie un certain nombre d'étapes préalable, ils sont enfin prêt à prendre des décision mutuellement acceptables tenant compte des besoins de chacun.

Ces phases sont communes à tous les processus et à tous les modèles théorique car elles sont nécessaire au bon déroulement de la médiation familiale.

La singularité des médiateurs est à mettre en lien avec la manière de mener les entretiens mais aussi par les « outils » utilisés, différents en fonction du modèle théorique auquel ils se réfèrent.

Troisième partie

Singularité de chaque processus

Dans la partie précédente, j'ai décrit la trame commune du processus de médiation familiale, cependant, cette trame n'empêche en rien la singularité de chaque processus, c'est que je vous propose d'approfondir maintenant.

Dans cette dernière partie, je développerai, le côté adaptable du processus au vu des besoins des personnes et des différentes pratiques des médiateurs, ce qui m'amènera à démontrer que, grâce à un processus adaptable, la médiation familiale peut accueillir, accompagner un grand nombre de situations et de familles, et s'y adapter.

I. La singularité de chaque processus et des médiateurs

Il existe plusieurs moyens d'adapter le processus aux familles, je vais maintenant explorer les diverses pratiques que j'ai pu observer.

1. Les entretiens gratuits d'information

Un entretien d'information gratuit est une rencontre durant laquelle le ou les participants vont pouvoir découvrir la médiation familiale, ses buts et finalités, mais aussi les éléments pratiques de la mise en place de la médiation. Cet entretien gratuit permet aux parents de découvrir la médiation familiale sans engagement.

Ces entretiens ne sont pas mis en place de façon systématique par tous les médiateurs. C'est un choix qui peut parfois dépendre de chaque professionnel, mais dans certains cas, ceux-ci peuvent être imposés par les financeurs, c'est notamment le cas dans le cadre de la prestation de service avec la Caisse Nationale d'Allocations Familiales (CNAF). Dans ce cas précis, les services partenaires de la CNAF seront dans l'obligation d'informer les familles lors d'un entretien d'information qui doit être gratuit.

L'avantage de cet entretien gratuit, c'est l'accès à la découverte de la médiation familiale de façon non engageante et non payante. En effet, les personnes recevront des informations sur la médiation familiale, mais elles pourront également faire le point sur la situation faisant problème au sein de leur famille. Ces personnes pourront alors obtenir un premier éclairage du médiateur sur leur situation et elles pourront être réorientées vers un autre professionnel plus approprié à leur situation, si cela s'avérait nécessaire. Ce premier entretien peut être un vrai point de départ pour ces familles dans la résolution de leur conflit, et le fait qu'il soit gratuit, rend la médiation familiale plus accessible, à mon avis.

Cet entretien d'information se fera préférablement avec l'ensemble des participants afin qu'ils reçoivent la même information et puissent s'engager simultanément dans le processus, un délai de réflexion peut alors être nécessaire. Il peut aussi avoir lieu de façon individuelle. En effet, lorsqu'une personne se trouve seule en présence du médiateur, il est plus difficile de rester dans les limites de l'information, car les individus souhaitent fréquemment exposer leur situation et ce qu'ils traversent.

2. Les entretiens individuels

Chaque médiateur a une position assez claire sur cette question semble-t-il. Soit il pratique des entretiens individuels, soit il n'en pratique pas.

Le but des entretiens individuels est que chaque personne puisse à un moment donné, partager son ressenti et son vécu de la situation-problème sans le regard de l'autre, en toute simplicité, sans jugement. Parfois, il s'avère nécessaire que les participants puissent dire ce qu'ils ont sur le coeur dans un premier temps, pour que, dans un second temps, ils puissent être vraiment disponibles pour commencer à discuter avec l'autre.

Certains médiateurs pensent que les entretiens individuels empêchent l'impartialité, que d'écouter chaque personne individuellement peut apporter des a priori sur l'autre parent.

L'important ici ,est de voir que les pratiques sont différentes d'un médiateur à l'autre, et qu'elles peuvent correspondre ou non aux attentes des participants.

Lors d'une médiation observée lors d'un stage, la médiatrice a reçu une maman en entretien individuel. Cette maman était très perturbée par une altercation assez violente avec l'homme dont elle se séparait. Elle s'est présentée en pleurs et ne cessait d'accabler son ex-conjoint. Au cours de cet entretien, la médiatrice a tenté de ramener Madame aux faits, afin qu'elle puisse prendre un peu de recul sur la situation. Sans jugement, la médiatrice a pu recevoir les plaintes de cette maman et ainsi la décharger d'un lourd fardeau.

Sans cet entretien individuel, je me demande si cette maman aurait pu parler aussi librement de son ressenti et de son vécu en présence son ex-conjoint. Cette étape était-elle nécessaire au bon déroulement de la médiation ? Dans le cas cité, cette médiatrice considère que cet entretien est important pour que chaque participant puisse librement parler de la manière dont il vit la situation actuelle. Ce type d'entretien permet au médiateur de prendre en compte la détresse de certains participants, parfois seuls, et n'ayant aucune personne-ressource à qui faire part de leurs difficultés. Ceci permet aussi de préparer à la rencontre avec l'autre parent, et également d'accompagner la personne dans une vision plus positive de celui-ci.

L'entretien individuel peut permettre de réorienter les personnes vers d'autres professionnels plus adaptés à la situation. En effet, il 'est pas toujours possible lors de l'entretien d'information de clarifier suffisamment les différentes problématiques. Afin d'expliciter cette idée, je vais exposer une autre situation observée.

Entretien de Madame M: Madame M demande une médiation familiale pour les raisons suivantes : sa maman de 90 ans (Mme V) est actuellement placée en maison de retraite non loin du domicile de Monsieur M, frère de Madame M. Selon celle-ci, son frère bloquerait l'accès au compte bancaire de Madame V et de plus, la maison où vivait Madame V aurait été vidée de son contenu par son fils sans l'accord du reste de la fratrie. La demande de Madame M est de revoir la décision envisagée sur la localisation de la maison de retraite, et qu'à nouveau l'ensemble de la famille puisse avoir un droit de regard sur les transactions financières opérées par Monsieur M sur le compte de la maman.

La médiatrice explique succinctement les principes de la médiation, et met particulièrement l'accent sur le fait que, pour que la médiation puisse se mettre en place, il est nécessaire que l'ensemble de la fratrie soit présente.

Madame M réagit vivement en disant que jamais son frère ne participera à la médiation. De ce fait, la médiatrice réfléchit aux possibilités d'aider Madame M par un autre moyen que la médiation familiale. Elle lui propose donc de prendre contact avec un juriste qui pourra la renseigner sur les mesures de tutelle et curatelle, si Madame V n'est plus en mesure de gérer ses finances, mais aussi avec l'association des paralysés de France qui pourraient l'informer sur la protection du patrimoine de Madame V en tant que personne dépendante. La médiatrice lui propose aussi de prendre contact avec un notaire proche de la maison de retraite afin de régler en toute légalité les questions patrimoniales.

Cet exemple montre que l'entretien individuel permet dans un premier temps d'entendre les faits tels qu'ils sont vécus par la personne, mais aussi de s'interroger sur la pertinence de la médiation familiale selon la situation. Toutefois, si la médiation n'est pas la solution la plus adaptée, il est du devoir du médiateur d'accompagner les personnes vers d'autres professionnels plus appropriés pour prendre en charge cette situation.

3. La gestion du temps dans les entretiens

D'une manière assez générale, les rencontres ont lieu une fois toutes les deux semaines pour un entretien d'environ une heure et demie. Cependant, ce sont des données restant modulables par le médiateur au vu de la situation. Comme je l'ai exposé dans la première partie, les configurations familiales rencontrées peuvent être multiples. Dans une famille monoparentale, où l'un des parents a obtenu l'hébergement principal des enfants, il peut arriver que le domicile de l'autre parent soit éloigné de celui-ci, dans ce cas le médiateur doit prendre en compte cette situation géographique. Afin que la médiation puisse se mettre en place, il est parfois nécessaire de faire varier la fréquence des entretiens et leur durée. Par exemple, dans une telle situation, le médiateur peut accepter de recevoir les parents sur un temps supérieur à une heure et demie. La fréquence des entretiens peut se trouver modifiée également en fonction des possibilités des parents.

Dans le cas d'une succession, afin de réussir à réunir l'ensemble de la fratrie, il est possible que le médiateur ait à se déplacer, si cette solution permet de régler le litige. La rencontre peut se faire sur une ou deux journées. Cependant, plus les personnes à rassembler sont nombreuses, plus il est difficile de convenir des dates, du lieu et de la durée des entretiens. Le médiateur peut adapter le processus à ces situations complexes afin de mener à bien la médiation.

Dans le cadre de médiation internationale, il arrive que le médiateur soit sollicité par l'un des parents vivant en France, pour régler un litige avec l'autre parent vivant à l'étranger. Dans ce cas, il arrive que le médiateur se déplace pour une durée plus au moins longue, afin de réunir les deux parents dans un lieu plus proche pour les deux.

Dans le cadre d'entretiens avec différents médiateurs, l'un d'entre eux m'a fait part d'une situation qui, exposée ici, permettrait une meilleure compréhension du sujet.

Madame A est d'origine Allemande et Monsieur F est d'origine française. De leur union est née une petite fille, Lina. Ils résident tous les trois en Allemagne. Au moment de la séparation, Monsieur F quitte l'Allemagne avec Lina, ce qui va être perçu par la maman comme un rapt d'enfant. Celle-ci porte plainte, plainte qui remonte jusqu'à Interpole. Monsieur F de son côté rencontre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales car il considère que sa fille serait en danger avec sa maman. Cependant, le papa est d'accord sur le fait que, pour le bon épanouissement de Lina, il est important qu'elle entretienne une relation avec sa maman. Le juge aux affaires familiales enjoint alors les parents à une mesure de médiation familiale. Un médiateur est donc nommé pour la médiation. Madame A donne son accord mais souhaite voir sa fille à cette occasion.

La première rencontre à lieu à Strasbourg, à mi-parcours entre le domicile du papa en France et celui de la maman en Allemagne.

Le médiateur débute la médiation par un premier entretien où sont présents Lina et son papa. Puis a lieu un deuxième entretien avec la maman et Lina. Lors de cet entretien, Mme A refuse de s'exprimer en français et à l'issue de celui-ci Monsieur F ne se dit pas prêt pour la médiation et repart avec l'enfant.

Il s'en suit un référé au juge aux affaires familiales et une mesure conservatoire visant au placement de Lina.

Le médiateur et les parents décident d'une nouvelle rencontre deux semaines plus tard, rencontre à laquelle n'assistera pas Lina (qui est alors placée).

La rencontre a lieu, et elle vise à rétablir un lien entre les parents, mais la maman ne souhaite toujours pas parler français, la rencontre est donc reportée. Une rencontre est alors fixée la semaine suivante, en présence de la petite fille. Au cours de cette journée, lors du temps de midi, les parents et le médiateur se rendent à la brigade des mineurs pour rencontrer Lina et partager un repas « en famille ». Durant l'après midi, chaque parent va passer deux heures avec l'enfant en présence du médiateur.

Le lendemain, le médiateur distingue immédiatement un changement de position dans le discours des parents, une reconnaissance mutuelle et même une certaine convivialité entre eux. Après 45 minutes de médiation, les parents ont trouvé des accords qui seront entérinés.

Je pense, ici, que sans une certaine mobilité et adaptabilité du médiateur, le processus n'aurait pu se mettre en place.

Dans tous les cas, la durée et la fréquence des entretiens sont des éléments adaptables du processus, et il relève de la fonction du médiateur d'y réfléchir avec chaque famille, au vu de la situation-problème. Cette adaptabilité permet à certaines familles de mettre en place un processus de médiation familiale.

4. La place de la belle-famille en médiation familiale

Dans certaines familles rencontrées en médiation familiale, la séparation conjugale peut aussi altérer la relation entre les petits-enfants et leurs grands-parents. Dans de telles situations, il est toujours délicat de déterminer quels sont les acteurs devant être présents pour la médiation : les deux parents géniteurs et actuellement séparés ? Les nouveaux conjoints dans les familles recomposées ? Le couple de grands-parents ?

Pour expliciter ce type de situation, j'aimerais vous présenter un cas observé en temps de stage :

Monsieur et Madame X du temps de leur union ont eu un enfant Jean. Suite à leur séparation, Monsieur X s'est mis en union avec Madame Y, de cette union sont nées Céline et Léa. Madame A (maman de Monsieur X) ne voit plus Jean son petit fils du fait de la séparation d'avec Madame X, séparation qu'elle n'a pas acceptée (Madame A).

La relation entre Monsieur X et sa maman s'est beaucoup détériorée ces dernières années, du fait que celle-ci n'accepte pas la nouvelle compagne de Monsieur X ainsi que leurs enfants. C'est pourquoi, Madame A souhaite entreprendre une médiation familiale avec son fils, afin de pouvoir à nouveau bénéficier de relations avec son premier petit fils Jean.

S'agissant de conflit autour des enfants, la médiatrice a tout d'abord convié le nouveau couple (Monsieur X et Madame Y), ainsi que la grand-mère Madame A, estimant qu'il était important que la nouvelle compagne soit présente, étant elle-même maman des deux nouveaux petits-enfants de Madame A. Pendant deux entretiens, ces trois personnes se sont rencontrées et aucune avancée ne s'est produite. La médiatrice a donc décidé, en accord avec ces trois personnes de mettre en place un entretien sans la nouvelle compagne de Monsieur. La mère et le fils ont donc assisté tous les deux à l'entretien suivant. Cette rencontre leur a permis de revenir sur l'enfance de Monsieur X, la maternité de Madame A, ainsi que sur sa conjugalité et sa propre séparation de Monsieur A, père de Monsieur X. Cet entretien fût très douloureux pour ces deux participants, mais, a permis ultérieurement de renouer des liens familiaux entre les différents membres de cette famille.

La médiatrice a fait un premier essai avec les acteurs qu'elle pensait essentiels dans ce conflit, puis constatant aucune avancée dans ces entretiens, elle en a exclu temporairement la nouvelle compagne. Cette modification a permis à Madame A de s'exprimer sur des sujets plus personnels avec son fils, ce qui finalement a abouti à la résolution de leur conflit.

Il est toujours délicat dans de telles compositions familiales de déterminer pour la famille et le médiateur les participants à la médiation, et le fait de pouvoir remanier ces choix permet parfois la résolution des problématiques.

5. Le lieu d'accueil

Selon certains palais de justice et Juges aux Affaires Familiales, les médiateurs sont amenés à tenir des permanences gratuites d'information dans les tribunaux. Ces permanences permettent aux familles de rencontrer, parfois même sans rendez-vous, des médiateurs familiaux. Cela permet un meilleur accès à l'information, les tribunaux étant le lieu privilégié où se règlent les conflits familiaux. C'est le cas pour le Tribunal de Grande Instance de Grenoble et le palais de justice de Lyon. À Lyon comme à Grenoble, l'ensemble des associations de médiation familiale se relaie afin d'assurer ces permanences. Lors de ces entretiens d'information, le médiateur ne se présente pas en tant que représentant de telle ou telle association, mais comme médiateur familial d'une manière globale, afin de ne pas favoriser son propre service.

Les médiateurs familiaux tentent aussi d'être représentés dans les milieux ruraux. Ceci peut passer par des permanences gratuites d'information dans les mairies par exemple, favorisant ainsi l'accès à l'information à un public souvent excentré des grandes villes, et lui permettant ainsi d'obtenir des informations concrètes sur la démarche de médiation. J'ai moi-même eu l'occasion d'assisté et d'animé une information collective à la Caisse d'Allocation Familiale (CAF) de Chambéry dans le cadre d'un stage. Lors de cette journée d'action, la médiatrice et moi-même avons pu informer une quarantaine de personne sur la médiation familiale. Parmi les personnes rencontrées certaines venaient précisément pour l'information gratuite à la médiation familiale, mais la majorité d'entre elles était présente pour d'autres raisons en lien avec la CAF. Les entretiens d'information peuvent déboucher sur la mise en place d'un processus de médiation familiale. Les médiateurs familiaux peuvent aussi être présent au sein des points rencontre, c'est le cas de l'association « La passerelle » à Grenoble, où les parents sont présents pour rencontrer leurs enfants dans un espace protégé, mais où ils peuvent également mettre en place une médiation familiale.

Les lieux où s'exerce la médiation familiale sont donc divers et variés, ils peuvent s'adapter à certains besoins de la population, à certaines demandes des personnes, des collectivités ou des autres professionnels des champs sociologique, psychologique, judiciaire etc...

6. Adapter les courriers

Comme je l'ai dit précédemment, la médiation familiale est une démarche choisie et volontaire, qui ne peut se mettre en place qu'en présence de toutes les personnes concernées par le conflit. Cependant, il arrive que le premier contact avec le médiateur soit une démarche individuelle, sans que l'autre parent en soit informé. Le médiateur va alors réfléchir, avec le parent, à « Comment faire venir l'autre parent en médiation ». La solution la plus en phase avec la démarche de médiation familiale est de favoriser la communication entre les parents. C'est pourquoi le médiateur peut accompagner le parent dans sa volonté de faire connaître la médiation familiale à l'autre conjoint. Pour cela le médiateur s'informe sur leur manière actuelle de communiquer. Il essaie d'ouvrir le champ des possibilités avec le parent, et de réfléchir au meilleur moyen de « faire venir l'autre », par téléphone, par une lettre, lors du changement d'hébergement etc...

Parfois, la rupture de communication entre les parents ne permet pas de contact direct entre eux, il est alors nécessaire que le médiateur intervienne. En accord avec le parent, ils étudient la meilleure manière pour le médiateur d'entrer en contact avec l'autre. Souvent, cela se fait sous forme de courrier-type, qui informe de la démarche du premier parent, et où le médiateur propose une date de rendez-vous pour un entretien d'information gratuit à la médiation familiale, par exemple.

L'enjeu ici, est de réunir les deux parents, pour cela le médiateur s'adapte à chaque situation pour favoriser cette rencontre Le fait, pour les familles, que le médiateur intervienne dans l'invitation de l'autre parent permet parfois la mise en place du processus. La manière de le faire est totalement adaptable à la situation rencontrée.

Cependant, il existe par ailleurs d'autres courriers, notamment dans le cadre de médiations familiales ordonnées. En effet, dans ces médiations, le juge dans son jugement, après avoir recueilli l'accord des personnes concernées, désigne un médiateur ou un service de médiation. Le service de médiation reçoit donc, par voie postale, le jugement rendu par le juge aux affaires familiales. Le médiateur contacte alors les parents par courrier et leur propose un premier rendez-vous pour un entretien gratuit d'information. Le service de médiation familiale nommé par le Juge aux Affaires Familiale, informera celui-ci de la bonne réception de l'ordonnance ou du jugement. Le médiateur pourra s'il le désire informer le magistrat de l'issue de la médiation sans pour autant préciser le contenu de celle-ci, car strictement confidentiels, le médiateur pourra parler d'accord oral, de rétablissement de la communication.

Il n'est pas rare que les différents acteurs de la médiation familiale (participants et leurs avocats, juge...) requièrent à différents moments, des attestations, ou compte rendu de la médiation. Malgré la confidentialité sur le contenu, le médiateur pourra attesté de la venue de telle personne aux entretiens, du nombre de rencontres qui ont eu lieu et éventuellement d'un accord ou pas.

Il est important de préciser que les courriers et leur contenu s'adaptent aux interlocuteurs, à la situation, mais aussi aux médiateurs. En effet, chaque professionnel décide de sa manière de communiquer, et les courriers ne sont pas toujours le mode de communication privilégié.

7. L'accueil des enfants

L'accueil ou non des enfants en médiation familiale est une question très controversée. Elle est parfois à mettre en lien avec le modèle théorique auquel se réfère le médiateur familial. En effet, certains médiateurs vont, de façon systématique, recevoir les enfants dans un but d'information et de recueil de données concernant leur vécu actuel face à la situation, c'est le cas dans le modèle groupal narratif.

Certains médiateurs refusent clairement les entretiens avec les enfants, car selon eux, la démarche de médiation familiale ne concerne que les parents majeurs, et impliquer les enfants ne ferait que les placer dans une situation encore plus complexe. Cependant, les enfants n'ont pas besoin d'être présent physiquement en médiation pour que leurs besoins et leur place soient respectés. En effet, certain médiateurs peuvent placer une photo de celui-ci dans la salle de médiation afin qu'il soit symboliquement représenté.

Il arrive que certains médiateurs acceptent de recevoir les enfants en fin de médiation, lorsque les parents se sont entendus sur accords et qu'ils souhaitent en faire part à leurs enfants. Mais dans ce cas, les enfants ne sont pas entendus à titre individuel.

D'autres médiateurs laissent le champ plus ouvert, et s'adaptent à chaque situation familiale. Si le médiateur estime cela nécessaire pour la compréhension du conflit, ou dans l'exploration des solutions envisagées, il pourra recevoir les enfants lors d'un entretien individuel. Souvent celui-ci se fera de façon ludique, ceci permettant aux enfants se sentir à l'aise. Il est important de les rassurer sur l'utilisation de leur parole.

L'important ici, c'est qu'il existe du sens à « l'entretien enfant », que celui-ci ne se déroule pas uniquement à la demande des parents, mais que le médiateur considère également qu'il est important qu'ils soient entendus. Il est nécessaire que l'organisation soit telle que parents et enfants soient rassurés, que le médiateur sache exactement ce qu'il va faire des paroles de l'enfant : seront-elles restituées aux parents ? Est-il prévu un temps de parole ensuite avec les parents ? etc...

Il semble aussi essentiel quand ces entretiens ont lieu, que le conflit entre les parents soit suffisamment apaisé pour ne pas placer les enfants dans une posture trop délicate, soumis à des pressions parentales.

Michèle SAVOUREY, dit qu'« il y a trois façons de mieux connaître les besoins spécifiques des enfants pour les prendre en compte dans le processus de médiation :

? Les parents (...)

? Le choix des experts dont les conclusions seront reprises en médiation (...)

? l'écoute de l'enfant par le médiateur, lorsque les parents le demandent ou donne leur accord, n'étant pas sûrs d'être momentanément les plus capables d'entendre ses vrais besoins, ou de pouvoir suffisamment les différencier de leurs propres besoins »21(*)

Selon l'auteur, l'accueil des enfants est aléatoire en fonction de la manière dont l'enfant est intégré dans le conflit. Lorsque le conflit reste centré autour des parents, et que ceux-ci sont dans la capacité de maintenir l'enfant hors de celui-ci, il n'est pas forcément nécessaire de le recevoir pour l'entendre. Cependant, lorsque le conflit implique significativement l'enfant, il peut être intéressant pour les parents de prendre en compte le ressenti et la « verbalisation » de l'enfant dans la médiation par le biais d'un entretien entre le médiateur et l'enfant.

Afin d'expliciter mes propos, voici une situation que j'ai observé en stage :

Monsieur et Madame X ont deux enfants : John 10 ans et Louis 6 ans. Monsieur et Madame X ont été mariés et sont maintenant divorcés. Madame X forme une nouvelle union avec Monsieur Y.

Actuellement la situation est très conflictuelle entre Monsieur et Madame X : discordes au sujet des horaires, de l'hygiène des enfants, les valeurs du papa et de la maman sont divergentes, ce qui au quotidien pose beaucoup de problèmes particulièrement à la maman. Dans cette situation, celle-ci est très contrarié par les propos tenus par les enfants lorsqu'ils rentrent à son domicile à la fin du week end passé chez le papa. En effet, ceux-ci prennent du plaisir à dire à leur maman toutes les limites et les interdits qu'ils ont franchis « chez papa ». Les enfants ont un discours très différent sur les événements selon qu'ils les racontent à l'un ou l'autre des parents. Il est clair que les enfants, ici, jouent un rôle primordial dans les tensions que présente l'équipe parentale. La médiatrice suggère donc d'entendre les enfants.

Après un entretien d'information gratuit, un entretien individuel avec chacun d'entre-eux, et deux entretiens communs ayant permis déjà la remise en place d'une collaboration parentale, la médiatrice, en accord avec les parents, souhaite rencontrer John et Louis.

La médiatrice met en place trois « entretiens enfants »seuls d'abord puis avec chaque parent successivement. Dans un premier temps, le parent accompagnant laisse les enfants avec la médiatrice, puis va patienter en salle d'attente. Pendant ce temps, la médiatrice a élaborer des questions à poser aux enfants. Puis dans un second temps, le parent-accompagnant rejoint les enfants et la médiatrice. Au cours de ce deuxième temps, la médiatrice va reposer les questions dont, en accord avec les enfants, les réponses paraissent pertinentes à entendre pour les parents. Il en sera de même pour l'autre parent.

Au cours de ces deux entretiens, les parents ont pu entendre l'importance de la place de l'autre parent dans la vie des enfants, et entendre la manière dont les enfants vivent la relation conflictuelle de leur parents. Les enfants ont pu exprimer aussi leur joie de voir leur parents réunis l'école à l'occasion de la fête de fin d'année par exemple.

Les paroles de leurs enfants ont beaucoup fait réfléchir les parents sur leur comportement respectif l'un vis à vis de l'autre, ce qui a permis de régler certains petits détails envenimant la relation parentale. Je pense qu'ici, les « entretiens-enfants » ont été bénéfiques pour toute la famille, et notamment pour la reconnaissance mutuelle des parents. D'une part, la maman à pu être rassuré sur le bien être des enfants lorsque ceux-ci sont chez leur père, et d'autre part le père à pris conscience qu'il amenait ses enfants à faire alliance avec lui contre la mère et ses règles qu'il considérait comme « trop stricte ».

8. Les accords

Il existe différents accords, les accords « partiels » pouvant se mettre en place au cours de la médiation, et permettant aux parents de tester une nouvelle organisation par exemple. Ceux-ci peuvent aussi être rédigés en fin de médiation, ils sont alors dits « partiels » car les participants ne s'entendront pas sur tout, celui-ci reprendra les points sur lesquels ils se seront mis d'accord ainsi que les points litigieux qui pourront être « tranchés » par le magistrat.

Il existe aussi des accords « globaux » pouvant finaliser l'ensemble de la médiation familiale et regroupant l'ensemble des décisions prises par les parents aux cours des entretiens.

On peut aussi parler d'accords « oraux » se réalisant entre les parents au cours de la médiation, et qu'ils ne souhaitent pas voir rédiger. Cela se produit lorsque certains accords portent sur des éléments trop subjectifs, ou quand la médiation n'a pas suffisamment modifié les perceptions négatives entre les participants pour que cela soit notifié par écrit.

La finalité de la médiation familiale est différente d'un médiateur à l'autre. Pour certains, une médiation réussie est une médiation aboutissant à des accords écrits, pour d'autres, la restauration de la communication, ou alors des accords oraux seront eux-même une victoire.

La rédaction d'accords écrits est une manière d'officialiser les décisions, cependant il arrive que les participants n'y parviennent pas.

Personnellement, je pense que des accords partiels obtenus au cours de la médiation favorisent la confiance mutuelle, et rassurent les parents quant à la possibilité de trouver des solutions.

Dans un but de clarté, je vous invite à suivre une médiation observée :

Monsieur et Madame P ont été mariés pendant 5 ans, de cette union est née une petite fille, Marion, aujourd'hui âgée de 13 mois. Ce couple, aujourd'hui séparé de fait, vit des moments très difficiles : violences, insultes, menaçant la relation de Monsieur P avec sa fille.

Lors de l'entretien individuel avec Monsieur P, la médiatrice apprend que Madame P a eu une aventure extra-conjugale pendant l'union, ce qui affecte encore beaucoup Monsieur P aujourd'hui. Le fait primordial cependant, pour Monsieur P, est qu'il ne voit presque plus sa fille depuis la séparation. Afin d'apaiser Monsieur, et pour le bien-être de Marion, il est nécessaire que les parents trouvent un accord visant à mettre en place un droit de visite pour le papa. Madame P se réfugie derrière les comportements excessifs de Monsieur : alcool, violence etc...Elle est inquiète à l'idée de confier Marion à son papa.

La médiatrice va travailler dans un premier temps à rétablir un climat de confiance entre les parents, à travers la recherche de solutions pour la sécurité de Marion lors de ces visites chez son papa, afin que rapidement Monsieur puisse voir sa fille dont il souffre de l'absence.

Lors du premier entretien commun, la maman reconnaît qu'il est important que Marion voit son papa, et donne donc son accord pour mettre en place un premier droit de visite. Afin d'officialiser cette rencontre, la médiatrice, en accord avec les parents rédige un accord partiel stipulant les modalités du droit de visite de Monsieur M avec sa fille : date, horaire et lieu d'échange.

Ce type d'accord22(*) a été rédigé à plusieurs reprise au cours de la médiation, ce qui a permis au papa d'entretenir des liens avec sa fille malgré le conflit parental encore très présent. Malheureusement, la médiation n'a pu aboutir à des accords globaux23(*), et les parents ont préféré s'en remettre à la justice. Cependant, durant les deux mois de médiation le lien parent-enfant a pu être maintenu.

J'ai tenté dans cette partie de mettre en avant le caractère adaptable du processus, au regard des individualités des participants et des médiateurs, mais aussi de l'ensemble de la famille et des problématiques rencontrées.

Conclusion

J'ai voulu à travers ce travail, répondre à un questionnement qui s'est imposé à moi au cours de mes études et plus particulièrement sur mes lieux de stage.

Comment prendre en compte tant de diversités familiales tout en s'appliquant à développer un processus précis et cadré ?

Avant de conclure, je voudrais reprendre le cheminement de ma réflexion.

J'ai considéré que chaque famille et que chacun de ses membres étaient uniques, que chaque problématique et conflit qu'ils rencontraient étaient eux aussi particuliers.

Après l'avoir décrit et étudié, j'ai postulé que le cadre de la médiation familiale permettait de mettre en place des règles structurantes, limitatives et symboliques, permettant aux familles d'amorcer des changements dans leur mode de communication et dans leurs représentations communes du conflit.

De cette constatation, une problématique s'est imposée à moi : Comment la médiation familiale peut-elle accueillir, accompagner et s'adapter à la singularité de chaque famille ?

J'ai développé l'idée que c'est en s'appuyant sur la fonction contenante du cadre que le médiateur va développer ses qualités empathiques, qualités lui permettant de prendre en compte chaque individu, d'être, en tant que garant du cadre, le réceptacle des émotions. Une fois celles-ci ainsi déposées, reconnues et restituées par le médiateur de manière plus structurée et constructive, il est alors plus aisé pour les parents d'amorcer certains changements dans leur vision de l'autre et du conflit. Le cadre de la médiation fonctionne alors comme une enveloppe à l'intérieur de laquelle se reconstruit le lien parental et s'organisent les conséquences de la séparation.

J'ai montré que le processus, malgré une trame commune à toutes les situations, permet une certaine adaptabilité. Il peut s'agir pour les médiateurs eux-même d'appliquer un certain modèle théorique auquel ils ont été formés, des choix de techniques, d'organisation, de mise en pratique, toujours au service des personnes. Cela se traduit par différents éléments qui peuvent se trouver modifiés, ajoutés, adaptés, au regard de la famille qu'il accompagne. C'est donc aussi grâce à cette adaptabilité des médiateurs qu'un certain nombre de médiations familiales sont possibles. L'adaptabilité du processus grâce au médiateur, ainsi que sa créativité et à celle des parents, la médiation familiale se veut structurante et rassurante par son cadre fixe et ses règles, tout en étant ouverte à chaque situation, à chaque personne, chaque conflit, par un processus qui se veut adaptable et en phase avec la recherche de solutions mutuellement acceptables.

Au terme de ma réflexion, au regard des différentes situations présentées, de la singularité de chaque famille et donc de chaque processus et de l'analyse que j'en ai faite, je peux donc affirmer l'hypothèse selon laquelle : c'est grâce à la garantie, par le médiateur, d'un cadre fixe structurant les demandes et les échanges, à l'animation d'un processus s'adaptant aux besoins spécifiques de chacun, couplées à la volonté des participants de trouver ensemble des solutions mutuellement acceptables que la médiation familiale peut accueillir les demandes de chaque famille dans sa singularité.

Avant de mettre un terme à l'écriture, je voudrais ouvrir ma réflexion vers un champ que je n'ai pas développé : celui des lieux dans lesquels la médiation pourrait être exercée, les cadres physiques particuliers dans lesquels la médiation familiale pourrait se mettre en place et les limites de celle-ci.

Je pense plus particulièrement aux maisons d'arrêt, dans lesquelles certains parents, privés de leur droit du fait d'un délit et d'une mesure judiciaire, sont contraints à être séparés de leurs familles. Comment réussir à maintenir un lien satisfaisant pour permettre à ces familles de perdurer et de s'organiser face à ce placement judiciaire ?

Comment permettre l'accès à la médiation familiale dans ce cadre particulier, et comment répondre à ces problématiques très singulières ? Cette ouverture est-elle possible ou est-ce une limite à la médiation familiale ?

J'aime à croire que la médiation familiale pourrait, un jour, avoir sa place dans de telles situations.

* 1 Pacte Civil de Solidarité

* 2 Claire Denis « la médiatrice et le conflit dans la famille » ed. ERES, janvier 2010

* 3 Claire Denis « la médiatrice et le conflit dans la famille » p.88

* 4 Paul FUSTIER, 1983, L'enfance inadaptée Repères pour des pratiques, Lyon, Presse Universitaire de Lyon, PUL, p 12

* 5 Conseil National Consultatif de la Médiation Familiale

* 6 Pacte Civil de Solidarité

* 7 Conseil National Consultatif de la Médiation Familiale, op.cit.

* 8 Didier ANZIEU, 1985, Moi-peau, Paris, Dunod

* 9 Alice et pierre DE LARA, 2003, L'enfant, « objet transitionnel » de la médiation familiale, in « entre nous » La transmission psychique dans le couple et dans la famille Aspects théoriques, DIALOGUE n°160, p,78

* 10 Michèle GUILLAUME-HOFNUNG, 2007, « La médiation », Vendôme, Presse Universitaire de France, Que sais-je ?,p 72

* 11 Association Pour la Médiation Familiale

* 12 Document présenté en annexes

* 13 Nicolas JONAS, 2007, La famille, Poitiers, Thèmes et débats, Bréal, p 10

* 14 http://fr.wiktionary.org/wiki/singularit%C3%A9

* 15 Bob DEITS, Revivre après l'épreuve, Québécor, 1999

* 16 http://pdelara.free.fr/crises.html

* 17 Http://fr.wikipédia.org/wiki/Processus

* 18 Annie BABU et Pierrette BONNOURE-AUFIERE, 2010, Guide de la médiation familiale étape par étape, Mercues,ERES

* 19 Pages 172,173,174

* 20 Cf. annexe

* 21 « Re-créer les liens familiaux » p.96

* 22 Cf annexe

* 23 Cf annexe






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld