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Contribution à  l'élaboration d'une méthodologie de participation publique à  l'étude d'impact environnementale des projets d'aménagement et industriels: cas du parc de Caracol en Haà¯ti.

( Télécharger le fichier original )
par Felix Junior RONY
Institut Latino-américain des sciences du Pérou - Maà®trise en étude d'impact environnemental 2012
  

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3.2.-Négociation autour du projet

Le mégacomplexe de Caracol vise à créer des conditions propices au décollage économique d'Haïti par la création de plus 30,000 emplois directs et indirects. Comme énoncé plus haut, les grandes industries ont des impacts certains sur les territoires d'accueil. Concernant le parc, ceux touchant l'économie locale et régionale occupaient une place centrale dans les discours des élus et dans les médias. Il faut dire que dans le contexte économique difficile et eu égard au rapport de dépendance historique vécu avec l'international, les retombées fiscales importantes pour Haïti, tout comme les emplois créés et ceux consolidés étaient très attendus.

Les impacts sur l'environnement (qualité de l'eau, de l'air) et la santé publique ont également été soulevés par divers groupes (ONG environnement, syndicats de travailleurs, organisations de la société civile) lors de prises de position dans les médias. Pour leur part, les résidants vivant à proximité du nouveau site industriel avaient aussi posé plusieurs questions sur ces sujets lors du processus d'évaluation environnementale, lancé avant le séisme du 12 janvier 2010. Les entrevues collectives réalisées alors ont révélé ensuite clairement que ces résidants établissent un lien entre les activités de construction, la qualité de l'environnement et la santé publique.

Comparativement à ces attentes sur l'économie et l'environnement, le sujet du devenir de la population qui occupait l'espace n'est pas ressorti au premier plan des rapports intérimaires d'études d'impact environnementales produits par l'Etat, ni lors des conférences tenues en 2008-2009, ni à aucun autre moment de l'implantation. Même pendant la construction, lorsqu'il est devenu évident que le paysage local serait modifié de façon importante, contrairement aux prévisions faites dans l'étude d'impacts, cette question n'a pas été discutée ou même abordée dans ces termes lors des réunions formelles du comité de mise en oeuvre du projet, où siégeaient des représentants de la compagnie et des ministères concernés. Sur la base de ces observations, il aurait été tentant de conclure que le bien-être de la population ne constituait pas une préoccupation sociale par rapport au projet industriel de Caracol. Néanmoins, plusieurs acteurs avaient exprimé des attentes en la matière, autant sous la forme de questions, comme lors de la pré-consultation faite par la firme en charge de l'étude d'impacts, que par des demandes plus précises, sous formes de manifestations de rue particulièrement.

Ces attentes peuvent avoir été de façon explicite formulées sous le thème de la participation du public, mais pas uniquement. Pour être cohérent avec notre compréhension élargie du concept de participation défini précédemment, toute affirmation ayant un lien avec la vision de la communauté et/ou de la collectivité, qu'elle soit tangible ou socialement construite, a été intégrée dans la dynamique de la participation. Ont ainsi été ajoutés les propos d'acteurs se rapportant à d'autres termes traditionnellement associés au bien-être de la population (esthétique, environnement visuel, impacts visuels, aménagement paysager). De même, ont été intégrés ceux abordant l'aménagement du territoire, la qualité de vie (cadre de vie, infrastructures), la qualité de l'environnement (rejets, pollution, qualité du milieu récepteur), ainsi que la représentation territoriale du projet industriel. Dans le cas étudié, cela signifie concrètement que dans les mémoires et le discours des habitants, la participation de la communauté dans l'implantation, l'aménagement et le traitement des habitants n'a pas été traitée de façon transparente.

Devant ces demandes sociales très variées, une question était de savoir lesquelles avaient été prises en considération dans les négociations entourant l'implantation du Parc. Plus particulièrement, quelles stratégies d'action avaient été mises en oeuvre pour tenter d'y répondre, et par qui? De même, lesquelles avaient été conduites dans le cadre de l'étude d'impacts environnementale, ou en marge de la procédure? En ce sens, notre analyse sur les capacités de l'ÉIE à intégrer les préoccupations associées au bien-être, dépasse largement les seuls impacts sociaux et économiques habituellement considérés sous ce terme mais considère aussi des aspects variés du projet industriel comme la qualité de l'accès à l'information et l'implication de la population dans le processus décisionnel.

À la suite de nos observations, directes et documentaires, un (1) des cinq (5) grands enjeux, ou objets de négociation a été retenu pour la formulation de recommandations, soit : la localisation du site industriel, sa présence visuelle, les pratiques liées à la nature, le suivi environnemental et l'aménagement du site. Les stratégies d'acteurs sont très diversifiées, incluant notamment : la négociation sur l'utilisation de la main d'oeuvre locale, le changement du zonage «agricole» pour celui d'«industriel lourd», la promotion du chantier par des visites, des articles de presse, la réalisation de l'étude d'impacts par le promoteur et son acceptation par le ministère de l'Environnement, la conception du plan d'aménagement des terrains en périphérie du site industriel incluant un programme de plantation d'arbres, la négociation d'ententes autorisant des usages récréatifs du site industriel par des tiers, la définition du contenu du programme de suivi, la négociation pour ajouter des infrastructures et augmenter la capacité de production du projet initial, les activités de suivi volontaire et réglementé.

Cette description constitue une première phase pour donner une «lisibilité» aux dynamiques de négociation, considérée comme un préalable nécessaire avant de procéder à une interprétation. À partir de celle-ci, une analyse a été réalisée en recourant à deux critères de la gouvernance territoriale4(*). L'objectif est de comprendre dans quelle mesure l'étude d'impact environnementale peut être utile pour réguler les négociations entre des acteurs sociaux. En d'autres termes, est-ce que la procédure d'évaluation a permis à des acteurs de la société civile de faire valoir leurs préoccupations face au grand projet et, plus encore, d'avoir eu une influence sur les décisions marquant la qualité du territoire qu'ils habitent? Les principaux constats sont discutés dans la suite du document.

Plusieurs groupes d'acteurs ont été impliqués dans les négociations entourant l'implantation industrielle et concernant des aspects du paysage. En plus des deux grands acteurs habituellement impliqués que sont l'État central, par l'intermédiaire du ministère de l'Environnement, et l'entreprise, de nouveaux acteurs sont présents lors des négociations. Citons nommément des élus locaux, des représentants d'associations locales oeuvrant en environnement, en tourisme ou en agriculture, des citoyens et des résidents de proximité. Deux(2) principaux mécanismes de participation étaient disponibles pour leur permettre d'échanger : les rencontres thématiques, tenues lors de la planification, et le comité de suivi environnemental, mis en place au début des travaux. La présence de tels mécanismes et d'acteurs provenant de la société civile constituait un aspect positif certain pour la gouvernance. Un examen attentif des dynamiques et stratégies d'acteurs entourant l'implantation du parc a montré cependant plusieurs faiblesses quant à la capacité de l'ÉIE à coordonner les négociations sur le bien-être de la population.

Par conséquent, la négociation sociale s'est révélée complexe. Plus encore, elle est éclatée et discontinue, autant sur les plans temporels que sur la diversité des acteurs impliqués et par rapport au caractère fragmenté des négociations. Ainsi, d'une part, des groupes entrent et sortent de la scène, étant impliqués dans certaines discussions et non dans d'autres, étant présents à certains phases de l'implantation du projet et absents à d'autres. De fait, seul le promoteur (l'Etat) a assuré une présence presque continue dans l'ensemble des négociations, ce qui lui permet de connaître l'ensemble du projet en devenir, alors que les autres acteurs n'en ont qu'une vision parcellaire.

D'autre part, des stratégies d'actions influençant le devenir du projet industriel ont été menées avant le début de la procédure formelle d'évaluation des impacts sur l'environnement (ÉIE). C'est le cas des rencontres thématiques. Ces activités ont porté essentiellement sur un objet de négociation concernant le paysage, soit le choix de localisation du complexe industriel. Celui-ci s'est trouvé fixé presque dix ans avant le lancement des travaux, il était devenu alors difficile d'envisager d'autres scénarios de localisation. Or, la localisation constitue une décision fondamentale du point de vue de l'importance des impacts sociaux et environnementaux (par exemple qui serait potentiellement touché par les émissions atmosphériques?) et, donc, de la concrétisation de principes de développement durable.

Le fait que des négociations aient eu lieu avant le début de l'ÉIE ne surprend probablement personne. L'envergure d'un mégaprojet industriel comme celui de Caracol a nécessité une longue planification, de près de dix ans. Cependant, même lorsque l'ÉE a commencé, des négociations se sont poursuivies en parallèle de la procédure formelle. En effet, les acteurs ont engagé de nombreuses stratégies sur une base volontaire, c'est-à-dire non exigées par l'ÉIE. Que des négociations se soient déroulées à l'extérieur de la procédure et des forums de concertation prévus ne serait pas un problème en soi selon certains tenants de l'approche de l'«expérimentalisme démocratique». Comme l'expliquent Mormont, Mougenot et Dasnoy (2001), l'exploration des idées et la conception de solutions innovantes se feraient plus aisément à travers des réseaux de discussion plus souples que dans des cadres formels où les acteurs adoptent habituellement un comportement stratégique et reproduisent les normes sociales existantes. Cependant, cette façon de faire peut poser un problème de légitimité politique, comme ce fut le cas pour la situation que nous étudions dans ce travail.

Comme le soulignent ces auteurs, les solutions retenues dans de tels réseaux informels doivent retourner dans une sphère plus large et publique pour être soumises et validées par l'ensemble des acteurs concernés. Il s'agit là d'une condition requise pour que les ententes négociées acquièrent une légitimité politique et, par la suite, permettent une «régulation adéquate et acceptée» (Mormont et al. 2001, n.p.). Or, dans le cas de Caracol, les négociations examinées ne satisfont pas ce deuxième critère.

En effet, elles ont revêtu un caractère quasi privé alors que les négociations se sont déroulées généralement entre deux acteurs à la fois, en face-à-face - impliquant généralement le promoteur et un autre groupe. Surtout, les ententes négociées ont été rarement explicitées aux acteurs absents de la négociation, qui ne peuvent alors statuer sur leur contenu. En effet, même si les conclusions de l'entente ont été rapportées, les modalités ont été rarement présentées de façon détaillée, de même que les logiques et arguments sur lesquels elles reposaient. En définitive, les ententes ne pouvaient pas constituer un cadre de référence commun pour la conduite des divers acteurs impliqués dans le processus d'implantation du projet.

La procédure haïtienne d'ÉIE prévoit certes un mécanisme mettant en interaction un nombre important d'acteurs concernés par les enjeux environnementaux notamment et qui pourrait jouer un tel rôle de validation publique. Il s'agit des séances d'informations/consultations tenues lors de la phase de planification. Il existe également divers comités de suivi multipartite instaurés sur une base volontaire, réunissant le promoteur et des acteurs régionaux concernés et affectés, incluant le comité de suivi environnemental.

Cependant, aucun des deux mécanismes ne pouvait prétendre jouer ce rôle de validation pour l'ensemble de l'implantation du parc : les premières (les négociations) parce qu'elles ont constitué un moment ponctuel dans le processus et que plusieurs négociations avaient eu lieu en aval (ajout d'infrastructures, contenu des obligations de suivi environnemental), et le second (le comité de suivi), parce qu'il a souffert de plusieurs limites qui, elles, ont renvoyé aux derniers critères d'analyse.

* 4 a.-La construction collective d'objectifs et d'actions (au sens très large : pouvoirs, relations, savoirs, statuts, capitaux financiers)

b.-La mise en oeuvre des dispositifs multiples (agencement des procédures, des mesures, des connaissances, des savoir faire et informations diversifiées) qui reposent sur des apprentissages collectifs et induisent des reconfigurations/innovations institutionnelles et organisationnelles au sein des territoires

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery