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Analyse du développement de la zone commerciale de périphérie Avignon nord - étude de la stratégie des acteurs privés et du rôle des pouvoirs publics.

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par Laurent GIRARD
Institut d'urbanisme et d'aménagement régional d'Aix-en-Provence - Master 2 urbanisme et aménagement spécialité projet urbain et action opérationnelle 2011
  

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3.3 L'échec des lois visant à limiter le développement commercial de périphérie

Dans un souci de maintien du commerce de proximité, l'Etat a vite compris qu'il fallait freiner l'essor de la grande distribution. Nous allons présenter ici l'évolution des différents textes de lois qui ont tenté de régir le commerce de périphérie100.

3.3.1 La loi Royer et la mise en place des procédures d'autorisation

Le développement du commerce de périphérie a rapidement suscité de vives critiques de la part des commerçants traditionnels. La loi Royer, dite loi d'orientation du commerce et de l'artisanat, a été votée en 1973 avec pour objectif de préserver le petit commerce. Pour cela, le législateur a créé un système d'autorisation indépendant du permis de construire : les Commissions Départementales d'Urbanisme Commercial (CDUC). Cette procédure devient obligatoire en préalable de toute implantation d'un commerce de plus de 1 500 mètres carrés de surface de vente dans une commune de plus de 40 000 habitants. Dans une commune de moins de 40 000 habitants, ce seuil est abaissé à 1 000 mètres carrés. La CDUC avait trois mois pour prendre sa décision. En cas de refus, le pétitionnaire avait une possibilité de recours auprès de la Commission Nationale d'Urbanisme Commercial (CNUC).

Les CDUC sont composées de neuf professionnels du commerce et de l'artisanat, de neuf élus locaux et de deux représentants des associations de consommateurs. Parmi les professionnels, on retrouve six délégués du commerce traditionnel, deux représentants des grandes surfaces et un représentant des artisans. Ces commissions ne comportent donc pas de technicien de l'urbanisme. Cela s'explique par le fait que les critères étudiés dans les CDUC sont plus de nature économique. La loi est d'ailleurs inscrite au code du Commerce et non pas au code de l'Urbanisme. Pour évaluer l'impact de la future implantation sur le commerce traditionnel, les commissions allaient réaliser une pseudo-étude de marché. Elles se basaient sur le calcul du taux d'équipement en grandes surfaces par rapport à la population de la zone de chalandise. Ce calcul était contestable car la zone de chalandise considérée était celle fournie par le pétitionnaire. De plus, nous avons vu dans la partie 2.1 de ce mémoire qu'une étude de marché est beaucoup plus complexe. Les membres des CDUC n'avaient pas les compétences techniques pour réaliser une telle analyse.

100 Cette partie s'inspire des textes successifs consultés sur legifrance.fr, des rapports législatifs du Sénat et des analyses de différentes chambres de commerce sur l'évolution législative.

La loi Royer a subordonné les autorisations au respect de critères économiques, mais en contrepartie, les critères d'urbanisme ne sont pas étudiés. Ces derniers ne seront étudiés que lors de la procédure de dépôt du permis de construire, qui est totalement indépendant des CDUC et qui relèvent exclusivement de la compétence communale. C'est un des grands défauts de ce système d'autorisations séparées.

Face à la loi Royer, les enseignes vont tenter, dans la mesure du possible, de réaliser des projets qui ne sont pas soumis à l'autorisation des CDUC. Pour cela, elles ne vont pas développer de cellules mitoyennes dont la surface dépasserait le seuil à partir duquel l'autorisation est requise. Elles vont donc privilégier l'implantation de multiples « boîtes commerciales » de moins de 1 000 mètres carrés de surface de vente. Ce développement sous forme de « lotissements commerciaux » est une particularité française qui a pour seul but de contourner les procédures d'autorisations commerciales. En effet, on ne retrouve pas ce type de formes urbaines dans les pays anglo-saxons par exemple. La figure 30 est une prise de vue aérienne du « Retail Park » Meadowhall situé en périphérie de Sheffield, en Angleterre. Le concept du Retail Park se rapproche de celui de centre commercial avec un ensemble de cellules mitoyennes mais la surface de vente est plus importante et certaines vitrines donnent sur l'extérieur. Celui de Meadowhall est construit autour d'un hypermarché Sainsbury qui joue le rôle de locomotive commerciale. L'ensemble du Retail Park possède une surface de vente de près de 140 000 mètres carrés101. Dans un seul bâtiment, on retrouve donc un plancher commercial plus important que celui de l'ensemble de la zone commerciale Avignon Nord.

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101 en.wikipedia.org

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Figure 30 : Meadowhall, un « Retail Park » composé de cellules mitoyennes (Source : en.wikipedia.org)

Pour éviter le contournement des procédures d'autorisations, le législateur a réformé la loi Royer par la loi Doubin du 31 décembre 1989. Elle permet de soumettre au passage devant la CDUC, tout commerce s'implantant dans un ensemble commercial de plus de 1 500 mètres carrés. Par ailleurs, elle a pour but d'apporter plus de transparence dans les décisions. Auparavant, le vote se faisait à bulletin secret et les CDUC ont souvent été accusées d'alimenter la corruption des élus locaux. A partir de la loi Doubin, le vote est devenu public.

La loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin, poursuit le même objectif. Elle met en place les Commissions Départementales d'Equipement Commercial (CDEC) qui remplacent les CDUC. Ces nouvelles instances ne comportent plus que sept membres contre vingt auparavant. Sont représentés les maires de la commune d'implantation et des deux communes les plus peuplées de l'arrondissement, le conseiller général du canton, le président de la Chambre de Commerce et d'Industrie et celui de la Chambre des Métiers et une association de consommateurs. Le fait de réduire le nombre de membres était censé rendre plus difficile l'obtention des autorisations. Le nombre d'ouvertures a en effet diminué depuis la mise en application de la loi (cf. figure 31) mais d'autres phénomènes rentrent en jeu. Premièrement, le territoire commence à être maillé par le réseau des hypermarchés et les

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nouvelles implantations ont des parts de marché plus faibles. On compte en effet 862 hypermarchés en France en 1991 102 . Deuxièmement, une nouvelle forme de vente s'affirme : les hard-discounts. La surface de vente de ces enseignes est comprise entre 300 et 1 200 mètres carrés, mais la majorité se situe entre 600 et 800 mètres carrés. Ce type de magasin propose des prix attractifs en réduisant au minimum son personnel. En 1989, les hard-discounts ne représentaient que 7 % des supermarchés. En 1990, cette part était de 22%, puis de 75% en 1993 et 82% en 1994103. Il y a ici une recrudescence de ce type d'enseignes qui, de par leur surface de vente, sont dispensées d'autorisations préalables. Leur part de marché augmente et les nouvelles implantations d'hypermarchés sont rares. Les autorisations accordées dans les années 1990 concernent donc principalement des commerces non alimentaires.

Nombre d'ouvertures de magasins de plus de 1 000 mètres carrés entre 1986 et 1994.

Figure 31: une légère diminution du nombre d'implantations de grandes surfaces au début des années 1990

(Source : www.senat.fr, Avis n° 272 de M. Alain PLUCHET)

Si le hard discount capte des parts de marché aux hypermarchés, il affaiblit également les commerces traditionnels. Le législateur a donc fait en sorte que les hard-discounts soient également soumis à autorisation, en créant la loi Raffarin du 5 juillet 1996, relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. Ce texte abaisse le seuil des autorisations à 300 mètres carrés pour toute création ou extension. En ce qui concerne les changements d'activités, ils sont soumis à autorisation à partir de 300 mètres carrés si

102 Insee, comptes du commerce (1991)

103 PLUCHET A. (1995-1996), Avis n° 272 fait au nom de la commission des affaires économiques, au sujet du Projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, www.senat.fr

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l'activité du repreneur est à dominante alimentaire, et à partir de 2 000 mètres carrés dans les autres cas. Cette réforme ne laisse que trois élus au sein des commissions, à savoir : le maire de la commune d'implantation, le président de l'intercommunalité et le maire de la commune la plus peuplée. Le délai d'instruction des dossiers est rallongé à quatre mois et les projets de 6 000 mètres carrés sont soumis à enquête publique.

La loi Raffarin est la première réforme qui va réellement renforcer les procédures d'autorisations préalables. Pour autant, le commerce de périphérie va continuer de se développer. Le Schéma de Développement Commercial (SDeC) du Vaucluse estimait que 20% du plancher commercial existant en 2003 avait été développé dans les 5 dernières années. Malgré l'abaissement du seuil des autorisations préalables, la croissance des périphéries reste forte. Cela est lié au fait que sur la période 1998-2003, 63% des surfaces commerciales qui ont fait l'objet d'une procédure de CDEC ont été acceptées104. Lorsqu'une autorisation est refusée, l'enseigne peut exercer un recours auprès de la Commission Nationale d'Equipement Commercial, mais si son projet est également refusé, rien ne l'empêche de représenter un autre dossier plus tard. Certains promoteurs vont ainsi réviser leur projet plusieurs fois jusqu'à ce qu'il soit adopté. Les CDEC ont ainsi été qualifiées de « machines à dire oui ... lentement »105.

Malgré leur faible capacité à freiner le développement commercial de périphérie, les CDEC ont été vivement critiquées car elles étaient contraires à la liberté d'entreprendre, protégée par le droit européen. L'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne stipule en effet que « les restrictions à la liberté d'établissement ... sont interdites »106. Ainsi, en 2001, l'enseigne de hard-discount Aldi a déposé une plainte devant la Cour Européenne concernant les lois Royer et Raffarin107. Par un avis motivé du 12 décembre 2006, la Commission Européenne a demandé à la France de faire le nécessaire pour se mettre en conformité avec le droit communautaire.

104 Préfecture du Vaucluse (2004), Schéma de Développement Commercial du Vaucluse, AID-Observatoire, p.26

105 Assemblée Nationale (2010), Rapport d'information de la commission des affaires économiques sur la mise en application de la Loi de Modernisation de l'Economie, 63p.

106 eur-lex.europa.eu, Traité instituant la Communauté Européenne

107 www.lyon.cci.fr, Fiche pratique concernant la directive n° L 376/36 publiée au Journal Officiel de l'UE le 27.12.2006, à propos de la liberté d'entreprendre, 3p.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle