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Politique environnementale et développement durable en Côte d'Ivoire

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par Brou Alexis KOMENAN
Université catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité universtaire d'Abidjan ( Côte d'Ivoire) - Maà®trise 2009
  

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Paragraphe 2 : La Nature, serviteur et capital

Ici, l'environnement est présenté sous la forme, en général, la plus directement perceptible par les populations, c'est-à-dire sous la forme exploitable. C'est la mise en valeur des terres qui a favorisé la naissance des premières grandes civilisations, c'est aussi la mise en valeur des terres qui a conditionné leur déclin105(*). La construction d'une société humaine nécessitant des règles et des lois, il s'agit de voir, aussi bien dans la Côte d'Ivoire rurale (A) que dans la Côte d'Ivoire moderne (B), la conception de la Nature en tant qu'objet économique, sa traduction dans les faits et l'impact sur l'environnement, qui est le lieu et la condition du développement souhaité.

A. Les conceptions dans la Côte d'Ivoire rurale

Caractériser le mode d'appréhension et de gestion de la terre dans les systèmes traditionnels nécessite une étude des conceptions sur le foncier ainsi que leur mise en pratique chez des peuples témoins représentatifs des grandes familles ethniques du pays : Sénoufo, Krou, Mandé-Sud, Agni-Sanwi, Lagunaires106(*).

Il convient toutefois de rappeler que l'économie traditionnelle s'organise autour de quatre grands piliers : l'alimentation, le vêtement, le logement, la vie coutumière. Elle intègre des techniques ancestrales de régulation écologiques107(*).

Pour les Sénoufo, le travail de la terre est nécessaire pour accéder au « village des morts » (koubélékaha), car institué par les ancêtres108(*). Aussi est-il régi par des normes religieuses de strict respect. En ce qui concerne le système foncier proprement dit, les taras (zones de culture) « appartiennent à des familles élargies dont les ancêtres ont occupé les premiers le territoire ou l'ont arraché de force aux premiers propriétaires (...) Une parcelle de terre concédée à une famille ne lui appartient pas pour autant. Elle lui est seulement prêtée...109(*) » Les travaux champêtres se déroulent selon un calendrier suivant le rythme des saisons, fait habituel. Une part symbolique des premiers produits du sol est dédiée aux tarafolo, chefs de terre, ainsi qu'aux Mandebélé, génies habitant les lieux aussi bien cultivés que les espaces incultes.

En pays Krou, de même qu'en pays sénoufo et partout ailleurs en Eburnie, le travail de la terre repose sur une division sociale des tâches, qui détermine la constitution d'unités de production spécifiques. On pratiquait assez l'assolement et la jachère, bénéfiques pour la santé des sols.

Chez les Mandé-Sud, la terre nourricière est représentée par un prêtre, sorte de garant moral, qui est symboliquement maître et propriétaire du sol. Il est surtout sollicité en cas de catastrophe naturelle ou autre chose susceptible d'affecter les cultures, pour expiation.

Chez les Agni-Sanwi, l'exploitation de la terre est régie par un code de propriété justifié par des considérations politiques et religieuses. Les terres appartiennent aux mmusun (génies) et sont gérées par les premiers occupants lignagers. On retrouve certaines mesures écologiques prises pour la préservation de l'intégrité des sols, comme l'abstention de l'abattage des gros arbres présents, et pour l'utilité publique, telle la conservation des palmiers à huile.

Le système des peuples lagunaires ne diffère pas sensiblement de tous les autres décrits. Cependant, pour raison d'emplacement géographique, l'eau y est beaucoup plus présente, au point de fonder, comme la terre ferme, l'économie de nombre d'entre eux. Aussi la pêche y prend-t-elle toute son importance comme mode d'exploitation des espaces hydrosphériques.

La pêche est traditionnellement pratiquée par les populations pour la consommation locale. Le commerce de poisson et crustacés constitue pour elles une source substantielle de revenus et d'approvisionnement en produits de la terre supplémentaires ou peu disponibles localement. Diverses méthodes sont employées, depuis la pêche à la ligne jusqu'à l'épervier en passant par le ramassage, les nasses et l'empoisonnement de l'eau.

S'il doit être fait un constat en rapport avec l'économie naturelle, la pêche artisanale n'exerce pas une influence véritable sur les peuplements, en termes de ponction sur la ressource. Exception faite de l'hypothèse d'une exploitation d'espèces au peuplement très réduit, qui ne peut souffrir de prélèvements sans conséquences graves. Cependant, il faut toucher du doigt le fait que les risques environnementaux sont souvent peu pris en compte par les acteurs du secteur, qui ont utilisé des filets aux mailles étroites et usé de substances végétales toxiques pour la pêche110(*).

Quant à la chasse, activité répandue sur tout le territoire, elle obéit à la même logique d'exploitation du milieu naturel pour l'appoint alimentaire quotidien, mais se présente, dans l'ensemble, comme beaucoup plus élaborée que la pêche dans ses concepts et dans sa pratique. C'est que la chasse, comme la pêche, ne peut s'exercer sans une intégration aux conceptions culturelles et religieuses des peuples qui, cela ayant été analysé plus haut, conçoivent la nature en un vaste ensemble sacré où chaque être et chaque chose possède une signification ainsi qu'une place à ne pas déplacer, le tout étant déterminé par les esprits. Aussi le contact permanent de l'homme éburnéen avec la terre et les autres êtres qui l'habitent admet-il une communauté d'intérêt beaucoup plus forte qu'avec les locataires strictement aquatiques de l'hydrosphère. Bien que les animaux totémiques existent aussi bien dans l'eau que sur la terre111(*). Puiser donc dans cet ensemble pour des besoins alimentaires revient à se soumettre à un certain nombre d'opérations rituelles et magiques pour rendre la chasse fructueuse, se concilier les forces protectrices de tel ou tel animal et se protéger des éventuelles représailles de la victime dont la vie a été offensée par la brutale survenance de la mort112(*). Hormis ces étapes, c'est le caractère socio-économique qui prédomine.

Les méthodes de chasse utilisées dans la Côte d'Ivoire traditionnelle sont très variées : piégeage renfermant diverses techniques, battue, lances, flèches. Ici encore, les questionnements écologiques se posent avec acuité pour certaines méthodes de chasse. Par exemple, la battue sur espace incendié, pratiquée dans la zone de savane, peut être sinon est grandement destructrice. De même un piégeage et une collecte inconsidérés sont loin d'avoir des conséquences agréables pour les peuplements animaux et partant pour l'économie naturelle113(*). Autant d'inconvénients qui, combinés à ceux de l'activité de cueillette et des techniques culturales destructrices114(*), sont révélateurs des lacunes des systèmes traditionnels dans la gestion écologique quotidienne, lacunes procédant elles-mêmes d'un défaut dans la vision holistique de l'environnement et constituant, avec celles de la plupart des systèmes industriels modernes, des portes ouvertes à bien des excès. Mais il n'en demeure pas moins que le caractère nourricier de la terre reste présent dans la conscience collective, ce qui est décisif pour un renversement de situation en faveur de l'éthique environnementale.

Il s'agira maintenant d'examiner, en corrélation avec les conceptions traditionnelles, les idées de la Côte d'Ivoire moderne vis-à-vis de la Nature perçue comme serviteur et capital.

* 105 Lester R. BROWN, op. cit.

* 106 Mémorial de la Côte-d'Ivoire, op. cit., p. 245-253.

* 107 Voir Kindo BOUADI, op. cit. ; Pierre POILECOT, et al., Projet GEPRENAF. Annexe 2 : Rapport sur la conservation de la biodiversité, Rome, 1994.

* 108 Mémorial de la Côte-d'Ivoire, op. cit., p. 246.

* 109 Ibid.

* 110 La méthode de pêche par empoisonnement est mentionnée dans le Mémorial de la Côte d'Ivoire, op. cit., tome premier, p. 258. Voir aussi L'Encyclopédie générale de la Côte d'Ivoire, op. cit., vol.1, p. 254.

* 111 A titre d'exemple, on citera l'hippopotame chez les Baoulé (région de Sakassou, en pays baoulé) ; les singes sacrés de Soko et les silures sacrés de Sapia (Bondoukou, en pays abron) ; les cercopithèques mones de Gbétitapéa (Daloa, en pays bété) ; le lézard (Dabou, en pays adioukrou).

* 112 Voir L'Encyclopédie générale de la Côte d'ivoire, op. cit., vol.1, p. 250-252.

* 113 De nombreux travaux se font l'écho de l'action négative de l'homme sur les peuplements animaux. Voir le sous-paragraphe intitulé « L'état de la faune », p. 30.

* 114 Voir Francis LAUGINIE, op. cit.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery