WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La problématique de l'humanisme dans " qu'est ce qu'une vie réussie? " de Luc Ferry

( Télécharger le fichier original )
par Ericbert TAMBOU
Université catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Licence en philosophie 2011
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

DÉDICACE

A

Pierre TATCHAGO, Roch & Sylvie TAKBISSI et Firmin YOMBI A TIATI,

Dieu seul sait combien je vous suis redevable.

REMERCIEMENTS

Que parents, familiers, enseignants et amis dont les efforts conjugués ont permis la réalisation de cette oeuvre de l'esprit, trouvent ici l'expression de ma profonde et sincère gratitude.

IN MEMORIAM

P. Battista BARBENO, décédé le 07-04-2012 à Parme (Italie)

INTRODUCTION GENERALE

S'il y a une idée sur laquelle s'entendent la plupart des grands philosophes antiques, c'est celle selon laquelle chaque homme peut ici et maintenant devenir maître de sa vie. Toute leur querelle portait sur le moyen d'y parvenir. Celle-ci résonne encore parmi nous. Depuis la naissance de la philosophie grecque, la question du bonheur se trouve au centre de toutes les interrogations humaines. Socrate, reconnu comme le père de la philosophie du sujet, se préoccupait déjà de rechercher les principes de la vie c'est-à-dire le style de vie qu'il convient de mener et comment réussir sa vie.

Notre époque «désenchantée'' et sécularisée, ressasse cette question de la vie réussie depuis que les philosophes ont laissé aux marchands de sens et autres psychiatres, psychologues et psychanalystes le soin de guérir les bleus de l'âme. Les sociétés contemporaines nous incitent à penser la réussite sur le mode du rêve éveillé : rêves de possession (avoir gagné à la loterie), rêves de séduction (champion d'un sport qui commençait à nous décourager etc.). Malheureusement, on n'éclairera guère nos lanternes en demandant avec révérence aux icônes contemporaines (pouvoirs, honneurs, altruisme) ce qui pour elles, fait une vie réussie.

S'inscrivant dans le mouvement contemporain qui reconsidère le rôle existentiel et pratique de la philosophie et laissant de côté une démarche théoricienne ancienne préoccupée seulement de connaître pour connaître, Luc Ferry, philosophe français, reprend et renouvelle l'interrogation ancienne «Qu'est-ce qu'une vie réussie ?'' chargée d'une longue histoire à peine estompée par les temps modernes. Il mène une réflexion sur la façon dont cette antique interrogation se pose aujourd'hui. Comment nous sommes-nous laissé entraîner dans cette tyrannie de la réussite, alors que presque tout, dans notre existence, ne dépend en rien de nous mais revient au hasard de la naissance, à la pure contingence des événements, à la fortune ou aux infortunes les plus aveugles ? Et surtout, est-ce à cela que se réduit une vie réussie ? A cette obsession de la performance ? N'y a-t-il plus d'autres valeurs que la réussite ? Autrement dit, la question du sens de la vie a t-elle purement et simplement disparu ?

En menant sa réflexion sur ce que pourrait être la vie réussie dans nos sociétés désenchantées et sécularisées, Luc Ferry élabore un humanisme, l'humanisme de l'homme-dieu ou humanisme spiritualiste1(*), qui, pouvant être considéré comme une sorte de «religion'', conserverait le meilleur des grandes doctrines du passé essentiellement le stoïcisme, le christianisme et la pensée de Nietzsche tout en les dépassant par une sorte de laïcisation qui exclut à la fois les croyances religieuses et tout ce qui ressemble de près ou de loin à une métaphysique. L'humanisme de l'homme-dieu qu'élabore Luc Ferry se veut être donc un humanisme non métaphysique qui viendrait après la déconstruction de la métaphysique ouvrir la problématique du réenchantement du monde avec de nouvelles figures de la transcendance. Ecartant l'option du christianisme parce que selon lui son humanisme est théocentré, et d'autre part l'humanisme athée qu'il estime antihumaniste, Luc Ferry fonde un humanisme transcendantal c'est-à-dire un humanisme qui ne rejetant ni le sacré, ni la transcendance leurs donne une autre conception. Il va prédire une spiritualité laïque qui selon lui est l'espace le plus intéressant pour la réflexion philosophique aujourd'hui.

Il s'agira pour nous, tout au long de ce travail, de présenter ce nouvel humanisme baptisé humanisme de l'homme-dieu ou humanisme spiritualiste. Pour y parvenir, nous commencerons par présenter le contexte dans lequel émerge l'humanisme de l'homme-dieu (Chapitre 1), et nous finirons par une évaluation critique de cet humanisme de Luc Ferry en proposant pour notre époque un humanisme de la finitude, lequel nous paraît convenir à notre temps (Chapitre 3). Mais avant celui-ci, nous aurons présenté au chapitre 2 l'humanisme de l'homme-dieu.

CHAPITRE I : CONTEXTE D'EMERGENCE DE L'HUMANISME DE L'HOMME-DIEU

Introduction partielle

L'horizon de questionnement de Luc Ferry se trouve largement conditionné par le contexte politique et religieux français. Comme il le rappelle bien dans son livre Qu'est ce qu'une vie réussie ?, le monde dans lequel Luc Ferry élabore son humanisme spiritualiste est un monde sécularisé et désenchanté, déserté par les transcendances, sans au-delà, où seule s'exprime la raison instrumentale (cette partie de la raison pour qui ne comptent que l'efficacité, le rendement et la performance). Autre caractéristique de ce monde remarque t-il, est qu'il se situe après la déconstruction des «idoles'' de la religion et de la métaphysique entamée par Nietzsche.

I. Du monde sécularisé à la révolution démocratique

Il n'existe pas de philosophie qui soit née ex-nihilo. Toute philosophie naît dans un contexte culturel précis : elle est incarnée. Hegel le rappelait déjà par cette célèbre assertion : « toute philosophie est fille de son temps. » L'humanisme de l'homme-dieu de Luc Ferry, ne fait pas exception. Il est fruit d'un contexte culturel et politique, celui de la France, sécularisé, voire laïcisé et désenchanté.

1. Une France laïque et désenchantée

Selon André Akoun, la laïcité « désigne, plus spécifiquement, la conception française de la séparation de l'Etat et des institutions religieuses. »2(*) L'histoire intérieure de la France est « l'histoire d'une incessante sécularisation (...), la longue histoire de la laïcisation »3(*) où sont progressivement séparés l'Eglise et l'Etat et où de l'une et l'autre ont été transférées l'administration, les finances, la justice et l'éducation.

La laïcité prend corps pour la première fois pendant la Révolution française avec l'abolition de l' Ancien Régime en août 1789 et l'affirmation de principes universels, dont la liberté de conscience et l' égalité des droits exprimés par la Déclaration des Droits de l'homme. La loi constitutionnelle du 4 août 1995, dans son article premier stipule que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale (...). »

Pour la France, qui se considère historiquement comme le pays des Droits de l'homme, cette laïcité est apparue au fil de son évolution comme un cadre protecteur des Droits de l'homme. La laïcité apparaît alors comme limitative de la religion. Elle est une des ``passions françaises'', qui suscite des débats récurrents : elle a ses militants et sa morale. Cette laïcité va aller de pair avec le désenchantement.

Le mot désenchantement appartient au vocabulaire sociologique de Max Weber et il signifie « la cessation du charme, des sortilèges et par extension la déception qui en résulte. »4(*) Le désenchantement du monde est le recul des croyances religieuses ou magiques comme mode d'explication des phénomènes, et s'accompagne d'une perte de sens du monde, dès lors qu'il peut être scientifiquement expliqué. C'est la naissance de la science moderne et surtout le développement des sciences sociales qui conduit à s'émanciper d'une conception magique du monde, et permet de s'orienter vers le désenchantement du monde. Selon Agnès Antoine, « le désenchantement du monde n'est pas seulement une simple séparation entre religion et politique, (...) il constitue un remodelage des idées, des sentiments, et des moeurs individuels. »5(*) L'homme arrive à concevoir le monde dans sa totalité, et il n'y a plus, dans cette conception, la moindre place pour l'existence d'une dimension transcendante, d'un autre niveau de réalité.

2. La révolution démocratique

En France comme partout Europe, on s'est émancipé des figures du théologico-politique ; c'est l'homme désormais qui établit la loi : ce qui va donner naissance à la démocratie. Ainsi donc, le désenchantement va être marqué par ce que Luc Ferry va appeler la révolution démocratique moderne où l'on va passer « d'un monde dont le fondement social était religieux à un monde dans lequel la société trouve son fondement en elle-même et n'admet plus pour souverain que son représentant. »6(*) Ce passage, bien que salutaire pour le monde moderne est aussi source d'angoisse car la question du sens de la vie va devenir problématique pour deux raisons : d'abord parce que après l'abandon de la religion, la question du sens de la vie n'est plus une donnée a priori et ensuite, et de manière profonde parce que la question du sens ne trouve plus de lieu où s'exprimer de manière collective.

La question qui va se poser dans ce contexte démocratique est celle de savoir où l'homo democraticus, ira t-il puiser les valeurs qui justifieront son existence si la religion n'est plus pour lui un recours évident ? L'homme démocratique est caractérisé par une existence tendue vers le futur, par un mode de projet qui souvent laisse place au sentiment du vide. A ceux qui sont à la recherche d'un sens, la démocratie doit être capable de leur offrir « l'espace d'une spiritualité laïque authentique débarrassée des oripeaux théologiques. »7(*) L'un des défis de la philosophie, martèle Luc Ferry, sera désormais dans un tel contexte celui de repenser la transcendance.

Toutefois, celui qui comme nul autre, « accompagne le désenchantement du monde, l'éclipse du sens, la disparition des idéaux supérieurs »8(*) c'est Nietzsche.

II. Nietzsche et la déconstruction des «idoles'' de la religion et de la métaphysique

Aux yeux des modernes et tout particulièrement de Nietzsche, l'humanisme des lumières demeure encore prisonnier des structures essentielles de la religion qu'il reconduit sans s'en rendre compte au moment même où il prétend les avoir dépassées. C'est la raison pour laquelle le but de sa philosophie est désormais de déconstruire les illusions dont s'est bercé l'humanisme classique.

1. Illusion du recours à la transcendance

Nietzsche s'est toujours érigé contre des valeurs humanistes. Il n'a cessé de pourfendre les idoles de la religion et de la science pour promouvoir « une vie enfin libérée des mirages de la foi en quelque «idéal'' supérieur que ce soit. »9(*) Une philosophie de la terre et non plus du ciel, voilà son désir précieux, ce qui à ses yeux a du prix. Il n'y a rien de plus grave, écrit Nietzsche, dans Ainsi parlait Zarathoustra, que le blasphème de la terre10(*). L'éclipse du religieux que proclame Nietzsche présage une spiritualité nouvelle, celle de la terre : une spiritualité de l'immanence. Pour Luc Ferry, c'est une aurore nouvelle qui s'annonce avec la ruine des anciennes représentations de la vie réussie. Il reste que pour Nietzsche, « la destruction des illusions, la «philosophie du marteau'', est la première et plus urgente tâche de la pensée. »11(*) Nietzsche va ainsi développer sa pensée en partant du principe selon lequel il n'y a plus de transcendances, ni celle du cosmos grec, ni celle du Dieu des religions monothéistes, ni celles des grands idéaux laïcs révolutionnaires : la transcendance n'est qu'illusion.

Recourir à la transcendance c'est pour Nietzsche recourir à un idéal, un critère extérieur qui juge la vie. Il faut « s'en garder à son tour du mieux qu'il est possible, éviter de rentrer dans cette logique funeste. »12(*) L'ennemi de Nietzsche est la transcendance sous toutes ses formes. Parce que les transcendances ne sont que des projections subjectives, des expressions de nos états vitaux, il faut les détruire à coup de marteau. Il est donc nécessaire de manier le marteau sans pitié ni réticence et accepter l'idée qu'après la «mort de Dieu'', la divinisation de l'homme véhiculée par les idéaux modernes n'avait aucune chance de survivre...

2. Fondements et arguments du matérialisme nietzschéen

Dans la préface d'Ecce homo, Nietzsche établit son attitude philosophique, qui marque sa rupture complète avec l'humanisme moderne : «  «Améliorer'' l'humanité, voilà bien la dernière chose que, moi, j'irais promettre. Je n'érige pas de nouvelles idoles, moi ; (...) Renverser les idoles (c'est le mot que j'emploie pour les idéaux) - voilà bien plutôt mon métier... »13(*) Il n'est donc plus question de reconstruire un « règne des fins'' où les hommes seraient égaux en droit, devoir et dignité. La démocratie qui diffuse cette pensée n'est aux yeux de Nietzsche qu'une nouvelle illusion religieuse qui en se cachant derrière la laïcité cherche à inventer « un au-delà meilleur que l'ici-bas. »14(*)

C'est de cette manière qu'il faut comprendre cette thèse centrale de Nietzsche qu'établit Luc Ferry : « Il n' y a rien hors de la réalité de la vie, ni au-dessus d'elle, ni en dessous, ni au ciel, ni en enfer, et tous les idéaux de la politique, de la morale et de la religion ne sont que des «idoles'', des boursouflures, des fictions qui ne visent à rien d'autre qu'à fuir la vie, avant de se retourner contre elle. »15(*) De ceci, découlent les arguments du matérialisme nietzschéen : le réel est vie - l'essence la plus intime, la plus profonde de l'être16(*)- et cette vie est constituée de forces actives et réactives ; après la mort des idéaux c'est désormais dans l'immanence que l'homme doit trouver son salut ; tous les jugements que nous portons sur la vie n'ont aucun sens, ils sont les expressions de nos états vitaux17(*) ; il n'existe pas de fait en soi mais seulement les interprétations car il n'y a pas de sujet en soi libre, autonome qui transcende le réel dans lequel il se trouve et enfin, la généalogie est infinie car tant qu'existent les idoles et toutes formes de transcendance, la philosophie du marteau ne doit pas cesser d'être.

Conclusion partielle

Ce premier chapitre nous a permis de situer l'humanisme de l'homme-dieu ou l'humanisme spiritualiste dans son contexte. Ce contexte est celui de l'Occident, notamment celui de la France du XXIe siècle, une France qui se dit laïque et par surcroit désenchantée où la révolution démocratique a permis à l'homme d'organiser lui-même son quotidien. Nous avons par la suite fait allusion à Nietzsche, qui est selon Luc Ferry celui qui accompagne par sa pensée le désenchantement du monde.

Après Nietzsche, l'humanité aujourd'hui est comme sur une bicyclette : il faut rouler pour ne pas tomber, mais rouler vers quelle direction ? Dieu est mort, mais l'homme pas. Si Nietzsche a réveillé le monde en assénant qu'il fallait désormais « philosopher au marteau », Luc Ferry avance « qu'après un long désenchantement du monde, ce même monde, notre monde, est en train de se réenchanter. » Ne faut-il pas dès lors repenser l'idée de transcendance ? Il faut, pour qui est non croyant, apprendre à repenser l'humanisme moderne avec des figures inédites de la transcendance qui ne doivent rien aux sagesses antiques ni au christianisme encore moins au matérialisme. Telle est la tâche que s'assigne le second chapitre.

CHAPITRE II : L'HUMANISME DE L'HOMME-DIEU : UN HUMANISME LAIC

Introduction partielle

Luc Ferry fait preuve d'une grande lucidité sur le besoin religieux de l'homme du XXIe siècle et surtout sur la forme que peut prendre cette «nouvelle religion''. Il faut à juste titre, pour notre société repenser une réflexion sur une nouvelle éthique humaniste  qui réponde à la question du sens car après la mort des grandes utopies et le relatif retrait des religions, « la question du sens ne trouve plus le lieu où s'exprimer collectivement. »18(*) Pour affronter le destin, il ne suffira pas de nous inventer de nouvelles transcendances, pense Ferry, mais il y a place pour une spiritualité laïque qui oblige l'homme à se construire un humanisme à base de transcendance horizontale, centré sur l'homme.

I. Principes du nouvel humanisme

Dans son livre L'homme-dieu ou le sens de la vie, Luc Ferry pense que l'homme ne peut vivre sans transcendance s'il veut donner un sens aux expériences de l'existence, de la souffrance, de la mort, de l'amour, du bien et du mal. Mais cette transcendance, et c'est là un fait nouveau, ne serait plus celle d'un dieu qui s'impose à nous, elle ne serait plus celle déduite d'une révélation, mais elle partirait de l'homme lui-même. L'humanisme de l'homme-dieu donne accès à une spiritualité laïque authentique, enracinée en l'homme. Luc Ferry va développer la question moderne du sens de la vie suivant un double processus : l'humanisation du divin et la divinisation de l'humain.

1. L'humanisation19(*) du divin

Selon Luc Ferry, cette première étape du processus de l'humanisme spiritualiste montre qu'au cours des siècles, le contenu de la révélation chrétienne s'est humanisé. Le monde démocratique européen a été gagné par un vaste mouvement de sécularisation. A la place de Dieu, la conscience individuelle est devenue l'instance suprême du jugement moral : le jugement est vrai parce qu'il vient de la conscience.

Pour Luc Ferry, « il semble que les croyants s'approprient sans cesse davantage le fond laïc constitué par la grande déclaration des droits de l'homme, et que ce soit sur cette base commune que vienne se greffer leur foi. »20(*) Il poursuit son propos en formulant que le respect de la personne humaine, le souci de l'autre, de sa dignité et de sa souffrance ne sont plus des principes dont le christianisme aurait le monopole. Il n'est pas besoin d'être chrétien pour adhérer à la philosophie des Droits de l'homme !!

Avec l'humanisation du divin, la conscience du mal nous est ôtée. L'homme n'est plus responsable du mal. Mais cela pose une interrogation. Si la responsabilité du mal est ôtée à l'homme, comment ne serait-il pas déchargé de celle du bien ? Sans trancher le débat, Luc Ferry estime que le bien moral est inséparable de la possibilité du mal. Mais alors comment combattre la mal ? La voie que nous indique Luc Ferry est la divinisation de l'humain.

2. La divinisation de l'humain

Ce second processus se fait par le biais de l'humanitaire ; il justifie et renforce l'engagement de l'homme en faveur du bien. Pour se justifier, Luc Ferry souligne la soif d'éthique qui caractérise notre époque et qui se traduit par la prolifération des organisations humanitaires, leur combat incessant pour le respect des Droits de l'homme, contre le racisme et l'exclusion. L'éthique est à la mode, une éthique de « l'éradication de tous les dogmatismes, qu'ils soient d'origine morale ou religieuse. »21(*) Cette divinisation de l'humain est « l'aboutissement ultime d'un long processus de sécularisation qui mène, depuis le XVIIe siècle, vers la laïcité achevée. »22(*) Cette éthique qui anime les organisations implique toujours l'idée de sacrifice. Pour Luc Ferry, l'éthique renforce l'idée du devoir, en ce sens que le sacrifice de soi ne s'exerce plus au nom de Dieu, de la patrie ou d'une idéologie quelconque, mais il est librement consenti et ressenti comme une nécessité intérieure. En d'autres termes, « c'est désormais pour l'autre homme que nous pouvons, le cas échéant, accepter de prendre des risques, certainement pas pour défendre les grandes entités d'antan comme la patrie ou la révolution parce que nul ne croit plus, comme l'hymne cubain, que «mourir pour elles, c'est entrer dans l'éternité.'' »23(*)

Le dévouement humanitaire trouve sa source exclusive dans l'homme lui-même et le sacrifice - qui est manifestation du soi de l'autre - agit comme un indispensable contre poids au seul souci de soi. Le sacré devient humain et le sacrifice ne vaut que s'il concerne l'autre : l'homme est ainsi sacré, voire divinisé. L'homme sacralisé est le point de départ et le point d'arrivée du nouvel humanisme qui fera de l'amour et particulièrement celui d'autrui, le lieu privilégié du sens de la vie.

3. Le sacré à visage humain

Par sacré, Luc Ferry entend « ce pourquoi on pourrait se sacrifier », une valeur perçue comme supérieure à sa propre vie. L'avenir de ce fait devient impensable sans référence au sacré. Nous sommes, affirme Luc Ferry, dans une phase qui donne une place au sacré, peut-être plus importante que jamais. Ce n'est pas que le sacré subsiste comme une survivance, mais plutôt nous découvrons le sacré sous des formes inédites, inouïes et notamment par le biais de l'amour qu'il soit amical ou filial car dans l'amour, il y a évidemment un rapport à l'autre qui dépasse l'individu, celui-ci restant une transcendance au plus intime de son être, dans son coeur, en aval de la conscience.

Le corps humain est sacré : « une nouvelle religion, celle de l'humanité vient de naître »24(*) et « la nouvelle formule du devoir d'assistance `ne laisse pas faire ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse', marque peut être un progrès par rapport à ce qu'elle démarque. »25(*) Voilà le commandement de cette nouvelle religion, que Luc Ferry considère comme un progrès. Les héros sont les champions humanitaires et l'action humanitaire est perçue par ceux qui la pratiquent comme pourvoyeuse de sens. Trouver le sens de sa vie par autrui : c'est l'amour de l'autre qui donne sens à mon existence.

« Si les hommes n'étaient pas en quelque façon des dieux, ils ne seraient pas non plus des hommes. Il faut supposer en eux quelque chose de sacré ou bien accepté de les réduire à l'animalité. »26(*) Le sacré à visage humain de Luc Ferry, est un sacré qui est pensé à partir de l'homme et qui découle de ses expériences vécues. C'est dorénavant dans le coeur de l'homme, dans l'être lui-même qu'il faut situer le divin et même dans le corps humain qui constitue un nouvel espace du sacré.

« La liberté peut mériter que l'on risque sa vie pour elle. C'est cela la sacralisation de l'humain ! Cela ne consiste pas à idolâtrer l'être humain ou à dire qu'il est formidable (il suffit en effet d'ouvrir les yeux pour constater qu'il n'est pas si formidable que ça !). Il s'agit simplement de ne pas occulter ces aspirations qui, au sein de toutes nos relations, révèlent une dimension sacrée. Sans ce sacré-là, sans cet absolu-là, notre vie n'aurait strictement aucun sens. Encore n'ai-je pas évoqué sa forme la plus haute, qui est bien sûr celle de l'amour. »27(*)

Le monde laïc ne fait pas l'économie du sacré : le sacré a simplement changé de visage et de forme. Nous vivons, pense Luc Ferry, non pas la disparition du sacré, mais son déplacement de l'ancienne transcendance verticale vers une transcendance horizontale.

II. Implications de l'humanisme de l'homme-dieu 

L'humanisme de l'homme-dieu tel que élaboré par Luc Ferry, n'exclut pas la transcendance mais, il assume le problème de la transcendance, lui donnant un autre sens ainsi que d'autres visages, lieux de sa manifestation.

1. La transcendance dans l'immanence

Selon Luc Ferry, l'éthique humaniste et le souci de l'autre supposent une certaine forme de transcendance. La seule solution est donc de repenser la transcendance, non plus comme une transcendance verticale et extérieure, mais comme une transcendance intérieure, inscrite au coeur même de l'immanence et relevant de l'ordre du sens plutôt que de l'ordre de la loi28(*). Reprenant certains éléments de la phénoménologie de Husserl à Levinas, Luc Ferry s'efforce de penser cette nouvelle forme de transcendance appelée « transcendance dans l'immanence »29(*), comme un nouveau rapport non traditionnel de la transcendance à l'individu, rapport inscrit dans son expérience vécue. « La transcendance se dévoile ainsi au coeur de l'être humain. »30(*) C'est dans ma pensée, en moi, dans ma sensibilité que se manifeste la transcendance des valeurs car « quoique situées en moi (immanence), tout se passe comme si elles s'imposaient (transcendance) malgré tout à ma subjectivité, comme si elles venaient d'ailleurs. »31(*)

La notion d'horizon et de refus de la clôture (rejet de l'absolu) permet à Luc Ferry de mieux exposer sa pensée. La notion d'horizon permet de comprendre que je ne peux saisir l'univers dans sa totalité, la réalité du monde ne m'est jamais donnée dans sa maîtrise parfaite ; « et c'est en cela qu'il y a de la transcendance, quelque chose qui nous échappe au sein même de ce qui nous est donné, que nous voyons et touchons, donc au coeur de l'immanence. »32(*) Par le refus de la clôture c'est-à-dire par le rejet de toutes formes de «savoir absolu'', la transcendance dans l'immanence va apparaître comme « seule susceptible de conférer une signification rigoureuse à l'expérience humaine que tente de décrire et de prendre en compte l'humanisme de l'homme-dieu. »33(*) Il faut toutefois rappeler que la transcendance dont parle Luc Ferry est un horizon de sens34(*) et non pas un être ou un fondement. Mais alors, quelles formes prendra cette transcendance dans l'immanence ?

2. Les nouveaux visages de la transcendance

Luc Ferry a, contrairement à Nietzsche, la conviction qu'apparaissent aujourd'hui de nouvelles formes ou nouveaux visages de la transcendance grâce auxquelles nous allons accéder à de nouvelles définitions du bonheur. Comme nous l'avons montré plus haut, ce sont des transcendances que nous découvrons à l'intérieur de nous-mêmes et des expériences humaines comme ce qui nous est donné ! Ces transcendances sont « la vérité, la beauté, la justice et l'amour. »35(*) L'amour par exemple dit Luc Ferry, est totalement immanent en nous et en même temps il porte toujours sur un être qui est radicalement autre que soi. Il a toujours un rapport à l'altérité. On peut ainsi comprendre ce qu'est une transcendance dans l'immanence. L'expérience de quelque chose qui nous dépasse, mais qui n'est pourtant enraciné nulle part ailleurs que dans le coeur humain.

Pour Luc Ferry, ces nouvelles formes de transcendances qui ne sont plus imposées du dehors, mais bien enfouies en nous-mêmes « comme des horizons de sens de notre vie », constituent une spiritualité laïque qui nous aidera sans doute à nous sauver nous-mêmes de la peur et de la mort. « Je n'invente ni les vérités mathématiques, ni la beauté d'une oeuvre, ni les impératifs éthiques et, comme on le dit si bien, on «tombe amoureux'' plus qu'on ne le décide par choix délibéré. L'altérité ou la transcendance des valeurs en ce sens est bien réelle. »36(*)

Comment donc vivre en rapport à ces nouvelles formes de transcendances ? C'est très simple répond Luc Ferry. Quand vous êtes amoureux, quand vous aimez vos enfants, vous sortez de vous-mêmes pour aller vers l'autre. Le dépassement de soi est dans l'expérience de l'amour, mais aussi de l'art, quelque chose que l'on constate en soi sans l'avoir fait exprès. « Je n'invente pas la beauté d'une suite de Bach, ni celle d'un paysage, je me contente humblement de les découvrir comme si malgré les sentiments en effets subjectifs qu'elles suscitent en moi, elles n'étaient pas pour autant créées par ma subjectivité. »37(*)

Quand on tombe amoureux, quand on est saisi par la beauté du paysage, on éprouve quelque chose qui nous dépasse infiniment, on fait l'expérience du «plus que soi''. La beauté, l'amour, la justice et la vérité demeurent transcendants pour tout individu singulier. Ce sont ces nouveaux visages de la transcendance qui, pour Luc Ferry ouvrent la voie à l'humanisme de l'homme-dieu. C'est cette aventure que ce nouvel humanisme veut assumer, non par impuissance comme il le dit si bien, mais parce que « il lui faut par principe et, pour tout dire, par lucidité, accepter, sous peine de retomber dans le discours de la métaphysique classique, de renoncer à chercher dans les gènes ou dans la divinité, dans la nature ou dans l'Être suprême l'explication de notre rapport à des valeurs communes, voire universelles... »38(*)

C'est la raison pour laquelle l'humanisme de l'homme-dieu se doit de penser la problématique de la question du bonheur dans le contexte qui est le sien.

III. Une nouvelle approche de la question du bonheur

Après trois siècles de déconstruction de tous les idéaux (cosmos des anciens, le Dieu des chrétiens, les utopies), le monde a perdu la sagesse. Faute de sens et parce qu'il faut bien des buts dans la vie, il se rabat sur le rêve éveillé des succès mondains et professionnels qu'il érige en absolu. Il faut donc selon Luc Ferry repenser une sagesse, une sagesse des modernes qui ne s'appuie ni sur la sagesse antique trop marquée par une cosmologie périmée, ni sur la vision chrétienne trop attachée à une foi qui relève désormais du choix intime. Cette sagesse nouvelle nous la présenterons suivant trois axes : théorie, éthique et sotériologie.

1. Théorie : l'âge de l'autoréflexion

Luc Ferry distingue trois âges de la science.

Le premier nous vient de la Grèce Antique. « Contemplation de l'ordre du monde, compréhension de la structure du cosmos, elle n'est pas (...) une science indifférente aux valeurs ou, pour parler le langage de Max Weber, «axiologiquement neutre''. »39(*) La science grecque lie de manière intrinsèque connaissance et valeurs car en découvrant la nature, elle met elle-même en évidence un comportement moral pour l'homme.

Le second âge, qui est celui de la révolution scientifique moderne (avec Copernic et Newton), écrit Luc Ferry, « voit émerger à l'encontre du monde grec, l'idée d'une connaissance radicalement indifférente à la question des valeurs. »40(*) La science désormais dit «ce qui est'' et non «ce qui doit être''. La science n'est plus normative ; elle ne nous indique plus rien sur le plan éthique.

Le troisième et dernier âge selon Luc Ferry, met en cause et complète le second âge. Ce troisième âge est celui de « l'autocritique ou autoréflexion qui caractérise au plus haut point l'humanisme contemporain post-nietzschéen. »41(*) Cet âge de la science poursuit Luc Ferry, apparaît à la fin de la deuxième guerre mondiale après l'interrogation sur les méfaits et les dangers de la science et surtout après la destruction par la bombe nucléaire de Hiroshima et Nagasaki. Cette autocritique va s'étendre sur tous les domaines où la science pourrait avoir des implications morales et politiques. C'est ainsi que naîtront la bioéthique et l'écologie. « La science cesse d'être autoritaire pour commencer de s'appliquer à elle-même ses propres principes, ceux de l'esprit critique et de la réflexion - lesquels, du coup, deviennent bien autocritique ou autoréflexion. »42(*)

2. Éthique : la pensée élargie

Dans son livre La sagesse des modernes, Remi Brague montre que depuis le Nouveau Testament, la notion du monde a acquis un double sens : il désigne désormais l'univers naturel et les hommes qui y vivent. Pour Luc Ferry, ces conceptions du monde correspondent aussi à deux visions éthiques aussi différentes. L'une, née du monde antique enseigne que vivre en harmonie avec le cosmos, c'est vivre de façon éthique. La seconde « trouve son apogée avec la naissance du droit et de la morale moderne. »43(*) Celle-ci va s'illustrer avec la notion kantienne du «règne des fins'' « dans la conviction que l'humanité peut, si elle est régie convenablement par les lois morales et juridiques communes, voire universelles, forger quelque chose comme une «seconde nature'' et constituer à son tour mais cette fois-ci dans l'ordre de l'esprit, l'analogue d'un «cosmos''. »44(*) Un univers fondé sur la liberté humaine et fabriqué par l'homme et où le respect des uns et des autres serait la toile de mire.

Cette nouvelle conception d'un humanisme, d'un cosmos supranaturel va selon Luc Ferry, donner naissance à une nouvelle représentation du bonheur, « l'émergence d'une «existence avec les autres'', d'un monde commun, (...) qui serait enfin conforme aux principes de la «pensée élargie'', c'est-à-dire, d'un certain type de compréhension de l'autre. »45(*) La pensée élargie invite à se mettre à la place des autres pour gagner en humanité plutôt que de nous opposer sur le monde du différent. Il ne s'agit donc pas poursuit Luc Ferry, de le faire par gentillesse ou par tolérance, mais pour partager ce qui, du point de vue des autres, nous parle et contribue à donner à notre propre vie sa finalité. « S'arracher à soi pour se «mettre à la place d'autrui'', non seulement pour mieux le comprendre, mais aussi pour tenter, en un mouvement de retour à soi, de regarder ses propres jugements du point de vue qui pourrait être celui des autres »46(*) telle pourrait être une première définition de la pensée élargie.

Cette première définition appelle l'autoréflexion car pour bien prendre conscience de soi, il faut se distinguer à distance de soi-même et c'est cela qui nous permet la prise en compte des points de vue étrangers aux autres.

Nous pouvons dire avec Luc Ferry que :

« L'esprit élargi parvient, en se situant du point de vue d'autrui, à contempler le monde en spectateur intéressé et bienveillant. Acceptant de décentrer sa perspective initiale, de s'arracher au cercle limité de l'égocentrisme, il peut pénétrer les coutumes et les valeurs éloignées des siennes, puis, en revenant à lui-même, prendre conscience de lui d'une manière distancée, moins dogmatique, et enrichir ainsi considérablement ses propres vues. »47(*)

C'est là que l'expérience humaine, le fait de grandir, de vieillir et d'accumuler toutes sortes d'expériences autorise la pensée élargie. Plus notre champ d'expérience grandit, plus s'élargit notre capacité de résonnances sympathiques et de communication avec les autres. L'important est donc d'élargir sa pensée et de voyager : avec la pensée élargie, le voyage devient pour l'homme un «impératif catégorique''. Notre malheur à nous les hommes c'est la pensée étroite c'est-à-dire bornée, ou encore celui de « rester rivés à notre rocher originel. »48(*)

La pensée élargie ouvre ainsi à une problématique plus grande, celle de la doctrine du salut.

3. La doctrine du salut : pour une spiritualité laïque

Plaidant en faveur d'un nouvel humanisme, Luc Ferry poursuit la quête de ce que les Grecs et les chrétiens nommaient la doctrine du salut. Contrairement à ses pairs Grecs et Chrétiens, Luc Ferry entend par doctrine du salut, « une invitation à vaincre les peurs pour se réconcilier avec la vie et se «sauver par soi-même''. »49(*) Cette nouvelle doctrine du salut qualifiée par Luc Ferry de « doctrine humaniste du salut »50(*) comporte quatre piliers qui pourraient être considérés comme le « socle d'une spiritualité laïque »51(*) : la singularité, l'intensité de la vie, la sagesse de l'amour et l'instant éternel.

La singularité

Ce premier pilier est issu directement de l'idéal de la pensée élargie. Il nous invite à la « singularisation de nos expériences, pour ne pas dire de nos vies »52(*) qui nous arrache à nous-mêmes pour comprendre autrui.

Le monde se construit, se fait et s'enrichit par des singularités surtout quand elles acceptent de parler le langage de l'universel. Par la singularité, les cultures s'enrichissent les unes les autres. En cela, la singularité rejoint l'idéal de la pensée élargie, car «  en m'arrachant à moi-même pour comprendre autrui, en élargissant le champ de mes expériences, je me singularise puisque je dépasse tout à la fois le particulier de ma condition d'origine pour accéder, sinon à l'universalité, du moins à une prise en compte chaque fois plus large et plus riche des possibilités qui sont celles de l'humanité tout entière. »53(*)

Il faut noter ici comme le rappelle si bien Luc Ferry, qu'accepter la diversité (les singularités) ce n'est pas la révérer. Pour comprendre l'autre et mesurer ce qui nous sépare de lui, il ne faut pas renoncer à soi.

L'intensité de la vie

Assumer le critère nietzschéen de l'intensité : voilà le second pilier d'une spiritualité laïque. La vie la plus riche, la plus intense, la plus singulière et la plus élargie était celle qui aux yeux de Nietzsche synchronisait harmonieusement en elle « la plus grande diversité possible d'expérience agrandissant notre point de vue sur l'humanité. »54(*) En l'absence de toute référence extérieure ou supérieure à l'individu, la vie bonne, c'est la vie la plus pleinement vécue, celle dans laquelle on est tout à la fois « vraiment soi-même'' et pleinement investi dans les activités de son choix.

Ce critère nietzschéen nous invite à une vie plus élargie, ouverte au monde et aux autres. On vit d'autant plus intensément que l'on s'ouvre le plus à l'autre, à la nouveauté, à la diversité des cultures et des êtres. Un tel chemin culmine dans l'expérience de l'amour.

La sagesse de l'amour

Seul l'amour est capable de donner sens à l'expérience humaine ; l'amour distingue l'autre de tout. C'est selon Luc Ferry, le point d'aboutissement d'une doctrine humaniste du salut car c'est « la seule réponse plausible à la question du sens de la vie - en quoi (...) l'humanisme non métaphysique peut bien apparaître comme une sécularisation du christianisme. »55(*)

Très souvent, écrit Luc Ferry, nos amours s'éteignent parce que nous aimons chez l'autre des qualités particulières et non sa singularité car « seule la singularité qui dépasse à la fois le particulier et l'universel, peut être objet d'amour. »56(*) Seule la singularité permet de distinguer l'être aimé. C'est grâce à elle que nous aimons quelqu'un et c'est aussi elle qui nous donne le sentiment que quand bien même viendraient la souffrance et la maladie, on continuerait à l'aimer. Ce qui doit être développé dans l'amour réciproque, c'est donc la singularité. Cette singularité, objet de l'amour, « n'est pas donnée à la naissance. Elle se fabrique de mille manières, sans d'ailleurs que nous en soyons toujours conscients, loin de là. Elle se forge au fil de l'existence, de l'expérience, et c'est pourquoi, justement, elle est, au sens propre irremplaçable. »57(*) L'amour est finalement selon Luc Ferry une relation à la singularité de l'autre, ce qui en fait un être unique, irremplaçable.

L'instant éternel

« Réinvestir l'idéal grec de cet «instant éternel'', ce présent qui, par sa singularité, justement, parce qu'on le tient pour irremplaçable et qu'on en mesure l'épaisseur au lieu de l'annuler au nom de ce qui le précède ou le suit, s'émancipe des nostalgies comme des espérances, du passé comme de l'avenir  »58(*), tel est le quatrième pilier de la doctrine humaniste du salut auquel nous invite Luc Ferry. C'est l'instant éternel qu'on rencontre chez Spinoza et Nietzsche. Ces moments de grâce, uniques que nous désirons vivre à l'éternité sont irremplaçables car ils sont singuliers. C'est cela qui amène Luc Ferry à penser que la spiritualité laïque qu'il défend rejoint la doctrine du salut « dont l'idéal est de nous permettre de vaincre nos peurs, à commencer bien entendu par celle de la mort que seul un contact avec ce qui échappe au temps ou du moins semble l'abolir, avec l'Irremplaçable, donc, parvient sinon à supprimer, du moins pour ainsi dire à mettre entre parenthèses. »59(*) Voilà le bon rapport de l'existence au temps qui, dans l'instant, l'introduit dans la dimension de l'éternité.

Conclusion partielle

Ce chapitre nous a permis de présenter le nouvel humanisme, l'humanisme de l'homme-dieu qui se situe à la croisée de deux processus, l'humanisation du divin et la divinisation de l'humain lequel fait descendre le sacré dans l'être humain : c'est ce que nous avons appelé le sacré à visage humain. Il en ressort que le nouvel humanisme n'est pas si hostile à la transcendance ; il fait appel à une transcendance, une transcendance pas comme les autres, une transcendance qui est immanente à l'homme et qui se trouve dans l'expérience quotidienne. Cette nouvelle transcendance a d'autres visages à savoir la justice, la beauté, la vérité et l'amour car nous ne les inventons pas, mais nous les découvrons en nous, dans nos expériences humaines et qui s'imposent à nous comme des évidences. Ainsi présenté, le nouvel humanisme nous a conduits à reconsidérer la question du bonheur réponse de Luc Ferry à l'antique question de la vie réussie. Il en ressort que pour Luc Ferry, une vie réussie est celle qui repose sur quatre piliers : être ouvert à l'autre, en ce qu'il a d'unique (la singularité) et à la fois d'universel, l'intensité de la vie, aimer vraiment (la sagesse de l'amour), et savourer les moments uniques (l'instant éternel).

Toutefois, cet humanisme de l'homme-dieu de Luc Ferry suscite néanmoins quelques interrogations à savoir : L'homme se suffit-il ? N'y a-t-il pas une autre voie qui ouvre à l'humanisation que celle que propose l'humanisme de l'homme-dieu ? Luc Ferry ne se trompe t-il pas sur l'idée de la transcendance ou sur sa conception du christianisme ? Toutes ces interrogations et bien d'autres seront le fil conducteur du prochain chapitre dans lequel nous tenterons d'y apporter une réponse.

CHAPITRE III : ÉVALUATION CRITIQUE ET PERSPECTIVE

Introduction partielle

Comme nous l'avons vu plus haut, en menant sa réflexion sur ce que pourrait être la vie bonne dans nos sociétés sécularisées et désenchantées qui ont congédié le divin, Luc Ferry plaide en faveur d'un nouvel humanisme : l'humanisme de l'homme-dieu. Il est question pour nous ici, après avoir présenté ce nouvel humanisme, d'analyser la valeur de celui-ci en montrant ce par quoi il demeure un message de sagesse et un appel pour les hommes d'aujourd'hui grâce à son invitation à l'amour du singulier et son exigence de la «pensée élargie''. Nous nous attarderons aussi sur ses limites ou impensés à savoir la présence en l'homme de Dieu, la vie spirituelle et mystique comme autre voie d'humanisation à la lumière des autres philosophes et le cas du sacré qui ne peut se comprendre et se définir que par rapport à la religion. Nous finirons cette partie par une réflexion sur l'humanisme qui, selon nous, convient à notre époque : l'humanisme de la finitude.

I. Portée de l'humanisme de Ferry

L'humanisme de l'homme-dieu parle de manière forte aux hommes d'aujourd'hui par des messages de sagesse. C'est ces messages que nous voulons relever ici.

1. L'importance de la pensée élargie

Par la pensée élargie, Luc Ferry invite à agrandir son champ d'expérience. L'un des moyens qu'il propose c'est le voyage. Grâce à la pensée élargie, le voyage devient un impératif catégorique.

Le voyage permet de sortir de l'ordinaire car quand le poids des journées répétitives nous colle les pieds au plancher, un voyage nous en donne des ailes. Il fait grandir le plaisir d'apprendre, il est une remarquable école dont l'enseignement finit par laisser des traces. On peut s'offrir un surplus d'histoire grâce à celle des autres, un surplus de culture grâce à la culture des autres, un surplus de beauté grâce à celle des autres. Le voyage ouvre l'esprit vers de nouveaux horizons. Montaigne dans ses Essais précisait déjà qu'« il faut voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d'autrui. »60(*)

Grâce au voyage, on découvre les qualités de la société qui est la sienne et on apprécie davantage la chance que l'on a d'en faire partie. En élargissant sa pensée, on développe la certitude d'avoir un avenir. Le voyage est une ouverture sur le monde : à moins d'être borné, personne ne revient d'un voyage plus idiot qu'avant. Il nous ouvre à autrui ; la confrontation avec autrui nous emmène vers une pensée élargie : si dans notre activité de penser, nous tenons compte des autres, nous aboutissons alors à une pensée plus complète, plus juste. On pense par soi-même et avec les autres : c'est ce à quoi nous convie un voyage, qui apparaît comme une véritable école de pensée.

Luc Ferry a le mérite de montrer que le voyage est l'avenir de l'humanité car celui-ci permet de ne pas rester borné mais de s'ouvrir aux autres et à d'autres réalités. Partir découvrir ceux que l'on ne connaît pas, s'offrir pour apprendre, s'ouvrir pour être : voilà l'idéal d'un voyage. Comme tout ce qui compte dans la vie, un beau voyage est une oeuvre d'art : c'est une création.

Il faudrait aussi ajouter l'étude d'une langue étrangère comme étant un autre facteur favorisant la pensée élargie pour notre époque. Quand j'étudie une langue étrangère, que je veuille ou non, je ne cesse d'élargir mon horizon car j'entre à travers elle en communication avec plus de personnes mais aussi je découvre la culture qui s'attache à cette langue. La langue n'est pas seulement le moyen privilégié de communication entre les êtres humains, elle incarne aussi la vision et la représentation du monde de son locuteur, son imaginaire, sa façon de véhiculer le savoir. C'est la raison pour laquelle la langue fonde l'identité culturelle d'un peuple : elle est le pilier de la culture. Le malien Seydou Kouyaté disait à ce sujet « ...par la langue, nous avons ce que le passé nous a laissé comme message et ce que le présent compose pour nous. C'est la langue qui nous lie et c'est elle qui fonde notre identité. Elle est un élément essentiel et sans la langue il n'y a pas de culture. »61(*) En parlant une langue autre que la mienne, « je m'enrichis de manière irremplaçable d'un apport extérieur à ma particularité initiale. »62(*) D'où l'invitation du nouvel humanisme à promouvoir dans notre société l'étude d'autres langues mais aussi de sa langue maternelle car « chaque langue humaine est une fenêtre ouverte sur le monde. »

2. Amour du singulier

Seule la singularité, pense Luc Ferry dans son nouvel humanisme, « est objet d'amour. »63(*) Voici un message pour notre société qui en matière d'affectivité ne sait plus à quel saint se vouer.

Des personnes se rencontrent, sont séduites l'une et l'autre, s'aiment, se marient mais quelques temps après s'ennuient d'être ensemble et finissent par se séparer. Pourquoi une telle réalité ? Parce qu'elles ont aimé en l'autre ses qualités extérieures (force, humour, courage, gentillesse...) qui sont des attributs périssables et non par ce qui le distingue des autres êtres, c'est-à-dire ce qui fait de lui un être singulier. Quand l'être aimé a perdu ses qualités extérieures ou du moins ce qui était aimé en lui, l'amour qui était porté pour lui finit aussi par disparaître pour céder la place à la lassitude et à l'ennui : c'est la séparation. Ces qualités particulières à savoir « la beauté, la force, l'intelligence, etc., ne sont pas propres à tel ou tel, elles ne sont nullement liées de manière intime et essentielle à la «substance'' d'une personne à nulle autre pareille, mais elles sont, pour ainsi dire, interchangeables. »64(*)

Le mérite de Luc Ferry est de nous inviter dans son humanisme de l'homme-dieu à porter notre amour non sur les qualités extérieures de l'autre qui un jour peuvent ou vont disparaître, mais sur sa singularité c'est-à-dire ce qui le distingue de tous les autres êtres et « le rend à nul autre pareil. »65(*) C'est cette singularité que nous sommes appelés à aimer et à développer pour l'être aimé comme en soi.

En aimant les qualités extérieures de l'autre qu'on pourrait le cas échéant rencontrer chez d'autres, on l'aime pas en tant que être singulier mais on aime ses qualités. C'est pourquoi Pascal écrivait : « (...) celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime t-il ? Non ; car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime t-on, moi ? Non ; car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. »66(*) Je peux tout perdre sans perdre pour autant ma singularité, ce qui fait que je suis moi c'est-à-dire ma dimension subjective et personnelle. C'est cette singularité qu'il faut aimer car je suis seul à être moi.

II. Les limites de l'humanisme de l'homme-dieu

Il faut préciser que les victimes du «désenchantement du monde'' dont parle Luc Ferry se repèrent dans l'Occident chrétien et plus exactement dans les milieux catholiques européens. Comme le dit Jean Daniel, « ni les musulmans d'occident, Turcs, Marocains ou immigrés, ni les juifs de partout, ni même la majorité des protestants d'Amérique ne paraissent courir, angoissés, après leurs repères perdus. »67(*) Il convient donc de relativiser les choses et de se garder de tomber dans la généralisation. Toutefois, à quel niveau faut-il situer les limites de l'humanisme de l'homme-dieu ?

1. Un Dieu présent en l'homme

L'erreur de Luc Ferry est de croire que le Dieu des chrétiens ne se manifeste que comme transcendance extérieure à l'homme et donc de vouloir s'en protéger au nom d'une raison suffisante et d'une sensibilité démocratique récusant toute autorité supposée aliénante. « L'obéissance à Dieu, écrit Jean Paul II, n'est pas, comme le croient certains une hétéronomie, comme si la vie morale était soumise à la volonté d'une toute puissance absolue, extérieure à l'homme et contraire à l'affirmation de sa liberté. »68(*)

Par une étrange méconnaissance du christianisme, Luc Ferry, agnostique, oublie que Dieu se manifeste autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'homme. C'est ce que dit admirablement Saint Augustin dans Les Confessions : « Dieu plus intérieur que l'intime de moi-même »69(*), soulignant ainsi à la fois la présence divine aux tréfonds de tout homme et l'absolue transcendance de Dieu incompréhensible. C'est également ce que nous donne de comprendre cet autre passage des Confessions où Saint Augustin montre que Dieu est présent au coeur de l'homme : « Je t'ai aimée bien tard, Beauté ancienne et toujours nouvelle, Je t'ai aimée bien tard ! Tu étais au-dedans de moi-même, et moi j'étais au-dehors de moi-même, c'était en ce dehors que je te cherchais (...). »70(*) C'est la présence de Dieu en l'homme qui confirme et rétablit l'homme dans sa dignité. « La dignité [de l'homme] n'existe pas sans ce conte [le récit de la création], car elle a été découverte ou inventée avec lui, et tous nos efforts pour la fonder sur d'autres socles se sont révélés bien piètres. »71(*)

Si je peux découvrir la vérité ou la beauté en moi, c'est parce qu'elle a été mise en moi. Comme le pensait René Descartes, Dieu n'a pas seulement créé les existences (hommes, plantes, animaux...), mais il a aussi créé les essences (lois physiques, vérités logiques et mathématiques, esthétique, amour...). Il a créé les vérités éternelles d'une manière parfaitement libre. Il dira à cet effet, « les vérités mathématiques lesquelles vous nommez éternelles ont été établies par Dieu et en dépendent entièrement aussi bien que tout le reste des créatures. (...) Ne craignez point (...) de publier partout que c'est Dieu qui a établi ces lois en la nature ainsi qu'un roi établit des lois en son royaume. »72(*) Dieu apparaît ainsi aux yeux de René Descartes comme le créateur de la vérité. L'humanisme de l'homme-dieu en se limitant à la reconnaissance du mystère des valeurs, ne cherche pas à les fonder mais se contente de les éprouver parce qu'au nom d'une certaine laïcité, il ne veut pas remonter à Dieu, créateur et donneur de sens aux valeurs.

2. L'expérience spirituelle et mystique : autre voie de l'humanisation

Comme le souligne Luc Ferry, les disciples de Jésus étaient des gens simples, qui ont fait avec lui une expérience humaine, spirituelle et mystique extraordinairement profonde. Il est regrettable que Luc Ferry n'ait pas approfondi cette dimension dans son nouvel humanisme. Il n'y a pas que la réflexion philosophique ou l'expérience du beau, de la justice et de l'amour qui ouvre la voie à l'humanisation, il y a aussi l'expérience spirituelle et mystique.

L'humanisation se fait aussi par une vie spirituelle. Avoir une vie spirituelle, cela humanise car celle-ci permet de se retrouver soi-même comme homme et ensuite comme homme parmi les hommes.

Se retrouver soi-même comme homme : la spiritualité bouddhiste nous en fournit un bel exemple. Elle est une rencontre de l'homme avec lui-même, une sorte de catharsis, un processus de purification au bout duquel l'homme se dépouille de tous ses masques de laideur qui le déshumanisent pour coïncider avec son être authentique d'homme. Selon la spiritualité bouddhiste, l'homme vraiment homme c'est celui qui a atteint l'état d'éveil. « L'éveil permet à l'homme d'entrer dans le nirvana (illumination), puis d'atteindre à sa mort le parinirvâna (l'illumination mais avec dissolution complète des agrégats par la disparition des corps). »73(*)

En disant se retrouver homme parmi les hommes, on met l'accent sur la relation de l'homme éveillé (vraiment homme) avec ses semblables. A ce niveau la spiritualité chrétienne nous en donne un témoignage. Elle invite à attester dans notre humanité le mystère de Dieu dans l'agapè des relations humaines. La philosophie chrétienne appelle à participer à l'invention d'une société humaine ; humaniser nous dit-elle, c'est aimer l'autre, c'est chercher la vie en l'autre, c'est écouter le cri de détresse des autres et ne pas rester indifférent, c'est approcher pour toucher du doigt leur souffrance, mettre fin au mal, à la douleur oppressante, redonner un peu d'humanité à ceux que les autres ou le mal avaient déshumanisé.

L'objectif de toute vie spirituelle est la rencontre de l'autre en Dieu et de Dieu en l'autre74(*). L'humanisation du monde passe nécessairement par le chemin de la contemplation. C'est la raison pour laquelle Marie-David Giraud disait : « Pour être vraiment vivants, nous sommes appelés à dire oui au travail intérieur »75(*) c'est-à-dire à prier, à méditer de manière à ouvrir l'oreille de son coeur au monde déshumanisé pour lui redonner son éclat d'humain : c'est en cela que «le christianisme est un humanisme''.

3. Le sacré a-t-il un sens en dehors de la religion ?

Dans son humanisme spiritualiste, Luc Ferry considère le sacré comme « ce pourquoi on pourrait se sacrifier ». Pour lui, le sacré s'est déplacé de l'ancienne transcendance verticale vers la nouvelle, la transcendance horizontale. Le sacré découle des expériences vécues de l'homme et est désormais pensé à partir de lui.

Or contrairement à ce que pense Luc Ferry, « est sacré, nous dit Michel Meslin, ce qui est chargé de présence divine, mais est aussi sacré ce qui est interdit au contact des hommes. »76(*) Le sacré est ce qui contient et manifeste la présence divine. A travers le sacré, il y a une épiphanie du divin. C'est dire que le sacré est une expression de la religion car il est presque synonyme de celle-ci. Il « est toujours le lieu médiateur entre l'humain profane et le divin, parce qu'il est comme le retentissement, ou comme le reflet, du divin dans le monde de l'homme. »77(*)

Le sacré (et avec lui le profane) en dehors de la religion ne peut se penser. En effet, le sacré, mais aussi le profane, sont deux catégories qui ne peuvent se définir et se comprendre que dans le cadre opératoire de la religion : il n'y a de sacré que par rapport à la religion. C'est verser dans l'idéologie que de considérer le sacré hors du cadre religieux. Parler du sacré hors de la religion c'est faire une vaine spéculation78(*). C'est la raison pour laquelle Rudolf Otto écrivait que, « le sacré est tout d'abord une catégorie d'interprétation et d'évaluation qui n'existe, comme telle, que dans le domaine religieux. »79(*)

Parler du sacré à visage humain comme le veut l'humanisme de l'homme-dieu c'est en fin de compte reconnaître en l'homme l'épiphanie du divin. C'est la présence en l'homme du divin qui lui donne un caractère sacré. C'est donc parce que je reconnais ce caractère sacré de l'homme que je peux me sacrifier pour lui.

Le sacré ne trouve tout sens que dans le cadre de la religion, laquelle se vit dans une relation avec la Transcendance.

III. Perspective : Pour un humanisme de la finitude

Notre monde depuis le XVIIIe siècle, subit un énorme changement qui porte moins sur les valeurs elles-mêmes que sur leur statut. Nous sommes passés d'une morale transcendante ou religieuse à une morale immanente ou humaniste. L'image du mal est devenue la torture qui est considérée par notre époque comme le plus grand mal que l'on puisse faire à autrui. Et l'image du bien est celle de l'humanitaire parce qu'il n'y a rien de plus vertueux, à nos yeux, que de sauver une vie humaine ou de soigner un blessé ou un miséreux.

Cela signifie t-il que l'homme soit désormais dieu, comme le voudrait Luc Ferry ? L'humanisme qui convient à notre temps est un humanisme de la finitude, qui reconnaît ses limites et par humilité et lucidité renonce à les dépasser. Ces limites sont de trois ordres : limites naturelles, limites socio-politiques et limites métaphysiques ou spirituelles.

1. Limites naturelles de l'humanisme : l'écologie et la bioéthique

S'il est une nouvelle valeur apparue récemment, c'est bien l'écologie ; c'est une nouvelle valeur parce que c'est d'abord un nouveau problème. C'est parce que nos parents n'avaient pas les moyens de saccager la nature qu'ils n'avaient pas à se soucier de sa préservation. C'est parce que nous avons cette puissance et ces moyens, que l'écologie est devenue une valeur pour nous. L'écologie nous enseigne que « l'homme n'est pas Dieu »80(*), qu'il n'a pas tous les droits, qu'il fait partie de la nature dont il dépend et qu'il doit respecter. Bref, « l'humanisme n'est pas une religion »81(*), c'est une morale. Il n'est légitime qu'à condition d'accepter ses propres limites, qu'à condition que l'homme accepte qu'il n'est pas Dieu et renonce à avoir tous les droits.

C'est aussi ce qu'indique la bioéthique. Dieu est défini en philosophie comme étant la causa sui (cause de soi). C'est justement ce que l'être humain n'est pas et ne saurait le devenir. Modifier le patrimoine génétique de l'humanité, autrement dit se mettre au dessus de la nature, ce serait prendre la place de Dieu et c'est ce que la prudence, l'humilité et la lucidité nous interdisent de faire. A chaque fois que les hommes dans l'histoire de l'humanité ont voulu prendre la place de Dieu, cela a conduit à des désastres et des catastrophes.

2. Limites sociales et politiques de l'humanisme

Ce serait se tromper gravement que de croire que l'humanisme, même dans la société suffise à tout et spécialement qu'il tienne lieu de politique. La morale et la politique sont deux choses différentes, nécessaires toutes deux, mais qu'on ne saurait confondre ni réduire l'une à l'autre.

La morale humaniste fixe les fins ; la politique s'occupe surtout des moyens. La morale tend à être universelle, toute politique est particulière. La morale se veut désintéressée, aucune politique ne l'est. Comment la morale suffirait-elle à tout ? Les Droits de l'homme sont une grande chose, mais ne sauraient tenir lieu de politique.

Prenons comme exemple la générosité et la solidarité. Sur le plan moral, la générosité est bien supérieure parce qu'elle est désintéressée (ce que la solidarité par définition n'est jamais). Mais politiquement et socialement, la solidarité est beaucoup plus efficace car personne ne paye les impôts ou les taxes par générosité. La politique n'est pas affaire de générosité ; elle doit tendre vers la solidarité. Il ne s'agit pas de ne plus être égoïste (exigence morale, non politique), mais d'être égoïstes ensemble et intelligemment, plutôt que bêtement et les uns contre les autres. Il ne s'agit pas d'être des saints : il s'agit d'être solidaires. La société humaine fonctionne par intérêt car nous disons très souvent, « par manque d'intérêt, demain n'aura pas lieu. »82(*)

3. Limites métaphysiques ou spirituelles de l'humanisme

Les limites naturelles peuvent dans une certaine mesure être considérées comme limites métaphysiques ou spirituelles : c'est parce que nous faisons partie de la nature que nous ne pouvons pas nous mettre à la place de Dieu ; c'est parce que l'homme est dans la nature (Physis) que l'humanisme ne peut être une métaphysique. Faire de l'homme un Dieu, ce serait se tromper sur l'homme et se mentir sur Dieu.

L'humanisme de la finitude c'est l'humanisme non de l'homme-dieu, mais de l'homme-humain. L'homme n'est pas dieu : il n'est pas immortel, ni tout puissant, ni omniscient, ni infiniment bon. Cependant, cela ne le dispense pas de devenir humain par la morale et par l'éthique. Être humaniste, ce n'est pas adorer l'homme comme on ferait d'un dieu, c'est le respecter toujours et l'aimer comme on peut.

Conclusion partielle

Au demeurant, notre préoccupation au cours de ce chapitre a consisté à évoquer quelques points par lesquels le message de l'humanisme de l'homme-dieu reste une sagesse pour notre époque : il s'agit de la pensée élargie qui grâce au voyage et à l'apprentissage des autres langues se présente comme l'avenir de l'humanité et l'amour du singulier qui est une invitation à aimer chez l'autre ce qu'il a de subjectif et de personnel. D'autre part, nous avons mis en lumière quelques limites de l'humanisme de l'homme-dieu de Luc Ferry. Celles-ci nous ont permis de montrer que la transcendance de Dieu est extérieure et intérieure à l'homme, que l'humanisation se fait aussi par le biais d'une expérience spirituelle et mystique. Mais aussi nous avons montré que le sacré n'a de sens que dans le cadre de la religion car il est son expression. Ceci nous a permis pour finir, d'évoquer en perspective la figure que pourrait prendre l'humanisme dans notre temps. Nous avons proposé un humanisme de la finitude c'est-à-dire un humanisme qui en reconnaissant ses limites qui sont naturelles, socio-politiques et métaphysiques, renoncent par humilité et lucidité à les dépasser.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Notre travail avait pour but de présenter le nouvel humanisme de l'homme-dieu ou humanisme spiritualiste. Celui-ci part d'un principe : certaines valeurs sont supérieures à la vie et à l'existence à savoir l'amour, la justice, la beauté et la vérité. Cet humanisme ne recourt pas à une explication théologique ou à une démonstration logique faisant autorité, mais il accepte une part d'inexpliqué dans l'homme située au-delà de la nature. Cet humanisme de l'homme-dieu, incarné dans l'immanence d'une conscience, relie tous les hommes entre eux. Il renferme en lui une part de sacré qui vise l'universel, l'éternité, voire l'immortalité.

Pour arriver à cette conclusion, il nous a semblé judicieux de préciser le contexte d'émergence de la pensée de Luc Ferry. Ce dernier écrit et pense dans un monde laïcisé et désenchanté où le réel est organisé par la science et la technique. Ensuite nous avons fait allusion à Nietzsche qui, avec sa déconstruction de la métaphysique va accompagner le désenchantement du monde occidental.

A la question «qu'est-ce qu'une vie réussie ?'', qui lui a servi de fil conducteur, Luc Ferry propose un humanisme non hostile à la transcendance, mais qui la situe au coeur même de l'humain. Le recours à cette transcendance horizontale se fonde selon lui sur le caractère irréductible de la liberté humaine ainsi que sur la persistance en nous des valeurs éthiques, scientifiques et même esthétiques. Ce nouvel humanisme englobe le renouveau de la vocation éthique de la théorie à partir de la conception autoréflexive de la science contemporaine, une nouvelle humanisation du cosmos qui passe par le concept kantien de la «pensée élargie'' et enfin une doctrine humaniste du salut reposant sur quatre piliers à savoir : la prise en compte de la singularité, le recours au critère nietzschéen de l'intensité harmonieuse de la vie, l'exigence retrouvée de l'amour chrétien et la capacité stoïcienne d'éprouver l'instant présent comme éternité. Ces quatre dimensions constituent pour Luc Ferry la réponse à la question de la vie réussie.

Bien qu'il demeure pour notre époque un message de sagesse avec son invitation à aimer en l'autre ce qu'il a de singulier mais aussi par l'exigence de la «pensée élargie'', avenir de l'humanité, pour séduisant que soit cet humanisme l'homme-dieu, il n'est cependant pas entièrement convaincant. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes permis d'émettre quelques réserves. A travers ces réserves, nous avons montré qu'après tout Dieu est présent en l'homme, qu'il y a à côté de la philosophie l'expérience mystique et spirituelle qui ouvre la voie à l'humanisation et enfin que le sacré est une catégorie d'interprétation religieuse et par conséquent ne peut être défini que dans le cadre de la religion.

Au terme de cette présentation, nous sommes arrivés à penser, à cause de la finitude de l'homme, que le véritable humanisme qu'il faut pour notre temps est un humanisme de la finitude qui, reconnaissant ses limites naturelles, socio-politiques et métaphysiques renonce à les dépasser par humilité afin de mieux penser et accepter sa condition humaine.

Au demeurant donc, l'humanisme de l'homme-dieu tel que nous le propose Luc Ferry, pose finalement avec gravité la question au philosophe comme au théologien sur ce que leur réflexion rend possible en termes de vivre et d'horizon de sens pour l'humanité.

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages de Luc Ferry :

1. Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, Paris, Plon, 2006.

2. L'homme-Dieu ou le sens de la vie, Paris, Grasset, 1996.

3. Qu'est ce qu'une vie réussie ?, Paris, Grasset, 2002.

Ouvrages philosophiques :

1. AUROUX Sylvain (dir.), Les notions philosophiques, t1, Paris, PUF, 2002.

2. CAPELLE Philippe, COMPTE-SPONVILLE André, Dieu existe t-il encore ?, Paris, Cerf, 2006.

3. DELSOL Chantal, Éloge de la singularité. Essai sur la modernité tardive, Paris, La Table Ronde, 2007.

4. DESCARTES René, Lettre à Mersenne, 15 avril 1630.

5. MESLIN Michel, L'expérience humaine du divin. Fondements d'une anthropologie religieuse, Paris, Cerf, 1988.

6. MILOSZ Czeslaw, Visions de la baie de San Francisco, Paris, Fayard, 1980.

7. MONTAIGNE Michel, Essais, Paris, PUF, 2004.

8. NIETZSCHE Friedrich, Ainsi parlait Zarathoustra, trad. Bianquis, Paris, GF-Flammarion, 1997.

· Ecce homo. Nietzsche contre Wagner, trad. Blondel, Paris, GF-Flammarion, 1992.

· La volonté de puissance, t.1, trad. Bianquis, Paris, Gallimard, 2007.

9. OTTO Rudolf, Le sacré. L'élément non rationnel dans l'idée du divin et sa relation avec le rationnel, Paris, Payot, 1969.

10. PASCAL Blaise, Pensées, coll. Livre de Poche, Paris, Librairie Générale Française, 1962.

11. SAINT AUGUSTIN, Confessions, trad. Arnauld d'Andilly, Paris, Gallimard, 1993.

Autres ouvrages:

1. AKOUN André (dir.), Dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert/Seuil, 1999.

2. JEAN PAUL II, Lettre encyclique «Veritatis Splendor'', Paris, Mame/Plon, 1993.

Articles, Revues et Cours:

1. ANTOINE Agnès, L' « humanisme spiritualiste » de Luc Ferry, in Esprit n°227, décembre 2006.

2. DANIEL Jean, «Le seul bagage qui vaille...'' in Le Nouvel Observateur, Hors série, n°28, Novembre 1996.

3. NDEH Dominique, Cours de philosophie de la religion, inédit, 2008-2009.

4. Panorama, n°358, Septembre 2002.

Pages électroniques :

1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouddhisme.

2. http://www.kanjamadi.com/mahamadsangare.html

TABLE DE MATIERES

DÉDICACE i

REMERCIEMENTS ii

INTRODUCTION GENERALE 1

CHAPITRE I : CONTEXTE D'EMERGENCE DE L'HUMANISME DE L'HOMME-DIEU 3

Introduction partielle 3

I. Du monde sécularisé à la révolution démocratique 3

1. Une France laïque et désenchantée 3

2. La révolution démocratique 4

II. Nietzsche et la déconstruction des «idoles'' de la religion et de la métaphysique 5

1. Illusion du recours à la transcendance 5

2. Fondements et arguments du matérialisme nietzschéen 6

Conclusion partielle 7

CHAPITRE II : L'HUMANISME DE L'HOMME-DIEU : UN HUMANISME LAIC 8

Introduction partielle 8

I. Principes du nouvel humanisme 8

1. L'humanisation du divin 8

2. La divinisation de l'humain 9

3. Le sacré à visage humain 10

II. Implications de l'humanisme de l'homme-dieu 11

1. La transcendance dans l'immanence 11

2. Les nouveaux visages de la transcendance 12

III. Une nouvelle approche de la question du bonheur 13

1. Théorie : l'âge de l'autoréflexion 13

2. Éthique : la pensée élargie 14

3. La doctrine du salut : pour une spiritualité laïque 15

La singularité 16

L'intensité de la vie 16

La sagesse de l'amour 16

L'instant éternel 17

Conclusion partielle 18

CHAPITRE III : ÉVALUATION CRITIQUE ET PERSPECTIVE 19

Introduction partielle 19

I. Portée de l'humanisme de Ferry 19

1. L'importance de la pensée élargie 19

2. Amour du singulier 20

II. Les limites de l'humanisme de l'homme-dieu 21

1. Un Dieu présent en l'homme 22

2. L'expérience spirituelle et mystique : autre voie de l'humanisation 23

3. Le sacré a-t-il un sens en dehors de la religion ? 24

III. Perspective : Pour un humanisme de la finitude 25

1. Limites naturelles de l'humanisme : l'écologie et la bioéthique 25

2. Limites sociales et politiques de l'humanisme 26

3. Limites métaphysiques ou spirituelles de l'humanisme 26

Conclusion partielle 27

CONCLUSION GÉNÉRALE 28

BIBLIOGRAPHIE 30

TABLE DE MATIERES 32

* 1 Agnès ANTOINE, L' « humanisme spiritualiste » de Luc Ferry, in Esprit n°227, décembre 2006, p. 38.

* 2 André AKOUN (dir.), Dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert/Seuil, 1999, p. 303.

* 3 Sylvain AUROUX (dir.), Les notions philosophiques, t 1, Paris, PUF, 2002, p. 1432.

* 4 André AKOUN (dir.), op. cit., p. 140.

* 5 Agnès ANTOINE, op. cit., p. 34.

* 6 Idem.

* 7 Ibid., p. 35.

* 8 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, Paris, Plon, 2006, p. 253.

* 9 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, Paris, Grasset, 2002, p. 85.

* 10 Friedrich NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra, trad. Bianquis, Paris, GF-Flammarion, 1997, p. 48.

* 11 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, op. cit., p. 88.

* 12 Ibid., p. 94.

* 13 Friedrich NIETZSCHE, Ecce homo. Nietzsche contre Wagner, trad. Blondel, Paris, GF-Flammarion, 1992, p.48.

* 14 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 178.

* 15 Idem.

* 16 Friedrich NIETZSCHE, La volonté de puissance, t.1, trad. Bianquis, Paris, Gallimard, 2007, p. 231.

* 17 Ibid., p. 133

* 18 Luc FERRY, L'homme-dieu ou le sens de la vie, Paris, Grasset, 1996, p. 19.

* 19 On doit entendre par humanisation une relativisation positive du fini par la présence libératrice, en son sein, d'un vrai Infini, et non comme une dissolution négative réduisant l'Infini à la simple dialectique interne du fini.

* 20 Ibid., p. 57-58.

* 21 Ibid., p. 84.

* 22 Ibid., p. 85.

* 23 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 282.

* 24 Luc FERRY, L'homme-dieu ou le sens de la vie, op. cit., p. 132.

* 25 Ibid., p. 133.

* 26 Ibid., p. 177.

* 27 Ibid., p. 66.

* 28 Ibid., p. 43.

* 29 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 270.

* 30 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, op. cit., p. 450.

* 31 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 273.

* 32 Ibid., 272.

* 33 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, op. cit., p. 452.

* 34 Ibid., p. 443.

* 35 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 273.

* 36 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, op. cit., p. 453.

* 37 Ibid., p. 450.

* 38 Ibid., p. 453.

* 39 Ibid., p. 459.

* 40 Ibid., p. 460.

* 41 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 277.

* 42 Ibid., p. 278.

* 43 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, op. cit., p. 466.

* 44 Ibid., p. 467.

* 45 Ibid., p. 468.

* 46 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 285.

* 47 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, op. cit., p. 469.

* 48 Ibid., p. 477.

* 49 Ibid., p. 471.

* 50 Idem.

* 51 Ibid., p. 472.

* 52 Idem.

* 53 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 292.

* 54 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, op. cit., p. 476.

* 55 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 293.

* 56 Ibid., p. 296.

* 57 Idem.

* 58 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, op. cit., p. 480.

* 59 Ibid., p. 480-481.

* 60 Cf. Michel Eyquem de MONTAIGNE, Essais, Paris, PUF, 2004.

* 61 http://www.kanjamadi.com/mahamadsangare.html

* 62 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 293.

* 63 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, op. cit., p. 479.

* 64 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 295.

* 65 Ibid., p. 296.

* 66 Blaise PASCAL, Pensées, 306.

* 67 Jean DANIEL, «Le seul bagage qui vaille...'' in Le Nouvel Observateur, Hors série, n°28, Novembre 1996.

* 68 JEAN PAUL II, Lettre encyclique «Veritatis Splendor'', n°41.

* 69 Saint AUGUSTIN, Confessions, III, 6, 11.

* 70 Ibid., X, 27, 38.

* 71 Chantal DELSOL, Éloge de la singularité. Essai sur la modernité tardive, Paris, La Table Ronde, 2007, p. 37.

* 72 René DESCARTES, Lettre à Mersenne, 15 avril 1630.

* 73 http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouddhisme.

* 74 Panorama, n°358, Septembre 2002, p. 36.

* 75 Ibid., p. 30-31.

* 76 Michel MESLIN, L'expérience humaine du divin. Fondements d'une anthropologie religieuse, Paris, Cerf, 1988, p. 66.

* 77 Ibid., p. 97.

* 78 Dominique NDEH, Cours de philosophie de la religion, inédit, 2008-2009.

* 79 Rudolf OTTO, Le sacré. L'élément non rationnel dans l'idée du divin et sa relation avec le rationnel, Paris, Payot, 1969, p. 19.

* 80 Philippe CAPELLE & André COMPTE-SPONVILLE, Dieu existe t-il encore ?, Paris, Cerf, 2006, p. 54.

* 81 Idem.

* 82 Czeslaw MILOSZ, Visions de la baie de San Francisco, Paris, Fayard, 1980, p. 122.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway