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L'expérience comme interprétation des faits dans la " théorie physique " de Pierre Duhem

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par Héritier Mbulu
Université catholique du Congo - Gradué en philosophie 2010
  

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0. introduction generale

0.1. Problématique

Démarche double et complémentaire, théorie et expérience sont les instruments de notre connaissance. Sans la théorie, l'expérience est aveugle ; et sans l'expérience, la théorie ne peut trouver matière à se renouveler ni à progresser. Toute théorie scientifique constitue l'articulation systématique d'un ensemble de lois. Par exemple, la théorie de la gravitation inclut la loi de la chute des corps, la théorie de la lumière, la théorie de l'Hydrostatique, etc. Et l'expérience de Physique se voit comme une construction théorique et schématique, une voie de mise en application des théories scientifiques.

Il est vrai que, dans l'histoire des sciences, depuis les présocratiques jusqu'à nos jours, en passant par Aristote, nombreux sont les philosophes qui se sont intéressés aux questions de la connaissance scientifique en général, de la physique en particulier. Et Pierre Duhem1(*) nous situe dans les grands débats qui agitent les scientifiques au début du vingtième siècle. Ces débats ne sont qu'une suite de querelles qui ont opposé depuis toujours les différentes écoles scientifiques. Ce que d'aucuns considèrent comme des manifestations d'une « crise de la physique » et de la science en général, lorsque la théorie ne sait plus expliquer le réel, notre auteur le perçoit au contraire comme un nouvel épisode du conflit éternel qui met aux prises, d'un côté, ceux qui s'acharnent à vouloir expliquer, c'est-à-dire à vouloir déterminer les causes premières des phénomènes par la seule raison et, de l'autre côté, ceux qui, plus pragmatiques, s'acharnent à rechercher les lois et non les causes et donnent à l'expérience une place centrale pour expliquer les phénomènes. Les premiers sont des rationalistes et les seconds les positivistes (empiristes).

En effet, le rationalisme a une position philosophique stipulant que la raison est la première source des connaissances et domine sur les données de sens. L'esprit rationaliste fait de la raison la lumière qui éclaire toute connaissance, toute découverte. Il postule, ainsi, l'existence en la raison des principes logiques universels - principe d'identité, principe de non-contradiction, principe du tiers exclu et principe de raison suffisante - et d'idées a priori, c'est-à-dire indépendantes de l'expérience et précédent toute expérience. Le principe de base du rationalisme, que l'on pourrait qualifier de « conservateur » ou « réactionnaire » au sens où il rejette le changement et la remise en cause de dogmes scientifiques établis, passe souvent par un réductionnisme où l'inexpliqué est réduit à la thèse préférée des explications connues.

En outre, loin d'exclure l'expérience, le rationalisme kantien en fait l'une des deux sources de nos connaissances et réconcilie en ce sens rationalisme et empirisme. Mais il convient de préciser ce que l'on entend dès lors par « expérience ». Elle ne saurait consister en un fait brut, en une vérité du réel se donnant à nous dans l'évidence du constat immédiat. Sans la médiation de la raison, l'expérience resterait muette et ne saurait rien nous enseigner. Les faits ne parlent pas d'eux-mêmes. Quant à E. Kant, « il estime que l'expérience sensible, quoique indispensable, ne suffit pas, et ne serait rien sans la pensée, qui nous permet d'appréhender et d'ordonner l'expérience concrète »2(*). Pour ce faire, les physiciens doivent procéder par la construction d'une théorie au préalable, qui doit les conduire durant toute leur expérimentation. Ils questionnent la réalité par les hypothèses, et la réalité répond grâce à l'expérience.

Il est vrai que, selon G. Bachelard, une expérience de physique doit atteindre une certaine positivité. Toutefois, cette positivité de l'expérience ne saurait être absolue, puisqu'« une expérience ne peut être une expérience bien faite que si elle est complète, ce qui n'arrive que pour l'expérience précédée d'un projet bien étudié à partir d'une théorie achevée »3(*)

Par ailleurs, dans une conception plus radicale, A. Comte fonda le positivisme que K. Popper considère d'ancien positivisme. Il pensait que le monde pouvait se réduire à des phénomènes explicables par des lois exprimées en langage mathématique. Les chercheurs positivistes se sont montrés les plus radicaux en refusant l'idée qu'il puisse y avoir une connaissance vraie a priori. Pour le positivisme, la raison à elle seule ne produit aucune action, puisque la raison est impuissante dans le domaine de l'expérience. Selon les positivistes, l'expérience est la seule source de connaissance des théories scientifiques. Ces dernières dérivent toutes de l'expérience et des faits observables. Certainement, les philosophes positivistes du Cercle de Vienne (positivistes modernes) pensaient que la science est un système d'énoncés. Ils réduisent donc à la scientificité uniquement les énoncés d'expériences élémentaires ou atomiques. La raison peut-elle conduire seule à la scientificité comme l'expérience ?

Les positivistes pensent que se fier uniquement à la raison, en évitant de s'intéresser aux phénomènes, a produit nombre de théories fausses. C'est le cas des notions physiques d'Aristote et de R. Descartes, car la raison est tentée d'opérer des déductions qui ne correspondent pas toujours à ce qui a lieu dans la nature. Déduire est fécond en mathématiques, parce que le réel n'y intervient aucunement, mais déduire produit des erreurs lorsque la raison s'illusionne sur ses capacités en prétendant deviner seule les lois de la nature. Pour ce faire, les positivistes pensent que l'énoncé scientifique vient de nos expériences et observations, et en reste tributaire.

De ce débat, nous pouvons retenir, d'une part, que les tenants du rationalisme pur se positionnent contre l'interprétation. Pour eux, la théorie sert d'explication des faits ; il ne conviendrait pas de chercher à interpréter les phénomènes, puisqu'il faut les expliquer pour en déterminer les causes premières. D'autre part, les positivistes empiriques voient dans l'énoncé d'observation le fondement de toute théorie et de toute scientificité. Que pense P. Duhem face à ce débat épistémologique ?

En réalité, P. Duhem pense que ces deux écoles (courants) épistémologiques accusent réciproquement leurs méthodes d'être à l'origine d'erreurs, puisque les uns se basent sur des principes métaphysiques et les autres sur l'induction qui est, logiquement, une erreur dans la découverte scientifique. C'est pourquoi, dans le souci de donner à la physique une certaine autonomie, en lui accordant une méthode propre et un but précis afin qu'elle offre une connaissance sans erreurs, nous voulons savoir si la théorie et l'expérience doivent soit expliquer les phénomènes soit les représenter et les interpréter. Certes, il y a deux critères de scientificité de la science : l'apriorité logique et l'empiricité. Même si P. Duhem privilégie l'opérationnalité logique, il ne néglige pas cependant l'empiricité ou la reproductibilité technique comme un des critères de scientificité d'une théorie. C'est pourquoi, il est nécessaire d'examiner sa façon de concevoir l'expérience de physique.

* 1 Pierre Maurice Marie Duhem est né le 10 juin 1861 à Paris et décédé le 14 septembre 1916 à Cabrespine. Il était un physicien spécialiste de la thermodynamique, chimiste, historien et philosophe des sciences français. Reçu premier au concours de l' École normale supérieure en 1882, Duhem présenta une thèse sur le potentiel thermodynamique critiquant le principe du travail maximum de Marcellin Berthelot ; le jury refusa la thèse et Marcellin Berthelot devait être son adversaire universitaire et idéologique toute sa vie. Il enseigna la physique à la Faculté des sciences de Lille de 1887 à 1891. Après une année 1893-1894 à Reims, il obtint une chaire de physique théorique en 1894 à l' université de Bordeaux, où il passera toute sa carrière en s'attachant à poser les fondements logiques et axiomatiques de la science physique. Il devint membre correspondant de l'Académie des sciences en 1900 et membre titulaire non résident en 1913. Il a reçu le titre de docteur honoris causa de l' université Jagellon de Cracovie en 1900. ( www.wikipédia.org et Cf. D. HUISMAN, Dictionnaire des philosophes, Paris, Quadrige/ Presses Universitaires de France, 2009, p. 580).

* 2 KANT cité par D. JULIA, Dictionnaire de la philosophie, Paris, 2001, p. 89.

* 3 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, Paris, 2008, p. 13.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote