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La conception de l'éducation chez les betsimisaraka: analyse à  travers les proverbes. Cas du village de Rantolava

( Télécharger le fichier original )
par Anonyme
Université de Rouen - Master 2 en Sciences de l'éducation 2014
  

Disponible en mode multipage

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    Université de Rouen

     

    UFR Sciences de l'Homme et de la Société
    Département Sciences de l'Education
    Laboratoire CIVIIC

    Année Universitaire 2014-2015

    La conception de l'éducation chez

    les betsimisaraka : analyse à

    travers les proverbes

    (cas du village de Rantolava)

    En vue de l'obtention du

    Master 2 de recherche à distance Francophone

    Sous la direction de France JUTRAS,
    Professeur à l'Université de Sherbrooke,
    et de Pierre-Philippe BUGNARD,
    Professeur à l'Université de Fribourg Suisse

    Wenceslas Ludovic TOTO N° d'étudiant : 21312340

    REMERCIEMENTS

    Je remercie l'Agence Universitaire de la Francophonie et l'Université de Rouen qui m'ont donné l'opportunité de suivre la formation de MARDIF. Sans allocation d'études de ladite agence, je pense que je n'ai pas pu être inscrit dans cette université.

    Mes remerciements s'adressent également à l'ensemble du personnel enseignant et administratif du département de Sciences de l'éducation (MARDIF), avec une mention particulière à Madame JUTRAS France et Monsieur BUGNARD Pierre-Philippe. En effet, en leur qualité de directeurs de mémoire, ils ont toujours fait preuve de disponibilité tout en orientant mon travail vers les exigences scientifiques.

    Mes remerciements s'adressent aussi à tous ceux qui ont contribué de loin ou de près à la réalisation de ce travail tels que les autorités locales, les Tangalamena du village de Rantolava et les notables locaux.

    Je suis également reconnaissant envers ma femme pour tous les sacrifices qu'elle a pu endurer, notamment ces derniers temps. Elle s'est sentie parfois négligée pour laisser place à la recherche et à la rédaction.

    Merci à vous tous !

    TOTO, Wenceslas Ludovic

    LA CONCEPTION DE L'EDUCATION CHEZ LES BETSIMISARAKA : ANALYSE A TRAVERS LES PROVERBES. Cas du village de Rantolava.

    RESUME

    Historiquement, le territoire betsimisaraka a été peuplé de trois clans différents, tels que les Tavaratra (au Nord), les Tsikoa (au Centre) et les Tatsimo (au Sud). Il s'agit d'un territoire situé dans la partie orientale de Madagascar. Comme l'ensemble de la société malagasy, la société betsimisaraka est une société de l'oralité. Et, selon FANONY Fulgence, les traditions orales betsimisaraka présentent une variété de genres qu'on peut classifier en trois grandes catégories (les genres narratifs, les genres sapientiaux et les genres poétiques). Les proverbes qui constituent le centre de cette recherche, appartiennent aux genres sapientiaux.

    La civilisation de l'écriture proprement dite n'est arrivée à Madagascar que très tardivement (avec la venue des Européens, vers le XIXème siècle). L'éducation se faisait alors de manière traditionnelle. Elle s'est transmise à travers des « lövan-tsôfiñy » (héritage de l'oreille), de bouche à l'oreille. Cette éducation est assurée par toute personne en statut d'aîné. Par ailleurs, malgré les diverses traditions orales, on observe que seuls les proverbes restent les plus utilisés dans la société contemporaine.

    Puisés dans l'expérience de la vie, les proverbes présentent un aspect éducatif considérable. Ils nous transmettent des normes qu'exige la société ainsi que son mode de fonctionnement. A travers les proverbes, nous sommes en mesure de dégager les priorités éducatives dans la société betsimisaraka. La recherche effectuée montre qu'ils constituent un genre littéraire à vocation pédagogique. La dimension pédagogique des proverbes se présente en deux ordres : une pédagogie dite

    « directe » avec une instruction à suivre impérativement, d'où la formule de mise en garde « Aza » (ne [...] pas) ; et la pédagogie dite « indirecte », laissant un libre cours à la recherche et à la méditation du sujet.

    Cependant, avec l'évolution de la société et l'arrivée de l'école de type occidental, la société betsimisaraka, et le village de Rantolava en particulier se trouvent actuellement entre la tradition ancestrale et la modernité occidentale. Cette situation menace la sagesse et les valeurs culturelles malagasy qui commencent à se dégrader. Et, malgré la prise en compte de ces valeurs culturelles dans le programme scolaire, le champ d'application est vraiment limité compte tenu de cette évolution de la société. C'est ainsi que nous proposons quelques suggestions pour pallier la situation. Notre suggestion est orientée vers la fusion du système éducatif de type traditionnel et le système de type occidental.

    1

    Mots-clés : culture, éducation, pédagogie, proverbe, société.

    2

    SOMMAIRE

    REMERCIEMENTS

    RESUME 0

    SOMMAIRE 2

    LISTES DES CARTES, GRAPHIQUES, PHOTOS ET TABLEAUX 3

    INTRODUCTION 4

    PREMIERE PARTIE - THEMATIQUE, TERRAIN D'ETUDES ET

    APPROCHES METHODOLOGIQUES 8

    CHAPITRE I -JUSTIFICATION DU THEME ET METHODOLOGIE DE TRAVAIL 9

    I.1. La présentation de la recherche 9

    I.2. Les approches méthodologiques adoptées et leurs justifications 19

    CHAPITRE II - NOTRE TERRAIN D'ETUDES : LE VILLAGE DE RANTOLAVA 27

    II.1. Une brève présentation historio-géographique 27

    II.2. Place de l'éducation au village de Rantolava 30

    DEUXIEME PARTIE : RESULTATS ET INTERPRETATIONS 45

    CHAPITRE III- LES PROVERBES : UN GENRE LITTERAIRE A VOCATION

    PEDAGOGIQUE POUR LES BETSIMISARAKA 46

    III.1. L'art oratoire au quotidien 46

    III.2. Société betsimisaraka : une école de la vie par les proverbes 51

    CHAPITRE IV - APPROCHES PEDAGOGIQUES D'UNE ECOLE SANS MURS EN

    PAYS BETSIMISARAKA 68

    IV.1. Une pédagogie de deux ordres 68

    IV.2.Les proverbes au quotidien en pays betsimisaraka 72

    TROISIEME PARTIE : DISCUSSIONS ET PERSPECTIVES 75

    CHAPITRE V - LA PLACE DES TRADITIONS ORALES ET DES VALEURS

    MALAGASY DANS LE PROGRAMME SCOLAIRE 76

    V.1. Dans les écoles primaires 76

    V.2. Dans les collèges 80

    V.3. Dans les lycées 84

    CHAPITRE VI - LES LIMITES DU CHAMP D'APPLICATION 86

    VI.1. Les réalités sociales 86

    VI.2. Quelques suggestions 90

    CONCLUSION 96

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 99

    GLOSSAIRE 101

    3

    LISTES DES CARTES, GRAPHIQUES, PHOTOS ET TABLEAUX Liste des cartes

    Carte 1 - Localisation de la Commune Rurale d'Ampasina Maningory par rapport à la

    Région Analanjirofo 29
    Carte 2 - Carte de la Commune rurale d'Ampasina Maningoro où se trouve le village de

    Rantolava 30

    Liste des graphiques

    Graphique 1 - Taux de réussite aux examens du C.E.P.E au cours des cinq dernières

    années 32

    Graphique 2 - Taux de réussite par sexe de 2009-2010 à 2013-2014 33
    Liste des photos

    Photo n°1 : Centre de Formation Pédagogique de Rantolava...................... 31

    Photo n°2 : Ecole Primaire Publique de Rantolava ................................... 31
    Liste des tableaux

    Tableau 1- Synthèse du programme lié à la culture et aux valeurs traditionnelles au

    niveau du CP1 et CP2 77
    Tableau 2- Synthèse du programme lié à la culture et aux valeurs traditionnelles au

    niveau du CE 78
    Tableau 3 - Les objectifs pédagogiques liés à l'apprentissage de la culture et des

    valeurs traditionnelles malagasy au niveau du lycée 85

    4

    INTRODUCTION

    Combien de fois les parents d'aujourd'hui se plaignent du comportement de leurs enfants, que l'éducation ne cesse de se dégrader par rapport à celle d'avant. Pourtant, nous savons très bien d'une part que le taux de scolarisation, même dans les pays en voie de développement, comme le nôtre, s'améliore d'une année à l'autre et, d'autre part, que le nombre des diplômés d'universités et des grandes écoles augmente constamment. D'un autre côté, nous constatons que la reconnaissance de ces diplômes varie souvent selon l'établissement ou les centres de formation. Par ailleurs, cette reconnaissance varie également d'une époque à l'autre et/ou d'un pays à un autre. A Madagascar par exemple, on accorde parfois une reconnaissance plus importante aux diplômés des pays étrangers que ceux des universités nationales. Il se peut même qu'on juge la compétence d'un individu par rapport à ses capacités d'expression ou à sa facilité à s'exprimer en langue étrangère. En fait, toute chose a son histoire. Par exemple, l'éducation de type occidental implantée dans le pays au début du XXème siècle avait comme objectif de préparer les cadres indigènes à occuper des fonctions au sein de l'administration coloniale française. Et, l'orientation éducative de l'époque a été choisie afin de répondre à cet objectif. Aujourd'hui encore, il existe des valeurs différentes accordées aux diplômes et aux diplômés.

    Par ailleurs, on sait également qu'avant l'éducation de type occidental, la population malgache disposait aussi de ses propres orientations en matière éducative. Ces orientations, sans aucun doute, répondaient aux besoins de la société malgache, à sa structure ainsi qu'à son fonctionnement. Même de nos jours, malgré l'existence d'une structure administrative gouvernementale, la structure traditionnelle résiste et reste présente, aussi bien à l'échelle locale que nationale. Les Sojabe, les Tangalamena, entre autres, continuent à assurer leur rôle dans la société actuelle. Nous nous trouvons alors dans une société se plaçant entre modernité occidentale et

    tradition ancestrale. Or, si l'« éducation signifie socialisation de l'individu,

    5

    préparation d'un membre semblable aux autres et utile à la communauté »1, naturellement, la famille est le premier lieu de cette socialisation. « Elle a cependant perdu certaines de ses fonctions en ce sens, au profit de l'école et des médias, notamment.2» Ces derniers qui sont le fruit de l'évolution de la connaissance de l'humanité deviennent indispensables et participent pleinement non seulement à l'éducation de l'individu, mais aussi au développement de la société dans son ensemble. Désormais, « Les parents, de nos jours, sont loin d'être les seuls agents de la socialisation de leurs enfants, bien qu'ils continuent généralement d'assumer la surveillance et la synthèse de ces multiples influences»3. Cette situation rend leurs tâches plus complexes que jamais. Si à un moment donné le silence-apprentissage du cadet vis-à-vis de l'aîné suffisait pour que l'enfant se socialise, le décollage technologique, notamment dans le domaine de la communication tel que les médias obligent l'aîné à se situer dans une position à la fois d'éducateur et d'apprenant. Il en est de même pour les maîtres d'écoles modernes. Se baser uniquement sur le concept d'éducation moderne de type occidental s'avère un échec éducatif si elle n'obtient pas l'approbation de la société locale.

    De nos jours, il est vrai que cette éducation par l'écrit est indispensable car elle constitue notre porte d'entrée dans le monde du travail. Elle permet également (par le biais des certificats, brevets et diplômes divers) d'évaluer nos connaissances et nos compétences. C'est notre référence contemporaine. Il n'est alors pas étonnant de voir les jeunes qui ne se soucient que d'obtenir des diplômes. Cependant, on observe que plus notre société devient une « société d'intellectuels », plus elle se dégrade. Le mal, l'insécurité et divers actes de banditisme règnent presque totalement sur l'ensemble du territoire malgache. On se pose des questions. Comment se fait-il que

    1 LEIF, RUSTIN, Philosophie de l'éducation. Tome 1, Pédagogie générale, Delagrave, 1970, p.27.

    2 PRONOVOST Gilles, Famille, temps et culture, dans Comprendre la famille, 1991, p. 99-100.

    3 DANDURAND Renée, DULAC Germain, Les nouvelles familles et l'école : répercussions des changements familiaux en milieu scolaire, dans Comprendre la famille, 1991, p.136

    6

    plus le nombre des chrétiens augmente, plus le mal se multiplie dans notre société ? Comment se fait-il que plus le nombre des instruits augmente, plus la pauvreté règne ? Les églises comme les écoles ne sont pas capables d'assurer, à elles toutes seules, toutes les responsabilités éducatives: ni le christianisme, ni l'école telle qu'elle est conçue actuellement ne sont de la culture malgache. Parfois même, on constate une confrontation de valeurs.

    Si nous disions plus haut que l'éducation signifie socialisation, la notion de valeur joue alors un rôle important dans le système éducatif car, généralement, les valeurs d'une société « sont les principes fondamentaux qui guident la vie [...] et les comportements de chacun des hommes et des femmes qui la composent4». Chaque société dispose de ses propres valeurs qui conditionnent son fonctionnement et régissent la vie de ses membres. Mener une action éducative dans une société donnée, nécessite une prise en considération de ses valeurs, de sa structure, de sa culture.

    Etant une société de l'oralité, la valeur et la culture de la société malgache se transmettent alors, généralement, à travers de la parole, du lövan-tsofiñy (héritage de l'oreille). Cependant, il nous semble difficile d'étudier l'ensemble de la culture des Malagasy parce que le territoire est très immense. Nous avons choisi alors un terrain d'étude spécifique : l'ethnie betsimisaraka. Nous analysons à cet effet, et à travers des öhabölaña ou proverbes, la conception éducative de la société betsimisaraka. Quelle relation y-a-t-il entre l'éducation et les proverbes ? Cette question comporte des sous-questions étroitement liées, l'une par rapport à l'autre : - Les proverbes contribuent-ils à l'éducation des betsimisaraka ? - En quoi peut-on dire qu'ils constituent un moyen d'éducation ?

    4 Groupe La Poste, disponible sur http://stagelaposte.2010.free.fr/wp-

    content/documents/synthese valeurs.pdf

    7

    Le mémoire qui rapporte la recherche effectuée comprend trois grandes parties, chacune subdivisée en deux chapitres. La première partie présente la problématique et la justification du choix du thème en analysant le contexte de la société étudiée, mettant ainsi en exergue la place de l'éducation. Elle annonce également les différentes approches méthodologiques adoptées pour faire la collecte des données en rapport avec les trois objectifs spécifiques de recherche : analyser et décrire les dimensions pédagogiques des proverbes betsimisaraka ; expliquer en faisant référence aux proverbes, les orientations de l'éducation dans la structure et l'organisation sociale des Betsimisaraka ; et présenter les enjeux de ces orientations traditionnelles de l'éducation face à l'évolution de la société et à l'éducation de type occidental. La seconde partie, quant à elle, révèle les résultats de la recherche et les interprétations qui en découlent en analysant le sens des proverbes par rapport à leur fin éducative. Enfin, la dernière partie de notre travail tente de signaler les enjeux de cette éducation de type traditionnel à base des proverbes face à l'évolution de la société actuelle.

    8

    PREMIERE PARTIE - THEMATIQUE, TERRAIN D'ETUDES ET APPROCHES METHODOLOGIQUES

    9

    CHAPITRE I -JUSTIFICATION DU THEME ET METHODOLOGIE DE TRAVAIL

    Généralement, l'étude de la culture et des valeurs traditionnelles s'effectue dans le domaine de l'anthropologie, de l'ethnologie, de la sociologie ou de l'histoire. L' öhabölaña qui est le sujet principal de la recherche que nous avons entreprise est l'une des traditions orales malagasy dans son ensemble. Le traiter dans la science de l'éducation, bien que ce ne soit pas vraiment nouveau, mérite une explication particulière.

    I.1. La présentation de la recherche

    Dans cette première section, nous présentons un aperçu général sur le choix du thème de recherche ainsi que des justifications à ce sujet. Nous aborderons successivement le contexte de la société étudiée, la problématique et les objectifs de la recherche.

    I.1.1. Le contexte de la société étudiée

    Le tout premier écrit qu'a connu Madagascar remonte aux environs du XIème siècle : le Sorabe. Il s'agit d'un manuscrit arabico-malgache qui s'est introduit, non pas sur la totalité de la Grande île, mais uniquement, dans le Sud-Est, chez les Zafiraminia. Mais la civilisation de l'école proprement dite, entre, pour la première fois, dans le pays au temps du roi Radama I, suite au traité de 1817, signé entre ledit roi et le Gouverneur britannique à l'île Maurice, Robert Farquhar. Autrement dit, l'apprentissage basé sur le système d'école de type occidental est arrivé à Madagascar, en même temps que le christianisme. Sur la côte-Est, à une centaine de kilomètres de Fénérive-est (notre champ d'étude), les premières écoles ont été l'oeuvre de David Jones et de Thomas Bevan.

    10

    C'est ainsi que le peuple malgache est considéré comme un peuple qui n'a connu que tardivement l'écriture. C'est une population de la civilisation de l'oralité. Historiquement, on parle de lövan-tsôfiña (héritage de l'oreille) comme source, repère ou référence. Et, même jusqu'à ce XXIème siècle, presque la moitié des adultes plus de 15 ans ne savent, ni lire, ni écrire. La culture de l'école n'est toujours pas effective, notamment en milieu rural. Cependant, il n'est pas question de penser que l'éducation ne figure pas parmi les préoccupations des parents malagasy. Au contraire, ils ont leur propre vision, leurs propres méthodes et techniques éducatives. Néanmoins, comme toute éducation traditionnelle, « c'est la tradition qui commande toute la vie. [...] L'enfant s'éduque par le contact, par l'exemple, par ordres et défenses, dans la famille ; puis de la même manière dans le clan, dans le village5.» Les différentes manières utilisées pour éduquer les enfants betsimisaraka, entre autres, le conte, la devinette, le proverbe, les préparent pour être utiles à leur communauté, en se basant sur la réalité et les pratiques dans la vie quotidienne.

    Par ailleurs, il importe de remarquer que seuls les proverbes restent les plus pratiqués dans la vie quotidienne d'aujourd'hui, de même que lors des cérémonies traditionnelles ou officielles. Ils « servent souvent d'exemple et de modèle paradigmatique pour mieux orienter les actions... Aussi, les cite-t-on souvent comme des apophtegmes, c'est-à-dire des paroles mémorables à l'honneur d'un ancien: ils traduisent, à ce moment-là, toute la sagacité des aînés, des ancêtres. Ils rappellent aux uns et autres la vertu d'avoir du bon sens6». Les relations entre l'éducation et les proverbes sont incontournables car ces derniers, présents presque partout (en particulier les rasavölaña ou discours, lors de tous les évènements importants de la vie des Malagasy...), présentent des normes sociétales à inculquer dans le

    5 LEIF, RUSTIN, op.cit., p.27

    6FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf, p.3

    11

    comportement des jeunes et adultes. A travers ces proverbes, nous pouvons définir le modèle, la structure et les normes qu'exige la société betsimisaraka. Et, puisque l'éducation est une « préparation d'un membre semblable aux autres7», les proverbes comportent alors un aspect éducatif.

    I.1.2. La problématique de la recherche

    En se référant aux différents proverbes et expressions de la côte Est de la grande île, notamment chez les Betsimisaraka, on se demande parfois quelle est leur signification et, quel est leur objet. Les jeunes et les enfants doivent-ils toujours se soumettre à leurs parents ? Faut-il penser qu'en aucun cas, les cadets ne puissent pas surpasser les stades de leurs aînés ? Telles étaient, entre autres, les questions que nous nous sommes posées devant certains proverbes. Nous en retenons deux, par exemple, qui font nettement allusion à la gérontocratie: «Söño tsy mihoatra akondro » (littéralement, « Le taro ne surpassera jamais le bananier »8 et «Sambaha lava sômotro ny öraña, mböla zandrin'ny amaloño » (Aussi longues que soient les barbes de la crevette, elle reste toujours la soeur cadette de l'anguille)9. Autrement dit, ces proverbes enseignent que les parents et les aînés se placent au sommet de toutes les instances de la société et demeurent une référence indispensable dans la vie quotidienne.

    La situation ne se limite pas uniquement au niveau de la relation cadet/aîné ; elle s'étend également à la manière dont les femmes sont considérées dans la société.

    7 LEIF, RUSTIN, op.cit., p.27

    8 Autrement dit, la taille d'un bon pied de taro (vôdin-tsöño ; vôdin-tsahôño) ne rivalisera jamais avec celui d'un bananier (vôdin'akondro). Ceci pour signifier qu'un aîné a toujours une longueur d'avance sur son cadet en termes de date de naissance.

    9 Ce proverbe s'appuie sur le fait que, dans la conscience collective des Betsimisaraka, qu'une anguille est de par sa taille nettement plus longue qu'une crevette. C'est pour dire qu'un cadet a beau être plus socialement important que son aîné, mais cette réussite sociale ne le dédouanera jamais d'être respectueux envers son aîné. Et si nécessaire, ce dernier ne manquera pas de rappeler qu'en dépit de tout, sur le plan de l'âge il a toujours une longueur d'avance sur ce cadet.

    12

    «Soy lahy nanambady akanga, lahiny tsy àry hely » (tel un colibri qui s'est accouplé à une pintade, le mal n'est jamais petit) enseignent-ils à leur propos. Ne voit-on pas dans ce passage un indice de la société phallocrate ? Certes, apparemment celle-ci n'est pas le modèle propre aux betsimisaraka, mais cela ne nous empêchera pas d'étudier le cas spécifique de ces populations.

    D'autres aspects sociaux se présentent dans les proverbes, par exemple, « Telotelo mandeha misy añivo, roroa mandeha misy hikoraña, tökaña mandeha möra jerijery » (se promenant à trois, il y en a un qui se trouve au milieu ; à deux, il y en a un avec qui on peut discuter ; seul, facile de manquer de proches). Un proverbe qui rejoint la valeur distinctive des Malagasy dans leur ensemble : le fihavanana. Pourtant, cette affirmation n'est pas à l'abri des critiques ; elle est en effet en contradiction avec d'autres comme « Tsara ny maro fö vitsy möra rasaña » (il est bien d'être nombreux, mais il est facile de faire un partage lorsqu'on est moins nombreux). Tantôt, on parle de l'importance de la solidarité d'un grand nombre de personnes, tantôt on évoque l'intérêt de petits groupes. On fait souvent appel à la solidarité lorsque le besoin est indispensable (rasa-tsiñy, funérailles...), par contre, on préfère être moins nombreux lorsqu'il s'agit de partage de bien tel que le rasa-lôva (héritage). Effectivement, quelles idées sont transmises à travers « drakidraky mamana atodim-boay... » (Une canne qui couva des oeufs de caïman...), comme à travers «anti-bavy namotsy nify... (Une vieille dame qui se brosse les dents...) » ? La suite est : « misy raha kindreñy», c'est-à-dire qu'il y a là un but précis. Il s'agit des faits et observations qu'on ne pourrait pas ignorer. Il nous appartient alors de dégager la signification de ces différents proverbes afin de définir l'objet et la conception de l'éducation chez les Betsimisaraka, car l'éducation, disait CLAPAREDE10, est une vie et non une préparation à la vie.

    10 Cité par LEIF, RUSTIN, op.cit.

    13

    En ce sens, par l'analyse des proverbes, nous essayerons de définir grosso modo le mode de fonctionnement de la société betsimisaraka puisque l'éducation n'a pas de sens que si elle a un impact dans la vie sociale. On peut dire qu'elle n'a d'autre champ d'application qu'en société. Or, « il arrive que les individus qui vivent au sein d'une société ne soient pas ou ne soient que partiellement conscients des structures de cette société11». En fait, les proverbes que nous venons de citer ne sont que des exemples parmi tant d'autres. Ils ne sont que de simples hypothèses et ne reflètent pas forcément les significations profondes ou les conceptions complètes du modèle de la société betsimisaraka. Comme l'a écrit ANDRIAMANGATIANA, « ... ce n'est pas à travers l'habit qu'on puisse comprendre la fonction; et ce n'est pas à travers la fonction non plus qu'on puisse imaginer l'esprit. Il se peut que l'hypothèse et la réalité soient largement différentes12». Mais, quoi qu'il en soit, EVANS-PRITCHARD a bien souligné que « sans les théories et les hypothèses, on ne pourrait pas faire de recherche [...] car on ne trouve (lorsqu'on a la chance de trouver) que ce que l'on recherche13».

    Dans la société de l'oralité qu'est la société traditionnelle malgache, les proverbes revêtent un statut particulier dans la mesure où il s'agit ici de « paroles bien frappées » et qui sont puisées à l'école de la vie et de l'expérience. Dans les proverbes, nous dit à ce sujet le Pasteur Richard ANDRIAMANJATO, « la structure même des phrases aident l'intuition à saisir par-delà les mots ce que l'on veut exprimer »14 . Les proverbes sont des paroles bien à propos, concises et faciles à retenir pour être ainsi reproduites. « A Madagascar, tout bon orateur doit avoir une

    11 EVANS-PRITCHARD Edward Evans, Anthropologie sociale (1950), p.18

    12 ANDRIAMANGATIANA Iharilanto Patrick, Vakivakim-piainana, p.25. Traduction libre de «... tsy ny fanamiana no hamantarana hatrany ny asa ; ary tsy ny asa no haminaniana sahady ny fanahy. Mety hifanalavitra manko ny tombana sy ny tena izy».

    13 EVANS-PRITCHARD Edward Evan, op.cit., p.47

    14 ANDRIAMANJATO Richard, Le Tsiny et le Tody dans la pensée malgache. Paris, Présence Africaine, 1957, (pp.8 et 9)

    14

    bonne capacité mnémotechnique pour pouvoir reproduire tel ou tel proverbe « bien frappé »15 » s'il veut séduire son public. En une image, le proverbe est comme un socle qui permet de poser solidement ses propos pour être réellement entendus par l'autre. Dans des longues palabres, on ne retient pas tout. Mais grâce à des proverbes on s'accroche à l'essentiel de ce qui a été dit.

    Dans ses études sur l'oralité malgache, Eugène Régis MANGALAZA précise la fonction des proverbes : « Il y a des paroles qui fuient dans les oreilles et qui n'arrivent à ficeler rien d'autre que le souffle de leur émission ; d'autres, à l'inverse, davantage mûries et mieux macérées dans l'intimité du silence intérieur de leurs auteurs, atterrissent tout naturellement dans les deux oreilles, pour s'y loger directement au fond du tympan. Comme une corde habilement tressée, cette deuxième catégorie de parole que sont les proverbes, sert à « lier », pour mieux empaqueter toutes les expériences sensibles et cognitives des uns et des autres pour enrichir ainsi le patrimoine culturel du groupe. A l'image d'un fagot de brindilles, il n'y a que les idées bien ficelées par les proverbes qui sont faciles à transporter sans qu'elles risquent d'être défaites en chemin par le vent de l'oubli16 »

    I.1.3. L'objectif général de la recherche

    Ces exemples que nous venons de montrer permettent de comprendre jusqu'à quel point les proverbes ont une réelle fonction éducative en pays betsimisaraka. Et c'est ce sur quoi nous allons nous pencher dans la présente recherche.

    15 FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf

    16 MANGALAZA Eugène Régis, « Sensibilités malgaches » in, Revue Hermès, N° 40. Paris, 2004.

    15

    Plus précisément, nous poursuivons l'objectif général de recherche de dégager la conception de l'éducation chez les Betsimisaraka par l'analyse de leurs proverbes. Pour ne pas nous éparpiller dans cette recherche (car le pays betsimisaraka est immense, voir la carte à l'annexe 1) nous allons limiter notre analyse aux proverbes d'un seul village : Rantolava (District de Fénérive-Est).

    En plus de l'intérêt pour le sujet, notre choix s'explique également par notre parcours académique. Même si nous ne faisons pas partie du corps professoral, nous sommes très attaché au monde de l'éducation. Et nous ne ratons jamais la moindre occasion qui se présente pour traiter d'éducation. En plus, il nous est très agréable de nous investir dans notre propre groupe ethnique : nous appartenons à l'ethnie betsimisaraka. Cette recherche nous offre une excellente occasion de nous investir dans l'étude de notre groupe d'appartenance, nous mettant ainsi dans une posture à la fois difficile et excitante : vivre et se regarder vivre. Cependant, notre familiarité par rapport au groupe étudié du fait de notre appartenance à ce groupe comporte une certaine difficulté. Car pour mener objectivement une telle étude, il faut constamment faire preuve de distanciation, dans une oscillation constante entre le proche et le lointain.

    Dans cette recherche, nous nous intéresserons plus particulièrement à ce que nous appelons la « pédagogie indirecte » en pays betsimisaraka. Un exemple : « Mahasöla ny mañatao satroko am-pihinanaña » (littéralement, « rend chauve le fait de porter son chapeau pendant le repas »). Il est question d'une manière de table que l'on veut inculquer à l'enfant et rappeler à l'adulte. Si en marchant, en cherchant du bois sec, en puisant de l'eau, en travaillant dans la rizière ou dans toutes autres activités de la journée, on peut porter son chapeau, il en est tout autrement, quand on s'assoit devant son plat de riz. Au lieu de dire, « décoiffe-toi chaque fois que tu prends ton repas », on fait plutôt allusion, au travers d'une pédagogie indirecte, à une situation peu enviable (surtout pour un jeune) : être chauve. Normalement, cette

    16

    fâcheuse perspective suffit par décourager toute personne qui ose prendre le risque de porter son chapeau pendant le repas. Biologiquement, on sait que cela n'est pas si véridique. Mais comme cette relation « chapeau / repas » est devenue proverbiale, cela signifie qu'il ne faut pas prendre les choses à la légère. Le mieux est de s'y conformer. La question qui se pose maintenant est de se demander pourquoi faire cette recommandation vestimentaire (ne pas porter son chapeau en prenant son repas) ? Des enquêtes de terrain nous aideront certainement pour y répondre. Mais d'ores et déjà, nous pouvons avancer l'hypothèse selon laquelle si tous les membres de la famille s'amusent à porter leur chapeau en déjeunant ou en dînant, il n'y aura pas suffisamment de place autour de la natte commune où on présente le repas. Notons que nous sommes ici dans la société traditionnelle betsimisaraka où on portait un chapeau en paille à large bord. A cette époque-là, on ne portait pas encore de casquette. De plus, on peut noter que le satro-bory (un chapeau sans bord comme chez les musulmans) ne se porte traditionnellement que dans le Sud (chez les Antandroy) et dans Sud-Est (chez les Antaimoro, chez les Antaisaka, chez les Antambahoaka) de la Grande île. En réalité, ce proverbe porte sur une économie de l'espace pour qu'on ne se gêne pas les uns par rapport aux autres au cours du repas. Mais à côté de cela, il y a lieu de se demander aussi si le fait de se décoiffer ne renvoie pas au gestuel du croyant devant le sacré. N'y a-t-il pas une dimension sacrée dans le partage du repas familial, en pays betsimisaraka ?

    Toujours dans cette « pédagogie indirecte », il y a cet autre dicton : « Boka izay mandàka anabavy » (littéralement : Sera frappé par la lèpre celui qui donne un coup de pied à sa soeur). Nous avons affaire ici à un dicton qui prône une attention bienveillante et une tolérance à toute épreuve d'un frère envers sa soeur. Car en cas de bagarre, le frère l'emporterait sur sa soeur. La force d'un jeune garçon et celle d'une jeune fille sont, aux yeux des betsimisaraka, différentes. Le jeune garçon ne doit donc pas en abuser. S'il veut se battre, il n'a qu'à trouver un jeune garçon de sa taille. En

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    d'autres termes, frère et soeur ne devraient pas se battre, ou encore, aucun un homme ne devrait pas porter la main sur une femme et, plus particulièrement, sur sa femme.

    Par ailleurs, l'intérêt de se pencher sur les proverbes est grand. Non seulement les proverbes ou öhabölaña, comme l'a si bien souligné Jean Pierre DOMENICHINI, présentent une grande valeur documentaire et conservent le souvenir de l'histoire de la société malgache17, mais ils permettent également d'avoir un regard global sur l'ensemble du mode de fonctionnement de la société. Autrement dit, les proverbes servent de porte d'entrée pour comprendre les valeurs cardinales de cette société. Dans ce sens, on peut se demander si ces proverbes ne constituent pas une sorte de « fait total » dont parlait Marcel MAUSS18, à la suite de Bronislaw MALINOWSKI19. L'exemple des proverbes relatifs au rapport aîné / cadet que nous avons évoqué plus haut est très éclairant à ce sujet. Nous y reviendrons plus tard. Nous nous attacherons également à montrer la place des proverbes dans le quotidien des Betsimisaraka. Par ce biais, nous serons en mesure de souligner, des exemples à l'appui, la dimension éducative de ces proverbes dans une société de l'oralité. Ensuite, nous essayerons d'approfondir jusqu'à quel point les proverbes ne se limitent pas à l'art oratoire, mais qu'ils contribuent à la consolidation du lien social par une éducation permanente de toutes les classes d'âge. Dans ce sens, les proverbes paraissent consister en une véritable école de la vie.

    17 DOMENICHINI Jean-Pierre, « La chèvre et le Pouvoir. Première approche historienne d'un interdit ». in, Omaly sy Anio. Revue d'Etudes historiques, N°9, Antananarivo, 1979, p. 79.

    18 MAUSS Marcel, Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques, Paris, PUF, 1960.

    19 MALINOWSKI Bronislaw, Les Argonautes du Pacifique occidental, Paris, Gallimard, 1963 ; Les jardins de corail, Paris, Maspero, 1974

    18

    I.1.4. Les objectifs spécifiques de la recherche

    L'éducation est une science très complexe. Elle est le garant de toute harmonisation du fonctionnement d'une société. Elle participe au processus de tout changement et accompagne les politiques d'orientation y afférentes. Par ailleurs, nous sommes également conscient que ce changement ne sera jamais effectif quand il n'est pas endogène20. Cela nécessite une implication complète des membres qui composent la société. La prise en compte de la pratique, de la culture et des valeurs de ces derniers, constitue une des raisons garantissant leur adhésion, et par-delà, l'efficacité et la réussite de la politique éducative. A Rantolava, un village betsimisaraka dont la population est majoritairement rurale, le rasavölaña et les öhabölaña sont une pratique quotidienne présentant les lignes de conduites et les normes approuvés par la communauté. Cela constitue une raison pour laquelle ce travail est important pour mieux connaître l'éducation dans une société de l'oralité comme celle de betsimisaraka.

    De manière à atteindre l'objectif général de la recherche, nous proposons maintenant des objectifs spécifiques :

    · Analyser et décrire les dimensions pédagogiques des proverbes betsimisaraka ;

    · Expliquer, en faisant référence aux proverbes, les orientations de l'éducation dans la structure et l'organisation sociale des Betsimisaraka ;

    · Présenter les enjeux de ces orientations traditionnelles de l'éducation face à l'évolution de la société et à l'éducation de type occidental.

    20 RAKOTOZAFY-HARISON Jean-Baptiste (2005), Développement : Pratiques et projets sociaux. Cours du module 6, MSFD. ENS, Université de Fianarantsoa.

    19

    I.2. Les approches méthodologiques adoptées et leurs justifications

    Étant donné que cette recherche présente en partie un aspect anthropologique, des démarches de types socio-anthropologiques fondées sur l'entretien, l'observation et l'analyse de documents constituent les approches de collecte et d'analyse des données.

    I.2.1. L'entretien libre et semi-directif

    Le recours aux entretiens est particulièrement adapté quand on souhaite reconstituer des histoires de pratiquants, analyser les trajectoires des individus, les moments et les raisons qui guident leur parcours21. Au cours de la présente recherche, les entretiens se sont déroulés en deux temps. D'abord, une enquête au niveau des ménages sans distinction préalable nous a permis d'obtenir un échantillonnage représentatif de familles du village. Ensuite, nous avons fait également appel à un échantillon dit «de convenance». Pour composer ce dernier, nous avons fait surtout appel aux Tangalamena, mpiambinjiñy, aux mpirasavolaña ainsi qu'aux autres membres de la société considérés comme raiamandreny (personnes âgées). Il a aussi été question de sélectionner au sein du village Rantolava ou encore dans d'autres villages betsimisaraka des personnes considérées comme étant instruites (selon la conception de l'école moderne) et en même temps disposant d'une connaissance non négligeable par rapport au fonctionnement traditionnel de la société betsimisaraka. Certes, cette deuxième étape n'a pas été exemptée de subjectivité. En effet, le chercheur a recruté, non seulement des personnes cibles qui ont des choses à dire sur le sujet, mais aussi le guide d'entrevue a varié pour s'ajuster aux personnes interviewées.

    21 TEMPORAL Franck, LARMARANGE Joseph (2006), Déroulement des enquêtes quantitatives et/ou qualitatives. Laboratoire Ponter, Département des Sciences sociales, Facultés de Sciences Humaines et Sociales, Université Paris 5, p. 11

    20

    Puisque de milliers de proverbes sont répertoriés en pays betsimisaraka, il a été judicieux de se focaliser sur ceux que les gens utilisent quotidiennement. Le guide d'entretien a été basé sur cet angle. Une fois recueillis, les proverbes ont été classifiés en fonction de leur champ d'utilisation ou de leur finalité respective. Par ailleurs, en vue de confronter les versions pour une meilleure analyse et interprétation, et en fonction de l'évolution du travail, nous avons demandé à d'autres comme des femmes ou des jeunes d'accepter de participer à un entretien. Mais comme l'affirme DE SARDAN Olivier22, l'entretien ne doit pas être perçu comme une extraction minière d'informations. Dans tous les cas, l'entretien de recherche est une interaction entre des personnes.

    I.2.1.1. L'enquête par entretien au niveau des ménages

    Nous avons enquêté 40 des 420 ménages du village. Le choix de ces ménages a été fait au hasard et, les questions posées ont été basées sur les principaux points qui servent à atteindre nos objectifs de recherche. D'abord, comme il s'agit d'une enquête préliminaire sur la place des öhabölaña dans la vie familiale, nos questions ont été posées en ce sens. Est-ce que les öhabölaña sont encore utilisés ? Quels sont les moments où ils sont les plus utilisés ? Quels sont les avantages de l'utilisation de ces proverbes ? Ensuite, nous avons évoqué des questions relatives à l'éducation au niveau de la famille. Qui se charge de l'éducation des enfants ? Comment se présente cette éducation ? Quels sont les domaines de croissance que la famille développe chez les enfants ? Enfin, nous avons aussi abordé des sujets relatifs à la structure et à la vie socioéconomique du village.

    Mais, cette enquête n'a pas été une tâche facile. Nous avons été confronté à de multiples contraintes pendant notre séjour au village de Rantolava. D'une part,

    22DE SARDAN Olivier, L'enquête socio-anthropologique de terrain : synthèse méthodologique et recommandations à usage des étudiants, p.37

    21

    nous sommes arrivé au moment de la campagne électorale. Une difficulté importante est venue du fait que certaines personnes nous ont confondu avec les membres du comité de soutien d'un candidat quelconque. Et, d'autre part, ce séjour a coïncidé également avec la célébration des journées de l'enfance catholique du diocèse de Fénérive-est dont la célébration officielle a été organisée dans ce village. Cette situation explique, en une partie, le faible nombre de ménages enquêtés.

    1.2.1.2. Un échantillonnage de type « de convenance »

    Dans la plupart de cas, l'entretien a été enregistré avant d'être retranscrit. Cependant, l'enregistrement n'a pas exclu la prise de notes. Après la séance d'interview, il nous a appartenu de transformer les entretiens en texte (retranscription et traduction). Cette démarche nous a permis de prendre un temps de recul pour pouvoir mieux comprendre le document écrit, donc le contenu et le sens des entretiens, au lieu d'une simple impression primaire. Une fois retranscrits et compris, nous avons procédé à la lecture critique de ces documents, en essayant d'analyser le contexte, les allusions, les malentendus, les références croisées, etc. Cet exercice nous a permis de faire un classement des données pour servir de matériaux à décortiquer, à désosser et à désarticuler (TEMPORAL Franck et LARMARANGE Joseph, 2006).

    Au total, nous avons interviewé trois Tangalamena, deux notables, un directeur d'école et un adjoint au chef de Fokontany. L'entretien avec les Tangalamena s'est déroulé en deux étapes. D'abord, un entretien commun, c'est-à-dire en groupe et assisté par l'adjoint au chef de Fokontany, suivi d'un entretien individuel, une semaine après.

    I.2.2. L'observation, participante ou non

    L'approche par observation, le plus souvent employée en complément de l'enquête par entretien est issue des méthodes de l'anthropologie. Elle consiste en un

    22

    long travail de description et d'interprétation afin de mettre en lumière la complexité de pratiques sociales, de rituels, des interactions, souvent même dans leurs aspects tellement ordinaires qu'ils finissent par passer inaperçus, considérés comme « naturels » par les acteurs23. Cette technique nous a permis de mieux nous situer en position de la neutralité scientifique et intellectuelle. Dans le cadre de cette étude, nous entendons par observation, l'action d'avoir assisté à des évènements marquants la vie du village, tels que le Tsaboraha, la fangahoam-biavy et ôrimbato (mariage traditionnel), funérailles... Il s'agit d'une phase permettant d'enrichir l'analyse des données recueillies lors de l'entretien ou dans d'autres sources. Elle nous lance dans deux postures indispensables à la recherche : témoin et co-acteur ; mais le premier n'englobe pas forcément le second. Certaines de ces données d'observations ont été également enregistrées et analysées comme ceux des entretiens.

    Que ce soit dans l'observation ou au cours de l'entretien, nous aimerions mettre en oeuvre certains aspects de la « méthode philologique » que Marcel MAUSS développe dans son ouvrage (Manuel d'ethnologie).

    I.2.3. La recherche et analyse documentaire

    L'étude et l'analyse des documents ont aussi figurée parmi nos approches. Outre la revue de la littérature24 qui nous a été indispensable comme dans tous travaux de recherche, nous avons fait également appel aux « documents directs écrits ». Dans ce sens, LOUBET DEL BAYLE Jean-Louis25 indique qu'il s'agit de documents publiés et d'archives. Nous avons travaillé sur ces deux catégories de

    23 TEMPORAL Franck, LARMARANGE Joseph (2006), op.cit., p.11

    24 Nous précisons quand même que l'article de FANONY Fulgence, Maître des Conférences à l'Université de Toamasina a été parmi les articles les plus développés dans ce travail. Cet article qui est un recueil de 1008 proverbes betsimisaraka nous a beaucoup aidé pour compléter les proverbes collectés pendant les entrevues.

    25 LOUBET DEL BAYLE Jean-Louis (2000), Initiation aux méthodes des sciences sociales. Paris - Montréal : L'Harmattan, 272 pp.

    23

    documents. D'abord, nous avons consulté les archives de l'école primaire publique de Rantolava afin de comprendre la place de l'éducation de type occidental dans ce village. Les parents se contentent-ils de l'éducation traditionnelle ? Est-ce qu'ils accordent une importance majeure à l'éducation de type occidental ?

    Notre enquête documentaire ne s'est pas limitée à ce choix parental en matière d'éducation. Nous avons recueilli et analysé des programmes officiels. Notre objectif était d'analyser si la préservation et la valorisation de la culture et des valeurs traditionnelles figurent parmi les priorités gouvernementales en matière d'éducation. C'est ainsi que nous avons étudié les programmes scolaires du niveau I (primaire) au niveau III (lycée).

    I.2.4. Quelques concepts clés

    Afin de comprendre les contenus des entretiens et de donner des moyens de les analyser et de les comprendre, nous définissons les concepts de base de notre étude.

    - Culture : Par culture, MALINOWSKI fait état des comportements communs, des croyances et des rituels marquants la vie de la société dans ses diverses facettes. La culture peut certes être appréhendée par l'observation attentive des comportements des acteurs de la société étudiée et des rituels qu'ils partagent, mais cette observation ne saurait suffire. En effet, l'étude de la culture implique que soit compris le sens donné par les acteurs eux-mêmes à leurs comportements, à leurs croyances et aux rituels prévalant dans leur société26 . Si nous disions auparavant que les öhabölaña présentent une grande valeur documentaire et conservent le souvenir de l'histoire de la société malgache,

    26 DUFOUR Stéphane, FORTIN Dominic et HAMEL Jacques (1991), L'enquête de terrain en sciences sociales. L'approche monographique et les méthodes qualitatives, p.25

    24

    l'analyse de la culture betsimisaraka nous aide à comprendre le sens et la signification des proverbes

    - Education : Pour Leif et Rustin, « l'éducation signifie socialisation de l'individu, préparation d'un membre semblable aux autres et utile à la communauté27». Cette hypothèse est également partagée par d'autres chercheurs comme Dewey. Ce dernier affirme que : « L'enfant qui est éduqué à l'école est un membre de la société et doit être instruit et traité comme tel. L'école et ceux qui la dirigent sont responsables envers la société, car l'école est avant tout une institution créée par elle pour accomplir une oeuvre spécifique : le maintien et l'amélioration de la vie sociale28». Encore d'après Leif et Rustin: « Etre éducateur c'est déjà avoir pris parti, et adopté une doctrine morale et sociale qui permette de guérir et de redresser ce que la morale et la société considèrent comme malsain, aussi bien que de préserver et de cultiver ce qu'elles jugent recommandables » 29

    Cependant, une contradiction pèse sur nos définitions de l'éducation. Pour les uns son but est l'action qui doit s'exercer des adultes sur la jeunesse afin de lui transmettre l'héritage des ancêtres, de lui donner les idées et les moeurs qui lui permettront de mieux s'adapter à la société dont elle va fournir la relève. Pour les autres elle doit développer au maximum en chaque individu ses aptitudes afin de ménager à son avenir les meilleures chances de succès. D'un côté c'est le point de vue sociologique qui l'emporte, de l'autre celui de la psychologie individuelle30.

    - Education laïque : Toute forme d'enseignement qui est indépendante de l'influence des églises et de la croyance religieuse. Selon Anselme

    27 LEIF, RUSTIN (1970), op.cit., p.27

    28 DEWEY John, Ecole et enfant, p.134

    29 LEIF, RUSTIN (1970), op.cit., p.129

    30 Sociologie et Éducation. In: Enfance. Tome 12 n°3-4, 1959. Psychologie et Éducation de l'Enfance. pp. 324-333 (Article extrait des Cahiers Internationaux de Sociologie, 1951)

    25

    ZURFLUH, la société traditionnelle distingue les actes répréhensibles sous trois aspects : l'un profane et juridique (délits), l'autre sacré, lui-même divisé en religieux (péché) et surnaturel (sacrilège)31.

    Bien que la religion moderne n'est arrivée à Madagascar que tardivement, les Betsimisaraka accordent une grande valeur à la religion traditionnelle, aux forces surnaturelles, au soutien des ancêtres « razana » et aux autres croyances. La question que nous posons est aussi celle de laïcité de l'éducation. Pourrons-nous dire que l'éducation traditionnelle betsimisaraka est laïque ?

    - Pédagogie : Ce terme a été composé au début par deux mots : « paidos » qui signifie « enfant », et «gogia », qui veut dire «mener ou conduire ». Son concept désignait à l'époque l'esclave qui accompagnait les enfants à l'école. Alors que « De nos jours, la pédagogie désigne l'ensemble des méthodes et des pratiques d'enseignement et d'éducation en tant que phénomène typiquement social et spécifiquement humain. Il s'agit d'une science appliquée à caractère psycho-social, dont l'objet d'étude est l'éducation. La pédagogie reçoit des influences de plusieurs sciences, telles que la psychologie, la sociologie, l'anthropologie, la philosophie, l'histoire et la médecine, parmi d'autres »32.

    Les recherches récentes en matière de pédagogie « nous montrent que les apprentissages seront beaucoup plus facilement assimilés si l'individu ou l'apprenant est actif. Ce qui veut dire qu'il devient acteur et intervient dans la construction de ses propres savoirs ». On parle d'une pédagogie active : il faut que « l'apprenant construise lui-même ses futurs savoirs, par l'action d'étayage du professeur. Cette action consiste à guider l'élève dans le

    31 ZURFLUH Anselme (1993), Un monde contre le changement. Une culture au coeur des Alpes, Uri en Suisse, XIIe - XXè siècle. Zurich Loriens Books/ Paris Economica pour la version française.

    32 Définition de pédagogie - Concept et Sens. Disponible sur : http://lesdefinitions.fr/pedagogie#ixzz3OUFrM9VA

    26

    développement de raisonnements et de méthodes qui sont propres à l'enfant et qui sont ou non validées ou validables. Souvent pour mettre en place ce type de pédagogie on va confronter les élèves à des situations de problèmes que les enfants vont devoir surmonter en développant des hypothèses, des techniques d'investigation ou raisonnements qui vont ou non valider leurs hypothèses. Ce type de situation peut être effectué avec les enfants en groupe ou seuls33 ». Comment parler de l'éducation sans pédagogie ? Le concept de la pédagogie est essentiel dans toute recherche en éducation. En quoi peut-on affirmer que les proverbes présentent une vocation pédagogique ?

    - Société : Selon le dictionnaire de philosophie en ligne, ce terme désigne un ensemble organisé d'individus entretenant des rapports d'indépendance réglés, exprimables sous la forme de règles naturelles ou conventionnelles. Et, Jean-Jacques Rousseau34, en expliquant que même dans la famille (qui selon lui est la plus ancienne de toute les sociétés et la seule naturelle), si les membres décident de continuer à rester unis, c'est volontairement et par convention.

    L'analyse de ce concept « société » est une importance majeure dans la présente recherche. Rappelons-nous ici l'idée qu'il « peut donc ne pas y avoir conflit entre l'inculcation des connaissances à l'individu et adaptation à la société ou civilisation : il faut trouver cette harmonie... » 35

    33 Pédagogie et didactique. Disponible sur : http://www.eduquer-respect.fr/pedagogie-et-didactique/

    34 ROUSSEAU Jean-Jacques, Du Contrat Social, ou Principes du droit politique ; in Collection complète des oeuvres, Genève, 1780-1789, vol. 1, in-4° édition en ligne www.rousseauonline.ch version du 7 octobre 2012. Disponible sur http://www.rousseauonline.ch/Text/du-contrat-social-ou-principes-du-droit-politique.php , p.5

    35 PESTALOZZI Johann Heinrich, cité par BLAIS Marie-Claude, GAUCHET Marcel et OTTAVI Dominique, Pour une philosophie politique de l'éducation, Pluriel, Editions Bayard, 2002. p. 128

    27

    CHAPITRE II - NOTRE TERRAIN D'ETUDES : LE VILLAGE DE

    RANTOLAVA

    Le territoire betsimisaraka est immense et, pour mieux délimiter notre recherche, nous avons choisi le village de Rantolava comme étant notre terrain d'études. Mais, en parlant de ce village, nous profitons également cette occasion pour parler de l'histoire des Betsimisaraka en général.

    Ce chapitre comprend deux sections : une section qui présente une brève présentation historio-géographique et une autre section qui met en évidence la place de l'éducation dans le village de Rantolava.

    II.1. Une brève présentation historio-géographique

    Dans cette section, nous présentons d'une manière simplifiée la naissance du peuple betsimisaraka dans son ensemble et celle du village de Rantolava en particulier.

    II.1.1. Historique

    II.1.1.1. Naissance de la confédération betsimisaraka

    Du point de vue historique, le territoire betsimisaraka a été peuplé de trois clans différents, tels que les Tavaratra (au Nord), les Tsikoa (au Centre) et les Tatsimo (au Sud). Il est délimité au Nord par le fleuve Bemarivo (Sambava) et, au Sud par le fleuve Mananjary , avec une longueur d'environ 700 km. Au cours du XVIIIème siècle, le chef du clan Tavaratra appelé Ratsimilaho, fils de Rahena et d'un anglais Tom Tew, décide de rassembler tous les clans de la côte centre-orientale de la grande île après ses études en Angleterre. Il s'est alors marié avec la fille du chef Tatsimo qui est devenu son allié contre les Tsikoa. Après la défaite de ces derniers, Ratsimilaho installa sa capitale à Fénérive-Est, en 1712. Et, à l'issu de son

    28

    discours devant le peuple, il demanda leur soutien, leur obéissance et respect. Il a fait promettre à son peuple de ne jamais se désunir quelles que soient les circonstances. C'est à partir de ce point-là que commence l'ère « Betsimisaraka » (nombreux unis à jamais), et il devient Ramaromanompo (celui qui a de nombreux serfs). Ramaromanompo a régné jusqu'à sa mort en 1754. La population betsimisaraka est à l'image de ce proverbe: « vilañy vy natrö-bazaha, teo vö niharo » (marmite en fer rassemblée par un étranger, c'est là qu'on s'est rencontré).

    II.1.1.2. Origine du village de Rantolava

    Auparavant, ce village situé au bord de l'Océan Indien s'appelait « Tsiraka Anjavananto ». Les villageois vivaient de la pêche, de l'agriculture et de l'élevage. Mais, l'absence d'eau potable, l'insuffisance des surfaces pour l'agriculture ont obligé la population à se déplacer. Elle s'est alors installée à proximité du lac Tampolo qui est maintenant devenu un village nommé Rantolava. En ce qui concerne le nom du village, nous pourrions avancer deux explications. Littéralement, le terme « rantolava » est constitué de deux mots : «ranto» qui signifie «prendre ou chercher ailleurs » et «lava» qui veut dire « souvent ». Le nom du village vient du fait que ses habitants ne cessent de faire des va-et-vient pour trouver de la nourriture, partant du nouveau village vers celui d'autrefois. D'autres avancent que cette dénomination a été attribuée à partir du nom d'un « mpañajary » (guérisseur) qui s'appelait « Ranto » et qui s'est installé dans la partie Sud du village actuel. Mais, cette dernière hypothèse a été niée par la plupart des aînés du village.

    II.1.2. Présentation géographique

    Figurant dans le territoire Tavaratra, Rantolava est un village betsimisaraka situé dans la commune rurale d'Ampasina Maningory, district de Fénérive-Est. Il se trouve à 15 km du chef-lieu de la région Analanjirofo , traversé par l'ex-route nationale n°5. Géographiquement, il est délimité au Nord par le village de Takoböla,

    29

    au Sud par Tanambao Tampolo, à l'Ouest par Ambatomasina et à l'Est, par l'Océan Indien (voire la carte n°1 et la carte n° 2).

    Actuellement, la population de Rantolava compte environ 1400 habitants dont la majorité est jeune. Le groupe ethnique dominant est le betsimisaraka, issu des deux lignages dominants : Fahambahy et Zafilango. Ensuite, viennent les antemoro, les antavaratra, puis les merina.

    Carte 1 - Localisation de la Commune Rurale d'Ampasina Maningory par rapport à la Région Analanjirofo

    Sources : O.N.E, Rapport de synthèse sur l'état de l'environnement de la Région Analanjirofo (2008) et Plan Communal de Développement de la Commune rurale d'Ampasina Maningory.

    30

    Carte 2 - Carte de la Commune rurale d'Ampasina Maningoro où se trouve le village de Rantolava

    Source : Mairie d'Ampasina Maningory, PCD, 2015

    II.2. Place de l'éducation au village de Rantolava

    Le village de Rantolava abrite deux types d'école : une école de type occidental, donc entre les quatre murs avec des programmes officiels et, une école sans mur, sans manuels ni conception consciente de l'éducation. Ce dernier type se transmet de bouche à l'oreille et d'une génération à l'autre.

    31

    II.2.1. Le système éducatif de type occidental

    Bien qu'il se trouve à l'écart de la route nationale, on trouve dans le village de Rantolava un système éducatif de type occidental. Un centre de formation pédagogique et une école primaire du premier cycle ont été créés en 1971 (photo n°01 et photo n°02).

    Au cours de l'année scolaire 2014-2015, 69,63% des enfants de 6 à 10 ans fréquentaient l'école primaire de Rantolava (source : EPP Rantolava). Cela signifie que la scolarisation figure parmi les préoccupations des habitants. Par ailleurs, il a été constaté que les résultats que les élèves obtiennent aux examens officiels ne sont pas vraiment satisfaisants. A titre d'exemple, en se référant aux résultats des examens du C.E.P.E durant les trois dernières années, le taux de réussite est au-dessous de 50% (2011-2012 : 43,28% ; 2012-2013 : 46,29% ; 2013-2014: 48,14%) tel que le rapporte le graphique 1.

    32

    Graphique 1 - Taux de réussite aux examens du C.E.P.E au cours des cinq dernières

    années

    Taux de réussite (%)

    Taux de réussite (%)

    100

    64

    43,28 46,29 48,14

    2009-20102010-2011 2011-2012 2012-2013

    2013-2014

    Source : EPP Rantolava, 2015

    En observant ce graphique, une question se pose. Pourquoi cette brusque régression depuis 2009-2010? Selon l'explication du directeur de l'école, celle-ci est le résultat de différentes affectations des instituteurs titulaires. Pour pallier la situation, l'association des parents d'élèves, dénommée localement « FRAM36 » et, avec l'accord de la direction de l'établissement recrute des maîtres suppléants (maître FRAM). Généralement, ces maîtres FRAM n'ont reçu aucune formation pédagogique avant d'exercer le métier d'instituteurs.

    Malheureusement, l'échec scolaire frappe l'ensemble des niveaux, du CP137 au CM238. Le taux de redoublement est inquiétant, surtout depuis l'année scolaire 2011-2012. Il passe de 41% à 59%, l'année suivante. Mais on ne peut pas faire porter toute cette responsabilité aux enseignants. La réunion du CPF qui s'est tenue en date

    36 FRAM : Fikambanan'ny Ray Aman-drenin'ny Mpianatra (littéralement : Association des Parents d'Elèves)

    37 CP : Cours préparatoire

    38 CM : Cours moyen

    du 13 janvier 2015 a soulevé un autre problème majeur : l'importance de l'absentéisme. L'absentéisme est lié aux difficultés économiques que les familles des élèves rencontrent. En fait, pendant les saisons fortes (pour l'activité de pêche) du lac Tampolo, les élèves profitent cette occasion pour aider leurs parents en travaillant. Ainsi, ils pourront participer à l'augmentation de revenus familiaux.

    Par ailleurs, il a été également remarqué qu'en termes de réussite scolaire, les filles s'en sortent mieux que les garçons. Elles sont non seulement en supériorité numériques, mais aussi leurs résultats aux examens sont meilleurs à ceux des garçons. Le graphique n°02 ci-après montre bel et bien cette différence. En effet, le nombre des élèves de sexe féminin qui réussissent est plus important ceux du sexe masculin.

    Graphique 2 - Taux de réussite par sexe de 2009-2010 à 2013-2014

    2009-2010 2010-2011 2011-2012 2012-2013 2013-2014

    120

    100

    80

    60

    40

    20

    0

    Taux de réussite pour les

    garçons

    Taux de réussite pour les filles

    33

    Source : EPP Rantolava, 2015

    34

    Cette différence de réussite scolaire ne se retrouve pas uniquement au niveau de l'établissement scolaire. Elle est le reflet de situation démographique du village. En 2014, par exemple, sur un total de 191 enfants de 6 à 10 ans, les filles comptent pour 99, ce qui donne un taux de filles d'environ 52%.

    Au total, six (06) enseignants se chargent de l'éducation des 271 élèves, y compris ceux du préscolaire. Cela donne un ratio de 45,1 élèves par enseignant. A la fin du primaire, pour continuer leurs études secondaires, les élèves doivent aller au chef-lieu de la commune, avec une distance moyenne d'environ 4 km que les élèves font généralement à pied.

    En ce qui concerne le centre de formation pédagogique, on observe une régression. Bien qu'il ait accueilli des séances de formation jusqu'en 2012, en réalité, le centre de formation n'a été vraiment fonctionnel que dix ans. Cela s'explique d'abord par la déviation du trajet lors de la construction de la nouvelle RN539 qui a fait de Rantolava un village enclavé. Ensuite, étant donné le climat, l'accès au centre est devenu de plus en plus difficile, surtout en période de pluie. Enfin, il faut aussi dire que le centre a été touché par la création du Centre Régional de l'Institut de Formation Pédagogique dans la ville de Fénérive-Est, en 2011. Ces divers facteurs expliquent pourquoi le centre de formation pédagogique a périclité.

    II.2.2. L'éducation traditionnelle au village de Rantolava

    A côté de l'éducation de type occidental, les villageois utilisent d'autres systèmes et méthodes éducatives. Chaque parent se charge d'éduquer ses enfants, notamment sur les pratiques de bonnes manières et du savoir-vivre. Cette éducation se transmet à travers de traditions orales. Et, selon FANONY Fulgence, la tradition orale betsimisaraka du Nord distingue toute une variété de genres, que l'on peut

    39 RN5 : Route Nationale n°5

    35

    répartir en trois classes. Il rapporte d'abord les genres narratifs (les contes angano, les légendes korambe, les discours kabary, les récits historiques tantara, et les généalogies jijy karazaña), ensuite les genres sapientiaux (les proverbes öhabölaña, les propos galants fankahitry, les circonlocutions hainteny, les maximes völantô, et les devinettes et contes-devinettes ankamantatra), et enfin, les genres poétiques (les dits, jijy, söva et tökatöka ; les chants ôsiky et les comptines enfantines dölan-jaza)40.

    Dans le présent chapitre, nous analyserons chacun de ces genres et de décrirons son utilité dans la croissance et le développement de l'individu. Pour ce faire, nous prenons, au moins, un exemple de chaque. L'exemple est choisi en fonction de sa place dans la société actuelle.

    II.2.2.1. Les genres narratifs a) L'angano (contes)

    Le conte, souligne FANONY Fulgence, est le véhicule d'un savoir transmis de génération en génération qui, bien au-delà des leçons de morale sociale évidentes et souvent simplistes, perpétue des modèles de vie et contribue à former la vision du monde propre aux individus appartenant à une culture donnée. Dans la soirée, en attendant et/ou après le dîner, tous les enfants se rassemblent autour du père de la famille qui raconte une histoire issue des contes. C'est grâce à ces derniers que le père ou l'aîné transmet des messages ou de comportements que les enfants doivent adopter ou non, de leur faire comprendre une situation ou une tradition.

    40 FANONY Fulgence, (2001). L'oiseau grand-tison et autres contes des Betsimisaraka du Nord (Madagascar), Littérature orale malgache, tome 1. L'Harmattan, 2001, p.10

    Voici un exemple d'un conte concernant le chat et la souris :

    Ra-posy sy ra-valavo

    Le chat et la souris

    1- Talöha elabe tañy hono, dia mpinamaña be ra-posy sy ra-valavo;

    2- Indraiky andro, tafara-dià zareo ary sendra renirano ka voatery nañamboatra lakañan-tsomanga hitsakaña;

    3- Izy koà vita ny lakaña, dia nivariña zareo roa ary nitsaka, ka ra-posy talöha ary ra-valavo tafara,

    4- Tan-dalaña anefa, mikiky ny lakaña ra-valavo, hömana ilay tsomanga.

    5- Nañotany hono ra-posy: ino marö raha mañeno zañy ra-valavo?

    6- Namaly hono ra-valavo:

    mañamboamboatra pilasy
    foaña...

    7- Isaky ny mañotany hono ra-posy, dia mitovy foaña ny valin-tenin'ny ra-valavo;

    8- Farany tömbaka ny lakaña, ary dia lentika;

    1-

    36

    Il était une fois où le chat et la souris étaient de bons amis ;

    2- Un jour, en se promenant, ils arrivèrent au bord de la rivière et, pour continuer leur trajet, ils devaient construire une pirogue en patate ;

    3- Après avoir construit ladite pirogue ils montèrent à bord, le chat devant et la souris derrière.

    4- Et à bord, la souris ne cesse de grignoter en mangeant la pirogue [patate],

    5- Le chat lui demandait : quel est ce bruit ?

    6- La sourie répondait : j'arrange ma place !

    7- A chaque fois que le chat posait la question, la souris lui répondait par la même réponse.

    8- Finalement la pirogue s'est écoulée ;

    9- Ra-posy anefa nahay niloma flo, ka dia niloma flo izy nitsaka;

    10- Ra-valavo kosa tsy nahay niloma flo ka dia niantso vonjy tamin'ny ra-posy fa efa tady ho sempotra.

    11- Tsy na fleky anefa ra-posy satria fantany fa noho ny fitiavan-

    te flan'ny ra-valavo no
    nahalentika anjare.

    12- Farany, efa nihevi-te fla ho faty izy ka dia niangavy mafy an-dra-posy : havoty zaho fö izy koà tonga an-tanety zaho hoaninao!

    13- Nalaka toky tsarabe ra-posy, ary na flomia toky ra-valavo;

    14- Lasa fla ra-posy nalaka azy, ary tonga tsarabe tan-tanety ra-valavo;

    15- Na flotany amin'izay ra-posy: efa pare amin'izay ö? (izy efa maika te-hihina fla)

    16- Namaly ra-valavo : andraso maimai fly hely fö mböla le fly!

    17- Mandritra iza fly fotoa fla izany anefa izy efa manomboka mangady lavaka hilifasa fla,

    18- Farany, tafalefa ra-valavo ary tsy

    9- Le chat savait nager et, il a nagé jusqu'au bout de la rivière.

    10-

    37

    Par contre, la souris ne savait pas nager et elle demanda au chat de lui venir en aide,

    11- Le chat a refusé parce qu'il savait que c'est à cause d'elle, que la pirogue s'est écoulée.

    12- Alors, la souris se trouvait au bord de désespoir et a promis au chat : sauve-moi et tu me mangeras une fois sur terre !

    13- Le chat lui a demandé une confirmation, et la souris lui a confirmé.

    14- Le chat décida alors de la sauver,

    15- En arrivant, le chat lui demanda : tu es prête ? (il a hâte de la manger)

    16- mais la souris répondit : attends d'abord que je me sèche!

    17- Alors qu'en même temps, elle commence à creuser la terre pour s'y enfuir,

    18- Elle réussit à s'échapper en passant par le trou parce que le

    afaka nañaraka raposy satria tsy
    mahay mandeha ambanin'ny tany.

    19- Viñitra mafy ra-posy satria nofitahin'ny ra-valavo ary nañoziña ny taranany izy nañano hoe: izy kö mbola taranako foaña dia tsy maintsy mañejika sy mamono sy hihinaña ireñy valavo ireñy.

    20- `zeñy hono no mahatonga ny posy sy ny valavo mifañejika hatramin'izao!

    chat, par contre n'était pas capable de suivre son trajet sous terre, et il s'est senti trahi,

    19- Furieux, il a ordonné à ses descendants de ne pas laisser aucune souris à s'échapper devant eux ;

    20- C'est ainsi que le chat et la souris sont devenus les pires ennemis !

    38

    Ce conte nous fait comprendre qu'avant tout agissement, il faut penser à ses conséquences. Ici, on voit que l'impatience et la gourmandise de la souris, a failli lui coûter la vie. Et même, si elle n'a pas perdu sa vie, elle a été cependant privée de liberté. Alors que si elle n'avait pas été si égoïste et avec un peu de patience, elle aurait dû attendre l'arrivée pour manger cette patate. N'est-il pas un « véhicule d'un savoir transmis de génération en génération et qui, bien au-delà des leçons de morale sociale évidentes et souvent simplistes, perpétue des modèles de vie et contribue à former la vision du monde propre aux individus appartenant à une culture donnée41 » comme l'a si bien mentionné FANONY Fulgence ?

    b) Le korambe (légendes)

    Dans les villages betsimisaraka, le korambe est une sorte d'histoire racontée à un groupe de personnes en vue d'ouvrir un débat sur un sujet donné. A la différence

    41 Ibid., p.11

    d'un conte ou « angano », le korambe peut être une histoire réelle. Il peut être également inventé par son initiateur.

    D'abord, il permet aux membres d'une société donnée de s'entraîner à parler en public, généralement avec les jeunes ayant environ les mêmes âges. Mais, cette question d'âge n'est pas une condition indiscutable pour un korambe. Il se peut qu'on assiste à un korambe dont l'initiateur est l'aîné. Ensuite, c'est une distraction, un passe-temps : « Korambe amin-karatsiaña : mampalady kiàka » (Korambe pendant une veillée mortuaire : la nuit passe vite).

    Voici un exemple de korambe enregistré le soir du 29 août 2015. Il y avait eu plusieurs sujets abordés, mais nous avons choisi le sujet ci-après. A ce moment-là, c'est le père de famille qui aborde le sujet. Et, dans la maison, il y avait son épouse, ses trois enfants, deux amis proches à la famille, sa belle-fille (épouse de son fils aîné), une personne importante du village (Tangalamena) et nous-même.

    1. Indraiky andro, nandeha namonjy taban-drafözaña ny vinanton'ôloño,

    2. Kanjo böka, betsaka amoko be tany nandrian-jare tao ka nivölaña rafözan'öloño : « à ravinanto ô, anao midira añaty lay fö misy amoko ai ! »,

    3. Tsy nahasahy zalahy io ;

    4. Tonga andro hafa, efa paré koà ny rafözan'ôloño,

    1. Un jour, un homme (gendre) est venu pour aider sa belle-mère dans son travail,

    2.

    39

    Or, la cabane où ils dorment était pleine de moustique et la belle-mère a dit à son beau-fils : « mon gendre, entre dans la voile-mousquetaire parce qu'il y a beaucoup de moustiques ! »

    3. L'homme n'a pas osé de le faire ;

    4. Un autre jour, la dame continue à inviter son gendre à entrer dans sa voile-mousquetaire ;

    5. Farany, niditra tañaty lay zalahy, tsy nahadiñy.

    6. Izy koa tönga tao böka, nandry. Nefa, sambaha hitodika amin-drafözaña, tsy sahiny;

    7. Lasaña roa andro, karaha zèñy foaña. Farany tsy nahadiñy eky ny rafözan'ôloño kai nivölana: «anao io kony ravinanto, nañomezako zanako anao iñy kony, anao tsy havako ai; tokony hiditra añaty dara anao »

    8. Niditra ny vinanton'ôloño ary tafañano ny raha natahöraña ary ela ny ela, bikibo möka ny rafözan'ôloño io;

    9. Pé, nikabaron'ôloño böka i zalahy vinanto io.

    10. Nihöla böka i zalahy io, ary notantarainy ny raha jiaby. Pé, voakabaro koa ny rafözan'ôloño satria na mañano karaha akôry ny amoko, ny vinanto tsy fantsôviña añaty lay.

    5. Finalement, cet homme n'a pas pu résister et il a accepté.

    6.

    40

    A l'intérieur, il a dormi. Cependant, il n'a pas osé tourner en face de sa belle-mère ;

    7. Après deux jours, toujours la même chose. Et, la belle-mère demande encore : « mon gendre, si je t'ai accepté pour prendre ma fille, c'est parce que nous n'avons pas un lien de sang ; donc tu peux entrer dans ma couverture »

    8. Le beau-fils accepte et ils ont fait ce que l'on craint déjà et la belle-mère a tombé enceinte.

    9. En conséquence, le beau-fils a fait l'objet d'une sanction sociale qui est le kabaro.

    10. A son tour, il a riposté et raconte tout ce qui s'est réellement passé. Alors, la belle-mère a été aussi sanctionnée de la même manière parce que quelle que soit la circonstance (ici, les moustiques), on ne peut pas demander ou inviter son beau-fils à dormir dans son lit.

    41

    A la fin de l'histoire, une question a été posée : qui est le fautif ? Puis, le débat est ouvert à toutes les personnes présentes. En fait, ce korambe a été initié pour apprendre aux jeunes les limites de la relation qui devrait exister entre les beaux-parents et leur gendre.

    c) Le rasavölaña (discours)

    En ce qui concerne le rasavölaña, il s'agit d'un discours partagé entre le « mpirasavölaña » (celui qui est à l'origine du discours, qui prend la parole en premier et explique l'objet de la rencontre et/ou de sa prise de parole) et le « mpamaly rasavölaña» (celui qui, par son statut social, est généralement l'aîné, si la parole s'adresse à un groupe de personne ; ou celui à qui la parole est directement destinée). Le rasavölaña nous apprend la culture d'écoute. Au moment de l'intervention du mpirasavölaña, les autres personnes gardent le silence et écoutent attentivement ce qu'il raconte. Et, en répondant, le mpamaly rasavölaña, reformule à sa manière ce que le mpirasavölaña a dit pour faire preuve qu'ils ont non seulement bien écouté, mais aussi et surtout bien compris. Ne voit-on la une forme d'écoute active ? Mais à côté de cette question d'écoute, on observe également un silence qui encadre l'apprentissage de l'assistance à travers les proverbes utilisés pour ficeler le rasavölaña. Ce dernier, utilisé dès la naissance jusqu'à la mort des gens, tient une place importante dans l'éducation des enfants, des jeunes voire des adultes. Il s'agit d'une éducation pour tout âge et à tout endroit.

    d) Le jijy karazana (généalogies)

    Le jijy karazana se fait à tout grand rassemblement villageois et familial. Généralement, tout évènement ou cérémonie d'une grande importance est précédé d'un tsimandrimandry (une sorte de veillée culturelle, voire une soirée). Pendant la soirée où la plupart des jeunes s'amusent à faire du totorebika (danser), d'autres par contre, en particulier les garçons, en profitent pour s'amuser à draguer les jeunes

    42

    filles car les parents et les aînés sont tous préoccupés, soit par les préparatifs, soit par les boissons alcooliques. Notons qu'en betsimisaraka, tous les aînés doivent prendre un verre d'alcool.

    Par ailleurs, avoir une relation amoureuse avec un membre de la famille est strictement interdit au village betsimisaraka de Rantolava, même s'il s'agit d'une famille lointaine. Aussi à chaque regroupement, il faut laisser place à un jijy karazana, une sorte de présentation traditionnelle. Non seulement il permet aux uns et aux autres de se faire connaissance (surtout entre les membres de la même famille), mais aussi, par le biais du jijy karazana, les jeunes sont en mesure de catégoriser ceux qu'ils peuvent fréquenter ou non.

    II.2.2.2. Les genres poétiques : le jijy et le tökatoka

    Le jijy et le tökatöka développe la croissance intellectuelle, notamment pour les adolescents et les jeunes. Ils les utilisent souvent pour exprimer leur sentiment ou pour s'amuser. De plus, il se peut que des compétitions aient été organisées à cette occasion. A un moment donné, la déclaration d'amour et/ou l'intention de se séparer se fait de manière poétique. Ci-après est un exemple de tökatöka :

    Dialecte local Traduction libre

    « Kapelapelaka lökomaiñy
    tsara fohaniñy andro maiñy
    Anao kö disaka töndran-teña
    Mahazo mody anao amaraiñy
    »

    plats sont les poissons séchés,
    agréables à prendre au bon jour [quand
    il ne pleut pas]
    si tu es fatiguée de vivre ensemble
    tu pourras rentrer demain)

    43

    44

    II.2. 2.3.Les genres sapientiaux

    a) L'ankamantatra (les devinettes et contes-devinettes)

    L'ankamantatra appelé généralement, devinette (et dans certains cas, conte-devinette) est une tradition orale permettant le développement de l'intelligence, de l'observation et de la maîtrise de l'environnement et de la nature. Il invite les jeunes à prendre connaissance de tout ce qui se trouve autour d'eux. Il est toujours précédé d'une formulation de question : « Inona ary `zany ?» (Qui suis-je ?) :

    Dialecte local Traduction libre

    « kapaiñy, tsy hita fery » Coupé, sans laisser la moindre cicatrice

    ou plaie

    la réponse est l'eau, le vent ou encore le feu

    Ambony mahazo rano rempli d'eau de la haut [car en milieu

    rural betsimisaraka, on cherche toujours de l'eau dans les cours d'eau] la réponse est le cocotier

    b) L'öhabölaña (les proverbes)

    Selon le dictionnaire Larousse, il s'agit d'un court énoncé exprimant un conseil populaire, une vérité de bon sens ou une constatation empirique et qui est devenu d'usage commun. En ce qui nous concerne, la signification pourrait prendre un sens un peu plus particulier. Ce mot, appelé en pays betsimisaraka « öhabölaña » est composé de deux termes : « öhatra » qui veut dire « modèle », et « völaña » qui signifie «parole». Il s'agit alors d'un modèle de vie ou du fonctionnement d'un être vivant, exprimé de façon artistique pour être attirant, frappant et facile à retenir. Les öhabolaña sont donc «le fruit d'une juste observation de la quotidienneté de la vie

    qu'une parole bien tissée a su solidement ficeler 42». On pourrait ainsi dire que le proverbe exprime des maximes ancrées dans l'expérience.

    42 FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf

    45

    DEUXIEME PARTIE : RESULTATS ET INTERPRETATIONS

    46

    CHAPITRE III- LES PROVERBES : UN GENRE LITTERAIRE A VOCATION PEDAGOGIQUE POUR LES BETSIMISARAKA

    Ce chapitre mettra en évidence la place de l'oralité dans la vie quotidienne des Betsimisaraka avec l'exemple du village de Rantolava à l'appui. Et à cette occasion, nous expliquons également la fonction éducative des proverbes.

    III.1. L'art oratoire au quotidien

    Sur les enquêtés, seul un ménage a répondu de ne plus utiliser de proverbes. Pour justifier cette situation, notre interlocuteur avance qu'il n'est pas habitué à prononcer tel ou tel proverbe. De l'autre côté, 97,5% des ménages enquêtés affirment qu'ils utilisent toujours des proverbes dans leur vie quotidienne. Généralement, pour ces derniers, les proverbes sont utilisés pendant :

    - Les tsaboraha

    - Les mariages traditionnels,

    - Les travaux communautaires,

    - Les festivités culturelles,

    - La présentation de condoléances, la veillée mortuaire,

    - Les circoncisions,

    - Les périodes de conseil familial,

    - Les réunions de résolution de conflits, etc.

    Par ailleurs, même si les réponses tournent autour de plusieurs évènements, les proverbes sont généralement utilisés pendant la prise de parole telle que le rasavölaña. Ces évènements ne sont que des contextes justifiant le rassemblement villageois. En d'autres termes, les öhabölaña sont présents à chaque fois que les villageois se réunissent, quelle que soit la raison.

    47

    III.1.1. Au village de Rantolava : la maturité rime avec art oratoire

    La progression dans le parcours de la vie repose, entre autres, à l'aune de la maîtrise de la parole. D'abord, on relève le « silence apprentissage » de l'enfant et de l'adolescent à qui on demande d'écouter et de retenir ce qu'on leur dit. Viennent ensuite les timides prises de parole en public d'un jeune homme à l'occasion de don de boisson (rasavölan-toaka), à l'occasion d'un travail collectif (rasavölaña amin'asa fandriaka, rasavölaña amin-dampoño), à l'occasion d'une réunion villageoise (fandresan-teny an-kavoriaña).

    Le rasavölaña régit la vie de l'homme de la naissance à la mort. A la naissance, les membres de la société rendent visite à la famille du nouveau-né, à la fois pour honorer ce dernier et pour féliciter sa source, par le biais du rasavölaña. Généralement, le contenu du discours est deux ordres : d'une part, souhaiter le bonheur et le succès de l'enfant, et rappeler aux parents leur rôle dans le développement et l'épanouissement de celui-ci et, d'autre part, les rassurer qu'ils ne sont pas seuls dans cette tâche difficile, car l'enfant appartient également à la société. Devenu adulte, pendant les mariages traditionnels ou « orimbato » (contrat de mariage), tout commence par le rasavölaña. A la mort, le « rasavölam-paty » (discours de condoléances, funérailles...) trouve aussi sa place. Et, entre-temps, de nombreux évènements familiaux mettent en exergue cette place de la parole et de l'art oratoire dans la vie quotidienne.

    Sans nul doute, les rasavölaña présentent un cheminent éducatif dans tout parcours de vie en pays betsimisaraka. En un mot, l'art oratoire se transmet, au village de Rantolava, d'aîné à cadet, il se construit et s'affine avec l'âge.

    III.1.2. Les proverbes : pour mieux ficeler la parole

    Si la parole occupe une place importante dans la société betsimisaraka qui résiste jusqu'à nos jours, c'est parce qu'elle a sa particularité. Le vrai discours betsimisaraka, est prononcé d'une manière artistique. Un des facteurs rendant le rasavölaña artistique est l'utilisation des proverbes. Ainsi, par exemple, au lieu de dire que le travail est le garant de la survie, on fait allusion à un vieux maki : « antidahim-bariky ny fianaña : izay tsy mambokoño, tsy hömaña » (Ce qui ne saute pas, ne mange rien)43. L'un des objectifs visés est, d'une part, le renforcement de la capacité de mémorisation (retenir un bon nombre de proverbes) et, d'autre part, l'intelligence de la situation (savoir choisir le proverbe qu'il faut en fonction du contenu de son discours et de l'auditoire). Prononcer un discours n'est pas uniquement maîtriser son contenu, mais aussi la manière de le rendre attirant, facile à retenir pour être utilisé dans la vie quotidienne. Pour ce faire, les proverbes sont généralement sollicités.

    Nous avons reproduis ci-après les proverbes les plus utilisés par les familles enquêtées :

    Domaines d'utilisation Öhabolaña Traduction

    Relation cadet/aîné 1- Manan-jôky afak'olan-

    teny, manan-jandry afak'olan'entaña

    1- Ce qui a un aîné est déchargé de la parole, ce qui a un cadet est déchargé de bagages

    48

    43 Proverbe cité et traduit par FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes

    betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur :
    www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf

    2- Aza mañao felam-

    boapaza: miritika
    añambon'ny maventy

    3- Kakazo mandriandry: tsy vakian'ny varatra

    4- Aza mañano a baba, mahita biby atahöraña

    5- Aloha zôky, afara zandry

    2- Ne sois pas comme la fleur d'un papayer : les plus petites s'assoient au-dessus des plus grands

    3- La foudre ne tombe pas sur un arbre couché

    4- N'appelle pas « père », en voyant un animal effrayant

    5- Avant l'aîné, derrière le cadet

    Statut de la femme 1- Lañana feno rano :

    ankiniña tsy avela

    2- Tintely nanambady
    aomby: lahin-draha tsy mbö hely

    3- Lalahy tsy mitan-
    kapoaka

    1- Un bambou rempli d'eau: on le pose, mais on ne le laisse pas44

    2- Tel un miel qui s'est accouplé à une vache : un mal n'est jamais petit

    3- Le mari ne doit pas tenir la tasse à mesurer

    49

    44 Chez les Betsimisaraka, le bambou est un récipient d'eau. A chaque fois qu'on a besoin d'eau pour la cuisine ou pour la vaisselle, on prend le bambou plein d'eau.

    Solidarité et entraide 1- Aleo very tsikalakalam-böla, toy izay very tsikalakalam-pihavanaña

    2- Vary amin-drano: an-tanety miara-maiña, an-köraka miara leña.

    3- Izay mitambatra vato, izay misaraka fasika

    4- Mpirahalahy mandeha añaty ala: izaho tokiny, izy tokiko

    5- Kakazo tökana, tsy mbö ala

    6- Traño atsimo sy
    avaratra: izay tsy mahaleñy, hialöfaña

    7- Asan-dakana: tsy vita tsy hifanakönaña

    8- Akanga maro: tsy
    vakin'amboà

    1- Vaux mieux perdre son argent, plutôt que de perdre ses relations amicales

    2-

    50

    Riz et eau : sur terre, ils se sèchent ensemble, dans la rizière, ils se mouillent ensemble

    3- Ceux qui s'unissent forme une pierre, ceux qui se séparent deviennent sable

    4- Deux frères qui se promènent dans la forêt : je suis sa force, il est ma force

    5- Un arbre n'est pas la forêt

    6- Maison au Sud et au Nord : on se cache dans celle qui nous protège de la pluie

    7- La construction d'une pirogue ne se fait pas sans participation d'une équipe

    8- Un groupe de pintade n'est pas accessible à un chien

    51

    Nous pouvons constater que le village est riche en matière de proverbes relatifs à la relation entre aîné/ cadet, à la solidarité ainsi qu'à la cohésion sociale. Par contre, peu de proverbes ont été recensés concernant le statut de la femme.

    III.2. Société betsimisaraka : une école de la vie par les proverbes

    A travers les proverbes, nous pouvons apprendre le mode de fonctionnement de la société, la structure sociale, les attitudes et les comportements qui devraient être adoptés. Dans la présente section, nous présenterons le mode de fonctionnement de la société betsimisaraka, en particulier sur les formes des relations sociales qui existent entre ses membres. Ensuite, nous analyserons les priorités éducatives des Betsimisaraka.

    III.2.1. L'importance du statut social

    La société betsimisaraka est une société hiérarchisée. C'est une société qui accorde une importance majeure aux aînés et à toute personne de sexe masculin. Nous allons analyser successivement ces deux points évoqués.

    III.2.1.1. Relations cadets/aînés

    L'aîné, soulignent MERIOT et MANGALAZA, est censé avoir une longueur d'avance sur les choses de la vie par rapport à son cadet45. C'est la raison pour laquelle ce dernier lui doit respect, soumission et obéissance. « Tsy zana-gisa [zahay] ka hitarika ny reniny » (on n'est pas des oisons qui dirigent leur mère), soutiennent les Betsimisaraka. De plus, il faut faire preuve d'autant d'humilité que de soumission: « tsy angady [zahay] ka hilöha lela na filo hilöha rañitra » (on n'est pas

    45 MANGALAZA Eugène, MERIOT Christian, Anthropologie générale n°04 (Cours du premier semestre 2012-2013). Disponible sur : http://www.anthropomada.com/bibliotheque/Anthropologie-Generale-4.pdf , p.20

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    comme la bêche, précédée par sa langue ou de l'aiguille, par sa partie pointue). Ces proverbes sont des introductions qu'on entend et qu'on utilise souvent dans les discours traditionnels, tel que le rasavolaña. Consciemment ou inconsciemment, celui qui parle transmet une norme sociale à son auditeur, ce qui peut influer par la suite sur le comportement de ce dernier. A côté de cette obéissance soi-disant inconditionnelle, s'ajoute une exploitation apparente du cadet par l'aîné. MANGALAZA et MERIOT ont fait une analyse à ce propos lorsqu'ils ont développé la signification du proverbe : « Manan-jandry, afaka olan'entana ; manan-joky afaka olan-teny » (Qui a un cadet est déchargé des bagages et aîné, de la parole)46. C'est-à-dire que lorsqu'on est accompagné par un cadet, on est déchargé des bagages car c'est lui qui doit les porter. Et quand on est avec l'aîné, on est déchargé de la prise de parole car cela lui revient de droit.

    Au tant de questions que de réponses : quelle signification ? Pour quelles raisons? Au cours de ce travail, on tentera d'apporter quelques pistes de réponse à ces questions méritant sans aucun doute, de profondes réflexions.

    a) Une question d'affection et de protection

    D'une simple observation de l'extérieur, il semble difficile de parler d'affection, et encore moins de protection à travers de cette culture. Effectivement, on se référant aux différentes traditions, l'hésitation semble trouver sa raison d'être. Le plus remarquable de cette vision est le cas de construction d'une maison. Ainsi par exemple, lorsque le père est encore en vie, le fils ne pourra construire une maison qui est plus vaste et plus haute que celle de son père. Cette culture est apparemment strictement opposé à celle de l'Imerina47: « Adala izay toa an-drainy » (Anormal,

    46 Ibid., p. 21

    47 Une autre région de Madagascar qui se situe dans les hautes terres centrales. Le groupe de population qui y occupait fut les Merina.

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    celui qui ressemble à son père). L'idée est que l'enfant devrait faire mieux que son père, notamment dans la question économique que sociale.

    Quoi qu'il en soit, souvenons-nous d'une chose : « aucune culture (parce qu'elle est l'expression de l'humanisation du monde, tant sur le plan individuel que collectif) ne vaut pas plus qu'une autre 48». En fait, notre analyse tient compte de plusieurs aspects. Reprenons, par exemple, le cas des oisons qui se promènent en passant avant les oies, le risque est tout à fait présent. N'ayant que peu de connaissances sur le milieu où ils vivent, les oisons ne maîtrisent pas encore l'environnement, l'endroit à risque où se trouvent les animaux sauvages ou encore l'endroit idéal pour trouver de quoi à manger, les bösaka ou ankirendriñy. Il en est de même dans : « Tsy tsiatsiapiaña [zahay], hirômbaka öfaña » (lorsqu'on pêche avec de la canne à pêche, il est souvent constaté que seuls les petits poissons se pointent ; mais les anguilles et les gros poissons ne sont que rarement pris de cette manière). Les expériences de l'aîné par rapport à la vie obligent le cadet de se mettre dans une posture du « silence-apprentissage » comme l'ont signalé MERIOT et MANGALAZA.

    D'autres faits sociaux qui justifient cet esprit d'affection et de protection se manifestent lorsqu'un membre de la famille (généralement des enfants) quitte le foyer pour des raisons quelconques : travail, mariage, étude... Le chef de famille (père) donne le « tso-drano » ou le « fafy rano » (bénédiction) à l'intéressé en prononçant des expressions comme « irin'ôlo fö tsy hañiry ôlo » (inspiré par autrui, et non s'inspirer d'autrui), « ho mamy hoditra amin'ny fiarahamonina » (littéralement, avoir une « peau sucrée » dans la société, c'est-à-dire être admiré par l'ensemble de la

    48 MANGALAZA Eugène, MERIOT Christian, Anthropologie générale n°02 (Cours du premier semestre 2012-2013). Disponible sur http://www.anthropomada.com/bibliotheque/Anthropologie-Generale-2.pdf , p. 10

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    société). Dans ce concept, peut-on vraiment parler d'une exploitation et d'une soumission ?

    En fait, la désapprobation sociale a toujours été une honte pour la famille traditionnelle betsimisaraka. Il appartient alors au chef de famille (père) ou l'aîné (le cas échéant) de sauvegarder, de protéger l'honneur et le prestige familial. L'aîné ne peut agir qu'en fonction de la logique de la société : « Aza mañano karaha fary, lohany ndraiky matsatso » (Ne soit pas comme la canne à sucre, c'est la tête qui est la moins sucrée de toutes les parties). L'idée est la suivante : l'aîné devrait mener une vie exemplaire, avoir un comportement digne de son nom et ne devrait agir qu'en fonction de la norme acceptée par la société.

    b) Une question de soutien et de la solidarité familiale

    La question de protection va vers un double sens. Verticalement, entre les membres de la famille; et horizontalement, dans la famille elle-même car l'aîné est responsable vis-à-vis d'elle et des autres membres de la société. Face à cette importante responsabilité de l'aîné, le cadet pense avoir l'obligation de le soutenir. Il n'y a guère d'exploitation car l'aîné « ne devrait pas faire comme le moineau rouge : interdire aux autres de ne pas consommer d'une nourriture que lui-même n'arrive pas à se priver » : « Aza mañano fodilahimena, mandrara hômaña », disent les Betsimisaraka.

    Dans toutes ses actions et en fonction de ses expériences, l'aîné prend tous les moyens par rapport à son modèle du monde pour assurer le bien-être social et individuel de son cadet. La réciprocité implique que le cadet a l'obligation d'encourager et de soutenir l'aîné dans ses tâches difficiles. En fait, la soumission, si l'on peut l'appeler ainsi, n'est qu'une forme de participation du cadet au fonctionnement de la vie familiale. De toute façon, pour qu'il y ait vraiment une soumission, il faut qu'elle soit ressentie par l'intéressé. Or, dans la société

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    traditionnelle, les cadets ne sont pas gênés par ce système, du moins d'après notre propre hypothèse. C'est une manière de garantir l'harmonie au sein de la famille qui est d'ailleurs la première image de la société. Les sociétés durent, disait EVANS-PRITCHARD49, parce que leurs membres sont liés par une obligation morale. Et c'est dans ce sens que nous voyons l'image de cette relation.

    III.2.1.2 Le statut de la femme dans la société betsimisaraka

    Apparemment, les femmes de Rantolava ont toujours occupé une place moins importante que les hommes. Elles se chargent du ménage, de la cuisine et de l'éducation des enfants. Dans certains cas, elles n'ont pas droit de s'assoir à une chaise et elles ne peuvent pas s'installer dans certaines parties de la maison. En plus, bien que les filles fréquentent l'école comme les garçons, une fois revenues à la maison, elles sont appelées aux tâches ménagères, à la pratique des bonnes manières et du savoir-vivre, à apprendre les traditions, moeurs et coutumes pour qu'elles puissent devenir de bonnes épouses, capables de s'occuper de leur ménage respectif. « Viavy tsy mahay mandrary, tsy mahazo aomby » (une femme qui ne sait pas faire de la vannerie, n'obtient pas de boeufs) affirme-t-on. C'est ainsi qu'avant de demander la main d'une jeune fille, la famille du jeune garçon s'informe sur la capacité de la future mariée à s'occuper de cette tâche ménagère. Les boeufs ne sont là qu'à titre indicatif d'un cadeau offert lors du mariage. En général, les jeunes filles fréquentent l'école seulement jusqu'à ce qu'on les demande en mariage, même avant qu'elles soient majeures.

    Nous voulons maintenant insister sur la place et la considération de la femme dans la société traditionnelle betsimisaraka. « Akoho vavy mañeno » (« une poule qui chante », car en principe c'est le coq qui chante). Ce proverbe montre que

    49 Cité par MANGALAZA Eugène, MERIOT Christian, Anthropologie générale n°03 (Cours du

    premier semestre 2012-2013). Disponible sur http://www.anthropomada.com/
    bibliotheque/Anthropologie-Generale-3.pdf
    , p.23

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    ce n'est pas la place des femmes de prendre la parole en public. Il leur est en effet interdit de prendre la parole en public, de prendre de décisions ou d'exprimer leur mécontentement. Certains hommes vont loin pour expliquer cette situation de la femme. Ils expliquent que les femmes sont d'une faible capacité intellectuelle par rapport à celle des hommes, qu'elles sont incapables de réfléchir sur un sujet d'une importance majeure, qu'elles sont faciles à influencer et qu'elles pourraient changer d'avis du jour au lendemain. Alors, en tant que chef de famille, les hommes pensent que la parole et les décisions leur reviennent de droit.

    Cependant, on peut le voir sous un autre angle comme l'a bien évoqué M. MORA Richard50. Physiquement, les femmes étaient anciennement considérées comme plus faibles que les hommes. Par contre, la société était déjà consciente qu'elles constituent le pilier de la famille. Chez les Betsimisaraka, « Lalahy, tsy mitan-kapoaka » (l'homme ne garde pas la tasse à mesurer). Cela prouve la confiance absolue du mari à l'égard de son épouse, namaña 51. En fait, ce proverbe veut dire tout simplement que la gestion du quotidien (riz blanc) et les ressources familiales relèvent de la compétence exclusive de la femme. Elle est logiquement la personne qui s'occupe du ménage et bien évidemment tout ce qui concerne la cuisine.

    C'est surtout parce que la femme est dans la cuisine qu'elle est souvent privée de parole. Lorsqu'il y a de la visite, les membres de la famille répartissent les tâches : les uns s'occupent des visiteurs, en discutant avec eux, en écoutant l'objet de leur visite ; tandis que les autres préparent ce qu'on a à offrir ou à présenter (café, repas ou autres). Si la femme est privée de la parole, c'est parce qu'elle avait d'autres occupations importantes, tout comme les hommes. Seulement ses occupations ne demandaient pas d'effort physique énorme. Par contre, la garantie de la réussite

    50 MORA Richard, ancien Sénateur de Madagascar. Il nous a accordé un entretien dans son atelier, sis à Maroantsetra (Betsimisaraka nord), en date du 12 mai 2014.

    51 « Namaña » (Littéralement, signifie compagnie, ami, équipier ...) : chez les Betsimisaraka, on utilise le mot « mpinamaña » pour dire « mpivady » (les mariés) dans certaines régions de Madagascar.

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    familiale est entre ses mains, par le biais de l'éducation qu'elle accorde aux enfants. Par ailleurs, on peut dire que cette situation est toujours liée à la force physique de la femme. Il se peut que, lors de la discussion ou au moment de la prise de décision, il y ait certaines personnes mécontentes qui pourraient se révolter et ou se manifester, voire provoquer par la suite un affrontement. Donc, on veut éviter cet affrontement aux femmes car elles ne disposent pas de force pour y faire face.

    III.2.2. Les priorités de l'éducation

    A l'unanimité, toutes les familles faisant objet de notre enquête affirment que l'éducation des enfants relève de la mère de famille. Mais, en réalité, cette éducation est une affaire de tous les membres de la société qui sont en position d'aîné. Cependant, il n'y a pas vraiment une conception réelle de l'éducation. Questionnés sur les questions relatives aux domaines de croissance qu'ils développent chez les enfants, nos interlocuteurs répondent de manières différentes.

    Plus de 80% des personnes interviewées parlent d'une éducation à la vie et à la morale comme priorité. Nous entendons ici par éducation morale, toute forme d'apprentissage permettant à l'individu de pouvoir se comporter conformément à ce que la société considère comme étant juste et qu'en même temps l'individu lui-même soit capable de faire un auto-jugement. Cette éducation morale concerne principalement le savoir-être et le savoir-vivre, c'est-à-dire l'adoption d'un comportement semblable aux autres membres de la société (les parents, les aînés, etc.). L'éducation à la vie, quant à elle, vise à préparer l'individu à être capable de prendre en main sa propre vie. C'est ainsi que les jeunes garçons sont appelés à suivre les traces de leur père ou de leur oncle. Après l'école ou pendant les vacances, ils travaillent la terre ou pratiquent de la pêche. Les filles aident leur mère à faire les tâches ménagères.

    58

    III.2.2.1. L'obéissance

    Dans la société betsimisaraka, l'obéissance vis-à-vis de l'aîné est une des premières priorités de l'éducation. Cette obéissance constitue le garant de l'harmonisation de la vie sociétale. Revenons-nous sur le proverbe concernant les oisons cité plus haut. A l'image de ce proverbe, les parents, sont aux yeux des Betsimisaraka, des personnes capables de gérer et de subvenir aux besoins de leur famille, de leurs enfants. Ils servent également de repères pour le futur foyer de leurs descendants.

    En plus, la société rurale et traditionnelle betsimisaraka est obligée de vivre avec cette forme de discipline fondée sur l'obéissance. Lors d'un entretien avec les Tangalamena du village, la raison de cette obéissance est bien résumée par un proverbe : « Atody tsy miady amim-bato » (un oeuf n'affronte jamais une pierre).

    III.2.2.2. La socialisation et l'éducation au travail a) La socialisation et l'entraide

    L'éducation des enfants vers la socialisation et l'entraide est une préoccupation permanente des Betsimisaraka. « Mandehandeha mahita raha, midôko an-draño mahita jôfo » (se promener permet d'observer des choses, le fait de rester chez soi ne permet d'observer que du cendre) disent-ils à ce propos. Et, ils continuent avec « Aza variaña mampandihy vavitsy foaña fö, mbö mizahava raha fanoin'ôloño » (ne vous contentez pas de faire danser vos jambes, mais regardez ce que les autres font). Ce qui signifie que l'essentiel n'est pas la promenade. En invitant les jeunes à sortir de chez eux, les Betsimisaraka pensent que l'apprentissage ne se limite pas au sein de la famille. Cet horizon familial est nettement insuffisant pour l'épanouissement de l'individu. Pour que l'individu se développe, il a besoin de se

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    familiariser à l'ensemble du monde. Et, ce n'est que par cette ouverture qu'il pourra comprendre le fonctionnement de la société dans son ensemble.

    Mais, puisque l'observation peut être participante ou non, elle ne se limite pas au fait de « regarder », elle implique également la participation effective dans les différentes activités.

    La socialisation et l'entraide se présentent sous plusieurs formes. Ainsi par exemple, si un membre du village est décédé, tous les membres du village se mobilisent pour rendre hommage à la famille du défunt parce que : « raha mahavoa fe, mety mahavoa valahaña » (ce qui touche la cuisse, pourra toucher le sexe). Les jeunes sont aussi mobilisés. Ici, l'objectif pédagogique est double. D'abord, inculquer cette idée d'assistance à l'égard des personnes en difficulté car rien n'est plus douloureux que de perdre un membre de la famille. Ensuite, pour qu'ils observent le comportement des gens dans ce genre de situation (les rites, les différentes sortes de discours...).

    La culture et les méfaits de l'argent ne sont introduits au village que très tardivement. Auparavant, les habitants n'ont pas besoin de payer de la main d'oeuvre pour labourer leur terre ou encore pour construire leur maison. « Aleo very tsikalakalam-bola, tsy izay very tsikalakalam-pihavanana » (vaut mieux perdre de l'argent que de perdre ses relations amicales). On parlait généralement du « lampoña », « tambirô » et « fandriaka ».

    - Le fandriàka ou mifampila tànana : c'est une sorte de travail tournant entre les membres de la société. Les membres du village s'organisent et fixent le calendrier pour effectuer le travail de chaque membre. Il appartient à la famille faisant objet du travail communautaire d'offrir des boissons, principalement des boissons alcooliques à titre de participation et de

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    remerciements. Ces boissons sont offertes pendant le travail. Et, si la durée du travail prend une journée et plus, elle se chargera également du repas de midi.

    - Le tambirô : à la différence du fandriaka, ce terme est composé de deux mots : « tamby » qui signifie « contrepartie » et « » qui veut dire « bouillon ». Littéralement, le tambirô désigne un travail communautaire contre du bouillon (viande de zébus). Alors, le tambirô n'est pas forcément systématique pour tous les membres. La famille qui fait appel à un tambirô ne dispose pas d'un libre choix sur le menu à présenter à ceux qui manifestent à son appel.

    - Le lampoña : à la différence du tambirô, le lampoña est un travail contre boisson alcoolique.

    A travers de ces différents types de travail communautaire, les jeunes apprennent non seulement à aider leurs voisins, mais ils apprennent également à travailler pour leur propre intérêt.

    b) Adaptation et socialisation

    En ce qui concerne la question de l'adaptation, « trandraka an-tanimena, vôlon-tany arahiñy » (tel un tanrec sous un sol rouge, devrait-il prendre la couleur de celle-ci), le proverbe affirme l'intérêt de l'adaptation pour l'inclusion sociale. Puisque l'inadaptation est une exclusion de la société, « l'homme est contraint de s'accommoder aux réalités52». C'est pour dire que la capacité d'adaptation est une des bases de la socialisation. Chez les Betsimisaraka, cette question d'adaptation inculquée aux jeunes se présente sous plusieurs aspects : humilité, compréhension et respect des autres, de leur valeur, de leur culture, de leur état, de leur situation...

    52 CHARRIER Jean-Paul (1968). L'inconscient et la psychanalyse. P.U.F 108, Paris.

    « Taölan-tsomanga nahaföla-nify, raha hitàn'ôloño aza famaraña »

    (Tige de patate ayant coupé la dent, ne contredit pas ce que les autres ont vu).

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    Ce proverbe signifie que chaque individu vit ses propres expériences, qu'il a son vécu personnel. Cela n'est pas forcément semblable à ce que vivent les autres, alors que ceux-ci influent certainement sur sa manière d'agir, de réfléchir, et de vivre. Il est donc préférable de ne pas contredire les propos d'autrui, de porter un pré-jugement, et, indépendamment des raisons évoquées, cette attitude permet d'harmoniser la communication.

    Toujours dans les mêmes objectifs pédagogiques, mais avec un autre

    concept :

    « Vero tingenam-pody, tsy fölaka fö (Citronnelle à laquelle s'accroche un

    milefitra » moineau, ce n'est pas de la fracture mais

    de la souplesse)

    « Lalitra kö mahöla, vày taköfaña » (Si les mouches sont folles, Il faut couvrir

    la plaie)53

    Ces proverbes visent à développer chez les enfants du pays, un esprit et comportement souple, simple, et ce, pour éviter des confrontations inutiles pouvant nuire aux relations sociales car « Faharetaña vidin'ny fitiavaña, meky ti- hisaraka mamboly antsa » (La patience est l'épouse de l'amitié, qui veut se séparer intente des alibis)54.

    53 Traduction de FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf

    54 Ibid.

    62

    c) L'éducation au travail

    Pour commencer ce paragraphe, nous reproduisons ici, un des proverbes relatifs à la relation cadet/aîné : « Manan-jandry, afaka olan'entana ; manan-joky afaka olan-teny » (Qui a un cadet est déchargé des bagages et aîné, de la parole). L'explication de proverbe est vraiment multiple. Nous essayons de proposer quelques interprétations qui sont toutes liées à la force physique de l'individu. La première explication se rapporte au développement physique de l'enfant, ici considéré comme le cadet. La force physique de l'enfant a besoin d'être entraînée à des différentes tâches que la vie lui réserve. Notons que nous sommes dans une société où les activités principales sont l'agriculture et la pêche. Ces activités nécessitent l'utilisation de l'énergie physique. Alors, le fait de toujours demander au cadet de porter des bagages signifie qu'il est nécessaire de préparer son corps au travail.

    L'autre explication, quant à elle, est liée à l'état physique des parents. Plus on vieillit, plus on devient fragile. Alors, dans ce sens, on parle plutôt d'une éducation au respect vis-à-vis des personnes âgées.

    Mais, on parlant de cette éducation au travail, nous ne pouvons pas passer sous silence cette expression souvent utilisée par les adultes betsimisaraka: « aza mitantara angano andro atoandro fö, mahavery » (ne raconte jamais un conte pendant journée, il risque de vous faire perdre dans la nature). Cette expression éducative explique bel et bien l'importance de la journée de travail dans la société betsimisaraka. Nous sommes conscient que cette expression n'est pas si claire en elle-même. Un autre message est transmis à travers d'elle : si vous perdez votre temps à raconter des contes, il se peut que vous laissiez à côté votre tâche la plus importante. Et, si l'enfant continue à prendre à la légère cette recommandation, il risquera de ne pas pouvoir faire grande chose dans la journée.

    63

    Nous reprenons également quelques proverbes de l'article de Fulgence FANONY55, mettant en exergue cette volonté d'éduquer les enfants betsimisaraka à la culture du travail :

    Dialecte local Traduction libre

    Antidahim- bariky ny fiaiñaña:
    izay tsy mambokiñy tsy hömaña .

    Toto varim-Bazimba:
    izay tsy mañaño tsy hômaña.

    Vieux maki: celui qui ne sait pas sauter ne mange rien.

    Pilonnage de riz de Vazimba (Premiers habitants de Madagascar), ceux qui ne font rien ne mangent pas.

    Akôho be holy tsy be fe. Les poules paresseuses n'ont jamais

    grosses cuisses.

    Le point commun de ces proverbes est de faire apprendre que chacun est responsable de son propre développement. A ces proverbes cités par FANONY s'ajoute un autre : « tafôn'ny am-pamindro : tsy araka ny mpalaka kitaiñy » (le désir de celui qui veut se chauffer ne peut être satisfait par le chercheur de bois de chauffage). En d'autres termes, nous ne pouvons être mieux servis que par soi-même. Chacun est responsable de sa survie, de son épanouissement en matière économique. Si vous êtes paresseux, vous mourrez de la faim ; tel est le fond du message.

    Mais, là aussi, cet apprentissage du travail s'effectue selon la division sexuelle. L'oeuvre de RAVOLOLOMANGA Bodo56 est très claire à ce sujet : « Au contact du père, le garçon se familiarise avec l'outil et la technique, comme avec la

    55 FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf .

    56 RAVOLOLOMANGA Bodo, Education, famille et société : cas de l'enfant Tanala. Taloha n°12, Archéologie des Hautes Terres, Paris, 1994.

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    coutume et le savoir-faire. Il apprend ainsi comment manipuler une hache, une bêche, une scie ou un coupe-coupe. Comme son père, il participe à peine aux travaux domestiques et passe la plupart de son temps dans les champs, se charge des occupations nécessitant un effort. La fille de son côté fait l'apprentissage des corvées de la maison au contact de sa mère ou de ses grands-mères et ses mères classificatoires57. Les travaux féminins auxquels elle s'initie la lient étroitement au village et ses environs immédiats ».

    d) Quelques dérives et certaines limites de la solidarité betsimisaraka

    De nombreuses questions se posent également en matière de la solidarité betsimisaraka. Revenons sur le cas de « Drakidraky mamàna atodim-boay, manambitamby rano androaña » (Une canne couvant des oeufs de caïman, c'est pour se procurer de l'eau pour baigner). Est-il question d'inculquer un esprit de méfiance permanente ou d'une relation d'intérêt ? La réponse est vraiment très complexe : la méfiance, si elle existe se range avec le jugement du public, alors que l'intérêt se trouve du côté de l'acteur lui-même. A chaque action de l'individu, la société essaie d'imaginer sa face cachée. Quelle est vraiment son intention ? Où est-ce qu'il veut en venir ? N'y a-t-il pas d'un piège ? Ce sont, entre autres, les questions que posent certains membres de la société. En fait, comment pouvons-nous de ne pas y penser lorsque nous entendons un proverbe comme :

    «Antimaroa tsy ary
    indraiky mamy lela : izy
    koa mamy lela, hindraña

    (Les habitants de Maroa [diminutif de Maroantsetra, une ville au Sud d'Antalaha dans la baie d'Antongil] n'ont jamais la « langue douce », s'ils en usent, c'est

    57 A Madagascar, toutes les femmes âgées sont considérées comme des mères. Les mères classificatoires sont l'ensemble de ces catégories de femmes.

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    hiasa » certainement pour demander de l'aide) 58

    Pour comprendre l'ampleur du problème, il faudrait remonter au XVIIIè siècle, période pendant laquelle s'est formée la confédération betsimisaraka, voire la « naissance » même du terme par l'initiative du Filohabe (grand-chef) Ratsimilaho Ramaromanompo. En analysant l'histoire de cette population, le lien est loin d'être naturel : il est d'ordre conjoncturel et contextuel. C'est d'ailleurs dans cet angle que nous posons la question : s'agit-il du « benatrötro » (nombreux qui se sont réunis) ou « betsimisaraka » (nombreux unis à jamais)? La première idée pose que l'unification de la population ou de l'ethnie betsimisaraka (si on peut l'appeler ainsi) a été d'ordre politique plutôt que social ; c'est le système et la volonté politique du dirigeant de l'époque qui la fait naître. Tandis que la seconde se rapproche du naturel qui pouvait être lié aux origines ou aux conditions géographiques (« union par contrainte ») telles que les petites îles, comme celle de Sainte Marie...

    III.2.2.3. La préparation à la vie sexuelle et conjugale

    Même si les proverbes relatifs à la préparation à la vie conjugale n'ont pas été vraiment évoqués lors de nos enquêtes auprès des ménages, l'entretien auprès des cibles particulières tels que les notables de la région nous a permis de connaître suffisamment de proverbes pour justifier que ce thème figure parmi les objectifs de l'éducation en terre betsimisaraka.

    Nous citons ici alors quelques proverbes cité par LAVA Jean-Claude, un enseignant de Malagasy retraité :

    58 FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf

    66

    - Anti-bavy nahölan-jafy : izy koa tsy
    hamono, tongava maheky
    - Sidilahy tratra nandry amin-jènany : tsy
    hampisaraka ny zama-jaza

    - Une vieille dame violée par son petit-fils: si cela ne tue pas, reviens souvent - Un neveu trouvé en couchant avec sa

    tante : ne sera jamais un facteur de

    divorce par son oncle

    A travers de ces proverbes, la société transmet à ses membres, en particulier aux jeunes garçons, des réflexions sur la question relative à la vie sexuelle, d'une part, mais aussi, sur la préparation à la vie conjugale, d'autre part. De la première observation, ces proverbes autorisent les jeunes garçons à entamer des relations sexuelles avec les femmes. Seulement, pour ce faire, ils doivent respecter certaines limites. Ainsi par exemple, en se référant au premier proverbe évoqué, le message est tout à fait clair. Oui, un jeune garçon a le droit d'avoir une relation sexuelle et de sortir avec une jeune fille de son goût, mais surtout, il ne faut pas la détruire. Vous n'avez pas droit de l'en abuser que si vous êtes prêts de la demander en mariage. Ici, le mot « tuer » ne signifie pas strictement « ôter la vie », mais ruiner et détruire l'avenir de quelqu'un. Devenir une mère célibataire est une honte pour la famille betsimisaraka. En plus, cette femme risque de ne pas trouver de mari tout au long de sa vie car, en principe, aucun homme ne veut s'occuper d'un « zana-bady » ou encore d'un « zana-drafy » (littéralement : « enfant de l'épouse » ou « enfant d'un rival »).

    Dans la vie quotidienne, cette volonté éducative se manifeste par la pratique de certaines formes de plaisanterie entre les membres de la famille. Les plus remarquables sont celles qui existent entre oncles et nièces, oncles et neveux ou neveux et tantes, ainsi que celle qui existe entre le grand-père et ses petits-enfants. Dès son enfance, la fille est habitué à être appelée par son oncle comme étant « madamo », c'est-à-dire « épouse ». Sur le même principe, c'est ce qui se présente également entre la tante et son petit neveu. La tante l'appelle « ramose » qui signifie « mari ». C'est surtout dans ce sens que le deuxième öhabölaña intervient. La tante et

    67

    son petit neveu sont considérés (selon la plaisanterie des betsimisaraka) comme étant un couple (mari et femme). C'est pourquoi on dit que lorsque le petit neveu se couche avec sa tante, il s'agit d'une situation normale. Son oncle ne devrait pas se fâcher.

    De la même manière, mais avec un objectif différent, il se peut que le grand-père et l'oncle appelle respectivement leurs petit-fils ou leurs neveux comme étant de « beaux-frères ». Et, c'est le sens véhiculé par le second proverbe. Si on veut aller un peu plus loin, cette appellation signifie que le garçon est le mari de sa mère. Autrement dit, dès son enfance, il doit prendre soin de sa mère en tant que l'homme de la maison. A l'absence de son père, il n'est pas considéré comme étant un enfant, mais un homme de la famille. Comme ce qui se présente avec les jeunes filles, ces différentes formes de plaisanteries préparent psychologiquement les jeunes betsimisaraka, à prendre leur responsabilité conjugale ou familiale, une fois devenus adultes.

    68

    CHAPITRE IV - APPROCHES PEDAGOGIQUES D'UNE ECOLE SANS
    MURS EN PAYS BETSIMISARAKA

    IV.1. Une pédagogie de deux ordres

    L'approche pédagogique de l'école sans murs au village betsimisaraka se distingue à celle de l'école de type occidental. Les proverbes présentent deux catégories d'approches : les proverbes à pédagogie directe et les proverbes à pédagogie indirecte.

    IV.1.1.Les proverbes a « pédagogie directe »

    Les proverbes sous formes d'interdiction à forte valeur métaphorique se présentent comme un « impératif catégorique ». Ici, le sujet est pris de force, sans lui laisser la moindre alternative dans le comportement à prendre. Il est pris en laisse, sans la possibilité de bifurquer par ici ou par là. Les proverbes s'énoncent comme un ordre à suivre impérativement (d'où le terme d'« impératif catégorique »). Quelques exemples de proverbes de cette catégorie : « Aza mañano karaha fary » (ne sois pas comme la canne à sucre); « Aza mañano fôdilahy mena » (ne sois pas comme le moineau rouge). Ces proverbes commencent toujours par une formule de mise en garde « Aza » (ne ... pas) et couvrent tous les domaines de la vie. Mais à regarder de près, derrière cet « impératif catégorique », il y a tout de même une explication pour essayer de convaincre le sujet à suivre à la lettre la recommandation. Autrement dit, on demande au sujet de tirer lui-même la conclusion qui s'impose. La démarche pédagogique consiste ici à inciter progressivement le sujet à trouver la conclusion à partir d'une prémisse. En reprenant les deux exemples de proverbe cités plus haut, on peut remarquer que le sujet à qui on dit ces proverbes doit arriver à une conclusion qui va effectivement le convaincre de suivre scrupuleusement la recommandation qu'on lui fait. Formulés dans leur intégralité, ces trois proverbes à « pédagogie directe » se présentent respectivement ainsi : « Aza mañano fary : lohany indraiky

    69

    matsatso » (ne sois pas comme la canne à sucre : la tête est la moins sucrée) ; « Aza mañano fôdilahy mena : mandrara hömaña » (ne sois pas comme le moineau rouge : interdit, mais consomme quand même). Il serait intéressant d'observer et de décrire comment les aînés opèrent pour enseigner et faire passer leur message proverbial à leurs cadets.

    Grace à l'exemple de ces deux proverbes, nous pouvons déduire que, pour la population betsimisaraka, l'éducation commence par un témoignage de vie. L'éducateur n'est pas uniquement celui qui dicte ce qu'il faut faire, mais par ses actions, il se montre comme modèle à suivre par son cadet. En termes d'approches, ces proverbes à pédagogie directe s'adressent généralement aux enfants et aux jeunes considérés encore immatures. L'éducation, étant un instrument de transmission et de la conservation de la culture du groupe,59 ne devrait pas être conçue comme une simple recommandation, elle doit être pratiquée quotidiennement.

    IV.1.2. Les proverbes à « pédagogie indirecte »

    Non seulement les proverbes de la catégorie de la pédagogie indirecte sont métaphoriques, mais aussi ils sont « ouverts », laissant ainsi libre cours à la recherche et à la méditation du sujet. Ici, ce dernier n'est plus considéré en tant que gamin à qui il est nécessaire de dicter précisément ce qu'il doit faire ou ne doit pas faire. Car on pense qu'un gamin n'est pas assez mature pour prendre de son propre chef telle ou telle bonne orientation sur le chemin de la vie. Le gamin a donc besoin d'être guidé de près, d'être directement et solidement pris en main.

    Il en est tout autrement avec un adulte qui est déjà parvenu à la pleine maturité. Etre adulte, c'est avoir la pleine possession de toutes ses facultés de

    59 PAUVERT J. C. Facteurs sociologiques de la planification de l'éducation. In: Tiers-Monde. 1960, tome 1 n°1-2. pp. 135-144

    70

    discernement, c'est avoir l'intelligence des situations. Les proverbes à « pédagogie indirecte » s'adressent plus particulièrement à l'adulte qui, normalement, doit être plein de bon sens. Et comme l'a si bien dit Descartes, « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». Autrement dit, tout être humain mature, sain de corps et d'esprit doit être en mesure de comprendre les proverbes à « pédagogie indirecte » où il est question de sens de l'observation de la nature et des hommes, d'interprétation symbolique, de raisonnement déductif, de faculté intuitive. Ce sont des proverbes qui relèvent du bon sens.

    Voici quelques exemples donnés par FANONY Fulgence60 de proverbe à « pédagogie indirecte » :

    · « Milomaño miôriky : mankatahi-drano » (nager à contre-courant : rendre le fleuve plus large) : tout homme sain d'esprit sait que nager à contre-courant nécessite plus d'effort qu'en se laissant emporter par le courant. En nageant à contre-courant, il est évident qu'il faut redoubler d'effort pour traverser le fleuve à la nage.

    · « Lalaña an-tsavoko: tsy hain'ny tsy zana-tany » (Chemin des bois jeunes: inconnu à ceux qui ne connaisent pas le pays, aux novices): C'est un proverbe qui prône la prudence dans toutes les activités de la vie, en conseillant au sujet de ne jamais prendre des risques inutiles. L'excès de zèle peut vous jouer, en effet, de mauvais tours. C'est également un proverbe qui valorise les savoirs d'expérience et dans ce sens, il ne faut jamais minimiser son adversaire.

    · « Lalitry koa lefaka, fery taköfaña » (si les mouches sont folles, il faut couvrir la plaie): C'est un proverbe qui conseille la sérénité pour ne pas se laisser

    60 FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf

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    entraîner idiotement par des provocations de l'adversaire. Ne pas répondre à ces provocations est une autre provocation, mais il faut y opposer la « force tranquille » qui finit toujours par dérouter l'adversaire. Autrement dit, la stratégie de la non-violence est payante, si on sait s'y prendre avec intelligence et persévérance plutôt que par la force brute. Autrement dit, ne faut jamais s'enfermer dans un aveuglement caractérisé. Avoir compris cela est déjà un signe de maturité, nous dit le proverbe. Par ailleurs, dans ce proverbe on trouve également en filigrane toute une leçon de tolérance. Ce proverbe s'inscrit dans la logique de l'apaisement en cas de conflit interpersonnel ou à dimension collective.

    · « Zanak'amaloño an-taboa-drano: hainy ny môriky, tsy atoro azy ny mivalaña; fomban'ny mitôvo lava leha » (une civelle dans une lagune : elle sait nager à contre-courant, on ne lui apprend pas comment laisser s'emporter par le courant ; il n'est pas étonnant d'entendre un célibataire toujours utiliser sa langue61). Ce proverbe est formulé sous forme d'un syllogisme. Il est composé d'une majeure : « Zanak'amaloño an-taboa-drano », d'une mineure : « hainy ny môriky, tsy atoro azy ny mivalaña » et d'une conclusion : « fomban'ny mitôvo lava leha ». Ce proverbe insiste sur le côté négatif du célibat en incitant tout jeune homme et toute jeune fille en âge de se marier de fonder un foyer. Car en étant célibataire, à la manière d'un DON JUAN, on se condamne à une errance amoureuse sans fin. Cet autre proverbe va dans le même sens : « Tasaratsara, tsy lany » (jolie, ne s'épuisera). Indirectement, ce proverbe conseille au jeune homme ou à la jeune fille en âge de se marier de prendre leur responsabilité dans la consolidation collective du lien social par le choix définitif et irrévocable d'un conjoint ou d'une conjointe.

    61 FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf

    72

    Il est clair alors qu'être adulte ne signifie pas être « parfait ». Cependant, s'il est possible de corriger directement les délits d'un enfant, la situation est différente lorsqu'il s'agit de corriger l'erreur commise par un adulte. La correction et le conseil à donner aux adultes ne devraient remettre en cause sa position et son statut d'exemple au niveau de sa famille comme au niveau de la société. Ayant une forte expérience de la vie et une certaine maîtrise de son environnement, l'adulte est en mesure d'en déduire une conclusion à partir de tout proverbe qui est normalement formulé à partir des observations de l'environnement.

    IV.2.Les proverbes au quotidien en pays betsimisaraka

    Les proverbes donnent également tonalité et couleur à la vie communautaire. Non seulement ils consolident le sentiment d'appartenance à une même culture, à un même terroir, mais ils servent également de repères dans le parcours de vie de tout un chacun (car ici il faut apprendre à tout âge). Les proverbes dans leur étonnante variété s'adressent à toutes les classes d'âge, à toutes les classes sociales : tout le monde peut se ressourcer intellectuellement dans les proverbes pour mieux rebondir dans la vie.

    IV.2.1. Pour une pédagogie de l'image

    Il est question maintenant de montrer la place des images dans les proverbes betsimisaraka. Nous avons affaire ici à la « pédagogie du regard » (apprendre à regarder le monde). Certains proverbes nécessitent une réflexion à partir d'images. Le résultat de cette réflexion ou de cette étude, qui peut être également une simple observation de la vie quotidienne, devient une norme, un exemple ou un modèle de vie à appliquer ou à éviter.

    73

    Voici quelques proverbes reliés pédagogie de l'image, tirés de l'article de FANONY Fulgence :

    - « Kakazo mandriandry, tsy latsaham-baratra » (la foudre ne tombe pas sur un arbre couché). Il s'agit d'une allusion faite à une personne pacifique qui ne veut faire éclater la guerre avec qui que ce soit. En restant pacifique, tranquille, calme et silencieux, on ne risquera pas de rendre les autres furieux. Ainsi, on est à l'abri de tout conflit social.

    - « Vato fisaka an-tany tsy mivaringariñy, ôlo-mariñy mantom-pô » (pierre plate enfouie garde son équilibre, le juste a le coeur serein). Allusion à la paix de la conscience. Il s'agit aussi d'un proverbe qui parle d'une personne de confiance, qui respecte sa parole et son engagement. Si on dit qu'un individu est comme un « vato fisaka an-tany », c'est parce qu'on pourra lui faire confiance.

    IV.2.2. Sur les voies des savoirs d'expérience et de la sagesse

    Dans cette analyse, nous sommes convaincu que les savoirs d'expérience et la sagesse se rejoignent dans la vision du monde de la communauté villageoise de Rantolava. Ces savoirs d'expérience s'acquièrent tout au long de la vie et à chaque occasion de notre quotidien. Les proverbes sont comme une sorte de « livre ouvert » qui veut se mettre à la portée de l'ensemble de la communauté villageoise (dont Rantolava), tout âge confondu et toute classe sociale confondues. Les proverbes ne sont pas là uniquement dans la dimension d'une joute oratoire, mais ils sont également dans leur dimension pédagogique et de recherche.

    Les pratiques proverbiales sont presque les mêmes dans l'ensemble du territoire betsimisaraka, Rantolava que dans d'autres villages. Et, il est étonnant de constater que l'expérience de la population se rejoint sur une même finalité pédagogique. Nous relevons la présence d'une sorte de standardisation de normes à

    74

    inculquer aux enfants ainsi qu'à l'ensemble des membres de la société. Par le biais des proverbes, on peut arriver à certaines conclusions sur les pratiques quotidiennes. En plus, à travers des proverbes, nous pouvons faire de recherches aussi bien dans le domaine éducatif, social ou encore organisationnel, etc.

    75

    TROISIEME PARTIE : DISCUSSIONS ET PERSPECTIVES

    « Il est vain de vouloir élever l'enfant pour lui-même, comme s'il pouvait échapper
    aux nécessités sociales qui l'enserreront de toutes parts ; il n'est pas possible de
    fermer les yeux à tout ce que la société humaine dans son ensemble, et chaque
    collectivité nationale en particulier, ont élaboré de biens précieux, matériels,
    intellectuels, artistiques, moraux
    ».

    Leif, Rustin (1970). Philosophie de l'éducation, p.132

    76

    CHAPITRE V - LA PLACE DES TRADITIONS ORALES ET DES VALEURS MALAGASY DANS LE PROGRAMME SCOLAIRE

    Même si on observe qu'au village de Rantolava, voire dans l'ensemble des villages betsimisaraka, les proverbes tiennent encore une place non négligeable, nous ne pouvons cependant de ne signaler au passage la dégradation de cette tradition orale. L'utilisation de ces proverbes émane généralement des aînés issus des générations précédentes. La plupart des jeunes commencent à ne pas se préoccuper, non seulement des proverbes, mais aussi de l'ensemble des traditions orales.

    Cette situation nous amène à analyser la raison de cette dévalorisation de la culture traditionnelle betsimisaraka. La première idée qui nous arrive à l'esprit c'est de prendre connaissance des programmes scolaires et de vérifier si la valorisation et l'étude des traditions ainsi que les valeurs traditionnelles malagasy figurent ou non parmi les préoccupations du système éducatif formel.

    La société étudiée qu'est la société betsimisaraka ne dispose pas encore d'un établissement d'enseignement supérieur, autre que les instituts de formation professionnelle. Et, le village de Rantolava, notre site d'exemple, ne dispose que d'établissements pour l'enseignement primaire. C'est la raison pour laquelle nous avons limité notre analyse documentaire par aux programmes de l'enseignement secondaire (lycée et collège) et de base (primaire).

    V.1. Dans les écoles primaires

    Dans les établissements publics, l'enseignement primaire se fait en cinq ans : les cours préparatoires, les cours élémentaire et, les cours moyens.

    77

    V.1.1. Les cours préparatoires

    Les cours préparatoires s'effectuent en deux ans : le cours préparatoire niveau I (CP1) et le niveau II (CP2).

    Tableau 1- Synthèse du programme lié à la culture et aux valeurs traditionnelles au niveau du CP1 et CP2

    Discipline

    Thème /Contenus

    CP1

    CP2

    Malagasy

    La famille

    - Connaissance et identification des membres de la famille nucléaire

    - Connaissance du rôle de chacun des membres (l'enseignement peut se faire à partir d'un angano)

    - La famille nucléaire et le

    rôle de chacun des
    membres

    - La famille étendue

    Les moeurs et
    coutumes

     

    Les élèves en classe du

    CP2 commencent à
    prendre connaissance des moeurs et coutumes dans le village où ils vivent.

    Langage et
    Français

    Discours et
    expressions
    sociales

    - Discours de sociétés axés

    sur la camaraderie,
    invitation aux jeux ;

    - Dialogue et conversation.

    Identification des

    membres de la famille.

    78

     

    Le savoir-vivre

     

    - Savoir-vivre au sein de la famille ;

    - Le respect vis-à-vis des
    parents, des aînés ainsi que des amis

    Civisme

    Sources

     

    - Assistance à des

     

    d'information et de

     

    évènements importants du

     

    la connaissance

     

    village,

    - Regarder la télévision et
    écouter la radio

     
     
     

    - La lecture

    V.1.2. Les cours élémentaires

    Dans les cours élémentaires, les programmes se résument suivant le tableau ci-après :

    Tableau 2- Synthèse du programme lié à la culture et aux valeurs traditionnelles au niveau du CE

    Discipline

    Thème

    Contenus

    Malagasy

    La famille nucléaire et la famille étendue

    - Structure, organisation et fonctionnement de la famille malagasy ;

    - Le sens et la valeur de la famille chez les Malagasy

    Français

    Le village

    Les éléments constitutifs d'un village

    Sciences de
    la vie et de
    la terre

    La vie au village

    Les activités des habitants

    79

    Histoire

    Les moeurs et
    coutumes

    Les élèves commencent à prendre connaissance des moeurs et coutumes dans son village, les interdits ou les fady

    Lignage et
    descendants

    Ils s'initient au jijy karazana, établissent un arbre généalogique simple qui reflète les générations successives.

    Civisme

    Le savoir-vivre
    dans la vie
    quotidienne

    - Pendant les repas

    - A la maison, en famille

    - Dans le village, dans la société, en cours de chemin (ex : on cède le passage aux aînés, on prend les bagages de personnes âgées, on demande « pardon » à chaque fois qu'on passe devant nos aînés...)

     

    L'entraide

    Les activités et les principaux travaux nécessitant une entraide et une assistance mutuelle

     

    La structure et le
    fonctionnement de
    la société

    - Dans la famille (une structure centrée autour des parents)

    - Dans le village (la structure administrative qui le fokontany et, la structure traditionnelle dirigée par les Tangalamena...)

    V.1.3. Les cours moyens

    Dans les cours moyens, les élèves rappellent et approfondissent ceux qui ont été initiés dans les classes précédentes.

    V.1.3.1. La famille

    Il est maintenant question de comprendre l'importance et la nécessité de la famille, les différentes formes de relations familiales, la discipline et le fonctionnement de la famille. En plus de ce qui a été déjà évoqué, les élèves dans les

    80

    cours moyens, les élèves étudient les attitudes et le comportement que devraient avoir chacun des membres de la famille.

    Il faut aussi noter qu'ils commencent à apprendre des proverbes relatifs au thème d'études :

    - « Ny heloky ny ray, tsy heloky ny zanaka » (délit du père, n'est pas du fils)

    - « Arahabao ny mpandalo fa tsy fantatra izay ho rafozanina » (saluer ceux qui passe sur le chemin parce qu'on ne sait pas ceux qui vont devenir vos beaux-parents), etc.

    V.1.3.2. La vie dans le village

    Les élèves étudient les différentes règles régissant la vie du village, de la société. On leur apprend également les pratiques du savoir-vivre et de l'entraide entre les membres du village. On leur demande de citer quelques proverbes convenables à ce thème, comme : « izay iray vatsy, iray aina » (ce qui prend la même nourriture a la même vie)...

    V.2. Dans les collèges

    Au niveau des collèges, il a été bien précisé qu'à la sortie du collège, les élèves doivent être capables de comprendre et d'apprécier la culture malgache et ses valeurs. Ce passage est à la fois un objectif et un profil d'un élève ayant terminé ses études au collège, si on ne parle que de la discipline malagasy.

    L'enseignement de la culture et des valeurs malagasy est présent aussi bien dans la littérature que dans l'étude des sociétés.

    Théoriquement, les collèges malagasy fonctionnent en deux cycles : un cycle d'observation (classe de sixième et cinquième) et un cycle d'orientation (classe de

    81

    quatrième et troisième). En réalité, la présence de ces deux cycles n'est pas vraiment observée par les élèves et un grand nombre d'enseignants. Notre étude tentera alors de faire une distinction entre ces deux cycles, ce qui les différencie par rapport à l'enseignement de cette culture et de ces valeurs malagasy.

    V.2.1. Le cycle d'observation

    V.2.1.1. La littérature

    Dans les classes d'observation, l'apprentissage et la valorisation de l'angano est réellement au menu. Cet apprentissage commence par apprendre sa définition, les différents éléments qui le composent, les acteurs, les valeurs qu'il essaie de transmettre et surtout son rôle dans la société malagasy.

    Certes, les élèves n'entrent pas encore dans le détail. Toutefois, certains points sont indispensables. Il s'agit d'observer et de comprendre la situation initiale de l'acteur principal et sa situation finale. Ensuite, la description des épreuves qu'il a traversées pour arriver à cette situation finale. L'idée est de faire comprendre aux élèves que, quel que soit leur objectif, ils devraient passer à travers de multiples épreuves, qui sont parfois difficiles. Et, en classe de cinquième, on apprend aux élèves que l'angano joue un double rôle : une culture distractive, donc un passe-temps et, une méthode et moyen développement personnel.

    V.2.1.2. La société malagasy

    Dès la classe d'observation, les élèves apprennent le sens du concept fihavanana si sacré pour l'ensemble des Malagasy. Ils essayent de dégager les différents aspects du fihavanana dans leur village respectif. Ici, on apprend aux élèves ces différents types, ses manifestations dans la société et son importance. Ainsi par exemple, on parle du fihavanana par lien de sang, c'est-à-dire entre les individus de même généalogie et, du fihavanana né de la convention entre les

    82

    membres de la société comme le cas du « fati-dra ». Ensuite, en ce qui concerne le savoir-respecter, l'enseignant met en évidence l'importance du respect entre les membres de la famille, entre les membres du village et surtout, le respect que doit avoir un enfant vis-à-vis de ses parents. Outre ces respects envers les hommes, membres de la société, on éduque également les élèves à respecter leur environnement tel que les animaux, les plantes, etc. Enfin, l'initiation à l'étude sur l'entraide et l'assistance mutuelle dans la société malagasy figure parmi les programmes en classe d'observation.

    En ce qui concerne la distraction dans la société, on invite les élèves à citer les différents types de distraction qu'ils observent dans la société. Parmi ces distractions, on insiste plus sur les activités culturelles et artistiques (chanson traditionnel-hira gasy, söva...), d'une part, et les activités sportives d'autre part (la lutte, tolona omby ...)

    V.2.2. Le cycle d'orientation

    Au niveau du cycle d'orientation, l'enseignement des traditions orales, de la culture et des valeurs malagasy est centré autour de trois objectifs spécifiques :

    - connaître et vivre les valeurs malagasy dans la vie quotidienne, notamment en ce qui concerne le mode de pensée ;

    - comprendre et respecter la culture malagasy ainsi que les valeurs qu'elle véhicule ;

    - connaître les spécificités de la culture malagasy

    A ce cycle, ces programmes ne sont plus véhiculés dans la partie de la littérature. On enseigne plutôt les liens entre la culture et les valeurs malagasy avec la vie en société. On apprend également certaines moeurs et coutumes.

    83

    V.2.2.1. Le mariage traditionnel et le concept de la famille

    Les élèves étudient le concept du mariage dans la société traditionnelle malagasy. Le mariage est le début de la formation d'une famille et la seule qui est naturelle de toutes les sociétés. Ils apprennent les rites et les étapes à suivre avant de procéder au mariage, les conditions nécessaires pour que le mariage soit parfait. Le kabary am-panambadiana (discours de demande en mariage) est aussi au programme.

    Selon la conception malagasy : « ny hanambadiaña, hiterahaña » (se marier, c'est pour avoir d'enfants). Alors, les élèves analysent et tentent de comprendre la valeur des descendants dans la société malagasy, la place de la femme dans cette conception. Et, à ce sujet, ils étudient les traditions liées celle-ci : le famangiaña tera-bao (visite du nouveau-né).

    V.2.2.2. L'organisation villageoise et les activités de production

    Les collégiens analysent la structure et les différentes formes d'organisation communautaire dans les activités de production. L'enseignement est dirigé en fonction des réalités locales et régionales. Par ailleurs, le programme propose que le valintanana (littéralement, ce terme vient de deux mots : « valiny » qui veut dire « réponse ou suite » et, « tànana » qui signifie « main ». Il désigne alors l'action de se prêter la main [de manière tournante] entre deux ou plusieurs membres de la société en vue de réaliser un travail précis) et le tambirô doivent impérativement figurer dans le contenu du cours. Les autres formes sont facultatives selon les régions.

    Les élèves essayent de comprendre et de faire une comparaison entre ces différentes formes d'organisation villageoise, ainsi que leur déroulement.

    84

    V.2.2.3. Les relations entre les vivants et les razaña

    Au collège, l'enseignement de celles-ci est tourné autour de deux principaux thèmes : la mort et l'exhumation.

    - La mort : description des traditions et rites en cas de décès d'un membre de la famille, du village ou de la société toute entière, les étapes à suivre (de la préparation du corps à l'enterrement), l'importance de l'enterrement dans le tombeau familial, la présentation de condoléance (le kabary amim-pahoriaña ou discours de condoléance ou pendant les veillées mortuaires)

    - L'exhumation : description de la manifestation de l'exhumation, ses principes fondamentaux et, le lien qui unit les vivants et les razaña selon la croyance ancestrale.

    V.3. Dans les lycées

    Le lycée est la dernière phase de la scolarisation où l'apprentissage de Malagasy en tant discipline à enseigner est obligatoire. Alors, les programmes sont concentrés sur l'analyse et la compréhension de la culture et des valeurs malagasy.

    A la sortie du lycée, les élèves devraient être capables d'aimer, de valoriser et de défendre les valeurs culturelles malagasy. Aussi, les objectifs spécifiques ci-après sont proposés afin de parvenir à cet objectif qui est global.

    85

    Tableau 3 - Les objectifs pédagogiques liés à l'apprentissage de la culture et des valeurs traditionnelles malagasy au niveau du lycée

    Niveau

    Objectifs spécifiques

    Classe de 2nde

    - Organiser ses idées, écouter et respecter celles des

    autres ;

    - analyser les valeurs culturelles et intellectuelles des
    malagasy à travers des moeurs et coutumes;

    Classe de 1ère

    - distinguer la structure et les valeurs culturelles malagasy

    observées à travers des moeurs et coutumes à celles des autres ;

    - organiser les connaissances acquises par les valeurs de sa
    nation face à ses devoirs de citoyen.

    Classe de
    Terminale

    - comparer les valeurs culturelles Malagasy à celles des

    autres nations;

    - Comprendre la structure et le fonctionnement de la
    société malagasy, sa conception par rapport à la vie en société et l'évolution de celle-ci en fonction de l'histoire et le contexte.

    86

    CHAPITRE VI - LES LIMITES DU CHAMP D'APPLICATION DES PROVERBES ET DES TRADITIONS ORALES BETSIMISARAKA

    La situation présente un aspect assez paradoxal. Nous avons écrit auparavant que la culture et les valeurs malagasy sont actuellement en voie de disparition, alors que l'analyse des programmes scolaires montre que ces disciplines figurent parmi les préoccupations de l'éducation nationale.

    Dans la présente section, nous tenterons de présenter quelques raisons pouvant justifier ce paradoxe.

    VI.!. Les réalités sociales

    En général, les programmes tournent autour de la vie en société. Nous avons parlé du savoir-vivre, du savoir-respecter, de l'entraide et l'apprentissage des moeurs et coutumes. Pourtant, la vie au village et en famille betsimisaraka ne prouve que très peu l'acquisition des attitudes et des comportements liés à ces points. Dans la plupart des cas, ils ne sont observés que pendant les tristes périodes - fahoriaña (décès d'un membre) ou pendant les tsaboraha.

    VI.!.!. L'absence d'échanges familiaux

    Parfois, les parents d'aujourd'hui croient consacrer plus de temps à leurs enfants alors qu'en réalité ils ne font que des tâches strictement indispensables. « La plus grande partie de ce temps est consacrée à les préparer pour aller à l'école ou à un évènement précis, à les conduire [...j à d'autres endroits où les enfants veulent aller et où les parents se sont obligés de les emmener, ou encore à essayer de leur faire faire des choses qu'ils sont censés faire »62. Pendant la journée, les enfants du

    62 HART Sura, HODSON Victoria, Parents respectueux, enfants respectueux : sept clés pour transformer les conflits en coopération familiale. La Découverte, Paris, 2005. p. 56

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    village se trouvent entre les mains d'instituteurs ou institutrices, donc à l'école. Contrairement à la société d'autrefois où l'école n'existait pas encore et où l'enfant se socialise au sein de la famille, la société actuelle est une société évoluée et qui continue à s'évoluer.

    Cette évolution de la société influe également sur le rythme et le mode de son fonctionnement. Après l'école, les enfants et les jeunes sont appelés à terminer le reste des travaux domestiques et leur devoir du jour. Le koraña amorom-pataña (échanges et conversation autour du réchaud à bois) n'existe plus. Si auparavant, en attendant le dîner, les membres de la famille se réunissent autour du réchaud à bois pour faire du korambe ou d'écouter l'angano, cette habitude ancienne cède actuellement sa place à la radio. Le père de famille veut à écouter le journal à la radio nationale, de 19 heures. En plus de la pauvreté qui règne presque dans tout le territoire national, avec l'arrivée des écoles, les parents d'aujourd'hui se voient obligés de travailler un peu plus pour subvenir aux études de leurs enfants. Ainsi, après une longue journée de travail, le père de famille demande plus de temps de repos.

    Alors, même si on apprend l'angano à l'école, cet apprentissage devient un simple récit de la culture traditionnelle. Les élèves n'ont même plus le temps pour le mettre en pratique ou d'apprendre plus d'angano que donnent les maîtres.

    VI.1.2. L'importance de la monnaie

    L'évolution de la société modifie les priorités de ses membres. L'affirmation de LEIF et RUSTIN nous semble importante à ce propos : « nous appartenons à une nation, mais aussi à beaucoup de sous-groupes de cette nation, et nous appartenons également à la civilisation occidentale et à l'humanité »63. L'argent devient un

    63 LEIF, RUSTIN (1970), op.cit., p.132

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    facteur déterminant de cette modification. L'entraide sociale ne résout plus grand-chose, en ce qui concerne les besoins fondamentaux. Dès l'accouchement de l'enfant, les parents déboursent de l'argent pour la maternité, les vêtements. A l'âge de 6 ans, ils doivent inscrire leur enfant à l'école primaire publique et payer des frais de scolarité, des articles et fournitures scolaires. Dans certains cas, avec la framisation64 des écoles publiques, les charges parentales pourraient augmenter au cours de l'année scolaire. Ensuite, à la fin du primaire, si les parents décident de poursuivre les études de leur enfant, ils devront encore, outre les frais de scolarité et la participation parentale aux enseignants-FRAM, se préparer au frais de loyer mensuel. Le village de Rantolava ne dispose que d'un enseignement primaire. Pour les études secondaires, les élèves doivent étudier au chef-lieu de la Commune (5 km à pied) ou au chef-lieu du District (15 km en vélo ou en moto).

    Toute est alors question d'argent. Le fihavanana si cher au betsimisaraka n'arrive plus à lui tout seul à garantir le fonctionnement de la vie en société si on ne se réfère qu'aux charges liées à l'éducation de l'enfant. Or, nous ne pouvons non plus ne pas envoyer nos enfants à l'école. Non seulement c'est un droit, mais c'est aussi une exigence sociale.

    VI.1.3. L'entraide et la cohésion sociale

    Toutes les situations que nous avons évoquées plus haut constituent des faits vécus dans la société. D'ailleurs, comme l'affirment toujours Leif et Rustin, la société est à la fois un fait et une valeur. Cette mutation de la société se justifie par le proverbe : « Miasa tsy mitamby haniña : miasa tsy hömaña, tsy fataon'ôloño » (Travailler n'est pas demander de la nourriture : travailler sans rien manger, ne se fait

    64 Framisation : ce terme est né de la FRAM qui est une association des parents d'élèves. Dans un grand nombre d'établissements scolaires, les maîtres fonctionnaires payés par le gouvernement ne sont pas suffisant. Cette situation oblige la FRAM à recruter des maîtres suppléants dont elle prend la charge.

    89

    pas). Désormais, l'idée de travail contre nourriture devient un concept nouveau de la société betsimisaraka d'aujourd'hui. Ici, la nourriture ne doit pas être considérée au sens propre du terme, il s'agit plutôt de l'argent.

    Mais comme Kant, nous partageons l'idée qu'il n'y a pas chez l'homme de dispositions au mal. Le mal vient de ce que la nature n'est pas réglée65. A Madagascar, on dit : « Ny kakazo no vañon-ko lakaña, ny tany naniriàny no tsara » (un arbre devient pirogue66, c'est parce que le sol où il a poussé est bon). Le tambirô, le fandriaka comme le lampoño demandent du temps. Imaginons si pendant une semaine, on a laissé notre foyer pour travailler dans les champs de nos semblables sans apporter de l'argent. Comment allons-nous couvrir les charges financières du mois ? Comment allons-nous payer les frais de scolarités de nos enfants ? L'argent devient une exigence fondamentale dans le fonctionnement de la vie familiale. Si auparavant, l'argent ne servait qu'à l'achat de vêtement, au frais de transport et, pour un petit nombre de personnes, à l'achat des matériaux de construction, il est actuellement présent à tous les pas à franchir. Une précision s'impose par rapport à l'idée que nous venons d'évoquer : un petit nombre de personnes. Il faut savoir qu'à l'époque, les maisons étaient construites en matériaux locaux, donc on n'avait pas besoin d'argent pour s'en procurer. Seules, les personnes aisées construisaient des maisons dont les toits sont en tôle ou des bâtiments en matériaux durs.

    En plus, au village de Rantolava, nous avons déjà indiqué que la plupart des habitants vivent de l'agriculture et de la pêche. Ce ne sont pas des salariés, ils gagnent de l'argent en fonction de leur quantité de poisson au quotidien. A chaque fois qu'ils

    65 KANT Emmanuel, De la pédagogie.

    66 Généralement, les Betsimisaraka construisent des pirogues en bois. Cependant, il faut un grand arbre pour la construire. Ce proverbe signifie que le comportement d'un individu ou des membres d'une société est le reflet de l'environnement où il a vécu. Ici, le proverbe parle d'un résultat positif de l'éducation, mais il peut également expliquer le contraire. Autrement dit, si un arbre ne peut devenir une pirogue, c'est parce qu'il a été mal poussé.

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    laissent leurs activités quotidiennes au profit de travail communautaire, un manque à gagner est constaté.

    VI.1.4. La remise en cause du concept cadet/aîné

    Un grand nombre de Malagasy ne se rendent pas compte que le concept cadet/aîné est actuellement dévié. En réalité, cette forme de relation est une allusion faite à la forme de relation qui existe entre les parents et leurs enfants et, par extension, entre les personnes âgées et les jeunes. Cependant, ce concept s'étend actuellement vers les responsables politiques et administratifs. Ce dernier sens du concept influe certainement sur la population.

    En effet, sans tenir compte de son âge, un responsable politique et administratif est appelé en betsimisaraka comme étant un raiamandreny (littéralement : père et mère). Même un Tangalamena, le gardien de la tradition, l'appelle de cette manière. La question d'âge n'est plus un critère pour qu'on soit considéré et respecté dans la société. Désormais, la position sociale et politique d'un individu le range directement en statut d'aîné. Alors, être aîné n'est pas uniquement être celui qui a vécu plus d'expériences dans la vie, mais aussi celui qui a été désigné soit par son appartenance politique, soit par son niveau d'instruction selon la conception moderne, pour occuper une fonction précise dans l'administration.

    VI.2. Quelques suggestions

    Nous questionnons la signification des justifications apportées par rapport aux transformations dans la société alors qu'en réalité on ne parle que des öhabölaña. En fait, ces derniers ne forment qu'une partie de la tradition orale betsimisaraka. Le rôle de la tradition orale en tant que outil éducatif ne peut pas être que très rarement autonome. Sans rasavölaña ni kabary, ni korambe etc., cette tradition ne vaut pas

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    grand-chose. Vouloir valoriser une des traditions orales implique de prendre en considération l'ensemble et non pas se limiter uniquement sur telle ou telle tradition.

    Par ailleurs, si les öhabölaña ont, aux yeux des Malgaches, cette vertu magique de pouvoir métamorphoser la banalité du quotidien et l'insignifiance d'un fait en une réelle source d'émerveillement67. Avec l'évolution de la société, cette fonction sociale des proverbes commence à se dégrader. Cette dégradation vient du fait que la plupart des évènements pouvant regrouper les habitants du village ne s'effectuent plus pour des raisons énoncées plus haut.

    En plus, il faut également considérer que « l'enfant que nous formons vivra dans une société différente de celle où nous nous trouvons : différente dans sa structure économique et sociale, dans son organisation politique, et par le système d'idées qui aura cours »68. L'enfant ne pourra pas s'échapper des exigences du milieu dans lequel il se trouve ou de la société sur laquelle il vivra une fois à l'âge adulte.

    Ces propos sont suffisamment clairs pour affirmer que retourner aux pratiques traditionnelles n'est pas toujours une solution pour redynamiser et revaloriser les valeurs ancestrales. La valeur est une identité, quelque chose de sacré et qu'il faut défendre. La pratique, quant à elle, est la mise en application de cette valeur dans la vie quotidienne, dans la société dans son ensemble. Alors, si la société évolue, les pratiques sociales devraient évoluer de la même sorte.

    Nous tenterons alors de proposer quelques suggestions pour la valorisation des traditions orales betsimisaraka, en particulier les proverbes. En quoi pouvons-

    67 FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf

    68 LEIF, RUSTIN (1970), op.cit., p.133

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    nous participer à sauvegarder les valeurs éducatives que ces proverbes véhiculent sans remettre en cause les exigences actuelles de la société ?

    VI.2.1. Les bourses culturelles

    L'intégration de la culture et des valeurs traditionnelles dans le programme scolaire est loin d'être suffisant pour les préserver et de les valoriser. Sans un champ d'application, l'apprentissage devient une obligation pour l'apprenant.

    A Madagascar, le décret n°99-497 du 30 juin 1999 distingue deux catégories de bourses nationales dans les établissements secondaires publics et privés. La première catégorie est accordée aux meilleurs élèves admis aux examens nationaux et, la deuxième est attribuée aux élèves dont les ressources familiales ou personnelles ont été reconnues insuffisantes.

    Mais ces bourses sont vraiment symboliques. Elles n'arrivent même pas à régulariser les frais de scolarité. Le taux annuel est de 20 000 Ariary, soit moins de 7 euros. En plus, les familles en milieu rural ont presque le même niveau de vie. Or, les bourses de mérite aux examens nationaux ne touchent que rarement, voire miraculeusement, les élèves en milieu rural. Outre l'insuffisance d'enseignants qualifiés, les ressources pédagogiques y sont aussi insuffisantes. Aussi, cette catégorie de bourses concerne généralement les élèves du milieu urbain qui bénéficient d'une éducation qui les prépare à ces concours.

    Comme la préservation de la culture et des valeurs traditionnelles figure parmi les préoccupations gouvernementales, notamment au ministère de l'Education nationale par les programmes d'études, les bourses culturelles constituent une des mesures appropriées. Avec cette mesure, non seulement on revalorise notre identité culturelle, mais on offre également une excellente occasion aux enfants qui se trouvent dans les régions enclavées de pouvoir bénéficier une bourse d'études leur

    93

    permettant de poursuivre leurs formations. Ainsi, l'apprentissage de la culture et des valeurs traditionnelles n'est plus une simple obligation, c'est une source de motivation.

    Si dans la plupart de cas, à la fin du primaire, les jeunes disposent encore beaucoup de possibilités pour continuer leurs études au niveau II (collège). Car, installé dans chaque chef-lieu de leur commune respective, le collège public forme des jeunes issus des Fokontany environnants et il est à noter que l'accès à ces collèges est à la portée d'un grand nombre de parents d'élèves. Par contre, à la fin du collège, ces jeunes devraient quitter leurs parents pour s'installer dans le chef-lieu du district pour suivre leur étude en niveau III. Ceux qui n'ont pas de famille en ville doivent louer un appartement, indépendamment des autres frais liés à la scolarisation, à la nourriture, etc. Les charges parentales deviennent de plus en plus considérables. Ceux qui n'ont pas de moyens suffisants décident d'arrêter leur étude et de rester dans leur village ou Fokontany respectif. Les bourses constituent une mesure pourrait améliorer la statistique sur le taux d'abandon scolaire dans les brousses.

    VI.2.2. La pédagogie des proverbes et l'approche mixte

    Si auparavant, l'apprentissage par les proverbes se faisait à travers les écoles sans murs, c'est-à-dire dans la nature par le biais des différents regroupements villageois, des actions sociales et de l'entraide familiale, la question se pose maintenant quant à sa continuité. Le mariage traditionnel-ôrimbato commence à ne plus pratiquer. Et, s'il y en a encore, on a tendance à négocier pour faciliter la procédure ou le rasavölaña. Nous avons écrit plus haut que seuls les tsaboraha et les veillées mortuaires constituent actuellement un motif de regroupement villageois. Mais, là encore, son aspect éducatif commence à disparaître. Compte tenu de l'insécurité qui règne presque sur la totalité du territoire national, un grand nombre de personnes hésite à quitter leur foyer pour rester toute la nuit chez la famille du défunt.

    94

    En plus, puisque la plupart des enfants fréquentent aujourd'hui un autre type d'école, l'école de type occidental, ils devraient se réveiller tôt pour aller à l'école. Donc, leur participation à une veillée mortuaire est généralement déconseillée.

    Nous comprenons maintenant que les principes éducatifs véhiculés à travers les öhabölaña pourraient se situer actuellement en phase de disparition si nous ne trouvons pas de solutions afin de fusionner la « pédagogie des proverbes » et celle des autres pédagogies modernes. Et, c'est ce que nous allons proposer maintenant.

    Nous considérons qu'un objectif éducatif est de faire intervenir les proverbes dans le processus d'apprentissage en classe. Notre analyse montre que cette approche-mixte est compatible avec certaines matières enseignées comme le Malagasy, le Civisme et l'Histoire, notamment lorsqu'on veut mettre en évidence la relation de cause à effet. Si dans les deux premières disciplines, cette approche n'est pas vraiment nouvelle, sa mise en application dans l'enseignement de l'histoire, quant à elle, est un phénomène assez-nouveau et ne se voit pas souvent.

    Voici quelques exemples qui reflètent ce que nous venons de proposer. En étudiant les origines de l'insurrection de 194769 à Madagascar, par exemple, on apprend aux élèves du collège que la promesse non tenue du Général De Gaule lors de la Conférence de Brazzaville en 1944 constitue un des principaux facteurs cette insurrection. En effet, selon les Betsimisaraka, voire les Malagasy en général : « Aza mañano ririñin-dasaña tsy tsaroaña » (ne fait pas oublier l'hiver de l'année dernière). Une allusion est faite à quelqu'un qui a traversé un moment difficile dans le passé et qui fait semblant de l'oublier une fois le problème résolu. Pendant la guerre, lorsque la France et les alliés étaient en difficultés, De Gaule a promis qu'il accordera l'indépendance aux colonies françaises qui participeraient à la guerre contre les Allemands. C'est une promesse qui n'a pas été tenue à la fin de la guerre. On pourra

    69 L'insurrection de 1947 est un des remarquables mouvements de lutte contre l'ordre colonial à Madagascar.

    également avancer d'autres raisons comme la création du parti MDRM70 qui a été considéré comme l'initiateur du mouvement. « Ny hitsikitsika tsy mandihy foaña fö ao raha » (une crécerelle ne danse pas pour rien, si elle danse, c'est parce qu'elle a ses raisons). Toute initiative de créer une organisation quelconque doit être motivée par un objectif. Si les Malagasy ont décidé de créer un parti politique, c'est pour faire de la politique, donc de prendre le pouvoir.

    Les exemples sont multiples et nous pouvons dire que cette approche mixte est valable dans tous les domaines de l'enseignement de l'histoire. C'est aussi le cas dans la création de la confédération betsimisaraka. En épousant la princesse du clan Tatsimo, Ratsimilaho, chef de clan Tavaratra a pu combattre facilement le clan des Tsikoa, au centre. « Izay mitambatra vato, izay misaraka fasika » (ceux qui s'unissent forme une pierre, ceux qui se séparent deviennent sable) ou encore « Ny firaisankiña no hery » (l'union fait la force). Les Tsikoa se trouvent seuls face aux Tavaratra et aux Tatsimo qui ont déjà uni leur force.

    L'intérêt de cette approche est double. D'abord, elle permet aux élèves, donc à la jeunesse de toujours se familiariser avec les proverbes ainsi qu'avec les messages qu'ils tentent de transmettre. Ensuite, elle offre de nouvelles pistes éducatives quant à l'objectif de l'enseignement de l'histoire. En apprenant l'histoire, les jeunes sont également en mesure de choisir une attitude face à une situation similaire.

    95

    70 MDRM : Mouvement Démocratique pour la Rénovation de Madagascar.

    96

    CONCLUSION

    Au terme de cette étude, nous pouvons dire que dans les villages betsimisaraka, avec l'exemple de Rantolava à l'appui, l'éducation par les proverbes (une école sans murs) est au coeur du quotidien. Alors que le Centre de Formation Pédagogique de Rantolava est réservé à des lettrés, à des élites, à une poignée de privilégiés du système éducatif mis en place par l'Etat, l'école de la vie par les proverbes est une école pour tous et ouverte à l'individu tout au long de sa vie. La société de l'oralité qu'est la société traditionnelle betsimisaraka a toujours veillé à l'éducation de tous les membres du groupe (sans exception) car chacun doit avoir sa place dans le groupe. Aucun individu ne doit pas être laissé en chemin. A chacun son rythme, il est vrai, mais tous doivent cheminer progressivement. Dans cette société de l'oralité, toute personne qui a un statut d'aîné doit être un maître, un modèle, un repère pour son cadet. Ici, faire c'est de refaire, c'est suivre les traces de l'aîné car ce dernier est censé sentir les écueils : « Ny alöha : mahita fôtotro» (celui qui est à l'avant, trouve la racine ou l'origine). Les aînés sont donc individuellement et collectivement responsables de l'éducation des cadets, et ce, dans un esprit de partage : « Mason-tsokiñy, masom-balavo : ny hita hely hientiñy mihiratra amin-kavaña » (oeil d'hérisson, oeil de souris : on regarde nos proches avec le peu ce qu'on a). Et c'est là que réside, entre autres, la différence dans la démarche pédagogique entre l'Ecole emmurée et de l'écrit qui est implantée par les autorités de l'éducation nationale depuis les années soixante-dix à Rantolava et l'Ecole sans murs et de l'oralité qui est initiée par les ancêtres (pédagogie de la parole tout au long de la vie) et modernité (pédagogie des livres et de la sélection qui n'est réservée qu'à telle ou telle élite seulement. L' « Ecole emmurée des formateurs pédagogiques » avec ses bâtiments vétustes (le Centre pédagogique) semble en rupture avec son lieu d'implantation (le village de Rantolava). Car ici, une autre type d'école, l' « Ecole sans murs des aînés » a toujours existé et se renouvelle de génération en génération

    97

    Le proverbe renvoie à toutes les dimensions de la vie : aucun sujet n'y échappe71. Il nous permet de constater les structures, le modèle et le concept de la

    société betsimisaraka. A travers de ceux-ci, les jeunes comprennent le
    fonctionnement de leur société, de la critiquer et/ou de l'améliorer. Nous ne prétendons pas, durant la présentation de ce travail, être en mesure de tout savoir ou de tout comprendre : loin de là ! Notre intention était de dégager ces quelques orientations éducatives, inculquées dans l'esprit de la population betsimisaraka.

    Sur ce qu'on a pu dégager de la société betsimisaraka, on remarque qu'elle est organisée autour des aînés, considérés comme détenteur du savoir compte tenu de leur expérience de la vie. Pourtant, il ne s'agit pas de négligence ou de l'exploitation du cadet comme l'on pense souvent : la raison est surtout d'ordre affectif. En d'autre terme, il s'agit d'un principe du «protectionnisme familial ». De l'autre côté, en ce qui concerne la question du genre, et puisque la famille, disait Rousseau, est la plus ancienne de toutes les sociétés, et la seule naturelle72, ce projet nous a permis d'en déduire que si en apparence on observe une sorte de subordination féminine, au fond, ce n'est que les conséquences de la répartition des tâches et de responsabilité entre homme et femme. Le concept est alors différent de celui qui a été évoqué par Herbert SPENCER. La femme betsimisaraka est une namaña et non un objet.

    En matière d'éducation, les proverbes abritent simultanément deux éléments de base : le fond-contenu et les moyens de transmission ; « il dévoile tout [contenu] en le voilant [méthode]», disait FANONY à cet effet. En fait, les proverbes, bien qu'ils se présentent sous forme d'une « formule toute faite », nécessitent réflexion et analyse, avant d'en déduire leur signification : le décodage de l'apprenant. Et, dans le

    71 FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka) [en ligne]. Disponible et

    téléchargeable en cliquant : www.anthropomada.com/bibliotheque/ FANONYFulgence-
    ohabolanabetsimisaraka ou proverbes.com

    72 ROUSSEAU Jean-Jacques, op.cit.

    98

    cadre de ce travail, nous nous sommes intéressé aussi bien à leurs significations dans le sens propre du terme, donc autant sur le contenu que sur les méthodes. A travers ces deux dimensions, nous avons pu avancer certaines hypothèses concernant les finalités éducatives du peuple betsimisaraka. Le tout constitue un « un référentiel éducatif ». Or, étant les reflets des pratiques réelles au quotidien ou des réalités jugées naturelles, les proverbes font partie de ce qu'on appelle la pédagogie de l'image (à l'image de) et du symbolique. Cette pédagogie de l'image se manifeste par une forme d'une recommandation directe ou indirecte. Le choix de ces approches est lié soit par rapport au contexte, soit par rapport à l'âge, donc à la maturité de la personne à qui elles s'adressent.

    Par ailleurs, étant donné que les proverbes ne sont pas les seuls moyens éducatifs, les hypothèses avancées présentent certainement de limites. Un grand nombre d'autres éléments culturels à vocation pédagogique n'ont pas été développé. Nous faisons ici allusion à des contes, aux devinettes, etc. Peut-être, dans les recherches futures, nous aurons l'occasion de faire une analyse comparative de ces différents éléments cultures afin de nous permettre d'en déduire une conclusion plus complète. Cette recherche n'en est que le début.

    Enfin, il faut noter également qu'avec l'évolution de la société et les conséquences de la mondialisation, cette école de type traditionnelle commence à se dégrader. Bien que les programmes scolaires mentionnent son importance, son champ d'application devient de plus en plus limité.

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    GLOSSAIRE

    Fihavanana A Madagascar, le fihavanana est un système de règles, normes et

    coutumes qui régissent la dynamique de la société locale, édictent les comportements interpersonnels, les modes de sociabilité et les stratégies anti-risque (SANDRON Frédéric, 2008)

    Fokontany Il s'agit d'une structure administrative de base. Plusieurs

    Fokontany forment arrondissement et l'ensemble de plusieurs arrondissent constitue un district.

    Razaña A Madagascar, ce terme possède deux significations différentes.

    En prenant l'exemple de « Tanindrazana » (littéralement : terre des ancêtres) pour désigner la patrie, le razaña est pratiquement synonyme des ancêtres. Alors qu'en se référant au proverbe : « Raha razana tsy hitahy : miheteza hiady vomanga » (si les razana n'aident pas les vivants : qu'ils creusent de patates), le razana est en quelque sorte la force surnaturelle des personnes décédées et qui peut intervenir dans le monde du vivant.

    Tangalamena Personne qui détient l'autorité traditionnelle au sein du village.

    Pour DEZ, il s'agit d'un personnage que l'on pourrait appeler « prêtre de village », dont la fonction offre cette particularité de constituer à leur profit un droit exclusif d'invocation aux ancêtres. Nous pouvons dire qu'il assure également la fonction de gardien de traditions, moeurs et coutumes.

    Tsaboraha Coutume ancestrale pratiquée généralement en pays des

    Betsimisaraka. Le tsaboraha nécessite le sacrifice d'un boeuf.

    104

    Table des matières

    REMERCIEMENTS

    RESUME 0

    SOMMAIRE 2

    LISTES DES CARTES, GRAPHIQUES, PHOTOS ET TABLEAUX 3

    INTRODUCTION 4

    PREMIERE PARTIE - THEMATIQUE, TERRAIN D'ETUDES ET APPROCHES

    METHODOLOGIQUES 8

    CHAPITRE I -JUSTIFICATION DU THEME ET METHODOLOGIE DE TRAVAIL 9

    I.1. La présentation de la recherche 9

    I.1.1. Le contexte de la société étudiée 9

    I.1.2. La problématique de la recherche 11

    I.1.3. L'objectif général de la recherche 14

    I.1.4. Les objectifs spécifiques de la recherche 18

    I.2. Les approches méthodologiques adoptées et leurs justifications 19

    I.2.1. L'entretien libre et semi-directif 19

    I.2.1.1. L'enquête par entretien au niveau des ménages 20

    1.2.1.2. Un échantillonnage de type « de convenance » 21

    I.2.2. L'observation, participante ou non 21

    I.2.3. La recherche et analyse documentaire 22

    I.2.4. Quelques concepts clés 23

    CHAPITRE II - NOTRE TERRAIN D'ETUDES : LE VILLAGE DE RANTOLAVA 27

    II.1. Une brève présentation historio-géographique 27

    II.1.1. Historique 27

    II.1.1.1. Naissance de la confédération betsimisaraka 27

    II.1.1.2. Origine du village de Rantolava 28

    II.1.2. Présentation géographique 28

    II.2. Place de l'éducation au village de Rantolava 30

    II.2.1. Le système éducatif de type occidental 31

    II.2.2. L'éducation traditionnelle au village de Rantolava 34

    105

    II.2.2.1. Les genres narratifs 35

    a) L'angano (contes) 35

    b) Le korambe (légendes) 38

    c) Le rasavölaña (discours) 41

    d) Le jijy karazana (généalogies) 41

    II.2.2.2. Les genres poétiques : le jijy et le tökatoka 42

    II.2. 2.3.Les genres sapientiaux 43

    a) L'ankamantatra (les devinettes et contes-devinettes) 43

    b) L'öhabölaña (les proverbes) 43

    DEUXIEME PARTIE : RESULTATS ET INTERPRETATIONS 45

    CHAPITRE III- LES PROVERBES : UN GENRE LITTERAIRE A VOCATION

    PEDAGOGIQUE POUR LES BETSIMISARAKA 46

    III.1. L'art oratoire au quotidien 46

    III.1.1. Au village de Rantolava : la maturité rime avec art oratoire 47

    III.1.2. Les proverbes : pour mieux ficeler la parole 48

    III.2. Société betsimisaraka : une école de la vie par les proverbes 51

    III.2.1. L'importance du statut social 51

    III.2.1.1. Relations cadets/aînés 51

    a) Une question d'affection et de protection 52

    b) Une question de soutien et de la solidarité familiale 54

    III.2.1.2 Le statut de la femme dans la société betsimisaraka 55

    III.2.2. Les priorités de l'éducation 57

    III.2.2.1. L'obéissance 58

    III.2.2.2. La socialisation et l'éducation au travail 58

    a) La socialisation et l'entraide 58

    b) Adaptation et socialisation 60

    c) L'éducation au travail 62

    d) Quelques dérives et certaines limites de la solidarité betsimisaraka 64

    III.2.2.3. La préparation à la vie sexuelle et conjugale 65

    106

    CHAPITRE IV - APPROCHES PEDAGOGIQUES D'UNE ECOLE SANS MURS EN

    PAYS BETSIMISARAKA 68

    IV.1. Une pédagogie de deux ordres 68

    IV.1.1.Les proverbes a « pédagogie directe » 68

    IV.1.2. Les proverbes à « pédagogie indirecte » 69

    IV.2.Les proverbes au quotidien en pays betsimisaraka 72

    IV.2.1. Pour une pédagogie de l'image 72

    IV.2.2. Sur les voies des savoirs d'expérience et de la sagesse 73

    TROISIEME PARTIE : DISCUSSIONS ET PERSPECTIVES 75

    CHAPITRE V - LA PLACE DES TRADITIONS ORALES ET DES VALEURS MALAGASY

    DANS LE PROGRAMME SCOLAIRE 76

    V.1. Dans les écoles primaires 76

    V.1.1. Les cours préparatoires 77

    V.1.2. Les cours élémentaires 78

    V.1.3. Les cours moyens 79

    V.1.3.1. La famille 79

    V.1.3.2. La vie dans le village 80

    V.2. Dans les collèges 80

    V.2.1. Le cycle d'observation 81

    V.2.1.1. La littérature 81

    V.2.1.2. La société malagasy 81

    V.2.2. Le cycle d'orientation 82

    V.2.2.1. Le mariage traditionnel et le concept de la famille 83

    V.2.2.2. L'organisation villageoise et les activités de production 83

    V.2.2.3. Les relations entre les vivants et les razaña 84

    V.3. Dans les lycées 84

    CHAPITRE VI - LES LIMITES DU CHAMP D'APPLICATION DES PROVERBES ET

    DES TRADITIONS ORALES BETSIMISARAKA 86

    VI.1. Les réalités sociales 86

    VI.1.1. L'absence d'échanges familiaux 86

    VI.1.2. L'importance de la monnaie 87

    107

    VI.1.3. L'entraide et la cohésion sociale 88

    VI.1.4. La remise en cause du concept cadet/aîné 90

    VI.2. Quelques suggestions 90

    VI.2.1. Les bourses culturelles 92

    VI.2.2. La pédagogie des proverbes et l'approche-mixte 93

    CONCLUSION 96

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 99

    GLOSSAIRE 103






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams