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Ethnicité et pouvoir politique en côte d'Ivoire.

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par Harkité Hippolyte SIB
Université Générale Lansana Conte/Conakry - Master II 2015
  

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Méi d M 2 Thè E hii é Pi Pli i Cô d?I

REPUBLIQUE DE GUINEE MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT

TRAVAIL-JUSTICE-SOLIDARITE SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

PROGRAMME DE MASTER ESPACE-TEMPS-SOCIETE

MEMOIRE DE MASTER II

THEME : ETHNICITE ET POUVOIR POLITIQUE EN COTE D'IVOIRE

Présenté par : Sib Harkité Hippolyte

Sous la Direction de M. Alpha Amadou Bano Barry, Professeur, Université Général Lansana Conté (Guinée).

Et de M. Alain Bonnassieux, Professeur, Université de Toulouse Jean Jaurès (France).

Membres du Jury

Président du Jury : Dr. Kéfing Condé Vice Président : Pr. Ibrahima Diallo Rapporteur : Pr Alpha Amadou Bano Barry

Mémoire soutenu le 27 juin 2015

Année Universitaire 2013-2015

Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire.
SIB Harkité Hippolyte. hyppolytesib@gmail.com . Année académique 2013-2015.

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES i

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS .iii

REMERCIEMENTS .iv

DEDICACE v

RESUME vi

INTRODUCTION .8

PREMIERE PARTIE .10

CHAPITRE I. PROBLEMATIQUE .10

SECTION I : HYPOTHESES 17

SECTION II : OBJECTIFS 17

CHAPITRE II. CADRE CONCEPTUELS ET THEORIQUES 18

SECTION I : ETHNIE - GROUPE ETHNIQUE ET ETHNICITE 18

SECTION II : LE POUVOIR 22

SECTION III : LA POLITIQUE ..25

SECTION IV: LA CRISE ECONOMIQUE 31

CHAPITRE III. REVUE DE LA LITTERATURE .35

SECTION I : L'APPROHE CLIENTELISTE 35

SECTION II : L'APPROHE ETHNOCRATIQUE 40

CHAPITRE IV. DEMARCHE DE LA RECHERCHE ..46

SECTION I : LA RECHERCHE DOCUMENTAIRE ..46

SECTION II : L'ANALYSE DE CONTENU 48

DEUXIEME PARTIE .50

CHAPITRE V. CARACTERISTIQUES GENERALES DU PAYS 50

SECTION I : SITUATION GEOGRAPHIQUE ET DEMOGRAPHIQUE 50

SECTION II : CONTEXTE HISTORIQUE 53

SECTION III : SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE 59

CHAPITRE VI. PRESENTATION DES RESULTATS .62

SECTION I : LE REGNE DE FELIX HOUPHOUËT BOIGNY (1960-1993) 62

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SIB Harkité Hippolyte. hyppolytesib@gmail.com . Année académique 2013-2015.

SECTION II : HENRY KONAN BEDIE ET L'IVOIRITE (1993-1999) 64

SECTION III : LA TRANSITION DU GENERAL ROBERT GUEI (1999-2000) 68

SECTION IV: LAURENT GBAGBO LE REFONDATEUR (2000-2010) 72

CHAPITRE VII. INTERPRETATION DES RESULTATS 78

SECTION I : L'EVOLUTION DE L'INSTRUMENTALISATION ETHNIQUE DES LEADERS

POLITIQUES DANS LA GESTION DE L'ETAT (1960-1999) 78

SOUS SECTION I : L' HOUPHOUETISME (1960-1993) 78

SOUS SECTION II : L'IVOIRITE (1993-1999) 82

SECTION II : L'ANALYSE DE LA CONQUETE DU POUVOIR PAR LES LEADERS

POLITIQUES 85

SOUS SECTION I : LA CRISPATION ETHNIQUE (1999-2000) 85
SOUS SECTION II : DE L'ORDRE CONSTITUTIONNEL AUX ALLIANCES POLITIQUES (2000-

2010) .87

CONCLUSION 92

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 96

ANNEXES ..103

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SIB Harkité Hippolyte. hyppolytesib@gmail.com . Année académique 2013-2015.

«Je dédie ce mémoire de master à mon Professeur Alpha Amadou Bano Barry et à mes très chers Parents. Mon père le Major Sansan Sib, ma mère Koné Céline.»

A vous, toute ma gratitude et ma reconnaissance !!!

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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et Pouvoir Politique en Côte d?Ivoire.
SIB Harkité Hippolyte. hyppolytesib@gmail.com . Année académique 2013-2015.

SIGLES ET ABREVIATIONS

ADO Alassane Dramane Ouattara

AOF Afrique de l'Occidentale Française

CCCE Commission Consultative Constitutionnelle et Electorale

CEDEAO Communauté Economique des États de l'Afrique de l'Ouest

CEI Commission Electorale Indépendante

CFA (franc) Franc de la Communauté Financière Africaine

CNDH Commission Nationale des Droits de l'Homme

CNE Commission Nationale Electorale

CNSP Comite National du Salut Public

CURDIPHE Cellule Universitaire de Recherche et de Diffusion des Idées et des

actions du Président Henry Bédié

FAFN Forces Armées des Forces Nouvelles

FANCI Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire

FDS Forces de Défenses et de Sécurité

FESCI Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire

FMI Fonds Monétaire International

FPI Front Populaire Ivoirien

MJP Mouvement pour la Justice et la Paix

MPCI Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire

MPIGO Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest

ONI Office National de l'Identification

ONU Organisation des Nations Unies

PDCI-RDA Parti Démocratique de Côte d'Ivoire- Rassemblement Démocratique

Africain

ORSTOM Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer

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REMERCIEMENTS

Ce mémoire de Master est l'aboutissement de plusieurs années de travail académique qui n'aurait vu le jour sans l'accompagnement, le suivi et les conseils de plusieurs personnes.

Je profite de ce fait remercier mon directeur de mémoire Pr. Alpha Amadou Bano Barry, Recteur de l'Université Winfrey Oprah, qui n'a ménagé aucun effort malgré ses occupations professionnelles m'a guidé dans ce travail laborieux.

Aux Professeurs Alain Bonnassieux et Laurien Uwizéimana de l'Université Toulouse Jean Jaurès qui m'ont apporté leurs expériences en matière d'ethnicité sur les pays dont ils ont une expérience directe à savoir la Côte d'Ivoire et le Rwanda.

Nos remerciements vont à l'intention de tous nos intervenants au programme de master pluridisciplinaire Espace-Temps-Société qui, m'ont accueilli à tout moment et n'ont cessé de me présenter leur gratitude par des conseils. Pr. Sidafa Camara, Pr. Ibrahima Diallo, Dr. Kefing Condé, Pr. Bano Nadhel Barry, Dr Mabetty Touré, Dr Camara Abdoulaye.

Un merci spécial au Pr. Siddy Malhado Baldé et Dr. Kadiatou Lamarahna qui, au-delà des relations académiques ont été de véritables père et mère.

Mes remerciements vont aussi à l'endroit du Père Jean Ollo Kansié et à la Soeur Jocéline Kiénou qui n'ont cessé de me motiver davantage au travail.

Je ne saurai finir ces remerciements sans penser à mes frères et soeurs qui sont Marius, Flore , Alexis, Sabine, Samuel et Elysée.

Enfin, mes remerciements vont à l'endroit de toutes personnes qui de près ou de loin ont contribué d'une manière ou d'une autre à la rédaction de ce mémoire.

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RESUME

Ce mémoire est intitulé "Ethnicité et Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire". Avec pour question de recherche, celle de savoir comment le sentiment d'appartenance ethnique a été utilisé dans la vie politique de la Côte d'Ivoire.

Cette recherche participe à la compréhension du phénomène ethnique dans la vie politique en Côte d'Ivoire d'une part et d'autre part, contribué, par le biais de la recherche, à démontrer le recours à la dimension ethnique des leaders politiques dans la vie politique en Côte d'Ivoire. Pour rendre notre question de recherche opérationnelle, nous avons émis l'hypothèse selon laquelle le

sentiment d'appartenance ethnique a été régulièrement instrumentalisé et reconstruit à partir d'une mobilisation qui prolonge, renforce et met en cause les frontières ethniques ou régionales.

Du point de vue méthodologique, la démarche adoptée est la recherche documentaire et l'analyse de contenu. Dans la revue de la littérature, les différents points de vue ont été regroupés en deux approches : L'approche clientélisme et l'approche ethnocratique.

Il est apparu dans les résultats que l'introduction de la culture du café-cacao a mis en place trois personnages qui ont composé la scène politique ivoirienne dès le début de la colonisation française. La puissance conquérante, les ethnies et l'économie de plantation ont été des enjeux pour légitimer l'action de la colonisation dans la nomination et la hiérarchisation des ethnies. Le recours à la mobilisation ethnique dans la compétition pour le pouvoir politique était pratiqué par les acteurs de la scène politique ivoirienne lors des élections présidentielles de 1995, 2000 et de 2010. Cependant, il est apparu aussi que les stratégies de mobilisation varient d'un candidat à un autre et d'une élection à une autre. Si certains candidats le faisaient par des révisions constitutionnelles, d'autres ont utilisé des conflits inter-ethniques, la haine et la xénophobie.

Nous sommes arrivés à la conclusion que la mobilisation ethnique, dans la perspective d'en faire une base électorale, lors de ces élections, était réelle. Cette réalité tient au fait que les acteurs politiques dans leur lutte pour le contrôle du pouvoir d'État ont également désignés les migrants étrangers comme responsables de la crise économique ivoirienne.

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C'est exactement l'un des arguments que certains politiques utilisent pour convaincre leur base électorale. Lors de l'élection présidentielle de 1995, le candidat du PDCI a systématiquement eu recours à cette pratique. Le candidat du FPI a bénéficié du souvenir des événements du 26 Novembre et du soutien de l'administration publique, de l'armée et de celui de plusieurs groupes ethniques minoritaires en 2000.

En 2010, le PDCI et le RDR qui avaient présenté un candidat face au FPI ont signé des accords d'alliance dans la perspective d'un second tour. Ces accords eurent des effets sur le contenu des discours de la campagne. Aucun des candidats ne parlait au nom d'une ethnie particulière mais au nom des deux candidats du RHDP (Rassemblement des Houpouétistes Pour la Démocratie et le Progrès). Ceci a eu pour conséquence de rendre les discours plus modérés et réconciliateurs.

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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire.
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INTRODUCTION

Les études effectuées sur l'ethnicité ont permanemment avancées plusieurs mobiles pour comprendre et expliquer le recours à l'ethnicité dans les luttes sociales, religieuses et politiques. Les auteurs se sont le plus souvent intéressés aux acteurs, aux enjeux et aux stratégies utilisés par les politiciens pour mobiliser les ethnies. Cependant en Afrique, les questionnements sur l'identité, l'appartenance ethnique et les réseaux sociaux déterminent tant le milieu de vie que les choix politiques dans la société africaine.

Cet état de fait d'instrumentalisation des identités ethniques ou des origines sociales par les leaders politiques pour accéder ou se maintenir au pouvoir date de très longtemps et reste d'actualité en Afrique. Les guerres inter-ethniques, les crises politiques, les rebellions, les scissions des territoires sont autant évènements issus de l'instrumentalisation des ethnies qui ont engendré des crises ethno-politiques sans précédents. Par ailleurs, cette instrumentalisation des ethnies s'est produite à travers une conservation systématique du pouvoir présidentiel par certaines ethnies qui se sont institutionnalisées en partis politiques. Ce mémoire intutilé « Ethnicité et Pouvoir Politique en Côte d'ivoire », émet une série de réflexions sur les facteurs qui concourent à la mobilisation des entités ethniques en Côte d'ivoire autour des leaders politiques.

Ce mémoire analyse les facteurs économiques, les migrations étrangères, les enjeux sociopolitiques et les pratiques clientélistes qu'usent les leaders politiques ivoiriens pour accéder au pouvoir avec une perspective principale :

Comment expliquer l'instrumentalisation continuelle des ethnies sur la vie politique ivoirienne ?

Ce présent mémoire se divise en deux parties distinctes composés de sept chapitres. La première partie se subdivise en quatre chapitres. Le premier chapitre présente la problématique, le deuxième quant à lui traite du cadre conceptuel et théorique. Le troisième chapitre aborde la revue de la littérature et le quatrième chapitre porte sur la méthodologie de recherche.

Au plan méthodologique, les techniques utilisées sont la recherche documentaire et l'analyse de contenu. La recherche documentaire concerne les documents comme les ouvrages, les revues, le journal officiel de l'Etat, la presse écrite, les mémoires, et les thèses portant sur la Côte d'Ivoire. Les pratiques politiques des leaders de la Côte Ivoire dans la mobilisation des ethnies allant de 1960 en 2010 sont au centre de cette recherche.

La seconde partie du mémoire se subdivise quant à elle en trois chapitres. Le premier présente le cadre d'étude ; Le deuxième chapitre expose la présentation des données et, le troisième

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chapitre porte sur l'interprétation des résultats. Enfin nous relatons dans la conclusion les principaux résultats de cette recherche.

PREMIERE PARTIE

CHAPITRE I. PROBLEMATIQUE

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A la suite de la conférence de Berlin 1884-1885, la Côte d'Ivoire fut placée dans l'Afrique Occidentale Française (AOF). Ce n'est qu'en 1903 que des frontières furent définitivement tracées entre la Côte d'Ivoire et le Ghana. La frontière avec la Guinée fut établit en 1906. Celle avec le Libéria fut définitive en 1907, celle avec le Burkina Faso le fut en 1932 et enfin la frontière avec le Mali fut tracée en 1945.

Durant la période coloniale, la politique de développement agricole du café et du cacao, mis en place par les colonisateurs français, a mobilisé des capitaux étrangers et a fini par faire de la Côte d'Ivoire un pôle économique capital, attirant une main-d'oeuvre sous-régionale. Ainsi, des vagues successives d'immigrations ont alimenté ce besoin croissant en ressources humaines sur les différents chantiers de la Côte d'Ivoire. De sorte qu'entre 1920 et 1940, le système d'approvisionnement en main-d'oeuvre passa de la réquisition obligatoire au volontariat (Zongo ; 2003).

Le Président Félix Houphouët Boigny pérennisa cette politique agricole coloniale qui aboutit à une politique d'ouverture économique de la Côte d'Ivoire sur l'extérieur. Cet essor économique en forte expansion engendra une politique qui favorisa à son tour une grande attractivité de main-d'oeuvre qualifiée constituée de migrants en provenance de l'Afrique de l'Ouest qui intervinrent non seulement dans le secteur primaire mais aussi dans les secteurs secondaires et tertiaires ( Touré et al ; 1993). Cette migration de économique s'amplifia en raison du "miracle ivoirien" des années 1970-1980, de l'instabilité politique dans les pays limitrophes de la Côte d'Ivoire et surtout des incertitudes agro-climatiques de certains pays de l'hinterland de l'Afrique de l'Ouest.

Ainsi, selon les statistiques du ministère de l'aménagement territorial, on dénombrait dès 1950 que 50% de la population ivoirienne était d'origine étrangère ; 17% en 1965, 22% en 1975, 28% en 1988 et 26% en 1998. Nombreux furent les étrangers qui se sont naturalisés ivoiriens soit par alliance, soit par la procédure judiciaire afin de participer activement à l'édification du pouvoir du Président Félix Houphouët Boigny qui, a dû nommer des ministres "étrangers" dans son gouvernement lors de la première république.

Après l'indépendance, la Côte d'Ivoire s'est inspirée des dispositions de la constitution Française de 1958. Cette constitution fut quant à elle adoptée en 1959 par l'Assemblée Territoriale. A l'instar des autres constitutions, la constitution ivoirienne prévoyait dès 1960 le multipartisme avec une séparation des pouvoirs1. Mais vu la montée en puissance du parti unique dans les autres pays de l'AOF, le pouvoir exécutif de la première République a condamné toutes tentatives de multipartisme. Pour éviter toute destitution du Président par le parlement, il eut une révision de la

1 Loi n 59-1 du 26 mars 1959 portant loi constitutionnelle

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constitution. Celle-ci favorisa la transition du régime parlementaire au régime présidentielle accordant ainsi plus d'autonomie politique dans la gestion du pouvoir au Président Félix Houphouët Boigny.

En outre, cette nouvelle constitution lui accordait un mandat illimité et un pouvoir plus étendue dans l'exercice de ses fonctions. Ce pouvoir monolithique a engendré de ce fait une Assemblée monocolore à la solde du pouvoir exécutif, ce qui lui a valu le nom de chambre d'enregistrement (Wodié ; 1996). Les procédures de révision de la constitution ont été à plusieurs égards biaisées. L'étape de la prise en considération d'un texte était confondue avec l'adoption définitive du texte (Djedro ; 1992). D'où une imposition des lois à la population. En vue de se maintenir ou maintenir le PDCI RDA au pouvoir, en 1963 la constitution fut révisée en son article 11 concernant la vacance du pouvoir qui devra être assurée par le Président de l'Assemblée ( Togba ;1983).

Dès l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépendance, le Président Houphouët se fit entouré de cadres restreints issus d'une bourgeoisie d'élites, comme clientèles politiques, s'accaparant du café et du cacao et occupant une place importante dans l'administration et des prises de décisions. L'émergence de cette bourgeoisie se justifiait par la mise en place d'investisseurs de substitution dans une économie ivoirienne dominée par les étrangers. Houphouët-Boigny raffermit ainsi son pouvoir sur le mythe du sens supérieur de l'État propre à son groupe d'appartenance ethnique et de la culture du café et du cacao. Selon Memel Fotê Harris, ce mythe repose sur le double socle de « l'idéologie ethnocentrique de l'État et l'idéologie aristocratique de l'ethnie » (Fotê ; 1999).

Ce mythe légitimiste datant de la colonisation avait hiérarchisé les ethnies sur la base de l'existence de l'État, du développement de l'écriture et du livre. Ainsi, les Mandé et assimilés furent au sommet de la hiérarchie, ensuite les Akan au milieu et les Kru au bas de l'échelle. Ce mythe aurait été réécrit par « une fraction Akan de la classe politique ivoirienne » durant la décolonisation et après les indépendances selon le mode Akan. Ce travail de réécriture a repositionné le groupe Akan au sommet de la nouvelle hiérarchie avec à sa tête les Agni et les Baoulé, vient ensuite le groupe Mandé et au bas de l'échelle, les Kru » (Fotê ; 1999).

Le 07 décembre 1993 après la mort du premier Président de la Côte d'Ivoire Félix Houphouët Boigny, conformément à l'article 11 de la constitution ivoirienne promulguée par la loi n° 60-356 du 3 novembre 1960, le Président de l'Assemblée Nationale Henry Konan Bédié du groupe Akan, d'ethnie Baoulé et du Parti Démocratique de Côte d' Ivoire (PDCI) accéda à la magistrature suprême non sans violences inter-ethniques. Pour écarter ses adversaires potentiels, en l'occurrence Alassane Ouattara du Rassemblement Démocratique des Républicains (RDR), aux

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origines Burkinabè mais d'ethnie Dioula, il créa selon la Revue Relations / Centre justice et foi, le concept "d'ivoirité" qui fut utilisé pour la première fois le 26 aout 1995 par le Président Henry Konan Bédié.

L'article 6 de la constitution du 20 décembre 1961 stipule: « est ivoirien tout individu né en Côte d'Ivoire sauf si ses deux parents sont étrangers ». Alors que, la loi 94-642 du 13 décembre 1994 portant sur le code électoral en son article 49 stipule : « Nul ne peut être élu Président de la République s'il n'est âgé d'au moins quarante ans révolus et s'il n'est Ivoirien de naissance, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens de naissance. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne ... ». C'est sur de article qu'est né le concept d'ivoirité, faisant ainsi la distinction entre les ivoiriens de souches et les ivoiriens de circonstances ou d'origines "étrangères".

Apres l'instauration du concept d'ivoirité, Henry Konan Bédié favorisera la continuité des pratiques politiques du régime de Félix Houphouët Boigny en renforçant davantage son pouvoir par des révisions constitutionnelles en 1998 (Basile; 1999). Ces révisions lui accordaient plein pouvoir en période de crise et une augmentation du mandat présidentielle à 7 ans. Ce que certains ont nommé de régime présidentialiste autoritaire. On dénombre à cet effet huit révisions de l'article 11 entre 1960 et 1998 et sur les 76 articles que comptait la constitution de 1960, 53 furent révisés en 1998.

Le 24 décembre 1999, le chef d'Etat Major, le Général Robert Gueï, Yacouba du groupe Kru, accède à la présidence après un putsch contre le Président Henry Konan Bédié. La Côte d'ivoire est entrée dans la deuxième république. Pour légitimer sa gestion du pouvoir politique, la junte a procédé d'une manière autoritaire pour instituer une nouvelle constitution.2 Ainsi la junte a deux fois de suite modifier le projet d'avant projet de constitution avant de le publier dans le Journal officiel de la République tout en occultant le caractère souverain de l'Assemblée Constituante. Si la démocratie est la gestion selon la loi, cela sous entend que le respect de la constitution est capital dans l'exercice du pouvoir politique (Wodie ; 2007). Durant la crise militaro-politique, cette constitution fut révisée de manière informelle à plusieurs reprises afin de résoudre cette crise.

Le 23 juillet 2000, la nouvelle constitution favorisa un referendum sur le concept d'ivoirité dans l'objectif d'évincer le candidat du RDR, Alassane Ouattara de la course à la présidence. Cette attitude politique fit ressurgir les conflits inter-ethniques entre les militants des différents hommes politiques. C'est-à-dire les ethnies du Nord pro- Alassane Ouattara contre les ethnies de l'Ouest pro- Robert Gueï et les Ethnies du Sud pro-Laurent Gbagbo.

2 Décret n 2000-383 du 17 Juillet 2000 portant projet de modification de la constitution, JORCI, 2000 n 28 du 20 Juillet 2000

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Les élections du 22 octobre 2000, organisées par le Général Robert Gueï, menèrent Laurent Gbagbo le candidat du Front Populaire Ivoirien (FPI) au pouvoir. Le Général Gueï demanda ainsi l'annulation du processus de cette élection. Mais Laurent Gbagbo, après un soulèvement populaire dont il fut l'initiateur le 24 octobre 2000 (AFP ; 2000), fut investi Président de la République le 26 octobre 2000.

De violents affrontements politico-ethniques opposèrent les militants de Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Au lendemain du 26 octobre 2000, environ 57 corps (RFI ; 2000) sans vie des partisans du RDR furent retrouvés dans le quartier de Yopougon à Abidjan d'où le "Charnier de Yopougon". Le gouvernement en place avec des représentants des partis politiques tentent de réconcilier les populations ivoiriennes, mais en vain. Cette première tentative se solde par un échec. Car deux ans après, le tissu inter-ethnique et social sera une fois de plus remis en cause et fragilisé par les politiques.

L'allure des conflits politico-ethniques va se traduire par une rébellion subdivisée en trois branches principales sous l'égide des partisans pro-Alassane Ouattara constituées généralement des ethnies du Nord et du Centre appelé Mouvement Patriotique de la Côte d'Ivoire (MPCI) et des partisans du Général Robert Gueï à travers le Mouvement Patriotique Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO). Puis au Centre-Est par les Ethnies nordistes résidant dans cette zone. Ceux-ci créèrent le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP). Ces mouvements regroupés plus tard en Force Armée des Forces Nouvelles (FAFN) se coalisèrent contre le Président Laurent Gbagbo en exigeant sa démission. Le camp présidentiel quand à lui fut à l'origine des milices armées et des sections Paramilitaires comme l'Escadron de la Mort et le Centre de Commandement des Opérations Sécrètes (CECOS) en réponse à la rébellion. Ces conflits politico-ethniques créèrent la guerre civile, suivie de désolation et de ruine avec des exactions, assassinats et meurtres.

Le conflit politico-ethnique s'est accru surtout dans la partie Nord de le Côte d'Ivoire à travers la consolidation et la fortification de la confrérie Dozo3 qui habite dans la partie Nord de la Côte d'Ivoire, au Sud du Burkina, Sud- Est du Mali et au Nord- Est de la Guinée. Ainsi, cette confrérie à travers des membres et sa localisation géographique prêtent main forte en cas de conflits dans l'un des pays ou l'on demande leur service. De ce fait, les populations du Nord de la Côte d'Ivoire et les étrangers en particulier Burkinabé et Malien furent stéréotypés comme étant tous des étrangers qui concourent à l'instabilité politique et socio-économique de la Côte d'Ivoire.

Guillaume Soro fut nommé premier ministre après les accords entre les belligérants de la crise. Il eut à cet effet un bouleversement de l'ordre constitutionnel à travers une imposition au pouvoir

4 Confrérie de Chasseurs.

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discrétionnaire du Président Laurent Gbagbo qui, quand à lui usa, de son pouvoir en période de crise pour nommer ses adversaires politiques pour sortir de la crise sans tenir compte des dispositions de l'article 35 de la constitution qui stipule que:

Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n'est rééligible qu'une fois. Le candidat à l'élection présidentielle doit être âgé de quarante ans au moins et de soixante quinze ans au plus. Il doit être ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s'être jamais prévalu d'une autre nationalité. Il doit avoir résidé en Côte d'Ivoire de façon continue pendant cinq années précédant la date des élections et avoir totalisé dix ans de présence effective.

Ce conflit politico-ethnique perdurera durant le mandat de Laurent Gbagbo jusqu'à l'accession d'Alassane Ouattara à la présidence le 6 Mai 2011. On dénombra ainsi, suite à la crise post électorale de 2011, 3000 morts (ONU ; 2011) sur toute l'étendue du territoire ivoirien.

Cependant, le 13 juillet 2011, la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR) tente de réconcilier les Ivoiriens. Malgré ces efforts, d'autres conflits politico-ethniques ont eu une recrudescence dans l'Ouest ivoirien principalement dans les villes de Man et de Duékoué. Dans cette zone de l'Ouest principalement à Duékoué, on assista à un massacre entre les ethnies du Nord pro-Alassane et les autochtones de l'Ouest pro-Gbagbo, faisant ainsi 800 morts (CICR ; 2011). De ce fait, 60 à 75 % des Wê eurent à fuir leurs localités d'origine (Laurent ; 2011). La diversité ethnique est un enjeu politique capital dans la structuration de ce pays. Ce qui rend fragile d'une part la coexistence inter-ethnique pacifique et d'autre part le maintien et la stabilité de la paix durable. Au regard de toutes ces données, comment le sentiment d'appartenance ethnique a été utilisé dans la vie politique de la Cote d'Ivoire ?

Sur la question de l'instrumentalisation des ethnies par les politiciens, un certain nombre de théories sont concurrentes. Pour les tenants du clientélisme comme Amselle Jean-Loup (1992), Jean-Louis Briquet (1995) et Virginie Martin (1999), le clientélisme est une attitude des politiciens qui consiste à accroitre leur influence, en se créant une clientèle par des procédés démagogiques. Pour ces auteurs, le clientélisme est une pratique politique officieuse qui tire ses origines des sociétés traditionnelles africaines. Ainsi, cette pratique s'oppose à la politique moderne surtout en démocratie. Les politiciens utilisent généralement des réseaux de solidarité ou de référence sociale qui peuvent être entre autres, des groupes d'appartenance ethnique, des groupes d'amis, des groupements d'intérêts économiques. L'instrumentalisation de ces groupes de référence et

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institutions sociales traditionnelles passe le plus souvent par des obligations réciproques vis à vis des politiciens.

De la sorte, on constate une homogénéité entre le politicien et ses clients, une symbiose entre eux. Ce clientélisme favorise la corruption de la part des clients après élection de leur leader à la présidence. Dès lors, le Président leur accorde après son élection, un statut privilégié afin de compter sur leur mobilisation effective dans d'éventuelles élections futures. Une fois élu, le Président dans l'obligation de tenir ses promesses promulgue des décrets ou des lois privilégiant son groupe ethnique. Généralement, ceux-ci occupent les principaux postes administratifs, politiques et économiques.

Il s'ensuit une exclusion des autres groupes ethniques qui ne sont pas de l'ethnie du président. Le paroxysme de l'une des conséquences du clientélisme est la restriction des libertés des membres d'autres groupes ethniques.

Les clients présents dans l'appareil administratif s'accaparent des postes stratégiques. En utilisant leur statut à travers des manoeuvres tactiques, ils excluent quelques fois les partisans d'autres concurrents politiques dans la gestion de la chose publique. Parfois, les clients intègrent des partisans de l'opposition à condition que ceux-ci fassent défection de leur parti d'origine en adhérant au camp présidentiel.

Comme le pensent, Mayer Pierre (1990), Alain Pages (2001) et le CPJMO (2013), l'ethnocratie est la gestion de l'Etat par l'ethnie au pouvoir au détriment des autres ethnies du pays. L'ethnie étant un construit social. Cette théorie admet que les politiciens s'appuient sur leur appartenance culturelle voir ethnique pour obtenir des votes. Ainsi, les membres d'une parenté voir d'un groupe ethnique prêtent allégeance au politicien de leur contrée ethnique. Les promesses faites aux membres de son ethnie favorisent ceux-ci à voter massivement pour le politicien qui doit accéder à la présidence.

Le clientélisme et l'ethnocratie sont des pratiques utilisées par les politiciens afin de mobiliser leur électorat. Ces deux théories semblent être similaires dans la pratique. Car elles utilisent les ethnies pour susciter un électorat, elles utilisent les membres de leurs références sociales d'appartenances lors des nominations. La corruption est le fait emblématique de ces deux théories.

Mais la singularité du clientélisme est qu'il n'utilise pas seulement le groupe ethnique d'appartenance. Donc le leader politique s'entoure de plusieurs groupes ethniques, mais pourrait lors de sa succession à la présidence avoir son dauphin dans son groupe ethnique.

La quintessence de la dissemblance de l'ethnocratie face au clientélisme est que le premier n'utilise pas que les liens de la parenté voir exclusivement l'ethnie pour gérer le pays. Ainsi, presque toutes les institutions et organes de gestion du pays sont entretenus par les membres du groupe ethnique du

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Président. L'exclusion et la restriction des libertés des autres groupes ethniques peuvent engendrer la haine, l'ethnocentrisme qui à leur tour sont susceptibles de générer des conflits et des génocides.

SECTION I: HYPOTHESES

Hypothèse 1

Dans la vie politique de la Côte d'Ivoire, le sentiment d'appartenance ethnique a été régulièrement instrumentalisé et reconstruit à partir d'une mobilisation qui prolonge, renforce et met en cause les frontières ethniques ou régionales.

Hypothèse 2

L'arrivée massive des migrants-étrangers et la crise économique ont contribué à une crispation des ethnies qui ont été instrumentalisées par les politiciens dans leur conquête du pouvoir.

SECTION II : OBJECTIFS

Objectif général

Cette étude a pour objectif général de cerner les facteurs qui influent l'instrumentalisation des ethnies par les politiciens dans leur quête du pouvoir.

Objectifs spécifiques

- Décrire le mouvement migratoire des populations de la Côte d'Ivoire;

- Expliquer comment la crise économique a créer des frustrations entre autochtones et allochtones en Côte d'Ivoire;

-Analyser comment les politiciens mobilisent leurs entités ethniques d'appartenance et clientèles à des fins politiques en Côte d'Ivoire.

CHAPITRE II. CADRE CONCEPTUELS ET THEORIQUES

SECTION I : L'ETHNIE - GROUPE ETHNIQUE ET ETHNICITE

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L'ethnie provient étymologiquement du grec ethnos' qui désignait pendant l'antiquité tous les peuples qui ne se conformaient pas à l'organisation politique et sociale des Cités-Etat de la Grèce antique. Les grecques considéraient les « ethnè » pluriel d'ethnos comme des tribus. D'où la signification de ethnè, Etat-tribus. Chez les Grecques, ce mot ayant une connotation réductrice rapprochait les ethnè des hommes primitifs. Plus tard, ce mot sera emprunté par les Pères de l'église en l'occurrence, les ecclésiastes pour désigner les peuples païens (Gaulme ; 1997). Ensuite, les anthropologues européens utiliseront l?ethnos ou ethnie pour désigner les peuples africains dits sauvages. Ces critères anthropologiques négatifs expliquaient la perception de la domination européenne sur les populations africaines jugées comme non civilisées. En outre, certains

anthropologues trouvaient les ethnies africaines mal structurées. Par contre parmi ces
anthropologues, d'autres voyaient en l'ethnie une entité sociale homogène caractérisée par des critères comme la culture, la langue et les noms de famille.

Le mot ethnicité ou "ethnicity" trouve quand à lui son origine en Amérique chez les Anglo-saxons. Les caractéristiques de l'ethnicité ont été défini plus tard comme étant dynamiques et interactionnelles. Un groupe ethnique de ce fait peut être décrit à l'intérieur et à l'extérieur. L'ethnie n'est pas fictive et se rapporte toujours à une histoire. C'est au XIX ème siècle, selon Martiniello (1995) que l'ethnicité eut une portée raciale suites aux débats scientifiques et politiques concernant l'unification et la séparation des groupes ethniques. Désormais les politiques et les scientifiques pour identifier les ethnies, ajouter les critères raciaux. Lapouge (1983) qui introduisit le mot ethnie dans les sciences naturelles réfute ces propos en définissant l'ethnie comme étant un phénomène naturel et factice. A ce propos, Poutignat et Streiff (1995 ;21), affirment que:

Ces groupes sociaux, qu'il définit comme à la fois naturels et factices ne peuvent, selon lui, se confondre avec la race, et même ils en sont à peu près l'opposé, puisqu'il s'agit de groupements résultant de la réunion d'éléments de races distinctes qui se trouvent soumis, sous l'effet d'événements historiques, à des institutions, une organisation politique, des moeurs ou des idées communes.

Webber et Breton (1992) soulignent aussi qu'il existe une distinction entre ethnie, race et nation. Car, l'appartenance raciale est fondée sur une communauté d'origine alors que l'appartenance ethnique se fonde sur la croyance subjective à la communauté d'origine. Quant à la nation, elle est basée sur la croyance de la vie en commun. Pour eux, l'ethnie se distingue nettement de la population et du peuple qui sont des entités qui englobent l'ethnie. L'ethnie se distingue

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profondément d'eux par des réalités sociologiques plus restreintes et délimitées comme la parenté mythique ou réelle, la religion et les fonctions sociopolitiques et économiques.

En Afrique, pour Amselle (1985 ;32), l'ethnie durant la colonisation consistait à différencier les peuples dits civilisés des peuples non civilisés. Il existe de ce fait pour lui un lien très étroit entre ethnie et tribus malgré les changements d'espaces géographiques. Ainsi, il affirme que:

Rien ne distingue en fait le tribalisme ou l'ethnicité africaine de la renaissance du régionalisme à laquelle on assiste en Europe. Dans les deux cas, ces mouvements de retour aux sources, d'authenticité s'enracinent dans la réalité urbaine, ils sont une projection citadine sur une réalité rurale et passée purement imaginaire. C'est bien l'éloignement social et géographique qui, aussi bien en Europe qu'en Afrique, permet de donner pureté et homogénéité à un milieu hétérogène et hiérarchisé.

Pour appréhender la définition de l'ethnicité comme identité collective en Afrique et en particulier en Côte d'Ivoire, la définition de l'ethnicité de F. Barth semble être la plus pertinente. A savoir que le terme groupe ethnique sert en général dans la littérature anthropologique à désigner une population qui a une grande autonomie de reproduction biologique, de partage les valeurs culturelles fondamentales qui s'actualisent dans des formes culturelles possédant une entité patente, qui constitue un champ de communication et d'interaction et un mode d'appartenance qui le distingue lui-même et qui est distingué par des autres en tant qu'il constitue une catégorie distincte d'autres catégories de même sorte. Comme le précisent Poutignat et Streiff (1969 ;19 ):

Ce qui différencie en dernier ressort l'identité ethnique d'autres formes d'identité collective, c'est qu'elle est orientée vers le passé (...). Mais ce passé n'est pas celui de la science historienne ; c'est celui que se représente la mémoire collective. C'est une histoire mythique ou du moins légendaire dans laquelle certains souvenirs deviennent des symboles de ces significations imaginaires sociales.

Pour étudier les groupes ethniques, il faut tenir compte des frontières qu'occupent ces groupes ethniques. Pour Pierre Bourdieu dans sa théorie de l'ethnie comme représentation sociale, les critères comme la langue, les dialectes ne sont que des représentations mentales qui ne sont que des actes de perception, d'appréciation de reconnaissance des membres du groupe ethnique. En outre, pour comprendre la lutte des groupe ethnique, Bourdieu (1980 ; 22) affirme que:

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Les luttes à propos de l'identité ethnique ou régionale c'est-à-dire à propos de propriétés stigmates ou emblèmes liés à l'origine à travers le lieu d'origine et les marques durables qui en sont corrélatives, comme l'accent, sont un cas particulier des luttes des classements, luttes pour le monopole du pouvoir de particulier des luttes de classements, luttes pour le monopole du pouvoir de voir et de faire croire, de faire connaître et de faire reconnaître, d'imposer la définition légitime des divisions du monde social et, par-là, de faire et de défaire les groupes: elles ont en effet pour enjeu le pouvoir d'imposer une vision du monde social à travers des principes de division qui, lorsqu'ils s'imposent à l'ensemble d'un groupe, font le sens et le consensus sur le sens, et en particulier sur l'identité et l'unité du groupe, qui fait la réalité de l'unité et de l'identité du groupe.

Ainsi, le discours ethnique régional tente de véhiculer une idéologie qui sert à prouver la légitimité du groupe ethnique et le monopole du pouvoir politique. Le groupe ethnique étant un lieu de refuge pour ses membres répond aux attentes de ceux-ci au besoin de conquérir le pouvoir pour atteindre ses objectifs.

Le groupe ethnique adapte son identité au fur et à mesure tout en assurant sa pérennité et recours à la mobilisation de ses membres en cas de conflits ou de revendication. La solidarité au groupe ethnique passe par l'usage de la subjectivité culturelle qui différencie les groupes ethniques.

C'est dans cette perspective que Poutignat (1995) pour comprendre les causes de l'interaction conflictuelle ethnique trouve capital de connaître les frontières des différents groupes ethniques et leurs conditions économiques, environnementales et sociopolitiques. Pourtant l'organisation sociale des groupes ethniques, les alliances et la parenté rendent la délimitation de ces frontières ethniques assez complexes.

Vidal (2000) quant à lui, utilise l'approche de passion instituée pour comprendre l'ethnicité de la Côte d'ivoire. Selon lui, les passions sont un ensemble de valeurs que les membres d'un groupe ethnique intègrent dans leur corps, leurs perceptions et imagination pouvant caractériser des sentiments d'honneur, d'amour de la propriété foncière et du village. En effet l'occupation foncière des autochtones par les allochtones constitués en majorité de migrants Burkinabés et Maliens ont contribué à la crispation de certains groupes ethniques qui avec les différentes crises économiques comme le PAS et la dévaluation du Franc CFA, ont eu difficilement accès à leurs terres qui étaient déjà occupées par les migrants étrangers. C'est ainsi que Martiniello (1995 ;35) préfère quant à elle étudier l'ethnie au niveau macro, méso et micro sociale et définit l'ethnicité comme:

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Une des formes majeures de différenciation sociale et politique, d'une part et d'inégalités structurelles dans la plupart de sociétés contemporaines d'autre part. Elle repose sur la production et la reproduction de définitions sociales et politiques de la différence physique, psychologique et culturelle entre des groupes ethniques. Ceux-ci développent entre eux des relations de différents types (coopération, conflits, compétition, domination, reconnaissance).

En définitif, nous pouvons affirmer que l'ethnicité en Côte d'Ivoire est une construction historique qui a pris de l'envergure suite à la transformation des situations socio-économiques qu'a connu la Côte d'Ivoire et à l'orientation politique de chaque Président ivoirien. Ainsi, l'ethnicité sous Houphouët Boigny ne fut pas la même sous Henry Konan Bédié ni sous Gueï Robert, Gbagbo Laurent et encore moins sous Alassane Ouattara.

SECTION II : LE POUVOIR

Etymologiquement du latin « Potentia et potenta » qui signifie respectivement pouvoir, puissance et permission. Ce mot polysémique utilisé dans toutes les différentes sphères de la société désigne en économie l'individu qui s'est affranchi de toutes concurrences sur le marché. Quant au pouvoir religieux, il exerce une puissance sur les fidèles dans la pratique des prescriptions divines. Le pouvoir s'exerce même à l'intérieur de la parenté. Dans la famille, le pouvoir symbolise l'autorité parentale. Pourtant, le pouvoir dans la Rome antique étudiait la fonction exercée ou les attributs d'organes centraux de la société ou les gouverneurs (Leroux ; 1989). C'est dans cette perspective que s'inscrit le pouvoir exécutif, judiciaire et parlementaire. Faut-il à cet effet ajouter que le pouvoir désigne aussi le gouvernement et l'Etat. De l'antiquité à la période contemporaine, nombreux sont les philosophes comme Platon, Aristote, Cicéron, Augustin, Thomas d'Aquin, Francis Bacon, Thomas Hobbes, Hegel, Marx, Nietzsche et Bertrand Russell qui ont tous définis le pouvoir comme étant la manière de régir la dite "cité idéale". Ceux-ci relient le pouvoir à l'action. Thomas Hobbes (1651 ; 15) quand à lui admet comme les autres philosophes, que:

Le pouvoir d'un homme consiste dans les moyens présents d'obtenir quelque bien apparent futur.

Thomas Hobbes montre que le pouvoir est l'aptitude à produire des résultats durables. Ainsi, le pouvoir résulte de l'interaction entre les hommes. Le détenteur de pouvoir pour parvenir à l'obéissance d'autrui à son égard peut passer par la contrainte lorsque le dominé n'est pas satisfait par la redistribution des ressources. Ainsi Selon Chazel (1983 ;10):

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Le pouvoir n'opère que sur la base des asymétries de ressources inhérentes aux structures de domination.

Si dans la définition du lexique français le verbe pouvoir désigne la faculté d'agir propre aux hommes, le pouvoir devient politique pour M Weber lorsque ce pouvoir s'exerce sur des hommes dans un territoire bien déterminé avec des contraintes physiques et administratives. Cela explique l'imbrication du pouvoir politique au pouvoir militaire qui détient la force coercitive. Ainsi, le Sociologue Weber (1919 ; 23) définit le pouvoir comme :

Toute chance de faire triompher au sein d'une relation sociale sa propre volonté, même contre des résistances, quelle que soit la base sur laquelle repose cette chance.

Bourricaud (1982 ;9 ) à l'instar de F. Chazel et M Weber, démontre que dans une société ou l'exercice du pouvoir est fonction de la redistribution des ressources et dans une société ou l'adhésion n'est possible que par un contrat sociale, il affirme de ce fait que :

Le pouvoir n'est pas réductible à la force même si la force est le dernier recours du pouvoir.

Dans cette même perspective M Weber montre le caractère légal, légitime et juridique du contrat social, qui n'est que la forme institutionnalisée du pouvoir politique qu'acceptent les hommes pour vivre ensemble. Ainsi les gouverneurs et les gouvernés sont soumis au droit. L'exercice du pouvoir et le droit deviennent interdépendants pour régir la société en excluant que partiellement la domination économique. D'où les trois instruments du pouvoir énumérer par M Weber qui sont la dissuasion, la rétribution et la persuasion. Danièle Loschak (1986 ; 30) poursuit en démontrant le caractère indissociable du droit et du pouvoir politique en ces termes :

Le droit est un discours de pouvoir parce qu'il est accepté comme « une parole autorisée », « une parole vraie » et « une parole efficace ». C'est à travers des symboles que le détenteur de pouvoir, le dominateur rappellent leur statut, leur autorité, leur commandement.

Cependant les symboles que s'entoure le droit comme la constitution, les lois, le tribunal sont aussi les symboles du pouvoir politique. Dès lors, la démocratie n'est possible dans un Etat de droit qu'avec une interdépendance entre pouvoir politique et droit.

Le pouvoir politique peut être appréhendé comme un facteur de régulation sociale, à travers les liens sociaux qu'il génère dans l'Etat contemporain démocratique qui présente une communauté

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humaine qui, dans les limites de son territoire déterminé revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. En outre M Weber détermine trois critères qui expliquent la domination du pouvoir par le politique à savoir le « Pouvoir traditionnelle » qui explique le respect d'antan accordé au chef par ses sujets, ensuite le « Charisme » qui caractérise la compétence et l'héroïsme du chef et le « serviteur de l'Etat » caractérisant un critère dispensable au chef au sein de sa société.

Le pouvoir traditionnel en Afrique repose sur le sacré. Car l'origine du pouvoir et sa nature sont sacrées. Ainsi, dans la plupart des sociétés africaines, le pouvoir tire sa genèse des mythes, de la magie et des rites. Les aspects cosmogoniques et cosmologiques paraissent importants pour appréhender le pouvoir politique du chef. Dans les perceptions africaines, le chef représente le prolongement des forces de la nature et est le dépositaire des forces mystiques. Le modèle de la conception de l'Etat politique des pays du Nord qui devait rendre les Etats traditionnels africains modernes fut rebuté lors de son processus. Les élites africaines furent confrontées à de nombreuses difficultés de cohésion nationale et ont développé une autre perception du pouvoir politique à travers un syncrétisme politique caractérisé par une confusion des pouvoirs politiques traditionnels et modernes.

En Afrique, les Etats africains restés longtemps à l'état traditionnel se sont vus imposés des formes de gestion politique moderne en inadéquation avec la gestion politique des sociétés africaines en majorité fortement hiérarchisées. Le pouvoir politique moderne ou la démocratie n'est qu'un « pur produit d'importation » comme le précise Bernard Badié. De ce fait, Bayart (1996 ; 24) poursuit en affirmant que :

Son édification sous cette forme particulière est le fruit de l'expression impérialiste de l'occident et du processus communément qualifié de « mondialisation » ou de « globalisation », même lorsqu'elle est survenue dans des sociétés politiquement centralisées en royaume ou en empire. Le constat est clair, la greffe de l'Etat s'est soldée par un échec.

Ainsi pour favoriser la gestion de leurs Etats, nombreux sont les chefs d'Etat en Afrique qui se sont non seulement imprégnés des ethnies et utilisés le mode de gestion politique propre à leur ethnie afin de gouverner leur Etat, d'où l'ethnicité. Dès lors, on assiste depuis l'accession aux indépendances à une ethnicité croissante dans les pays à pluralité ethniques, une instabilité politique et démocratique se caractérisant par des guerres interethniques, à la mauvaise gouvernance, au clientélisme, à l'illégalité, la corruption, au régime patrimonial et présidentialiste... suite à la

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démocratie à l'africaine qui ne semble pas se conformer à celle des pays du Nord (Médard ; 1982). C'est dans cette perspective que le Président Malien Amadou Toumani Touré déclarait que:

Le pouvoir politique en Afrique, c'est comme un avion qui entre dans une zone de turbulences. Il bouge dans tous les sens et personne ne peut en prévoir l'issue.

SECTION III : LA POLITIQUE

Le mot politique provient étymologiquement du grec « Politikon » qui désignait premièrement, la connaissance des principes de la gouvernance collective et deuxièmement, la pratique du gouvernement ou l'art de diriger les affaires publiques. Ainsi, à l'origine, la théorie et la pratique politique n'étaient pas dissociées. La Polis quant à elle renvoie à l'ensemble des citoyens qui habitaient la Cité-État. La Grèce étant considérée en cette période comme une société hiérarchisée, Seuls les citoyens grecs avaient le droit de participer aux décisions politiques. Il faut enfin souligner que la philosophie grecque se caractérisait par de fortes préoccupations éthiques, car la politique se définissait comme l'activité qui devait réaliser le bien. La connaissance devait conduire à l'établissement du meilleur gouvernement possible.

Ainsi durant l'antiquité, pour les philosophes comme Platon et Aristote la connaissance politique visait à établir les moyens à prendre pour conquérir le pouvoir. Ils définissent de ce fait la politique comme la science maîtresse des autres formes de savoir. Pour Aristote (1950 ; 27), la politique est présentée comme un phénomène naturel et nécessaire:

Il est donc évident que toute Cité est dans la nature, et que l'homme est naturellement fait pour la société politique. Celui qui par sa nature, et non par l'effet du hasard, existerait sans aucune patrie, serait un individu détestable, très au-dessus ou très au-dessous de l'homme (...) Aussi, l'homme est-il un animal civique (...)

C'est dans cette perspective qu'il affirmait aussi que l'homme est un « Zoon Politikon » ou un animal politique. Car c'est de sa nature de vivre avec ses semblables dans le cadre d'une société bien hiérarchisée. C'est aussi durant cette période que les comparaisons entre les régimes politiques (démocratie, aristocratie et tyrannie) se produisaient.

Dans la Rome antique, Cicéron (1954 ; 25) prolonge l'oeuvre des penseurs grecs tout en liant le droit à la politique. A Rome, le droit privé, le droit public, les bases constitutionnelles de la vie politique

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vont occuper presque tout l'espace de la politique à travers la loi. Les Romains utilisaient le terme « Res Publica » ou chose politique pour désigner la vie politique.

La république (...) est la chose du peuple ,
· et par peuple, il faut entendre non tout assemblage d'hommes groupés en troupeau d'une manière quelconque, mais un groupe nombreux d'hommes associés les uns aux autres par leur adhésion à une même loi et par une certaine communauté d'intérêts. Quant à la cause première de ce groupement, ce n'est pas tant la faiblesse qu'une sorte d'instinct grégaire naturel, car le genre humain n?est point fait pour l'isolement et la vie errante.

Dans son livre, La Cité de Dieu, datant de la période médiévale, Saint Augustin (1976 ; 24), tout en recherchant la perfection, introduit une distinction qui modifie le sens de la politique. Cette mutation s'explique par la décadence de l'Empire romain sous les invasions barbares. L'Église prend la relève de Rome et devient une puissance temporelle. Elle impose son autorité à l'ensemble de l'Europe et établit sa suprématie politique. Pour justifier ce nouveau pouvoir, Saint Augustin propose de distinguer la cité de Dieu et la cité des hommes et démontre que, le peuple selon la cité de Dieu est défini comme un agrégat humain, une multitude raisonnable, mais elle est unie par la paisible et commune possession de ce qu'elle aime et non par le droit et l'intérêt. Il affirmait que :

Deux amours ont bâti deux cités : l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu fit la cité terrestre ,
· l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi fit la cité céleste.

Après lui, Saint Thomas d'Aquin innovera la relation entre la politique divine et la monarchie terrestre.

A la Renaissance, à partir du « Prince » de Machiavel, les politiciens cherchent davantage à comprendre la politique réelle au détriment des obligations morales ou religieuses. Machiavel considère que le but de la politique n'est pas la recherche du bon gouvernement qui assure la justice aux citoyens. Il soutient que la politique ou l'État n'a pas comme finalité de faire le bonheur de ses sujets, mais de découvrir les moyens pour obtenir l'obéissance des citoyens. Machiavel ne cherche pas à expliquer ou justifier l'origine de la souveraineté dans la mesure où la légitimité du Prince réside dans le fait de prendre le pouvoir et de le conserver par tous les moyens. Althusius, pour sa part, affirme que la souveraineté est fondée sur un contrat liant un ensemble de groupes.

Au XVII ème siècle Les régimes monarchiques anglais et français sont ébranlés par la Fronde en France et par la révolution de Cromwell en Angleterre. L'absolutisme royal est confronté par la montée d'une nouvelle force sociale. C'est en cette période que Thomas Hobbes élabore aussi le concept de contrat de soumission ou d'obligation dans la politique. Mais ce contrat a la particularité

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de lier tous les membres de la société entre eux sans lier la puissance souveraine qui concentre tous les pouvoirs. En échange de ces restrictions à leurs libertés, le souverain doit assurer à tous ses sujets la sécurité, l'égalité devant la loi et la prospérité matérielle. Hobbes n'admet pas que l'homme soit par nature un animal politique comme le pense Aristote. Pour lui, l'État ou le pouvoir politique est un produit artificiel qui résulte d'un acte volontaire. Il est le fruit de la recherche de l'intérêt de l'individu qui veut être protégé afin de vivre en paix et de travailler à son propre bien-être. Au XVIIIe siècle, le système anglais servira de modèle aux partisans des réformes politiques.

En France, Montesquieu (1950) et Rousseau (1963 ; 30) élaboreront les principes de la démocratie politique. Dans L'esprit des lois, Montesquieu est à la recherche d'une explication rationnelle des différents types de régimes politiques. Il veut connaître les lois du gouvernement de la société. Il écrit :

Les lois, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses et dans ce sens, tous les êtres ont leurs lois Pour comprendre et expliquer l'ordre politique.

Montesquieu différencie trois types de gouvernements, à savoir le républicain, le monarchique et le despotique qui se distinguent par leur nature et leur principe d'action. Il estime que la république, comme mode de gouvernement, convient particulièrement aux petits États. Rousseau (1963 ; 32) complétera cette évolution intellectuelle avec sa théorie de la volonté générale qui inverse le principe d'autorité en définissant le contrat social comme fondement de la souveraineté. Il affirmait que:

Cette personne publique qui se forme ainsi par l'union de tous les autres prenait dans l'Antiquité le nom de Cité et prend maintenant celui de République ou de corps politique lequel est appelé par ses membres État quand il est passif, souverain quand il est actif, puissance en le comparant à ses semblables.

Chez Rousseau, le souverain n'est plus une personne mais c'est la nation qui est souveraine, c'est-à-dire le peuple tout entier. Il exerce son autorité sur lui-même par la loi qu'il se donne. Le gouvernement n'est pas le souverain, Il est au service du souverain et il doit incarner la volonté générale.

Cependant, le XIXe siècle, Dans la foulée de la révolution industrielle et de la montée de la bourgeoisie, l'orientation scientifique et technique l'emporte partout. La division du travail intellectuel se produit également entre la réflexion philosophique et la réflexion politique.

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La politique se rattachera à l'étude du Droit. Cette domination du droit est bien illustrée en Europe et tout particulièrement en France. Aux États-Unis, l'approche juridique dominera aussi la politique. Cette conception juridique de l'analyse politique s'explique par la nature même du système politique américain défini comme un gouvernement des lois et non des hommes et fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs, ce qui justifiait les études sur les institutions législatives, exécutives et judiciaires.

Marx par contre conteste la prétendue séparation entre la société civile et la société politique. L'État, pour sa part, est défini comme le lieu où se réalise l'intérêt général, comme un centre d'intégration et d'unification de la société. Le rôle de la politique est alors d'assurer la cohésion et l'ordre, ce qui implique qu'il est neutre et au-dessus des conflits entre intérêts particuliers. Sa fonction est de garantir l'égalité de tous les citoyens devant la loi tout en évitant de s'ingérer dans la sphère du privé où chaque individu reste libre de promouvoir ses intérêts à la condition de ne pas restreindre la liberté d'autrui.

Cette nouvelle situation idéologique de la politique imposait un développement des connaissances et une extension considérable pour soumettre à l'analyse politique de nouveaux phénomènes comme les partis politiques, les groupes de pression, le comportement électoral, l'opinion publique. Les partisans de cette nouvelle approche dénoncent les limites de l'approche juridique qui n'était pas en mesure d'apporter des réponses efficaces aux problèmes posés par le développement des sociétés occidentales. Ils critiquent les tenants de l'approche juridique. Pour corriger ces lacunes, les behavioristes proposent de modeler la politique sur les sciences de la nature afin d'en faire une science objective. Ainsi, pour eux, la science politique, de science de l'État qu'elle était, devint science du pouvoir.

Par contre selon Coquery-Vidrovitch (1990), avant la colonisation, l'Afrique avait une forme politique propre à elle. Mais cette forme se différenciait selon la nature de la société. Soit matrilinéaire ou patrilinéaire, même si leur politique était intimement redevable à leur environnement religieux, écologique.

Pour Coquery-Vidrovitch, si la politique est née avec la démocratie dans la Grèce antique, celle-ci fut cependant transplantée de l'Europe occidentale en Afrique. Cette politique-démocratie n'a pas pris formes dans le gouvernement original et traditionnel africain, même durant la période coloniale. La phase coloniale qui aurait favorisée une percée démocratique a transformé le milieu, bouleverser les mentalités, et fut inducteur de pratiques politiques et sociales spécifiques qui développent encore aujourd'hui leurs effets.

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Pour Coquery-Vidrovitch, le mot démocratie en Afrique possède un sens double d'une part il se réfère à une idée politique, d'autre part à un processus historique qui, constamment en devenir, ne parvient jamais à son achèvement. De ce double point de vue, la démocratie demeure un idéal, parce qu'elle repose sur une contradiction fondamentale. Les inégalités, la corruption, les manipulations inter-ethniques sont des caractères démocratiques en Afrique.

De ce fait en Afrique, la connaissance de la politique doit s'inscrire dans un ensemble plus vaste comme celui de l'économie, des conflits d'intérêts, l'étude de la vie politique ne peut donc se limiter à celle des textes constitutionnels. Au contraire, puisque les constitutions sont le produit de rapports de force. L'analyse économique de la vie politique est le plus souvent associée à la théorie marxiste. Mais cette relation supposée entre comportement économique et comportement politique se retrouve aussi dans d'autres courants de pensée, notamment chez les partisans de l'économie libérale.

Pour Anthony Downs (1981), il faut s'inspirer de la science économique pour construire la politique parce que, l'économie dispose d'une théorie scientifique. Downs définit la politique comme un phénomène d'échange qui n'est pas différent de l'échange économique. Selon cette logique, l'activité politique en Afrique n'est pas plus noble ou morale que l'activité économique. Pour Downs (1981 ; 27), les leaders politiques qu'ils soient individuels ou collectifs obéissent à la même rationalité, ils cherchent à maximiser leur intérêt, à obtenir le plus d'avantages pour eux-mêmes.

Il définit un parti politique en Afrique comme une équipe d'hommes qui cherchent à prendre le pouvoir par l'élection et lorsqu'ils sont au pouvoir, ils cherchent à se faire réélire. Des fins égoïstes motivent leur action :

Ils prennent le pouvoir afin de profiter des revenus, du prestige et de la puissance que procure la direction de l'appareil gouvernemental.

Dans les démocraties africaines, les partis politiques élaborent un programme politique non pas parce qu'ils sont motivés par la recherche de la justice ou du bien commun, mais plutôt comme moyen pour gagner des votes. La formulation et l'application d'une politique ne sont, pour les partis, que des sous-produits de l'intérêt personnel des politiciens qui est d'obtenir les revenus, la puissance et le prestige liés à l'accession au pouvoir. En d'autres termes, les hommes politiques ne recherchent pas le pouvoir pour réaliser un programme politique ou pour défendre les intérêts des groupes sociaux. Ils proposent des politiques et cherchent le soutien des groupes pour prendre le pouvoir. Cette hypothèse implique qu'en démocratie, un gouvernement agit toujours de façon à maximiser le nombre de voix qu'il obtiendra à la prochaine élection. A la suite de Downs, Attali (1981 ; 12) définit ainsi la fiabilité d'un parti :

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Un parti est fiable si les affirmations qu'il a faites pendant la période peuvent servir à prédire son comportement pour la période plus 1.

Downs estime pour sa part que la concurrence entre les partis les oblige à être fiables, car pour gagner, ils savent qu'ils doivent offrir à l'électeur la possibilité de voter rationnellement en réduisant l'incertitude causée par une information imparfaite. Si un parti déroge à la règle, l'autre en profitera pour élargir sa clientèle.

SECTION IV : LA CRISE ECONOMIQUE

L'économie provient de l'association des termes grecs « oikos » qui désigne la maison, le domaine agricole et « nomos » qui fait référence aux règles, l'administration. L'économie signifie donc littéralement « conduite d`une maison, ou d'un domaine ». L'économie est la science de l'allocation optimale de ressources rares à la satisfaction de besoins potentiellement infinis (Smith ; 1996). Cette définition fait de l'économie une science normative qui, se fixe comme objectif de dire comment on peut, avec des moyens limités, obtenir le maximum de satisfaction des besoins. L'économie utilise plusieurs concepts en interactions permanant comme les objets économiques qui constituent la richesse matérielle et les moyens qui favorisent la circulation des marchandises, biens, travail, monnaies, titres, informations. Ensuite, les actes économiques qui déterminent les productions, échanges, consommations, épargnes, par lesquels se créent, circulent et sont détruits les objets économiques. Enfin, les acteurs économiques désignent les individus ou collectifs, qui commettent les actes économiques en manipulant les objets économiques. Les acteurs se caractérisent par leur comportement à l'égard des objets économiques. En outre, les facteurs comme les ressources, la monnaie, les biens, les services et la force de travail qui sont inhérents voir capital dans l'économie, sont aussi indispensables dans la gestion politique de tout Etat. C'est ainsi que Weber (2005 ; 23), économiste et sociologue disait :

Nous savons tous que la science qui est la nôtre (l'économie), de même que - à l'exception peut-être de l'histoire politique - toutes les sciences qui ont pour objet des institutions et des événements culturels humains, sont issues

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historiquement de considérations pratiques. Elaborer des jugements de valeur sur certaines mesures de politiques économiques, tel fut le but immédiat et, au départ, unique de notre discipline.

Pour M Weber, dans l'économie, les pouvoirs publics ne sont pas comme les autres acteurs. Ils exercent une influence considérable sur l'économie nationale en imposant des normes économiques par les contrats juridiques, ils fournissent des services publics comme le transport, la santé, l'enseignement...Enfin, ils influencent le budget de l'Etat.

Force est de souligner que l'on ne peut dissocier l'existence de la microéconomie qui est l'étude des comportements individuels, en particulier ceux des consommateurs, des producteurs ou des détenteurs de ressources, et l'analyse de leur interaction, qui est liée à la macroéconomie qui examine, quant à elle, l'économie dans son ensemble en essayant de comprendre les relations entre les différents agrégats que sont le revenu, l'emploi, l'investissement et l'épargne (Giraud ; 2005).

Bien vraie qu'il existe plusieurs types de crises, mais toute crise fait référence à une situation personnelle ou sociale, traumatique ou stressant qui implique un changement brusque, inattendu de l'équilibre d'une personne ou d'un groupe et une perturbation de l'existence quotidienne suivant les mécanismes d'adaptations (Cozman ; 2008). La crise peut se manifester de manières politique, militaire, sociale...La crise est limitée dans le temps, l'individu est incapable de résoudre tous seul avec ses ressources, la résolution ne dévient possible qu'avec la découverte d'une nouvelle ressource.

A l'instar d'autres crises, la crise économique présente une particularité complexe à appréhender. Pour le FMI, la crise économique présente un revers conjoncturel et structurel de ce fait, il définit la crise conjoncturelle comme toute période consécutive de trois trimestres à croissance négative ou décroissance du produit intérieur brut. La crise structurelle est une longue période de croissance lente, où l'on ne parvient pas à faire redémarrer le « moteur » économique.

Faut-il signaler à cet effet que par cette première définition de la crise économique, nous pouvons affirmer l'existence de plusieurs crises économiques dans l'histoire de l'humanité. Ainsi nous pouvons énumérer quelques crises économiques. 1637 La Tulipomania, 1720 Crise de la Compagnie des mers du Sud au Royaume-Uni et du système de John Law en France, 1797 Panique bancaire au Royaume-Uni, 1810 Crise bancaire au Royaume-Uni, 1819 Crise bancaire aux Etats-Unis, 1825 Crise boursière au Royaume-Uni, 1836 Krach boursier au Royaume-Uni puis difficultés bancaires aux Etats-Unis, 1847 Effondrement boursier en France et au Royaume-Uni après un engouement pour les chemins de fer. 1873 Krach boursier à Vienne après une spéculation liée à

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l'Exposition universelle, 1882 Krach de l'Union Générale de France. 1907 Panique des banques aux Etats-Unis, 1929, le « jeudi noir » aux Etats Unis, 2007 la crise de la bourse de Wall Street au Etats unis qui a impacté l'Union Européenne.

Avec l'exposition des crises économiques dues à la raréfaction des ressources que constituent la richesse des Etat, l'économie dévient l'étude de la manière dont la société gère ses ressources rares (Mankiw ; 2004). Elle s'intéresse aussi aux opérations essentielles que sont la production, la distribution et la consommation des biens, d'autre part aux institutions et aux activités ayant pour objet de faciliter ces opérations. De ce fait nous pouvons affirmer que toute crise économique est fonction du temps et des ressources de son territoire.

Dans de nombreuses perceptions sous régionales, vivre en Côte d'Ivoire est un signe de réussite, de prestige ou d'ascension sociale. Ensuite, pour des raisons politiques et les guerres interethniques, de nombreuses populations de certains pays limitrophes de la Côte d'Ivoire ont été accueillis comme réfugiés politiques. En Guinée Conakry, les persécutions sous le régime de Sékou Touré de 1958 à 1984 ont entraîné le départ de près de 2 millions d'habitants vers le Sénégal et la Côte d'Ivoire.

En Outre pour des raisons socio-économiques, des migrants sont venus en masse de la Haute Volta, actuel Burkina Faso, du Mali, de la Guinée, du Libéria et du Ghana. Ces migrations vers la Côte d'ivoire sont en partie dues à la pauvreté des zones sahéliennes et désertiques, aux aléas climatiques et la fragilité de l'écosystème qui engendre la famine. Cette situation à poussé des populations étrangères à migrer vers les zones favorables de la Côte d'Ivoire ayant des potentialités pouvant répondre à leurs besoins. C'est le cas des éleveurs Peulhs Malien aux nord de la Côte d'Ivoire. En plus, l'orographie, le pétrole, les gisements de minerais et autres métaux précieux, ont mobilisé les populations à migrer vers ces zones pour l'extraction des minerais.

L'une des causes migratoire la plus importante est le développement des cultures de rentes en Côte d'Ivoire qui, a favorisé la migration de la main-d'oeuvre étrangère en provenance des pays sahéliens et désertiques vers les plantations de café, cacao, hévéa, palmier à huile et des activités portuaires s'y trouvant. Il faut signifier que la venue de ces migrants ouvriers fut possible au début par des politiques autoritaires de la colonisation et plus tard de manières volontariste par les migrants eux même. Exemple : l'arrivée des Mossi en Côte d'Ivoire dans les plantations de café et cacao. Entre 1976 et 1980, on estimait environ 1, 3 millions étrangers venus en Côte d'Ivoire. C'est dans cette perspective qu'Alain Bonnassieux (2009 ; 24) affirmait :

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Bien qu'un nombre croissant de jeunes africains cherchent à quitter le continent, les flux migratoires en Afrique de l'Ouest restent nettement plus importants.

CHAPITRE III. REVUE DE LA LITTERATURE

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La revue de la littérature ne concerne que quelques études effectuées en Afrique avant et après la colonisation. Ces études portent sur la manipulation des ethnies par les leaders politiques dans leurs quêtes au pouvoir et dans l'exercice de leur pouvoir présidentiel.

Après les indépendances en Afrique, la majorité des leaders politiques africains de nombreux pays, ont eu recours à des enjeux ethniques afin de favoriser la stabilité de leur pouvoir et aussi de se maintenir eux même au pouvoir. Ainsi, divers stratégies et alibis furent utilisés par les leaders politiques suivants différentes circonstances afin de politiser les ethnies (Kolemagah ; 2005).

Si le nationalisme africain qui représentait une unité politico-ethnique, avait contribué en large partie au départ du colon et à l'accession à l'indépendance, ce nationalisme, s'est vu réduit à sa plus petite unité d'antan qui est l'ethnie. Et ces ethnies se trouvent aujourd'hui instrumentalisées par les leaders politiques dans les jeunes Etats africains. Nous utiliserons dans ce travail, une "analyse de cause à effet" pour cerner les causes et les conséquences de la manipulation des ethnies par les leaders politiques.

SECTION I : L'APPROHE CLIENTELISTE

Nombreux sont les enjeux ethniques utilisés par les leaders politiques afin d'obtenir un électorat important permettant leur accession à la présidence. Les causes de l'instrumentalisation ethnique par les politiciens sont diverses. Les politiciens instrumentalisent les ethnies de manière croissante jusqu'à créer entre celles-ci des conflits violents, voir génocidaires comme au Rwanda en 1994.

Le but de cette manipulation, est la conquête des ressources qui motive les leaders politiques. D'autres facteurs sociaux pouvant conduire aux conflits politico-ethniques. De ce fait, lorsque les individus d'une société n'ont aucune ressource et se sentent exclus de la politique, ceux-ci ont recours à leurs ethnies pour résoudre les différents, se protéger et faire valoir leur perception de la justice. Ce comportement des ethnies instrumentalisées à pour fond le clientélisme.

Le clientélisme est une attitude politique qui, consiste à augmenter son influence en ce créant une clientèle par des procédés démagogiques au sens péjoratif. Ce mot est synonyme du népotisme qui est aussi un favoritisme exercé par un haut placé à l'égard de sa famille, ses amis, ses électeurs (Encarta ; 2009). Ce clientélisme à un double revers. Il peut utiliser à la fois l'ethnicité et d'autres appartenances telles qu'un réseau d'amis, un groupement d'intérêt économique. Il utilise enfin plusieurs ethnies lorsque celles-ci sont potentiellement aptes à conduire le leader à la présidence.

Pengnuo Muwengaa, au Kenya dénonça le clientélisme dans les années 1970, ou les Kikuyu avaient l'apanage des terres sous le régime de Kényatta. Kazanga, dans son article ethnicité en Afrique

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entre Etat et tradition paru en 1993, décrit le clientélisme comme une réponse politique à travers des intérêts économiques octroyés à l'électorat ethnique du Président, à des fins de récompenses pour leurs soutiens à son élection et leur mobilisation permanente face aux éventuels conflits.

Certains auteurs élucident la genèse du clientélisme comme étant antérieure à la colonisation. A Brazzaville au Congo, le conflit nordiste et sudiste de 1992, s'explique par des tentions ethniques datant de la période précoloniale. Cette manipulation des ethnies à Brazzaville par les leaders politiques fut favorisée à travers la répartition géographique des ethnies dans la ville de Brazza. Les conséquences de cette instrumentalisation ethniques ont généré aux recrutements de milices et bandes armées des différents groupes ethniques qui ont aboutit à des affrontements sanglants (Dorier et al ; 1989). En cette même période à Madagascar, principalement à Antanarivo, l'effet de l'ethno-géographie, les facteurs d'intérêts économiques, religieux et du rôle du père de famille furent des enjeux cruciaux instrumentalisés par les leaders politiques de 1992 à 1996 (Roubaud ; 1997).

Cette situation à Brazzaville et Madagascar fut la même qu'en République Centrafricaine de 1996 à 2001. La division géo-spatiale qui fut remarquable à travers une urbanisation ségréguée. En plus, la valorisation des milices armées favorables aux Président au détriment de l'armée régulière, ont engendré des conflits politico-ethniques. Les jeunes se laissant séduire par le clientélisme acceptent de s'enrôlés dans les différentes milices pour des biens matériels et économiques (Chauvin ; 2009). Le clientélisme revêt un fond racial comme au Rwanda ou, les leaders politiques Hutu durant le génocide scandaient des slogans racistes qui consistaient à une épuration raciale du peuple Tutsi.

En outre, le clientélisme sur fond d'ethnicité comme l'affirmait Ousmane Diallo (2013), « L'ethnicité ne peut qu'être politique ». En Guinée, le présidentialisme exacerbé engendré par le néo-paternalisme à entrainé la politisation des ethnies. Ainsi, les enjeux de compétition économique favorisent l'instrumentalisation des ethnies par les leaders politiques.

Cependant, les thèses d'ethnicité, de népotisme, de corruption, d'intérêt économique et de racisme utilisés par le clientélisme et par certains auteurs cités ci haut ne sont pas unanimement partagées par d'autres auteurs. Car à l'opposé de ces thèses, il existe les thèses dépendantistes et celles de systèmes électoraux, qui sont aussi utilisées par le clientélisme.

Le clientélisme est aussi utilisé par des auteurs pour expliquer la dépendance exclusive des leaders politiques à leurs appartenances ethniques, tribales et voir régionales.

Cette dépendance ou ancrage des leaders politiques dans leurs ethnies est due à la colonisation. Le découpage du congrès de Berlin 1884-1885, a concouru à l'avènement des conflits politico-ethniques, confessionnelle et à la marginalisation des minorités ethniques lors de ces dernières décennies en AOF.

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Au Burundi, les ethnies avant la colonisation vivaient relativement ensemble et possédaient des moyens traditionnels, soit pour éviter les conflits ou soit pour les atténuer. La classification ethno-raciale engendrée par la colonisation, a favorisé l'institutionnalisation des groupes ethniques en partis politiques qui ont été entérinés par les leaders politiques qui, fut à l'origine de la dérive ethno-raciale et du génocide. L'un des enjeux de l'instrumentalisation ethniques au Burundi fut le foncier. Ainsi, C Braekman (1996) explicite la mauvaise gouvernance Burundaise sous la trame du clientélisme. Cette mauvaise gouvernance s'explique par un mauvais départ des indépendances, la distribution inéquitable de la rente nationale et les systèmes politiques. Le Président, privilégie les membres de son ethnie ou de sa région au détriment des autres ethnies. Ce qui poussent les autres ethnies à se démaquer de manière ethniques ou confessionnelles.

Cette situation est aussi perceptible au Bénin. Là, les partis politiques sont formés à partir du découpage colonial. Pour Friedrich (2008 ; 28), il redéfinit les partis politiques béninois comme : « Les partis politiques sont des groupements de citoyens, formés en vue de promouvoir et de défendre des projets de sociétés et Militantisme et l'identification ethnique». Le séjour au village et l'appartenance à une association de développement constituent des facteurs explicatifs du patriotisme et la manipulation des ethnies par un leader de l'ethnie. Les leaders politiques béninois achètent des électeurs par de l'argent et du matériels. Dans l'ensemble, depuis la fin des années 1990, les réformes constitutionnelles et électorales ont abouti à certains résultats. Dans le premier cas, en raison des conflits parmi les élites et des divisions ethniques, certains pays n'ont pas réalisé de progrès notables dans la modification des règles régissant la compétition électorale (IPI ; 2012). Dans un article évoquant les avantages et les inconvénients des divers systèmes de votes, l'on trouve dans la cause de la mobilisation des régions, des ethnies, le système majoritaire uninominal. Dans ce système on ne vote pas pour le parti mais pour l'individu. Car ce système engendre la notion de fief électoral. Pour gagner des voies, les leaders tiennent des discours inflammatoires incitant à la violence. Certains stigmatisent le mode actuel de désignation des chefs d'Etat africains, comme instrumentalisé par les puissances étrangères dominatrices, sujette au vieux principe colonial « diviser pour régner ».4 Comme l'affirmait John Lonsdale (SD) : « L'ethnicité peut exprimer le triomphe du local sur les échecs de l'Etat ».

Les thèses clientélistes et des systèmes électoraux évoqués par certains auteurs du clientélisme, démontrent clairement que les leaders politiques ne dépendent que de leurs groupes ethniques d'origines. De ce fait, la notion de fief électorale ou régions ethniques du leader politique deviennent aussitôt des enjeux électoraux. Ceux-ci, manipulent de ce fait leurs groupes ethniques d'appartenances pour obtenir massivement des voies électorales. Cette thèse dépendantiste est entérinée par les systèmes électoraux surtout le scrutin uninominal ou les individus ne choisissent

4 Actes du colloque de Bamako, 2007, Entre tradition et modernité, quelle gouvernance pour l'Afrique ?, 23, 24 et 25 janvier.

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que les individus de leurs propres groupes ethniques. S'ensuit le népotisme, lorsque le leader occupe la présidence. Cette thèse du clientélisme favorise l'instrumentalisation des ethnies par les politiciens.

L'Afrique traditionnelle aurait eu sa propre forme de gouvernance "primitive" vers des formes despotiques et népotiques qui aurait marqué son histoire. Cette pratique traditionnelle marquée dans les esprits, empêcherait toute forme de démocratie. Car le choix des chefs, exigeait des procédures, des discussions et des consultations. Cette attitude des systèmes politiques a perduré tout au long de la colonisation, associé le plus souvent avec des logiques claniques et des considérations religieuses. Ainsi, faute de choisir des personnes ou des programmes, les électeurs africains ont souvent été capturés par des entreprises de mobilisations ethno-régionales. Celles-ci s'appuient au départ sur des mécanismes clientélistes et se renforcent grâce à l'instrumentalisation, par les politiciens, des identités locales et claniques (Quentin ; 2000).

En conséquence, toutes les autres ethnies sont systématiquement marginalisées, exclues et frustrées par le pouvoir en place. De cette marginalisation naissent des foyers de tension et de révolte des unités ethniques qui en sont victimes. Ici, le vote devient sentimental, une expression d'identification. Le candidat mise sur les affinités qu'il a avec son électorat pour accéder à une responsabilité élective. Pour solliciter la confiance des électeurs qui sont des « frères », le candidat se présente comme le porte-parole de sa communauté ethnique, de sa région pour représenter la communauté au sein des instances nationales de direction. L'électeur a son tour, vote pour le candidat originaire de son ethnie ou de sa région (Kitsinbou ; 2001).

Cependant, force est de croire que le clientélisme revêt plusieurs aspects lorsqu'il est utilisé par les leaders politiques. Les différentes thèses ou aspects que sont l'ethnicité, le népotisme, la corruption, l'intérêt économique, le racisme, le dépendantisme et les systèmes électoraux sont complémentaires dans l'utilisation du clientélisme par les leaders politiques. C'est dans cette perspective qu'Arsène Mankou (2007 ; 40) affirmait:

La manipulation de la jeunesse par les politiques, le manque d'éducation et l'ignorance de la quasi totalité des populations, la pauvreté, la mauvaise gouvernance et l'échec des politiques qui, devant l'impuissance politique, veulent trouver des réponses dans leur ethnie, leur tribu. Le sentiment de supériorité d'une ethnie sur une autre, le non respect des droits humains, l'intolérance, la peur de la différence, la soif du Pouvoir avec des désirs de conquête et de conservation du Pouvoir, le manque de démocratie à la base, Les sentiments d'injustice... Devant toutes ces causes énumérées, le tribalisme apparaît comme arme du politique africain ». De la sorte qu'en Afrique, lorsqu'un leader politique conteste les résultats d'une élection, il se

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réfugie dans la tribu et l'ethnie. Ainsi, sont formées des milices qui revendiquent les résultats. Et lorsqu'il sollicite les suffrages de son peuple, il corrompt les membres de l'ethnie dont il est originaire. Il s'entoure alors de personnalités de son appartenance ethnique. Dans le discours politique, certains leaders africains n'hésitent pas à appeler à une haine tribale et à une dévalorisation des membres d'une autre ethnie.

SECTION II : L'APPROCHE ETHNOCRATIQUE

L'ethnocratie est la gestion de l'Etat par l'ethnie au pouvoir au détriment des autres ethnies du pays. L'ethnie étant un construit social. Cette théorie admet que les politiciens s'appuient sur leur appartenance culturelle voir ethnique pour obtenir des votes. L'ethnocratie peut être assimilé à une dérive de la monarchie dans la mesure ou le pouvoir est transmis de père en fils ou encor à l'intérieure d'une même ethnie. Parlant des causes des violences ethniques contemporaines dans l'Afrique des Grands Lacs, suivant une analyse historique et sociopolitique Joseph Gahama (2006 ; 25) perçoit la chute de Mobutu au Congo en 1996 comme un mobile d'ethnocratie contrairement aux idées largement propagées par les médias à sensation. Pour lui :

L'ethnocratie ne relève pas simplement des antagonismes ancestraux qui surgissent périodiquement. Elle est une cause facilement identifiables qui s'enracine dans un passé relativement récent. Cependant, elle conduit à un constat amer : les élites successives qui ont dirigé la région des Grands Lacs depuis les indépendances ont choisi délibérément d'accentuer les clivages ethniques des pays concernés, de marginaliser et d'exclure après avoir déshumanisé ceux qui n'étaient pas au pouvoir en légitiment le recours à la violence ethnique.

En s'appuyant sur l'ethnocratie du Rwanda, du Burundi et de l'Est de la République Démocratique du Congo, Joseph Gahama attribut la hiérarchisation des ethnies à la colonisation qui a, par la suite aboutit à l'ethnocratie. Pour lui, les ethnies de l'Afrique centrale vivaient en parfaite cohésion dans des entités monarchiques stables avant l'arrivée des colons Allemands et Belges. C'est face à la marginalisation et la répression de certaines ethnies que s'est développée l'ethnocratie qui a engendré des départs en exil de milliers de personnes, une insécurité généralisée, un marasme économique et un mauvais environnement sous-régional.

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Ainsi, l'oeuvre de L. Seligman, Races of Africa, paru à Londres en 1930 et réédité jusque récemment pour l'Afrique britannique, les écrits de A. Moeller pour l'Est de la République Démocratique du Congo ou ceux de P. Ryckmans, de Mgr L. Classe, de L. De Lacger, démontrent aussi que les causes lointaines de l'ethnocratie contemporaine sont à chercher davantage dans la politique de manipulation des ethnies par le pouvoir colonial, qu'il soit allemand, belge ou britannique. Selon la théorie des invasions successives préconisées par l'explorateur John Speke en 1863 dans le cadre du mythe hamitique, les administrateurs coloniaux, appuyés fortement par les missionnaires en majorité catholiques, classèrent les populations de manière très hiérarchisées en Hamites, en Bantous et en Pygmées.

Les populations furent décrites sur le plan physique de manière caricaturale. Les Hamites dont les représentants seraient les Tutsi du Rwanda et du Burundi, ainsi que les Hima du Nkore, du Karagwe et du Buhaya furent perçus comme une race de géants aux allures aristocratiques, tandis que les Hutu, les Bairu, les Baganda, les Bashi et les Bahavu, d'appartenance au groupe Bantu étaient décrits comme des gens trapus, aux cheveux crépus, aux nez épatés.

Les Twa pygmoïdes étaient qualifiés de « grotesques petites créatures », faisant partie d'une race vieille et fatiguée, vouée à la disparition. Ces descriptions furent à l'origine des études scientifiques anthropomorphiques effectuées par G. Gerkens et J. Hiernaux dans les années 1930 au Rwanda et au Burundi. Ils procédèrent aux mensurations des « échantillons » des diverses composantes ethniques que l'administration coloniale avait eu le soin de leur présenter. Il en résulta des stéréotypes centrés sur la beauté avec la mise en exergue de la prestance, de la finesse des traits et de l'élégance des uns par rapport aux autres.

Cela fut repris systématiquement par tous les travaux ultérieurs. Pi encore, le regard colonial et missionnaire porta sur les ethnies des jugements moraux globalisants. Aussi, par exemple, les Tutsi étaient-ils considérés comme intelligents, doués d'aptitude au commandement, dès lors que les Hutu étaient moins malins, ils s'étaient laissés naturellement asservir. De ce fait, la nouvelle élite grandit, en se nourrissant du mythe hamitique qui créa chez les uns un complexe de supériorité et chez les autres un complexe d'infériorité.

À partir de la deuxième moitié des années 1950, le discours colonial opéra un extraordinaire retournement. Les Tutsi n'étaient plus les « bons auxiliaires » dont pouvait se passer le pouvoir colonial, mais devenaient des « envahisseurs hamites » venus coloniser les Hutu. Lorsque le vent du nationalisme commença à souffler à la veille des années 1960, la Belgique en étroite collaboration avec l'Église catholique changea de stratégie. Elle prit l'option de s'appuyer cette fois-ci sur « le brave peuple hutu », victime, selon elle, des exactions des « Tutsi féodaux ».

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Ces derniers devaient ainsi endosser les responsabilités des erreurs commises par l'administration coloniale. L'action des élites politiques africaines Les violences actuelles sont également imputables aux élites politiques qui se sont succédé à la tête des États postcoloniaux de la région des Grands Lacs. Cette ethnocratie a engendré des politiques divisionnistes basées sur l'idéologie du génocide, de la haine et de l'exclusion.

Dans la pratique de l'ethnocratie, les grands services, la direction du pays sont répartis selon des considérations ethniques et régionales. Pour Barancira (1994 ; 38), l'instauration du Parti unique, des régimes militaires autoritaires dès l'indépendance constituent des facteurs qui ont favorisés l'ethnocratie. Il énumère le pouvoir ethnocratique de Mobutu au Congo, Habyarimana au Rwanda, Micombero et Bagaza au Burundi, Amin en Ouganda. Il affirme ainsi que : « Les dictatures durant lesquelles l'ethnocratie prit une très grande ampleur ».

Outre la dictature et le mauvais leadership. Les grandes décisions politiques sont toujours prises par une poignée de personnes du même groupe ethnique qui s'approprient tous les pouvoirs, qui les gardent jalousement et qui excluent les autres citoyens de la participation dans la direction du pays. Lorsque le pouvoir politique est la source essentielle des revenus, la lutte pour y accéder peut devenir une question de vie ou de mort.

Ainsi, l'ethnocratie est une pratique politique qui exclue d'autres ethnies. C'est le cas des ressortissants des anciennes préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri sous Habyarimana au Rwanda ou des élites Tutsi des provinces du sud du Burundi sous Micombero, Bagaza et Buyoya on refuser la citoyenneté à des groupes ethniques considérés comme étrangers dans leur propre pays. Un bel exemple nous est offert par les Banyamulenge dont on dit qu'ils ont une « nationalité congolaise douteuse ».

Chrétien, (1991 ; 37) montre dans son oeuvre « les racines de la violence contemporaine en Afrique » que :

dans l'ethnocratie les facteurs psychologiques des causes politiques et économiques qu'on peut qualifier d'« objectives » s'entremêlent d'autres facteurs dits « subjectifs » jouent sur le registre psychologique de la manipulation, de la passion, de l'émotion, de la peur, des mécanismes de défense, etc. De ce fait, ils mobilisent des populations entières, alimentent les crises et mènent vers les violences ethniques.

Pourtant chaque violence rappelle la précédente et chaque ethnie ou chaque région reste persuadée qu'elle a le monopole de la souffrance et se voit menacée dans sa survie physique et dans son

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épanouissement. Comme les concepteurs des crimes ne sont jamais identifiés individuellement, c'est tout le groupe qui s'identifie comme victime des violences ou de la répression.

Ainsi une même conduite répréhensible est tantôt acceptée, voire encouragée, tantôt réprimée non pas selon les conséquences de toute la société, mais selon l'ethnie ou la région de la personne qui commet le forfait ou celle de celui qui juge l'acte. Enfin, lorsqu'une des ethnies ou des régions croit avoir mis les autres hors d'état de nuire par leur exclusion ou le massacre d'une partie de leur groupe, quand elle les a sérieusement terrorisées, elle pense ainsi les dominer et jouir d'une paix durable.

Cette illusion de domination va se traduire notamment dans les périodes électorales à travers une propagande raciste et une mobilisation qui confond sciemment compétition électorale et affrontement ethnique ou régional. Ainsi, l'unité nationale, qui est un concept pratique matérialisé par des manifestations concrètes de la vie quotidienne, notamment par des gestes de solidarité, à travers les relations de parenté et de bon voisinage perd tout son sens, dans la mesure où l'ethnocratie a été l'occasion de s'entretuer sur base ethnique et régionale.

Pour Classe L, (1930) il y a dans l'ethnocratie une crise d'identité qui se traduit par l'effritement de la conscience historique d'appartenir à une même nation et par l'ébranlement de la confiance entre les différentes composantes de la société. Actuellement, nombreux sont, particulièrement dans la classe politique, qui prônent et privilégient l'appartenance ethnique ou régionale au dépens de la citoyenneté nationale. Ainsi, l'idéologie de la haine, du génocide et de l'exclusion s'enracine partout.

Dans la région des Grands Lacs, les leaders politiques instrumentalisent les réfugiés à des fins ethnocratiques. Ils utilisent les réfugiés comme une arme redoutable pour déstabiliser leurs pays d'origine. Des rébellions prennent naissance dans d'autres pays et ont parfois réussi à s'emparer du pouvoir après de meurtrières guerres de libération sous fond ethnocratique.

Par contre Bazin et Amselle (1995) rappellent que même si la colonisation a favorisé l'ethnocratie, les leaders politiques ont aussi joué un rôle capital dans son application et son expansion. C. Vidal ajoute qu'i1 n'y avait jamais eu en Afrique une ethnie en soi, mais l'ethnocratie est une production institutionnelle récente qui s'érige dans le nouveau langage du pouvoir. Lonsdale (1964 ; 50) quand à lui affirme que :

L?ethnocratie est une forme de revendication des ethnies africaines(...) de contrôle de leur relation au monde, et même si nécessaire en se renfermant.

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Avec l'indépendance, le calcul électoral, vient aussi récompenser la politisation de l'ethnicité. En entretenant la politique avec les ethnies, avec tous les rites et rituels de la coutume, l'ethnocratie c'est développée. Elle a cristallisé et consacré la légalisation des traditions ethniques. Ntumba (1993 ; 31) dans cette même lancée affirme que :

Le multipartisme aurait eu tendance à s'articuler autour des ethnies et à cristalliser les divisions ethniques. Le pluralisme ethnique ou tribal constituerait ainsi un obstacle aux efforts en vue d'instaurer la paix et de réaliser l'unité nationale. Mais ni le monopartisme, ni le multipartisme n'ont su expurger le fait ethnique de la vie politique africaine. La raison en est simple: l'instrumentalisation des ethnies et tribus pour l'accession au pouvoir et sa conservation. Ainsi, le monopartisme tourne à l'ethnocratie et le multipartisme au multi-ethnisme politique.

Les transitions vers le multipartisme et la démocratie en Afrique s'accompagnent d'une transposition et d'un investissement des forces ethniques dans la fonction partisane et sur l'échiquier électoral. Les élites politiques africaines apparaissent comme "les premiers usagers des ressources ethniques à des fins politiciennes", y recourant pour consolider le statu quo ou pour la conquête du pouvoir.

En République Démocratique du Congo, la loi fondamentale de 1960 et la constitution de 1964 ne consacrent pas un titre spécial au pouvoir traditionnel ou coutumier (Gonidec ; 1996). Cependant, les chefs coutumiers se retrouvent dans la composition du Sénat. Sous la loi fondamentale, les membres du Sénat, élus par les Assemblées Provinciales à raison de quatorze par provinces, doivent comprendre au moins trois chefs coutumiers ou notables (art. 87). La constitution de 1967 disposait que l'un des six sénateurs, représentant chaque province, est un chef coutumier ou un notable élu en cette qualité (art. 75). Une telle disposition sera absente de la Constitution de 1977, mais des chefs coutumiers se retrouveront dans les instances du parti unique (comité central, bureau politique), coiffant ainsi les organes de l'Etat.

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CHAPITRE IV. DEMARCHE DE LA RECHERCHE

La méthodologie joue un rôle important en science sociale car, elle est le fruit d'une longue tradition de recherche et définit la procédure, la manière scientifique d'étudier les phénomènes. En outre, Elle se définit comme étant l'étude du bon usage des méthodes et techniques que le chercheur doit adapter le plus rigoureusement possible, d'une part à l'objet précis de la recherche ou de l'étude envisagée, et d'autre part aux objectifs poursuivis (Tremblay et al 2006).

SECTION I : LA RECHERCHE DOCUMENTAIRE

Dans le présent mémoire, la recherche documentaire parait importante. Utilisée par les anthropologues, les ethnologues, les historiens, les géographes et bien plus tard par les sociologues. La recherche documentaire consiste à lire des ouvrages, classifier et expliquer les phénomènes sociaux à travers le comportement des sujets sans les influencer, en vue d'obtenir une vue d'ensemble des faits. En outre, la recherche documentaire décrit, dépeint une situation dans le but de transmettre une information précise, complète et exacte. Elle vérifie de ce fait l'existence de relations causales entre les phénomènes afin de correspondre à la réalité de façon à ce qu'elle puisse se concevoir (Ponty ; 1975). En tant que méthode scientifique, la description doit déboucher à une explication rationnelle et tangible du phénomène social décrit.

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Les sociologues, comme Engels, Tocqueville et Durkheim l'ont utilisé en reconnaissant en elle une méthode valide en tant que précurseur des études de type quantitatif et qualitatif pour rechercher sur des sujets spécifiques.

En effet, la description de la recherche documentaire a pour but de représenter la réalité en réunissant les caractéristiques des phénomènes étudiés. La mise en oeuvre d'une bonne description permet au chercheur de reconstituer le phénomène social étudié en rapprochant les données disponibles de manière à restituer l'image la plus complète que possible du phénomène. Au XIXe siècle, cette méthode à permis au sociologue français Le Play de comprendre les problèmes sociaux à travers l'analyse de familles ouvrières originaires de différents pays européens.

Une recherche documentaire a sa quintessence à travers la classification et l'explication des phénomènes et est opératoire avec l'utilisation d'analyse mathématiques constituée d'un maximum de données chiffrées. La classification qui découle de la méthode descriptive passe par les typologies institutionnelles ou structurelles, psychologiques et fonctionnelles (Aktouf ; 1987).

En sciences sociales, l'explication de la description tente de mettre à jour le processus ayant entraîné tel phénomène social. En d'autres termes, l'explication est la découverte des rapports que le phénomène social étudié entretient avec d'autres phénomènes sociaux et qui permettent de comprendre pourquoi le phénomène en question s'est produit.

Enfin, l'explication des faits sociaux passent par des analyses diachroniques, synchroniques et dialectiques qui recherchent la genèse des situations étudiées. L'explication prend en compte les antécédents et leur succession temporelle pour expliciter la situation actuelle.

Pour utiliser cette démarche dans le présent mémoire, la recherche documentaire paraît la plus importante. Comme son nom l'indique, cette technique consiste à répertorier et à consulter des documents, les plus spécifiques et les plus spécialisés possibles sur l'ethnicité et le pouvoir en Côte d'Ivoire.

Dans ce présent mémoire, les documents utilisés sont des ouvrages d'ethnologues et d'anthropologues Africains et Européens qui ont expliqué le processus de construction des ethnies en Afrique, décrit leur mode de gestion et expliquer les causes et les conséquences de l'instrumentalisation de ces ethnies par les leaders politiques.

Outres les ouvrages sur l'ethnicité la lecture des articles de la constitution de 1960, 1995 et 2000 ont été nécessaire pour mettre en évidence les révisons constitutionnelles de chaque Présidents Ivoiriens. L'apport des rapports, des séries statistiques, des mémoires et thèses sur l'ethnicité obtenu

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à l'ambassade de la Côte d'Ivoire à Conakry ainsi que par des téléchargements (pdf) effectuer dans des bibliothèques virtuelles sur le net à favoriser l'élaboration de l'histoire générale de la Côte d'Ivoire à travers ses migrations, son économie et les enjeux politiques de ses fronts pionner et diverses stratèges utilisés par les politiciens pour conserver le pouvoir.

SECTION II : L'ANALYSE DE CONTENU

Le chercheur est la personne qui tente de répondre à une question de recherche. Il peut à la fois coder le corpus et analyser les résultats qui en découlent. En conséquence, bien que l'analyse de contenu soit un outil indispensable au chercheur, elle ne doit pas constituer une fin, mais un instrument de travail pour étayer une argumentation et dégager des conclusions (Bonville ; 2000). L'analyse de contenu est une technique de recherche servant à la description objective et systématique du contenu manifeste des communications de discours et d'image servant à l'exploitation de documents.

Elle sert à décrire et à déchiffrer tout passage de signification d'un émetteur à un récepteur. Ces techniques sont destinées à établir la signification et à permettre une compréhension éclairée des documents analysés. En d'autres mots, l'analyse de contenu permet de retracer, de quantifier, voire d'évaluer, les idées ou les sujets présents dans un ensemble de documents ou le corpus. Le premier aspect fondamental de l'analyse de contenu est la compréhension du sens explicite de la communication. Le second est le dévoilement d'une signification implicite du message. L'analyse de contenu a une fonction heuristique, c'est-à-dire qu'elle contribue à supporter des intentions de découvertes. Elle peut avoir aussi une fonction d'administration de la preuve, c'est-à-dire qu'elle peut apparaître comme un mode de vérification des hypothèses, des questionnements ou d'affirmations provisoires. Elle a pour but d'étayer des impressions, des jugements intuitifs à l'égard de certaines communications afin d'obtenir, par des opérations structurées, des résultats fiables.

L'analyse de contenu est une méthode utilisée dans la recherche en sociologie qu'en anthropologie sociale et culturelle. Cette méthode de recherche sera utilisée dans ce présent mémoire. Selon L'Ecuyer (1987), l'analyse de contenu consiste à analyser. Les données présentées dans le chapitre VI portent sur les contenu de la presse écrites à travers les articles de journaux, le journal officiel, les transcriptions d'émissions radiotélévisées, les articles des différentes constitutions qui ont été évoqués par les leaders politiques, les ouvrages et rapports internationaux relatant des évènements écoulés en rapport avec l'instrumentalisation des ethnies et des sites Internet de nouvelles.

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Dans cette étude, les données portent sur quatre facteurs dont l'économie du café-cacao, les pratiques clientélistes des leaders politiques, les migrations étrangères et la mobilisation des ethnies ivoiriennes autour des leaders. Pour disposer d'une quantité d'informations représentative pour une analyse dans ce mémoire, trois types de discours permettent de cadrer l'analyse de contenu en distinguant les éléments à prendre en considération:

Le premier type regroupe les discours qui appellent les étrangers à favoriser le développement économique de la Côte d'Ivoire depuis la période coloniale;

Le deuxième type regroupe les discours prononcés par les leaders politiques en vue d'une mobilisation des ethnies autour de soi afin d'accéder ou de se maintenir au pouvoir;

Le troisième type regroupe les discours qui fustigent la présence étrangère comme étant la cause des crises socio-économiques et politique de la Côte d'Ivoire.

Les trois différents discours ont été tirés des archives audio de Radio France Internationale (RFI), des rapports du CURDIPH et du CES télécharger sur internet. En outre, les articles publiés dans le journal officiel de l'Etat a permis de mettre en relief ces différents discours.

L'utilisation de la recherche documentaire et l'analyse de contenu dans ce présent mémoire s'explique par le manque de mobilité du chercheur, compte tenu des mesures sanitaires mises en place par les gouvernements Guinéen et Ivoirien dans la lutte contre la maladie à virus Ebla. La stratégie de riposte contre cette épidémie a rendu difficile les déplacements de la Guinée vers la Côte d'Ivoire. Ces mesures se sont pendant l'élaboration de ce mémoire caractérisées entre septembre 2014 et Février 2015, par la fermeture des frontières terrestres et aériennes. Ce qui a rendu pénible la collecte des données.

Le présent chapitre termine la première partie de ce mémoire. Cette partie avait pour objectif de camper la problématique, de discuter des concepts au centre de ce mémoire, d'exposer la revue de la littérature et d'indiquer la démarche la démarche de recherche.

La seconde partie du mémoire, qui suit le présent chapitre, est structurée en trois chapitres. Le chapitre V présente quelques caractéristiques générales du cadre d'étude, le chapitre VI expose les résultats des données collectées et le chapitre VII présente l'analyse des données collectées.

DEUXIEME PARTIE

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La seconde partie de ce mémoire est composée de trois chapitres. Le premier chapitre a pour but de présenter les caractéristiques générales de la Côte d'Ivoire dans quatre sections distinctes. Le deuxième chapitre est consacré à l'exposé des résultats proprement parlés. Le troisième et dernier chapitre du présent mémoire porte sur l'interprétation théorique des données.

CHAPITRE V. CARACTERISTIQUES GENERALES DU PAYS

Ce chapitre consacré à la présentation de quelques caractéristiques générales du pays s'articule autour de trois sections. Chacune d'elle s'occupe d'une de ces caractéristiques : la situation géographique et démographique, le contexte historique et la situation socio-économique.

SECTION I : SITUATION GEOGRAPHIQUE ET DEMOGRAPHIQUE

La Côte d'Ivoire est située en Afrique de l'Ouest entre les 4°30' et 10°30' de latitude Nord. Sa superficie est de 322 462 km2. Elle fait frontière avec le Mali et le Burkina Faso au Nord, le Golfe de Guinée au Sud, le Ghana à l'Est, le Libéria et la Guinée à l'Ouest (OROSTOM ; 1974).

La Côte d'Ivoire présente un relief peu accidenté, composé de plaines au Sud, de plateaux étagés au Centre et au Nord et des montagnes à l'Ouest dont le point culminant est le Mont Nimba (1753 mètres). Deux masses d'air importantes traversent le pays dont une masse d'air en provenance du Nord, caractérisée par un vent sec et chaud et chargé de fines poussières de l'harmattan, entre décembre et janvier, puis une masse d'air venant de l'Océan Atlantique au Sud, constituée d'air humide. Le contact de ces deux masses d'air forme le Front Inter-Tropical (FIT) qui provoque des précipitations de type mousson.

Les mouvements saisonniers du FIT, au-dessus du territoire national, permettent de distinguer quatre principales zones climatiques. En Côte d'Ivoire les pluviométries annuelles moyennes de ces différentes zones climatiques varient entre 900 mm (au Nord) et 2 300 mm (au Sud) de la Côte d'Ivoire.

Les changements climatiques qui affectent le monde entier n'ont pas épargné la Côte d'Ivoire. Ils entrainent une perturbation de l'alternance des saisons. On distingue à cet effet quatre types de climats en Côte d'Ivoire dont le climat soudanais, le climat baouléen, le climat attiéen et celui de montagne.

Quant au réseau hydrographique de la Côte d'Ivoire, il comprend aussi quatre principaux bassins dont le Cavally à l'Ouest ayant une longueur de 700 km avec un bassin versant de 28800 km2. Ensuite, le Sassandra qui mesure 650 km avec un bassin de 75000 km2. Le Bandama formé du Bandama blanc et du Bandama rouge mesure 1050 km avec un bassin versant de 97 000 km2 . Enfin, la Comoé à l'Est prend sa source au Burkina Faso, Il a une longueur de 1160 km et draine

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un bassin versant de 78 000 2. Faut-il ajouter d'autres petits fleuves, des lagunes des lacs et Mares.

La Côte d'Ivoire a une population d'environ 20152894 habitants selon des statiques5. Les jeunes de moins 15 ans représentent 43% de la population. Selon l'Institut National de Statistique en 2013, le taux de fécondité est de 5,2 enfants par femme en 1998. La population étrangère est estimée à 26% en 1998. Le taux d'urbanisation est de 43% en 1998. Sur le plan administratif, le pays est divisé en 14 districts dont deux autonomes, Abidjan et Yamoussoukro qui sont respectivement la capitale économique et politique. Il existe en Côte d'ivoire 31 régions, 108 départements, 510 sous-préfectures et 197 communes. Au niveau déconcentré, la région est dirigée par un Préfet de région, le département par un Préfet de département et la sous-préfecture par un Sous-préfet. Au niveau décentralisé, le District est dirigé par un Gouverneur, la région par un Président de Conseil Régional et la Commune par un Maire.

Du point de vue du peuplement, les études archéologiques, historiques et les traditions orales relatent que le peuplement de la Côte d'Ivoire débuta entre le XVème et le XVIème siècle après le déclin de l'empire du Mali. Les premiers peuples à immigrer furent les Sénoufo, suivis des Mandé qui s'installèrent au Centre et à l'Ouest en repoussant les populations Bété et Dida plus anciens furent repoussées alors au Sud-Ouest. Entre le XVème et le XIXème siècle, une première vague du peuple Ashanti de l'actuel Ghana, nommée Akan, immigra à l'Est de la Côte d'Ivoire dans la région de Bondoukou. La Seconde vague des Akan dirigée par la reine Abla Pokou6 immigra au centre de la Côte d'Ivoire en repoussant les peuples Sénoufo et Mandé vers le Nord (Merabet ; 2006).

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Carte administrative de la Côte d'Ivoire

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Sur le plan linguistique, le pays offre une grande diversité de langues. On y dénombre quelque 70 langues dont la quasi-totalité appartient à la grande famille nigéro - congolaise. Les groupes ethno-linguistiques en présence sont les groupes Akan, Gour, Krou et Mandé. Dix- sept des soixante dix langues sont parlées par au moins 100 000 personnes. Le dioula occupe une position privilégiée, car il sert de langue véhiculaire commerçante entre les Ivoiriens. Il serait parlé comme langue seconde (à des degrés divers) par sept millions de personnes. La vitalité des langues ivoiriennes ne fait pas de doute puisque 88 % des conversations relevées dans les marchés se font dans l'une de ces langues. De plus, la moitié des enfants parleraient au moins deux langues.

SECTION II : CONTEXTE HISTORIQUE

A la suite de la conférence de Berlin entre 1884-1885 qui consacra le partage de l'Afrique entre puissances européennes, la France organisa une expédition décisive sur la Côte d'Ivoire entre 1887 et 1889. Le capitaine Binger qui dirigea cette expédition réorganisa la structure administrative et commerciale de la Côte d'Ivoire dès son arrivée. Ce qui fit de lui le gouverneur officielle de la colonie de Côte d'Ivoire en 1893. Il fit en outre intégrer le pays en 1902 à l'AOF. Les expéditions de pacifications entre 1898 et 1913 à l'intérieur de la Côte d'ivoire et les conquêtes contre la

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résistance de Samory Touré furent l'oeuvre du capitaine Marchand, du lieutenant-colonel Monteil et d'Angoulvant.

C'est l'illustre savant ethnographe de la colonisation française en Afrique M. Delafosse, qui accomplit ce travail d'inventaire d'identification ethnique de l'ensemble du territoire ivoirien sur des bases asymétriques entre anthropologie et linguistique. Il subdivisa l'ensemble du territoire par la reconnaissance de six grandes familles ethniques dont les Krou, les Lagunaires, les Agni, les Mandé, les Dioula et les Sénoufo. Chacune étant le regroupement des plusieurs ethnies ayant des origines et des traits socioculturels dont la langue en commun.

Ainsi, le groupe Mandé à la tête de la pyramide avec les Dioulas étaient considérés comme des agents économiques du progrès, dépositaire d'une tradition de commerce à longue distance. Car les Dioula s'installaient dans les divers postes administratifs créés par les autorités. Ils participaient de la sorte à l'urbanisation. Le Sénoufo est également valorisé et réputé être un bon agriculteur et travailleur. Il incarnait la figure idéale d'une main-d'oeuvre forte et docile. Ce groupe Mandé représente un élément indispensable au passage d'une économie côtière à une économie de traite touchant l'ensemble de la colonie.

Ensuite, vinrent les Agni et les Baoulé dont l'anarchie patriarcale était considérée comme tempérée par l'importance des souverains, du protocole et par une économie tournée vers les échanges. Les Agni étaient parmi les peuples forestiers les mieux considérés parce qu'ils participaient déjà à la mise en valeur coloniale, en exploitant notamment l'huile de palme et le caoutchouc. En revanche, les colons soulignèrent simplement la faible organisation politique du groupe ethno-linguistique Akan.

De leur côté, les Krou identifiés comme résolument anarchiques occupent le bas de la hiérarchie ethnique avec quelques nuances qui permettent d'alléger les jugements négatifs comme chez les Bakoué réputés être intelligents et vigoureux. Par contre, les Bété paraissaient les moins colonisés dans la mesure où ils se sont d'abord farouchement opposé aux colons jusqu'en 1913. Ce fait accumulé ensuite à leur mode de vie, leur ont valu les disqualifications d'êtres primitifs, fourbes et paresseux.

Cette subdivision ethno-linguistique a contribué à l'établissement de la colonie ivoirienne et même aux tracés des frontières. C'est dans ce sens que les administrateurs coloniaux, d'après M Delafosse, ont entériné les lacunes de celui-ci à travers un système initial d'appellations et de représentations territoriales. Les grandes familles ethno-linguistiques et les identités ethniques ont été immédiatement stéréotypées et hiérarchisées face à leur aptitude à être colonisés. Cette

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distinction ethnographique se repérait aussi bien de manière fonctionnelle en mettant en évidence certains groupes ethniques et en rendant presque invisibles d'autres. Ce qui a engendré de nos jours un paysage ethno-linguistique subdivisé en 4 groupes composés d'une soixantaine d'ethnies.

Le groupe Mandé localisé dans le Nord-Ouest du pays, appelé aussi mandingue, compte les Malinké, les Bambara, les Dioula, les Foula, etc. Au centre-ouest, l'ethnie des Dan réside dans la zone montagneuse du pays, principalement autour de Man. Ensuite, Le groupe Krou se localise au Centre-Sud et au Sud-Ouest. Les principales populations de cet ensemble ethnique sont les Bété. En plus, Le groupe Gour ou Voltaïque se situe au Nord-Est, ce groupe est composé de Lobi et Sénoufo. Enfin, Le groupe Akan se localise à l'Est, au centre et au Sud-Est se trouvent les Akan que l'on divise en Akan du Centre principalement les Baoulé, en Akan frontaliers dont les Agni, Abron, etc. Et les Akan lagunaires composées des Ebrié, Abouré, Adioukrou, Appolloniens, etc.

En 1998 l'Institut Nationale des statistiques, classifiait linguistiquement les quatre groupes ethnolinguistiques, à la tête du classement les Akan 39,3 %, ensuite, les Mandé 28,1%, après les Krou 23,0% et enfin les Voltaïque (9,6 %) (Research Rapport N3 ; 2008).

Quant aux limites des frontières de la Côte d'ivoire, elles furent sujettes à de nombreuses discussions et critiques entre les colons Britanniques et Français et entre la Côte d'Ivoire et ses pays limitrophes. Ces frontières furent tracés en fonctions des intérêts économiques (Nassa ; 2006), ethniques et de défense de la France. Ces tracées de frontières ont ténu compte de l'hydrographie, orographie et de la fertilité des terres cultivables. De la sorte que, ce n'est qu'en 1903 que des frontières artificielles furent définitivement tracés entre la Côte d'Ivoire et le Ghana. La frontière avec la Guinée fut établie en 1906. Celle avec le Libéria fut définitive en 1907 et avec le Burkina Faso en 1932. La plus récente fut celle avec le Mali fut tracée en 1945.

Carte de la répartition des groupes ethno-linguistique de la Côte d'Ivoire

 
 
 

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Source : MNSA ; 2007

Jusqu'en 1920 la culture du café-cacao a été l'apanage du groupe Akan. Force est de préciser que les Kru en l'occurrence les Bété en 1940 pratiquaient individuellement cette culture. En 1944, Félix Houphouët Boigny, jeune médecin issu d'une famille d'agriculteur fonde le Syndicat Agricole Africain en vue de défendre les intérêts des agriculteurs ivoiriens. Ensuite, le 19 octobre 1946 à Bamako, il fonde le Parti Démocratique de Côte d'Ivoire-Rassemblement Démocratique Africain (PDCI/ RDA), qui recouvre l'ensemble des pays de l'AOF.

Pour favoriser un développement harmonieux de cette culture, Félix Houphouët Boigny a demandé aux colons d'instaurer des lois visant à sanctionner tout agriculteur de café-cacao dont l'exploitation agraire est inférieure à 3 hectares. C'est ainsi que les Bété travaillants individuellement (non coopérative) ont arrêté la production de la culture de café-cacao qui n'atteignait pas la superficie des 3 hectares.

Pour mettre en valeur cette colonie selon la logique de la colonisation, la France mis a profit l'exploitation des terres fertiles de la Côte d'Ivoire. Ce travail exigeait de ce fait un maximum de main-d'oeuvre, d'ouvriers agricoles pour produire gratuitement une quantité importante de café, de cacao, de bananes, de palmier à huile et de caoutchouc.

Ainsi, les paysans voltaïques habitués aux travaux champêtres sur des terres arides et pauvres, paraissaient importants aux yeux des colons et des exploitants agricoles français. C'est ainsi que commence la déportation des hommes valides composés en majorité de jeunes célibataires vigoureux de la Haute Volta actuel Burkina Faso vers les plantations en Côte d'Ivoire. Ces

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acheminements de main-d'oeuvre s'effectuaient dans le cadre d'un système des travaux forcés. Les administrateurs coloniaux recrutèrent gratuitement en Haute Volta des travailleurs pour les chantiers comme les routes, les bâtiments, le chemin de fer, les ponts et les exploitations agricoles en Côte d'ivoire.

En 1932, la colonie de la Haute Volta ne servait qu'à fournir de la main-d'oeuvre à la Côte d'Ivoire. En 1932, les colons français de Côte d'Ivoire se plaignaient des tracasseries de l'administration militaire de la colonie de la Haute Volta pour acheminer la main-d'oeuvre dans leurs plantations. Après une forte pression des colons de Côte d'Ivoire sur Paris, ceux-ci obtiennent la dissolution de la colonie de la Haute Volta en rattachant ses parties les plus peuplées comme le Centre, l'Ouest et le Sud à la colonie de Côte d'Ivoire qui constitua un seul territoire. On parlera désormais de la Haute Côte d'Ivoire et de la Basse Côte d'Ivoire.

En 1946 la nouvelle constitution française accorda le droit de créer des syndicats, des associations, des partis aux colonisés. C'est alors que le premier parti politique en Haute-Volta, l'Union pour la Défense des Intérêts de la Haute-Volta (UDIHV) fut crée sous l'instigation de l'Empereur des Mossis en 1946. Son programme se limitait à la revendication de la reconstitution du territoire de la Haute-Volta. Ainsi, aux toutes premières élections législatives du 21 octobre 1945, le Moogo- Naaba Saaga II oppose son candidat le Baloum Naaba Touga au candidat de la basse Côte d'Ivoire, Félix Houphouët Boigny. Félix Houphouët-Boigny, le Baloum Naaba et Ouezzin Coulibaly étaient tous des candidats au premier tour. Au second tour de l'élection législative, Houphouët-Boigny réussit à obtenir le désistement de Ouezzin Coulibaly en sa faveur. Ce fut avec 13 750 voix contre 12 900 que Félix Houphouët-Boigny obtient l'unique siège de député de la Côte d'Ivoire. Mais, le 4 septembre 1947, le député sénateur Lallerêma Henri Marcel Guissou obtient le vote à Paris, par l'Assemblée Nationale française, de la loi rétablissant la colonie de Haute-Volta dans ses limites de 1932.

Entre 1947 et 1957, le RDA le parti transnational créé par Félix Houphouët Boigny se rapproche des autres partis locaux comme l'ex-UDIHV devenu le PSEMA. Il fait des alliances électorales pour pouvoir reconquérir du terrain. Houphouët-Boigny signa de ce fait un accord secret le 29 avril 1957 à Abidjan avec le capitaine-député français vivant en Haute Volta, Michel Dorange, pour constituer le premier gouvernement du territoire de la Haute Volta. Par des manoeuvres politiques, Félix Houphouët Boigny nomma le chef du premier gouvernement Ouezzin Coulibaly qui sera remplacé après son décès par Maurice Yaméogo qui, à son tour deviendra le Président de la République de la Haute Volta en 1960.

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Cependant, en 1958, le Générale De Gaulle lance un référendum pour une "Communauté franco-africaine", accordant plus d'autonomie aux États africains pour éviter l'indépendance. Félix Houphouët Boigny mène campagne en ce sens et entraîne avec lui tout les pays du RDA, à l'exception de la Guinée d'Ahmed Sékou Touré. Félix Houphouët Boigny devient alors le Premier Ministre de la Côte d'Ivoire en avril 1959. Suite à la pression de la Fédération du Mali, le mouvement de décolonisation touche aussi la Côte d'Ivoire. Ainsi, Félix Houphouët Boigny proclame l'indépendance de la Côte d'Ivoire le 7 août 1960 et devient le Président.

Mais dans les années 60 la Côte d'Ivoire devient un pays attirant une importante main-d'oeuvre agricole. Les statistiques officielles des services de la main d'oeuvre de Ouagadougou révèlent l'importance des ouvriers agricoles Burkinabè en Côte d'Ivoire. Ainsi en 1956, 60 000 travailleurs sont enregistrés au départ pour les plantations ivoiriennes. Entre 1957 et 1962, 16 000 travailleurs en moyenne par an. Selon les statistiques de Bilon et Breloupe (1997), entre 1957 et 1962, on dénombrait au total 156 000 travailleurs enregistrés.

Autres que les Voltaïques, nombreux sont pour des raisons politiques et les guerres interethniques, de nombreuses populations qui ont migré du Libéria, du Bénin de la Sierra Léone en destination de la Côte d'ivoire. En Guinée Conakry, les persécutions sous le régime de Sékou Touré de 1958 à 1984 ont entraîné le départ de près de 2 millions d'habitants vers la Côte d'Ivoire. Plus tard la révolution du Capitaine Thomas Sankara a aussi poussé des cadres Burkinabé à s'installer en Côte d'Ivoire. En outre, La pauvreté des zones sahéliennes et désertiques due aux aléas climatiques et à la fragilité de l'écosystème qui engendrent la famine ont poussé de nombreux Maliens et Nigériens à migrer vers la Côte d'ivoire. De plus, L'attraction économique que procure la culture du café-cacao a favorisé, le développement de nouveaux fronts pionniers au Centre-Est, Centre-Ouest et Sud-Ouest chez le groupe Kru à l'occurrence les Bété. Ces nouveaux fronts pionniers vont aussi attitrés la main d'oeuvre Voltaïque.

Enfin, pour des raisons économiques, nombreux sont les populations d'autres nationalités qui exercent dans l'informel et dans l'agriculture en Côte d'Ivoire. De nos jours, le flux migratoire en destination de la Côte d'ivoire reste assez important. C'est dans cette perspective que Alain Bonnassieux (2009 ; 27) affirmait que:

Bien qu'un nombre croissant de jeunes africains cherchent à quitter le continent, les flux migratoires en Afrique de l'Ouest restent nettement plus importants.

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Selon l'Institut National de Statistiques, en 1998, la Côte d'Ivoire comptait 4.000.047 étrangers en provenance du monde. Mais la présence des populations en provenance de l'AOF en l'occurrence du Burkina paraît la plus importante. Depuis l'indépendance du pays, le taux de croissance annuelle du stock des immigrants varie entre 1,8 % et 4,4 % (Bouquet ; 2003).

Dès 1960 jusqu'en 1978, la Côte d'Ivoire a connu une croissance essentiellement liée au boom des exportations de café, cacao et du bois. Mais entre 1978 et 1986, la filière café-cacao sombre. La crise s'amorce en 1979 avec l'effondrement des cours du café et du cacao qui chutent. Les termes de change se détériorent (Eric ; 1999). Pour palier à toutes ces difficultés financières, l'Etat Ivoirien fit appel à l'endettement extérieur avec les institutions de Bretton-Woods. La Côte d'Ivoire s'engage ainsi, dans une longue période de programmes de stabilisation et de réformes structurelles, jalonnés par des chocs extérieurs.

Cette crise va favoriser l'éveil du multipartisme en 1990 pour dénoncer la gestion économique de l'Etat. Le 07 décembre 1993 après 33 ans de règne, Félix Houphouët Boigny Meurt. Henry Konan Bédié le Président de l'Assemblé lui.

SECTION III : SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE

L'agriculture reste le secteur clé de l'économie ivoirienne et occupe 60% de la population et représente 34% du PIB et 2/3 des ressources d'exportations. Les produits traditionnels d'exportations que sont le café et le cacao occupent toujours la première place des cultures de rentes en Côte d'Ivoire qui occupent le 1er rang au plan mondial pour le cacao et le 4ème pour le café. L'industrie représente 20% du PIB et occupe 13% de la population. Le secteur des services représente 46% du PIB et occupe 26% de la population active (BAD ; 2003). La Côte d'Ivoire compte trois aéroports internationaux. Le réseau routier s'étend sur 70 000km dont 5 500km de routes bitumées et 150 km d'autoroute.

En deux décennies de croissance consacrant le miracle ivoirien, l'économie ivoirienne fut caractérisée par une forte croissance. Celle-ci fut assurée par une très grande ouverture économique sur l'ensemble des facteurs de production comme les capitaux étrangers, la main-d'oeuvre extérieure et à la disponibilité de ressources internes. Pour suppléer cette économie basée sur les cultures de café et de cacao, l'Etat s'est investit dans un vaste programme de diversification agricole en 1970, de la sorte que d'autres cultures comme celles de la banane, l'ananas, le palmier à huile, le cocotier, l'hévéa et le coton virent le jour.

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L'économie ivoirienne connaîtra cependant au début des années 80 une crise profonde et persistante. Les rééchelonnements réguliers de la dette extérieure, les arriérés des paiements de 1'Etat à l'égard des entreprises, la diminution des prix d'achat au producteurs de café et de cacao, la croissance démographique estimée à plus de 3% l'an ont obligé l'Etat a mettre en place des politiques dites d'ajustement dans le double but de rétablir d'une part l' équilibre financier en ajustant les dépenses aux ressources et d'autre part d' assurer une reprise de la croissance par des restructurations de l'appareil de production (Durufle ;1988). Cependant, certains économistes affirment que cette crise a en réalité débuté depuis les années 70.

Mais ce programme n'a pas répondu aux attentes de l'Etat. La crise qu'a connue le café et le cacao resta sans précédent. Les 266 milliards de recette dû au café avec ses 500000 tonnes en 1980 régressèrent considérablement à 46,5 milliards avec 825000 tonnes en 1989. Les excédents de la caisse de péréquation et celle de stabilisation issues du budget de l'Etat pour favoriser le redémarrage de l'économie était de zéro, puisque les finances issues de ses caisses furent utilisées à d'autres fins entre 1965 et 1975. L'Etat préleva des taxes et impôts pour rehausser ce solde budgétaire afin de non seulement faire face à la relance de l'économie de café et de cacao mais aussi à la dette extérieure entre 1980 et 1985. Cette situation eut pour conséquence le Programme d'Ajustement Structurel (PAS).

Avec la crise du PAS qu'a connu la Côte d'ivoire, les dettes extérieures de la Côte d'Ivoire ont poussé les institutions de Brettons Wood à dévaluer le Franc CFA suivants deux hypothèses. A savoir, l'assainissement de l'économie ivoirienne en passant par son équilibre budgétaire et rembourser la dette extérieure en favorisant des opérations monétaires sur les produits d'exportations que d'importations.

En réalité ces mesures de récessions économiques avec une monnaie moins compétitive ne pouvaient que rendre la Côte d'Ivoire vulnérable aux problèmes socio-économiques. Souvent avec des mesures difficiles comme la suspension du recrutement des fonctionnaires, le blocage et l'alignement des salaires, la fermeture de certaines industries. La crise économique due au Programme d'Ajustement Structurel et à la dévaluation du Franc CFA ont été sources de conflits et de crispation ethnique entre les fonctionnaires qui ont perdu leur emploi et reconvertis dans des activités informelles ou à l'agriculture et les étrangers qui exploitaient déjà ces terres. On assiste désormais aux conflits fonciers entre autochtones et allochtones (Bonnassieux ; 2009). En effet, alors que la pauvreté frappait 10% de la population en 1985, elle touche 32,3% de la population en 1993. Malgré la reprise économique qui a eu lieu après la dévaluation de 1994, les conditions de vie des populations ne se sont pas améliorées. L'incidence de la pauvreté atteint 36,8% en 1995, 33,6%

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en 1998 puis 38,4% en 2002. La crise sociopolitique qu'a connue le pays a plongé des milliers de personnes supplémentaires en dessous du seuil de pauvreté, portant ainsi le taux de pauvreté à 48,9% en 2008. Dans toutes les régions, le milieu rural est durement frappé par la pauvreté avec des taux de pauvreté variant de 50,9% à 85,1% (Kého ; 2009). Les régions du Nord, l'Ouest et du Centre-Ouest sont particulièrement les plus touchées par la dégradation du niveau de vie. Enfin les crises ethno-politiques et post électorales de 1995, 1999, 2000 et celle de 2010 ont rendu les investisseurs économiques retissant aux investissements en Côte d'Ivoire. Ceux-ci se sont retournés vers des pays stables comme le Bénin, le Ghana et le Sénégal.

En somme, l'économie Ivoirienne reste dans son ensemble tributaire de l'agriculture d'exportation. Elle est surtout orientée vers les cultures de rentes comme le café, le cacao. Mais le secteur tertiaire reste le plus important en termes de valeur ajoutée. Il est suivi de loin par le secteur primaire et secondaire.

CHAPITRE VI. PRESENTATION DES RESULTATS

Le présent Chapitre est celui qui présente les résultats. Il s'articule autour de quatre sections. La section I intitulée "Le règne de Félix Houphouët Boigny" expose les révisions de la constitution entre 1960 et 1993, les discours prononcés par le Président dans le but de légitimer la gestion du pays par les Akan et la crise économique ivoirienne pendant la première république. La section II

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" Henry Konan Bédié et l'ivoirité" regroupe les révisions constitutionnelles, les discours prononcés dans le but apparent de stigmatiser certaines ethnies et partis politiques comme étant sources des difficultés économiques de la Côte d'Ivoire. La troisième section expose sur la transition du Général Robert Gueï. Et enfin la quatrième expose sur les pratiques dites de refondations de Laurent Gbagbo, l'ordre constitutionnel et le rapprochement d'Henry Konan Bédié et d'Alassane Ouattara.

SECTION I : LE REGNE DE FELIX HOUPHOUËT BOIGNY (1960-1993)

L'Art 7 de la constitution de 1960 stipule « Les partis politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leurs activités librement sous la condition de respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie et des lois de la République ». L'art 76 de la même constitution précise aussi que : « La législation actuellement en vigueur en Côte d'Ivoire reste applicable, sauf l'intervention de textes nouveaux en ce qu'elle n'a rien de contraire à la présente Constitution ».

Le titre III de cette même constitution intitulé Du Président de la République et du Gouvernement stipule en son art 9: « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il est rééligible ».

C'est en 1963 qu'intervient un nouveau art 11 qui stipule « En cas de vacance de la Présidence de la République par décès, démission ou empêchement absolu, les fonctions de Président de la République sont dévolues de plein droit au Président de l'Assemblée Nationale ».

La terre appartient à celui qui la met en valeur (Eric ; 1999).

Depuis 1960, le secteur du café-cacao constitue le premier poste de l'économie ivoirienne. Les productions de café et de cacao ont représenté jusqu'à 55 % des exportations et 25 % du PIB total du pays. Jusqu'en 1978, la Côte d'Ivoire a connu une croissance essentiellement liée au boom des exportations du café- cacao et du bois. Le PIB était de 7% par an en moyenne. La Caisse de stabilisation des prix nommée « CAISTAB » remplit abondamment les caisses de l'Etat, grâce à la différence qu'elle perçoit entre les prix aux producteurs et les prix à l'exportation du café et du cacao.

La hausse marquée des cours du café et du cacao en 1970 a permis d'entreprendre une politique de recrutement d'environ 12000 fonctionnaires ainsi qu'un programme d'investissement soutenu. En 1975 survient une flambée des prix internationaux du café et du cacao d'une ampleur considérable. "Le boom économique" dû au café et au cacao tourne à l'euphorie entre 1975 et 1977. Les cours

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mondiaux du cacao triplent et ceux du café quadruplent. C'est le "Miracle Ivoirien", le PIB augmente à un rythme proche de 8% par an en moyenne. Ainsi, la Côte d'Ivoire devient durant cette période un pays à revenu intermédiaire, avec un PIB de 2237 dollars par habitant.

Cependant, entre 1978 et 1986, la filière café-cacao sombre. La crise s'amorce en 1979 avec l'effondrement des cours du café et du cacao qui chutent de 40%. Le solde commercial national devient déficitaire à partir de 1979. Pour redémarrer son économie, la Côte d'Ivoire a appliqué plusieurs réformes économiques qui se sont soldées par un échec. L'Etat quant à lui a augmenté ses dépenses qui atteignent 25,2% du PIB en 1981. La Côte d'Ivoire s'engage ainsi de 1981 et 1994 dans le Programme d'Ajustement Structurel.

Ce PAS comportait 3 phases. La première allait de 1981 à 1983, la deuxième entre 1984 et 1986 enfin la troisième allait de 1987 à 1993. Durant cette crise économique la politique d'embauche dans la fonction publique a été restreinte avec l'arrêt du recrutement automatique des jeunes diplômés dans la fonction publique qui, recensait déjà 15000 licenciés. En outre, 10 entreprises publiques ont été démantelées, 4 privatisées et 11 placées sous surveillance de l'Etat. Enfin, quelques prix de services publics comme le transport, l'électricité sont augmentés. Les taxes indirectes telles que le taux de taxe sur la valeur ajoutée sont aussi augmentés. A ce contexte, s'ajoute une sécheresse qui diminue de plus de 30% les récoltes agricoles (Christian ; 1992).

L'agitation sociale et politique était montée du fait de la récession économique. L'Assemblée Nationale adopte une modification de la constitution en vue des réformes politiques et économiques. L'article 24 (loi n° 90 - 1529 du 6 novembre 1990) stipule : « Le Président de la République peut déléguer certains de ses pouvoirs au Premier Ministre, chef du gouvernement ». Ainsi, le Premier Ministre, Alassane Ouattara issu de la BCEAO et du FMI est nommé. Faut-il ajouter que cette agitation socio-économique était suivie du retour au multipartisme avec l'Article 7 de la constitution de 1960. Le 28 octobre 1990, la première élection présidentielle est organisée. Félix Houphouët Boigny l'emporte avec 81,68 % des voix contre 18,32 % pour Laurent Gbagbo.

Face à l'évolution de cette crise économique, le gouvernement a réduit les salaires des fonctionnaires. De ce fait, le chômage en ville s'est aggravé avec la baisse de l'emploi dans le secteur formel et informel. A cela s'ajoute la pression démographique. Ainsi, 65% de la population ivoirienne vie sous le seuil de pauvreté. Les zones de savane et de montagne sont les plus touchées. C'est dans ces conditions socio-économique et politiques que meurt le 07 Décembre 1993 le Président Félix Houphouët Boigny.

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SECTION II : HENRY KONAN BEDIE ET L'IVOIRITE (1993-1999)

L'art 40 de la constitution de 1960 stipule: « En cas de vacance de la Présidence de la République par décès, démission, empêchement absolu, l'intérim du Président de la République est assuré par le Président de l'Assemblée Nationale. Pour une période de quarante cinq jours à quatre vingt dix jours au cours de laquelle il fait procéder à l'élection du nouveau Président de la République ». C'est sur cet article que le Président Henry Konan Bédié accède à la présidence après la mort de Félix Houphouët Boigny. Le nouveau Président mis fin à la fonction d'Alassane Ouattara.

Le 12 janvier 1994 intervient la dévaluation de 50 % du FCFA face au Franc Français. Pour se porter candidat à la présidence en 1995, le Président Henry Konan Bédié révisa le titre III de la constitution de 1960 portant Du Président de la République et du Gouvernement. Le nouvel article 35 stipule : « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n'est rééligible qu'une fois. Le candidat à l'élection présidentielle doit être âgé de quarante ans au moins et de soixante quinze ans au plus. Il doit être ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne...». C'est ainsi que le concept d'ivoirité politique voit le jour sous l'investigation du Président Bédié.

Le 27 septembre 1994, de nombreux partisans d'Alassane Ouattara du PDCI fondent un nouveau parti le Rassemblement Des Républicains (RDR), sous l'impulsion de Djéni Kobina. Laurent Gbagbo accorda son soutient au RDR d'Alassane Ouattara qui appela les partisans du FPI et du RDR a boycotté les élections. Ainsi les élections du 22 Octobre 1995 opposèrent Henry Konan Bédié du PDCI et Francis Wodié du Parti Ivoirien des Travailleurs (PIT). Henry Konan Bédié est élu à la Président avec 96,16 % des voix contre 3,84 % des voix pour Francis Wodié.

Après les élections, le concept d'ivoirité utilisé en 1945 pour valoriser la culture ivoirienne, prend de l'ampleur avec une dérive politique. Pour la Cellule Universitaire de Recherche et de Diffusion des Idées et actions Politiques du Président Henry Konan Bédié (CURDIPHE), l'ivoirité définit des critères de participation interne à la répartition des ressources rares comme l'emploi, le foncier et le pouvoir. Ainsi, pour le CURDIPHE (1998 ; 30) :

L'ivoirité est l'ensemble des données socio-historiques, géographiques et linguistiques qui permettent de dire qu'un individu est citoyen de Côte d'Ivoire ou Ivoirien. L'individu qui revendique son ivoirité est supposé avoir pour pays la Côte d'Ivoire, né de parents ivoiriens appartenant à l'une des ethnies autochtones de la Côte d'Ivoire.

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En effet, alors que la pauvreté frappait 10% de la population en 1985, elle touche 32,3% de la population en 1993. L'incidence de la pauvreté atteint 36,8% en 1995 et se stabilise à 33,6% en 1998.

Dans toutes les régions, le milieu rural est durement frappé par la pauvreté avec des taux de pauvreté variant de 50,9% à 85,1% (Yaya ; 2009). Les régions du Nord, l'Ouest et du Centre-Ouest ont été particulièrement les plus touchées par la dégradation du niveau de vie. Or, le recensement démographique de 1998 indiquait que les régions ivoiriennes de forte immigration étaient le Sud-Comoé (25%), le Bas-Sassandra (24,7%), le Moyen-Cavally (22,4%), le Moyen-Comoé (22,1%) et le Haut-Sassandra (17,6%) (RGPH ; 1998). Quatre de ces cinq régions avaient plus d'un cinquième de leurs populations constituées d'immigrants internationaux. Selon le recensement de 1998, la population ivoirienne qui est de 15 366 672 habitants compte 26,03% d'immigrés.

Cette construction intellectuelle de l'ivoirité a trouvé une projection dans le champ politique. Deux ans après la parution du manifeste d'un rapport du Conseil Economique et Social (CES) (1998 ; 25), faisant le bilan des conséquences de l'immigration sur l'équilibre démographique, politique, et économique de la Côte d'ivoire, le Conseil Economique et social affirmait que:

Les étrangers occupent une place prépondérante parfois hégémonique dans l'économie ivoirienne. Cette présence étrangère massive menace donc de rompre l'équilibre socio-économique du pays. En effet, malgré leur [les immigrés] faible niveau d'instruction en général, ils (Libano-Syriens, Mauritaniens, Maliens) ont la mainmise sur le commerce dans ce pays, occupant ainsi la majorité des emplois du secteur informel. Il en résulte que les Ivoiriens de souche sont plus frappés par le chômage (6,4%) que ces immigrés (3,6%). [...] La mainmise de ces immigrés sur les emplois dans certains secteurs d'activité nationale (commerce, transport routier, entreprises agro-industrielles, boucherie, etc.) est telle qu'ils empêchent les Ivoiriens de leur faire concurrence. [...] L'immigration devient de plus en plus une des causes structurelles de l'accroissement de la pauvreté des Ivoiriens [...].

Dans ce même contexte, les idéologues du CURDIPHE (1998 ; 31) affirment:

Les Dioula sont fauxÇ c'est-à-dire imprévisibles dans leurs réactions, peu ou pas sûrs et impropres à assurer le succès de la domination des Akan. En

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deuxième lieu, sous le rapport éthique, d'importants traits d'immoralité sont associés à cette psychologie. ....les Dioula sont 'sans foi ni loi' et les Bété 'violents et coureurs de femmes'; selon l'autre, les Dioula ont la malveillance des esclaves; selon un troisième, 'l'éducation de classe' qui caractérise 'le civilisé akan' manque aux deux ethnies et à leurs pareilles. En troisième lieu, sous le rapport politique, Dioula et Bété constituent par leur prétention un danger pour l'État et la nation: les Bété, pour leur incompatibilité culturelle avec la fonction présidentielle, les Dioula, pour une raison stratégique, du fait qu'ils oeuvreraient en définitive à propager et 'asseoir' l'islam.

Après ces manifestes du Conseil Economiques et Social (CES) et du CURDIPHE, Les populations des groupes Mandé, Voltaïque et Kru se plaignaient des tracasseries policières aux frontières, à cause de leur rapprochement culturel des ressortissants Maliens, Guinéens et Burkinabè.

En 1998, intervient une révision constitutionnelle qui prévoie, un pouvoir présidentiel illimité au Président en cas de crise par un assouplissement des procédures de révision constitutionnelle et l'augmentation du mandat présidentiel à 7 ans.

Entre 1996 et 1999, on assiste à la multiplication des conflits fonciers intercommunautaires dans les zones rurales sur fond ethno-politique des identités des communautés protagonistes. Après avoir conquis les masses urbaines, les partis politiques ont envahi les campagnes avec des discours populistes :

Avant la terre appartenait à celui qui la mettait en valeur, maintenant elle va appartenir à son propriétaire. (CURDIPHE ; 2000).

En 1998, cette situation foncière entraina un conflit dans la zone Ouest, à Fengolo, entre autochtones Guéré et allogène Baoulé. Une loi est donc adoptée en décembre 1998 à l'unanimité par l'Assemblée Nationale. Cette loi reconnaît la primauté des droits coutumiers autochtones sur le foncier et affirme la détention exclusive des droits de propriété par les seuls nationaux.

En octobre 1999, des affrontements meurtriers interviennent entre communauté autochtone kroumen et allogènes Burkinabè (Zongo ; 2001). Ces affrontements ont provoqué des déplacements forcés dans le Sud-Ouest et dans la zone de Tabou. Ainsi, 20 000 manoeuvres burkinabè ont été chassés de Tabou, ville frontalière du Libéria. C'est dans ce contexte sociopolitique et économique que survient le 24 Décembre 1999 un coup d'Etat militaire qui mène le Général Robert Gueï à la tête de l'Etat.

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SECTION III : LA TRANSITION DU GENERAL ROBERT GUEI (1999-2000)

Le 24 décembre 1999, le mandat d'Henri Konan Bédié a été interrompu par un coup d'État militaire perpétré par des soldats des groupes ethno-linguistiques Mandé, Gour et Kru. Le Général Gueï du groupe Kru, d'ethnie Yacouba est porté à la tête de la junte militaire et crée le Conseil National du Salut Public (CNSP). C'est le Journaliste Gui André Kieffer (2000 ; 37) faisait remarquer que :

Ceux qui se sont rebellés contre le pouvoir de Konan Bédié appartenaient tous à d'autres groupes ethniques (Bété, Guéré, Yacouba, Sénoufo et Dioula) de la société ivoirienne que le groupe Akan qui avait largement dominé la vie politique durant trente- neuf ans.

Le Général Robert Gueï choisit le Général intendant Lassana Palenfo et le Général de brigade Abdoulaye Coulibaly tous deux du Nord de la Côte d'Ivoire comme conseillers. Le Général Robert Gueï dénonce dès son arrivée au pouvoir, les dérives politiques de son prédécesseur. A savoir, la corruption, l'excessive privatisation des attributs de l'État au groupe Akan et la facilité avec laquelle la loi fondamentale était manipulée pour servir des intérêts politiques particuliers.

Justifiant le coup d'État des « jeunes soldats » par la crise sociale induite par ces deux fléaux sociaux que sont l'ivoirité et la corruption, il tenta de mobiliser la mémoire collective autour de l'oeuvre d'Houphouët-Boigny qui garantissait à tous la prospérité et sécurité dans la différence. Le Général à restaurer les droits de M. Alassane Ouattara revenu d'exil en annulant la poursuite judiciaire contre celui-ci. En outre il a promis de « balayer la maison » et de restituer le pouvoir aux civils avant la fin de l'année 2000.

A partir du mois de mars 2000, cette phrase était couramment prononcée par le Général dans ses discours à la nation:

L'intérêt des vrais nationaux contre les agitations politiques des fils d'immigrés assimilés aux étrangers (Berruet ; 2001).

A la fin du mois de mars, le Général Robert Gueï annonce sa candidature aux élections 2000. Il emploie des propos xénophobes et durcit le ton contre Alassane Ouattara en se réappropriant la rhétorique de l'ivoirité sans jamais la nommer. Il abandonne aussi « l'opération main propre » et

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recrute dans son cabinet comme conseillers, d'anciens dignitaires du PDCI- RDA et met ses généraux du Nord en résidence surveillée.

Certains, parmi ses soldats qui l'on porté au pouvoir, ont été torturés voir éliminés physiquement. Ce concept d'ivoirité s'est concrètement matérialisée dans les relations inter-communautaires et dans les relations entre les forces de l'ordre et les groupes ethno-linguistiques du Nord qui se plaignaient, de tracasseries diverses lors des opérations de contrôles ou de délivrances de pièces d'identité nationales (Coulibaly ; 2000).

Dans un discours livré à Aboisso, ville symbole pour les Akan, le Général a mis l'accent sur la loyauté dont il avait fait en 1993 après la mort du Président Félix Houphouët-Boigny. Il affirmait que :

J'avais fait bloc pour permettre au président Henri Konan Bédié, lui-même baoulé, d'accéder au pouvoir. Étant donné qu'il n'y a qu'un seul fauteuil qu'occupe aujourd'hui quelqu'un choisi pour conduire le destin de la Côte d'Ivoire, il serait souhaitable que, oubliant toutes spécificités ethniques ou régionales, les Ivoiriens se fassent violence pour accepter la loi de la réciprocité.

La révision constitutionnelle approuvée par le référendum du 23 juillet 2000 en son art 35 fonde la deuxième République et stipule « Le président de la République doit être ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s'être jamais prévalu d'une autre nationalité... ». Alassane Ouattara a lui-même appelé à l'adoption de cette constitution en ces termes:

La présente constitution ne me pose pas problème au plan du droit. C'est parce que la Cour Suprême était aux ordres (de la junte, ndlr.) qu'une telle interprétation en a été faite pour m'exclure. Je suis persuadé que si nous avions un système judiciaire indépendant, ma candidature ne ferait l'objet d'aucun doute, d'aucune ombre.

Les mois qui ont précédé l'adoption de la l'art 35 de la nouvelle constitution 2000 étaient caractérisés par une atmosphère politique lourde et tendue. Un mandat d'arrêt international était lancé contre Alassane Ouattara, le leader du RDR, accusé pour faux et usage de faux sur les bases des doutes sur son identité « composée et incertaine ». Certains militants de son parti ont été arrêtés et emprisonnés.

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La junte au pouvoir a révisé 2 fois de suite le projet de constitution avant son apparition dans le journal officiel sans intervention de l'Assemblée Constituante. Dans la foulée de la révision des listes électorales, les ressortissants du Nord dénonçaient les humiliations dues aussi bien aux tracasseries policières dont ils étaient l'objet qu'à la remise en cause insidieuse de leur appartenance à la Nation Ivoirienne. Pour justifier sa nationalité ivoirienne, Alassane Ouattara s'explique lors d'une conférence :

Mon père s'appelait Dramane Ouattara et ma mère s'appelle Nabintou Ouattara née Cissé. Mon père Dramane Ouattara est ivoirien. Il est de Kong en Côte d'Ivoi (...) Pour preuve sa carte nationale d'identité établie le 20 mars 1963 à Dimbokro par le commissaire de police. Quant à ma mère, elle est originaire de Gbéléban dans le département d'Odienné. Elle est née à Dabou. Le test ADN est formel. En conclusion, mon père est Ivoirien de naissance, ma mère est Ivoirienne de naissance, Voici l'original de la CNI de ma mère. Mes grands-parents sont Ivoiriens de naissance, mes frères et soeurs sont tous Ivoiriens de naissance. Tous ont leur certificat de nationalité ivoirienne, sauf moi. J'ai commencé l'école primaire à Dimbokro et ensuite, l'école primaire, collège, lycée plus tard à Bobo Dioulasso, Après mes études secondaires sanctionnées par le Baccalauréat en 1962 à Ouagadougou, j'ai bénéficié d'une bourse américaine dans le contingent du pays de départ. (...) Comme économiste, j'ai commencé ma carrière professionnelle au FMI, où j'ai assumé les fonctions de Directeur des Études et de Conseiller Spécial du Gouverneur Abdoulaye Fadiga. De ce passage à la BCEAO, que par le Président Félix Houphouët-Boigny, j'ai été nommé en 1982 vice-gouverneur de la BCEAO, poste normalement dévolu au Burkina Faso. Dans l'exercice de mes fonctions à la BCEAO, un passeport diplomatique m'a été délivré par la Haute-Volta. Tout le monde sait que le passeport diplomatique n'est pas un acte d'identité. Il peut être délivré par un État souverain à des étrangers dans l'exercice d'une fonction. Ainsi, en Côte d'Ivoire, de très nombreux étrangers, Français, Angolais, Sud Africains, Maliens, ... en bénéficient légalement. Mon retour dans cette institution s'est fait après consultation du Président Félix Houphouët-Boigny qui m'a encouragé à accepter cette proposition parce que, pour lui, c'était une fierté qu'un Ivoirien soit promu à ce niveau dans une institution financière aussi prestigieuse. Au décès du Gouverneur Abdoulaye Fadiga, à

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qui je dois beaucoup dans ma carrière, le Président Félix Houphouët-Boigny m'a fait le grand honneur de me rappeler pour assumer, cette fois, les fonctions de Gouverneur de la BCEAO, poste réservé à la Côte d'Ivoire (Fotê ; 2000).

Le 22 octobre 2000, les 5,5 millions d'électeurs inscrits sur les listes électorales avaient été appelés à se rendre aux urnes. Cette élection présidentielle fut marquée par un taux d'abstention de 62,6 % des inscrits. Le 25 octobre, la Commission Nationale Electorale (CNE) annonce l'élection du candidat FPI Laurent Gbagbo avec 59,36 % des voix. Après les élections, Laurent Gbagbo dissous la CNE le 24 Octobre 2000. Le ministère de l'intérieur réagit en annonçant quant à lui la victoire de Robert Gueï avec 52,72% des voix (Champin ; 2000).

Cette crise post-électorale a opposé les militants du FPI et ceux du RDR. Le bilan de cet affrontement fut lourd. Des milliers de blessés, environ 120 morts, mais surtout un charnier de 57 cadavres découverts à Yopougon, une commune d'Abidjan située au nord de la ville. Laurent Gbagbo est investi le 26 octobre 2000 mais son investiture fut contestée pendant de nombreuses semaines.

SECTION IV: LAURENT GBAGBO LE REFONDATEUR (2000-2010)

La politique, dite de "refondation", est fortement teintée de socialisme, de nationalisme identitaire et d'anticolonialisme, particulièrement à l'égard de la France. Venu à la présidence en Novembre 2000, D'après Human Rights Watch:

Laurent Gbagbo a, pendant son mandat, considérablement favorisé les groupes ethniques lui étant loyaux, au détriment des autres groupes ethniques du pays. Il use des concepts d'ethnicité et de citoyenneté dans le but de stigmatiser les Ivoiriens du Nord ou les immigrés d'Afrique de l'Ouest, qui sont alors considérés comme des « étrangers » dangereux par les partisans de Laurent Gbagbo, alors même que ces personnes ont passé

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toute leur vie en Côte d'Ivoire, souvent dans des villes du Sud comme Abidjan, très éloignées de leur région ethnique d'origine.

La corruption, implantée depuis longtemps dans le pays, s'amplifie sensiblement notamment dans la filière café-cacao, dont la libéralisation profite finalement aux « barons » et à leur entourage et non aux producteurs. De nombreuses actions sont entreprises sans aucun contrôle de la part de l'Etat Ivoirien, les pots-de-vin sont également devenus monnaie courante au sein des services publics ivoiriens.

C'est sous les Refondateurs idéologues du changement sous l'administration Gbagbo, entre 2000 et 2010 que les planteurs de café et cacao ont été dépouillés de tous leurs revenus au profit d'aigrefins, que la corruption a totalement gangréné notre tissu social. (Slate Afrique ; 2012).

C'est dans ce contexte socio-économique que le 19 septembre 2002 des soldats se rebellent, contre le Président Laurent Gbagbo et attaquent des villes. La situation tourne rapidement à un conflit entre le Sud tenu par les militaires Kru et Akan favorables au gouvernement et le Nord tenu par les rebelles issus des groupes Mandé, Voltaïque et une minorité Akan. Les trois rebellions, MPCI, MJP et MPIGO coalisent en FAFN portant à sa tête Guillaume Soro (2005).

C'est ainsi que les FAFN lancent une offensive sur les principales villes du pays. Malgré leur échec aux portes d'Abidjan après d'intenses combats, les FAFN sont parvenues à prendre la moitié du territoire. Les positions se figent. Les FAFN occupent ainsi le Nord, le Centre et l'Ouest de la Côte d'ivoire et les Force de Défense et de Sécurité (FDS) restés fidèles au Président Laurent Gbagbo occupent quant à eux le Sud et l'Est du pays.

Cette violence politico-militaire sur fond ethnique engendre dans les universités publiques ivoiriennes des violences et des exactions, en particulier de la part de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI), devenue une milice « galaxie patriotique » au service du pouvoir en place avec à sa tête Charles Blé Goudé.

Les populations du Nord se sont ralliées au mouvement de rébellion parti du Nord. L'insurrection armée va générée d'énormes troubles dans la population. Les populations étrangères en Côte d'Ivoire et celles du Nord en sont les premières victimes. Près d'1.300.000 personnes dont 600.000 à 700.000 ont été déplacées suites aux troubles.

Le ressentiment envers la population émigrée s'exprime de nouveau au grand jour. Les FDS, l'armée loyaliste, se sont rendus coupables d'exactions répétées, tant contre les rebelles capturés

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que contre la population civile, notamment lorsque cette dernière est accusée d'être étrangère. Au moins 150.000 Burkinabés, 60.000 Guinéens, 45.000 Libériens et 40.000 Maliens ont été contraints de quitter le territoire.

Après la médiation régionale sous l'égide de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la France s'est retrouvée de nouveau aux avant-postes. Une table ronde à Linas-Marcoussis réunit du 15 au 24 janvier 2003 les principaux partis en conflit. Les deux points clivant de la société ivoirienne ont été bien sur au centre des débats avec la question de la nationalité, la mise en place d'un recensement des populations et la fin des pratiques administratives discriminatoires à l'encontre des populations du Nord.

Le 6 Novembre 2004 Président Laurent Gbagbo lance l'opération dignité. Des avions de type Soukhoï 25 et les hélicoptères MI-24 bombardent les villes de Man et Bouaké sous le commandement des FDS. Ces bombardements font état de neuf morts parmi les soldats français. En riposte, l'armée française détruit la flotte aérienne des FDS. Le mandat du Président Laurent Gbagbo prenant théoriquement fin en 2005 sera repoussé d'année en année jusqu'en 2010.

Cependant de nombreux accords ont été signés pour résoudre cette crise. Ce sont les accords d'Accra I, II et III, l'accord de Pretoria, la résolution 1633 du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée le 21 octobre 2005, la résolution 1721 du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée le 1er novembre 2006 et l'Accord de Ouagadougou.

C'est à l'issue de l'accord de Ouagadougou le 29 Mars 2007, que le Président Laurent Gbagbo nomme Guillaume Soro comme premier Ministre. Cet accord stipulait que :

Le Premier ministre, pour l'exécution du mandat, doit disposer de tous les pouvoirs nécessaires, de toutes les ressources financières, matérielles et humaines requises et d'une autorité totale et sans entraves, conformément aux recommandations de la CEDEAO en date du 6 octobre 2006, et qu'il doit pouvoir prendre toutes les décisions nécessaires, en toutes matières, en Conseil des ministres ou en Conseil de gouvernement, par ordonnance ou décret-loi.

Le Président Laurent Gbagbo a favorisé les élections de 2010. Ses décrets ont permis de valider les candidatures d'Alassane Ouattara, d'Henry Konan Bédié du comédien Adama Dolo. Ainsi, le 4 août 2010, bien que n'étant pas officiellement lancée, la campagne électorale avait commencé.

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Le PDCI-RDA d'Henry Konan Bédié, après sa tournée dans la région des lacs, a envisagé une tournée dans l'ouest. Le parti a appelé les électeurs à voter massivement en vue d'une victoire de leur candidat dès le premier tour. Le candidat Laurent Gbagbo, occupé par ses activités présidentielles, n'entame que tardivement sa campagne. Il profite de ses visites présidentielles pour avancer ses idées. Lors d'une visite à Bongouanou le 6 août, Laurent Gbagbo a affirmé ceci à propos du report de l'élection :

Il y en a qui veulent aujourd'hui travestir la vérité. On n'a pas eu les élections avant 2010 parce que ceux qui voulaient réduire mon mandat ont fait la guerre. (..)Mais j'ai l'appui des chefs traditionnels.

Quant à Alassane Ouattara, candidat du RDR, il boucle sa grande tournée qui l'a amené à Bouaké. Lors d'un meeting le 25 septembre à Ferkessédougou, Alassane Ouattara affirme :

Trop c'est trop, nous ne pouvons pas accepter la pauvreté [...] je suis candidat pour relever la Côte d'Ivoire (...) je suis un digne fils du Grand Nord.

Après la campagne électorale d'Août 2010, le premier tour voit s'affronter quatorze candidats. Laurent Gbagbo, Président sortant et Alassane Ouattara, ancien premier ministre arrivent en tête du premier tour avec respectivement 38,04 % et 32,07 % des voix. Ils distancent Henry Konan Bédié (25,24 %).

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Carte de la répartition ethnique des voies des élections du 31 Octobre 2010

Source : CEI ; 2010

Au second tour des élections, Henry Konan Bédié appelle alors ses électeurs à voter pour Alassane Ouattara. Le PDCI et le RDR fusionnent en Rassemblement des Houphoutétistes pour le Développement et le Progrès (RHDP). A l'issue du second tour des élections, la Commission Electorale Indépendante (CEI) annonce la victoire d'Alassane Ouattara avec 54,1 % des voix contre 45, 90% des voix pour Laurent Gbagbo.

Carte de la répartition ethno-stratégique des élections du 28 Novembre 2010

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Source : CEI ; 2010

Après des affrontements entre les pro-Ouattara et les pro-Gbagbo des témoignages font état de 50 morts et plus de 200 blessés dénombrés au 19 décembre 2010, ainsi que des enlèvements effectués par des bandes armées accompagnées par des éléments des forces de sécurité. La Haute Commissaire adjointe aux droits de l'homme de l'ONU estime que :

173 meurtres, 90 cas de tortures et de mauvais traitements, 471 arrestations, 24 cas de disparitions forcées ou involontaires sont attribuables aux partisans de Laurent Gbagbo en cinq jours seulement.

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Le 18 août 2011, Laurent Gbagbo est inculpé et placé en détention préventive pour « crimes économiques », « vol aggravé, détournement de deniers publics, concussion, pillage et atteinte à l'économie nationale » (Nouvelobs ; 2011).

CHAPITRE VII. INTERPRETATION DES RESULTATS

Le présent chapitre porte sur l'interprétation des résultats et met en évidence les données présentées dans le chapitre VI dans une perspective d'analyse et de discussion. Ce chapitre se compose de deux sections: La section I met en relation les leaders politiques et l'instrumentalisation ethnique dans la première République. Elle est composée de deux sous section, que sont l'Houphouétisme et l'Ivoirité. La section II quant à elle fait l'analyse des discours systématiquement ethniques des leaders politiques dans la conquête du pouvoir. Elle est constituée de deux sous sections qui traitent de la crispation ethnique, des révisions constitutionnelles et des alliances ethno-politiques durant les deux dernières élections en Côte d'Ivoire.

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SECTION I : L'EVOLUTION DE L'INSTRUMENTALISATION ETHNIQUE DES LEADERS POLITIQUES DANS LA GESTION DE L'ETAT (1960-1999)

SOUS SECTION I : L? HOUPHOUETISME (1960-1993)

Sur la base des résultats, la constitution de la Côte d'Ivoire en 1960 prévoyait dès l'indépendance le multipartisme. Or, sans modification de cette constitution, le PDCI a été instauré comme un parti unique. Cette situation s'explique par le fait que le Président Félix Houphouët Boigny a rejeté toute idée de multipartisme. En outre, On peut dire que ce pouvoir exécutif à dominance Akan s'est institutionnalisé en parti unique (PDCI), portant à sa tête son leader, Félix Houphouët Boigny.

Cette même constitution de 1960 en son titre III ne faisait ni mention de la nationalité du Président ni du nombre de mandats que celui-ci devraient effectuer. C'est ce qui explique les dispositions qui ont permis au Président Félix Houphouët Boigny d'être réélu entre 1960 et 1990. Ainsi, ce pouvoir "monocephal" de 1960 a eu pour conséquence une Assemblée Constituante monocamérale à la solde du Président. C'est certainement pour conserver le pouvoir aux Akan qu'a été adopté en 1963 l'art 11 de la constitution, qui permettait au Président de l'Assemblée Nationale de remplacer le Président en cas de vacance du pouvoir.

Ce pouvoir monolithique du PDCI ne pouvait engendrer de ce fait qu'une Assemblée monocolore. D'où un jeu ethno-politique à la solde du pouvoir exécutif sous fond ethnocratique. Ce qui lui a valu, le nom de "chambre d'enregistrement" (Wodié ; 1996). Car les lois votées par cette Assemblée composée que des députés du PDCI ne pouvaient refléter que les visions du Président.

L'ethnocratie pourrait justifier cette confiscation du pouvoir par le seul groupe ethnique Akan, qui a eu une prééminence grâce à la hiérarchisation ethnique faite par les colons. Car, l'ethnocratie est la gestion de l'Etat par une ethnie au pouvoir au détriment des autres ethnies du pays. Cette théorie peut être assimilée à une dérive de la monarchie dans la mesure où le pouvoir est transmis de père en fils ou encor à l'intérieure d'une même ethnie (Joseph ; 2006).

C'est probablement ces jeux institutionnels sous clivage ethnocratique qui expliquent le fait que le Président Félix Houphouët Boigny a eu recours systématiquement à des lois, des répressions contre les Bété de Gagnoa afin d'exclure ceux-ci de la production du café-cacao. Plus tard après l'indépendance, l'application de cette politique ethnocratique a de ce fait interdit les partis de l'opposition et des organes d'expressions plurielles. C'est probablement dans ce contexte que le FPI s'est formé dans la clandestinité.

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En tant qu'architecture politique, l'"Houphouétisme" peut être défini comme une construction sociale et politique qui a trouvé son édification aussi bien dans une certaine ethnologie coloniale que dans le procès d'invention de la politique en Côte d'Ivoire. En tant que réalité objective, il se serait matérialisé dans un complexe politico-économique et dans la gestion du pouvoir politique.

Le clientélisme désigne la diversité ethnique de ceux qui appartenaient au cercle politique restreint du Président Félix Houphouët Boigny qui bénéficiait, des avantages socio-économiques et légitimaient leur positionnement et leur haute fonction administrative dans l'appareil de l'Etat. En réalité, cette clientèle prônait les valeurs du PDCI voir l'ethnocratie Akan et constituait un bouclier pour le pouvoir du Président. C'est pour cela que Kolemagah (2005 ; 45 ) disait :

Le but du clientélisme, est la conquête des ressources qui motive les leaders politiques. D'autres facteurs sociaux pouvant conduire aux conflits politico-ethniques tels l'injustice, le manque de reconnaissance et l'exclusion.

La philosophie du grilleur d'arachide s'explique par le fait que le Président a créé une bourgeoisie nationale dans les sphères civiles, militaires et politiques qui défendaient le pouvoir de celui-ci. Cette clientèle politique a été maintenue par les opportunités d'enrichissement régulées par le Président, lui-même adossé à un « présidentialisme à parti unique ».

Entre 1960 et 1978, la production du café-cacao a favorisé la croissance économique de la Côte d'Ivoire d'où le "miracle ivoirien". Ce "boom économique" explique la création de la CAISTAB dont le rôle était d'encaisser l'excédent financier de la vente du café-cacao. On peut logiquement dire que l'essor de l'économie de plantation a aussi favorisé la multiplication des organismes paraétatiques qui, auraient été un puissant instrument de promotion de cette bourgeoisie qui était dans un contexte de confusion entre l'Etat, la nation et le parti unique et entre le bien public et le bien privé. En outre, L'adhésion des membres des groupes Mandé, Voltaïque et Kru au PDCI s'explique par le fait que le Président s'est appuyé sur une gestion clientéliste de la diversité sociale afin de réunir ceux-ci autour de lui, dans la mesure ou ils acceptaient de se subordonner au PDCI, voire se laisser dominer par les Akan afin de bénéficier des avantages socio-économiques.

Cette situation était perceptible même dans l'armée. Car les officiers supérieurs étaient en majorité des Akan et les sous officiers étaient quant à eux issus des groupes Mandé, Voltaïque et Kru. Ce qui, au plan interne, est plutôt perçu comme une « géopolitique » locale. Le climat général d'enrichissement et de recherche d'opportunités de satisfaction personnelle, soutenues par les

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performances de la croissance économique ont permis au Président Félix Houphouët Boigny de taire les tensions sociopolitiques. C'est dans ce contexte que Barancira (1994 ; 27 ) affirmait :

Dans la pratique de l?ethnocratie, les grands services, la direction du pays sont répartis selon des considérations ethniques et régionales.

Cette idéologie clientéliste reposant sur le mythe de la légitimité à diriger l'Etat par des personnes issues du groupe Akan prônée par le Président s'explique par le fait de la hiérarchisation ethnique coloniale, qui a placé son groupe ethnique en tête de la hiérarchisation ethnique et la capacité du Président à manipuler des hommes. C'est dans ce contexte qu'il a instauré une politique clientéliste sur clivage ethnique. Ce clientélisme lui a permis ainsi d'asseoir durablement son pouvoir en 1960.

La terre appartient à celui qui la met en valeur.

Cette phrase du Président légitimait et conférait l'appel à une importante main-d'oeuvre étrangère et au déplacement du Front pionnier du café-cacao vers le Centre-Est et le Centre-Ouest. C'est ce qui explique d'une part, le fait que les Bété ont repris la culture du café-cacao et d'autre part d'attirer une importante main-d'oeuvre étrangère en Côte d'Ivoire. C'est probablement ce qui a permis aussi de positionner le café et le cacao à l'avant-garde de l'économie ivoirienne à travers l'accès facile à la terre par les migrants étrangers.

A la fin de l'année 1978, les cours du café-cacao sombrent. La CAISTAB qui aurait dû parer aux difficultés économiques ne parvient pas. Cette situation s'explique par le fait que l'excédant financier qui devait être émis à la CAISTAB fut utilisé à d'autres fins. Ce qui a logiquement contribué au déficit commercial du budget national et a entrainé la Côte d'Ivoire dans un long Programme d'Ajustement Structurel. Cette crise économique a été à l'origine des troubles socio-économiques. On peut donc dire que l'évolution de cette récession économique au début des années 1990 a cautionné l'agitation sociale et politique, qui à son tour a contraint le Président à démocratiser le pays avec le retour au multipartisme.

Le retour au multipartisme s'explique par l'ouverture de l'espace politique. Ainsi, un parti politique comme le FPI qui dénonçait le pouvoir ethnocratique a émergé après des années de clandestinité. En même temps qu'il capitalisait politiquement les voix des exclus de la redistribution des fruits de la croissance et de la clientèle du Président, Laurent Gbagbo a fait de son parti, le FPI, le principal foyer de rassemblement des Bété qui vivaient mal les effets politiques exclusifs du mythe de l'ethnocratie Akan. De même que le PIT, pour ne citer que les principaux, ont ainsi légalisé leur participation à la compétition politique.

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La victoire de Félix Houphouët Boigny aux élections présidentielles du 28 octobre 1990 s'explique par le fait de l'importance de la clientèle politique de celui-ci et par la minorité des électeurs de ses opposants. Le Président Félix Houphouët Boigny ayant remporté les élections et voulant résoudre cette crise économique nomma Alassane Ouattara Premier Ministre dans le cadre du clientélisme.

La nomination du Premier Ministre Alassane Ouattara, s'explique par le fait que celui-ci étant un économiste pouvait résoudre la crise socio-économique. Or Alassane Ouattara étant du groupe Mandé a usé de sa position et de ses aptitudes pour tenter de résoudre la crise. Mais ses efforts n'ont pas empêché la crise socio-économique de s'accentuer.

En Outre l'arrivée d'Alassane Ouattara comme Premier Ministre aurait été mal perçu par les dignitaires et les cadres Akan qui lui imputaient à lui et aux groupes ethniques en l'occurrence les Mandé et les Voltaïque d'être à l'origine de cette crise socio-économique. Au vu de ce qui précède, Alassane Ouattara représentait pour les Akan une menace potentielle contre le maintien de l'Hégémonie Akan à la tête de l'Etat. Ainsi, il fallait tout pour l'écarter de son poste voire de la clientèle du Président. C'est dans ces conditions que le Président Félix Houphouët Boigny meurt le 07 décembre 1993.

SOUS SECTION II : L?IVOIRITE (1993-1999)

Sur la base des informations collectées, on peut dire qu'Henry Konan Bédié est devenu Président en bénéficiant d'un article qui a été rédigé depuis 1963. Cet article était en fait destiné à assurer la succession d'un Akan à un autre Akan. On peut logiquement dire que Félix Houphouët Boigny a préparé la place de son dauphin présidentiel. Et que l'arrivée au pouvoir du Président Henry Konan Bédié justifiait l'ethnocratie Akan. Puisque le Président Henry Konan Bédié est un Baoulé et est issu du groupe Akan comme son prédécesseur.

La dévaluation du FCFA survenue en 1994 explique le fait du rééquilibre du budget de l'Etat et la stabilisation de la crise socio-économique. Cette situation a permis au Président Henry Konan Bédié de se présenter dans l'imaginaire collectif Akan comme étant un héro, dont l'arrivé à la présidence a favorisé la résolution de cette longue crise économique.

Dès son accession à la Présidence, Henry Konan Bédié fait modifier le titre III de la constitution de 1960 et fait introduire deux nouveaux éléments. Un élément de modernisme qui concerne un mandat de 5 ans renouvelable une fois et un autre élément qui met un système de verrous qui empêche les membres des groupes Mandé, Voltaïque et Kru d'accéder à la présidence. C'est "l'ivoirité". Ce concept explique le fait qu'il existe deux catégories d'ivoiriens qui sont les ivoiriens

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de souches et les ivoiriens d'origines étrangères. C'est dans ce contexte que le Président Henry Konan Bédié a assis son pouvoir en mettant fin à la fonction du Premier Ministre Alassane Ouattara. Ce qui lui a permis d'éviter toute concurrence politique avec celui-ci et légitimer l'ethnocratie Akan.

La création du RDR s'explique par le fait que certains partisans du PDCI se sentant exclus et souffrants l'ethnocratie exacerbée du Président Henry Konan Bédié ont fait défection du parti. Ainsi l'adhésion au RDR d'Alassane Ouattara a probablement influencé les membres des groupes Mandé et Voltaïque dont il est originaire, à rejoindre aussi le RDR. Cette situation aurait considérablement diminué le nombre des partisans du PDCI. C'est ce qu'affirme Braekman (1996 ; 32) en ces termes :

Cette mauvaise gouvernance s?explique par un mauvais départ des indépendances, la distribution inéquitable de la rente nationale et les systèmes politiques. Le Président, privilégie les membres de son ethnie ou de sa région au détriment des autres ethnies. Ce qui poussent les autres ethnies à se démaquer de manière ethniques ou confessionnelles et politiques.

La victoire du Président Henry Konan Bédié aux élections de 1995 tient au fait que celui-ci a disqualifié Alassane Ouattara de la course à la présidence en évoquant le concept d'ivoirité et a usé du clientélisme en rassemblant autour de lui les groupes Akan et Kru pour désigner la présence étrangère, en l'occurrence les Burkinabè, les groupes Mandé et les Voltaïque comme étant à l'origine de la crise socio-économique. On pourrait aussi attribuer la victoire du Président Henry Konan Bédié au désistement d'Alassane Ouattara et de Laurent Gbagbo qui ont, d'un commun accord refusé de se présenter aux élections présidentielles de 1995.

Ce rapprochement des deux leaders de l'opposition aux élections de 1995 s'explique par le fait qu'ils auraient voulu fragiliser le résultat des élections présidentielles par leur retrait. Puisqu'ils avaient un intérêt commun, dans la mesure où Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara avaient tous deux été exclus de la clientèle du Président Henry Konan Bédié. En plus, eux et leurs groupes en l'occurrence les Mandé, les Voltaïque et les Kru étaient victimes de la politique ethnocratique du Président.

Les rapports xénophobes du CURDIPHE et du CES en 1998 s'expliquent par le fait de l'accroissement des difficultés économiques et de la présence étrangère estimée à 26,03%. Ces rapports ont contribué à stéréotyper négativement les groupes Mandé, Voltaïque et Kru. Cette

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situation a défini en creux les qualités positives considérées aux seuls Akan, comme dignes de la classe politique idéale de la nation ivoirienne (Akindès ; 2003).

La révision constitutionnelle de 1998 s'explique par le fait que le Président avait senti vacillé son pouvoir à travers l'exaspération croissante des autres groupes ethniques qui se sentaient frustrés. Ainsi, l'augmentation du mandat présidentiel, le pouvoir illimité et l'assouplissement des prises de décision lui auraient permis d'une part d'assoir son pouvoir en montrant la prééminence Akan et d'autre part à faire face à toute révolte éventuelle des autres groupes dominés. C'est dans cette optique que Chrétien (1991 ; 28) affirmait :

Dans l'ethnocratie les facteurs psychologiques des causes politiques et économiques qu'on peut qualifier d'« objectives » s'entremêlent d'autres facteurs dits « subjectifs » jouent sur le registre psychologique de la manipulation, de la passion, de l'émotion, de la peur, des mécanismes de défense, etc. De ce fait, ils mobilisent des populations entières, alimentent les crises et mènent vers les violences ethniques.

Les conflits fonciers entre autochtones et allochtones et entre les autochtones s'expliquent par la recrudescence de la crise socio-économique et la pénétration du concept d'ivoirité dans les zones rurales. Dans ces zones, la récupération des terres par les "ivoiriens" n'est pas totale, dans la mesure où les terres retirées à des migrants sont rétrocédées à d'autres migrants. Il s'agissait donc d'un clientélisme local où les jeunes autochtones veulent restaurer le contrôle de « leurs » étrangers pour continuer de profiter du fruit de la mise en valeur de « leurs » terres par la perception d'une rente autochtone. C'était la seule voie qui aurait été crédible, nous semble-t-il, pour sécuriser les migrants sur les fronts pionniers de la Côte d'Ivoire. Finalement, la loi sur le foncier rural votée en 1998, a interdit la transmission par héritage de la terre à un « étranger ».

Les éléments de la fracture sociale étaient donc réunis et les politiciens n'ont fait que profiter par leur clientèle en tirant sur toutes les ficelles qui s'offraient à eux. Cependant, toutes ces dispositions constitutionnelles n'ont pas empêché des jeunes soldats issus des groupes Mandé, Voltaïque et Kru, excédés par cette politique ethnocratique de perpétrer un coup d'Etat Militaire contre le Président Henry Konan Bédié le 24 Décembre 1999.

SECTION II : L'ANALYSE DE LA CONQUETE DU POUVOIR PAR LES LEADERS POLITIQUES

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SOUS SECTION I : LA CRISPATION ETHNIQUE (1999-2000)

L'arrivée du Général Robert Gueï à la présidence s'explique par le faible nombre de Généraux issus des groupes Mandé et Voltaïque. C'est ce qui explique pourquoi ces soldats qui vivaient mal l'ethnocratie Akan ont rendu le pouvoir au Général Robert Gueï. En outre, la nomination des conseillers nordistes du nouvel homme fort explique le fait que celui-ci voulait récompenser les jeunes soldats, qui constituaient sa nouvelle clientèle.

Le procès de l'ivoirité, l'ethnocratie Akan et la nouvelle politique clientéliste du nouveau Président s'expliquent par le fait que celui-ci voulait d'une part prouver l'échec de l'ethnocratie Akan en leur démontrant que d'autres groupes ethniques possédaient des valeurs et qualité leurs permettant aussi de diriger le pays et d'autre part gagner la confiance des groupes Mandé, Voltaïque et Kru en leur montrant qu'ils ont été longtemps opprimés par les Akan. C'est ainsi que le Général Robert Gueï a décrispé l'atmosphère ethno-politique.

On peut logiquement dire que ce clientélisme a été moins Akan mais favorable à une inclusion plus large en regroupant les groupes ethniques du Sud, du Centre, du Nord et de l'Ouest. C'est dans cette perspective que Pengnuo (1970 ; 35) affirmait:

Le clientélisme est une réponse politique à travers des intérêts octroyés

[....] au Président, à des fins de récompenses pour leurs soutiens à son élection et leur mobilisation permanente face aux éventuels conflits. Il [....] utilise enfin plusieurs ethnies lorsque celles-ci sont potentiellement aptes à conduire le leader à la présidence.

Le revirement politique du Général Robert Gueï au mois de Mars 2000 à l'encontre des populations du Nord et son discours tenu à Aboisso s'explique par le fait que celui-ci voulait briguer la magistrature suprême. Or pour y arriver, le Général devaient non seulement exclure ses adversaires potentiels en l'occurrence Alassane Ouattara qui à le soutient des groupes Mandé et Voltaïque tout en capitalisant des voix pour ne pas fragiliser les résultats des élections.

Le rapprochement du Président des dignitaires Akan explique le seul moyen qui lui aurait permis d'assurer une victoire éclatante aux élections. C'est dans ce contexte que le Général s'est lui-même porté candidat, alors qu'il était censé juste assurer la transition. Les populations du Nord ont vécus ces comportements d'exclusion ethnique à leur égard comme des frustrations qui sont des sources de crispations ethniques.

Le référendum du 23 Juillet 2000 qui a favorisé l'adoption de l'art 35 et les nouvelles charges judiciaires à l'encontre d'Alassane Ouattara s'explique par le fait que le Général Robert Gueï ait

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mis à jour son ambition d'accéder à la présidence. Pour ce faire, cet art 35 a permis d'écarter définitivement Alassane Ouattara de la course à la présidence.

En effet pour le Général, la non participation d'Alassane Ouattara à la présidence favoriserait l'abstention de ses militants en cas de vote. Ainsi, le Général Robert Gueï pensait capitaliser à lui seul les voix des groupes Kru et Akan ce qui lui aurait permis d'évincer Laurent Gbagbo qui ne peut obtenir que le soutien d'une minorité Kru aux élections. Ce qui a été considéré comme un « hold-up électoral » canalisé, par l'art 35 de la constitution issu du referendum.

La justification de la nationalité ivoirienne d'Alassane Ouattara s'explique par le fait qu'il a prouvé qu'il est ivoirien et montrer son ambition d'accéder à la présidence en se portant candidat. Mais par des jeux clientélistes il a été disqualifié de la course à la présidence pour la deuxième fois en 2000.

La défaite du Général Robert Gueï aux élections du 22 Octobre 2000 face à Laurent Gbagbo, s'explique par le fait que les Akan ayant mal vécus le déclin de l'ethnocratie Akan par un membre du groupe Kru, aurait probablement voulu venger cette défaite humiliante en accordant leurs voies à Laurent Gbagbo et non au Général qui selon eux a occasionné la destitution de leur prééminence ethnocratique.

La victoire de Laurent Gbagbo tient au fait, qu'il a bénéficié du soutient d'une minorité Kru et Akan pour accéder à la Présidence. On peut logiquement dire que le Général Robert Gueï et Laurent Gbagbo ont mobilisé le vote de leurs entités ethniques et de leurs clientèles politiques pour faire barrage à Alassane Ouattara avant les élections présidentielles.

Le conflit post électoral s'explique par le fait que certains militants du RDR vivant mal les effets de ce clientélisme électoral auraient voulu en découdre avec le chef de la junte qui a éliminé leur candidat par des manoeuvres clientélistes et décrier la victoire de Laurent Gbagbo. Les autres militants du FPI auraient quant à eux estimé que les militants du Général Robert Gueï et d'Alassane Ouattara revendiquaient la victoire à leur candidat Laurent Gbagbo, qui aurait appelé à son tour, ses militants à une « résistance par tous les moyens ». C'est ce conflit ethno-politique qui explique le "charnier de Yopougon" qui fit 57 morts parmi les partisans du RDR.

SOUS SECTION II : DE L?ORDRE CONSTITUTIONNEL AUX ALLIANCES POLITIQUES (20002010)

La politique de refondation du FPI s'explique par le fait que le Président Laurent Gbagbo n'a jamais caché son aversion pour l'"Houphouétisme" et la France qui ont tous deux contribué

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d'une part à exclure les Bété de la production du café-cacao jusque dans les année 80 et d'autre part favorisé l'ethnocratie Akan. C'est ainsi que dès son arrivé à la présidence, le Président Laurent Gbagbo renoue avec un nouveau système clientélisme inclusif, composée d'une minorité Kru et Akan. Pour assoir son pouvoir, le Président et sa clientèle ont monopolisé les sphères militaires, politiques et économiques en l'occurrence la filière café-cacao. C'est dans cette perspective qu'Arsène Mankou (2007 ; 52) affirmait:

Le clientélisme revêt plusieurs aspects lorsqu'il est utilisé par les leaders politiques. Les différentes thèses ou aspects que sont l'ethnicité, le népotisme, la corruption, l'intérêt économique, le racisme et le dépendantisme sont complémentaires dans l'utilisation du clientélisme.

La rébellion du 19 septembre 2002 s'explique par le fait que les soldats qui ont mené le Général au pouvoir ont été plus tard exclus de sa clientèle. Ceux-ci se sentant trahis dans leur projet, sont revenus à la charge en décriant l'ivoirité, l'illégalité des élections 2000 qui ont porté le Président Laurent Gbagbo au pouvoir et la nouvelle politique clientéliste de celui-ci qui exclu les groupes Mandé, Voltaïque et une majorité Kru. C'est dans ce contexte qu'est survenue la division du pays en deux. Les zones Centre, Nord et Ouest habités par les groupes Mandé, Voltaïque et Kru occupées par les FAFN et les zones Sud et Est composées de minorités Akan et Kru, contrôlées par les FDS.

On peut logiquement dire que cette division militaire du pays est devenue civile dans la mesure où les habitants des territoires occupés soutenaient la politique du leader qui influençait ce territoire. De la sorte que les populations en provenance d'un territoire adverse étaient mal perçues voire discriminer. C'est ce qui explique les représailles contre les migrants étrangers et entre les populations des différents groupes ethniques.

Les médiations de la CEDEAO et de la France s'expliquent par le fait que la communauté internationale s'est engagée à résoudre la crise, en proposant le débat sur la nationalité, l'instauration d'un gouvernement de transition et la nomination d'un Premier ministre de consensus. Le Président Laurent Gbagbo n'aurait probablement pas voulu se soumettre aux accords issus de la médiation de la France pour qui, il a toujours eu des réserves. Il s'est donc employé à résoudre la crise à sa manière. C'est dans ce contexte que "l'opération dignité" a été lancée par le Président Laurent Gbagbo dont l'objectif était de bombarder les positions rebelles en Novembre 2004.

La France quant à elle, voulant soumettre le Président aux accords signés à profiter de cette situation pour détruire la flotte aérienne des FDS, qu'elle a accusé d'avoir bombardé une position des militaires français lors de "l'opération dignité". On peut dire que la France a imposé ses vues au

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Président Laurent Gbagbo pour sortir de la crise, en lui montrant sa suprématie en tant que puissance coloniale.

Dans la même foulé en 2005, Henry Konan Bédié et Alassane Ouattara scellent leur rapprochement politique par le Rassemblement des Houpouétistes pour le Progrès et la Démocratie (RHPD). Indubitablement, ce rapprochement sonne comme le réveil de l'alliance historique des populations Mandé, Voltaïque et Akan qui représentent ensemble la majorité de la population. Ainsi, chacun a promis à l'autre d'aller seul à la prochaine présidentielle mais s'engageait à se désister en faveur du gagnant à l'issue du premier tour.

Les nombreux accords signés s'expliquent par le fait que les belligérants de cette crise ne trouvaient pas des points de convergences pour la résoudre. C'est dans ce contexte que 4 ans plus tard à Ouagadougou, après le premier accord de 2003, que le Président Laurent Gbagbo à nommé Guillaume Soro comme Premier Ministre. Pour sortir de la crise le Président Laurent Gbagbo a aussi usé de son pouvoir illimité en période de crise afin de permettre à la CEI d'organiser des élections démocratiques libres et non controversées.

C'est ainsi que le problème des origines discutées du candidat Alassane Ouattara a été contourner, ce qui a permis au Conseil Constitutionnel de valider la candidature de ce dernier (CERAP ; 2004). En Outre, Le candidat Henry Konan Bédié a lui aussi bénéficié de cette « faveur présidentielle ». Car l'art 35 de la Constitution limite à soixante-quinze ans l'âge des candidats à la présidence. Or, Konan Bédié, né en 1934, avait 76 ans depuis le 5 mai 2010. On a réalisé ainsi et provisoirement un changement dans les dispositions de la constitution sans révision de celle-ci.

Enfin, la candidature du comédien Adama Dolo, s'explique par le fait que le Président Laurent Gbagbo aurait probablement voulu démontrer sa sympathie à l'égard des étrangers résidants en Côte d'Ivoire. En effet, le candidat d'origine malienne a été naturalisé ivoirien en 2004. Or, il ne peut être éligible que dix ans après sa date de naturalisation conformément à la loi no 61-415 14 de décembre 1961 portant « Code de la Nationalité Ivoirienne », modifiée par la loi no 72-852 du 21 décembre 1972, en son article 43.

La campagne électorale d'Henry Konan Bédié à l'Est et à l'Ouest de la Côte d'Ivoire, s'explique par le fait que celui-ci voulait renouer avec son électorat Akan qui a été désabusé suite au coup d'Etat de décembre 1999 et récupérer l'électorat du Général Robert Gueï dans le groupe Kru. Quant au Président Laurent Gbagbo, son discours tenu à Bongouanou s'explique par le fait que, le Président comptait sur les chefs traditionnels pour capitaliser les voies des territoires maintenus par les FDS après la division du pays. C'est ce qui expliquerait son retard dans la campagne électorale.

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Puisqu'il aurait eu la certitude d'avoir gagné la confiance des chefs traditionnels tout en fustigeant ses adversaires politiques d'être à l'origine de la crise.

Quant à Alassane Ouattara, son discours de Ferkessédougou explique clairement qu'il se réclame du Nord et mobilise ainsi les groupes Mandé et Voltaïque dont il est issu à voter en sa faveur. C'est ce qui explique pourquoi les résultats de la carte géographique électorale du premier tour des élections du 31 Octobre 2010, était marquée d'une part par la division militaire du pays en 2002 et d'autre part par le vote des groupes ethniques des leaders politiques. C'est ce que Quentin (2000 ; 30) fait remarquer en ses termes :

Ainsi, faute de choisir des programmes, les électeurs africains ont souvent

été capturés par des entreprises de mobilisations ethno-régionales en

choisissant des personnes. Celles-ci s'appuient au départ sur des

mécanismes clientélistes et se renforcent grâce à l'instrumentalisation, par

les politiciens, des identités locales et claniques [...].Ici, le vote devient

sentimental, une expression d'identification. Le candidat mise sur les

affinités qu'il a avec son électorat pour accéder à une responsabilité

élective.

Les résultats du premier tour des élections le 31 octobre 2010, s'expliquent par le fait que Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara et Henry Konan Bédié ont tous bénéficié du vote de leurs entités ethniques. En plus de La répartition ethnique des votes, la division militaire a aussi imprimé sa marque à la carte des résultats. Ainsi, les Mandé et les Voltaïque constituant la quasi-totalité des électeurs du Nord-Ouest, occupés par les FAFN ont tous accordé leurs suffrages à Alassane Ouattara, tandis que le Centre et le Sud-Est du pays, peuplé essentiellement d'Akan, ont accordé une nette majorité à Henry Konan Bédié. En revanche, l'Ouest, le Sud-Est et l'Est du pays marqués par la présence des FDS, livrent un vote massif en faveur du président sortant Laurent Gbagbo.

Les résultats du second tour des élections du 7 novembre s'expliquent quant à eux du fait que d'Henri Konan Bédié, du PDCI décident à travers le RHDP, de voter massivement pour Alassane Ouattara afin d'assurer au RHDP une victoire éclatante. Ce rapprochement du RDR et du PDCI, explique l'ethno-stratégie entre les deux partis pour faire front contre Laurent Gbagbo. C'est ce qui explique les résultats de la carte géographique électorale du second tour des élections du 28 Novembre 2010.

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Ainsi le Centre, l'Est, le Sud-Ouest et le Nord qui représentent respectivement les groupes ethnolinguistiques Akan, Mandé et Voltaïque ont voté pour Alassane Ouattara. Le Sud et l'Ouest constitués de Kru et de minorité Akan ont quant à eux portés leur choix sur Laurent Gbagbo.

Les affrontements sanglants de la crise post-électorale du second tour des élections, s'expliquent par le fait que les résultats proclamés par la Commission Electorale Indépendante (CEI) furent contestés par les partisans du FPI et la Cours Constitutionnelle. Ceux-ci accordaient la victoire à Laurent Gbagbo après invalidation des votes dans sept départements du Nord (soit 13 % des votants). L'opposition dénonçait un « putsch électoral », tandis que la représentante de la diplomatie de l'UE et le secrétaire général de l'ONU, puis l'ensemble de la communauté internationale considéraient que le vainqueur de l'élection est Alassane Ouattara (Novelobs ; 2011).

C'est ainsi que les résultats du vote ont finalement été « certifiés » par le représentant spécial de l'ONU en Côte d'Ivoire, Young-Jin Choi, qui affirme que ses services ont recomptés trois fois les procès-verbaux des votes dans les régions contestées et que :

Même si toutes les réclamations déposées par la majorité présidentielle auprès du Conseil Constitutionnel étaient prises en compte, (...) le résultat du second tour tel que proclamé par le président de la CEI le 2 décembre ne changerait pas (Figaro ; 2010).

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CONCLUSION

Le but de ce mémoire était de comprendre la place de l'ethnicité et du pouvoir politique ivoirien et d'en faire une analyse. Pour y arriver, nous nous sommes demandé si le sentiment d'appartenance ethnique a été utilisé dans la vie politique de la Cote d'Ivoire. Nous avons par la suite émis l'hypothèse que la vie politique de la Côte d'Ivoire, le sentiment d'appartenance ethnique a été régulièrement instrumentalisé et reconstruit à partir d'une mobilisation qui prolonge, renforce et met en cause les frontières ethniques ou régionales. Nous avons donc présumé que l'arrivée massive des migrants-étrangers et la crise économique ont contribué à une crispation des ethnies qui ont été instrumentalisées par les politiciens dans leur conquête du pouvoir.

Au cours de cette étude, nous avons été amenés à faire une revue de la littérature pour permettre une meilleure compréhension de notre travail. Nous avons ainsi fait la recension de quelques études effectuées à travers le monde sur les relations ethniques puis nous avons regroupé les différentes positions en deux approches: l'approche clientéliste et l'approche ethnocratique.

L'approche clientéliste est sous-tendue par le postulat que le clientélisme est une pratique politique officieuse qui tire ses origines des sociétés traditionnelles africaines. Amselle Jean-Loup (1992), Jean-Louis Briquet (1995) et Virginie Martin (1999), le définisse comme une attitude des politiciens qui consiste à accroitre leur influence en se créant une clientèle par des procédés démagogiques.

L'approche ethnocratique est considérée par Mayer Pierre (1990), Alain Pages (2001) et le CPJMO (2013) comme la gestion de l'Etat par l'ethnie au pouvoir au détriment des autres ethnies du pays. Cette approche admet que les politiciens s'appuient sur leur appartenance culturelle voir ethnique pour obtenir des votes.

Au plan méthodologique, la démarche adoptée est la recherche documentaire ou bibliographique et l'analyse de contenu, notamment ceux des discours publiés dans les journaux ivoiriens et internationaux. La recherche documentaire concernait les documents comme les ouvrages, les revues, le journal officiel, les révisions constitutionnelles les mémoires, les monographies et les thèses sur la Côte d'Ivoire. Les résultats des élections présidentielles de 1995, 2000 et de 2010 sont au centre de la présente recherche. Les données utilisées dans ce mémoire ont été tirées des articles de la constitution de 1960 et 2000, les hebdomadaires Novelobs, Jeune Afrique, Revue Africaine, des rapports d'institutions et des archives de RFI.

La composition ethnique de la Côte d'Ivoire fait apparaître quatre groupes ethnolinguistiques (Akan, Kru, Mandé et Voltaïque) dont chacun correspond à une aire géographique très précise. Cette situation rend, à nos yeux, le recours à la mobilisation ethnique facile. De façon

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générale, celle-ci intervient le plus souvent pendant les moments d'intenses mouvements au sommet de l'État.

Dans l'ensemble, il apparaît que la colonisation a joué un rôle capital dans la hiérarchisation des ethnies. Cette hiérarchisation fut possible par l'introduction du café-cacao. Le recours à la mobilisation ethnique quant à elle à deux trajectoires: la légitimation de l'accès au pouvoir des membres de son groupe et la contestation de l'origine familiale de ses adversaires.

Pour l'essentiel, il apparaît que le recours à la dimension ethnique a été plus fréquent en 1995 et en 2000 qu'en 2010. Sur la foi des données collectées, les candidats du PDCI et du FPI ont semblé les plus actifs dans ce domaine lors des élections présidentielles de 1995 et 2000.

Sur la base des données collectées, il apparaît aussi que les candidats aux élections présidentielles de 1995, 2000 et 2010 ont à plusieurs occasions tenue des discours ambigus de dénonciation de la démarche de leurs concurrents pendant les campagnes électorales pour les présidentielles. Cette dénonciation ressemble étrangement à un appel à la solidarité ethnique. Les résultats obtenus par les candidats retenus dans notre étude à l'issus des élections de 2010 montrent qu'à l'exception d'Alassane Ouattara, les deux autres candidats l'ont emporté dans leur région d'origine où d'ailleurs leur ethnie est majoritaire.

Les données de la campagne électorale en vue des élections présidentielles de 2010 suggèrent un profond changement des discours par rapport à ceux prononcés lors de la campagne électorale de 2000 et 1995. Il se dégage de ces données que tous les partis politiques utilisent les mêmes arguments même s'ils l'expriment différemment.

La leçon tirée des deux dernières élections présidentielles de 2010 et de 2000 est sans équivoque. Les candidats à la Présidence doivent prendre le risque de faire des alliances régionales et ethniques s'ils veulent obtenir le soutien de la nation. Il se dégage d'expérience que les candidats qui sont apparus comme les défenseurs des intérêts de leurs communautés ne peuvent espérer conquérir le pouvoir par les urnes qu'avec leur soutient ethnique. On ne saurait pour autant en conclure que le candidat victorieux des présidentielles de 2010 et son parti ont eu une démarche non ethnique, ni que leurs soutiens sont neutres du point de vue ethnique. Aussi, la performance de certains candidats dans des zones qui leur sont ethniquement défavorables ne signifie pas que le vote y fut moins ethnique qu'ailleurs. Pour expliquer ce phénomène, il est plus pertinent de noter que les grandes villes ivoiriennes sont demeurées ethniquement hétérogènes.

Après l'interprétation et l'analyse des données, nous arrivons à la conclusion que cette réalité tient au fait que les acteurs politiques, dans leurs luttes pour le contrôle du pouvoir d'État appellent à la solidarité ethnique des membres de leurs groupes ethniques. Il se dégage cependant des données que les démarches diffèrent. Quelques-uns des acteurs de la scène politique ivoirienne

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l'on fait eux-mêmes alors que d'autres ont eu recours à la mobilisation de solidarités ethniques hétéroclites avec l'appui des fonctionnaires qui apparaissent comme des élites locales représentant leurs communautés. Il apparaît de manière générale que la stratégie adoptée était celle qui mettait en avant le clientélisme tout en mettant en cause la crise économique due à la forte présence des "migrants étrangers" afin de placer à la tête de l'État un membre de leur groupe ethnique.

Par cette recherche, nous avons voulu participer à la compréhension du phénomène ethnique et du pouvoir politique en Côte d'Ivoire en identifiant les différents éléments qui favorisent cet état de fait. Ce travail devrait permettre d'entreprendre d'autres études dans ce domaine pour mieux saisir les différents canaux qui mènent à l'ethnicisassions de la vie politique en Côte d'Ivoire et d'en saisir toutes les implications. Il y a en effet plusieurs autres aspects de cette réalité politique qui n'ont pas été considérés dans ce mémoire. Une étude de la mobilisation ethnique dans un processus électoral devrait, par exemple, aborder la question de la relation entre l'élite et la communauté, mener un entretien auprès de la population en âge de vote d'une part, et auprès des acteurs de la vie politique et de quelques membres de société civile d'autre part ou encore intégrer dans la recherche une étude de la composition du bureau politique national des partis ayant présenté des candidats aux différentes élections. Une étude complémentaire qui prendrait en compte ces éléments serait pertinente. Si nous avions la possibilité d'entreprendre des études approfondies, nous poursuivrons ce travail avec plus de détermination. Un financement de la part d'une institution qui s'y intéresserait serait également la bienvenue.

La réflexion que nous faisons du pouvoir politique en Côte d'Ivoire, est des candidats indépendants de gagner des élections. Sur la base d'une analyse qui extrapole nos données est que si, celui-ci change de démarche en ne cherchant pas à édifier des alliances avec des groupes et des individus, c'est qu'il bénéficie d'un soutien local et extérieur assez important.

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Statistique perspective monde de l'Université Sherbooke.

ANNEXES

Annexe A : Carte administrative de la Côte d'Ivoire P52

Annexe B : Carte de la répartition des groupes ethno-linguistiques de la Côte d'Ivoire P55

Annexe C : Carte de la répartition ethnique et militaire des élections du 31 Octobre 2010 P75

Annexe D : Carte de la répartition ethno-stratégique des élections du 28 Novembre 2010

.P76

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius