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Connaissances locales et modes d'utilisation des plantes médicinales dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune dans la région des cascades. Cas du village de Diarrabakoko.

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par Saliou SANOGO
Université de Ouagadougou - Mîtrise 2014
  

Disponible en mode multipage

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MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE, SUPERIEUR

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UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU

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UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES

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DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE

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BURKINA FASO

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UNITE - PROGRES - JUSTICE

MAITRISE DE SOCIOLOGIE

Mémoire de maitrise

THEME

CONNAISSANCES LOCALES ET MODES D'UTILISATION DES PLANTES MÉDICINALES DANS LE TRAITEMENT DU PALUDISME ET DE LA FIÈVRE JAUNE DANS LA RÉGION DES CASCADES : CAS DU VILLAGE DE DIARRABAKÔKÔ

Sous la direction de: Dr. KORBEOGO Gabin

Maître-assistant de sociologie

251655680Présenté et soutenu parSANOGO Saliou

251654656

FEVRIER 2014

SOMMAIRE

DEDICACES .ii

REMERCIEMENTS .iii

LISTES DES SIGLES ET ABREVIATIONS......................................................iv

LISTE DES TABLEAUX .v

INTRODUCTION......................................................................................1

CHAPITRE I. : CADRE THEORIQUE ET METHODOGIQUE .3

I. : CADRE THEORIQUE .3

II. : METHODOLOGIE .31

CHAPITRE II. : CONSTRUCTION SOCIALE DU PALUDISME ET DE LA FIEVRE
JAUNE .40

I. : CONSTRUCTION BIOMEDICALE .40

II. : CONSTRUCTION POPULAIRE 43

III. : SYSTEMES MEDICAUX PLURALISTES ET ITINERAIRE
THERAPEUTIQUES .54

CHAPITRE III. : CONNAISSANCES LOCALES ET MODES D'UTILISATION DES
PLANTES MEDICINALES DANS LE TRAITEMENT DU PALUDISME ET DE LA
FIEVRE JAUNE 74

I. : CONNAISSANCES LOCALES 74

II. : PROCEDES D'UTILISATION 90

III. : STRATEGIES DE CONSERVATIONS 109

CONCLUSION 111

BIBLIOGRAPHIE 113

ANNEXES..............................................................................................117

DEDICACE

A notre regretté père

Qui a été arraché à notre affection au moment où nous avions le plus besoin de ses conseils. Qu'il trouve en ce mémoire la récompense des sacrifices consentis à notre égard.

Puisse Dieu le tout puissant, lui accorder la vie éternelle.

A ma maman à qui nous devons tout.

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier tous ceux qui d'une manière ou d'une autre ont contribué à l'aboutissement de ce mémoire.

Nous pensons particulièrement à notre Directeur de mémoire, le Maître Assistant Gabin KORBEOGO qui n'a ménagé aucun effort pour nous assister. Nous lui réitérons nos sincères remerciements pour ses conseils et suggestion tout au long de cette recherche, lui qui a su porter son attention, son dynamisme et sa rigueur à ce travail.

A tous le corps professoral du département de sociologie, pour les peines et tant de labeur fournis, pour faire de nous des chercheurs de la science du savoir sociologique. Nous avons conscience des dettes intellectuelles contactée auprès de vous.

Nos reconnaissances également à tous nos parents, à monsieur et madame Ouattara,

A mes amis et camarades étudiants (es) sociologues qui mon accompagné dans la réalisation de ce mémoire.

A Adama karama, chef du village de Diarrabakôkô ainsi qu'à l'ensemble de la population de cette localité

A tous les tradipraticiens de Diarrabakôkô

A Dr Dakuyo P.Zephirin Pharmacien/ Chercheur dans le domaine de la phytothérapie à Banfora

A tous ceux dont le nom n'a pu être cité, puissiez- vous retrouver en cet écrit notre réelle reconnaissance.

LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES

OMS: Organisation Mondiale de la Santé

CSPS : Centre de Santé et de Promotion sociale

RN1 : Route Nationale N°l

DRED : Direction Régionale de l'Economie et du Développement

IDE: Infirmier Diplômé d'Etat

IB: Infirmier Breveté

IB : Initiative de Bamako

AIS: Agent Itinéraire de Santé

CTA:Combinaison Thérapeutique à base d'Artemisinine

CHR: Centre Hospitalier Régionale

LISTE DES TABLEAUX

TABLEAU 1 :Fréquences des causes et symptômes du paludisme

TABLEAU 2 :Présentation des fréquences des symptômes de la fièvre jaune

TABLEAU 3 : Distribution des sources de connaissances par maladie

TABLEAU 4 :Distribution des recours thérapeutiques en fonction du sexe et des maladies

TABLEAU 5 : Distribution des recours thérapeutiques en fonction du niveau d'éducation en cas de paludisme

TABLEAU 6 :Distribution des recours thérapeutiques en fonction du niveau d'éducation encas de fièvre jaune

TABLEAU 7 : Distribution des recours thérapeutiques en fonction de la profession en cas de paludisme

TABLEAU 8 :Distribution des recours thérapeutiques en fonction de la profession en cas de fièvre jaune

TABLEAU 9 :Distribution des recours thérapeutiques en fonction des maladies

TABLEAU 10 :Perception par maladie du traitement biomédical

TABLEAU 11 : Perception par maladie du coût du traitement biomédical

TABLEAU 12 :Estimation du coût du traitement biomédical en fonction des maladies

TABLEAU 13 :Changement de recours thérapeutiques en fonction des maladies

TABLEAU 14 :Distribution de la connaissance des plantes par sexe et par maladie

TABLEAU 15 :Connaissance des plantes par âge dans le traitement du paludisme

TABLEAU 16 : Connaissance des plantes par sexe dans le traitement du paludisme

TABLEAU 17 :Connaissance des plantes par âge dans le traitement de la fièvre jaune

TABLEAU 18 :Connaissance des plantes par sexe dans le traitement de la fièvre jaune

TABLEAU 19 :Distribution par sexe et par maladie des sources de connaissance des plantes dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune

TABLEAU 20 :Distribution des plantes utilisées par sexe dans letraitement du paludisme

TABLEAU 21 :Distribution des plantes les plus utilisées par sexe dans letraitement de la fièvre jaune

TABLEAU 22 : Distribution par sexe et par maladie des personnes impliqué dans le choix des plantes à utilisées

INTRODUICTION

Dans la catégorie des fièvres qui ont marqué l'histoire du monde et en particulier celle de l'Afrique à travers les maux et les décès qu'elles ont occasionnés, le paludisme et la fièvre jaune restent de loin les plus importantes. Néanmoins, avec les multiples progrès réalisés par la médecine moderne, la fièvre jaune autrefois considérée comme une maladie pestilentielle n'est plus une question alarmante avec la vulgarisation de la vaccination antiamarile. Par contre, le paludisme demeure à nos jours la première maladie parasitaire potentiellement mortelle qui touche le plus de population. Il a une telle prévalence dans les régions tropicales et subtropicales qu'il est responsable chaque année selon Santé Actu (2007) de plus de 300 millions de cas de maladie aigue et d'au moins 1 million de décès. De plus, 90% de ces décès surviennent en Afrique au sud du Sahara, principalement chez les enfants de 0-05 ans et les femmes enceintes.

Au Burkina Faso, cette affection constitue un problème majeur de santé publique et représentait en 2009 49% des consultations, 54% des hospitalisations et 60,4% des décès selon Le Tableau de bord de santé (2009). Aussi, il reste une endémie stable dans tout le pays avec une recrudescence saisonnière notamment entre (mai et octobre). Mais la transmission est permanente dans les régions du sud et du sud-ouest à cause des facteurs climatiques ainsi que le manque de puisards dans les concessions des zones rurales comme celles de Diarrabakôkô pour recueillir les eaux de toilettes. Autrement dit, c'est une maladie qui se développe le plus sur un fond de précarité sociale, alors que son coût économique est très élevé pour le pays et pour les individus. En effet selon l'OMS (2011), le coût direct du paludisme recouvre les dépenses individuelles et publiques pour la prévention et le traitement de la maladie. Nonobstant les dépenses allouées à la lutte contre cette maladie, les traitements mis en place par la médecine moderne se révèlent parfois inefficaces dans le traitement de cette pathologie (Tableau de bord de santé 2009, OMS 2011).

Face à cette situation, les plantes médicinales constituent un complément ou une alternative aux limites voire à l'impuissance des remèdes de synthèses de la médecine moderne d'autant plus que nous savons que la thérapeutique traditionnelle fut pendant de nombreux siècles l'arme majeure mise à la disposition de l'Homme par la nature pour faire face à la maladie (Dim Dolobsom 1934). Cette allusion au passé dénote de l'ancienneté de ces maladies et des remèdes qui étaient utilisés pour le traitement.

Certes de nombreuses personnes pensent que la phytothérapie traditionnelle a été historiquement, et est encore aujourd'hui victime de discrimination sur le marché thérapeutique. Cependant, de nombreuses études empiriques (Kerharo et Bouquet 1950 ; Obenga 1985 ; Kalis 1997) ont aussi montré et continuent de montrer que la thérapie traditionnelle par les plantes médicinales est plus perceptible et récurrente au sein de la population rurale chaque fois qu'un malade peut en user pour s'en tirer à bon compte car faisant partie de leur environnement socioculturel.

Aussi, en faisant remarquer que l'utilisation des plantes médicinales est établie en référence aux connaissances et savoir-faire requis pour faire la thérapie en question, mais que ces savoirs indispensables pour les thérapeutes traditionnels sont soit ignorés, soit peu estimés dans l'évaluation des deux médecines. Si les thérapies biomédicales sont plus valorisées ou légitimées que celles traditionnelles parce qu'elles possèdent un savoir-faire permettant de gérer des situations sociales complexes, les spécialistes et les non spécialistes de la phytothérapie traditionnelle sont par contre méconnus même s'ils sont tout aussi qualifiés et consultés dans les situations de précarité économique ou d'urgence sanitaire. A l'évidence, les partisans de la biomédecine argueront que l'on ne peut pas prouver que ces thérapies sont comparables. Mais c'est bien là que réside le problème. Si elles ne sont pas comparables, c'est parce qu'il n'y a pas d'accord sur la manière d'évaluer une thérapie. Et si cela est vrai, pourquoi ne pas reconnaitre la valeur intrinsèque des plantes médicinales dans la cure des affections courantes, notamment le paludisme, afin d'avoir un système de soin traditionnel qui va cohabiter avec le système de soin moderne, vu la gamme variée de plantes médicinales. C'est dans cette optique que le Ministère de la santé avec l'appui d'autres institutions comme l'OMS ont adopté des résolutions afin de promouvoir cette médecine et pharmacopée traditionnelle. En ce sens, les connaissances/savoirs sur les plantes médicinales ou mieux sur les pharmacopées traditionnelles demeurent l'approche la plus réaliste pour subvenir aux besoins des populations du monde rural notamment.

Dans cette démarche, les scientifiques ont un rôle important à jouer. Raison pour laquelle nous nous sommes proposé d'apporter notre collaboration à la revalorisation de notre patrimoine médical traditionnel à partir des connaissances locales et modes d'utilisations des plantes médicinales entrant dans la thérapie du paludisme et de la fièvre jaune dans le village de Diarabakôkô (région des cascades).

CHAPITRE I: CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIE

I-CADRE THEORIQUE

1 - REVUE DE LITTERATURE

Dans le but de mieux cerner notre thème, nous avons fait une revue de littérature spécifique pour connaître les diverses approches de la question ; ce qui nous permettra d'affiner notre problématique de recherche. Les informations recueillies de nos différentes lectures et entretiens exploratoires sont regroupées sous forme de thématiques. Dans la problématique, nous présentons les orientations, les objectifs, les hypothèses de recherche ainsi que la définition des concepts de notre recherche.

1.1- Pharmacopées traditionnelles et plantes médicinales

Les plantes médicinales constituent un outil de travail de premier intérêt pour la médecine traditionnelle dans nos formations sociales locales. A ce titre, il est indéniable que toute intervention dans ce domaine nécessite un minimum de connaissances sur les travaux antérieurs.

A cet effet, l'étude ethno-historique de Fortin (1978) sur la pharmacopée traditionnelle des Iroquois nous montre que la connaissance des propriétés thérapeutiques des plantes et autres éléments de la pharmacopée était largement répandus par la tradition orale, mais certaines formules étaient jalousement gardées à l'intérieur des familles. De ce fait, l'auteur entend valoriser une "médecine naturelle " telle pratiquée par les iroquois, au détriment d'une médecine de type scientifique à la mode et non accessible à l'ensemble du peuple parce que devenue avec le temps trop exotérique. Ainsi, il manifeste une certaine curiosité à l'égard de ces remèdes naturels qui se révèlent fort efficaces comme vulnérables à ses yeux. En présence du contenu de cette pharmacopée traditionnelle, Fortin ne peut éviter de remarquer le caractère polyvalent de ces éléments thérapeutiques et les multiples formules pour traiter la même maladie. Il se rend compte alors que dans la pratique de leur art, les guérisseurs Iroquois "bricolent " avec les produits naturels de leur environnement. Il en vient à la conclusion que, pour pouvoir comprendre que telle ou telle plante est mise en relation dans ce système, il faudrait en premier lieu connaitre les croyances internes liées à la maladie.

L'auteur conclut en disant que toutes les variations sont permises dans l'ordre de succession du choix des lieux ou des praticiens. Aussi, il soutient que la médecine occidentale a rencontré la médecine Rukuba et s'est insérée dans les termes de cette dernière, le résultat de cette infiltration et ces interrelations avec le système traditionnel étant la vraie ethnomédecine Rukuba.

Dans la même logique de la pharmacopée traditionnelle, Genest (1978) dans son" essaie de synthèse sur l'introduction à l'ethnomédecine" aborde plusieurs points allant de l'anthropologie médicale à l'ethnomédecine qui constitue un indice de ce qu'on entend couvrir le social et le médical (physique et psychique). Pour lui, l'ethnomédecine a un contenu qui peut se diviser de la manière suivante : croyance médicale, les traitements, les thérapeutes, les descriptions des maladies et les contextes dans lesquels ils apparaissent. Partant de là, l'auteur précise maintenant que la définition de l'ethnomédecine n'entend pas uniquement les pratiques et les croyances autrefois taxées de primitives mais tout comportement relatif à la maladie et son traitement. De ce fait, il affirme : « le système de croyance est un tout qui a sa logique propre selon chaque société et qu'il conditionne l'ensemble des comportements en matière médicale comme ailleurs (1978: 13) ». Il constate qu'il y a les "empiristes" (le plus souvent, pharmaciens, médecins ou chimistes) qui trouvent la confirmation de l'efficacité des médecines non occidentales spécialement dans la phytothérapie. Les "symbolistes" qui insistent sur le rituel thérapeutique et ses effets curatifs par des manipulations reliées à la connaissance du psychique et du social des patients.

Sur le point relatif aux traitements et aux thérapeutes, l'auteur souligne que, d'une part, les traitements constituent des informations "palpables" sur un système médical, et d'autre part, ces actes visent l'expression de la guérison du malade et l'importance de ce but entraine la réduction des comportements à cette seule dimension. Pour lui, toute la discussion autour de deux pôles "empiristes" et "symbolistes" et sur l'efficacité des pratiques médicalisées en dehors du schéma dominant de la tradition savante occidentale prend appui sur le traitement. A partir de cette remarque, il affirme que les traitements varient en moindre nombre que ces croyances dans le domaine médical. Par ailleurs, dans son analyse sur les thérapeutes, Genest stipule que de la même façon que les croyances médicales et les traitements varient selon les contextes socioculturels, de même ce qui caractérise lesthérapeutes en tant qu'individus, leur comportements, leur formation change selon les systèmes. Dans la description des maladies liées aux contextes sociaux, il s'appuie sur Fabrega pour dire que « l'information extraite de la manifestation d'une affection reflète le fonctionnement du système médical d'un groupe et elle conditionne également le type de problèmes qui apparaissent dans ce système (Genest 1978: 21)».

Kalis (1997) par contre, dans le contexte sénégalais analyse la médecine traditionnelle dans la globalité du fait social afin d'appréhender les formes et le sens que revêtent la maladie et le malheur, de comprendre les stratégies thérapeutiques utilisées par une population donnée. Pour lui, la médecine traditionnelle des Sereer se situe au point de convergence d'un double jeu de forces. D'un côté, celles des destructions qui animent l'agresseur (l'Homme, ancêtre, génie) et de l'autre, celles de régénération mise en oeuvre par le guérisseur qui opère par la médiation de l'ancêtre. Par ailleurs, il stipule que le système de représentation des pathologies et des pratiques thérapeutiques a pour objet de préserver l'ordre social du fait que la médecine traditionnelle est "un art des usages sociaux de la maladie". Il en vient à la conclusion selon laquelle : « la médecine traditionnelle ne morcèle pas l'homme mais l'envisage dans sa globalité dans un environnement humain matériel et spirituel avec lequel il entretient une communication étroite (Kalis 1997 : 17) ».

Percevant le rôle croissant de cette pharmacopée traditionnelle dans la vie sociale, Kerharo et Bouquet (1950) partent du principe que la société dans leurs pays d'étude (Côte d'Ivoire et Haute Volta) est encore dans l'ensemble au stade familial ou tribal ; des hommes, des sorciers, des féticheurs imposant aux individus des règles de vie basées sur la crainte du divin. A partir de ce principe la vie, la maladie, la mort, le bonheur, le malheur ne seront que le reflet des actes humains vis-à-vis des forces diverses. Les croyances sur la maladie et la mort ne peuvent se comprendre qu'en faisant abstraction des connaissances empiriques des croyances religieuses car les origines "surnaturelles" ou "naturelles" des maladies sont définies suivant la polyvalence de leurs manifestations. La classification est de ce fait une classification anatomique élémentaire. En outre, ils affirment que le "Primumvivere" des anciens contiennent en puissance la somme des connaissances indispensables aux primitifs pour subsister au milieu des épreuves de la vie. Et à ce titre, ils soulignent que chez tous les peuples, la médecine, fille de la maladie est une science aussi nécessaire à l'humanité que celle de l'alimentation. Pour ce faire, les auteurs réfutent la pensée de Lafitte selon laquelle : c'est une sorte d'instinct raffiné qui aurait dirigé, voire même poussé le malade vers telles ou telles plantes convenant à son état. En réponse, ils affirment qu'il y a lieu de reconnaitre sous des apparences souvent grossières quelque fois même trompeuses, un véritable art de guérir dont l'exécutant est "le médecin" et l'instrument la "pharmacopée". Une pharmacopée riche et nuancée, dont la connaissance sans "Vade cum" formulaire ou codex, se transmet de génération en génération chez les féticheurs, les guérisseurs, les sorciers, par l'enseignement pratique des maîtres et la tradition orale. Pour conclure, ils donnent les propriétés thérapeutiques de certaines plantes comme Khaya Senegalensis, Parkia biglobosa, Adansonia digitata..., en stipulant que la tradition à simplement enseigné la connaissance des maladies -pathologie externe, pathologie interne et celles des espèces végétaux propre à assurer la guérison. Le tout étroitement mêlé aux superstitions et aux fétichismes.

L'approche de Korbéogo (2011) dans « Les stratégies socioculturelles de conservation de la biodiversité au Burkina Faso » éclaire aussi les usages sociaux des éléments de nature. En effet, l'auteur part du constat qu'au Burkina Faso les modalités d'usage et de conservation de la biodiversité sont intégrés dans les systèmes culturels des communautés locales. De ce fait, il souligne que le rapport culturel entre l'Homme et la nature s'explique par le fait que les populations locales perçoivent l'environnement comme le créateur de Dieu et le lieu de refuge des forces invisibles (génies, esprit des ancêtres) Et généralement les pratiques rituelles et les interdits liés aux plantes sont enseignés aux hommes et aux femmes au cours du processus d'éducation. L'apprentissage de ces connaissances se réalise surtout à l'occasion des travaux champêtres, de la chasse ou de la collecte des ressources végétales pendant lequel les aînés apprennent aux cadets les parties de plantes (les racines, le bois les feuille et les fruits) qui sont l'objet de tabou. En outre, l'auteur nous fait remarquer qu'au sein de chaque groupe ethnique, il existe des contes, des mythes et des légendes populaires qui contribuent à la diffusion et à la perpétuation des connaissances liées à l'environnement. Il poursuit en disant que toutefois, même si la connaissance, les valeurs et les objectifs liés à l'environnement varient selon les groupes sociaux, la fonction principale des interdits et des tabous est de réglementer l'accès aux ressources naturelles et de protéger l'environnement.

En résumé, l'explication de repose sur les stratégies traditionnelles de conservation. Ce sont bien les règles coutumières qui codifient l'accès et l'utilisation des ressources végétales au sein des communautés locales. Et les règles locales de classification distinguent deux catégories de plantes : les plantes comestibles ou ordinaires dont l'usage est libre et les plantes totémiques sacrées dont l'utilisation ordinaire est proscrite par les totems. Cependant, il note que dans les croyances locales, le non-respect des normes sacrificielles et des totems relatifs aux plantes sacrées expose les contrevenants ou leur descendance à des maladies ou lamort. Il ajoute que toutefois, l'utilisation des plantes sacrées est spécialement autorisée pour les rites et les funérailles. Ainsi, pour les communautés locales, les représentations et l'usage de l'environnement sont donc structurés par une relation opératoire qui combine l'utilité socio-économique et l'utilité symbolique des ressources végétales. Pour ce faire, la production des stratégies socioculturelles telle que les interdits par les traditions locales a alors pour objectif de protéger les espèces qui ont une grande utilité économique et culturelle pour les ménages.

L'auteur conclut en disant que les paysages du Burkina Faso sont peuplés de nombreuses ressources naturelles dont l'accès est régi par les systèmes de valeurs culturelles locaux. La domestication de ces ressources naturelles passe par la communication entre les usagers et les forces magiques qui les protègent. Par conséquent, Korbéogo souligne que, toute violation des principes totémiques induit, selon l'imaginaire social, la manifestation des malheurs causés par la colère des ancêtres et des génies protecteurs de la brousse. De ce fait, les interdits liés aux usages des plantes jouent une fonction idéologique en ce sens qu'ils sont censés contribuer au maintien de l'ordre cosmique des communautés locales. Il nous fait constater également, que le nombre d'espèces que les populations locales peuvent identifier, nommer et classer est supérieur au nombre d'espèces qu'elles utilisent dans l'alimentation, l'élevage, les soins de santé et les rites. Et pour lui, ce n'est donc pas exclusivement les intérêts économiques qui guident l'attention et la connaissance des populations sur leur environnement. Mais de façon générale, il convient de retenir que toutes les espèces de la brousse sont utiles mais les possibilités de leur utilisation dépendent des savoirs et des capacités de domestication des communautés paysannes locales. Ainsi, l'approche de Korbéogo qui s'organise autour d'une préoccupation centrale, l'étude des stratégies socioculturelles de conservation de la biodiversité est donc très proche de ce travail et en inspirera le cadre théorique.

L'analyse de Lavergne et Vera (1989) est orientée vers la pharmacopée traditionnelle de l'Ile de la Réunion. En effet, ils soulignent qu'il existe dans ce pays un paradoxe dans la mesure où on trouve partout, même dans les endroits les plus reculés une ou plusieurs pharmacies. Et partout une grande partie de la population se soigne à l'aide de plantes et les "tisaneurs" sont encore nombreux. Selon eux, pour mieux appréhender l'importance de la pharmacopée traditionnelle et ses racines, il faut exposer tous les éléments qui participent à cette médecine populaire originale. De plus, leur étude a permis de découvrir les "tisaneurs" qui préparent des mélanges de plantes cueillies dans la forêt environnante, dans lesmontagnes, et qui ont reçu leur don d'un vieux "tisaneur". Ce savoir est transmis oralement de génération en génération et entaché de superstitions et de sorcellerie. En outre, ils montrent qu'à côté de ces "tisaneurs" un peu sorciers, il y a des hommes et des femmes qui ressemblent plus à des simples herboristes qui cueillent et vendent leurs plantes.

Dans une perspective voisine, Guinko (1977) nous donne une réflexion théorique sur l'utilisation des plantes naturelles pour les affections fréquemment rencontrées comme la diarrhée, la dysenterie infantile, la jaunisse, le paludisme chez les Bissa du Burkina Faso. Il constate que bien avant la période coloniale, les Bissa connaissaient parfaitement leur maladie et savaient composer les remèdes végétaux pour se soigner. De plus, il fait remarquer qu'avec le coût de plus en plus excessif des médicaments modernes importés, les gens se tournent progressivement vers cette phytothérapie traditionnelle qui dans certains cas de maladies, donne des résultats satisfaisants. Pour lui, toutes espèces végétales qui entrent dans cette phytothérapie traditionnelle portent en Bissa un nom propre qui subit des variations suivant les localités. A partir de cet état de fait, il distingue deux formes de la médecine traditionnelle en pays bissa, à savoir :

La forme populaire qui intéresse les maladies les plus courantes et qui est pratiquée par tous les adultes et surtout les femmes mères. Aucun secret n'entoure les préparations médicinales utilisées et on obtient facilement les informations sur les plantes utilisées contre ces maladies courantes.

La deuxième forme secrète qui intéresse les grandes maladies rares et qui est pratiquée par des guérisseurs professionnels ou médecins traditionnels spécialisés. Il remarque que ces guérisseurs gardent très secrètement les enseignements sur les plantes utilisées contre ces maladies dangereuses et seuls les enfants reconnus comme enfants des vieux (enfants disposés à servir les vieux à tout moment) peuvent obtenir ces renseignements de leurs parents guérisseurs

S'inscrivant dans un contexte plus large de la phytothérapie traditionnelle, Dim Dolobsom (1934) dans son ouvrage Les secrets des sorciers noirs, montre comment on soigne les maladies dans nos sociétés ainsi que la vertu des plantes. Il part du principe qu'aujourd'hui, malgré que bien de maladies soient combattues avec succès par la découverte scientifique, il peut apparaitre paradoxal de décrire les procédés "primitifs" qu'utilisent les indigènes pour soigner leurs maux : ils les traitent par les plantes, dit-il. Et dans certains cas, l'efficacité de ces plantes est incontestable. En effet, il fait savoir que bon nombre de personnes ont été préservées de la fièvre jaune grâce à l'emploi constant soit de tisane, soit en infusant pour bain, de la plante connu sous le nom « sompiga » en moore et de « benguefira » ou « benfuegala » en bambara et en wolof. La fièvre paludéenne combattue grâce à un usage constant de la quinine, de l'aspirine ou des piqûres ne résiste pas non plus à quelques infusions de plantes bienfaisantes de la brousse. Mais, l'auteur ajoute, qu'il faut faire abstraction de toute la magie qui accompagne la coupe des écorces ou l'extraction des racines qui, à son avis, n'est qu'un moyen employé par les féticheurs pour exploiter la crédulité de l'indigène. De plus, il reproche également aux herboristes indigènes de ne pas savoir limiter la dose à chaque cas particulier. Il en vient à la conclusion selon laquelle, la société est organisée de manière à lutter de son mieux contre l'hostilité de l'ambiance et elle exploite les moindres possibilités de la nature dans sa contexture serrée. De ce fait, l'individu n'est point abandonné au hasard ; il appartient à un clan hiérarchisé dans lequel il obéit à la coutume mis en place par ses aïeux pour s'adapter aux lutes et aux nécessités de la brousse, comprendre ses exigences, prévoir et éviter l'évènement fortuit.

L'article de Durkheim et Mauss (1903) nous fait voir une diversité de systèmes de classifications existant dans les sociétés "primitives" (par phratries et par classe matrimoniale). En effet, ils partent de l'hypothèse selon laquelle les idées ne se regroupent pas seulement d'après leurs affinités naturelles, mais aussi suivant les rapports qu'elles soutiennent avec les mouvements pour dire que la classification n'est pas seulement un produit de l'activité individuelle si l'on tient compte de la manière dont nous l'entendons et la pratiquons. De ce fait, ils conçoivent que classer les choses, c'est les ranger en groupes distincts les uns les autres, séparés par des lignes de démarcation nettement déterminées. Pour eux, l'importance de cette classification est telle qu'elle s'étend à tous les faits de la vie et il y a d'innombrables sociétés où c'est dans le conte étiologique que réside toute l'histoire naturelle, dans les métamorphoses, toute la spéculation sur les espèces végétales et animales dans les cycles divinatoires, les cercles et carrés magiques toute la prévision scientifique. En outre, au-delà de ces systèmes de classification les plus humbles (par phratries et par classe matrimoniale), Durkheim et Mauss montrent également un autre système de classification, plus complexe et peut être plus caractéristique qui est celui où les choses sont réparties non plus par phratries et par classe matrimoniale, mais par phratries et par clans ou totems. Ils soulignent d'abord que ces relations sont conçues sous la forme de relation de parenté plus ou moins prochaine par rapport à l'individu. Par ailleurs, ces auteurs ont noté que des changements sont survenus dans la structure sociale et qui ont altérés l'économie de cessystèmes sans pour autant la rendre méconnaissable. Ces changements sont en partie dus à ces classifications elles-mêmes, car caractérisées par des idées qui y sont organisées sur un modèle qui est fourni par la société. De ce fait, la classification est reliée à l'ensemble du système par le fait que chacun des éléments est localisé dans une division fondamentale. Et elle a pour objet non pas la facilité de l'action mais de rendre intelligible les relations qui existent entre les êtres étant donné que certains concepts, considérés comme fondamentaux, l'esprit éprouve le besoin d'y rattacher les notions qu'il se fait des autres choses. Ce qui les a permis de mieux préciser en quoi consiste cet anthropocentrisme qu'ils appelleraient mieux du sociocentrisme. Pour eux, le centre des premiers de la nature, n'est pas l'individu mais la société dans la mesure où c'est elle qui s'objective et non l'individu. Et c'est en vertu de la même disposition mentale que tant de peuples ont placé le centre du monde « Le nombril de la terre » dans leur capitale politique ou religieuse. C'est-à-dire là où se trouve le centre de leur vie morale.

De même encore, mais dans un autre ordre d'idées qu'ils constatent que la créatrice de l'univers et de tout ce qui s'y trouve a d'abord été conçue comme l'ancêtre mythique, générateur de la société (ce qui est compréhensible pour les romains et même pour les Zuns, l'est moins pour les habitants de l'île de pâques ; mais l'idée est parfaitement partout naturelle). De façon synthétique, Durkheim et Mauss stipulent que la pression exercée par le groupe social sur chacun de ses membres ne permet pas aux individus de juger en liberté les notions que la société a élaborées elle-même et où elle a mis quelque chose de sa personnalité. De pareilles constructions sont sacrées pour les particuliers. Ils en arrivent à la conclusion que c'est le cadre même de toute classification qui est un ensemble d'habitudes mentales en vertu desquelles nous nous représentons les êtres et les faits sous la forme de groupes coordonnés et subordonnés les uns les autres. Même des idées aussi abstraites que celles de temps et de l'espace sont à chaque moment de leur histoire, en rapport étroit avec l'organisation sociale correspondante. Cet article, dans la compréhension de notre problématique, s'inscrit dans une perspective de catégorisation, de regroupement des espèces en fonction des deux pathologies retenues dans le cadre de notre travail ; en fonction des parties (feuilles, tige, racine, écorces...).

1.2- La construction sociale de la maladie

La construction sociale de la maladie peut être considérée comme l'ensemble des représentations, des perceptions qu'une société donnée se fait de la maladie, pour un énoncé étiologique à partir des formes nosologiques.

L'oeuvre de Fainzang (1986) est considérable en ce sens qu'elle s'articule autour de deux axes de recherche à savoir les énoncées étiologiques et les recours thérapeutiques des malades. Dans la première thématique, elle introduit une présentation des principales figures de la religion bissa (Dieu, ancêtres, génies) à l'oeuvre dans l'interprétation de la maladie ainsi qu'une tentative de mise en forme nosologique effectuée à partir des" noms de maladies" qui incluent et examinent de nombreuses maladies à étiologie "naturelle" appelées "simple" ou "maladie de Dieu" par les populations locales. Dans son deuxième axe de recherche relatif aux stratégies thérapeutiques, Fainzang examine le recours aussi bien aux guérisseurs aux devins qu'aux dispensaires. Elle y fait valoir la "non exclusivité" de ces différents recours et surtout celles des diverses représentations que chacun d'entre eux sous-tend. A partir de l'exemple de l'onchocercose, elle montre que la pensée symbolique fonctionne par accumulation non exclusive de représentation et non pas par esprit de synthèse ou une information peut en annuler une autre. A cet effet, elle signale que la relation entre médecine "traditionnelle"(guérisseurs, devins) et médecine « moderne » (infirmiers, médecins) semble parfois s'ajuster dans un rapport de complémentarité et non de rivalité en fonction des diverses pathologies.

C'est dans cette perspective que Bibeau (1978) analyse l'organisation Ngbandi des noms des maladies en examinant le système médical du point de vue de la nosologie, en faisant ressortir les principes présidents à la nomination des maladies ainsi qu'à "l'organisation différentielle" des formes pathologiques entre elles . Pour lui, les axes fondamentaux de la construction de la nosologie ngbandis ne peuvent être mis en évidence que par le biais d'une analyse culturelle centrée sur la réalité de la maladie dans le vécu physique psychologique de l'individu malade, dans l'interprétation socioculturelle de l'épisode pathologique et dans la stratégie thérapeutique mise en oeuvre pour lutter contre la maladie. Ainsi, il stipule que la maladie chez les A ngbandi ne peut pas être envisagée en dehors de leur insertion dans l'ensemble de leur système médical qui, par son caractère compréhensif, jette un pont entre l'approche biomédicale et l'approche culturelle. Enfin, le but de Biveau était de montrer qu'il existe un lien organique entre le model médical propre àune culture ; la conception que cette culture se fait de la maladie et de la terminologie qu'elle utilise pour se référer verbalement aux maladies.

Ce système de représentation est plus perceptible dans Sociologie de la Maladie et de la Médecine, ou Adam et Ehrlich (1994) opèrent une rupture avec la conception selon laquelle la maladie et la mort sont des réalités décryptables uniquement sur le plan biologique. C'est ainsi que ces auteurs nous montrent les différentes manières dont la maladie est dans notre société, liée au social et pour une analyse objective, on doit en premier lieu s'attacher à sa nature et à sa distribution car pour eux, les maladies sont différentes selon les époques et les conditions sociales. De ce fait, pour eux, la santé et la maladie se définissent donc en fonction des exigences et des attentes liées à notre environnement, à nos insertions, à nos relations familiales et professionnelles et constituent au sens propre, des états sociaux. Par ailleurs, nos deux auteurs stipulent que tout évènement important dans l'existence humaine demande une explication et on doit en comprendre la nature et lui trouver des causes. A cet effet, ils s'appuient sur "l'expérience de la douleur" développée par Zoboroswki pour dire que le "modelage culturel" englobe aussi au-delà de la perception et de l'expression des symptômes ce qui est défini comme maladie dans une société donnée

Le point de vue dans lequel se situe Freidson (1984), dans son ouvrage est celui d'appréhender La Profession Médicale dans la perspective d'une nouvelle compréhension de la maladie car l'évidence « physique » « naturelle » de la maladie, de la santé, de la mort est impossible à éluder. De ce fait, il entend montrer que la maladie et la santé sont aussi des catégories sociales construites par le savoir et la pratique du médecin. Avec l'apparition de la médecine comme profession consultante, la maladie donnera lieu à un diagnostic dans toutes les sociétés mais les façons de gérer sont très différentes. Raison pour laquelle on remarque que dans la plupart des sociétés certains individus passent pour avoir des connaissances spéciales en matière de la maladie et de traitement ; les malades ou leur famille ont donc recours à eux. La médecine semble alors régner l'idée que cette activité est liée au diagnostic, au traitement des maladies et le terme ainsi compris s'étend à des pratiques individuelles d'autodiagnostic et d'auto-thérapeutique que l'on observe dans les sociétés élémentaires (folk médecine ou médecine populaire) jusqu'aux recherches les plus ésotériques de la biochimie. En outre, dans la construction sociale de la maladie, Freidson analyse cette dernière comme déviance sociale du fait de son état social. Dans cette condition, le monopole de la médecine comprend le droit de" créer" la maladie en tant que "rôle" social "reconnu". Selon lui, le comportement du" malade" diffère d'une culture à une autre et il est souvent très indépendant de la maladie et constitue une réalité par lui-même. Il ajoute aussi que le comportement du guérisseur varie selon les cultures et de ce que Mechanic appelle le « comportement de maladie » du patient, le « comportement de diagnostic »et du « comportement thérapeutique » du médecin. La maladie est dans ces conditions, toujours une catégorie de déviation ou une déviance par rapport à un ensemble de normes qui représente la santé ou la normalité car nous la croyons indépendante de la culture humaine (bien que la culture puisse avoir de l'influence sur sa prévalence et son traitement) raison pour laquelle nous avons l'impression qu'elle est différente, plus "objective" et plus stable que des formes de déviance visiblement sociale, tel le crime.De ce point de vue, il souligne que le diagnostic et le traitement sont des actes sociaux aux hommes du fait qu'il découle de la connaissance humaine. Prise ainsi, l'étiologie de la maladie n'est pas biologique, mais sociale et elle provient des idées courantes dans la société sur ce qu'est la malaise limitée peut être quelque fois par des faits biologiques. Ainsi, sous sa forme sociale, la maladie est une signification attribuée au comportement par l'acteur ou par son entourage et par son entourage et qui commande le comportement de maladie. Les variations du lieu, d'époque, de perspective signifie que varie aussi la signification attribuée à tel ou tel comportement. L'importance relative d'une telle considération sociale pour définir une maladie à une époque donnée, constitue une indication importante sur la nature de la société de cette époque.

Par ailleurs, dans la représentation « profane » de la maladie, l'auteur défend la thèse selon laquelle les guérisseurs n'ont pas de problèmes dans une société élémentaire parce qu'ils se spécialisent uniquement dans un domaine que tout le monde connait : ils ne sont pas nettement séparés de leurs patients par leur conception de la maladie et du traitement, ils ont des chances de traiter tous ceux qu'ils estiment devoir traiter. Selon lui, les individus diffèrent naturellement entre eux par leurs réponses à la douleur et ses réponses à la douleur sont prévisibles à partir de l'appartenance à un groupe et les significations sociales qui lui sont attribuées sont communes aux membres d'un même groupe. Cependant l'utilisation des services médicaux dépendra aussi du niveau culturel des individus et la définition vulgaire des symptômes de la maladie seront importantes pour comprendre si les profanes se croient malades et si, se croyant malades, ils vont consulter un médecin. Cela dit, ils sont enclin à décrire leurs expériences de la maladie à l'aide des notions tout à fait "dépassées". Les connaissances et les attitudes manifestent d'une culture ou d'une "sous culture" qui a plus de chance de leur donner des conceptions sur la maladie. Il souligne qu'en imputant unesignification à son expérience, la personne souffrante n'invente pas par elle-même les significations, mais utilise celles que sa vie sociale lui fournit. Et c'est ainsi qu'on peut prévoir le comportement d'une série d'individus sans faire référence à leurs caractéristiques individuelles, mais seulement au continu de la vie sociale à laquelle ils participent.

Cependant, il fait remarquer que la vie sociale n'est pas seulement faite de son contenu mais aussi d'une structure : Une organisation des relations interpersonnelles, c'est aussi celle-ci qui soutient, impose, renforce la conformité à son contenu culturel. Il nous rappelle qu'un individu dépend des autres pour obtenir les privilèges de la maladie et le choix d'un médecin, la recherche d'une psychothérapie qui confirment l'importance de ce processus social. Ainsi, le « système référentiel » des profanes sera défini par leur culture, leur savoir en ce qui concerne la santé et les agents de santé, leur relation entre eux. Le système a donc un contenu culturel, qu'il soit d'origine ethnique ou socio-économique, un réseau ou une structure. La culture est prise ici comme la variable dépendante qui est la clé du processus social. De manière spécifique, Freidson dit que la structure ou l'organisation de la communauté locale profane est aussi un facteur qui joue sur l'utilisation des services médicaux. L'approche théorique de ces auteurs, dans le cadre de notre travail s'inscrit dans la perspective d'appréhension des choix thérapeutiques en fonction des représentations de la maladie liée aux « effets contextuels ».

Toujours dans la logique représentationnelle de la maladie, Bonnet (1986), s'inscrivant dans le contexte particulier du Burkina Faso montre à travers son étude « Représentations culturelles du paludisme chez les Moosé du Burkina » que la notion du paludisme dans cette société est assimilée aux maux de tête et au "corps chaud". A partir d'une analyse sémantique de cette notion, l'auteur montre la logique binaire opposant le chaud et le frais. Cette logique selon Bonnet serait commune à de nombreuses sociétés africaines et serait au fondement de la nosographie et de la thérapeutique traditionnelle.

Dans le même contexte et dans la même dynamique représentationnelle, l'étude de Dacher. (1992) sur « les Représentations de la maladie chez les goins du Burkina Faso » montre les différents procédés de nomination des affections ainsi que les énoncés étiologiques. En effet, à travers la logique binaire chaleur-fraicheur, l'auteur en vient à la terminologie et aux conditions d'énonciations tout en montrant que le mode goin de nomination des maladies dépend davantage des conditions d'énonciation que d'un système nosographique rigoureux. Selon Dacher, nommer une maladie, c'est souvent poser un diagnostic et donc prétendre à un savoir. Or, le savoir dit l'auteur, est fonction du statut social et selon qu'on interroge une femme ou un homme, un jeune ou un vieux, un villageois ou un citadin, un habitué des migrations en Côte-d'Ivoire, un scolarisé, etc., on n'obtient pas la même réponse. En outre, il signale que la dénomination des maladies part de ce que nous entendons par "maladie", ce que les villageois considèrent subjectivement comme une maladie qu'eux ou leurs proches ont subie (illness), à la fois les maladies socialement reconnues (sickness) sur lesquelles eux-mêmes et les guérisseurs peuvent fournir des informations.

Par ailleurs, l'analyse de l'auteur portant sur les maladies à dénomination étrangère insiste sur le problème du paludisme. En effet, il souligne que « la principale maladie "venue d'ailleurs" n'est pas une entité nosologique isolable, mais un continuum situé sur axe de gravité croissante : sumaya -sumaya ba-jokuajo ». (1992 : 165-166)

De façon générale, l'étude de Dacher montre le lien entre les conceptions de la maladie et le but ultime recherché par cette société à savoir la cohésion sociale.

1.3-La biomédecine et son système de soin

Dans La médecine coloniale : mythes et réalité, Lapeysonnie (1988), commence d'abord par nous faire savoir que : la sagesse des nations, à défaut de la logique formelle, nous enseigne qu'il faut, lorsqu'on prend la parole, savoir de quoi l'on parle. De ce fait, il nous invite à s'entendre sur le sens des mots qui sont employés. Partant de là, il présente une analyse des facteurs qui ont permis, l'utilisation optimale des ressources humaines et financière mise en jeu et dont les plus visibles étaient l'unité de doctrine, la cohésion dans l'exécution et le suivi, autrement dit la persévérance dans l'effort. Ainsi, il est question de la médecine coloniale, mais que faut-il entendre par médecine colonial ? Pour l'auteur, c'est l'ensemble des procédures techniques associées aux actions administrées correspondantes qui ont donné à l'exercice de la médecine aux colonies son caractère bien particulier et qui ont produit de bons résultats dans beaucoup de domaines.

Cette médecine n'a duré qu'un demi-siècle ; c'est donc une époque, c'est aussi une des multiples facettes de l'art médical. Selon lui, il n'y a certes, qu'une seule médecine en tout temps et en tout lieu, celle qui associe la compétence technique et la compassion. Les termes sont nécessaires et indissociables ce qui fait de la médecine un métier pas comme les autres ; ce qui fait toute la différence, dit l'auteur, ce sont les conditions dans lesquelles il s'exerce et qui lui donne sa spécificité, pour ne pas dire sa spécialisation. Il souligne que contrairement à ce que l'on entend dire parfois et surtout écrire, la différence de niveau sanitaire est plus grande de nos jours entre le Nord et le Sud (pays développés et pays en développement) qu'elle ne l'était jadis entre la métropole et les colonies. Il impute deux causes à cette inégalité : le facteur technique et les conditions socio-économiques. De plus, Lapaysonnie aborde la question des fièvres en Afrique pour ne parler que d'elle, débilitante ou mortelles, elles étaient les sources de tous les maux, la cause de tous les décès. Il continue en disant que la fièvre est considérée de nos jours toujours comme un symptôme d'alarme et peut-être comme réaction de défense de l'organisme infecté. Le paludisme, selon lui est au moins aussi vieux que l'histoire écrite, puisque les textes assyriens, chaldéens, égyptiens, védiques et chinois le mentionnent sans ambiguïté et il n'a pas toujours été l'apanage des tropiques : les Grecs l'ont connu, Hippocrate en donne la première description clinique 400 ans avant notre ère ; on lui attribue la décadence de Rome et il fut jusqu'à une période récente un problème important de santé publique pour beaucoup de pays occidentale. L'auteur ajoute en disant que la maladie se développe alors sur fond de « médiocrité sociale », voire de misère et sape les forces des Hommes, les empêchant d'en sortir ; car la fièvre en elle-même n'est pas toute la maladie. Elle fait son apparition, dit-il, chez le sujet agressé et piqué par les anophèles femelles.

En ce qui concerne la fièvre jaune, l'auteur signale que le virus amaril (de amarillo, « jaune » en espagnole) est véhiculé par d'autres moustiques, les aèdes (ou stegomyia) d'un « jauneux » à un sujet sain, déterminait chez les malheureux une hépatonéphrite le plus souvent mortel. A l'origine, elle était appelé le « mal de siam » en 1492. Il note que de toutes les « maladies pestilentielles » comme on a longtemps appelé la peste, la variole, le choléra, le typhus et la fièvre jaune, cette dernière est celle qui présente le potentiel le plus élevé de diffusion et de transfert à distance. Le danger d'implantation de la fièvre jaune existe partout où l'aède est présent, et notamment dans les zone intertropicale. Son vecteur préférentiel, Aèdes aegypti, est un insecte casanier qui vit dans et autour de la maison.

Au-delà de ce constat, il ajoute que les autorités sanitaires sont mal informées de ce qui se passe en brousse profonde. En outre, selon lui, les dispensaires sont des sentinelles aveugles qui ne voient qu'un petit nombre de patients, souvent à un stade avancé de leur maladie. Pour ce faire, il stipule que l'orientation actuelle consiste donc à agir sur ce qui coûte cher et neprofite qu'à une minorité, en multipliant les formations sanitaires rurales (dispensaires et infirmeries) et en facilitant de toutes les manières la mobilité des médecins.

Dans une perspective de collaboration entre les médecines, Saint -Savin (1960) dans son ouvrage Magnétisme et votre santé (1960) expose sa thèse qu'il a toujours prônés et défendu, et en premier lieu la collaboration entre les guérisseurs et les médecins. Il commence d'abord par admirer ces grands médecine et ces grands chirurgiens tout en les faisant comprendre qu'il croit tout de même aussi aux empiriques. Pour lui lorsqu'une science ne connait pas son déterminisme total, il y a toujours une place réservée à l'empirisme. Et il faut bien reconnaître que la médecine ne connait pas totalité du biologique. De ce fait, il doit donc y avoir une place réservée à l'empirisme et aux empiriques. Selon l'auteur, ces empiriques, ce sont eux que la vox populi appelle les guérisseurs. Et c'est un fait que les guérisseurs existent depuis toujours et qu'il y en aura encore toujours ou tout au moins jusqu'au jour où la médecine n'aura plus de progrès à faire. De plus, il signale que depuis des années, la question des guérisseurs a suscité des polémiques car il y a ceux qui « y croient » aveuglement et ceux qui « n'y croient pas». Mais croire aveuglement, comme il le dit, est une position enfantine si elle n'est pas basée sur des constatations sérieuses. Par contre la négation systématique, a priori, n'est point non plus la marque d'un esprit scientifique.

Ainsi à défaut de la logique formelle Saint Savin commence par définir le guérisseur comme étant un nomme ou une ferme qui soigne des malades sans être diplôme docteur en médecine et autorisé à exercer. Et il y a toute une variété de guérisseurs qui emploient les moyens les plus divers. Pour ce faire, il est indiscutable que les guérisseurs soulagent et même guérissent des malades. Sans cela, ils n'auraient point de clientèle puisque cette clientèle se recrute le plus souvent par une publicité de bouche à oreille, un malade satisfait en envoyant d'autres. L'action du guérisseur est donc un fait social. Cependant, il reconnait que seul, le médecin qui dispose de toutes les ressources de la science peut et doit faire le diagnostic. En répondant une fois de plus à cette objection selon laquelle « les guérisseurs sont des charlatans » Saint Savin fait savoir que le charlatanstisme est abord une forme d'esprit. Qu'il y ait des charlatans parmi les guérisseurs, il en est bien d'accord, mais ils sont loin d'avoir le monopole, car il n'y a guère de profession, et même parmi les plus nobles qui puissent compter des charlatans dans ses rangs. Pour lui, le charlatan, c'est celui qui prétend posséder, seul, la vérité et l'omnipotence. C'est lui qui s'en tient à un dogme qu'il soit médical ou empirique et qui ne veut connaître que ce dogme. Et il rappelle à cet effet que le malade n'est pas fait pour le médecin, mais c'est plutôt le médecin qui est fait pour le malade. Bien des malades qui viennent chez le guérisseur ont aussi besoin d'un traitement médical principal ou accessoire. Il faut évidemment que la médecine officielle reconnaisse l'aide puissante que peuvent lui apporter tous ces auxiliaires que sont les acupuncteurs, les magnétiseurs, phytothérapeutes.... De ce fait, non seulement, la collaboration entre le médecin et le guérisseur, loin de nuire au médecin, ne fait qu'augmenter la confiance du malade.

En résumé, l'auteur demande la liberté d'exercer leur art, mais une liberté contrôlée pour le bien de tous, guérisseurs et médecins, et surtout de ceux qui seuls, doivent nous intéresser : les malades.

S'inscrivant dans la perspective des inégalités de soins dans le contexte européen, Fassin (2000) dans le chapitre « qualifier les inégalités », les présente non plus dans le langage des chiffres comme ce fut le cas dans l'approche quantitative, mais bien plutôt dans une approche qualitative dans laquelle il aborde trois aspects : la définition de l'objet des inégalités de santé, la prise en considération des dynamiques qui les sous-tendent et la démarche d'interprétation qui en rend compte. Mais avant, il souligne que dans la perspective d'une étude des inégalités sociales et particulièrement de santé, les disparités ne peuvent donc être appréhendées en tant que telles, puisque l'on méconnait les représentations et les pratiques des classes moyennes ou aisées.Selon Fassin, dans les sciences sociales il s'agit en revanche d'appréhender des processus par lequel le social s'inscrit dans le corps. Le raisonnement porte sur l'éventualité que les faits observés soient liés entre eux par des enchaînements et des mécanismes. Selon cette démarche sociologique de l'auteur, le monde social est représenté comme un espace de relations dans lequel s'inscrivent les expériences individuelles même si des sociologues et des anthropologues sont loin d'être consensuelles sur ce point. En termes d'inégalités de santé, il s'agit assurément plus d'un problème de qualité de vie que de quantité de survie, encore que l'on ignore les effets du diagnostic retardé des médicaments pas achetés, de la nourriture insuffisante, de l'état de profond découragement.

Les travaux de Ridde (2007) constituent un exemple de la première approche. Cet auteur, dans « Equité et mise en oeuvre de politiques de santé au Burkina Faso » s'inscrit dans d'une perspective d'analyse des processus de mise en oeuvre de l'Initiative de Bamako, le rôle et la rencontre des acteurs sociaux dans l'organisation de la politique et le choix de ses instruments ainsi que la représentation du concept d'équité (justice sociale) chez les acteurs burkinabé. En effet, il stipule que depuis 30 ans en Afrique, de nombreuses politiquespubliques de santé ont été formulées dans le but équitable d'améliorer l'accès aux soins des plus pauvres, et ce, suivant la stratégie des soins de santé primaires de l'OMS adopté à Alma-Ata en 1978 qui voulait instaurer plus d'équité en matière de santé. Cependant, l'auteur note que les inégalités d'accès aux services de santé perdurent, les indigents sont toujours exclus et les bénéfices tirés du paiement des services et des médicaments ne sont pas employés en faveur de l'équité d'accès.Ainsi, Ridde tente de rendre intelligible cette occultation de la composante équitable des politiques de santé traduite dans le concept de soins de santé primaires (SSP) énoncé pour la première fois en 1977. Partant de là, il signale que la question de l'équité semblait en effet diviser la communauté internationale de santé publique d'autant plus que les rapports entre la santé et l'argent (rythme de dépenses, circonstances, montants) sont bien différents selon le choix du mode de soins (moderne contre traditionnel) de la part de la population. Sans pour autant croire que la définition de l'efficacité est simple, pour l'auteur, celle de l'équité est beaucoup plus subjective car sa définition correspond à des valeurs propres à chaque société. De ce fait , il propose une définition de l'équité non pas applicable à l'état de santé de la population mais plutôt au système de santé (l'utilisation des services et l'accès aux services de santé) qui doit exclusivement se fonder sur les besoins des individus et non des considérations ethniques, économiques, politiques ou sociales dans la mesure où les déterminants de l'utilisation sont nombreux (géographique, culture,...) et les capacités économiques des ménages ne sont pas les seuls influençant l'accès aux soins.

S'agissant des causes des inégalités sociales et d'accès aux soins il les considère sous l'angle de l'existence des « inégalités d'accès aux soins de santé » car les problèmes de ce que les économistes nomment les coûts indirects sont donc résolus, mais pas ceux des coûts directs. De ce fait, l'équation « argent-accès » semble très souvent mise en avant que ce soit dans des termes profanes ou experts même s'il peut exister quelques exceptions. Outre, cet impossible accès aux soins pour certains, il subsiste des inégalités d'accès relatives au délai entre la survenue d'une maladie et le premier contact avec une formation sanitaire. Pour lui, il faut prendre en considération le temps requis par les plus pauvres lorsqu'ils le peuvent pour mobiliser des ressources, par une vente de biens ou un emprunt. L'auteur continue en disant qu'habituellement, outre les services de santé dits modernes, deux autres recours aux soins existent : l'automédication et les tradipraticiens, même si cela peut être encore plus complexe que cette simple dichotomie.Ainsi l'inégalité se constate dans le fait que les plus pauvres s'orienteront en premier lieu vers l'une ou l'autre solution pour contrebalancer le coût prohibitif des services publics. Pour lui, le système de santé et les inégalités d'accès aux soins est relatif à la qualité des soins et l'inégal accès est aussi causé par le paiement des soins qui impose un fardeau financier supplémentaire aux plus pauvres et grève l'économie familiale.

La seconde tendance, centrée sur l'analyse de la disparité géographique des structures de soins est illustrée à travers les travaux de Meunier (2000) qui a fait le constat d'une couverture en structures de soins assez dense mais marquée par des disparités. Les établissements de soins et équipements publics répondent à une politique menée par l'Etat et sont ainsi le reflet des considérations des autorités politiques et donc de l'organisation territoriale du pays. De ce fait, elle souligne que l'implantation des formations sanitaires n'est pas guidée par des problèmes sanitaires mais par les densités de personnes susceptibles d'utiliser ces services. Ainsi, elle note que le pouvoir fonctionne sur un modèle hiérarchique et centralisé donc sur une forme pyramidale. Et le réseau sanitaire, accompagné d'un contrôle de l'espace par l'Etat, se justifie par les préférences spatiales observées dans la localisation des établissements. C'est en ce sens que l'offre de soins est l'expression de la vision de l'espace par le pouvoir politique tout comme la politique sanitaire du pays est l'expression de la vision des problèmes par les organismes internationaux (exemple de l'OMS). Elle ajoute que le système de soin est un marqueur de l'espace et l'étude de son évolution dans le temps est indispensable pour montrer que l'offre de soin est héritière du passé.La priorité, dit l'auteure, semble d'abord l'équipement avant la lutte contre les maladies ceci se retrouve à travers les activités des services que confirme leur localisation. Depuis quelques années, elle souligne que la politique de santé se réoriente vers les soins de santé primaires par une redistribution des structures de soins en faveur des zones rurales et consacre la santé publique. Ceci se concrétise par une redéfinition des échelons à la base du système sanitaire de sorte que ce dernier s'accorde avec la déclaration d'Alma Ata dont l'ambition était « la santé pour tous d'ici l'an 2000 ».

Dans la deuxième partie de son ouvrage, Meunier aborde la question de l'impossible rencontre entre une offre en hausse et une fréquentation en baisse. En effet, elle affirme que malgré les disparités observées en périphérie de la province, l'offre de soins paraît dans l'ensemble assez proche des populations. Or les milieux humains changent et les pathologies qui sévissent sont très variables, elles créent un ensemble de maladies naturelles ou liées à un environnement magico-religieux qui ne peuvent être soignées dans le cadre d'un système de santé public. Dans ce cas, l'auteure se demande comment des normes de santé internationales peuvent- elles justifier une telle situation ? Selon Meunier, si la carte sanitaire est soumise à des contraintes imposées par l'Etat, les choix thérapeutiques suivent d'autres contraintes, généralement financières. Ce qui fait que le recours à la médecine moderne n'est pas systématique pout tous les individus et beaucoup d'éléments entre jeu : le type de malade, les relations établies avec l'infirmier, la distance par rapport au CSPS, les disponibilités financières, l'âge du malade. Les comportements sont donc différents face à la maladie et il est difficile d'établir des itinéraires types suivis par les villageois. L'échec du traitement par automédication et l'aggravation du mal incitent dans le cas échéant à recourir à la médicine moderne. Le choix de consulter ou non au CSPS sont motivés par différents éléments : d'une part, l'habitude, la perception du mal par chaque individu est très importante, d'autre part, le CSPS est choisi en premier recours soit par crainte de l'infirmier qui souvent réprimande le malade parce qu'il a trop attendu pour venir le consulter soit par peur du mal. Pour Meunier les disponibilités financières seront un élément décisif de la non fréquentation du CSPS pour certaines familles trop pauvres, pour d'autres, si les médicaments ne sont pas donnés gratuitement lors de la consultation elles préfèrent recourir aux guérisseurs. Selon les travaux de Meunier, la médecine moderne existe en parallèle à la médecine traditionnelle beaucoup plus ancienne et employée en premier recours par les 3/4 des populations dans les villages. Pour elle donc, la politique sanitaire burkinabè est calquée sur une conception théorique de l'espace privée de sa composante sociale. Et même si le rythme de croissance des structures n'est pas égale à celui de la population, un paradoxe apparaît car plus ces structures de soins se développent, moins elles sont utilisées alors que la population continue de croître.

Nos ouvrages de référence s'inscrivent dans une perspective analytique de la biomédecine et de ses corollaires comme les inégalités du système de santé (de type vertical) qui est organisé suivant les principes de l'initiative de Bamako(IB). Cette structuration de l'offre sanitaire étatique ne tient pas toujours compte de la variation de la demande sanitaire tout comme des conditions socioéconomiques et culturelles des agents sociaux.

En nous inspirant des différentes thèses soutenues par nos auteurs de référence, la question qui servira de fil conducteur à cette réflexion peut être formulée comme suit : quelles sont les connaissances locales et les modes d'utilisation des plantes médicinales entrant dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune dans la région des cascades ?

2- LA PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Un examen sociologique de la maladie (en tant que déviance d'une norme "positive" et "active" qu'est la santé optimale) et de son traitement requiert une analyse profonde de ses représentations sociales tout comme des stratégies thérapeutiques des populations d'étude. En effet, le diagnostic et le traitement ne sont pas des actes biologiques communs, mais des actes sociaux particuliers aux Hommes suivant que la maladie relève d'une cause sociale ou individuelle, "naturelle" ou "surnaturelle". De ce fait, les malades auront d'une manière générale, en vertu d'un principe fondamental de la législation sanitaire, le libre choix de leur thérapie, de leurs praticiens et de leurs systèmes médicaux. Cette question qui a longtemps suscitée une certaine concurrence entre les pratiques traditionnelles "empiristes" et "symbolistes" de soins d'une part, et d'autre part, les pratiques traditionnelles et pratiques biomédicales demeurent toujours une réalité dans la société. Au-delà de cet antagonisme, l'intérêt de cette étude est de comprendre et d'expliquer les connaissances locales, les modes d'utilisation et les conditions d'accès liés aux plantes médicinales dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune dans la région des cascades.

Cette interrogation, pour être féconde, doit tenir compte de la manière dont les catégories cognitives qui caractérisent le savoir émanant des « univers consensuels » (Schurmans, 1990) prennent sens pour l'action. Les connaissances locales et les modes d'utilisation des différentes catégories de plantes médicinales entrant dans la thérapie de ces pathologies sont définies suivant la nature des plantes, les caractéristiques socioculturelles des usagers et un système de représentation touchant en particulier ces maladies et leurs symptômes dans la mesure où ils ne sont pas des faits "objectifs" car, toujours commandés par des jugements de valeurs et un système de croyances dans lequel l'individu est impliqué.

Cependant, les difficultés objectives à prendre en compte toutes les différentes plantes médicinales dans le traitement des maladies nous paraissent évidentes. Pour ce faire, la présente recherche se bornera à investiguer les connaissances locales et les modes d'utilisation des plantes entrant dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune. Nous savons pourtant que ces connaissances et processus d'utilisation ne peuvent s'élaborer en dehors de la structure sociale et du schéma de pensée sur la maladie étant donné qu'ils sont produits et marqueurs de nos systèmes sociaux de classement. C'est dans cette même configuration que Durkheim et Mauss analysent :

« La classification comme étant un ensemble d'habitudes mentales en vertu desquelles nous nous représentons les êtres, les faits sous la forme de groupes coordonnés et subordonnés des uns aux autres ; même des idées aussi abstraites que celles de temps ou de l'espace sont à chaque moment de leur histoire, en rapport avec l'organisation sociale correspondante (1903 : 229) ».

Ce qui démontre que la réalité sociale telle que l'action thérapeutique n'est pas une réalité physique ou mathématique comme le souligne Genest en ces termes : « Le système de croyances est un tout qui a sa logique propre selon chaque société et qu'il conditionne l'ensemble des comportements en matière médicale comme ailleurs (1978 : 12)».

Ainsi, la démythification de la médecine traditionnelle, occasionnée par la découverte scientifique et les progrès sanitaires qui accompagnent la mise en oeuvre d'un système médical moderne pour le traitement des maladies, entraine une utilisation corrélative des institutions de santé suivant "une interprétation socioculturelle de l'épisode pathologique". C'est en ce sens que Freidson constate que « naturellement, les individus diffèrent entre eux par leurs réponses à la douleur, les réponses à la douleur sont prévisibles à partir de l'appartenance à un groupe et les significations sociales attribuées à la douleur sont communes aux membres d'un même groupe (1984 : 279)». Ces différentes constructions sociales de la maladie et des stratégies thérapeutiques découlent essentiellement d'un niveau de connaissances et d'expériences socioculturelles et environnementales de la population locale. Et comme nous pouvons le soutenir, ces "liens de signification" ont simplement enseigné « la connaissance des maladies - pathologie externe, pathologie interne - et celle des espèces végétaux propre à assurer la guérison » (Kerharo et Bouquet : 1950 : 94).

Dans cette société médicale au model "holistique" où tout devient thérapie, le corps devient "corps social" et la médecine "médecine de la société", les connaissances et les expériences produisent ce que Freidson (1984) appelle "une culture ou une "sous culture" qui a plus de chance de donner des conceptions sur la maladie". C'est ainsi que la population locale manifeste un intérêt particulier aux plantes médicinales, plus proches et faisant partie de leur environnement immédiat. A ce titre, une place de choix leur est accordée et l'on pourrait ainsi dire que l'ensemble de la communauté est investie de la mission curative même si certains en sont des spécialistes.

La juxtaposition de la nouvelle forme "technocratique" de soins de santé primaire, se révèle sélective d'autant qu'elle s'article non pas à une approche "emic" mais à une approche"etic" de la maladie, non pas au geste symbolique, mais au pouvoir d'achat, non pas à la satisfaction morale, mais à l'efficacité. Ce dispositif fonctionnel et hiérarchique pour être admis, établit une collaboration opératoire entre les médecines à travers une "une causalité en chaine" conceptualisée des états de santé.

Cependant, les "chances" d'accès et d'utilisation de cette institution médicale dépendent des ressources monétaires immédiatement mobilisables des ménages. Autrement dit, le recours à la biomédecine est déterminé par les conditions socio-économiques de la population locale. D'où "le modelage de la santé par la position sociale".

Cette survivance des inégalités d'accès aux soins pourrait entrainer une désaffection relative du système sanitaire moderne et générer du même coup une forme d'altérité médicale dans un contexte de pluralisme thérapeutique. L'explication sociologique de cette réalité sociale (exemple de la sous-utilisation des services de santé, ou l'acte empiriste et symboliste de soin) nous invite ainsi à revisiter la "sémiologie" du paludisme, de la fièvre jaune et leurs correspondances avec le diagnostic médical tout comme les catégories sociales des utilisateurs et leurs représentations sociales de la biomédecine. En outre, il s'agira d'examiner les modes de tarification réels et les inégalités des services médicaux ainsi que la qualité des soins et des équipements qui informent la trame relationnelle entre soignants/soignés.

En somme, nous analysons les connaissances et les modes d'utilisation des plantes médicinales en tant qu'objet de production sociale dans les configurations sociales de Diarrabakôkô.

3- OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

3.1-Objectif Principal

L'objectif principal de notre étude est d'appréhender les connaissances locales, les modes d'utilisation des plantes médicinales ainsi que le profil socio-économique de leurs usagers dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune dans le village de Diarabakôkô.

3.2- Objectifs secondaires

- Comprendre les représentations de la population locale sur le paludisme et la fièvre jaune.

- Comprendre les expériences sociales locales liées à ces deux maladies.

- Appréhender les connaissances et les modes d'utilisation des plantes médicinales par les populations locales

- Comprendre leurs perceptions et les déterminants sociaux de leur fréquentation des formations sanitaires modernes.

4- HYPOTHESES DE LA RECHERCHE

4.1-Hypothèse Principale

L'utilisation des plantes médicinales dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune est liée aux représentations sociales et à l'expérience de ces maladies et de l'environnement tout comme aux rapports sociaux avec les structures sanitaires modernes.

4. 2-Hypothèses Secondaires

- Les représentations sociales locales du paludisme et de la fièvre jaune orientent la population vers les plantes médicinales.

- L'utilisation des plantes médicinales est liée à l'expérience sociale de ces deux pathologies.

- Les connaissances sur les plantes et leurs modes d'utilisation guident le choix de la phytothérapie par les populations locales.

- Les perceptions des formations sanitaires orientent la population locale vers les plantes médicinales.

- Le recours aux plantes médicinales est lié à la distance sociale et socioéconomique qui sépare les populations locales aux services médicaux modernes.

5-DEFINITIONS DES CONCEPTS

Le concept étant un instrument heuristique de découverte de la réalité sociale qui nécessite une définition opératoire afin de faciliter la compréhension du phénomène étudié. Et comme le stipule Lapeysonnie « la sagesse des nations, à défaut de la logique formelle nous enseigne qu'il faut, lorsqu'on prend la parole, savoir de quoi l'on parle (1998 : 1)».

· Connaissance / Savoir

Le lexique de sociologie (2007 :50) définit au sens général le concept de connaissance comme l'ensemble des savoir disponible dans un espace social. Le terme est souvent utilisé de façon spécifique pour en distinguer les différentes formes (connaissance scientifique, technique, de sens commun). Les approches sociologiques font l'objet de nombreux débats. Le premier a trait à la détermination sociale des connaissances. Pour Durkheim (lexique de sociologie), le caractère collectif de la connaissance est un critère de validité : les sociétés devenant de plus en plus rationnelles, les connaissances qu'elles produisent sont de plus en plus assurées. Pour les marxistes au contraire, les rapports de production conditionnent les formes de connaissance et l'usage qu'en font les diverses classes sociales (lexique de sociologie).

Le second concerne l'objet d'une sociologie de la connaissance. Gurvitch s'est attaché à étudier les formes de la connaissance qui dépendent, selon lui, des « cadres sociaux » dans lesquels elle s'est produite (société globale, classe sociale ou groupe sociale). A l'opposé, les ethnométhodologies ne font aucune différence entre les formes de connaissance et ne s'intéressent qu'à leur aspect intersubjectif.

Olivier de Sardan (1995), dans un contexte large appréhende le concept de savoir en procédant à une confrontation des savoirs techniques (issus d'un système de savoirs technico-scientifique cosmopolite et d'origine occidentale) et des « savoirs populaires » (technique et non technique). Il souligne à cet effet que les cultures africaines rurales ne font pas nécessairement une nette distinction entre des savoirs « techniques » et quand elles le font, n'y mettent pas nécessairement les mêmes contenus .tout d'abord, elle a l'avantage de souligner que de nombreux savoirs populaires locaux ont une base ou une visée empirique (ils correspondent à ce Weber appelle la « rationalité en finalité ». En second lieu, elle permet de différencier ces savoirs pratico-empiriques des savoirs sociaux plus diffus, plus larges, plus spéculatifs (à condition de ne jamais oublier que cette différenciation est relative et mouvante). Pour lui donc, les savoirs populaires techniques constituent des stocks de connaissances pragmatiques, opérationnelles qui couvrent tous les domaines de la pratique sociale. Ils sont variables, multiples, hétérogènes et inégalement répartis selon le sexe, l'âge, le statut, le milieu social proche, la trajectoire personnelle. Toutes les nuances existent entre un « sens commun »ou un savoir routinier maitrisé à peu près par toute une population villageoise, des savoirs symboliques et techniques propres à sexe, une « caste » ou un groupe professionnel et des savoirs individuels acquis au fil des pérégrinations. Aussi, Olivier de Sardan se propose de distinguer au minimum savoirs populaires communs et savoirs populaires spécialisés, car en effet, certains savoirs populaires non spécialisés ne sont pour autant pas communs. Entre ce qui fait figure d'un « don » hérité et les connaissances sophistiquées, pour une bonne part ritualisées d'un prêtre, des génies, il y'a un fossé. Autrement dit il existe une inégalité dans la profondeur du savoir entre profanes et spécialistes. Les savoirs populaires techniques sont localisés, contextualités, empiriques, là ou des savoirs technico-scientifiques sont standardisés, uniformisés, uniformes. Ainsi, il signale qu'en matière de santé nombre de pratiques populaires relèvent d'un savoir « prosaïque »,non pas aux yeux de l'observateur extérieur qui est en général mal placé pour décider ce qui est magico religieux et ce qui ne l'est pas ,mais aux yeux des intéressés eux-mêmes. Il y'a en effet une distinction entre ce qui est « magico-religieux »et ce qui ne l'est pas, qui est opérée dans toute culture mais dont les critères et la frontière varient d'une culture a une autre. Il y'a autrement dit des définitions « émiques » autochtones de ce qui ne l'est pas. toujours dans le domaine de la santé ,on aura des pans entiers de savoirs techniques populaires relevant clairement de la phytothérapie, des « remèdes de grand-mère », ou de savoirs spécialisés qui n'incorporent pas eux-mêmes des opérations de type magico-religieux. D'autres séries de représentants et de techniques thérapeutiques par contre, impliquent des agents naturels(ou humains dotés de pouvoirs surnaturels) : En ce cas, on peu d'aucune façon faire la part du « technique »et du « magico-religieux ». En fait les savoirs populaires se distinguent entre eux pour une bonne part en raison de la nature même de leurs référents empiriques. Autrement dit, ils sont soumis, selon les domaines auxquels ils sont soumis, selon les domaines auxquels ils s'appliquent, à des systèmes de contraintes distincts qui induisent des configurations dont les logiques, les assemblages, et les contenus diffèrent.

Erny (1988) dans une perspective voisine, distingue en Afrique noire, des degrés et des formes de savoirs. Pour lui, il existe d'une part une connaissance technique véritable, unscience empirique doublée d'un savoir-faire, dont les porteurs sont des médecins, des guérisseurs, des matrones expérimentées. Dans un tout autre registre, se place selon lui, le savoir de types ésotériques auquel on n'accède que par une initiation lente et progressive et dont le but n'est pas l'exercice d'un art ou d'une profession, mais la compréhension des choses et une saisie en profondeur du dynamisme universel. L'auteur conclut par le savoir de l'homme moyen qui pour lui, a aussi un certain nombre de connaissances techniques, mais incomplètes, partielles. Ce sont d'une part, les catégories de la pensée ordinaire qui servent aux spéculations ésotéristes. D'autre part, il se produit toujours un phénomène de vulgarisation de sorte que l'ensemble de la population véhicule un certains nombres de connaissances dont il n'arrive cependant pas à percevoir toute la portée.

Kalis (1997) par contre en distingue deux types de savoirs dans le contexte spécifique de la santé à savoir : D'une part, le savoir commun populaire qui est accessible à tous et exempt de tout support rituel. Il n'utilise les plantes et ne manipule le verbe que dans le but de soulager le mal symptomatique. Pour Kalis, ce savoir se pratique la plupart du temps dans le champ restreint de la famille ou de relations proches. D'autre part, le savoir spécialisé qui exige une connaissance spécifique conférée par l'apprentissage et l'initiation. Il stipule à cet effet qu'une liste catégorielle des types de pratiques spécialisées est difficile à établir car ces dernières correspondent en fait aux techniques thérapeutiques dominantes utilisées.

· Représentations sociales

Pour Jodelet (1989), le concept de représentation sociale désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun dont les contenus manifestent l'opération de processus cognitifs génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il désigne une forme de pensée sociale. Le marquage social des contenus ou des processus de représentation est à référer aux conditions et aux contextes dans lesquels émergent les représentations, aux communications par lesquelles elles circulent, aux fonctions qu'elles servent dans l'interaction avec le monde et les autres.

Quant à Schurmans (1990), les représentations sociales sont des catégories cognitives, autour desquelles s'organise un ensemble cohérent de normes évaluatives et comportementales qui orientent nos actions, nos décisions, nos jugements dans notre vie quotidienne. Au-delà de sa propre définition, Shurmans s'accorde avec Jodelet pour dire que le concept de représentation sociale désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun dont les contenus manifestent l'opération de processus cognitifs génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il désigne une forme de pensée sociale. Le marquage social des contenus ou des processus de représentation est à référer aux conditions et aux contextes dans lesquels émergent les représentations, aux communications par lesquelles elles circulent, aux fonctions qu'elles servent dans l'interaction avec le monde et les autres.

· La maladie

Dans la médecine moderne, la maladie est un état affectant le corps d'un individu. Pour Philippe Adam et Claudine Herzlich (2001; 5), cette définition résume la maladie à sa réalité organique or dans la sociologie, la maladie n'est pas seulement une réalité biologique mais aussi sociale. Ainsi, s'inspirant des auteurs comme Marcel Mauss (1926) et Durkheim (1987), ils soutiennent que si l'on veut analyser les différentes manières dont la maladie est, dans notre société, liée au social, on doit en premier lieu s'attacher à sa nature et à sa distribution. Pour ces auteurs, la maladie constitue toujours un état pourvu de significations sociales et par conséquent la maladie constitue un jugement évaluatif. Dans ce sens, la maladie fait l'objet de diverses représentations, selon les sociétés et même entre les hommes d'une même société.

· Catégories socio-économiques

Avant de définir une catégorie socio-économique, Hadad (1999) souligne qu'il est utile de commencer par se demander ce qu'est une catégorie.Elle est ainsi définie par l'auteur comme étant une classe dans laquelle on regroupe des objets ou des personnes représentants des caractères communs. De cette définition découle une définition d'une catégorie socio-économique comme étant une classe dans laquelle sont rangés les individus ayant des caractères sociaux et économiques semblables. Cependant, sur quels critères socio-économiques peut-on se baser pour élaborer une telle typologie de la population. Les critères les plus adoptés sont relatifs à l'exercice d'une activité professionnelle que sont :

ü La profession principale

ü L'activité économique principale

ü Le statut socioprofessionnel

Pour l'auteur, l'exercice d'une profession est la source la plus évidente d'un revenu qui est l'un des indicateurs les plus pertinents des niveaux de vie. Il ajoute aussi que pour enrichir la classification en catégorie socio-économique, il est opportun d'intégrer d'autres variables sociodémographiques telles que l'âge, le sexe, la situation dans la famille, le lieu de résidence, ainsi que des variables concernant le niveau d'instruction.

II - METHODOLOGIE

Cette partie est une critique des cadres logiques d'administration de la preuve scientifique que sont les méthodes qui dictant la façon d'envisager ou d'organiser la recherche d'une manière précise, complète et systématique. Ainsi, comme le note N'Da « A chaque méthode et à chaque instrument correspond un mode de saisie, donc de constitution de l'objet d'étude (2006 : 31)».

2.1- Justification du choix du site

Au vu de notre thème et vu l'intérêt suscité par la phytothérapie partout en Afrique et particulièrement au Burkina Faso où l'interprétation de la maladie diffère d'un environnement social à un autre, il nous est apparu pertinent de mener notre étude dans un espace géographique d'une diversité de formations végétales importante. Dans ce sens, notre choix s'est porté sur la région des cascades situé au sud-ouest du Burkina Faso, une zone humide à potentiel de contagion virale étendu et à biodiversité intéressante pour mener une étude sur les plantes médicinale. Dans ce contexte, il est intéressant d'observer les itinéraires thérapeutiques de cette population locale à travers leurs rapports aux plantes médicinales.

En sus, notre maîtrise de la langue locale véhiculaire (le jula) et de l'espace géographique rurale de la région ont soutenu le choix de notre site.

2.2-Présentation du milieu physique et humain de la zone d'étude.

2.2.1-présentation du milieu physique

La végétation de la région des cascades comme celle des autres régions du Burkina Faso est étroitement commandée à la fois par la situation géographique, les facteurs climatiques et la nature des sols. De tous ces facteurs interférent qui entrent en jeu pour donner son caractère à cet espace végétal Sud- Soudanien, le plus important pour notre étude est la pluviosité qui contribue à la définition du climat et de la flore qui jouent non seulement un rôle dans la transmission et la répartition spatio-temporelle des « complexes pathologiques », mais aussi dans la pharmacopée traditionnelle à travers la mise à la disposition de la population locale un éventail extrêmement varié d'espaces végétales.

Située à l'extrême Sud-ouest du Burkina Faso, la région des cascades s'étend sur une superficie de 18407 Km2 et est subdivisée en deux provinces dont la province de la Comoé, qui compte deux communes urbaines Banfora, Niangologo. Banfora, chef-lieu de la commune compte 22 villages parmi lesquels Diarrabakôkô notre zone d'étude, située au bord de la route nationale n°1(RN1) sur l'axe Banfora-Niangologo et distant respectivement de 20Km et 37Km. Cette situation géographique lui confère un climat de type Sud-Soudanien absolument sèche de Novembre à Mars; le reste de l'année comporte environ quatre mois humides, précédé et suivi de période intermédiaire; mais tout ce que nous savons de ces sept mois (avril à octobre), c'est qu'il y pleut de façon irrégulière et souvent déconcertante. Ainsi, suivant la latitude, la pluviosité varie entre 1000mm et 1200mm en moyenne par an et les températures moyennes annuelles sont comprises entre 17°c et 36°c selon le Profil des Régions du Burkina Faso(2010). Ce caractère des eaux de surface constitue de ce fait une meilleure condition de développement des vecteurs et favorise le cycle des parasites comme l'atteste Lapeyssonnie : « chaleur constante et présence permanente ou saisonnière de collection d'eau en surface ; des marécages aux flaques les plus minimes, tout est bon pour l'anophèle. En outre, une température moyenne comprise entre 25°c et 35°c favorise le cycle du parasite chez l'insecte et par conséquent la propagation du paludisme (1988 : 41) ». Et outre, cette situation fournit à la zone une végétation de savane comportant tous les sous types, depuis la savane boisée jusqu'à la savane herbeuse.

2.2.2- Présentation du milieu humain

Diarrabakôkô est une entité Goin restreinte rattachée à la commune de Banfora. Avec une population estimée selon la Direction Régionale de l'Economie et de la Développement (DRED) a 2105 habitants soit 999 hommes, 1106 femmes et 344 ménages (Recensement 2006) ; Le village de Diarrabakôkô est bordé d'un côté par un barrage et le reste par la brousse. Sa relation avec l'espace étatique est matérialisée et manifestée par la présence d'un CSPS (Centre de Santé et de Promotion Sociale) construit au tour des années 1984, temps de la révolution ; d'une école primaire et d'un établissement secondaire d'une classe de 6ème. De plus, le village dispose d'une mosquée, d'une église protestante, d'une gare ferroviaire qui de nos jours n'est pas fonctionnelle et de dix forages dont deux sont en pannes. Par ailleurs, l'historicité de cette entité et de son nom est relatif à sa situation géographique derrière ce barrage et de cet espace autrefois occupé par des lions comme le souligne le chef de terre :

« Le nom Diarraba, bon ! Avant il y avait beaucoup de lions ici et ce sont nos ancêtres qui les ont chassés pour pouvoir installer le village. C'est ici même Diarraba. Ou tu te trouves, la cour royale. Le vrai nom en Goin c'est "Diarabanèlè" qui veut dire en dioula "DiarrabaDougou" ; "nèlè" c 'est "Dougou". Si non Diarrabakoko c'est un nom en dioula transformé en français. Si non avant que le village ne s'installe, les jula disaient que "Diara bi ko kofè" (les lions sont derrière le marigot). C 'est pourquoi les français ont appelé "Diarabakôkô" (entretien avec le chef de terre, le 15/04/2012, Diarrabakôkô) ».

En effet, ce témoignage met non seulement en exergue l'historicité du village mais aussi le statut qu'occupe le Jula en tant que langue véhiculaire. C'est une société matrilinéaire dont le système politique est une combinaison d'une organisation traditionnelle construite sur le lignage anciennement installé. Ce qui fait que le pouvoir est dans la famille des Karama. Aussi, l'espace sociale de Diarrabakôkô est mixée ethniquement et comprend les Goins fortement représentés soit 74%, les Dafing 5,81%, peulh 4,65% et Senoufo 3,49%.

L'islam à travers 50% des enquêtés et l'animisme 32,56% sont les deux religions dominantes au sein de la population d'étude. La majorité de cette population est musulmane mais pour la plupart non pratiquante. La religion semble être une affaire individuelle. A l'intérieur d'une même famille, nous retrouvons très souvent ces deux religions. Adama Karama, chef du village, chef de terre et chez qui nous avons séjourné, a un frère musulman, deux autres animistes et lui-même chrétien catholique. De ce fait, l'islam, l'animisme voire le christianisme semblent avoir une relation pacifique.

L'occupation relative au cadre physique de l'unité familiale est constituée de deux types de bâtis que sont les cases rondes couvertes de pailles et les maisons modernes en forme rectangulaire couvertes de tôles sont construites en banco excepté les bâtiments administratifs. Les concessions Goin dans leur ensemble présentent une forme circulaire et portent des noms dont celui du chef de village est "DiarrabaNtien". Du reste la principale activité économique est l'agriculture de subsistance en témoigne les 84,88% des enquêtés.

Dans cette perspective, ces caractéristiques socio-historiques, démographiques, économiques et environnementales de cet espace social, déterminent l'expérience locale du paludisme et de la fièvre jaune, les recours thérapeutiques, en particulier les usages des plantes médicinales pour leur traitement.

2.3-Echantillonnage/Echantillon

Compte tenu de l'importance numérique de la population d'étude et de l'objectif recherché, nous avons retenu, suivant la procédure aléatoire systématique, un échantillon de 86 personnes dont 52 hommes et 34 femmes, âgés de plus de 18 ans. Nous avons donnés plus de poids aux hommes qu'aux femmes malgré qu'elles représentent 52,54% de la population de Diarrabakôkô compte tenu de notre approche et de notre problématique de recherche ; et les individus choisis ont été enquêtés à l'aide d'un questionnaire. Aussi, nous avons estimé de façon opportune, de nous en tenir à ce nombre (86) compte tenu de la faible variabilité des connaissances et modes d'utilisation des plantes médicinales qui sont souvent perceptibles chez les catégories les moins favorisées, qui sont relativement uniformes sous le rapport aux plantes médicinales. Et pour éviter une grande dispersion statistiques des données, nous avons aussi construit trois classes d'âge d'amplitude 17 que sont : [18-35[, [35-52[, [52 et + [.

Conscient des limites de l'outil quantitatif, nous avons entrepris l'usage de l'entretien semi-directif auprès de 16 personnes ressources choisies de façon raisonné. En effet, nous avons interviewé 10 tradipraticiens (dits spécialistes de la médecine et de la pharmacopée traditionnelle) dont 9 hommes et 1 femme. La faible représentativité des femmes s'explique par le fait qu'elles sont localement considérées comme spécialistes des maladies infantiles qui n'entraient pas dans le cadre de notre étude. Sur les 10 tradipraticiens, 5 sont des guérisseurs et agriculteurs, 4 sont des guérisseurs et chasseurs dozo, et 1 est guérisseur-devin.

En outre; nous avons interviewé les personnes ressources suivantes : un pharmacien/chercheur dans le domaine de la phytothérapie, un infirmier diplômé d'Etat (IDE)du Centre de Santé et de Promotion Sociale (CSPS) de Diarrabakôkô, une herboriste à Banfora, une autorité religieuse de Diarrabakôkô, une autorité coutumière du village de Diarrabakôkô et l'époux d'une malade hospitalisée au CSPS de Diarrabakôkô pour paludisme.

Présentation des profils sociodémographiques de la population cible

La population cible de notre étude est composée de 86 qui se répartissent selon les caractéristiques sociodémographiques suivantes :

v Age

L'âge des personnes enquêté par questionnaire va de 18 ans et plus et se réparties comme suit :

Ages

Effectifs

Pourcentages

[18- 35 [

19

22,1%

[35- 52 [

33

38,4%

[52-& + [

34

39%

 

Total

86

100%

 

v Sexe

La proportion des hommes est supérieure à celui des femmes même si à l'image de la structure démographique nationale (Recensement général de la population 2006) elles sont les plus nombreuses dans cette localité. Elles représentent 52,54% de la population de Diarrabakôkô. Nous avons enquêtés (52) hommes et (34) femmes soit respectivement 60,5% et 39,5%L'importance numérique des hommes dans notre échantillon s'explique également par l'inégalité dans la profondeur des connaissances entre les femmes et les hommes sur les plantes médicinales entrant dans la thérapie de ces pathologies.

v Niveau d'instruction

Le niveau d'instruction de cette population est dans l'ensemble relativement faible. Le tableau suivant nous donne la répartition de notre échantillon par niveau d'instruction.

Niveau d'instruction

Effectifs

Pourcentages

Non scolarisées

61

71%

Alphabétisées

06

07%

Primaire

14

16,2%

Secondaire et plus

05

05,8%

Total

86

100%

Source : données du terrain Mars -- Avril 2012à Diarrabakôkô

v Profession

L'agriculture de subsistance, principale activité économique dans cette localité explique cette surreprésentation de la catégorie agriculteur dans notre échantillon. Le tableau suivant nous donne un éclairage sur la représentativité de cette profession agriculteur par rapport aux autres.

Professions

Effectifs

Pourcentages

Agriculteurs

73

84,9%

Eleveurs

04

4,7%

Secteur informel

05

5,8%

Salariés

03

3,5%

Elèves

01

1,1%

Total

86

100%

Source : données du terrain Mars -- Avril 2012 à Diarrabakôkô

2.4- Méthodes et instruments de recueils de données

Le choix d'une méthode de recherche dépend de l'objectif poursuivi, de la problématique et du faisceau d'hypothèses. En effet, notre thème de recherche qui accorde une place de choix aux connaissances et modes d'utilisations individuelles et collectives des plantes médicinales dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune à Diarrabakôkô, impose la méthode mixte de recherche qui est une conjugaison de la démarche quantitative et qualitative. Dans cette perspective, les principales techniques de collecte de données étaient constituées d'un questionnaire et du guide d'entretien. Le questionnaire comporte un ensemble de questions sur l'expérience de ces maladies, les itinéraires thérapeutiques adoptés par la population locale en cas de survenue de ces pathologies, leurs connaissances sur les plantes médicinales entrant dans la thérapie de ces affections et leurs modes d'utilisation tout comme leurs perceptions et recours à la thérapie moderne. S'agissant de saisir les différents procédés d'utilisations qui relèvent d'un art et les conditions d'accès aux plantes médicinales, l'enquête par questionnaire laisse échapper toute la symbolique qui entre dans les différentes phases "de l'opération pharmaceutique". En outre, dans le souci de mieux analyser les connaissances et les modes d'utilisation des plantes médicinales nous avons élaboré des guides d'entretiens.

Enfin l'observation directe a été utilisée pour pallier les lacunes du questionnaire et des guides d'entretiens. C'est-à-dire, observer les conditions de vie et d'hygiène dans cette localité susceptible de rendre les maladies récurrente et recrudescente.

2.5-Deroulement de l'enquête

La production des données d'enquête s'est déroulée du 30 mars au 22 avril 2012 à Diarrabakôkô, village goin de 2105 habitants, situé à 20 Km au sud-ouest de Banfora (Burkina Faso). Le questionnaire et les entretiens semi-directifs sur le thème de la connaissance locale des plantes médicinales dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune ont été administrés auprès de la population locale. Si les techniques du questionnaire et de l'observation ont été utilisées suivant la procédure aléatoire et les contextes favorables, les entretiens ont essentiellement eu lieu avec les personnes ressources dans leur domicile ou à leur lieu de travail. Ce qui nous a d'ailleurs permis de constater la préparation de certaines recette médicinale car nous avons continué toujours à fréquenter certain d'entre eux après les avoir entrevus. Cependant, il est intéressant de noter que la familiarité avec les guérisseurs et la confiance accordée a été possible grâce au chef du village chez qui nous avons séjourné. Ce qui a aussi facilité l'administration des questionnaires. Après la phase de Diarrabakôkô le dimanche 15 Avril 2012, le reste des entretiens ont été réalisé à Banfora (province de la Comoé) auprès des autres personnes ressources.

Par ailleurs, un retour complémentaire sur le terrain a été nécessaire en vue de faire un herbier pour la détermination des noms scientifiques des espèces inventoriées, mais aussi pour rectifier le doublage de certaines plantes qui ont été données en langue goin par certains enquêtés et en langue jula par d'autres. Cette phase s'est déroulée du 10 au 15 Juin 2013.

2.6-Difficultés et limites de l'étude

Les difficultés rencontrées au cours de notre enquête sont entre autres la non maîtrise parfaite de la langue vernaculaire goin et la réticence de la population au début des enquêtes. Cette réaction hostile pourrait s'expliquer par le fait que des multiples enquêtes sur le paludisme y ont été réalisées par des structures qui ont fait des promesses de moustiquaires et de produits antipaludéens qu'elles n'ont pas été tenues. Afin de surmonter ces résistances, nous avons eu recours à une mise en jeu stratégique de l'alliance à plaisanterie. De plus, il faut noter que l'enregistrement du discours des tradipraticiens a été dans certains cas un blocage. Ce qui nous a contraints à des prises de notes. Par ailleurs, il est aussi intéressant de noter qu'un séjour prolongé sur le terrain nous aurait permis dans le cadre de cette étude de saisir de façon objective les impondérables des actes médicaux et des techniques positives dans les préparations médicinales dans le contexte de Diarrabakôkô. Cependant, comme tout état des savoirs, cette étude présente des limites. Quelles qu'en soient ses limites, les connaissances sur les plantes médicinales et leurs modes d'utilisation sont trop vastes et dispersés. De ce fait, il suffit d'un simple repérage de la littérature dans ce domaine de la médecine et de la pharmacopée traditionnelle pour identifier les lacunes dans ce mémoire de maitrise.

2.7-Traitement des données

Le traitement des données a d'abord, consisté au dépouillement manuel des données quantitatives suivant des propositions de croisement des variables. Les tableaux statistiques construits ont été analysés suivant la technique de l'analyse multi variée. Quant aux données qualitatives obtenues par les entretiens et les observations, elles ont été exploitées selon l'analyse de contenu.

CHAPITRE II : CONSTRUCTION SOCIALE DU PALUDISME ET DE LA FIEVRE JAUNE

La maladie et l'interprétation qu'elle présente débordent la seule arène médicale. En effet, toute maladie et par extension toute infortune donne lieu à de multiples interprétations à savoir : celle du soignant, qui renvoie à la culture savante, celle du malade qui renvoie à son enracinement dans une culture donnée (Dacher 1992 ; Bonnet 1988 ; Fainzang 1986). Dit autrement, cela renvoie à son «modelage culturel». A cet effet, construire la maladie revient donc à porter une particulière attention aux différentes modalités de la penser et de la soigner, car elle n'est pas seulement une réalité biologique, mais aussi une réalité sociale qui demande d'être comprise et analysée. Comme le note Kalis « l'organique ne prend son sens que relié au social » (1997 : 108).

I-Construction biomédicale du paludisme et de la fièvre jaune

La médecine savante, dans son référent biologique, désigne et nomme une entité nosologique « disease » (en anglais) qui peut être socialement reconnue ou pas. En ce sens, la maladie est prise comme une catégorie objective dont l'interprétation et la détermination des facteurs étiologiques s'inscrivent dans une approche éthique. Dans cette perspective, le paludisme est une maladie potentiellement mortelle transmise par des moustiques. Les scientifiques, selon Santé actu 2007: 24, ont découvert en 1880 la véritable cause du paludisme, un parasite unicellulaire appelé plasmodium. Ils ont ensuite découvert que le parasite était transmis d'une personne à une autre par les piqûres de moustique anophèle femelle. Il existe quatre types de paludisme humain : le plasmodium vivax, le plasmodium malaraie, le plasmodium ovale et le plasmodium falciparum. Ce sont le plasmodium vivax et le plasmodium falciparum qui sont les plus courants au Burkina Faso. Cependant, il convient de mentionner que la prophylaxie même du paludisme fondée sur des bases scientifiques a été possible lorsqu'à la suite de « Laveran, prix Nobel en 1907, qui a découvert le parasite du paludisme, Manson avait démontré en 1978, à Shanghai, qu'un moustique, le « culex », hébergeait les formes larvaires microscopiques (ou microfilaires) de la filaire. Grassi découvrait en Italie, le responsable de la transmission du paludisme humain, l'anophèle «du grec anopheles dangereux» (Lapeyssonnie 1988: 44-45). De plus, le paludisme est perçu comme une maladie de « l'ancien régime » qui aurait marqué l'histoire « puisque les textes assyriens, chaldéens, égyptiens, védiques et chinois le mentionnent sans ambigüité. Il n'a pastoujours été l'apanage des tropiques : Les grecs l'ont connu, Hippocrate en donne la première description clinique 400 ans avant notre ère. De 1939 à 1945, pendant les six ans qu'a duré le second conflit mondial, il a donc tué plus de monde que les faits de guerres, les bombardements et les camps de concentration réunis ! (Lapeyssonnie 1988 : 40-41) ». Mais aussi du « nouveau régime » car il constitue de nos jours le premier motif de consultations, d'hospitalisations et la cause de nombreux décès dans les formations sanitaires du Burkina Faso voire de l'Afrique subsaharienne. Au Burkina Faso, il constitue un problème de santé publique et reste une endémie stable dans tout le pays avec une recrudescence saisonnière (mai - octobre). Il se caractérise cliniquement par un groupe de symptômes tels que la fièvre, les céphalées, et les troubles digestifs.

Par ailleurs, tout comme le paludisme, la fièvre jaune relève aussi de la famille des fièvres. Mais dans la conception biomédicale la fièvre jaune est une maladie différente du paludisme car son agent causal est un moustique non transgénique, Aides. Comme le note Lapeyssonnie « le virus amaril (de amarillo « jaune », en espagnol). Celui-ci, véhiculé par d'autres moustiques, les aèdes (ou stegomyia), d'un « jauneaux » à un sujet sain, déterminait chez les malheureux une hépatonéphrite le plus souvent mortelle (1988 : 48)». A son origine, elle fut également appelé « mal de siam ». C'est aussi une maladie de « l'ancien régime » car « elle n'a fait parler d'elle en Afrique que près de 300 ans plus tard, exactement en 1778, avec l'épidémie qui décima les troupes britanniques stationnées à Saint-Louis au Sénégal. De toutes les maladies « pestilentielles », comme on a longtemps appelé la peste, la variole, le choléra, le typhus et la fièvre jaune, cette dernière est celle qui présente le potentiel de diffusion et de transfert à distance le plus élevé » (Lapeysonnie 1988 :49). De plus, les signes cliniques de cette pathologie se caractérisent par une hémorragie au niveau des gencives et la fièvre. Mais il est à signaler que cette maladie n'est plus une question alarmante aujourd'hui puisqu'elle est en voie de disparition suite à de la généralisation de la vaccination antiamarile .De tout ce qui précède, il reste que le paludisme et la fièvre jaune forment des « éco pathogènes » du fait qu'ils sont étroitement liés à certains caractères climatiques, hydrographiques, et biologiques de la zone concernée. L'aire d'extension de l'activité de ces vecteurs dépend du contexte social (lieu de vie) et aussi de la densité de la population.

Cependant, dans le cadre de cette étude, nous mettrons plus l'accent sur la construction profane de ces deux pathologies à partir d'une analyse sociologique qui nous enseigne de prendre en compte la conception populaire de la maladie lorsqu'il existe une médecine savante.

II- Construction populaire du paludisme et de la fièvre jaune

La construction populaire de la maladie va au-delà de l'approche éthique pour s'inscrire dans une approche émique afin d'en déterminer l'étiologie, les symptômes et lui attribue une signification sociale. C'est ce qui relève du vécu subjectif de la maladie (le illnessen anglais). Prise ainsi, la maladie est une catégorie subjective dont l'interprétation dépend de l'expérience subjective, de l'enracinement de l'individu dans une réalité sociale et historique donnée (Charmillot 1997). C'est dans cette perspective que s'inscrit l'analyse de la perception du paludisme et de la fièvre jaune par la population de Diarrabakôkô. En effet dans la pensée des goins de cette localité, le paludisme et la fièvre jaune sont deux formes d'une maladie puisqu'ils conçoivent la fièvre jaune comme le stade suprême de gravité du paludisme, lui-même perçu comme « bana nunu bè bà no fà (le père et la mère de toutes les maladies) ». A cet effet, le tableau étiologique et symptomatologique ci-dessous nous donne un aperçu de la perception « profane » du paludisme.

Tableau 1 : Fréquences des causes et des symptômes du paludisme

Paludisme

Causes

Fréquences%

 

Symptômes

Fréquences%

Moustiques

53,50%

 

Fièvre

34,80%

Aliments

28,66%

 

Céphalées

05,73%

Humidité

7,64%

 

Courbature

14,10%

Saletés

10,19%

 

Troubles digestifs

37,44%

TOTAL

100%

 

Diarrhée

7,92%

 
 
 

TOTAL

100%

Source : données du terrain Mars -- Avril 2012 à Diarrabakôkô

Les catégories étiologiques retenues par les enquêtés s'annoncent ainsi : à l'agent pathogène le moustique (53,50%), s'ajoutent d'autres événements déclencheurs de cette pathologie tels que les aliments (28,66%), l'humidité (7,64%) et la saleté (10,19%). L'examen de ces données statistiques révèle une relative méconnaissance ou la non prise en compte de la

logique biomédicale de la transmission et de la contagiosité de cette maladie dans ce milieu rural dans la mesure où cette étiologie savante, basée sur les effets des moustiques, n'apparait pas dans l'énonciation étiologique de tous les enquêtés. Plus précisément, le lien de causalité entre les moustiques et le paludisme établi par le savoir biomédical, n'est pas toujours perceptible par les profanes. Et même s'il est, il est à signaler qu'ils n'arrivent cependant toujours pas à établir la corrélation entre l'homme, l'agent pathogène et le vecteur. De ce fait, tout en admettant cette conception biomédicale de la transmission, chaque individu en fonction de l'expérience vécue de cette pathologie, du contexte social et du « modelage culturel » va élaborer un paradigme de sa propre maladie afin de la rendre compréhensive et signifiante. En témoignent les propos de K.M:

Bon, les docteurs disent que les moustiques donnent « sumaya1(*)». Mais moi je pense que nos aliments qu'on mange maintenant, les eaux usées peuvent aussi envoyer sumaya. Si le moustique seul donne sumaya il faut dire qu'on allait tous tomber malade à tout moment, car chez nous ici à Diarraba les moustiques sont beaucoup (entretien avec K.M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô).

Abondant dans le même sens un guérisseur s'exprime : «Bon selon moi sumaya vient avec les eaux usées. Mais les docteurs disent que si les moustiques te piquent ça amène sumaya. Nos aliments aussi (...) et la fatigue peuvent envoyer sumaya (entretien avec OD, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)».

Il en résulte que ces discours populaires correspondent à une sorte de définition hybride associant la conception d'une étiologie médicale grassirienne et une étiologie empirique basée sur l'expérience subjective. Ce qui démontre que la maladie n'est pas seulement un fait biologique, mais aussi un fait social dont les représentations se relient à des conceptions plus générales et diffèrent d'une société à l'autre, d'un individu à l'autre. De plus, certains informateurs écartent la « causalité » moustiques dans leur discours. Dans ce sens deux enquêtés qui s'expriment en ces termes :

Sumaya ! Hum ! Chez moi ce sont les aliments qu'on mange maintenant. Le dolo mal préparé si tu bois et que ça ne te convient pas, ça peut te donner sumaya (entretien avec H.T, le 11/04/2012, Diarrabakôô ».

Bon !moi je pense que c'est notre alimentation de maintenant qui entraine sumaya. (...) Par exemple, les cubes maggi qu'on met dans nos aliments ; qui sait là où on fabrique et avec quoi on fabrique ? (entretien avec B.Z, le 10/04/2012, Diarrabakôkô).

Suivant leurs perceptions, ce n'est plus le moustique mais un déséquilibre alimentaire qui provoque le paludisme. Nous pouvons donc, sur la base de l'analyse qui précède, dire que ces discours relèvent d'une logique de causalité indirecte dans laquelle s'inscrivent les enquêtés pour expliquer la transmission du paludisme, étant donné que l'humidité, la saleté et les eaux usées sont des notions indissociables de cette maladie puisqu'elles contribuent à la prolifération des moustiques comme l'atteste un agent de santé : « (...) il y a énormément de moustiques ici à Diarrabakôkô dû peut être à l'existence du barrage à proximité. En plus de cela, il y a le problème de saleté, la présence des eaux usées et la cohabitation avec les animaux qui se posent (entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô)». Sur ce, le schéma de la causalité profane se présente comme suit :

Humidité +

Saletés +

Eaux usées +

251659776

Moustiques

251657728

Paludisme

 

251664896251658752251656704

251663872

Ainsi, sur la base d'un tel constat, apparait le rôle de l'espace qui joue un rôle important dans cette compréhension locale de la transmission du paludisme dans le village de Diarrabakôkô. Analysant la fonction de l'espace dans les processus de transmission ou de contagion de la maladie, Samuelsen soutient : « Is a condition agent which sends the sickness, to some extent share the same physical space. (...) if the condition for contagion to be possible includes sharing the same physical space, they also necessarily imply sharing the same social space » (Samuelsen 1999: 60- 61).

Du reste, l'information donnée par la biomédecine à propos de cette pathologie demeure à cet effet un simple « vernis » en dessous duquel persiste un savoir endogène, à partir duquel cette population ajuste leur « réseau sémantique » de cette maladie dont la pluralité, la variabilité et l'hétérogénéité leur permet de structurer constamment leur expérience en fonction des circonstances. Schématisés, ces discours se caractérisent par la confrontation de deux configurations de représentations contrastées : d'un côté la représentation biomédicale, et de l'autre, celle des profanes qui émane de l'univers consensuel. Autrement dit « l'élaboration à laquelle ils se livrent, s'appuie sur des ressources collectives qui sont utilisées et modulées différemment en fonction des expériences de chacun et des contextes dans lesquelles s'effectue le travail interprétatif » (Adam et Herzlich 1994 : 70).

Par ailleurs, l'analyse de l'état nominatif du paludisme dans cette localité permet de voir l'emprunt d'un vocable étranger par les enquêtés. En effet, ils emploient tous le même terme « sumaya » pour désigner le paludisme. C'est dire que la fraicheur de l'humidité est à l'origine de cette pathologie tout comme le terme « waangu » qui veut dire fraicheur en langue goin, mais rarement évoqué pour designer cette affection qui se caractérise selon la logique biomédicale par une manifestation fébrile. La dénomination est de ce fait étiologique étant donné que le mal se réfère à la saison à laquelle se produisent les symptômes même s'ils restent permanents toute l'année. C'est ce que soutient cet enquêté : «Bon... le paludisme nous on l'appelle ici « sumaya » en dioula. Hum ! C'est une maladie vieille et elle est présente maintenant à tout moment. Mais c'est beaucoup en début de saison pluvieuse (entretien avec K.D.P, le 15/04/2012, Diarrabakôkô)». Ce discours sur la récurrence de cette pathologie est soutenu par celui d'un agent de santé : « Le paludisme est présent à tout moment surtout à cause du climat de la région. C'est une zone endémique stable toute l'année. Il est moins fréquent entre cette période de mars-avril et plus fréquent de juin-août et même septembre (entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô».

De ce fait, la saison hivernale et la période des fruits (mangue, noix de karité...) constituent les contextes d'apparition de cette pathologie comme le note Meunier : « Le Burkina Faso est encore touché par les endemoépidemies, la combinaison environnement /condition climatique favorise le développement du vecteur du paludisme considéré dans les statistiques sanitaires comme la première affection du pays (2000 : 144) ».

Cependant, il est à signaler que le terme « sumaya » est un terme polysémique car un guérisseur nous en donne une autre connotation non pas dans le sens étiologique, mais plutôt dans le sens symptomatologique. Il affirme : « sumaya ne vient pas de l'humidité. C'est comme le rhume. Si tu as ça ton corps est chaud mais tu as froid c'est pourquoi on l'appelle souvent "fariganbana" (maladie du corps chaud) (entretien avec S.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô)». En général, le terme est employé en référence aux multiples fièvres des enfants comme la maladie « cônnô» dont les signes cliniques se rapportent à un oiseau qui aurait survolé la nuit au-dessus d'un bébé, dit un guérisseur :

(...) je soigne la fièvre qu'ont les enfants et qui est transmise par un gros oiseau qu'on appelle cônnô. Quand l'oiseau-là survole au-dessus du bébé la nuit dehors, il peut attraper cette maladie qui le fait trembler et son corps est chaud. Ça c'est aussi très différent de la fièvre de dentition (entretien avec H.T, le 11/04/2012, Diarrabakôkô).

Ce qui vient nous rappeler la réalité empirique de cette maladie étant donné que ses signes cliniques ne sont pas admis par la population locale et l'étiologie se rapporte à un oiseau.

D'ailleurs si les conceptions des enquêtés et les conceptions biomédicale convergent pour appeler le paludisme « sumaya » dans cette localité, c'est au niveau de la description des symptômes que le consensus est le plus manifeste. En effet, la configuration des symptômes énoncés par les enquêtés selon leur expériences subjective et objective de la maladie, se rapporte à la description donnée par un agent de la santé : « Les symptômes du paludisme sont la fièvre, les céphalées, les courbatures, vomissement, perte d'appétit et souvent la diarrhée cela dépend de l'organisme de tout un chacun » (entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô). En effet, si les éléments centraux de la conception des enquêtés sont les troubles digestifs 37,44%, et la fièvre 34,80% ; celle des tradi-thérapeutes, par contre relève la seule fièvre comme élément central qui accompagne les autres symptômes que cette population rurale appelle « sumaya » ou « faribganbana » en témoigne deux guérisseurs « si tu as le sumaya ton corps devient chaud, tu es fatigué et tu ne peux plus travailler » (entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô), un autre dit ceci : «sumaya, il commence généralement par le corps chaud (fièvre), tu as mal à la tête, si tu as le sumaya, ton corps est chaud alors que tu as froid. Tu vomis et pour d'autres même tu as la diarrhée » (entretien avec K.D.P, le 15/04/2012). Et un agent de santé soutient ce discours : « Au début de la maladie, le malade fait de petites fièvres ; mais comme je l'ai dit, les gens ne sont les mêmes, moi-même, je ne connais pas la fièvre, mais 80% des gens présente d'abord la fièvre » (entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô). Sur la base d'un tel constat, nous pouvons dire, que les symptômes sont appréhensibles par leur caractère sensible et chaque individu à sa façon particulière de présenter la maladie, dont l'identification des causes passe par l'interprétation des symptômes, variables selon les individus et selon « le modelage culturel qui englobe aussi au-delà de la perception et de l'expression des symptômes, ce qui est défini comme maladie dans une société donnée » (Adam et Herzlich 1994 : 60).

Par ailleurs dans la pensée goin de Diarrabakôkô le paludisme est une maladie évolutive dont les différentes variantes se structurent autour d'un axe classificatoire, variable selon la nature des symptômes dont la description débouche sur la fièvre jaune comme «l'ainé » du paludisme en témoigne un enquêté : « ni sumaya djougouyara, olo bi na ni djokajo ye. Dôgô ni kôrô) (si le paludisme s'aggrave, c'est ça qui entraine djokajo » (entretien avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô). Ce qui est d'autant vérifié par ces données statistiques suivantes. En effet, à la question de savoir qu'est-ce que la fièvre-jaune, les enquêtés la perçoive comme le paludisme sévère à 80,77%, d'autres la connaissent comme la maladie qui change la couleur des yeux, des paumes soit 15,38%. Elle est perçue seulement à 03,85% comme une autre maladie.

Dans cette perspective, nous emprunterons la démarche et le vocabulaire de Dacher tel qu'elle expose ici : « La principale maladie (venue d'ailleurs) n'est pas une entité nosologique isolable, mais un continuum situé sur un axe de gravité croissant : sumaya- sumaya ba-sumaya guè- jakuajo. Cependant, cette gradation n'a rien d'absolu : Si sumaya est souvent plus bénin que sumaya ba (grand sumaya), sumaya guè (sumaya blanc) ou jakuajo, les termes de la série peuvent se chevaucher, se confondre voire s'inverser » (1992 : 165- 166). A cet effet, l'observation du tableau symptomatologique ci-dessous permet de percevoir cette conception de la fièvre jaune dans ce système médical sur un axe de continuum hiérarchique du paludisme.

Tableau 2 : Présentation des fréquences des symptômes de la fièvre jaune

Symptômes

Fréquences%

Fièvre

3,66%

Vomissement (jaune, vert)

39,78%

Tendance jaunâtre

43,55%

Constipation

10,22%

Source : données du terrain Mars Avril 2012 à Diarrabakôkô

Ainsi, en prenant le diagnostic comme point de départ de la sémantique médicale, pour cette population locale, le constat de terrain révèle une assignation du terme djokajo à 70,64% sumaya ba 20,18%, sumaya guè 03,66% et jaunisse 01,33% à des symptômes comme les troubles digestifs les plus importants (vomissement jaune, vert) évoqué à 39,78%, la tendance jaunâtre à 43,55%, la constipation à 10,22%, accompagnée de la fièvre 06,45%. Ce qui est soutenable par ces propos d'une enquêté :

C'est ça qu'on appelle ici jakuajo ou sumaya guè. Quand tu as cette maladie, tes yeux deviennent blanc le corps n'est pas chaud, mais seul le malade sait qu'il a chaud. Les articulations font mal. Mais quand les yeux sont jaunes, c'est ça qu'on appelle jaunisse. D'autre appellent aussi sumaya ba (entretien avec C. A, le 22/04/2012, Banfora).

De ce fait, il en résulte que l'interprétation des symptômes de cette pathologie relève de la «causalité a priori » qui renvoie aux causes premières de la maladie et se rapporte à un accès pernicieux du paludisme évoqué par les enquêtés à (89,7%).

Mais selon la logique biomédicale, la fièvre jaune est une maladie qui n'a pas de lien avec le paludisme. Ce sont deux pathologies différentes dans l'étiologie et dans la manifestation des symptômes, même si elles sont toutes des éco pathogènes. C'est-à-dire, des maladies liées aux facteurs climatiques et environnementaux. Le symptôme le plus manifeste de la fièvre jaune est une hémorragie gencivale. Un agent de santé révèle la confusion faite entre les deux maladies dans les discours populaires :

Bon ici, la population n'a pas de notions sur la fièvre-jaune. Elle la confond toujours avec l'Ictère communément appelé jaunisse, la typhoïde. Pour eux, la fièvre jaune est une aggravation du paludisme mal soigné (...) Souvent même il y a certains tradithérapeutes disent qu'il ya deux types de djokajo : djokajo simple qui fait jaunir les yeux, les paumes et djokajo guè qui assèche le sang et les yeux deviennent pâles (entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô).

Et pourtant, dans cette conception biomédicale, cela relève d'un état d'anémie sévère. A un autre informateur d'ajouter :

Pour la fièvre jaune, beaucoup de gens n'ont pas de notions la dessus. Que ce soit dans le monde urbain ou dans le monde rural, les gens continuent de confondre le paludisme, la jaunisse et la fièvre jaune. Pour eux l'aggravation du paludisme est la cause de lafièvre jaune que d'autres appellent sumaya ba, sumayaguè, djokajo, selon leur connaissances (entretien avec D.P.Z, le 20/04/2012, Banfora).

Cependant, à l'issue des différentes dénominations de cette pathologie précédemment présentée, il règne une certaine confusion aussi bien dans le domaine « populaire » que dans le domaine « savant » de la médecine traditionnelle, lorsqu'il s'agit de les situer sur un axe de gravité croissante en rapport avec l'évolution des symptômes évoqués.

En effet, les statistiques témoignent d'une perception différentielle chez les enquêtés. Si 12,79% disent ignorer l'évolution des symptômes, et 62,79% les voient non évolutifs, 24,42% les trouvent, par contre, évolutifs. Cette divergence de vue est aussi manifeste chez les guérisseurs.

(...). Elle sort dans les yeux, les mains, la plante des pieds jaune. C'est ce qu'on appelle djokajo ou sumaya ba. Elle se trouve dans le sang. Bon ! Toutes ces appellations c'est pour gagner de l'argent. Sumaya s'il s'aggrave, c'est ça qui amène djokajo ou sumaya ba (...) (entretien avec B.Z, le 10/04/2012, Diarrabakôkô).

Dans ce cas, l'évolution va de :

251660800SUMAYA SUMAYA BA / DJOKAJO / JAUNISSE

D'autres, par contre, disent :

« Hum ! djokajo, c'est une maladie mauvaise tu vois comme ça. Elle rentre dans le corps, dans le sang et même dans les os. En ce moment si tu vois le malade, tu sais rapidement car ses yeux, son urine deviennent jaunes. (...) Il y a deux qualités de djokajo : djokajo simple que je viens d'expliquer et si ça s'aggrave, ça amène djokajo guè. Ça, ça ne sort pas dans les yeux. Quand tu as ça tu es faible, tu ne te supporte plus (entretien avec HB, le 12/04/2012, Diarrabakôkô).

« La fièvre-jaune, nous on l'appelle aussi ici djokujo. S'il devient grave on l'appelle djokajo guè. Ça boit ton sang, les mains, les yeux deviennent blancs. (...) Mais au début, ça sort dans les yeux, les mains jaunes (entretien avec O.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

Envisagées de façon interprétative, ces différences de perceptions pourraient être expliquées par la trajectoire géographique différentielle des enquêtés et le degré d'insertion de chacun dans le système culturel local. Mais en essayant de préciser la sémiologie de ces différentes affections, on se rend compte qu'à chaque étape du processus d'évolution du paludisme ou « sumaya » correspond des termes se référant à des symptômes dont la visibilité maximale va de la tendance jaunâtre à la tendance blanchâtre des yeux et de la paume des mains. Ainsi, les termes sumaya ba (grand sumaya) / jaunisse / djokajo se rapportent à la première tendance ; tandis que sumaya guè, djokajo guè se réfère à la seconde tendance. En ce sens, le schéma de la gradation axiale de la maladie va de :

251662848251661824SUMAYA SUMAYA BA/ JAUNISSE/ DJOKAJO SUMAYAGUE/

DJOKAJO GUE

L'analyse de ces différentes terminologies de la nosologie met en lumière la logique de la dénomination et de la classification de cette pathologie dans la culture médicale locale. Ce qui signifie que « Les représentations du mal et de la maladie s'appuient sur une conception extériorisante. Elles renvoient à une interprétation sémantique située hors du malade » (Kalis 1997: 106).

Du reste, si les avis des enquêtés sur cette classification sémantique se contredisent, ils s'accordent en revanche pour reconnaître la gravité de cette pathologie. Aussi, les tradipraticiens sont unanimes à la considérer comme dangereuse car elle expose à l'hallucination, au délire, à la folie, voire à la mort lorsque le malade reçoit des injections dans un centre de santé moderne. Deux tradipraticiens témoignent :

djokajo, si ce n'est pas soigné à temps peut entrainer la folie. Le malade parle seul, il fait des rêves. En ce moment la maladie est entrée dans le sang ; si la personne part au dispensaire et qu'on le pique elle peut mourir (entretien avec K.M, le 14.04/2012, Diarrabakôkô).

Bon ! Si tu as djokajo, le corps n'est pas chaud, mais seul le malade sait qu'il a chaud. Il ne dort pas. Si tu ne meurs pas, c'est la folie ou la surdité. (...) Si tu as le djokajo, quand tu rotes, tu sens une odeur d'oeuf pourri (entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

A la lumière de ce qui vient d'être développé, il reste que l'expérience de la maladie englobe aussi les expériences individuelles que collectives, étant donné les perceptions des symptômes sont influencées par l'environnement socioculturel, la sémantique, et le statut social des agents sociaux. Ce qui nous amène à la conclusion selon laquelle « le diagnostic s'inscrit dans un triple espace différentiel (organique, psychologique et socioculturel) et qu'il génère une multiplicité de termes pour qualifier la même réalité pathologique » (Bibeau 1978 : 92).

Par ailleurs, l'examen du vocable djokajo permet de voir l'origine étrangère de cette pathologie dans la mesure où elle n'a pas de correspondances en langue locale goin ; Mais dans la langue véhiculaire (jula), il se rapporte à sumaya ba ou sumayaguè. Autrement dit, le terme djokajo serait à la Côte d'Ivoire ce que sumaya ba est à Diarrabakôkô. Et beaucoup de nos informateurs s'accordent sur le fait que cette maladie serait un effet induit par la dynamique migratoire entre leur localité et la Côte d'Ivoire, dont la frontière (Niangoloko) est située à 37 kilomètres. :

C'est là-bas qu'on voit beaucoup djokajo. Nos frères qui sont partis en côte d'ivoire, ce sont eux qui ont fait que la maladie est rentrée chez nous. Sinon avant, on ne connaissait pas cette maladie. C'est comme « kôkô » (hémorroïde) ; ça aussi, ce n'était pas connu ici (entretien avec H.B, le 12/04/2012, Diarrabakôkô).

Les discours populaires sur l'origine de la maladie confortent les résultats des recherches de Dacher qui datent de plus de deux décennies. À cette époque elle affirmait:

Depuis un demi-siècle, les migrations vers la Côte d'ivoire ont considérablement augmenté. Or l'opinion généralement admise en pays goin est que sumaya --jakuajo, d'apparition récente a été rapporté de la côte d'ivoire par les migrants, point de vue conforté par le fait que ces maladies ne portent pas de noms en langue vernaculaire. Cette manière de voir serait partagée par toutes les ethnies voisines qui connaissent une situation migratoire du même type (Dacher 1992 : 167).

2.1-Des sources de connaissances du paludisme et de la fièvre jaune

Les schémas de pensées générées autour de ces pathologies émanent d'une articulation entre l'approche « étique » et « émique ». En effet, dans la première approche, la maladie s'objective à travers les institutions (éducatives, médiatiques...) tandis que dans la seconde approche, elle s'objective dans le cadre des relations interpersonnelles. Ainsi, pour comprendre cet état de fait, essayons de relier le paludisme et la fièvre jaune à leurs sources de connaissance.

Les statistiques témoignent d'une forte représentation du réseau parental comme source de connaissances des deux pathologies. Mais une lecture détaillée laisse percevoir la prédominance à 42,24% dans le cas de la fièvre jaune contre 32,26% dans celui du paludisme. Le voisinage intervient également à plus de 30,43% dans la connaissance de la fièvre jaune que dans celle du paludisme soit 15,66%. Par contre la connaissance de cette dernière proviendrait plus de l'expérience vécue (28,57%) du fait de sa récurrence que celle de la fièvre jaune (11,18%). Cette situation laisse percevoir la place de choix accordée dans ce monde rural au réseau parental et à l'environnement social dans l'acquisition de connaissances sur ces faits de maladies.

Tableau 3 : Distribution des sources de connaissances par maladie

Maladies

Sources de

Connaissances

Paludisme

Fièvre jaune

Nombre

Fréquence (%)

Nombre

Fréquence (%)

Parents

70

32,26%

68

42,24%

Voisinage

34

15,66%

49

30,24%

Ecole

6

02,76%

0

0

0%

0%

Radio

45

20,74%

0

0%

Expérience

62

28,57%

18

11,18%

Migration

0

0

0

0%

26

16,15%

Total

217

100%

161

100%

Source : données du terrain Mars - Avril 2012 à Diarrabakôkô

En effet, l'imputation des connaissances de la fièvre jaune aux parents et au voisinage pourrait s'expliquer par la perception inhabituelle, c'est-à-dire moins fréquente et son caractère ancien du fait qu'elle aurait marqué l'histoire comme l'atteste un agent de santé : « C'est une maladie rare, nous-mêmes on essaie de chercher des cas de fièvres jaunes pendant nos campagnes de vaccination, car c'est une maladie sous hautesurveillance (entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô)». Par contre, le caractère à la fois "nouveau" et "ancien" du paludisme fait prévaloir l'expérience comme source de connaissance. Ces caractères en font un problème de santé publique qui le rend plus médiatique, ce qui explique les 20,74% attribués à la source radiophonique qui reste le seul canal de diffusion des informations dans ce milieu rural non électrifié. En outre, les 2,76% imputé à l'école, traduit le faible niveau d'instruction des enquêtés. Comparativement au paludisme où la radio et l'école sont des sources de connaissances, la connaissance de la fièvre jaune provient de la migration, soit 16,15 %. Ce qui permet de voir l'origine étrangère de cette maladie, en témoigne un enquêté : « Bon ! Toutes ces connaissances sur ces maladies, moi je les ai eu avec mes parents et aussi lors de mes voyages à Abidjan (entretien avec H.B, le 12/04/2012, Diarrabakôkô)».

L'examen de ces données permet de mentionner que l'origine différenciée des catégories de pensées profanes témoigne de la perception et de l'articulation différentielle des deux pathologies dans le temps et dans l'espace par la médecine moderne et traditionnelle. En effet, dans le monde rural, le savoir se transmet dans le cadre des relations interpersonnelles et dérive de l'expérience sociale. Cependant, il est à signaler que ces connaissances varient même en fonction de la structure sociale. En ce sens, l'on convient avec Adam et Herzlich que « la maladie et l'expérience qu'elle présente déborde la seule sphère médicale (1994 : 71)». Aussi, les connaissances sur les maladies débordent les sources institutionnelles (école, média) et intègrent les sources sociales (parents, voisinage) qui sont les premiers lieux d'acquisition des connaissances et de construction de ces réalités empiriques. La parentèle et le voisinage apparaissent alors comme des sources de légitimation des connaissances du paludisme et de la fièvre jaune par les populations locales.

Ainsi, c'est à partir de ces connaissances socialement élaborées que les individus vont choisir leurs voies de traitement ou de guérison parmi les gammes de voies disponibles dans le champ thérapeutique.

III-SYSTEMES MEDICAUX PLURALISTES ET ITINERAIRE THERAPEUTIQUES

3.1-Expériences de la maladie et itinéraires thérapeutiques dans le village de Diarrabakôkô

Dans un contexte marqué par une diversité des systèmes médicaux et d'alternatives thérapeutiques, l'expérience de la maladie et la recherche de guérison agissent comme des déterminants au choix thérapeutique. La guérison survenue après une quelconque thérapie peut être la source d'une « fidélisation » thérapeutique ou d'un changement thérapeutique. Autrement dit, l'itinéraire thérapeutique n'est pas figé. Et, il se caractérise le plus souvent comme une trajectoire, une mobilité par rapport à son propre itinéraire antérieure. Ainsi, cette mobilité thérapeutique traduit l'autonomie des individus à l'égard de leurs dispensateurs et leur donne le libre arbitre dans leurs conduites sur le marché thérapeutique. « Les dispensateurs n'ont ici qu'un contrôle marginal sur la demande des services et sur les itinéraires thérapeutiques de leurs patients. Ils n 'ont pas la capacité de fidéliser leur client tout au long de l'épisode de la maladie » (Fournier et Haddad 1995 : 295)

Cependant, il convient de mentionner que ce libre arbitre est toutefois soumis à l'influence d'un faisceau de facteurs que sont : facteurs sociodémographiques et économiques (sexe, niveau d'éducation, la profession, le revenu), la nature des pathologies étudiées et leur perception par les enquêtés, enfin les caractéristiques des services disponibles et leur perception. Ainsi, la prise en compte de ces facteurs relève de la convergence et de la diversité des expériences vécues de ces pathologies. Ce qui permet de déterminer le rapport des individus à leurs services médicaux. Dès lors, la question se pose de savoir, en cas de paludisme et de fièvre jaune, et pour quelles raisons, les enquêtés s'adressent à une médecine plutôt qu'à une autre.

3.1.1- Itinéraires thérapeutiques dans le village de Diarrabakôokô

Dans le contexte sanitaire du village de Diarrabakôkô, nous avons recensé les ressources de santé suivantes qui ne sont pas exploitées de la même manière ni avec le même degré par les enquêtés :

Ø La médecine moderne préventive, curative et promotionnelle à travers la présence d'un CSPS

Ø La médecine traditionnelle composée d'herboristes, des guérisseurs agriculteurs ou
chasseurs dozo et des guérisseurs devins.

Ø Auto-traitement, tantôt avec les plantes, tantôt avec les médicaments, mais moins
fréquente chez les enquêtés.

Ø La thérapie mixte qui résulte de la co-utilisation des deux premières médecines.

Mais le constat de terrain révèle que la médecine moderne et la médecine traditionnelle s'imposent dans ce marché thérapeutique comme les deux principales ressources auxquelles les enquêtés ont recours de façon alternée en cas de paludisme et de fièvre jaune. Mais dans l'ordre de succession de ces ressources, la médecine savante apparait comme le premier recours des enquêtés à la survenue de ces pathologies. En effet, 98,84% des 86 personnes enquêtés disent y avoir recours en cas de paludisme et 90,62% en cas de fièvre jaune. Il est à signaler que ces forts taux de fréquentation des enquêtés observables au début des maladies se justifient par la précision de diagnostic du fait qu'elle dispose de matériels de pointes. Un enquêté témoigne :

Il faut aller au dispensaire d'abord et si tu sais c'est quelle maladie, arrivé à la maison tu complètes avec ce que tu connais ». Moi-même je pars là-bas souvent parce que nos aliments, le sucre qu'on mange beaucoup, on a besoin d'eux pour voir le sang, prendre la tension et la température (entretien avec B.Z, le 10/040201, Diarrabakôkô).

Ainsi, sur la base de ce constat, nous convenons avec Saint de Savin qui « reconnait que seul le médecin qui dispose de toutes les ressources de la science peut et doit faire le diagnostic. Il a à sa disposition, la radio, les analyses de sang, d'urines et encore bien d'autres moyens. (...) Il est bien rare qu'un malade vienne voir directement un guérisseur» (Saint Savin 1960 : 21). Ce qui n'est toujours pas le cas dans le contexte Burkinabé voire même africain.

Du reste, il convient de mentionner que l'acceptation et l'adoption de ce choix thérapeutique relève d'une logique de réductions du coûts du traitement, de conformité et de satisfaction des exigences d'un principe biomédical dicté par les agents de santé, qui est celui du recours systématique à une formation sanitaire dès qu'un problème de santé se pose. Mais si ce choix parait être manifeste, il ne doit pas pour autant occulter le recours à la médecine traditionnelle qui est une « médecine compréhensive » articulée autour des gestes symboliques, de la satisfaction morale et est plus proche de la population, car faisant partie de leur environnement socioculturel. De ce fait, observons la trajectoire thérapeutique des enquêtés en fonction des facteurs précédemment évoqués.

3.2- Les facteurs associés aux recours thérapeutiques

3.2.1- L'influence des caractéristiques socio-économiques sur les recours thérapeutiques

3.2.1.1- Genre et recours thérapeutiques

La structuration de la vie sociale dans le monde rural fait du sexe une variable de contrôle du comportement sanitaire, étant donné que selon nos enquêtes, les femmes sont les plus touchées par le paludisme. En effet, tout autant que la connaissance d'une maladie ou d'un évènement dérive de l'expérience sociale et varie en fonction de la structure sociale, il en est aussi de même du choix thérapeutique dans ce milieu rural où il existe une différenciation des rôles dans les rapports à la santé et en fonction du statut social et du sexe.

Ainsi la vulnérabilité des femmes, comme nous le savions résulte dans le monde rural de leur participation au système de production et de reproduction. Ce qui justifie leur degré d'implication et d'intervention dans le choix thérapeutique pour la quête de guérison à la survenue de ces pathologies. Elles sont à la fois des grandes « actrices » et les « consommatrices » des ressources thérapeutiques. A titre illustratif, le tableau ci-dessous, donne un aperçu de l'itinéraire thérapeutique des enquêtés en fonction du sexe en cas de paludisme et de fièvre jaune.

Tableau 4 : Distribution des recours thérapeutiques en fonction du sexe et des maladies

 
 

Recours thérapeutiques

Maladies

Sexe

Moderne

Traditionnelle

Mixte

Auto traitement

Non Réponse

Total

Effectifs

%

Paludisme

Hommes

69,23%

17,31%

9,61%

3,85%

0%

52

100%

Femmes

94,12%

5,88%

0%

0%

0%

34

100%

Fièvre jaune

Hommes

48,08%

42, 31%

1,92%

0%

7, 69%

52

100%

 

Femmes

64,71%

26,47%

2,94%

0%

5,88%

34

100%

Source : données du terrain, Mars-Avril 2012 à Diarrabakôkô

L'examen de ces données statistiques relève que la médecine moderne constitue le premier recours des enquêtés et plus chez les femmes, surtout en cas de paludisme. En effet, sur les 34 femmes enquêtées, 94,12% disent avoir recours à cette médecine en cas de paludisme et 64,71% en cas de fièvre jaune. Tandis que sur les 52 hommes, 69,23% y ont recours en cas de paludisme et 48,08% en cas de fièvre jaune. Il en résulte que les femmes de par leur fragilité et leur exposition à la maternité sont les plus vulnérables, surtout à la survenue du paludisme. Par conséquent les agents de santé leur apportent une attention particulière, en témoigne ces discours :

« Aujourd'hui les docteurs nous appellent pour qu'on sensibilise surtout les femmes enceintes à aller au dispensaire » (entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

« Le paludisme est la première cause de consultation et de mise en observation ici à Diarraba kôkô (...). Il touche les personnes les plus vulnérables que sont les enfants de 0 à 5 ans, les femmes enceintes, les personnes âgées (certainement dû à la vieillesse) et les sujets neufs (les européens)» (entretien avec M, le , 14/04/2012, Diarrabakôkô).

En sus, à l'image de la structure démographique nationale (Recensement général de la population 2006) les femmes sont les plus nombreuses dans cette localité. Elles représentent 52,54% de la population de Diarrabakôkô. Non seulement, en plus d'être les plus nombreuses, elles sont les plus vulnérables surtout en milieu rural à cause de leur maternité qui les contraint à fréquenter le CSPS plus que les hommes.

Par ailleurs, si on note une abstention à l'auto-traitement chez les enquêtés en cas de fièvre jaune ce n'est pas le cas du paludisme pour lequel 3,85% des hommes y ont recours. Ce qui est compréhensible lorsqu'on s'inscrit dans la relation de pouvoir au sein du foyer et dans le milieu rural où la décision n'est pas individuelle. Contrairement aux femmes, les hommes ont plus tendance à recourir surtout en cas de fièvre jaune à la médecine traditionnelle, soit 42,31% contre 26,47% pour les femmes, et moins en cas de paludisme, soit 17,31% contre 5,88%. Ce qui laisse percevoir l'ancrage de la représentation de la fièvre jaune comme forme grabataire du paludisme dont la gestion biomédicale pourrait entrainer la mort.

Certes, la prise en compte de ces données permet de conclure partiellement que l'influence du sexe sur le recours thérapeutique passe par la vulnérabilité des individus face à un épisode pathologique ainsi que par leur interaction avec le réseau social. Mais si cette influence parait être manifeste, elle ne doit pas pour autant occulter le facteur niveaud'éducation dans la mesure où certains auteurs (Fournier et Haddad 1995, Leclerc, Fassin et al. 2000, Ridde 2007) ont déjà montré que les populations rurales sont moins instruites et moins réceptives à la médecine moderne. De ce fait, il est intéressant de voir le lien existant entre le niveau scolaire ou culturel (variable tant présentée par bon nombre d'auteurs comme un puissant déterminant du comportement sanitaire) et les itinéraires thérapeutiques à Diarrabakôkô.

3.2.1.2- Niveau d'instruction et recours thérapeutiques

Tableau 5 : Distribution des recours thérapeutiques en fonction du niveau d'éducation en cas de paludisme

Recours

Niveau

D'étude

Moderne

Traditionnelle

Mixte

Total

Effectifs

%

Non scolarisées

85,24%

9,84%

4,92%

61

100%

Alphabétisées

100%

0%

0%

06

100%

Primaire

50%

42,86%

7,14%

14

100%

Supérieur et +

60%

20%

20%

05

100%

Source : données du terrain, Mars-Avril 2012 à Diarrabakôkô

Tableau 6 : Distribution des recours thérapeutiques en fonction du niveau d'éducation en cas de fièvre jaune

Recours

Niveau

D'étude

Moderne

Traditionnelle

Mixte

Non réponse

Total

 
 

Effectifs

%

Non scolarisées

62,30%

31,14%

3,28%

3,28%

61

100%

Alphabétisées

50%

33,33%

16,67%

0%

06

100%

Primaire

28,57%

57,15%

0%

14,29%

14

100%

Supérieur et +

40%

40%-

0%

20%

05

100%

Source : données du terrain Mars-Avril 2012 à Diarabakôkô

L'éducation formelle (scolarisation) étant un moyen d'inculcation de la culture occidentale et de l'éducation sanitaire moderne, on doit s'attendre à ce que les individus de cette catégorie s'orientent plus vers la médecine moderne. Mais étant donné aussi que les choses ne sont pas d'égales d'ailleurs, les données statistiques révèlent que la proportion des individus alphabétisés soit (100%) et non scolarisés (85,24%) sont les plus enclins à recourir à la médecine moderne en cas de paludisme que les individus scolarisés et ceux ayant un niveau secondaire et plus qui, par contre, ont un recours dispersé entre la médecine moderne et la médecine traditionnelle. Ce résultat s'explique par la récurrence et la permanence de cette maladie et aussi la présence de la radio dans les ménages comme moyen de sensibilisation à la fréquentation du CSPS ainsi que les causeries-débats menées par les agents de santé avec la population. Comparativement au paludisme, on relève une dispersion des différents niveaux d'instruction en cas de fièvre jaune entre la médecine moderne et la médecine traditionnelle. En effet, si 62,29% des non-scolarisés et 50% des alphabétisés ont plus recours à la biomédecine, par contre 57,14% de ceux qui ont un niveau primaire s'orientent vers la médecine traditionnelle et ceux ayant le niveau secondaire et plus ont un recours équilibré soit 40% contre 40%. Le constat qui se dégage, est que le niveau d'instruction ne semble pas avoir une influence sur l'itinéraire thérapeutique des enquêtés. Ce qui témoigne de la confiance accordée au diagnostic médical, d'une part, et, de la méfiance à son traitement de cette pathologie, d'autre part. Un enquêté témoigne :

« Ce sont les docteurs qui ont le matériel pour voir le sang (...) Mais si tu as le jokuajo si on te pique à l'hôpital, tu peux mourir. Ce qui fait que les gens préfèrent notre traitement qui est lent mais efficace. Chez moi c 'est « kana kôrôtô » (faut pas être pressé) car la maladie attrape rapidement mais la guérison est lente » (entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

3.2.1.3- Catégorie socioprofessionnelle et recours thérapeutiques

Il convient de mentionner que différents facteurs sont susceptibles d'interférer avec cette variable niveau d'instruction. H s'agit de la profession et du niveau des revenus. Selon Ridde les « indigents » dans le milieu rural se recrutent surtout parmi les couches les moins instruites « dans le contexte d'un des pays les plus pauvres du monde, même les fonctionnaires se retrouvent, à certaines périodes de l'année ou du moins sans ressources monétaires mobilisables immédiatement » (Ridde 2007 : 200).

Ainsi cette partie présente le lien entre le choix thérapeutique et la pauvreté, définie ici à partir de la profession et du revenu des enquêtés. En effet, la profession, prise en terme d'activité principale menée par un individu peut être un indicateur de mesure du choix thérapeutique dans la mesure où elle permet de déterminer les conditions de vie et la position sociale des individus dans le milieu où l'agriculture constitue la principale activité génératrice de revenus. Mais cette agriculture telle que pratiquée (de façon extensive et traditionnelle), demande une débauche d'énergie pendant que le régime alimentaire de cette population locale n'est pas diversifié. Le (préparé à base de la farine du maïs ou du mil) constitue l'aliment privilégié. En sus de cela, les données d'observation révèlent une dispersion des habitats constitués en majeure partie de cases rondes en banco et des collections d'eaux de toilette et de vaisselle derrière les concessions par manque de puisards. A cela s'ajoute le manque de latrines ainsi que la cohabitation avec les animaux. Ce qui laisse percevoir une certaine précarité des conditions de vie et d'hygiène qui sont susceptibles de rendre la maladie récurrente. Sur la base d'un tel constat, le tableau 7 et 8 suivant donne une idée de l'influence que peut avoir la profession sur le choix thérapeutique des enquêtés.

Tableau 7 : Distribution des recours thérapeutiques en fonction de la profession en cas de paludisme

Recours

Profession

Moderne

Traditionnel

Mixte

Auto

traitement

Total

Effectifs

%

Salariés

100%

0%

0%

0%

03

100%

Agriculteurs

82,19%

10,96%

5,48%

1,37%

73

100%

Eleveurs

100%

0%

0%

0%

04

100%

Secteur informel

20%

60%

0%

20%

05

100%

Elève

100%

0%

0%

0%

01

100%

Source : données du terrain, Mars- Avril 2012 à Diarrabakôkô

Tableau 8 : Distribution des recours thérapeutique en fonction de la profession (en cas de fièvre jaune)

Recours

Profession

Moderne

Traditionnel

Mixte

Non réponse

Total

Effectifs

%

Salariés

100%

0%

0%

0%

03

100%

Agriculteurs

56,16%

34,25%

2,74

6,85%

73

100%

Eleveurs

75%

25%

0%

0%

04

100%

Secteur informel

0%

80%

0%

20%

05

100%

Elève

0%

100%

0%

0%

01

100%

 

Source : données du terrain, Mars- Avril 2012 à Diarrabakôkô

L'examen de ces données statistiques montre que les enquêtés exerçant des professions qui génèrent des revenus relativement réguliers, s'orientent plus vers la médecine moderne. En effet, que ce soit en cas de paludisme comme de fièvre jaune on constate que les salariés, les éleveurs et les élèves ont tendance à recourir à la médecine moderne soit respectivement 100% en cas de paludisme, 100% et 75% en cas de fièvre jaune pour les salariés et les éleveurs. Ces pourcentages s'expliquent par le fait que ces catégories sont sous-représentées dans notre échantillon. Par contre, le recours fréquent à la médecine traditionnelle est observable plus au niveau du secteur informel, soit 60% en cas de paludisme et 80% en cas de fièvre jaune. Les agriculteurs, par contre, ont un recours partagé mais avec une prédominance de la médecine moderne en cas de paludisme (82,19%) et de fièvre jaune (56,16%) des enquêtés. Ce qui peut être expliqué par l'homologie relative du rapport au paludisme entre acteurs du secteur informel et ceux du secteur agricole, des activités qui ne permettent pas une mobilisation immédiate des ressources monétaires pour faire face aux coûts des actes médicaux moderne. Deux enquêtés déclarent :

(...) Il y a trop d'ordonnances qui sont chères et ici les gens n'ont pas d'argent car nous sommes tous des agriculteurs. (Entretient avec B.Z., le 10/04/2012, Diarrabakôkô)

Je suis ici (CSPS) avec ma femme parce qu'elle a le sumaya. Moi je préfère le dispensaire tant que j'ai les moyens. (Entretien avec S.H, le 13/04/2012, Diarrabakôkô).

Il en résulte que la profession ne constitue pas en soi un facteur incitatif à l'orientation thérapeutique. Elle ne l'est que lorsqu'elle interagit avec le revenu tout comme la capacité àmobiliser le prix de l'acte médical. Un enquêté déclare : « il n'ya pas de crédits au dispensaire. Quel que soit le prix tu vas payer (entretien avec H.T, le 11/04/2012, Diarrabakôkô)». L'accès aux soins modernes s'opère donc à travers la capacité de chaque individu à mobiliser de l'argent à la survenue d'une maladie. C'est pour cette raison que Benoit (1991) affirme : « (...) les rapports entre la santé et l'argent (rythme de dépenses, circonstances, montants) sont bien différents selon le choix du mode de soin (moderne contre traditionnelle) de la part de la population » (in Ridde 2007 : 32).

Lorsqu'on analyse les recours thérapeutiques des enquêtés en fonction de leurs revenus, on s'aperçoit d'une diminution de la probabilité à recourir à la médecine moderne en cas de paludisme au fur et à mesure que les revenus augmentent. Par contre, on constate une probabilité élevée à choisir la médecine traditionnelle chez les enquêtés ayant un revenu annuel qui est compris entre [600000-650000[francs CFA. Ce qui relève de la logique d'anticipation des coûts de traitement. C'est ce que révèlent certains enquêtés:

Bon! S'agissant du coût du traitement du paludisme, je trouve que c'est abordable pour la population (entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô)

Si le sumaya est à son début, le docteur va te dire de payer les comprimés et souvent ça ne dépasse pas 1000 FCFA [...]. Mais si tu laisses quand la maladie s'aggrave, ça devient cher parce qu'on va te mettre l'eau (perfusion) ou on va l'envoyer à Banfora, au grand hôpital (entretien avec K.D.P, le 15/04/2012, Diarrabakôkô).

Cette même considération est retrouvée également en cas de fièvre jaune. En effet, on remarque un recours partagé et dispersé des enquêtés avec une probabilité élevée à choisir la médecine moderne lorsque les revenus diminuent, soit les revenus annuels compris entre [50000 - 100000[. Cette propension à s'orienter vers la médecine traditionnelle diminue quand les revenus augmentent, les revenus compris entre [700000 - 750000[.

Dans cette perspective, il convient de mentionner que le lien entre le revenu et le choix thérapeutique n'est pas systématiquement perceptible dans la mesure où avec la routinisation de l'expérience du paludisme et de la fièvre jaune les patients (économiquement indigents ou nantis) et leurs proches opèrent des choix stratégiques en fonction des opportunités de soins et des ressources (financières, symboliques, humaines) mobilisables pour leur traitement.

3.3- L'influence de la maladie sur les recours des enquêtés

La signification ou l'interprétation donnée à la maladie diffère d'un environnement social à un autre, d'un individu à l'autre. A cet effet, le choix d'une thérapie est lié au contexte social dans lequel évolue l'individu. Et pourtant, nos enquêtes montrent que les catégories de connaissance locales sur les deux maladies ne correspondent pas toujours à celles de la biomédecine. Les maladies sont décrites et nommées à partir des paradigmes populaires, ce qui influence le choix de l'orientation thérapeutique. Autrement dit, l'influence du paludisme et de la fièvre jaune sur le recours thérapeutique passe principalement par la perception de la nature et de l'étiologie de ces pathologies, les attitudes des enquêtés vis-à-vis de la médecine moderne et de sa gestion de ces maladies. En effet, l'observation du tableau 10 donne un aperçu des itinéraires thérapeutiques des enquêtés en fonction des deux maladies.

Tableau 9 : Distribution des recours thérapeutiques en fonction des maladies

Recours

Maladies

Moderne

Traditionnelle

Mixte

Auto

Traitement

Non

réponse

Total

Effectifs

0%

Paludisme

79,1%

12,8%

5,8%

2,3%

0%

86

100%

Fièvre jaune

54,7%

36,%

2 ,3%

0%

7%

86

100%

Source: données du terrain, Mars -Avril 2012 à Diarrabakoko.

Au regard des données recueillies, on constate une variation des fréquences des recours thérapeutiques en fonction de la maladie. En effet les proportions sont de 79,1% pour la médecine moderne, 12,8% pour la médecine traditionnelle, 5,8% pour le recours mixte, et 2,3% pour l'automédication en cas de paludisme. Ces fréquences passent ensuite en cas de fièvre jaune de 54,7% pour le moderne à 36% pour le traditionnel, 2,3% pour le mixte et 7% pour la proportion des non réponses. A ce niveau on signale qu'aucun enquêté n'a fait cas de l'automédication. Le constat qui se dégage est que le paludisme et la fièvre jaune ont une influence sur les recours thérapeutiques des enquêtés. La logique de la liaison entre ces maladies et ces différents recours s'explique par la logique sociale qui tourne autour de ces pathologies et qui conditionne l'adhésion à un traitement plutôt qu'à un autre. On pourrait parler entre autres du consensus observé dans la description médicale et profane des symptômes du paludisme, de la perception naturelle et évolutive de cette affection par les profanes dont le stade grabataire se rapporte à la fièvre jaune. En témoignent deux informateurs :

Le paludisme est une maladie grave car toutes les autres maladies proviennent de lui. Et il est présent à tout moment surtout en début de saison pluvieuse et la période des mangues et des karités (entretien avec S.H, le 13/04/2012, Diarrabakôkô). « Moi-même je pars souvent me faire consulter à l'hôpital. Seul le docteur sait ce qu'il y a dans le sang. On peut commencer avec eux pour terminer avec la nôtre (entretien avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)».

Au regard des résultats, l'idée selon laquelle les représentations sociales de la maladie conditionnent les recours thérapeutiques se vérifie. Mais il est possible que certaines caractéristiques des services offertes influencent les recours thérapeutiques des patients de Diarrabakôkô.

3.4- L'influences des caractéristiques des services médicaux sur les recours thérapeutiques.

Dans le champ médical où la médecine moderne et la médecine traditionnelle sont tantôt en compétition, tantôt complémentaires, le choix d'une thérapie dépend également de certaines caractéristiques des services médicaux telles que la qualité ou l'efficacité, et l'accessibilité géographique et financière des actes médicaux. En effet, en plus des praticiens traditionnels (pour la plupart guérisseurs), le village de Diarrabakôkô dispose depuis 1984 d'un CSPS du fait de sa position géographique sur l'axe Banfora-Niangoloko. La raison géographique dans l'implantation des structures sanitaires périphériques est soutenue par Meunier: « En effet, si les CSPS sont placés dans les villages les plus peuplés, ils sont tous situés le long des voies de communications pour permettre, selon les considérations de l'Etat, une utilisation maximum des services offerts (2000 :250)».

Le CSPS, en tant que premier échelon de soin, est une structure sanitaire de base du système de santé qui a un effectif de 5 personnes dont le Major qui est un infirmier diplômé d'Etat (IDE). De plus, le CSPS dispose de 3 bâtiments dont une maternité, un bâtiment pour la consultation, les soins et la mise en observation et enfin une pharmacie. La salle de mise en observation dispose seulement de 5 lits pour toute cette population de Diarrabakôkô et les villages environnants. Des statistiques témoignent de la forte fréquentation du CSPS par les enquêtés, soit 100%, or que le taux de fréquentation dans la localité est de 75%. Mais, il est à signaler que ce fort taux de fréquentation n'a rien d'absolu car si tous les enquêtés fréquentent le CSPS, seulement 56,98% la fréquentent régulièrement, 11,63% au début de la maladie, et 31,39% irrégulièrement.

Concernant les raisons de la fréquentation, le paludisme est la première affection qui amène la population au CSPS. Selon un agent de santé que nous avons enquêté, il représente 93,02% des causes de consultation et de mise en observation à Diarrabakôkô. Dans le même sens, le tableau de bord (2009) dévoile que : « au cours des cinq dernières années, plus du tiers des consultations, des hospitalisations et des décès (hôpitaux y compris) est attribuable au paludisme dans les structures de santé ».

Par ailleurs, le fort taux de fréquentation du CSPS par les enquêtés se justifie à travers les propos d'un agent de santé :

Je l'ai dit tantôt, nous organisons souvent des causeries-débats afin de les inciter à fréquenter le CSPS, surtout les femmes et les enfants qui sont les plus vulnérables. Nous les faisons d'ailleurs de concert avec les tradipraticiens qui sont à mon avis bien écoutés et respectés ici puis que les gens les connaissent tous (entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô).

Au travers de ces discours apparait la collaboration entre ces deux médecines qui sont utilisées de façon alternées selon la perception que cette population a de la qualité et/ou l'efficacité des services. En effet, la comparaison entre CSPS et les praticiens traditionnels témoigne de l'importance que les enquêtés accordent aux services modernes du fait de la crédibilité dans leurs diagnostics, en témoigne un enquêté : « (...) Alors qu'au dispensaire le diagnostic est précis, tandis que celui de la médecine traditionnelle est imprécis et peut entrainer des dommages (entretien avec H.B.P, le15/04/2012, Diarrabakôkô)».

Une herboriste ajoute : « (...),les gens partent d'abord au dispensaire avant de venir nous voir. [... ] Si quelqu'un vient nous voir pour une maladie, nous lui disons d'aller d'abord au dispensaire voir ce qui ne va pas et ce qui pose problème avant de venir ». (Entretien avec C.A, le 22/04/2012, Banfora).

Il ressort de ces discours que le recours direct au CSPS témoigne d'une recherche de soignant compétent, mais l'insuffisance de lit pour la mise en observation contraint les agents de santé à libérer des malades parfois non guéris et évacuent d'autres sur Banfora. Le tableau 11 donne un aperçu de la distribution de la perception locale du traitement biomédical du paludisme et la fièvre jaune en termes d'efficacité/inefficacité.

3.4.1- Perception locale du traitement biomédical du paludisme et de la fièvre jaune

Tableau 10 : Perception par maladie du traitement biomédical

Perception traitement

Maladie

Efficace

Pas trop efficace

Inefficace

Ne sait pas

Total

Effectifs

0%

Paludisme

58,1%

40,7%

1,2%

0%

86

100%

Fièvre jaune

2,3%

25,6%

12,8%

59,3%

86

100%

Source: données du terrain, Mars -Avril 2012 à Diarrabakôkô.

Ce tableau est important car il montre en premier lieu, que le traitement biomédical du paludisme est efficace comparativement au traitement de la fièvre jaune. En effet, 58,1% des enquêtés trouve le traitement du paludisme efficace, seulement 2,3% le trouvent en cas de fièvre jaune. L'efficacité, entendue en termes de diagnostic précis et de disponibilité des médicaments antipaludéens au début de la maladie du fait de la forte consommation d'aliments sucrés comme l'atteste ce discours d'un enquêté : « Le traitement du paludisme est bien surtout avec les aliments que nous mangions aujourd'hui » (entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô). Ce qui sous-tend que le traitement au CSPS se résume à la prévention. Le terme « pas trop efficace » fait allusion à la capacité de cette médecine à calmer rapidement le mal (pourtant la médecine traditionnelle guérie). Un enquêté avoue : « (...)c'est comme les comprimés du paludisme qu'on vend au dispensaire. Quand tu prends, ça ce calme et après tu vois, la maladie revient (entretien avec H.B, le 12/04/2012, Diarrabakôkô)».

En outre, le traitement biomédical de la fièvre jaune est perçu inefficace par 12,8%, des enquêtés, contre 1,2% pour le paludisme. L'explication qui se dégage est que la fièvre jaune est perçue comme une maladie dangereuse dont le traitement par la médecine moderne peut conduire à la mort. Selon des enquêtés notamment les tradi-thérapeutes, la médecine traditionnelle est plus habilitée à traiter cette pathologie. Deux praticiens témoignent :

« C'est une maladie qui n'aime pas la piqure. C'est très dangereux de la traiter au dispensaire. ' 'Bana mi lo a ti toubabou fia Je" (c'est une maladie qui n'aime pas médicament de blancs) (entretien avec H.B, le 12/04/2012, Diarrabakôkô).

« Quand tu as à cette maladie, c'est mieux de faire le traitement traditionnel car il est efficace. Au dispensaire, si on te fait la piqure, tu peux mourir. Les docteurs (infirmiers) savent maintenant c'est pourquoi, c'est si tu as le sumaya, ils te mettent l'eau (perfusion) ; ils ne te piquent plus (entretien H.T, le 11/04/2012, Diarrabakôkô).

Il ressort que, la représentation que l'on fait d'une thérapie sur sa capacité à traiter telle ou telle affection influence beaucoup sur son choix.

Par ailleurs, le constat de terrain révèle une bonne qualité relationnelle soignants/soignés, entre praticiens modernes et praticiens traditionnels en témoigne les causeries-débats organisées par les agents de santé en collaboration avec les praticiens traditionnels en vue d'inciter la population à fréquenter le CSPS comme le note un agent de santé : « Nous collaborons très bien avec eux. Ce sont eux-mêmes qu'on met au-devant de nos sensibilisations surtout les femmes et les enfants à fréquenter le CSPS en cas de maladies (entretien avec M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô) ». S'agissant de la complémentarité entre ces deux médecines un informateur atteste :« (...)«cunsigui challiani ti ce ka li a kelen » (une tête touffue ne peut pas se raser seule (entretien avec S.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô) ». Mais, même si cela témoigne de la bonne qualité de leur relation avec les infirmiers, il est à signaler que ces derniers s'alarment à juste titre devant les retards de consultations, ce qui justifie du même coup cette fréquentation accrue du CSPS comme nous pouvons le constater à travers ces propos d'un agent de santé :

(...) ils laissent quand la maladie s'aggrave avant de venir ici. Donc pour éviter cela nous les exhortons à venir consulter dès le début de la maladie surtout que le CSPS est à côté. Ben ! Je peux dire que le message est passé puisque la population fréquente maintenant (entretien avec M., le 14/04/2012, Diarrabakôkô) ».

De ce qui précède, il reste que la relation prescriptrice-malade qui est une relation sociale construite diversement à la fois selon le contexte dans lequel elle se déroule mais aussi selon les protagonistes de cette relation. La caractéristique de cette relation dans le cadre de notre étude a été observée sur le rapport des enquêtés aux services médicaux (consultation, hospitalisation) du CSPS.

Cependant, le recours immédiat des enquêtés au CSPS s'inscrit non pas dans une logique de confiance dans le traitement mais dans une logique de réduction du coût d'utilisation comme l'attestent ces enquêtés :

« Mais, l'ordonnance du dispensaire est cher surtout quand on laisse la maladie s'aggraver. On peut même t'envoyer au grand hôpital de Banfora. C'est ce que les gens évitent raison pour laquelle au début de la maladie ils se rendent là-bas avant de venir continuer le traitement avec pour nous (entretien S. S, le 10/04/2012, Diarrabakôkô».

« Bon ! Ça dépend, si tu pars tôt au dispensaire, le traitement du paludisme ne dépasse pas 1000F CFA. Ce sont les comprimés que tu vas payer (entretien avec H.T, le 11/04/2012, Diarrabakôkô) ».

3.4.2- Perception du coût du traitement biomédical du paludisme et de la fièvre jaune

Il ressort de l'enquête que le coût direct d'utilisation du CSPS, pris en terme de mode de tarification du traitement a un impact positif sur le recours des enquêtés étant donné que les écarts de prix entre les formations sanitaires et la médecine traditionnelle sont variables. A ce titre, le tableau 12 donne une idée de la perception du coût du traitement biomédical.

Tableau 11 : Perception du coût du traitement biomédical en fonction des maladies

Perception du coût

Maladies

Cher

Pas trop cher

Moins cher

Ne sait pas

Total

Effectifs

0%

Paludisme

3,5%

88,4%

3,5%

4,6%

86

100%

Fièvre jaune

1,2%

4,6%

0%

94,2%

86

100%

Source: données de terrain, Mars- Avril 2012 à Diarrabakôkô

A la question de savoir la perception du coût du traitement biomédical du paludisme, 88,4% des enquêtés ne trouvent pas trop cher en référence au prix des produits antipaludéens qui sont pour la plupart en générique. En effet, l'OMS dans le souci d'atteindre leurs objectifs qui est « la santé pour tous d'ici l'an 2000 » a recommandé des médicaments ACT qui est une combinaison de médicaments antipaludéen afin que le prix ne soit plus une barrière pour les indigents. Comme le mentionne Ridde « La situation de l'accessibilité aux médicaments essentiels est globalement favorable d'un point de vue géographique. Les médicaments sontmaintenant plus près des populations (2007 :44) ». En outre, il convient de mentionner que l'accessibilité des médicaments essentiels n'est pas seulement que géographique, elle est aussi financière car le coût des produits est calculé en fonction de la capacité des indigents à mobiliser les ressources monétaire surtout dans le traitement du paludisme, en témoigne le major du CSPS :

Bon ! S'agissant du coût du traitement du paludisme, je trouve que c'est abordable pour la population. Par exemple, pour un début de palu, le traitement se limite à une ordonnance qui ne dépasse pas 1000F. Les trois comprimés du paludisme coûte 100F, plus deux plaquettes de paracétamols à 160F donc pour le traitement d'un enfant de 5-14ans. Les trois comprimés font 200F et les adultes, 300F. Pour les enfants de 0-5ans tu as 400F de paracétamol plus 500F d'amoxicilline sirop. Ce qui fait 900F et je trouve abordable surtout avec les produits génériques. (...). Bon ! La consultation ici au CSPS est 75F pour les enfants et 100F pour les adultes (...) (entretien avec M, le 14/04/2012, Duarrabakôkô).

Ce qui justifie l'équité et l'efficacité recherchée par la mise en oeuvre de l'I.B en 1993 afin de réduire les inégalités d'accès aux soins. Et pourtant, les différences de conditions sociales sont des marqueurs de différences sanitaires. De ce fait, l'équité et l'efficacité ne peuvent pas rimés étant donné qu'il existe deux catégories de produits que sont : les spécialités et les génériques. Ce qui sous-tend que l'équité rime avec le traitement à base du générique tandis que l'efficacité s'allie avec le traitement à base de spécialités. Sur la base d'un tel constat, la santé n'a pas de prix, d'où la survivance des inégalités d'accès aux soins comme le stipule Ridde « La mise en oeuvre de l'IB n'a pas permis l'amélioration de l'accès aux soins des plus pauvres alors que pour le plus grand nombre, la situation est devenue relativement plus acceptable qu'auparavant (2007 : 22) ».

Par ailleurs, il est à signaler que 94,2% des enquêtés ne se sont pas prononcés sur la perception du coût du traitement de la fièvre jaune. Ce qui laisse percevoir une méfiance au traitement biomédical de cette pathologie et aussi de la confiance et l'efficacité accordée à la médecine traditionnelle en témoigne ce faible taux 4,6% des individus qui perçoivent le traitement biomédical pas trop cher. De plus, on note une perception égale des individus soit 3,5% qui jugent le traitement du paludisme cher et moins cher en même temps. En effet, la cherté revient chez les enquêtés à la mise en observation et à l'évacuation vers le CHR de Banfora :

Bon ! Moi je trouve que le traitement moderne du paludisme est aussi efficace, mais je trouve ça cher surtout quand on va te mettre l'eau. Moi j'ai eu à payer 15 000F lors de la maladie de mon enfant. Il avait le sumaya et nous fait 3 jours au dispensaire et chaque jour, on te donne une nouvelle ordonnance à payer. C'est plus encore si on t'envoi à l'hôpital de Banfora (entretien avec K.M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô).

Ce que je peux trouver cher, c'est lorsqu'il s'agit de placer une perfusion ou en cas d'évacuation au CHR de Banfora. Bon ! La perfusion ne dépasse pas 6000F (entretien avec, le 14/04/2012, Diarrabakôkô).

Un autre informateur signale : « Le traitement en cas de paludisme n'est pas trop cher mais ça tourne autour de 1000F à 1500F (entretien avec K.M, le 14/04/2012, Diarrabakôkô».

Il en résulte que la perception du coût du traitement biomédical de ces pathologies est fonction de leur degré de gravité et de l'estimation du coût direct selon les enquêtés.

Tableau 12 : Estimation du coût du traitement biomédical en fonction des maladies (en francs CFA)

Estimation coût

Maladies

[1000F-8000F]

[8000F-15000]

Dépend de la gravité

Ne sait pas

Total

Effectifs

0%

Paludisme

30,2%

2,3%

60,5%

7%

86

100%

Fièvre jaune

0%

0%

0%

100%

86

100%

Source: données de terrain, Mars-Avril 2012 à Diarrabakôkô

En effet, lorsqu'on observe ce tableau ci-dessus, on s'aperçoit que 60,5% des enquêtés estiment que le coût direct relatif aux services médicaux varient avec la gravité de la maladie surtout en cas de paludisme. Ceux qui perçoivent par contre le traitement pas trop cher soit 30,2% estiment le cout dans l'intervalle de [1000F-8000F] CFA. Comparativement au paludisme, on constate que 100% des enquêtés n'ont pas une estimation du coût en cas de fièvre jaune. Ce qui s'explique par un recours important à la médecine traditionnelle à la survenue de cette maladie non pas seulement dans une logique de réduire le coût, mais aussi et surtout par manque de confiance au traitement biomédical de la pathologie. En dernière instance, sur la base d'un tel constat, nous pouvons dire que si les caractéristiques des services de santé modernes constituent des facteurs incitatifs au recours aux soins, il reste que son traitement se limite dans la conception des enquêtés à la précision de son diagnostic et à sa capacité calmer la maladie. Ce qui témoigne de sa forte sollicitation à la survenue d'une pathologie perçue naturelle comme le paludisme.

Par ailleurs, si la médecine traditionnelle vient en seconde position dans le choix thérapeutique des enquêtés, ce n'est pas pour autant qu'elle est secondaire puisqu'elle intervient plus dans le traitement curatif de ces maladies et surtout la fièvre jaune, ce qui met en exergue la complémentarité de ces deux médecines. Dit autrement, la médecine moderne interviendrait pour la prévention et médecine traditionnelle pour la guérison et ce, selon la perception des enquêtés. Cela est compréhensible lorsqu'on observe ce tableau 14 qui donne un aperçu du changement thérapeutique en fonction de ces maladies.

Tableau 13 : Changement du recours thérapeutique en fonction des maladies

Changement de

Recours

Maladies

Changement thérapeutique

Pas de changement thérapeutique

Non réponses

Total

Effectifs

0%

Paludisme

81,4%

18,6%

0%

86

100%

Fièvre jaune

52,3%

39,5%

8,2%

86

100%

Source: données de terrain, Mars-Avril 2012, à Diarrabakôkô

En effet, l'examen de ce tableau montre que malgré le fort recours à la médecine moderne, bon nombre d'entre eux changent de recours surtout en cas de paludisme qui est la maladie conduisant le plus au dispensaire. Ainsi sur la proportion des enquêtés qui ont recours à cette médecine, 81,4% d'entre eux change de recours contre 18,6% qui ne change. Les raisons avancées pour justifier ce changement est la complémentarité de la médecine moderne et de la médecine traditionnelle comme l'atteste un enquêté : « seuls les docteurs savent ce qu'il y a dans le sang on peut commencer avec eux pour terminer avec pour nous. « Am bè nà ka ta ga bolo » (chacun à sa route) et « bolo fla lo bi djen ka gnogon ko » (ce sont les deux mains qui se lavent) (entretien avec B.Z, le 10/04/2012, Diarrabakôkô)

En plus de cela, d'autres raisons sont avancées comme la persistance de la maladie et l'échec du traitement moderne de cette maladie. Comparativement au paludisme, la fièvre jaune où le recours est partagé, on constate que 52,3% changent de recours contre 39,5% qui n'en changent pas. Il est à noter que si la proportion de ceux qui ne changent pas de recours est un peu élevé, c'est parce que la médecine traditionnelle était le premier recours adopté par beaucoup d'entre eux tout comme au regard de leurs perceptions du traitement biomédical de cette affection. A ce niveau, la raison justificative est non pas la complémentarité mais la confiance en la médecine traditionnelle, dans la gestion de cette maladie. Ce qui place du même coup ces deux médecines en compétition.

De ce qui précède, il reste que les enquêtés s'inscrivent dans une logique de « rationalité en finalité » (dans le sens de Weber) dans l'évaluation de ces deux médecines. Au travers de nos analyses, nous pouvons dire que l'adhésion à un traitement plutôt qu'à un autre est beaucoup influencé par le genre, la nature et les représentations sociales locales ces maladies que par le niveau d'instruction, la profession, le revenu. Ce qui implique la connaissance des plantes médicinales à même de contre balancer le coût des services de santé modernes, et d'assurer la santé pour tous.

CHAPITRE III : Connaissances locales, procédures d'utilisation et stratégies de conservation des plantes médicinales dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune.

La connaissance des plantes médicinales tout comme la connaissance d'autres phénomènes s'inscrit dans un champ bien défini et varie selon la culture locale, voire les "structures sociales" étant donné qu'elle dérive des expériences sociales. En effet, parler de la connaissance locale des plantes médicinales et des procédures thérapeutiques, c'est faire référence avant tout à la pharmacopée traditionnelle qui relève elle-même de la médecine "traditionnelle" ou ancestrale. Différentes de la médecine "conventionnelle" ou "formalisée" par son mode d'acquisition et de transmission, par sa pluralité, son hétérogénéité et sa variabilité, ces pharmacopées traditionnelles ont une particularité, selon Kerharo. Elles sont « toujours faites à base de drogue végétale, prennent leur sources non seulement dans la diversité des groupements humains, des langues, des coutumes et des techniques, mais aussi dans la diversité du climat, du sol, de la flore (Kerharo (1974 :11)». Ainsi, il sera question dans ce chapitre, de la thérapie de ces maladies par les plantes médicinales qui se range naturellement en deux catégories fondamentales : les connaissances et les modes d'utilisations. Les premières sont des états du savoir, les secondes des savoir-faire. Et entre ces deux classes de faits, il y a toute la différence qui sépare les connaissances des modes d'utilisation.

I. Des connaissances locales des plantes médicinales dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune

Le paludisme et la fièvre jaune sont des maladies invalidantes de l'ancien régime et plus particulièrement le paludisme qui est aussi du nouveau régime puisqu'elle constitue la principale cause de consultation, d'hospitalisation et de décès dans les formations sanitaires du Burkina Faso d'où un problème de santé publique. Sa transmission reste permanente toute l'année dans les régions du Sud et du Sud-ouest si bien que très peu de personnes s'en échappent, beaucoup en meurt. Cet état de fait traduit non seulement l'impuissance de la biomédecine face à l'épisode pathologique mais aussi les couts directs et indirects d'accès aux soins médicaux qu'ont à supporter les ménages chaque année dans le monde rural où lacapacité de mobilisation des ressources monétaires n'est pas chose aisée. Et, portant, en historicisant ce fait de maladie et sa gestion, il ressort de nos différentes lectures que cette alarmante pathologie était combattue par l'usage des plantes avant même que « Don Francisco Lopez de Cannizare puisse se rendre compte lui-même de l'heureux effet de l'écorce de l'arbre "kinkina" (Lapeysonnie 1988 : 46) d'où est extrait la pure quinine active dans le traitement de l'accès palustre. Un informateur atteste que :

La quinine extrait du kinkena qui est un arbre retrouvé chez les indiens d'Amérique du Sud. En Guinée Conakry, les européens avaient une plantation de cette plante. Seule la quinine est autorisée en monothérapie et qui demeure le remède le plus efficace contre le paludisme (entretien avec DPZ, le 20/04/2012, Banfora).

Ainsi, l'histoire de la médecine moderne tire ses origines de la médecine traditionnelle qui relève d'un « véritable art de guérir dont l'exécutant est le " médecin" et l'instrument, la "pharmacopée"; une pharmacopée riche et nuancée dont la connaissance sans vademcum, formulaire ou codex, se transmet de génération en génération chez les féticheurs, les guérisseurs, les sorciers, par l'enseignement pratique des maîtres et la tradition orale » (Kerharo et Bouquet 1950 : 94).

Cependant, loin d'être seulement une réplique à l'impuissance de la biomédecine, il faut noter que l'utilisation des plantes médicinales est devenue une sorte de phénomène social total qui s'impose à la conscience collective, des "indigents" aux plus favorisés. Leur connaissance émane de la culture somatique et thérapeutique de Diarrabakôkô où il existe un éventail extrêmement varié de plantes médicinales entrant dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune, perçus comme deux formes d'une même maladie. A cet effet, le constat de terrain révèle la connaissance d'une abondance de drogues végétales selon le sexe et les maladies.

Tableau 14 : Distribution de la connaissance des plantes par sexe et par maladie

Maladies

Sexes

Paludisme

Fièvre jaune

Maladies

Sexe

 
 

Paludisme

Fièvre jaune

Femmes

Oui

Non

Oui

Non

100%

0%

44,1%

55,9%

Hommes

94,2%

5,8%

46,1%

53,9%

Source: données du terrain du 30 Mars-Avril 2012 à Diarrabakôkô

Cette analyse statistique montre que les enquêtés connaissent plus de plantes dans la cure du paludisme et les femmes en connaissent plus (100%) que les hommes (94,2%). Comparativement à la connaissance des plantes dans le traitement du paludisme, la connaissance des plantes dans celui de la fièvre jaune est moindre chez les enquêtés. En effet, 55,9% des femmes disent n'en pas avoir connu contre 46,1% chez les hommes. La plus grande connaissance des plantes dans la cure du paludisme pourrait s'expliquer par la perception différentielle de ces pathologies.

Le paludisme de par sa nature récurrente et recrudescente fait grever chaque année la bourse des individus. Donc tous les moyens sont bons pour lutter contre, d'où la large diffusion des connaissances sur les espèces propres à y faire face surtout chez les femmes qui sont durablement touchées par cette affection avec leur progéniture. A propos, nous sommes en présence d'un savoir commun populaire partagé dans cette société goin sur les plantes médicinales dans le traitement du paludisme. En ce sens, toute la population est investie de la mission curative même si certains en sont des spécialistes à travers la nature des espèces végétales qu'ils utilisent et les modes d'acquisition de leurs savoirs. Par contre, la moindre connaissance des enquêtés sur les espèces entrant dans la cure de la fièvre jaune proviendrait de son caractère inhabituel et dangereuse. De ce fait, son traitement incomberait plus aux spécialistes de la médecine traditionnelle dont le savoir médical apparait toujours aux yeux des profanes comme possesseur du pouvoir traditionnelle dont la légitimité découle des ancêtres des génies même si certains enquêtés en connaissent ; ce qui relève dans ce cas d'un savoir commun spécialisé et non spécialisé. Ainsi, après l'étude de la connaissance ou non des plantes entrant dans la thérapie de ces maladies, il s'agit à présent, de déterminer celles que les enquêtés connaissent le plus ou moins à travers leurs fréquences calculées sur la base du nombre de fois qu'elles ont été mentionnées au sein de chaque catégorie d'âge. A cet effet, sont considérées comme les plus connues, les espèces ayant une fréquence supérieure ou égale à 5%. Soit fi = 5% et les moins connues sont celles qui ont fréquence inférieure à 5%. Soit fi < 5

Tableau15 : Connaissance des espèces par âge entrant dans le traitement du paludisme

Espèce connues Ages

[18-35]

[35-52]

[52 et +]

Noms scientifiques

Noms locaux goin/jula

%

%

%

Eucalyptus camaldulensis

Yrii djan

12,16

7,29

7,26

Carica papaya L.

Papayer yrii

14,86

7,29

5,65

Maanguifera indica

Mangoro yrii

10,81

2,08

0,81

Anofeissus leiocarpa

Guamungu/Kerekete

6,76

16,67

12,90

Cassia occidentalis L.

Kinkeliba

6,76

0

3,22

Cassia sieberiana

Guanguamberè/Sindjan

5,41

10,42

9,68

Tamarindus indica

Guanguantchogo/Tomi

4,05

1,04

2,42

Sanna siamea

Cassia

2,70

1,04

3,22

Guiera senegalensis

Tcholipupu/Kunguè

1,35

2,08

1,61

Trichilia emetica

Nicorpiele/Sulafinssan

1,35

2,08

0

Végétal non identifié

Bomboromafian

1,35

6,25

5,65

Nauclea latifolia

Tchofian/Bati

1,35

6,25

4,84

Végétal non identifié

Sonsolon/Ladon

1,35

1,04

4,23

Entada africana

Guampanle/Samanere

0

6,25

2,42

Citrus limon L.

Citron/Lemurukumu

0

1,04

0,81

Vitellaria paradoxa

Musungu/Karite

0

1,04

1,61

Végétal non identifié

Cossafina

16,22

3,96

7,50

Azadirachta indica

Neem yrii

13,51

12,50

10,48

Cola cordifolia

Sulamangoro

0

1,04

0

Piliostigma resticulatum

Pimbemungu/Yama

0

2,08

1,61

Vitex chrysocarpa

Koto yrii

0

2,08

0

Végétal non identifié

Cohilo/Tutu mussoman

0

1,04

1,61

Lannea microcarpa

Tantambilan / Pegun

0

1,04

1,61

Pteleosis suberosa

Djumatcholo

0

0

2,42

Ipomea asarifolia

Gonkagni/Dugumad iala

0

0

2,42

Mitragyna inermis

Anfian/Dun yrii

0

1,04

2,42

Végétal non identifié

Hienfiandjantan

0

0

2,42

Terminalia avicenniodes

Wolon/Wara yrii

0

1,04

0

Végétal non identifié

Karognu/Tutu tcheman

0

1,04

0

Végétal non identifié

Teregue yrii

0

0

0,81

Psidium guajava

Goyaki yrii

0

1,04

1,61

Canthium

Ladjifofana

0

0

0,81

Total

 

100%

100%

100%

Source : données du terrain, Mars-Avril 2012 à Diarrabakôkô

Aussi, les espèces connues dans la cure de ces deux pathologies varient non seulement avec l'âge, le sexe, leur nature, la maladie mais aussi avec les tradis-thérapeutes. En effet, l'observation de ce tableau 15 ci-dessus, relatif à la distribution des espèces connues dans le traitement du paludisme permet de voir une variation en nombre et en nature au fur et à mesure que l'âge augmente. En effet, s'inscrivant dans la tranche d'âge de [18-35[, on dénombre seulement 15 espèces dont les plus connues sont ''cossafina''(16,22%), Carica papaya (14,86%), Eucalyptus camaldulensis ''Yrii djan''(12,16%) et Azadirachta indica ''neemier'' (13,51%), Manguifera indica ''manguier'' (10,81%).Le constat est que toutes ces espèces sont exotiques et se retrouvent pour la plus part dans les espaces socialisés du village. En outre, lorsqu'on s'inscrit dans la catégorie d'âge de [35-52[le constat de terrain relève 11 espèces de plus et celles qui sont les plus connues sont Anofeissus leiocarpa ''Guamungu''en langue goin et ''kerekete''en jula (16,67%), Azadirachta indica (12,50%), Cassia sieberiana ''guanguambere''en goin et ''sindjan''en jula (10,42%). Par contre, dans l'intervalle d'âge [52 et + [, sont inventoriés 2 espèces de plus que la seconde et 15 que la première catégorie d'âge dont les plus connues sont Anofeissus leiocarpa "guamungu" (12,90%) Azadirachta indica (10,48%); Cassia sieberiana "guanguambere" (9,68%). Lorsqu'on essaie d'analyser, on s'aperçoit que le nombre des espèces augmente avec l'âge et les fréquences des plantes les plus connues varient en fonction de leur nature. Azadirachta indica et Anofeissus leiocarpa semble être les plantes les plus connues dans le traitement du paludisme.

Tableau 16: Connaissance par sexes des plantes dans le traitement du paludisme

Espèces connues Sexe

Femmes

Hommes

Noms scientifiques

Noms locaux guoin, jula

Fréquences%

Fréquences%

Eucalyptus camaldulensis

.../Yrii djan

4,44

10,37

Anofeissus leiocarpa

Guamounou/Kerekete

15,56

10,37

Azadirachta indica

.../Neemyrii

13,33

10,37

Végétal non identifié

Bomboromafian/

10

1,48

Cassia sieberiana

Guanguambere/Sindj an

6,67

10,37

Cassia occidentalis L.

.../Kinkeliba

3,33

2,96

Manguifera indica

../ Mangoro yrii

3,33

3,70

Végétal non identifié

.../Cossafina

4,44

7,41

Carica papaya L.

... /Papayeryrii

6,67

6,67

Sanna siamea

.../Cassia

1,11

1,48

Nauclea latifolia

Tchofian/Bati yrii

4,44

6,67

Tamarindus indica

Guanguantchogo/Tomi yrii

3,33

2,96

Vitellaria paradoxa

Musungu/Si yrii

2,22

0,74

Pteleosis suberosa

Djoumatcholo

3,33

0

Ipomea asarifolia

Gonkagni/Dugumadj ala

3,33

0

Végétal non identifié

Hienfiendjantan

3,33

0

Mitragyna inermis

Anfian/Dun yrii

2,22

0,74

Piliostigmo resticulatum

Pembimungu/Yama yrii

2,22

2,22

Guiera senegalensis

Tcholipupu/Kungue yrii

4,44

0,74

Végétal non identifié

Karognu/Tutu tcheman

1,11

0

Terminalia avicenniodes

..../Wolon yrii

1,11

0

Trichilia emetica

Nicorpiele/Sulafinssan

0

1,48

Végétal non identifé

Sonsolon/Ladon

0

4,44

Entada africana

Guampanle/Samanere

0

5,94

Cola cordifolia

.../Sulamangoro

0

0,74

Citrus limon L.

.../Lemurukumuyrii

0

1,48

Psidium guajava

. /Goyaki yrii

0

0,74

Végétal non identifié

Cohilo/Tutu mussoman

0

2 22

Vitex chrysocarpa

/Koto yrii

0

1,48

Lannea microcarpa

Tantambilan/Pegun yrii

0

1,48

Canthium

.../Ladjfofana

0

0,74

TOTAL

 

100%

100%

Source: données de terrain, Mars -Avril 2012 à Diarrabakôkô.

Ensuite, lorsqu'on essaie de voir la fréquence des espèces connues par sexe sur ce tableau 16, on se rend compte que certaines plantes sont plus connues par les deux sexes mais avec une fréquence beaucoup plus élevée chez les femmes au niveau des plantes comme Anofeissus leiocarpa (15,56%), Azadirachta indica (13,37%) contre (10,37%) pour chacune de ces espèces chez les hommes. Par contre, seule la connaissance de Cassia sieberiana (Guanguambere) en locale est élevé chez les hommes (10,37%) que chez les femmes (6,67%). Il faut noter aussi une fréquence égale de la connaissance de Carica papaya chez les enquêtés soit (6,67%). En outre, le constat révèle un taux de connaissance élevé des plantes telles Ecalyptus camaldulensis (10,37%), Cossafina (7,41%) dont nous n'avons pas pu déterminer le nom scientifique, Nauclea latifolia tchofian en goin (6,67%) et Entada africana Guanguambere en goin (5,94%) chez les hommes que chez les femmes qui en ont une moindre connaissance soit respectivement 4,44% pour les trois premières plantes et aucune connaissance de la dernière. Inversement, on note chez les femmes une grande connaissance de la plante appelé en langue locale goin Bomboromafian à 10% et l'est moins chez les hommes soit 1,48%. De plus, il est à signaler que d'autres espèces, connues faiblement par les femmes telles Pteleosis suberosa (Djoumatcholo), Ipomea asarifolia (Gonkagnie), Hienfiandjatan avec une fréquence respective de 3,33% chacune sont en revanche méconnues des hommes car entrant dans la cure de certaines fièvres des enfants tel que la fissure anale comme le souligne cet enquêté :

Bon ! Moi j'utilise 5 plantes que je prépare dans un même canari pour soigner la fièvre des enfants. Tu enlèves les feuilles de Tomi, karité, Djoumatcholo (les tiges) les feuilles de Gonkagnie, Hienfiandjantan (tiges) et tu prépares ensemble ; mais comme je te l'ai indiquée, c'est comme ça il faut mettre dans le canari, bouillir, faire boire à l'enfant et le laver avec matin et soir (entretien avec S.I., le 10/04/2012).

Ce qui justifie aussi ce faible niveau de connaissance des femmes car relevant d'un savoir-faire dans l'association et la mise en canari des plantes. De même, le constat montre que des plantes connues par les hommes comme sonsolon (4,44%), Guampanlè (5,94%) sont méconnues par les femmes surement à cause des règles qui codifient l'accès aux différentes parties indispensables à l'utilisation telles que les écorces, les racines car dans les milieux traditionnels, l'extraction de ces parties est réservée aux hommes a déclaré un enquêté : « C 'est moi-même qui part enlever mes plantes en brousse parce que si tu envoies quelqu'un la personne peut tout mélanger. Souvent aussi, j'achète avec les tradi praticiens surtout les racines car les femmes n'enlèvent pas les racines (entretien avec C.A., le 22/04/2012) ».

Du reste, ce système de classement des parties par sexe relève de ce que Bourdieu appelle la "distinction" où les feuilles symbolisent la féminité et l'écorce et les racines, la masculinité

Tableau17 : Connaissance des plantes par âge dans le traitement de la fièvre jaune

Espèces Ages

Connue

[18-35 [

[35-52 [

[52 et + [

Noms scientifiques

Noms locaux goin/jula

Fréquences %

Fréquences%

Fréquences %

Végétal non identifié

Sonsolon

0

4,26

12,50

Nauclea latifolia

Tchofian/Bati

33,33

14,89

16,07

Cassia sieberiana

Guanguambere/Sindjan

0

10,64

5,36

Cola cordifolia

Sulamangoro

0

2,13

0

Anofeissus leiocarpa

Guamungu/Kerekete

0

17,02

16,07

Entada africana

Guampanle/Samanere

0

6,38

0

Vitellaria paradoxa

Mussungu/Karite

0

2,13

0

Tamarindus indica

Guanguantchogo/Tomi

0

4,26

1,78

Parkia biglobosa

Bwaun/Nere

33,33

6,38

5,36

Végétal non identifié

Kongobarni

0

2,13

1,79

Terminalia aviceniodes

Wolon yrii

0

2,13

1,79

Mitragyna inermis

Afian/Dun yrii

0

2,13

1,79

Daniella oliveri

Gnanle

0

2,13

3,57

Végétal non identifié

Bomboromafian

0

10,64

5,36

Piliostigma resticulatum

Pembinmungu/Yama

0

2,13

0

Azadirachta indica

Neem yrii

0

6,38

3,57

Végétal non identifié

Miminanbwa

0

2,13

3,57

Calotropis porcera

Diaware

0

0

7,14

Lannea microcarpa

Tantambilan/Pekun

0

0

3,57

Végétal non identifié

Siyele/Djoro yrii

0

0

0

Végétal non identifié

Tchatere/Wo yrii

0

0

0

Annona senegalensis

Tobre/Lombolombo

0

0

1,79

Trichilia emetica

Nicorpiele/Sulafinssan

0

0

1,79

Cochlospernum planchonii

N'dribala

33,34

0

3,57

Végétal non identifié

Dabruhain

0

2,13

1,79

Total

 

100%

100%

100%

Source: données du terrain, Mars -Avril 2012 à Diarrabakôkô

Par ailleurs, en s'inscrivant dans la connaissance des plantes médicinales dans la cure de la fièvre jaune, la variation est plus perceptible avec l'âge et le sexe. En effet, le tableau 17 ci-dessus laisse percevoir que les individus dont l'âge est compris entre [18-35[ont une très faible connaissance des plantes, vu les trois (03) espèces que sont Parkia biglobosa communément appelle en jula "néré" et "Bwaun" en goin, Nauclea latifolia "Tchofian" et Cochlospernum planchonii "N'dribala" citée chacune à 33,33%. De [35-52[. On dénombre 18 espèces dont 15 de plus que la précédente et avec une connaissance élevée des espèces comme Anofeissus leiocarpa "Guamungu" (17,02%), Nauclea latifolia (14,89%), Cassia sieberiana "Guanguambere" et "Bomoromafian" (10,64%) chacune. Par contre, en observant dans la catégorie d'âge de [52 et + [, nous remarquons aussi un taux élevé de connaissance de certaines plantes comme dans celle de [35-52[. Il s'agit d'Anofeissus leiocarpa et de Nauclealatifolia connues respectivement à 16,07%. En outre, d'autres espèces plus connues dans l'intervalle [52 et + [telles "sonsolon" (12,50%) et Calotropis procera "Diavare" (7,14%) sont moins ou pas connues dans la tranche d'âge [35-52[. Par contre, dans cette dernière catégorie d'âge l'Azadirachta indica est la seule plante qui est moins connue dans la tranche d'âge de [52 et + [soit 3,57%. Il en résulte que la connaissance va de pair avec l'âge puisqu'elle dérive de l'expérience sociale comme évoqué précédemment. Il est intéressant de noter aussi que les connaissances de ces plantes répondent aux représentations de cette maladie.

En observant le tableau ci-dessous relatif à la connaissance des espèces connues par sexe, on se rend compte que les hommes ont une plus grande connaissance des plantes que les femmes. En effet, 27 espèces ont été citées par les hommes parmi lesquelles figurent trois (03) espèces (Bwaun, Guanmungu, Tchofian,) chez les femmes qui en ont citée 10. Par contre, sur les 10 plantes citées par ces dernières, seulement 6 espèces (Bomboromafian, Neemier, Mininanbwa, Guanguanbèrè, Yama) sont absentes chez les hommes. Il faut noter que parmi les espèces connues par les hommes, les plus connues sont Nauclea latifolia (16,43%), sonsolon (12,34%), Anofeissus leiocarpa (12,33%), Cassia siberiana (8,22%). En revanche, les moins connues sont les plus nombreuses dont fait partie trois (03) espèces telles Siyèté, Tchatèrè, Tobre cité par un guerisseur : « Bon ! Pour soigner le Djokadjo, moi j'associe 3 plantes Tobra, Siyèté; Tchatèrè [...] (entretient avec S.M., le 09/04/2012, Diarrabakôkô)». Contrairement aux hommes, les plantes les plus connues par les femmes sont Bomboromafian (22,86%), Anofeissas leiocarpa (20%), Azadirachta indica (17,14%), Nauclea latifolia (11,43%). L'interprétative qui se dégage de ces données est la perception même de cette pathologie et le statut social des individus qui joue un rôle dans la légitimation et l'acquisition du savoir sur les espèces. Autrement dit, la Connaissance des espèces propres à soigner tient compte du statut social. Ce qui signifie que les hommes sont prédisposés à la connaissance de ces plantes, mais aussi du fait qu'ils sont plus victime de cette maladie.

Tableau 18 : Connaissance des plantes par sexe dans le traitement de la fièvre jaune.

Espèces Sexe

connues

Femmes

Hommes

Noms scientifiques

Nom locaux goin/Jula

Fréquence %

Fréquence %

Parkia biglobosa

Bwaun/Nére

5,71

6,85

Anofeissus leiocarpa

Guamungu/Kerekete

20

12,33

Nauclea latifolia

Tchofian/Bati

11,43

16,43

Végétal non identifié

Bomboromafian

22,86

0

Azadirachta indica

... /Neem yrii

17,14

0

Végétal non identifié

Miminanbwa

8,57

0

Cochlospernum planchonii

... /N'dribala

8,57

0

Cassia sieberiana

Guanguambèrè/Sindjan

2,86

8,22

Piliostigma thonningii

Pembinmungu/Yama

2,86

0

Végétal non identifié

Sonsolon/Ladon

0

12,34

Daniellia oliveri

Gnanle

0

4,11

Calotropis procera

Diaware

0

5,48

Végétal non identifié

Siyele/Djoro yrii

0

1,37

Végétal non identifié

Tchatere/Wo yrii

0

1,37

Annona sengalensis

Tobre/Lombolombo

0

2,74

Bombax costatum

Bumbun

0

2,74

Trichilia emetica

Nicorpiele/Sulafinssan

0

1,37

Végétal non identifié

Kongobarani

0

2,74

Terminalia aviceniodes

Wolon yrii

0

2,74

Entada africana

Guampanle/Samanere

0

4,11

Végétal non identifié

Dabruhian

0

2,74

Mitrgyna inermis

Afian/Dun yrii

0

2,74

Lannea microcarpa

T antambilan/Pekun

0

1,37

Tamarindus indica

Guanguntchogo/Tomi

0

4,11

Vitallearia paradoxa

Mussungu/Si yrii

0

2,74

Cola cordifolia

Sulamangoro

0

1,37

Total

 

100%

100%

Sources : Données de terrain, du 30 Mars au 22 Avril 2012 à Diarrabakôkô

Du reste, tout comme la connaissance de ces maladies, la connaissance de ces plantes médicinales n'est pas une réalité, un fait en soit mais plutôt un rapport social étant donné que la santé se mesure aux trames relationnelles. Ce qui nous amène à parler des différentes sources d'acquisition de connaissances des plantes médicinales dans la cure de ces pathologies.

1.1- Des sources de connaissance ou d'acquisition des connaissances locales des plantes médicinales

Les connaissances/savoirs sur les plantes médicinales dans le traitement du paludisme et de la fièvre jaune sont en général acquises et transmises en milieu traditionnel de génération en génération par initiation ou par apprentissage mais aussi dans le cadre même des relations interpersonnelles ou par expériences. En effet, l'individu n'acquière des connaissances sur un phénomène donné qu'en étant en interaction avec ses pairs dans la société. Ainsi, pour faire face à la récurrence de certaine pathologie comme le paludisme, il est indispensable surtout dans cette zone endémique de Diarrabakôkô pour lui d'avoir un minimum de connaissance sur les espèces appropriées à assurer sa propre guérison et celle des autres. Et cette connaissance, il ne peut l'acquérir qu'en objectivant sa maladie lors de ses multiples interactions avec ses semblables. Ce proverbe Bambara qui dit que "Bana loba yèrè féré, kènèya loba yèrè sân" (la maladie se vend et la santé s'achète) illustre bien cette idée dans la mesure où la vente et l'achat s'effectue dans un même espace relationnel. De cet effet, observons le tableau 21 ci-dessous relatif à la distribution des sources de connaissances des enquêtés sur les plantes médicinales dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune.

Tableau 19: Distribution par sexe et par maladie des sources de connaissances des plantes médicinales

Sources de connaissances

Maladies

Sexe

Parents

Voisins

Expérience

Mari

Non Réponses

Total

Paludisme

H

56,2%

27,5%

16,3%

0%

0%

100%

F

40,3%

40,3%

10,4%

09%

0%

100%

Fièvre jaune

H

44,90%

22,45%

14,28%

0%

18,4%

100%

F

38,56%

25,58%

11,6%

20,9 %

20,9%

100%

Sources : Données de terrain, Mars-Avril 2012 à Diarrabakôkô

L'observation de cette distribution statistique témoigne de l'origine sociale des connaissances sur les plantes médicinales. En effet, une maladie aussi invalidante et récurrente que le paludisme entraine nécessairement dans le milieu rural comme celui de Diarrabakôkô une implication de tous les membres de la famille voire même de toute la société dans sa gestion car elle est toujours au stade de la "solidarité mécanique" fait d'interdépendance. On remarque donc, que le réseau parental et l'environnement social interviennent plus dans la connaissance des espèces chez les enquêtés. Mais la parentèle intervient plus dans la connaissance des espèces entrant dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune chez les hommes soit respectivement 56,25% et 44,90% que chez les femmes soit40,30% et 38,56%. Par contre, chez ces dernières c'est l'environnement social (voisinage) qui intervient le plus soit aussi respectivement 40,30% et 25,58% que chez les hommes où il intervient respectivement à 27,5% et 22,45%. En outre, il est à noter que les époux interviennent plus dans la connaissance des espèces chez les femmes en cas de fièvre jaune (11,63%) qu'en cas de paludisme (8,95%), vu la perception différentielle de ces maladies. Ce qui explique du même coup les réponses non obtenues qui sont d'ailleurs plus élevées chez les femmes (20,93%) que chez les hommes (18,37%). L'interprétation qui se dégage de ces données est que dans cette société rurale, les individus sont insérés dans des réseaux de relations qui leur permettent d'acquérir des connaissances sur les plantes médicinales indispensables par moment pour les premiers soins, « Cependant, la société est organisée de manière à lutter de son mieux contre l'hostilité de l'ambiance. Elle exploite les moindres possibilités de la nature. Elle est d'une contexture serrée. L'individu n'est point abandonné au hasard. Il appartient à un clan hiérarchisé. Il obéit à la coutume qu'établirent ses aïeux pour s'adapter aux luttes et aux nécessités de la brousse, comprendre ses exigences, prévoir et éviter l'évènement fortuit » (Dim Delobsom : 1934 :200). A propos, cette analyse nous amène à concevoir la société comme une « configuration d'interdépendance » selon les expressions d'Elias (1970).

Par ailleurs, on ne saurait procéder à l'analyse des connaissances locales et modes d'utilisations des plantes médicinales dans le traitement du paludisme et la fièvre jaune à Diarrabakôkô sans parler des thérapeutes qui sont des guérisseurs, agriculteurs pour la plupart, des chasseurs Dozo comme les autres habitants du village ou des "sokalas" voisines. « De la même façon que les croyances médicales et les traitements varient selon les contextes socioculturels de même ce qui caractérise les thérapeutes en tant qu'individus, leur comportement, leur formation changent selon les systèmes (Genest 1978 :18) ». Au regard de ce qui précède, nous pouvons dire que le savoir des thérapeutes relève soit de l'initiation (maitre et initié), soit de l'hérédité (petits-fils, grands-parents, petits-enfants, oncles, neveux...) au cours d'un long processus de pérégrination ou de l'achat. Trois guérisseurs s'expriment à propos :

Moi je n'ai pas choisi d'être guérisseur. C'est mon papa qui m'a choisi. Il ne m'a pas mis à l'école et il m'a préparé pour le remplacer. Je peux dire que j'ai hérité ça de lui. Mais j'ai appris aussi avec ses collaborateurs parce que un père ne veut pas tout apprendre à son enfant par peur de son comportement. (Entretien avec S.M., le 09/04/2012, Diarrabakôkô)

« Moi je suis un dozo et je fais un peu de l'agriculture. Le dozo et la connaissance des plantes m'ont été donnés par le papa. Lui-même était un grand chef dozo. J'ai aussi appris d'autres mais ça prend la tête de certaines personnes et pas d'autres. J'ai fait 3 ans au Mali pour ajouter à ce que mon père m'a enseigné. Tu sais, on ne finit jamais d'apprendre si ce n'est dans la tombe. (...). Pour être dozo, tu travailles pour le maître pendant des années et s'il est satisfait, il décide de t'apprendre à connaître les secrets de la brousse et la vertu des plantes. Le dozo et la connaissance des plantes sont liée. (Entretien avec B.Z., le 10/04/2012, Diarrabakôkô)

« Bon ! Ce métier, je l'ai appris auprès d'un maître coranique pour une somme de 1800F et c'est tout. Il n 'y avait pas de rituel autour et il m'a appris ça car sans le connaître, je l'ai hébergé chez moi ». (Entretien avec S.I., le 10/04/2012, Diarrabakôkô)

Il en résulte que les modes d'acquisition des connaissances de ces guérisseurs demeurent la base de la reconnaissance de leurs qualités au sein de la société puisqu'elles émanent des sources diversifiées qui sont en général la règle. Pour ce faire donc, il faut séjourner à l'étranger, se familiariser avec les nouvelles pratiques ou en acheter. Comme l'ont montré Kerharo et Bouquet dans leur étude que : « Les guérisseurs de savane sont surtout détenteur d'un secret hérité ou acheté et souvent, même les plus réputés ne connaissent pas dix (10) plantes en dehors de celles entrant dans la composition de leur médicaments (Kerharo et Bouquet 1950 :32) ». En outre, il est à signaler que l'apprenti guérisseur n'est habilité à aller cueillir seul les drogues végétales que lorsque la « science des reconnaissances botaniques » est jugé suffisante par le père ou le maître. Ce qui sous-tend que la connaissance est progressif et cela demande de la patience et de la mémoire. Toutefois, la connaissance dans la médecine traditionnelle qu'elle soit transmise par hérédité (de père en fils) ou par initiation (maître et initié) revêt toujours un caractère sacré, ce qui légitime la spécialité de leur savoir auquel s'ajoute la nature locale des espèces qu'ils emploient.

Cependant, le constat révèle l'acquisition des connaissances par achat qui est la méthode la plus simple, mais devenu de plus en plus cher. Ce qui peut avoir un impact sur les honoraires des guérisseurs. Cette assertion est illustrée par informateur :

Bon !les plantes que j'ai apprises ont été payantes. Je me suis déplacé pour aller connaître deux plantes à Bamako, j'ai payé 500.000F là-bas, à Korhogo aussi, j'ai payé 600.000F ; Ghana où j'ai fait trois (03) mois là-bas, j'ai payé 300.000F. C'estcher parce qu'ils savent que tu t'es déplacé et tu en a besoin. "i macogno yrii lo ". Bolo fla lobi djen ka gnogon ko"( ce sont les deux mains qui se joignent pour se laver ». (Entretien avec S.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô)

Il ressort de ce discours que l'achat des connaissances peut aboutir à la formation des pseudos spécialistes de certaines plantes médicinales et entraîner du même coup le sur enrichissement des honoraires qui se limitent en général dans cette médecine traditionnelle aux gestes symboliques ainsi qu'à la satisfaction. Trois guérisseurs déclarent :

Moi mon travail n'a pas de prix car il arrive souvent que le malade n'a pas d'argent, tu prends avec Dieu et tu lui donne le médicament, s'il reconnaît après tant mieux. Chez moi l'humanisme doit précéder l'argent "Adamadenga binwari gna" car les retombées peuvent être sur tes enfants (...). Bon ! Pour soigner le paludisme, je prends 7000F et Djokadjo 12000F mais c'est jusque-là à la guérison totale (entretien avec S.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

« Chez moi un canari de médicament du paludisme n'est pas cher. Si réellement c'est le paludisme, je demande le prix de l'essence pour aller chercher les plantes ou un poulet et on soigne le malade jusqu'à la guérison. On s'entre aide ici. Pour la fièvre jaune c'est aussi la même chose. (Entretien avec O.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô)

Bon ! Moi je n'ai pas le prix fixe, que tu me donnes 25F ou 50F, je prends. Ce que le malade gagne, c'est ce que je prends. Généralement beaucoup d'entre nous parlent de difficultés d'apprentissage pour rendre cher leur traitement. Moi mon grand-père ne m'a pas appris pour vendre mais pour servir. Ce que tu as appris, n'a pas de prix. Il faut servir telle est la règle de mon grand-père. La guérison d'abord et l'argent après. (...). Moi mon traitement de paludisme et Djokadjo, c'est juste un poulet. C'est ceux qui sortent pour acheter leur connaissance qui ont un traitement cher ; souvent même c 'est plus cher que le traitement du toubab (entretien avec S.S, le 10/04/2012, Dirabakôkô) ».

Il en résulte de ce fait que les honoraires varient en fonction des sources d'acquisition des connaissances et du lien de familiarité que chaque membre de la société entretient avec ses thérapeutes. D'autres part, les modes de transmission de leurs connaissances est fonction des modes d'acquisition d'où des règles codifiant le rite de passage des néophytes. Trois guérisseurs résument ces règles présidant le rite de passage :

Aujourd'hui, si tu veux avoir des connaissances sur les plantes tu vas enlever beaucoup d'argent. Toutes choses est affaire d'argent maintenant. Pour apprendre chez moi, il y a des connaissances dont le rituel demande un mouton, d'autres un poulet plus l'argent. Je n'ai pas de prix fixe. Un prix bas pour quelqu 'un que je connais et le prix normal pour les étrangers (entretien avec H.B, le 12/04/2012, Diarrabakôkô).

Bon ! Peu importe ton ethnie, chacun peut exercer ce métier. Si l'initiative vient de toi, on va t'initier. Bon ! (...) l'initiation consiste à enlever le "tomsso" (galettes faite à base de la farine de haricot) dans l'huile chaude sur le feu 3 fois ; si c'est un homme et 4 fois si c'est une femme. Hum ! Pour les femmes c'est quatre parce qu'en plus d'être Homme qui fait 3 elles sont nos mamans voilà pourquoi c 'est 4. Si tu as pu enlever les "tomso ", on saura que le secret te conviendra et tu es tenu de garder ça. Si non on ne trille pas, on peut donner le savoir à tout le monde pourvu que la personne soit intéressée. Avant, les "flatigui"(guérisseurs) gardaient jalousement leur secret mais aujourd'hui avec la modernité on est eu peu ouvert mais dans la méfiance à cause du mauvais comportement des enfants (entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

Comme moi je ne fais pas de ces connaissances mon métier, si quelqu'un veut apprendre avec moi je lui demande juste de payer un prix forfaitaire car mon papa ne m'a pas appris pour que je garde pour moi seul. Il m'a donné pour que je puisse m'aidé et aider les gens ; pour cela, je te montre pour qu'à ton tour tu fasses la même chose ou que tu seras et qui tu es. La connaissance est faite pour être partagée mais ceux qui en font un métier, c'est normal que l'apprenant paye de l'argent et sois soumis au maître. C'est comme pour les "toubabs'' (blancs), il faut payer pour aller à l'école, apprendre pendant des années à côté du maître. Lorsqu'il est sûr que tu as bien appris, il peut te donner la route accompagné de sa bénédiction (entretien avec H.T, le 11/04/2012, Diarrabakôkô).

En considérant tous ces discours, nous pouvons conclure que dans le domaine de la médecine traditionnelle, le rite de passage nécessite un certain nombre de qualités tel le courage, la patience et la mémoire malgré le prix à payer sans qu'il y ait prédestination. Pour le dire autrement, en reprenant la formulation de Kalis : « Les qualités exigées de l'élève sont le courage, la discrétion, la patience, la maîtrise de soi et une obéissance sans faille ». (Kalis 1997 : 188).

Par ailleurs, les données empiriques révèlent l'existence des règles dans le milieu même des guérisseurs. Et ces règles vont de l'interdiction à la vente sur le marché des produits émanant d'un savoir ancestral en passant par les médias pour la promotion ou toute forme de publicité comme le note un enquêté :

"Lonigna sir a ka Tchà", (la connaissance a plusieurs chemins).Vendre la connaissance sur le marché le rend méprisable. Le vendeur de pharmacies (pharmacien) tout comme le docteur n'a pas besoin de se vendre. Les doigts sont gros et grand, la connaissance est ainsi faite. Si tu connais, tu connais ; si tu ne peux pas réfère le malade à un plus compétent. La publicité nuit à la connaissance selon moi. Les ancêtres n'ont pas dit ça. Dieu n'a pas dit ça. "Li ta foka lé kadi, Ni ya nènè Lo ibi sôrô kalon kaakadi " (le miel ne dit pas qu'il est bon. C 'est lorsque tu vas le goutter que tu sauras qu'il est bon) tel est la connaissance. (Entretien avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)

Envisager de façon interprétative ce qui vient d'être développé, il convient de mentionner avec Bibeau que : « Dans ces systèmes non formalisés comme le sont les médecines traditionnelles, tout le savoir est agi tout est acté, tout est dit en situation et il n'existe pas une science de concepts qui se maintiendrait par elle-même et qui pourrait être reconstitué en dehors des situations de maladie (Bibeau 1978 : 92-93)».

II- Des procédés d'utilisation des plantes médicinales.

2.1- Des plantes médicinales utilisées dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune

L'utilisation des plantes médicinales requiert un savoir-faire qui est indissociable de la connaissance même des espèces. Mais, cela ne suppose pas pour autant que toute connaissance implique nécessairement un savoir-faire qui relève de la maitrise pratique des modes ou procédés d'utilisation des espèces végétales connues dans la cure du paludisme et la fièvre jaune. Autrement dit, la connaissance des plantes médicinales qui est l'élément principal des pharmacopées traditionnelles africaines n'entraine pas forcément leur utilisation qui dépend de la reconnaissance des valeurs intrinsèques (efficacité et/ou satisfaction reconnue) ; de l'accessibilité (géographique, disponibilité et règles codifiant l'accès) ; de la nature et des représentations de la maladie, mais aussi et surtout du sexe (selon qu'on est homme ou femme). En effet, nous allons nous appesantir sur cette variable sexe afin de saisir la variation des plantes les plus ou moins utilisées par les enquêtés et ce, en fonction des autres variables qui ne sont que des modalités pratiques de l'utilisation des plantes. Ainsi, l'utilisation des drogues végétales est à quelque degré, oeuvre de la volonté collective et qui dit volonté collective dit choix entre différentes modalités possible. Il suit de cette nature des similitudes et des dissemblances au niveau des espèces les plus ou moins employés par les enquêtés dans la thérapie de ces deux pathologies.

Comme nous allons le constater sur ces tableaux ci-dessous, relatifs à la variation des fréquences d'utilisation des plantes par sexe et par maladie ; il convient de noter que cette fréquence est calculée sur la base du nombre de fois que les espèces ont été employées suite à la question de savoir celles que les enquêtés emploient le plus. C'est ainsi qu'on a pu déterminer le seuil d'utilisation qui se formule comme suit :

- Les plantes ayant une fréquence supérieure ou égale à 5% sont celles qui sont les plus
utilisées. Soit fi =5%.

- Les plantes ayant une fréquence inférieure à 5% sont les moins employées soit fi < 5%.

L'examen du tableau 21 ci-dessous relatif aux plantes les plus ou moins utilisées par les enquêtés dans la thérapie du paludisme permet de voir une plus grande utilisation variée et diversifiée de ces plantes en témoignent les 20 plantes employées par les femmes et les 22 par les hommes sur un total de 31 espèces connues. Ce qui peut s'expliquer par la nature récurrente et les représentations de cette maladie invalidante face à laquelle la biomédecine reste impuissante. Ainsi, le constat révèle que sur les 20 espèces employées par les femmes, (09) sont les plus utilisées selon leurs fréquences respectives, à savoir Anofeissus leiocarpa (15,09%), Azadirachta indica (11,32%), "Bomboromafian" (9,43%), Cassia sieberiana (8,49%), Carica papaya (7,55%), Eucalyptus camaldulensis (5,66%), "Cossafina" (5,66%), Manguifera indica (5,66%) et Nauclea latifolia (5,66%).

Comparativement aux femmes, sur les 22 espèces employées par les hommes, seulement (08) espèces sont les plus utilisées selon leur fréquence en l'occurrence guamungu (12,31%), yriidjan (10,77%), guanguambere (10%), neem yrii (10%). L'observation de ces fréquences respectives permet d'y voir une dispersion chez les femmes que chez les hommes. Et, pour les mêmes espèces employées, les fréquences varient selon le sexe des enquêtés. Il en résulte que le paludisme est une affection qui touche toutes les couches sociales les plus vulnérables notamment, les femmes et leurs progénitures surtout dans ce milieu rural. Ce qui fait d'eux des soignantes ou utilisateurs privilégiés.

Tableau20 : Répartition des plantes les plus ou moins utilisées par sexe dans le traitement du paludisme.

Sexes

Espèces utilisées

Femmes

Hommes

Espèces les Plus utilisées

Noms scientifiques

plus utilisées

Noms locaux

Parties

%

Noms scientifiques

Noms locaux

Parties

%

Anofeissus leiocarpa

Guamungu

Feuilles

15,09

Anofeissus leiocarpa

Guamungu

Racines Feuilles

S

12,31

 

Azadirachta indica

Neem yrii

Feuilles

11,32

Azadirachta indica

Neem yrii

Feuilles

10

Végétal non identifié

Ca

Bomboramafian

Feuilles

9,43

Entada africana

Guanpamle

Racines Ecorces

S

6,15

Carica papaya L.

Papaye yrii

Feuilles Fruits

7,55

Carica papaya L.

Papaye yrii

Feuilles Fruits

6,92

Cassia sieberiana

Guanguamber e

Racines Feuilles

8,49

Cassia sieberiana

Guanguambere

Feuilles Ecorces Racines

10

Eucalyptus camaldulensis

Yrii djan

Feuilles

5,66

Eucalyptus camaldulensis

Yrii djan

Feuilles

10,77

Végétal non identifié

Cossafina

Feuilles

5,66

Végétal non identifié

Cossafina

Feuilles

7,69

Manguifera indica

Mangoro yrii

Feuilles

5,66

0

0

0

0

Nauclea latifolia

Tchofian

Racines Feuilles

5,66

Nauclea latifolia

Tchofian

Racines Feuilles

6,92

Espèces les moins utilisées

Végétal non identifié

Tcholipupu

Feuilles Racines

3,77

Végétal non identifié

Sonsolon

Racines

3,85

Tamarindus indica

Tomi yrii

Feuilles

2,83

Cassia occidentalis L.

Kinkeliba

Feuilles

3,07

Pteeosis suberosa

Djumatcholo

Tiges

2,83

Manguifera indica

Manguoro yrii

Feuilles

3,07

Ipomea asarifolia

Gonkangni

Feuilles

2,83

Végétal non identifié

Cohilo

Feuilles

2,31

Végétal non identifié

Hienfiandjantan

Tiges

2,83

Sanna siamea

Cassia

Feuilles

2,31

Cassia occidentalis L.

Kinkeliba

Feuilles

2,83

Piliostigma resticulatum

Yama yrii

Feuilles

2,31

Vitellaria pradoxa

Mussungu

Feuilles

1,89

Vitex chrysocarpa

Koto yrii

Feuilles/Racines

S

1,54

Mitragyna inermis

Anfian/Dun

Feuilles

1,89

Cola cordifolia

Sulamangoro

Racines

1,54

Piliostigma resticulatum

Yama yrii

Feuilles

1,89

Lannea microcarpa

Tantambilan

Racines

1,54

Sanna siamea

Cassia

Feuilles

0,94

Guiera senegalensis

Tcholipupu

Feuilles/racines

0,77

Végétal non identifié

Karognu

Feuilles

0,94

Citrus limon L.

lemurukumu

Feuilles

0,77

 
 

Mitragyna inermis

Anfian/Dun

Feuilles

1,54

Psidium guajava

Goyaki yrii

Feuilles

0,77

Végétal non identifié

bomboroma fi an

Feuilles

0,77

TOTAL

20 plantes

100%

22 plantes

100%

Source : données du terrain, Mars -Avril 2012 à Diarrabakôkô

En outre, la prise en compte des plantes les plus employées selon que nous considérons leur nature fait percevoir dans ce tableau (20), qu'à l'exception des plantes comme (Guamungu, Bomboromafian, guanguambere, Tchofian, et guampanle) qui sont des espèces locales , l'utilisation des autres espèces (neemier, papayer, eucalyptus, cossafina, manguier) est universellement répandue dans cette localité de Diarrabakôkô comme antipaludéen à cause non seulement de leur plus grande accessibilité puisqu'elles sont retrouvées dans l'espace fermé et semi ouvert du village, donc plus proche de la population, mais aussi et surtout du fait qu'elles sont exempts de tout support rituel. Ce sont des plantes exotiques à usage courant comme le développe un enquêté :

Bon... tu sais qu'il y a beaucoup de plantes que les gens utilisent pour soigner ces maladies. Comme "Anga taga bolokatcha"(nos connaissances sont variées) par exemple je sais que beaucoup de personnes utilisent les feuilles de papayer, kinkéliba, accacia pour soigner le paludisme. (...). Il ya aussi les feuilles de cossafina, macérer bon pour le sumaya. Mais moi je ne les utilise pas car ce sont des calmants. C'est comme les comprimés contre le sumaya qu'on vend au dispensaire. Quand tu prends, tu vois que ça se calme et après quelque temps, la maladie revient. Tout le monde connait ces plantes, mêmes les enfants, s'ils sentent que le sumaya veut les attraper, ils enlèvent. (Entretien avec H.B., le 12/04/2012, Diarrabakôkô)

Comparativement à ces plantes d'importation de nature préventive, l'utilisation des espèces locales varie considérablement avec le sexe excepté le guamungu qui est beaucoup plus utilisée par les deux sexes.

De plus, les données empiriques révèlent une pluralité et une diversité de plantes les moins employées par les enquêtés. La pluralité fait référence au nombre et la diversité, vient du fait que certaines espèces locales telles que bomboromafian, mangoro yrii, sont d'usage courante chez les femmes et le sont moins chez hommes, au regard de ces fréquences respectives (0,77%), (3,03%). Inversement, nous observons un emploi plus fréquent de Guampanle chez les hommes que chez les femmes. De même, on constate que les espèces les moins utilisées sont plus nombreuses que celles couramment employées. L'explication vientdu fait que ces plantes sont en majorité locales, retrouvées dans l'espace ouvert du village, donc difficile d'accès pris en termes de disponibilité géographique et règle codifiant leur accès.

Nous pouvons donc, résumant l'analyse qui précède, dire que l'ensemble du monde végétal est scindé en deux, selon qu'il appartient à l'espace socialisé du village (fermé, semi-ouvert) ou à la brousse que l'homme ne maîtrise pas. Ainsi, l'appartenance à un des deux espaces induit un type de conditions d'accès.

Par ailleurs, en s'inscrivant dans la logique du tableau 21 suivant relatif à la fréquence d'utilisation des plantes entrant dans la thérapie de la fièvre jaune, on s'aperçoit d'abord de l'emploi de peu de plantes dans sa cure vue sa perception par cette population locale de Diarrabakoko sur un axe de gravité croissante du paludisme qu'il appelle selon leur état de connaissance sumayaba, jaunisse, Djokadjo ou Djokadjo guè. En effet, partant de la perception inhabituelle et mortelle de cette maladie en cas de traitement biomédical. Ainsi, pour cette population, seules les plantes médicinales sont à même de combattre efficacement cette affection mais cela dépend aussi du niveau de connaissance/savoir sur cette pathologie et les espèces appropriées à y remédier, donc du statut médical. Ce qui pourrait en être l'explication du peu d'emploi des plantes par les enquêtés. Cependant, comme on peut le constater, sur (08) plantes utilisées par les femmes, (07) sont fréquemment employées en l'occurrence Bomboromafian (24,24%), Guamungu (21,21%), Neemier (15,15%), Tchofian (12,12%), N'dribala (9,09%), Bwaun(Nere) (6,06%), Miminanbwa (6,06%),

Comparativement aux femmes, les hommes utilisent (21) plantes dans le traitement de cette effrayante affection mais seulement (04) espèces interviennent le plus selon les fréquences respectives à savoir : Tchofian (18,18%), Guamungu (15,15)%, Sonsolon (12,12%) Guanguambere (9,09%). Cette variation et cette dispersion des fréquences des espèces les plus employées par les femmes viennent à nouveau confirmer leur statut de soignantes privilégiées du fait de leur maternité. Par contre chez les hommes, on observe non seulement une pluralité et une diversité des espèces utilisées mais aussi une certaine concentration des fréquences des plantes les plus employées ; ce qui signifie que les femmes sont plus inscrites dans une logique de « rationalité en finalité » que les hommes, qui en plus de cela recherche une certaine efficacité. Mais le nombre élevé de plantes utilisées par les hommes vient du fait que la solidarité est absolue en matière de l'utilisation des plantes dans la cure de cette affection à l'intérieur de la grande famille, et ces plantes se retrouvent le plus souvent dans la brousse profonde, donc des espèces locales qui sont habitées par des esprits ou des forces surnaturelles qui en sont les gardiens. Comparativement aux plantes médicinales les plus employées par les femmes, l'observation montre qu'exception fait à des espèces comme guamungu, tchofian qui sont aussi plus employées par les hommes, certaines espèces font partie des moins utilisées par ces derniers comme Parkia biglobosa 4,28%, et d'autres comme Bomboromafian, Neemier, Miminanbwa, N'dribala ne sont même d'usage. Il en est de même pour le cas inverse ou des espèces comme guanguanbere (sindjan), tchofian (bati), sonsonlon qui sont plus utilisées par les hommes et qui sont absentes des plantes utilisées par les femmes. Il en résulte de ce fait une variation des fréquences et une diversité des plantes utilisées selon le sexe et la connaissance empirique de ces plantes.

En outre, cette variation est aussi perceptible au niveau même des matériaux botaniques (racines, feuilles, écorces, tiges...) entrant dans la préparation des recettes médicinales. En effet, on remarque l'usage récurrent des feuilles chez les enquêtés et plus chez les femmes surtout dans la cure du paludisme tandis que chez les hommes, l'usage des organes est diversifié. Mais, il est à signaler que les feuilles proviennent plus des espèces exotiques que locales. Par contre, en observant les organes entrant dans la préparation médicinale de la fièvre jaune, le constat révèle l'usage récurrent des racines, des écorces chez les hommes que chez les femmes ou on remarque toujours un usage important des feuilles. Il suit de cette nature une distinction des organes en fonction de ces maladies. Autrement dit, l'usage des feuilles, tiges et fruits sont plus récurrent dans la préparation médicinale du paludisme tandis que les racines et les écorces le sont plus dans celle de la fièvre jaune. Et les feuilles se rapporteraient plus au sexe féminin et les racines et les écorces au sexe masculin; étant donné que la récolte des racines est proscrite pour les femmes comme nous pouvons le constaté à travers ces propos d'une herboriste :

(...) ; souvent aussi on achète avec les "fla bola" surtout les racines. C'est seulement les feuilles que nous nous pouvons enlever. Nous achetons un sac de racine de nos plantes à 100 francs. Mais seule la plante qu'on appelle ``djoro yrii'' qui fait 1500 francs, car c'est très difficile à avoir à coté si ce n'est pas en brousse profonde (entretien avec C.A., le 22/04/2012, Diarrabakôkô).

Tableau 21 : Répartition des plantes les plus ou moins utilisées par sexe dans le traitement de la fièvre jaune.

Sexe

Espèces Utilisées

FEMMES

HOMMES

Espèces les plus utilisées

Noms scientifiques

Noms locaux

Parties

%

Noms scientifiques

Noms locaux

Parties

%

Anofeissus leiocarpa

Guamungu

Feuilles

21,21%

Anofeissus leiocarpa

Guamungu

Racines Feuilles

15,15

Azadirachta indica

Neem yrii

Feuilles

15,15

Azadirachta indica

Tchofian

Racines Feuilles

18,18

Nauclea latifolia

Tchofian

Racines

12,12

Végétal non identifié

Sonsolon

Racines

12,12

Cochlospernum planchonii

N'dribala

Racines

9,09

Cassia sieberiana

Guanguambere

Racines Feuilles

9,09

Parkia biglobosa

Bwaun Nere

Ecorces Noix

6,06

 
 
 
 

Végétal non identifié

Miminambua

Feuilles Ecorces

6,06

 
 
 
 

Espèces les moins utilisées

Piliostigma resticulatum

Yama yrii

Feuilles

3,03

Entada africana

Guampanle

Racines Feuilles

4,55

Cassia sieberiana

Guanguambè rè

Feuilles

3,03

Parkia biglobosa

Bwaun Nere

Racines Ecorces

Graines

4,55

 
 

Daniella oliveri

Gnanlè

Feuilles

4,55

Tamarindus indica

Tomi yrii

Feuilles

Tiges

3,03

Terminalia aviceniodes

Wolon yrii

Racines

3,03

Végétal non identifié

Kongobarani

Racines

3,03

Mitragyna inermis

Dun yrii

Feuilles

3,03

Calotropis procera

Daiware

Racines

3,03

Lannea microcarpa

Tantanbilan

Racines

3,03

Bombax costatum

Bumbun

Racines

3,03

Vitellaria paradoxa

Si yrii

Ecorces

1,51

Cola cordifolia

Soulamangoro

Racines

1,51

Végétal non identifié

Siyèlè

Racines

1,51

Végétal non identifié

Tchatèrè

Racines

1,51

Annona senegalensis

Tobre

Racines

1,51

Vitellaria paradoxa mâle

Si yrii kièma

Racines

1,51

Trichilia emetica

Nicorpiele

Racines

1,51

TOTAL

08 Plantes

100%

21 Plantes

100 %

Source données du terrain, Mars - Avril 2012 à Diarrabakôkô

Poursuivant la lecture comparée des plantes fréquemment employées dans la cure de ces deux pathologies perçue par les enquêtés comme "dogo ni koro fadeen" (petit frère et grand frère de même père), on s'aperçoit aussi d'une variation selon la maladie. En effet, le constat révèle l'emploi plus fréquent des espèces exotiques dans la cure du paludisme contrairement à celle de la fièvre jaune où l'emploi des espèces locales est plus courant exception fait aux espèces comme guamungu et neemier qui interviennent plus dans la thérapie de ces deux affections surtout chez les femmes. En outre, l'emploi des plantes dans le traitement de la fièvre jaune varie selon le degré de cette affection qui va de sumayaba, djokadjo ou mieux de la couleur jaunâtre à la couleur blanchâtre des yeux, paumes dans la conception de cette population locale de Diarrabakôkô. Et, généralement, les plantes les plus utilisées mettent en jeu un système d'analogie se rapportant au symptôme visible de ce mal (la tendance jaunâtre) que Mauss appelle des lois de "sympathie".

En plus de cela, il est intéressant de noter que certaines espèces comme guamungu, bomboromafian, neemier couramment employées par les femmes dans la thérapie du paludisme, le sont aussi dans celles de la fièvre jaune et même au stade avancé vue ces fréquences respectives de 16,12% pour guamungu et bomboromafian et 12,90% pour le neemier. A ces espèces viennent s'ajouter d'autres espèces comme miminanbwa, tchofian employé à 9,67% chacune. Cependant, il faut noter que 16,12% des enquêtés attestent avoir recours aux thérapeutes. Quant aux hommes, ils emploient également les mêmes espèces au stade avancé de cette maladie mais avec une fréquence beaucoup plus élevée que pendant le début de la maladie. Soit 14,54% d'emploi pour sonsolon ; 11% sindjan ; 20% tchofian ; et 9,1% pour guamungu. En ce sens, nous pouvons dire que les mêmes plantes sont fréquemment utilisées par les enquêtés dans la thérapie de ces affections même si lesfréquences de leur emploi varient selon le sexe, la représentation de ces maladies, leur accessibilité et leur efficacité reconnue.

Du reste, sur le point relatif aux règles codifiant l'accès à ces plantes, que ce soit dans la cure du paludisme comme dans celle de la fièvre jaune, le constat de terrain révèle que ces drogues végétales, qu'elles soient plus ou moins employées, sont pour la plupart sans condition d'accès selon 80,23% des enquêtés. Seulement 19,77% d'entre eux y voient des règles allant du respect ou la parole donnée à la plante aux rituels selon la connaissance des enquêtés et la nature de la plante comme le souligne un enquêté :

L'accès aux plantes nécessite respect et considération. Ce sont des êtres vivants. Tu sais qu'en Afrique et dans nos sociétés, la parole est une puissance, la parole soigne. Pour augmenter l'efficacité des plantes, tu parles pour t'excuser et c'est ce que moi je fais (entretien avec D.PZ, le 20/04/2012, Banfora).

Cependant, seule une plante appelée guampanle en langue locale goin et samanere en langue véhiculaire Jula nécessite la prise en compte de l'orientation Est-Ouest dans la cueillette de ces racines comme le confirme un guérisseur : « Bon !il y a une plante qu'on appelle en Jula samanere. Nous on l'appelle dans notre langue Guampanl e. C'est la seule que je connais qui a une manière d'enlever les racines. Il faut enlever une racine vers le coucher du soleil et une autre vers le lever du soleil (entretien H.T, le 11/04/2012)». Ce qui explique son emploi fréquent par les hommes dans la cure de cette maladie. En ce lieu, en envisageant de façon interprétative, nous pouvons dire en dernière instance que l'utilisation plus ou moins des drogues végétales varie sensiblement selon qu'on est homme ou femme, selon leur nature, les organes utilisés et les règle codifiant leur accès ainsi que la représentation locale de ces pathologies. Il est à signaler également que l'utilisation varie avec la pluralité et la diversité des plantes médicinales dans cette localité de Diarrabakôkô ou la pluviométrie est bonne à l'image de toute la région des cascades dont elle fait partie. Ce qui démontre que l'espace physique qui est à l'origine de ces affections est aussi un lieu de pratiques sociales. Sur la base d'un tel constat, nous pouvons dire que si la maladie se trouve dans la nature comme l'est le paludisme et la fièvre jaune, il en est de même de la guérison. Mais cette guérison par les drogues végétales relève de la croyance qui est capitale dans la réussite d'un traitement ou dans l'efficacité des plantes qui sont animées par des esprits surnaturels. Ainsi, à la question de savoir les raisons de l'emploi plus fréquent de certaines plantes, l'efficacité est la principale raison avancée à 75% par les enquêtés suivi de l'expérience d'utilisation à 16,66%. La disponibilité des plantes et la prévention de la maladie ont été avancées à 04,17% chacune.

Si nous considérons que la maladie n'est pas seulement un fait éminemment individuel, il en est de même pour l'utilisation des plantes médicinales qui fait intervenir en sus l'ensemble de la société.

2.1.1- Personnes impliquées dans le choix des plantes à utiliser

Le village de Diarrabakôkô comme nous l'avons précédemment évoqués est une entité restreinte qui est toujours au stade de la solidarité mécanique. De ce fait, dès qu'un problème de santé se pose, c'est toute la famille, voire toute la société qui est interpelée. De ce fait, concevoir la maladie comme une déviance sociale suppose également l'implication de la société dans le choix des plantes médicinales propres à y faire face. Ainsi, la prise en compte des personnes impliquées dans le choix des plantes à utiliser selon que nous considérons la maladie et le sexe, fait percevoir dans le tableau suivant, des éléments d'analyses.

Tableau 22 : Distribution par sexe et par maladie des personnes impliquées dans le choix des plantes à utiliser

Personne impliquées

Maladies

Sexe

Parents

Voisinage

Expérience

TOTAL

Paludisme

H

36,84%

11,58%

51,58%

100%

F

19,72%

38,03%

42,25%

100%

Fièvre jaune

H

43,75%

25%

31,25%

100%

F

28%

52%

20%

100%

Source : données du terrain Mars- Avril 2012 à Diarabakôkô

L'analyse de la distribution des personnes impliquées dans le choix des plantes à utiliser par les enquêtés varie en fonction du sexe et de la maladie. En effet, l'observation des données statistiques montre que l'expérience intervient plus dans le choix des enquêtés dans la cure du paludisme soit 51,58% chez les hommes et 42,25% chez les femmes que dans celle de la fièvre jaune soit respectivement 31,25% et 20%. Ce qui met une fois de plus en exergue la nature récurrente du paludisme qui est une maladie dont peu de gens échappe surtout dans cette localité de Diarrabakôkô qui est une zone endémique stable toute l'année. En ce sens et face à l'incapacité immédiate de mobilisation des ressources monétaires, il suffit d'utiliser une plante et trouver satisfaction pour en faire une drogue privilégié dans la cure de cette affection. Autrement dit, « il existe des situations où il suffit d'avoir été soi-même atteint d'une maladie pour ainsi se qualifier, voire prétendre pouvoir traiter ce mal (Genest 1978 : 20) ». En outre, ce faible taux d'intervention de l'expérience dans le choix des plantes à utiliser dans la thérapie de la fièvre jaune montre que cette affection n'est plus une question d'alarme depuis la découverte du vaccin anti amaril.

Par ailleurs, le réseau parental intervient plus dans le choix des espèces utilisées par les hommes quel que soit la maladie, soit 36,84% dans le traitement du paludisme et 43,75% dans celui de la fièvre jaune. Par contre, chez les femmes, il intervient avec une fréquence respective de 19,72% et 28%. Comparativement aux hommes et suivant ces maladies, on remarque que le choix des plantes employées par les femmes provient plus de l'environnement social (voisinage), soit 38,03% dans la cure du paludisme et 52% dans celle de la fièvre jaune que chez les hommes où il provient moins soit respectivement 11,58% et 25%. L'explication d'un tel constat ne peut venir que de la position sociale dans ce milieu rural. Autrement dit, l'analyse de l'espace des réseaux de relation inscrit autour du choix des plantes médicinales à utiliser révèle une distinction selon le sexe et le lien social des enquêtés. De même, lorsqu'on prend en compte ces maladies, on s'aperçoit que seule l'expérience intervient le plus dans le choix des plantes employées dans la cure du paludisme, tandis que le réseau parental et l'environnement social interviennent le plus dans celle de la fièvre jaune. Ce qui signifie que le choix des plantes à utiliser dépend également de la représentation de ces pathologies.

2.2- Des modes de préparation

Cette partie présente les différentes techniques positives d'obtention des recettes médicinales ainsi que leur mode d'administration dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune. A ce niveau également, le constat de terrain révèle la présence de deux modes ou formes de préparation des recettes médicinales selon le statut médical dixit cet enquêté: « Bon !il y a des conditions comme il peut ne pas avoir. Cela dépend de comment on t'a appris ». (Entretien avec O.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô)

En ce sens, on a d'un côté la forme populaire de préparation des remèdes qui est pratiquée par l'ensemble de la population de Diarrabakôkô et qui est exempt de tout secret. Et de l'autre, la forme relevant du secret professionnel qui est l'apanage des spécialistes de la médecine ancestrale. En effet, tous autant que ces spécialistes, (guérisseurs pour la plupart) se distinguent de cette population par leurs connaissances des drogues végétales entrant dans la thérapie de ces affections, mais aussi entre eux par leur mode d'acquisition de ces connaissances. Il en est de même de " l'opération pharmaceutique" dans la démarche curative. Cette opération pharmaceutique est un processus comportant des étapes allant de la cueillette à l'administration des remèdes. Et chaque étape est régie par des règles ou des pratiques symboliques qui participent non seulement à l'efficacité des remèdes mais aussi à la légitimation de leur savoir médical. Un enquêté déclare : « (...) mais seul les connaisseurs savent les rituels à faire, les conditions à remplir pour enlever un arbre. C 'est leur métier, ils connaissent la brousse et les arbres (entretien avec K.D.P, le 15/04/2012, Diarrabakôkô) »

2.2.1- La cueillette des matériaux botaniques

Cette étape qui est la première et la plus importante de l'opération pharmaceutique nécessite l'accomplissement d'un certain nombre de rituels qui diffèrent selon les thérapeutes et le végétal. Un enquêté s'exprime à ce sujet :

Tu sais que les tradipraticiens n'ont pas hérité de la même connaissance. C'est à leur niveau qu'on peut avoir les conditions d'accès aux plantes. Par la puissance de la parole, ils augmentent l'efficacité des remèdes. La parole a une vertu thérapeutique qui n'est reçue que par héritage ou par initiation (entretien avec D.P.Z, le 20/04/2012, Banfora).

En ce sens, l'une des règles préliminaires que tout thérapeute se doit d'exécuter avant toute cueillette est la parole donnée à travers la salutation, le pardon demandé aux végétales etles motivations. Ainsi, tout thérapeute sait que sans cet acte préliminaire, il prépare inévitablement des remèdes inefficaces dans la mesure où ils perçoivent dans le végétal une entité vivante communément appelé génie et qui est doté d'un pouvoir de guérison ou maléfique. Quelques propos recueillis rendent compte de cette règle préliminaire qu'exécute tout thérapeute :

Ilfaut toujours demande, chaque arbre à son propriétaire homme comme femme. Si tu enlèves une partie de l'arbre sans lui demander, il peut causer du tort à la famille ou te rendre même fou (entretien avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

« (...) ni yi yrii bogna afana bi bogna (si tu respectes l'arbre, lui aussi il va te respecter). Comme je l'ai dit, chaque arbre à son mode de cueillette. Il faut toujours parler à l'arbre, lui demander avec respect avant de le toucher. C'est comme la femme c'est comme ça que nos parents nous ont toujours enseigné car l'arbre à son propriétaire ». (Entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)

« Tu sais mon fils, l'arbre que tu vois vit. Il a une grande utilité donc tu dois le respecter, lui demander pardon avant d'enlever ce dont tu as besoin. Par exemple tu peux dire : "Abi hèkètoo ! Uhn macogna ba aka flaburu dora ou bien a lili dora kata un yèrè flakè "(pardonnez-moi ! J'ai besoin de vos feuilles ou bien de vos racines pour aller me soigner) ». (Entretien avec B.Z, le 10/04/2012, Diarrabakôkô).

Il suit de cette nature qu'à travers la parole donnée les thérapeutes cherchent non seulement à augmenter l'efficacité des remèdes mais aussi à "domestiquer le végétal" considéré comme le réceptacle des génies de la brousse. Outre ce prélude à toute cueillette, s'adjoint d'autres rituels de domestication ou « d'achat » des drogues végétales à travers la formule tout "Bissimilaï" ou des sacrifices de petit mil ou d'argent selon le thérapeute et le végétal comme on peut le constater à travers ces propos des enquêtés. Mais il est intéressant de noter que ces gestes sont souvent exécutés aux nombres de trois, quatre ou sept fois selon le sexe du malade. Nous énumérons quelques rituels dont nous avons été informés :

(...) tu sais qu'un arbre peut résoudre cent problèmes et un arbre peut aussi causer cent tors, cela dépend de comment tu enlèves. Par exemple chez moi, il ya des plantes comme Bati, Keldité, Kèrèkètè, Dounynii et Merlen. Tu fais "tout bissimilai" trois fois si c'est un homme et sept fois si le malade est une femme avant d'enlever. Mais si c'est la plante N'kounkinè, il faut verser trois ou sept fois le petit mil avantd'enlever. Bon ! Si tu vois qu'on dit trois fois pour l'homme et sept fois pour la femme. C'est parce que le "le kunadia"(la chance) de l'homme est trois et celle de la femme, quatre. Sept fois-là, c'est parce que les femmes sont nos mères et elles peuvent enfanter aussi des jumeaux (entreti en avec O.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

Un dernier exemple illustrant ces rituels de domestication du végétal porte sur le versement de 25F en contre partie des feuilles de tomiyrii, karité, Gonkagni et des tiges de Djumatcholo, Hienfiandjantan employé pour soigner la fièvre des enfants appelé kotigè (fissure anale) : « Comme je sais que ces plantes me servent beaucoup, je demande les propriétaires (génies) avec 25 francs. Mais si j'envoie mes enfants je donne 100 francs, ils donnent 25F comme si c 'était moi-même et les 75F comme je les ai envoyé (entretien avec S.I, le 10/04/2012, Diarrabakôkô) ».

Il en résulte de ce fait que « l'amputation infligée au végétal est contre balancée, la plupart du temps, par un achat. Tout don appelle un contre don, l'élément phytothérapeutique est obtenu par l'efficacité qui légitime l'acte de prélèvement (Kalis 1997 :229) ». De plus, il convient de mentionner que les végétaux en eux même font l'objet de « conceptualisation » chez les individus vu le rôle qu'ils jouent et la place qu'ils occupent dans leur vie et ce, selon leur source de connaissance. Sur ce sujet un enquêté se prononce : « (...) l'arbre est bon et précieux car c'est un don de Dieu. (...). Le premier homme fut créé parmi les arbres et comme nous dit la bible encore, c'est par l'arbre que le péché est entré dans le monde. C'est dire que l'arbre peut soigner comme il peut tuer ». (Entretien avec H.B., le 12/04/2012, Diarrabakôkô)

Par ailleurs, tous autant que la cueillette des drogues végétales entrant dans le traitement de ces pathologies nécessitent des rituels qui varient selon la connaissance des thérapeutes, il en est de même du temps requis pour cette cueillette comme on peut le constater à travers ces trois exemples illustratifs. Le premier relate les moments favorables : « Moi j'enlève mes arbres (racines de Tobra, Siyèlè, Tchatèrè, Tantambilan, Sindjan) le matin et le soir car le soleil n'a pas encore séché leur liquide (entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)». Le deuxième se réfère à la tranche horaire d'un autre thérapeute qui affirme : « chez moi de 00H à 2heures du matin, je ne rentre pas en brousse (entretient avec S.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô)». Enfin, le dernier atteste : « chaque heure on peut enlever les plantes. Mais si tu veux plus d'efficacité, il faut enlever entre 10h et 12h car c'est le liquide de la plante quiguérit est en mouvement, donc il contient tous ces éléments. Par contre, le soir et le matin le liquide est stable (entretien avec O.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô) ».

De ce qui précède, il reste que l'observance des différents rituels et des moments requis pour la cueillette relèvent de la stratégie curative des thérapeutes qui mettent en articulation deux modes de pensées. La première étant une accumulation sur un genre empiriste et la seconde, une pensée symbolique agencée dans laquelle l'invisible s'impose. Pour le dire autrement, en reprenant la formulation de Kalis : « les trois règles préliminaires à tout prélèvement ressortissent : au comput du temps et à la spatialité, à la salutation et l'achat ainsi qu'au mode de recueil. Cette phase préliminaire requiert la même attention de la part des praticiens que celle subséquente de la préparation et de l'administration » (Kalis 1997 : 230).

Cependant, que la forme de préparation médicinale soit populaire ou sécrète, le constat de terrain révèle que les enquêtés utilisent en général les mêmes procédés opératoires. En effet, les remèdes sont obtenus selon la connaissance empirique des plantes et leur efficacité symbolique par :

- Décoction des feuilles, des racines, des écorces, des fruits, des tiges fraiches ou
séchés.

- Macération des feuilles ;

- Infusion des racines, d'écorces ou tiges ;

- Réduction en poudre des racines, des écorces préalablement desséchées au soleil.et dans un petit mortier.

Ce dernier procédé est beaucoup plus du ressort des thérapeutes comme nous pouvons le constater à travers ce discours d'un guérisseur qui n'a pas voulu nous montrer les plantes qu'il emploie dans la thérapie de ces deux affections : « chez moi, c 'est comme une pharmacie car j'ai aussi des "flamugu" (remèdes en poudre) de sumaya et Djokadjo à partir des racines car je peux me déplacer facilement avec et ils sont aussi efficace que les remèdes liquides(entretien avec S.D., le 09/04/2012, Diarrabakôkô) ». En outre, les macérations, les décoctions et les infusions sont des procédés de préparation plus courants chez les enquêtés, et le solvant employé est l'eau. L'infusion se fait plus dans une calebasse alors que la décoction dans un canari en terre appelé "Bogodaga". Mais il est intéressant de noter que chez les tradi thérapeutes, c'est le patient qui envoie son" bogo kadaga"(canari de remède en terre) et c'est le guérisseur qui est censé mettre les organes car à ce niveau également il existe des règles présidant à cet acte selon la propriété fétiche des espèces employées. A ce titre deux guérisseurs se prononcent :

« (...) pour soigner le Djokadjo moi j'utilise la plante à condition de cueillette que je t'ai dit samanèrè yrii (Guampanlè). Tu fais bouillir les racines et les feuilles puis boire un peu et se laver avec matin soir. Mais il faut mettre d'abord les racines avant de mettre les feuilles. C'est comme ça que j'ai appris avec mon papa ». (Entretien avec H.T, le 11/04/2012, Diarrabakôkô)

Le second relate aussi un ordre de mise en canari de l'organe des espèces entrant dans la cure du "kotiguè" (fissure anale) :

Moi j'utilise cinq plantes pour soigner la fièvre des enfants. Je prépare ces plantes dans un même canari mais si tu veux mettre dans le canari, il faut mettre d'abord les feuilles de tomiyrii de siyrii (karité), ensuite les tiges de Djoumatcholo, les feuilles Gonkagni avant de terminer avec les tiges Hienfiandjantan, si tu ne fais pas ça ton médicament ne va pas marcher (entretien avec S.I, le 10/04/2012, Diarrabakôkô).

Du reste, tous ces principes concourent non seulement à rendre les remèdes efficaces mais aussi permettent de mettre en exergue également le réseau serré de la relation connaissance/savoir dans la préparation des remèdes. Toutefois, il faut noter que suivant ces maladies, les remèdes sont préparés à partir d'une seule espèce végétale comme ce fut le cas de la quinine en biomédecine, extrait d'une plante appelée le "quinquina" retrouvée chez les indiens d'Amérique du Sud et qui est le seul produit autorisé en monothérapie contre le paludisme. Soit à partir de l'association de plusieurs espèces à l'image des médicaments ACT qui sont des combinaisons de médicaments thérapeutique fait à base de plantes et de molécules que l'OMS a recommandés pour le traitement du paludisme. En ce sens, nous pouvons dire que l'association ou non des plantes par les enquêtés que nous allons aborder ci-dessous témoigne de la connaissance de l'efficacité intrinsèque de chaque plante dans la thérapie du paludisme et la fièvre jaune.

2.2.2- Associations des plantes médicinales

L'association ou non des espèces dans la préparation médicinale tient sans nul doute de la propriété curatives des plantes, de l'effet recherché et varie par conséquent d'un individu à l'autre suivant l'apprentissage et les représentations de ces maladies. A ce titre, à la question de savoir pourquoi les remèdes surtout du paludisme sont amers, un de nos informateurs atteste :

Comme je l'ai dit, nos parents ne font rien au hasard. Ils ont un savoir-faire qui a une cohérence et une logique que seul eux-mêmes peut expliquer. En réalité, c'est la science des Alcaloïdes qu'ils font. L'alcaloïde contenu dans ces plantes a une activité sur le plasmodium (entretient avec D.P.Z, le 20/04/2012, Banfora).

De ce fait, suivant le paludisme et la fièvre jaune les remèdes sont préparés isolement à partir d'une plante ou en association avec plusieurs plantes. Et l'association peut aller de deux espèces à cinq espèces selon les données de terrain. Ainsi, nous énumérerons quelques exemples dans chaque cas et par maladie :

Ø Les plantes employées seules

Sont employées isolement dans la cure du paludisme une décoction feuilles d'Azadirachta indica (neemee yrii) et prendre en bain en boisson matin/soir pendant 5 jours une décoction des racines de Cassia sieberiana (guanguambere) ou une réduction en poudre de cet organe. La macération des feuilles de cossafina qui est beaucoup employé à titre préventif. L'infusion des racines de N 'Kounkine.

ü Dans la cure de la fièvre jaune

La décoction des racines et des feuilles d'Entada africana Guampanlè (Samanere). A ce niveau il est à signaler que c'est la seule plante employée seule dans la cure de cette affection. Ce qui rappelle une fois de plus la perception de cette affection sur l'axe de gravité croissante du paludisme.

Ø Association de deux plantes

ü Dans le traitement du paludisme

Préparer en association une décoction des racines ou des feuilles d Anofeissus leiocarpa (Guamungu ou kerekete) et de Mitragyna inermis (Anfian ou Dun yrii) prendre le décocté en boisson et bain matin/soir ou réduire en poudre les racines de ces deux plantes et en prendre avec la bouillie ;

· La macération des feuilles de cossafina et de Carica papaya pour boisson
matin/soir ;

· La décoction des racines de Cassia sieberiana (Guanguambere ou sindjan) et
de Lannea microcarpa (Tantambila) et prendre le décocté en boisson en bain
matin/soir.

ü Dans la cure de la fièvre jaune

· Préparer une décoction des racines du Carica papya et de Cochlospernum
planchonii (N'dribala)
et prendre le décocté en boisson, en bain matin et soir
pendant 5 jours ;

· Une décoction des racines d'Entada africana (Guampanlè) et les feuilles
d'Anofeissus leiocarpa (Guamungu) à prendre en bain, en boisson matin/soir

· Décoction des racines de Nauclea latifolia (Tchofian) et de Cochlospernum
planchonii (N'dribala).

Ø Association de trois plantes

ü Dans la cure du paludisme.

· Préparer une décoction des feuilles d'Eucalyptus camaldulensis (yrii djan),
de cossafina et de Carica papaya, prendre le décocté en boisson, en bain
matin et soir ;

· Une décoction des feuilles de Bomboromafian, d'Anofeissus leiocarpa
(Guamungu)
et d'Azadirachta indica (neem yrii) à prendre en bain et en
boisson, matin/soir.

ü Dans la cure de la fièvre j aune

· Préparer ensemble une décoction des racines et des feuilles de Nauclea
latifolia (Tchofian ou Bati),
les racines de Ficus. Gnaphalocarpa (toroyrii)
et les tiges de subagadjo et prendre le décocté en bain/boisson matin et
soir ;

· Une décoction des racines de Tobra, siyèlè, Tchatèrè et prendre le décocté
en bain ; en boisson, matin et soir pendant 5 jours ;

· Décoction des racines de Cassia sieberiana (Guanguambere ou sindjan),
sonsolon Nauclea latifolia (Tchofian ou bati)
à prendre en bain boisson
matin et soir pendant 7 jours.

Ø Association de cinq plantes

ü Dans la cure paludisme

· Préparer une décoction des feuilles de Carica papaya, Eucalyptus camaldulensis, Manguifera indica, d'Azadirachta indica et du Citrus limon puis prendre le décocté en boisson, bain, matin et soir.

ü Dans la cure de la fièvre jaune : aucune association n'a été relevée aussi à ce niveau.

Du reste, il est à signaler que plusieurs raisons ont été avancées pour justifier ces différentes associations de plantes. Et la principale raison avancée par les enquêtés est l'efficacité à 68,42%. Certains enquêtés évoquent le traitement ou l'ordonnance à 23,68%. Parlant d'efficacité un thérapeute déclare : « pour soigner le Djokadjo, il faut obligatoirement associer ces trois plantes (Tobra, siyele, Tchatere) si non l'ordonnance n'est pas au complet. Tobra par exemple assoupli le ventre et lutte contre la constipation (entretien avec S.M., le 09/04/2012, Diarrabakôkô) ». D'autres par contre attribuent ces différentes associations à l'apprentissage (7,89%). Cependant, quel que soit les raisons avancées, il convient de mentionner que ces différentes associations des espèces relève non seulement de la diversité biologique dans cette localité de Diarrabakôkô, mais aussi et surtout de l'effet thérapeutique recherché par les enquêtés suivant ces affections. C'est en ce sens que nous en convenons avec Kerharo qui affirme que

Dans les différents cas envisagés, l'association des médicaments sous toutes les formes est courante, on pourrait presque dire de règle, soit pour renforcer l'activité d'un composant ou pour en diminuer son caractère irritant, soit pour chercher une polyvalence des effets thérapeutiques (1974 : 88).

2.3- Administrations des remèdes

L'administration des remèdes qui se rapporte aux différents modes de prise des médicaments varie avec les formes médicamenteuses, tient compte du dosage dont la mesure se réfère à un gobelet, un verre ou demi verre lorsqu'il s'agit de prendre en boisson les remèdes liquides même si à l'évidence, les partisans de la biomédecine argueront l'absence ou presque de cette posologie dans les pharmacopées traditionnelles. En effet, les donnéesempiriques révèlent deux modes d'administration des remèdes du paludisme et de la fièvre jaune que sont le mode interne et le mode externe.

Le mode interne fait référence à l'administration par voie orale. Le malade prend un gobelet ou un verre central du décocté, un macéré et de l'infusé en boisson matin, midi et soir ou prend avec la bouillie et le café.

Dans la voie externe d'administration, les remèdes sont pris en bains. L'inhalation, n'est pas admise chez les enquêtés selon les propos d'un informateur : « Bon en cas de sumaya, il ne faut pas faire l'inhalation surtout les femmes enceintes et les enfants car ça bouche les pores et empêche la sueur de couler. Pour les enfants il faut V2 verre et les adultes un verre à boire matin et soir (entretiern avec O.D, le 09/04/2012, Diarrabakôkô) ». De plus, il faut noter que ces deux modes d'administration sont utilisés le plus souvent par les enquêtés de façon conjointe. De ce qui vient d'être développé, nous pouvons dire en dernière instance que l'utilisation des drogues végétales dans la cure de ces pathologies relève d'un niveau de connaissance/savoir étant donné que « les critères qui fondent l'efficacité du remède végétal ressortissent aux modalités de sa récolte, à sa composition, à sa préparation et à son mode d'utilisation (Kalis : 1997 :236)».

III- Stratégies de conservation des plantes médicinales

La conservation des plantes médicinales entrant dans la pharmacopée traditionnelle en générale constitue une préoccupation majeure pour cette population rurale de Diarrabakôkô, vu la synergie de ces qualités curatives, magiques et alimentaires. En effet, compte tenu de son importance, la préservation des drogues végétales entrant dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune est une nécessité vitale non seulement pour les générations à venir mais aussi pour supporter le coût direct du paludisme que subissent les ménages. Ainsi, les données empiriques ont permis de relever certaines actions menées par les enquêtés allant dans le sens de la préservation des plantes médicinales, voire de la nature. Elles varient en fonction des individus et de la nature des plantes devant lesquelles l'homme a développé une économie du surnaturel. Parmi ces actions, il y a l'abandon des pratiques anthropiques (coupe abusive du bois et des organes, pratique des feux de brousses) évoqués à 62,38%. A cela s'ajoute d'autres actions comme le reboisement, la régénération naturelle assistée à 24,75% comme le souligne cet enquêté : « Si tu as acheté un champ où "i macogna yrii bar a" (tu retrouves des plantesdont tu as besoin) tu les entretiens. Couper les arbres et mettre les feux dans la brousse on lutte contre ça aussi ». (Entretien avec B.Z, le 10/04/2012, Diarrabakôkô)

De plus, certain enquêtés parlent de savoir prélever à 12,87% les organes. A ce niveau, il faut dire que la manière de prélever est assortis d'une stratégie traditionnelle de préservation des plantes que nous pouvons observer à travers ces propos d'un thérapeute :

Si tu coupes une racine, il faut mouiller la terre, mélangé à du sel avant de mettre sur la partie coupée. Ce qui permet à la racine de repousser. C'est la même chose il faut faire si tu enlèves les écorces. Il faut respecter l'arbre. Si tu enlèves les racines, il faut arranger le sol parce que c'est ton "macogna yrii lo" s'il y-a quatre racines, j'enlève deux et je laisse deux (entretien avec S.M., le 09/04/2012, Diarrabakôkô).

Du reste, ces actions sont suivies par les agents de l'environnement qui interdisent souvent le prélèvement abusif des produits médicaux à juste raison car ils sont commercialisés dans les centres urbains et cela peut entrainer une exploitation anarchique des ressources forestières, même si l'impact est limité. A ce sujet une herboriste de la ville de Banfora s'exprime :

En tout cas les plantes sont bénéfiques. Notre maison a été construite avec l'argent des plantes. Le marché ça va, on ne vit que de ça. Avant avec ma belle-mère nous pouvions gagner un dimanche (jour de marché) souvent 15000 Francs CFA. Maintenant il y a beaucoup de gens qui vendent les plantes alors qu'ils n'en connaissent pas... Il n'y a pas trop de difficultés. La seule difficulté est que les eaux et forêts nous interdisent souvent de couper les feuilles et même les écorces, ils sortent souvent parler (entretien avec C.A., le 22/04/2012, Banfora).

De ce qui précède, il reste que la préservation des plantes ressort des stratégies éducatives et par la sensibilisation de la pensée magique et de la croyance populaire qui s'inscrivent dans une vision de conservation même de la nature. Ce qui permet d'appréhender le rapport de l'homme à la nature ou mieux au milieu physique comme un espace de pratique sociale. En ce sens, nous pouvons conclure que non organisée dans l'avenir, le prélèvement massif des matériaux botaniques (racines, écorces, feuilles, tiges...) pour la commercialisation peut contribuer à tuer les plantes. Mais, si les prélèvements étaient limités aux seuls soins familiaux, leur exploitation n'aurait pas d'impact sur les ressources forestières.

CONCLUSION

La reconnaissance officielle de la médecine et la pharmacopée traditionnelle en1994 suite aux difficultés financières et géographiques d'accès aux médicaments essentiels par certaines populations a entrainé leur développement et leur intégration dans le système de soin moderne. Cependant, on ne peut arriver à cela qu'en tenant compte de la pluralité des pharmacopées traditionnelles ; étant donné qu'elles varient selon les spécificités culturelles de chaque localité. Dans cette perspective, les démarches de revalorisation et de promotion doivent tenir compte des connaissances locales sur les matières premières de ces pharmacopées traditionnelles que sont les plantes médicinales. C'est pourquoi à partir de données de terrain récoltées dans le village Diarrabakôkô, cette étude s'est intéressée aux connaissances locales et modes d'utilisations des plantes médicinales entrant dans la thérapie du paludisme et de la fièvre jaune (avec un accent sur deux facteurs que sont le niveau de connaissance /savoir et les caractéristiques socio-économiques des usagers). Ces deux facteurs sont des déterminants significatifs dans l'utilisation des plantes médicinales. Ainsi, les usagers ayant un niveau de connaissance et de savoir-faire élevé ont une plus grande capacité d'utilisation des drogues végétales. Aussi, l'effet des variables tel que le sexe, le niveau d'éducation, la profession, et le revenu sont liés aux itinéraires thérapeutiques dans un contexte de pluralismes thérapeutiques. Il faudrait cependant signaler que ces déterminants sont contextuels car les itinéraires ne sont pas bien définis mais se situent dans un va et vient entre les deux systèmes de soins.

De même, les résultats de notre recherche confirment l'influence des facteurs tels que l'expérience et les représentations locales de ces maladies et, l'accessibilité financière et géographique des services médicaux modernes dans l'utilisation des plantes médicinales. Ainsi, la détermination de la perception des formations sanitaires liées à la représentation de sa thérapie, sur sa capacité à soigner le paludisme et la fièvre jaune ainsi que le mode de tarification des services médicaux (le coût du traitement biomédical) sont aussi contextuels. Les autres attributs tels que l'expérience et les représentations locales de ces affections sont des symboles d'utilisation des plantes médicinales variées et diversifiés. Ainsi, l'inscription des organes employés entrainent des conditions de leurs accès et des modes de préparations médicinales qui influenceraient les procédés d'utilisation.

Les procédés d'utilisation qui sont un processus culturel d'acquisition des connaissances se transmettent à travers l'enseignement oral et pratique dans le cadre des relations interpersonnelles de père en fils, de grand père à petit fils, maitre à initier. Dans cette perspective, les modes d'utilisation des plantes médicinales seraient alors une forme d'objectivation des connaissances/savoirs ou encore de l'héritage socioculturel et somatique des sociétés locales. Pour conclure, nous disons que les déterminants sociaux de l'utilisation des plantes médicinales entrant dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune sont multidimensionnels et dérivent de l'expérience sociale et des caractéristiques socio-économiques des usagers.

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ANNEXES

QUESTIONNAIRE : POPULATION LOCALE DE DIARRABAKOKO

Module M1 : Caractéristique d'Identification

Nom et prénom/s M01 Sexe (H : 1 F :2)

M02 Age : ans

M03 Ethnie :

M04 Religion :

M05 Province :

M06 Types de localité (1 : Urbain ; 2 : rurale)

M07 Numéro de ménage

M08 Date / heure de l'enquête

M09) quelle est la situation matrimoniale de l'enquêté ?

1-Marié célibataire 2-Célibataire 3-veuf /ve 4-Union libre

M010) Si l'enquêté est marié, sous quel régime ?

1-Monogame 2-Polygame

M011) Niveau d'éducation de l'enquêté d'instruction

1-Non scolarisé Alphabétisé 3-Coranique 4-Primaire 5-secondaire 6-supérieur

M0 12) Combien êtes-vous dans votre famille ?

 

M013) Catégorie/ profession

1. salarié

2. Agriculteur

3. Eleveur

4. Autres (préciser)

M104) Revenus de l'enquête Autres sources de revenus.

Montant/

1- Semaine

2- Mois

3- Ans

ModuleM2 : Expérience de la maladie

M2 01) Quelles sont selon vous les causes du paludisme?

 

M2 02) Appellations locales de la maladie

 

M2 03) Y a-t-il des variantes ?

 

M2 04) Comment les distingue-t-on ?

 

M2 05) Quelles sont les manifestations du paludisme ?

1-Fièvre (fébrilité, corps chaud)

2- céphalée

3-courbature

4- Troubles digestifs (Vomissement constipation goût amer Nausées Perte d'appétit

5-Autres (préciser)

M2 06) Auprès de qui avez-vous appris toutes ces connaissances

1- parents 2- Amis 3- voisinage 4-Ecole 5- télé 6-Radio

M2 07 A quel période de l'année apparaît le paludisme selon vous ?

1-Saison sèche (préciser)

2-Saison pluvieuse (préciser)

M2 08 A quel stade le paludisme est-il considéré comme une maladie grave ?

 

M2 09) Qu'est-ce que la fièvre jaune ?

 

M2 10) Quelles sont les appellations locales de la maladie ?

 

M2 11) Quelles sont selon vous les causes de la fièvre jaune ?

 

M2 12) Ces causes ont-elles évolué ?

1-Oui 2-Non

M2 13) Si oui, pourquoi ?

 

M2 14) Quelles sont les manifestations de la fièvre jaune ?

1-fièvre

2- Vomissement (jaunes-verts-noirs)

3- tendance jaunâtre (blanc des yeux, ongles, urines, paumes)

4- constipation

M2 15) Ces symptômes ont-ils évolués ?

1- Oui

2- Non

 

M2 16) Si oui, Quand ont-ils évolué ?

 

M2 17) D'où vous viennent toutes ces connaissances sur la fièvre jaune ?

1- parents 2-Amis 3-voisinage 4-école

5 Migration 6-Radio 7- télé

M2 18) A quelle période de l'année apparaît la fièvre jaune ?

1-Saison sèche (à préciser)

2-Saison pluvieuse (à préciser

M2 19) A quel stade la fièvre jaune est-elle considérée comme une maladie grave ?

 

Module M3 : Itinéraires thérapeutiques

M3 01) Quel est votre recours thérapeutiques en cas de paludisme ?

1-L'automédication 2-Moderne 3-Traditionnel 4-Mixte 4-Mixte

M3 02) A Quel stade de la maladie avez-vous adopté ce choix

 

M3 03) Pourquoi ce choix ?

 

M3 04) Vous arrive-t-il de changer votre choix thérapeutique ?

 

M3 05) Quelles sont les raisons de ce changement ?

 

M3 06) Quelles sont les personnes impliquées dans ce choix thérapeutique ?

1- parents 2- Amis 3- voisinage 4- Expérience personnelle 5- Média

6- Ecole 7- campagne

M3 07) Quel est votre recours thérapeutiques en cas de fièvre jaune ?

1-L'auto- médication 2-Moderne 3- traditionnel 4- Mixte

M3 08) A quel stade de la maladie avez-vous adopté ce choix ?

 

M3 09) Pourquoi ce choix ?

 

M3 10) Vous arrive t- il de changer votre choix ?

 

M3 11) Quelles sont les raisons de ce changement ?

 

M3 12) Quelles sont les personnes impliquées

dans ce choix thérapeutique ?

1-parents 2- Amis 3-voisinage 4-Expérience

5-Ecole 6- campagne Media

Module M4 : connaissance sur les plantes médicinales et mode d'utilisation

M4 01) Avez-vous des connaissances sur les plantes médicinales dans le traitement du paludisme ?

1- Oui 2- Non

M4 02) Si oui, quelles plantes utilisées, connaissez-vous ?

Espèces (préciser)

Nom local de l'espèce

Parties utilisées

Conditions d'accès

Mode de préparation

01

 
 
 
 
 

02

 
 
 
 
 

03

 
 
 
 
 

04

 
 
 
 
 

05

 
 
 
 
 

06

 
 
 
 
 

07

 
 
 
 
 

08

 
 
 
 
 

09

 
 
 
 
 

10

 
 
 
 
 

M4 03) D'où vous viennent toutes ces connaissances sur ces plantes médicinales

1- Parents 2- Amis 3- Voisinage 4- Autres (préciser)

M4 04) Parmi ces plantes citées, quelles sont celles que vous utilisez le plus ?

 

M4 05) A quelle période de l'année ?

1- Saison sèche (préciser)

2- Saison pluvieuse

M4 06) Quelles sont celles que vous associez le plus ?

 

M4 07) Quelles sont les conditions d'accès à ces plantes ?

 

M4 08) Quelles sont les stratégies de conservation de ces plantes ?

 

M4 09) Quelles sont les personnes impliquées dans le choix des plantes utilisées dans le traitement du paludisme ?

1-Parents 2-Amis 3-Voisinage 4-Expérience personnelle

 
 

M4 10) Avez-vous des connaissances sur les plantes médicinales dans le traitement de la fièvre jaune ?

1-Oui 2-Non

M4 11) Si oui, quelles plantes utilisées connaissez-vous ?

Espèces (préciser

Nom local de l'espèce

Parties utilisées

Conditions d'accès

Mode de préparation

01

 
 
 
 
 

02

 
 
 
 
 

03

 
 
 
 
 

04

 
 
 
 
 

05

 
 
 
 
 

06

 
 
 
 
 

07

 
 
 
 
 

08

 
 
 
 
 

09

 
 
 
 
 

10

 
 
 
 
 

M4 12) Parmi ces plantes, lesquelles sont les plus utilisées ?

 

M4 13) Pourquoi ?

 

M4 14) A quelle période de l'année on retrouve le plus ces plantes ?

1-Saison sèche

2-Saison pluvieuse

M4 15) Quelles sont celles que vous associez le plus ?

 

M4 16) Pourquoi ?

 

M4 18) Auprès de qui avez-vous appris toutes

ces connaissances ?1-

1-Parents 2-Amis

3-Voisinage 4-Autres (préciser)

M4 19) Quelles sont les personnes impliquées dans le choix des plantes à utiliser dans le traitement de la fièvre jaune ?

1-Parents

2-Amis

3-Voisinage

4-Experience personnelle

M4 20) Quels sont les solvants (liquides) utilises dans la préparation des plantes dans le traitement du paludisme ?

1-Eau

2-Alcool

3-Lait

4-Autre (préciser)

M4 21) Pourquoi ?

 

M4 22) Quels sont les excipients les plus utilisés ?

 

M4 23) Quels sont les véhicules les plus utilisés ?

1-Jus de citron 2- Potasse

3- Jus de Liane 4- Autres (préciser)

M4 24) Donnez en les raisons

 

M4 25) Quels sont les excipients dans la préparation des plantes en pommades utilisés ?

 

M4 26) Cela dépend-il de l'âge du patient ?

 

M4 27) Quels sont les modes d'administration que vous utilisez le plus dans le traitement du paludisme

1-Voie buccale

2-Voie rectale ou lavements

M4 28) Auprès de qui avez-vous appris ces recettes sur les plantes médicinales

1- Parents 2- Amis

3- Voisinage 4- Autre (préciser)

M4 29) Quels sont les solvants utilisés dans la préparation des plantes dans le traitement de la fièvre jaune ?

1-Eau

2-Alcool

3-Lait 4-Autre (préciser)

M4 30) Pourquoi ?

 

M4 31) Quels sont les excipients les plus utilisés ?

 

M4 32) Quels sont les véhicules les plus utilisés ?

1- Jus de citron 3- Potasse 2- Jus de liane 4- Autres (préciser)

M4 33) Donnez en les raisons

 
 

M4 34) Quels sont les excipients dans la préparation des plantes en pommades utilisés ?

 

M4 35) Cela dépend-il de l'âge du patient ?

 

M4 36) Quels sont les modes d'administration que vous utilisez le plus dans le traitement de la fièvre jaune ?

1-Voie buccale

2- Voie rectale ou lavements

M4 37) Auprès de qui avez-vous appris ces recettes sur les plantes médicinales ?

1- Parents 2- Amis

3- Voisinage 4- Autre (préciser)

Module M5 : Connaissance de la Bio médication et son système de soins.

M5 01) Fréquentez- vous les CSPS/CMA ?

 

M5 02) Depuis quand ?

 

M5 03) Pour quelles maladies ?

 

M5 04) Comment trouvez-vous le traitement moderne du paludisme dans les formations de santé

 

M5 05) Quelles sont vos relations avec les agents de santé lors des consultations ?

 

M5 06) Comment sont vos relations avec les agents de santé lors des hospitalisations ?

1-Bonne

2-Assez bonne

3-Mauvaise

M5 07) A combien estimez-vous les dépenses d'un traitement de paludisme ?

 

M5 08) Comment trouvez-vous le coût du traitement du paludisme ?

1-Cher

2-Pas trop cher

3- Moins cher

M5 09) A combien estimez-vous les dépenses d'un traitement de la fièvre jaune ?

 

M5 10) Comment trouvez-vous le coût du traitement de la fièvre jaune ?

1-Cher

2- Pas trop cher 3- Moins cher

M5 11) Comment trouvez- vous le traitement de la fièvre jaune dans les formations

1-Efficace

2- Pas trop efficace

3- Inefficace

M 5 12) Quelle est la situation géographique des CSPS/CMA par rapport à vos domicile ?

 

GUIDE D'ENTRETIEN 1. : TRADITHERAPEUTES

I - Caractéristiques individuelles

Nom

Prénom

Age, Sexe

Situation Matrimoniale

Ethnie/ Religion

Niveau d'instruction

Catégorie Socio- professionnelle

ü Lieu de résidence

ü Profession

ï Raison du choixT professionnel

ï Appréciation (vocation, attente, contrainte, conversion)

ï Honoraire

ü Carrière professionnelle

ï Condition d'apprentissage

ï Itinéraires d'apprentissages

ü Règle du milieu

ü Activité parallèle

II - Perception du paludisme et de la fièvre jaune

ü L'histoire de la maladie source du savoir

ü Contexte d'apparition de la maladie

ü Causes

ü Manifestations

ü Classification/ Sémiologie de la maladie

ï Classification populaire

ï Classification biomédicale

III - Connaissances des plantes médicinales et Modes d'utilisations

ü Espèces utilisées

ï Nom local

ï Nom courant

ü Historique de ces espèces

ü Sources du savoir

ü Conditions d'accès aux plantes

ü Procédés d'extraction

ü Classification de ces espèces

ü Stratégies de conservation

ü Mode de préparation

ï Solvants utilisés

ï Véhicules

ï Excipients

ü Association des plantes

ü Formes médicamenteuses

ï Usage interne

ï Usage externe

ü Association des Médicaments

ü Itinéraires d'apprentissage

IV - Perception de la biomédecine

ü Qualité

ï Soin

ï Equipement

ü Modes de tarifications

ï Consultation

ï Ordonnances

ï Mise en observation

ü Perception sur le traitement de ces maladies

GUIDE D'ENTRETIEN : PERSONNES RESOUCES

GUIDE D'ENTRETIEN 2. : PERSONNEL SANTE

ü Identification

ü Profession

ü Personnels soignants

ü Perception biomédicale du paludisme et la fièvre jaune

ü Etat de connaissance de la population locale sur ces affections

ü Mode de tarification des services médicaux

§ Consultation

§ Mise en observation

§ Ordonnances

ü Persistance du paludisme

ü Perception des tradithérapeutes et de la phytothérapie traditionnelle

ü Qualité relationnelle soignants-soignés

ü Relation avec les thérapeutes traditionnels

ü Gestion du C.S.P.S.

GUIDE D'ENTRETIEN 3 : AUTORITE RELIGIEUSE

ü Identification

ü Profession et raison du choix professionnel

ü Connaissances du paludisme et la fièvre jaune

ü Itinéraire thérapeutique en cas d'épisode de ces maladies

ü Perception de la thérapie moderne

ü Perception de la phytothérapie

GUIDE D'ENTRETIEN 4. : AUTORITE COUTUMIERE

ü Identification

ü Profession

ü Historique du village

ü Perception du paludisme et de la fièvre-jaune

ü Itinéraire thérapeutique

ü Connaissances des plantes médicinales entrant dans la thérapie de ces affections.

ü Sources de ces connaissances

ü Mode de préparation

ü Condition d'accès aux plantes

ü Perception du traitement biomédical de ces affections.

GUIDE D'ENTREIEN 5. : EPOUX D'UNE MALADE HOSPITALISE AU CSPS DE DIARABAKOKO

ü Identification

ü Profession

ü Connaissance sur ces maladies

ü Motif de présence au CSPS

ü Perception du coût et du traitement biomédical de ces affections

ü Perception de celui de la médecine traditionnelle

ü Connaissances sur les plantes médicinales entrant dans la cure de ces affections

ü Relation avec les soignants

GUIDE D'ENTRETIEN 6 : PHARMACIEN/CHERCHEUR DANS LA PHYTOTHERAPIE

ü Identification

ü Profession

ü Raison de la création d'un laboratoire phytofla

ü Etat de connaissances de la population locale sur ces affections

ü Les plantes employées dans la phytothérapie traditionnelle

ü Condition d'accès aux plantes

ü Stratégie de conservation des plantes

ü Raison du goût amer des plantes employées dans la cure du paludisme.

ü Stratégie de promotion de la médecine et de la pharmacopée traditionnelle

VI- GUIDE D'ENTRETIEN 7 : HERBORISTE DE BANFORA

ü Identification

ü Profession raison du choix

ü Retombés de cette activité

ü Prix d'un tas des organes vendus

ü Mode de procuration de ces organes

ü Condition d'accès Stratégie de conservation

ü Connaissance de ces maladies

ü Connaissance des plantes entrant dans la cure de ces affections

ü Difficultés rencontrées

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE..............................................................................................i

DEDICACES.............................................................................................ii

REMERCIEMENTS.....................................................................................iii

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS..........................................................iv

LISTE DES TABLEAUX..............................................................................v

INTRODUCTION.......................................................................................1

CHAPITRE I. : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE.............................3

I.- CADRE THEORIQUE..............................................................................3

1.1- REVUE DE LITTERATURE.....................................................................3

1.1.1- Pharmacopée traditionnelle et plantes médicinales..........................................3

1.1.2- La construction sociale de la maladie.........................................................11

1.1.3- La biomédecine et son système de soin......................................................15

1.2- PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE.......................................................23

1.3- OBJECTIFS DE LA RECHERCHE............................................................25

1.3.1-Objectif principale...............................................................................25

1.3.2- Objectifs secondaires...........................................................................26

1.4- HYPOTHESES DE LA RECHERCHE........................................................26

1.4.1- Hypothèse principale...........................................................................26

1.4.2- Hypothèses secondaires........................................................................26

1.5- DEFINITION DES CONCEPTS...............................................................27

II. METHODOLOGIE.................................................................................31

II.1- JUSTIFICATION DU CHOIX DU THEME....................................................31

II.2- PRESENTATION DU MILIEU PHYSIQUE ET HUMAIN DE LA ZONE D'ETUDE.................................................................................................31

II.2.1-Présentation du milieu physique.................................................................31

II.2.2- Présentation du milieu humain..................................................................32

II.3- ECHANTILLONNAGE/ ECHANTILLON....................................................34

II.4- METHODES ET INSTRUMENTS DE RECUEILS DES DONNEES.....................37

II.5-DEROULEMENT DE L'ENQUETE.............................................................37

II.6- DIFFICULTES ET LIMITES DE L'ETUDE..................................................38

II.7- TRAITEMENT DES DONNEES................................................................39

CHAPITRE II. : CONSTRUCTION SOCIALE DU PALUDISME ET DE LA FIEVRE JAUNE......................................................................................................40

I.CONSTRUCTION BIOMEDICALE.................................................................40

II.CONSTRUCTION POPULAIRE....................................................................43

II.1- Des sources de connaissances du paludisme et de la fièvre jaune...........................52

III.SYSTEMES MEDICAUX PLURALISTES ET ITINERAIRES THERAPEUTIQUES...54

III.1- Expériences de la maladie et itinéraires thérapeutiques dans le village de Diarrabakôkô.............................................................................................................................54

III.1.1- Itinéraires thérapeutiques dans le village de Diarrabakôkô................................55

III.2- Les facteurs associés aux recours thérapeutiques..............................................57

III.2.1-L'influence des caractéristiques socio-économiques sur les recours thérapeutiques...57

III.2.1.1-Genre et recours thérapeutiques..............................................................57

III.2.1.2-Niveau d'instruction et recours thérapeutiques.............................................59

III.2.1.3-Catégories socio professionnelle et recours thérapeutiques..............................60

III.2.2- L'influences de la maladie sur les recours thérapeutiques.................................64

III.2.3-L'influence des caractéristiques des services médicaux sur les recours thérapeutiques............................................................................................65

III.2.3.1-Perceptoin locale du traitement biomédical du paludisme et de la fièvre jaune......67

III.2.3.2-Perception du coût du traitement biomédical du paludisme et de la fièvre jaune....69

CHAPITRE III. : CONNAISSANCES LOCALES ET MODES D'UTILISATION DES PLANTES MEDICINALES DANS LE TRAITEMENT DU PALUDISME TE DE LA FIEVRE JAUNE........................................................................................74

I.CONNAISSANCES LOCALES DES PLANTES MEDICINALES ..........................74

I.1- Des sources de connaissances de ces maladies................................................84

II. PROCEDES D'UTILISATION DES PLANTES MEDICINALES..........................90

II.1- Des plantes utilisées dans la cure du paludisme et de la fièvre jaune......................90

II.1.1- Personnes impliquées dans le choix des plantes à utilisées...............................99

II.2- Des modes de préparation médicinale........................................................100

II.2.1- De la cueillette des matériaux botaniques..................................................101

II.2.2- Associations des plantes médicinales......................................................105

II.3- Administrations des remèdes..................................................................108

III. STRATEGIES DE CONSERVATION DES PLANTES MEDICINALES...............109

CONCLUSION........................................................................................111

BIBLIOGRAPHIE....................................................................................113

ANNEXES.............................................................................................117

* 1Sumaya est un mot jula qui signifie la fraicheur ou l'humidité






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote