WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le design thinking comme moteur de changements au sein d'une structure.

( Télécharger le fichier original )
par Camille LECARDONNEL-VIDAL
Kedge Business School - Master 2 - Programme Grande École 2015
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Mémoire de fin d'études

Le Design Thinking comme moteur de changements au

sein d'une structure.

Nom et Prénom des étudiants :

BARD Jean-Baptiste & LECARDONNEL-VIDAL Camille Tuteur de mémoire : Grant Linscott

2

Problématique :

Dans quelle mesure l'approche par le Design Thinking

dans la conduite de projet peut influencer la politique

stratégique d'une Entreprise et son organisation ?

Remerciements

En tout premier lieu, nous tenons à remercier Grant Linscott, notre tuteur, et qui nous a accompagnés tout au long de la rédaction de ce mémoire. Nous le remercions pour ses conseils, sa disponibilité et la liberté d'action qu'il nous a laissés dans la rédaction de notre travail.

Nous remercions également le corps professoral de l'école de Marseille avec qui nous a fourni les éléments et ressources nécessaires à la réflexion et à l'élaboration de ce mémoire.

Nous exprimons tout particulièrement notre gratitude aux quelques salariés de l'entreprise Schneider Electric et Nissan qui ont accepté de répondre à nos questions et de nous faire part de leurs connaissances concernant leurs domaines d'expertises respectifs.

Ce mémoire clôture notre master et représente le fruit d'un travail de recherche de 6 mois. C'est pendant cette période que nous avons été soutenus et encouragés par toutes les personnes suscitées. Les outils méthodologiques mis à notre disposition, nos expériences professionnelles respectives ainsi que celles des personnes rencontrées ont constitué les fondements à la conduite de nos recherches et à la rédaction de ce mémoire.

Enfin, nous remercions finalement toutes les personnes qui nous auraient aidées et que nous aurions involontairement oubliées.

1

TABLE DES MATIERES

I. REVUE DE LITTÉRATURE 4

I.1/ Concept Design Thinking 4

I.2/ Politique stratégique et organisationnelle 18

II. MÉTHODOLOGIE 21

II.1/ Epistémologie 21

II.2/ Présentation du terrain et de l'échantillon étudiée 22

II.3/ Méthode utilisée 23

III. ENQUETE ET ANALYSES DES RESULTATS 24

IV. LIMITES ET RECOMMANDATIONS 28

IV.1/ Les limites 28

IV.2/ Les Recommendations 28

V. CONCLUSION 41

VI. BIBLIOGRAPHIE 43

VII. ANNEXES 44

2

INTRODUCTION

« Pour le développement économique de la France, il est essentiel et urgent de faire de l'innovation une priorité »1 telle fut la conclusion d'un rapport réalisé en 2013 par le ministère du redressement productif et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Déjà en 2004, Christian Blanc, alors secrétaire d'état chargé du développement, défendait l'innovation comme « moteur de la croissance, de la compétitivité et de l'emploi »2 On a besoin de l'innovation pour faire survivre une entreprise face à sa concurrence, pour imaginer des services correspondant aux évolutions de nos sociétés ou pour défendre une jeune entreprise en développant une nouvelle activité, par exemple. Toutefois, les projets d'innovation sont difficiles à mettre en oeuvre dans la plupart des entreprises, en raison de problèmes organisationnels et structurels, d'une frilosité et d'un manque d'ouverture des pouvoirs en place, de problèmes de communication ou encore d'un management qui empêche les prises de risque. Généralement, le manque voir l'absence d'innovation en entreprise sont liés à un manque de collaboration, et d'une vision commune, transversale et stratégique. Les industries créatives, par les axes de réflexion non conventionnels qu'empruntent les artistes, nourrissent des projets innovants. Arnaud Montebourg avait fait des industries créatives, sont cheval de bataille: « Le redressement productif passe par le redressement créatif ». Des efforts sont faits dans le sens des métiers du design, avec la création en 2013 de la Mission Design par le ministère du redressement productif et de la culture, et la mise en place des « rendez-vous » du design. Le design est porté comme source de modernité. Car en effet, le designer a accompagné et facilité de grandes mutations technologiques. Toute la difficulté reste son intégration dans la gestion de projet des entreprises. Tim Brown, co-fondateur et directeur de l'agence de design et d'innovation IDEO, a mis au point dans les années 2000, la démarche Design Thinking en partenariat avec l'université de Stanford. Traduit littéralement en français: « la pensée design ». Cette démarche s'est imposée ces dernières années comme la méthodologie opérationnelle de la gestion de projet de l'innovation. À mesure que l'activité économique des pays développés autrefois centrée sur la production, se déplace vers l'industrie de la connaissance et des services, le Design Thinking « s'affirme comme une stratégie de survie »3. C'est une méthode aujourd'hui reconnue comme une des plus performantes pour des projets d'innovation de rupture, de nouvelle organisation sociale ou encore de développement d'activités. Paradoxalement, la démarche Design Thinking est peu, voir pas appliquée au sein de nos entreprises françaises, alors qu'elles ne cessent de subir la concurrence. Déjà, vingt ans auparavant, on parlait de design management, qui montrait, par l'intégration des designers au sein de

1, Jean-Lub Beylat et Pierre Tambourin, L'innovation, en enjeu majeur pour la France, avril 2013

2, Christian Blanc, Pour un écosystème de la croissance, mai 2004

3, Tim Brown, L'esprit Design , p8, Pearson 2014

3

l'équipe projet, que l'on pouvait aboutir à de véritables outils de communication et de vente pour les entreprises désireuses d'accroitre leur chiffre d'affaires.

C'est à la suite des Mooc IDEA animés par EM Lyon, que nous souhaitions approfondir cette réflexion sur le Design Thinking. Nous trouvions intéressant d'aller au delà de la démarche en tant que telle, et de penser le Design Thinking plutôt dans son écosystème. Nous souhaitons observer l'intégration de cette démarche en entreprise et ses conséquences sur sa politique stratégique et organisationnelle, afin de pouvoir par la suite proposer un guide de conduite à l'intention des entreprises afin qu'elles se lancent plus facilement dans cette expérience et cette approche.

Nous tâcherons à répondre à la problématique suivante: Dans quelle mesure l'approche par le Design Thinking dans la conduite de projet influence la politique stratégique et organisationnelle de l'entreprise?

Dans un premier temps, dans notre revue de littérature qui constitue notre partie théorique, nous définirons les trois concepts majeurs émergents de notre problématique. Ces deux concepts sont Design Thinking et politique stratégique et organisationnelle. De l'analyse de ces concepts, nous dégagerons des questions de recherche ou hypothèses que nous soumettrons lors d'entretiens. L'exposition du positionnement épistémologique, le choix du terrain ainsi que de l'échantillon feront donc l'objet de notre seconde partie. Et enfin, nous présenterons les résultats que nous structurerons, commenterons, interpréterons et comparerons dans la troisième et dernière partie. Cette étude aura pour objectif de pouvoir proposer par la suite aux entreprises un guide pratique pour adopter encore plus facilement la démarche Design Thinking.

4

I. Revue de littérature

I.1/ Concept Design Thinking

Le Design Thinking est la notion majeure de notre mémoire, autour de laquelle s'articule notre problématique. Plus connue par les personnes travaillant de près avec le milieu du design, nous nous attacherons donc à bien la définir.

Depuis les années 2000, l'agence de design IDEO et l'Institut de design à l'université de Stanford popularisent le concept de Design Thinking, que l'on peut traduire littéralement en « pensée design ». Il est présenté comme une nouvelle méthode en faveur de l'innovation, en aidant les équipes à « générer des idées révolutionnaires applicables et réellement efficaces »4. Il s'apparente à un nouveau modèle philosophique du design. Comme la bien montré Wolfgang Jonas, il ne faut pas confondre le design thinking (en minuscule) avec le Design Thinking ni avec le Design Management. Le design thinking était étudié dans les années 1990 par les héritiers du mouvement des Design Methods qui visait à comprendre les processus cognitifs de l'acte de design.

Toutefois, avant de s'aventurer dans l'explication du Design Thinking, il est nécessaire de définir et de comprendre ce qu'est le design. Il est très difficile de trouver une définition, même le Design Dictionary s'avoue battu: « Au risque de vous décevoir, cher lecteur, il est impossible de donner une définition unique et faisant autorité de terme central de ce dictionnaire - design »5. Cette indéfini-tion du design n'est pas une fatalité en soi, mais illustre plutôt un symptôme épistémologique. Ce symptôme s'explique très bien par le fait que depuis une vingtaine d'année, la notion de design a littéralement explosé et évolué. Elle a beaucoup évolué entre 1990 et 2010. Alors qu'il régnait autrefois une certaine stabilité et unité autour de la notion « design industriel » (1960-1980), il règne aujourd'hui une multitude d'approches et de définitions. En effet, comme le souligne C.Chaptal de Chanteloup, le design est décliné à toutes les sauces et il est donc important de distinguer "Design", "Design Management" de "Management du Design". Simplement, l'auteur définit le "Design" comme une démarche pour concrétiser une vision. Le "Design Management" quand à lui est l'intégration de cette vision dans un contexte qui prend en compte les aspects stratégiques et organisationnels d'une entreprise. C'est pour cela que le Design Thinking se rapproche du "Design Management" dans sa façon d'opérer.

4, Tim Brown, L'esprit Design, p 3-4, Pearson

5 Design Dictionnary M.Erlhoff, T.Marshall (dir), , Basel, Boston, Berlin, Birkhauser, 2008, p.104

5

Le design est une discipline apparue lors de la révolution industrielle, d'abord sous la forme de design industriel. Historiquement, le sens premier de design n'est pas celui du design industriel, mais de projet ou méthodologie de conception, qui remonte à la Renaissance. Comme l'a montré le psychosociologue Jean-Pierre Boutinet, le design est intrinsèquement lié au projet architectural de la Renaissance italienne; projet architectural inventé par l'architecte Brunelleschi à Florence vers 1420. Le projet était alors un moyen « pour séparer et unir simultanément deux temps essentiels dans l'acte de création appliqué à l'édification d'un bâtiment: le temps de travail en atelier, ordonné à la conception de la maquette, et le temps de travail sur le chantier, concrétisé dans la réalisation de l'oeuvre à partir de la maquette conçue »6 Le projet est donc l'invention d'une division du travail en deux temps: un premier temps, celui de la conception, puis un second temps, celui de la réalisation. C'est ce que la langue italienne distingue par les mots: progetto (activité intellectuelle d'élaboration) et progettazione (activité de réalisation). Les deux mots confondus donnent designo en italien, soit design en anglais. Design est donc le terme qui regroupe originairement les deux dimensions fondamentales d'un projet, la conception et la réalisation. S'éclaire aussi l'étymologie du terme design. Design est aussi issu du latin de-signare (« marquer d'un signe ») ; forme que l'on retrouve dans le terme italien de-signo et anglais de-sign. Le design est alors à entendre en tant que mode de conception par les signes; signes représentant dans le cas dans projet architectural les images en perspective de l'opération. C'est uniquement à l'âge de la société de consommation de masse que le design a acquis son sens de design industriel.

Le premier usage du terme design dans un contexte économique et industriel remonte à 1849 avec la parution du Journal of Design and Manufactures, créé et dirigé par Henry Cole qui militait à l'époque pour « marier le grand art et l'habilité mécanique »7. En effet, suite aux préjudices engendrés par l'industrialisation, de nombreux groupes d'artistes, d'architectes et d'artisans se sont sentis ravagé par cette volonté « de faire des produits de qualité »8 et de valoriser le travail industriel grâce « à la coopération de l'art, de l'industrie et du travail manuel »9 . D'où le livre de Raymond Loewy, La Laideur se vend mal, qui est un best-seller et un manifeste dans lequel il définit son approche du design industriel: « la Beauté par la Fonction et la Simplicité ».10

Les projets de cet homme, Raymond Loewy, sont devenus des légendes comme le paquet de cigarettes Lucky Strike ou encore le logo des biscuits LU. Le design industriel s'est saisi de

6 JP Boutinet, 2002, p224

7 A.Midal 2009, p33-34

8 D.Huisman, G.Patrix, 1961, p15

9 D.Quarante, 1994, p60

10, R. Loewy, La laideur se vend mal , 1953, p26

6

l'opportunité de la production en série pour vendre en masse; la concordance entre la forme et la fonction a principalement pour but l'efficacité commerciale. Ce modèle se manifeste concrètement dans une entreprise des années 1930 par la fusion du département design avec celui du marketing. Le design, ainsi réduit au marketing, devient alors uniquement un processus créatif de reconfiguration des signes au service du marché de consommation, par exemple la branche du design d'emballages (packaging design). Cette nouvelle configuration organisationnelle au sein des entreprises a contribué à l'arrivée d'une multitude de produits sur le marché, créant alors un monde nouveau constitué de « commoditise », et de consommateurs passifs et « conditionner »11. Dans ce contexte de libéralisme et de quête de nouveaux marchés, les secteurs clés du design sont la création d'image de marque, de supports de communication et d'offre produits et services. « Le design industriel est le service professionnel qui consiste à créer et à développer des concepts et des spécifications qui optimisent la fonction, la valeur et l'apparence des produits et systèmes au bénéfice mutuel de l'utilisateur et du producteur »12. Ce model économique va tellement s'imposer que l'expression « design industriel » cède peu à peu sa place au simple terme « design ». La notion industriel n'est plus mentionnée, soit parce qu'elle est considérée comme implicite, soit pour suggérer une extension du design qui s'applique au delà des seuls produits manufacturés.

Le design ne serait plus « ni un art, ni un mode d'expression, mais bien une démarche créative méthodique qui peut être généralisée à tous les problèmes de conception »13 Le design rentre alors en crise, petit à petit, dans les années 60. Cette redéfinition du design commence par l'arrivée d'un directeur à l'école de design d'Ulm qui entend vouloir « promouvoir un design au service des individus et non de la société de consommation » proposant ainsi à ses étudiants des cours de psychologie, d'anthropologie et de sciences. En 1971, Victor Papanek publie Design pour un monde réel, un livre cinglant dans lequel il écrit qu'en raison du fort taux de pollution que rejette l'industrie « peu de professions sont plus pernicieuses que le design industriel » et incite le design a devenir « un outil novateur, hautement créateur et pluridisciplinaire, adaptés aux vrais besoins des hommes »14. Cette crise identitaire du design industriel prend tellement d'ampleur qu'elle oblige les designers souhaitant continuer leur activité à une profonde remise en questions. Au lieu de créer des produits à obsolescence programmée et rapidement dépassés par les mutations technologiques, le design doit changer et renouer avec sa tradition humaniste, centrée sur l'humain.

11 E.Sottsass, Lettre aux designers, Domus, avril 1990

12 The Industrial Designers Society of America, en ligne, aout 2004

13 J. de Noblet, Roger Tallon, un designer industriel 14V. Papanek, Design pour un monde réel, 1917

7

L'ère post-industrielle veut que les designers s'intéressent plus sérieusement aux sujets. Désormais comme l'affirme Klaus Krippendorf, ancien étudiant de l'école du design d'Ulm, dans son ouvrage The Semantic Turn: a New Foundation for Design, « le design est une fabrique du sens des choses »15. Le design est alors là pour dépasser la simple fonctionnalité et le simple côté esthétique d'un produit, et pour jouer un rôle social en y intégrant les émotions. Le design devient un outil pour nous faire comprendre les choses, nous les rendre plus familières, afin de les intégrer dans notre vie. Depuis les années 1990, la notion de design est rentrée dans une nouvelle ère, où la finalité humaniste reprend le pas sur la finalité marchande. De nouvelles formes de design comme l'éco-conception, le design d'interaction, le design de services, le design social ou encore le co-design ou design participatif apparaissent, et ne se limitent plus seulement au design industriel. Le designer s'intéresse et s'interroge désormais sur la façon dont les individus, les groupes et les cultures vivent. On peut alors reparler de projet, de projet design, et revenir au sens initial du design comme étant une méthodologie de la conception chez les architectes de la Renaissance. Par projet, Jean-Pierre Boutinet, auteur d'une imposante anthropologie du projet, entend par projet « toute conduite d'anticipation socialement observable, qu'elle soit individuelle ou collective »16. Depuis ces dernières années, on constate que le projet est devenu la matrice organisatrice de la plupart de nos activités humaines dans une société postindustrielle. On parle de « projet pédagogique », de « projet de loi », de « projet architectural », de « projet d'aménagement » et de « projet d'entreprise ». Projet d'entreprise qui rejoindra notre concept de politique stratégique et organisationnelle. Le projet de design ne se réduit toutefois pas à la seule conduite d'anticipation. Le design est une discipline du projet; il ne peut s'en passer. On n'a par exemple pas toujours eu besoin de projet pour l'orientation professionnelle des jeunes (« projet d'orientation »), cependant, il est tout simplement impossible de fabriquer un objet industriel sans la méthodologie du projet en amont. Le projet est un « trait structurel »17 du design.

Le design étant une discipline du projet par essence, notre choix d'étudier l'approche Design Thinking non pas en tant qu'outil d'innovation, mais plutôt en tant que mode projet prend tout son sens. Les deux concepts sont liés intrinsèquement.

Continuons donc à approfondir la méthode projet en design, et commençons à essayer de la comprendre. Stéphane Vial a analysé dans De la spécificité du projet en design: une démonstration la culture de conception propre au design. Il a alors affirmé que « pratiquer le projet en design, c'est

15 Krippendorff, 2006

16 Jean-Pierre Boutinet, Anthropologie du projet

17 Stéphane Vial, Le design, p82

8

concevoir en fonction d'un idéal du monde un dispositif artéfactuel complexe qui donne forme à des usages autant qu'il produit des connaissances, en réaction à une demain ou un insatisfaction, et grâce à une méthodologie rigoureuse en constante évolution qui vise de manière créative et innovante, à améliorer l'habitabilité du monde »18. De cette définition, on en déduit trois caractéristiques. Le design est une discipline du projet tout d'abord fondée sur une culture créative. Le design est, en suite, une discipline avec son propre mode de connaissances et de compréhension du monde. Enfin, la discipline du projet en design est philosophiquement engagée dans la construction d'un idéal d'avenir meilleur et durable.

Il existe deux manières d'aborder la question de la méthode en design. La première est celle qui consiste à penser cette méthode sur le modèle de l'art, c'est à dire à considérer le processus de conception comme un acte de création; acte de création fondé sur des méthodes intuitives. Cette approche créative tend à résumer le design à une simple discipline de création d'objets destinés à l'exposition et/ou la vente dans des galeries d'art et des musées. La deuxième manière est celle qui consiste, cette fois-ci, à penser le design sur le modèle de la science. Le processus de conception est alors considéré comme un acte de projet, fondé sur des méthodes rationnelles. Cette approche pragmatique du design s'enracine dans l'observation des pratiques, des usages et des modes de vie. On passe alors de l'approche centrée-objet à l'approche centrée-processus. Cette nouvelle manière d'aborder les choses s'intègre dans le mouvement des Design Methods. Lancé lors de la conférence des Design Methods à Londres en 1962, ce mouvement vise à fonder le processus du design sur l'objectivité et la rationalité, et donc à sortir de l'illusion selon laquelle le processus de design serait un processus créatif reposant uniquement sur l'intuition solitaire du designer-artiste. Comme le dit Rittel: « Tout d'abord, l'acte design n'est pas un flux incessant d'événements créatif; c'est un travail hautement organisé et structuré, qui est seulement occasionnellement interrompu par de soudaines idées et intuitions. Ensuite, on ne peut pas tenir pour acquis que ces rares « événements créatifs » sont nécessairement mystérieux et au-delà de toute compréhension. »19 Désormais, grâce au mouvement des Design Methods, les méthodes en design peuvent être théorisés et enseignés dans les écoles. Or, enseigner la méthode de projet du design, c'est être capable de l'expliquer, la définir et la questionner. C'est pour cela que dans les universités et la plupart des écoles de design dans le monde, la recherche est inséparable de l'enseignement du design. Ainsi, comme l'explique Alain Findeli, il ne s'agit pas pour les designers de faire « de la théorie pour la théorie », mais plutôt de « renoncer à l'application de la théorie à la pratique en passant à la fécondation de la pratique par la

18 Vial,S, De la spécificité du projet en design: une démonstration

19 H.Rittel, Some principles for the design of an educational system for design , Journal of Architectural Education 25 (1/2), 1971, p1

9

théorie »20. Bien évidemment, il faut éviter de tomber dans le second écueil, qui est celui de « réinventer le monde à chaque projet! »21.

Pour ce faire, l'enseignement va présenter la diversité des théories du projet et de ses modélisations. Une modélisation du projet (project mapping) est une représentation, sous forme de schéma, des grandes étapes incontournables et typiques d'un projet de design. Elle permet, par sa représentation simple de « l'acte de design », d'orienter la pratique des designers pour qu'ils soient plus efficaces. Hugh Dubberly a regroupé d'ailleurs dans son livre inachevé, How do you design?22, plus d'une centaine de modèles!

Ces nouvelles formes de design contemporaines semblent constituer un socle à l'émergeant de la démarche Design Thinking. Contrairement, au design thinking, héritier du mouvement des Design Methods, qui vise donc à comprendre le processus de l'acte du design, le Design Thinking est moins descriptif et plus normatif. Il vise à améliorer les processus stratégiques de l'innovation pour pouvoir installer des offres uniques, claires qui pourront répondre de façons différenciées et durables aux besoins fondamentaux du consommateur. Tim Brown, directeur de l'agence IDEO, fait du Design Thinking son cheval de bataille. En 2009, il publie Change by design, traduit en français en 2010 sous le titre L'Esprit design, dans lequel il expose sa théorie et sa méthodologie. Il en est venu à cette méthode, car il s'est rendu compte que les designers étaient de plus en plus sollicités par les entreprises pour résoudre des problèmes éloignés des domaines « classiques » d'intervention du design. Ses idées sont clairement exprimées dans un article publié dans la Harvard Business Review publié en 2008. Brown y présente alors le Design Thinking comme une « méthodologie qui imprègne l'ensemble des activités d'innovation avec une philosophie centrée sur l'humain »23.

Le concept de Design Thinking s'ancre dans une logique selon laquelle le design industriel classique n'est plus adapté et pertinent pour affronter les enjeux du mode contemporain:

« Désormais, plutôt que de demander aux designers de rendre une idée déjà développée plus attractive pour les consommateurs, les entreprises leur demandent des idées qui rencontrent mieux les besoins et les désirs réels des consommateurs. Le premier rôle est tactique, et se réduit par la création limitée de valeur; le nouveau rôle est stratégique, et conduit à d'extraordinaire nouvelles formes de valeurs »24.

20 A.Fideli, R.Bousbaci, cit, p40

21 A.Fideli, R.Bousbaci, version longue, EAD 6 (colloque de Brême) 2005, p12

22 H.Dubberly, How do you design?, 18 mars 2005, en ligne (septembre 2004): http://goo.gl/zHd6

23 T.Brown, Design Thinking, Harvard Business Review, juin 2008, p86

24 T.Brown, Design Thinking, Harvard Business Review juin 2008, p86

10

Dans une économique des services et de la connaissance, il ne s'agit désormais plus seulement de créer des produits, mais « des procédés, des services, des interactions numériques, des divertissements, des manières de collaborer et communiquer, autant d'activités centrées-humain dans lesquelles le Design Thinking peut faire la différence »25. En effet, au fur et à mesure que les activités économiques des pays développés mutent, en passant d'une activité de fabrication à une activité de connaissance et de services fournis, « l'innovation s'affirme comme une stratégie de survie 26». Il faut donc passer à une « approche de l'innovation puissante, efficace et accessible, tenant compte de tous les aspects de l'entreprise et de la société27». La pensée design trouve des solutions à des questions éloignés de l'objet.

Méthode du Design Thinking selon Tim Brown

Ainsi, comme toutes les nouvelles formes de design contemporains mentionnées précédemment, le Design Thinking s'insère dans le mouvement de l'éclipse de l'objet et affiche son ambition d'humaniser le monde actuel. Le Design Thinking ne croit pas non plus au « génie créateur », mais plutôt au « travail augmenté par un processus créatif de découverte centré sur l'humain et suivi par des cycles itératifs de prototype, de test et d'affinement ». Inspiré par le concept de la pensé intégrative, le Design Thinking tente d'intégrer trois variables à leur réflexion: la variable humaine « désidérabilité » (intégrer l'homme au coeur du processus de réflexion et donc ne pas positionner les entreprises au dessus), la variable financière « viabilité » et la variable technologique « faisabilité ». Ces trois critères indissociables conditionnent la validité d'une idée, avant même celui du projet. Le but étant de « conjuguer ces trois critères dans un équilibre harmonieux »28. Le Design Thinking part donc des compétences que les designers ont apprises ces dernières décennies pour mettre en adéquation les besoins des hommes avec les ressources techniques disponibles, tout en respectant les contraintes économiques et environnementales. En conciliant ces trois variables, les designers ont créé les produits que nous avons aujourd'hui.

25 T.Brown, Design Thinking, Harvard Business Review juin 2008, p86

26 T.Brown, L'esprit design , 2014, p 8 Pearson

27 T.Brown, L'esprit design, 2014, Pearson

28 T.Brown, L'esprit design, p19, 2014 Pearson

11

Fig: Modèle intégratif du Design Thinking selon l'agence IDEO

Désormais, l'approche Design Thinking va encore plus loin et évolue vers un transfert des compétences du designer à d'autres acteurs, jusqu'alors étrangers au monde du design. Ces derniers vont les appliquer à des problématiques plus vastes. Le Design Thinking sollicite des capacités que nous possédons tous, mais qui ne sont généralement pas utiliser dans les méthodes classiques de résolution de problèmes. « Il n'est pas seulement centré humain, mais il est humain en soi 29». Il mobilise notre intuition, notre capacité à générer des idées à fort contenu émotionnel, et à nous exprimer autrement que part des mots et des signes. Aujourd'hui, les entreprises ont tendance à concentrer leur innovation à des idées rentables sur le court terme. Cela donne lieu à des produits qui certes séduisent les consommateurs, mais qui s'avèrent très souvent être inutiles et finissent à la poubelle. Victor Papanek le résume ainsi: « Convaincre des gens d'acheter des choses dont ils n'ont pas besoin, avec l'argent qu'ils n'ont pas, pour impressionner leurs voisins qui s'en moquent »30.

En parallèle de ces trois variables qui tendent à se réunir, 3 temps, appelés « espaces » par Tim Brown, divisent la réflexion Design Thinking: l'espace de « l'inspiration » (caractériser et problé-matiser le sujet), l'espace de « conceptualisation » (engendrer, développer et tester des idées) et enfin l'espace de « réalisation » (trouver le marché qui rencontre les utilisateurs). L'usage de la notion d'espace permet de mettre l'accent sur la nature non-linéaire et itératif du processus de réflexion:

« Les projets passent en boucle à travers des espaces - en particulier les deux premiers - bien plus qu'une fois, à mesure que sont affinés les nouvelles idées et que sont prises les nouvelles directions »31.

29, T.Brown, L'esprit design, p4, 2014, Pearson

30 Victor Papanek, Design for the Real World: Human Ecology and Social Change

31 T.Brown, Design Thinking, Harvard Business Review, juin 2008, p86

12

L'espace de l'inspiration se résume à l'observation des besoins des personnes dans son mode de vie et son contexte culturel: se laisser inspirer par les usages, s'efforcer d'être en empathie avec eux, se mettre à leur place afin de tenter de penser et percevoir le monde comme eux. L'espace de de conceptualisation est l'expérimentation concrète, via de nombreux prototypes, afin de faire émerger de nouvelles idées. Il s'agit de « faire pour penser, non pas penser pour faire »32. Enfin, l'espace de réalisation consiste à rechercher, puis mettre en oeuvre une stratégie marketing et commerciale adaptée en au marché ciblé, tout en incluant une forte participation des utilisateurs.

Ce phénomène de boucle et de non-linéarité du processus ne tiennent pas à un manque d'organisation ou de discipline de la part des designers, mais s'expliquent plutôt par le fait que le « Design Thinking est fondamentalement un processus exploratoire »33.

La phase initiale d'un projet est consacrée à la constitution d'une équipe projet pluridisciplinaire: des designers, des spécialistes, des experts, des marketers, des ingénieurs etc. L'équipe projet est, comme le dit Tim Brown, « l'ingrédient majeur à l'innovation ». Il est toujours possible de travailler seul, toutefois la complexité des projets actuels rend difficile ce type de fonctionnement. Dans la mesure où le design intervient dans de nombreux domaines et se situent en amont du processus d'innovation, le designer qui réfléchit seul aux relations entre la forme et la fonction, ne peut gagner face aux équipes interdisciplinaires. « Le design est trop important pour être laissé aux seuls mains des designers »34. Le designer est donc amené à collaborer de plus en plus avec les psychologues, philosophes, ethnographes, ingénieurs, scientifiques, managers, marketers, etc. Toutes ces disciplines contribuent depuis toujours au développement des nouveaux produits et des services. La différence est que la démarche Design Thinking les oblige à cohabiter au sein d'une même équipe et à exploiter le même processus de réflexion. Ils apprennent alors à communiquer entre eux, et cela favorise la transversalité des activités et des responsabilités, ce qui a pour effet d'étoffer la créativité. Elaborer un projet avec un regroupement de professionnels issus de domaines d'activités différents demande du temps et de la patience. On peut prendre l'exemple des designers et des architectes qui ont du mal à échanger et à partager, voir qui ont tendance à se détester. Il est donc nécessaire de prendre son temps pour les choisir.

Ainsi, depuis la création de l'institut de design à l'université de Stanford en 2005, des écoles spécialisées ouvrent leurs portes comme le Hasso-Plattner Institut (HPI) à Postdam en Allemagne ou en-

32 T.Brown, L'esprit design , 2014, Pearson

33 T.Brown, 2014, L'esprit design , Pearson p17

34T.Brown, Designers - think big! TED Global 2009, Oxford, juillet 2009, en ligne http://www.ted.com/talks/tim brown urges designers to think big

13

core l'université Aalto d'Helsinki en Finlande, fusion de l'université technologique avec l'école supérieure d'art, d'architecture et de design, et l'école de commerce. En France, l'intégration de l'approche Design Thinking dans les programmes de formation reste contrastée. Alors qu'elle a tendance à être ignorée voir méprisée dans les écoles de design traditionnelles, les écoles d'ingénieur s'y intéressent avec notamment l'ouverture du programme IDEA (Ecole centrale et EM Lyon) et de la Paris-Est Design School (Ecole des Ponts ParisTech). Les nouvelles formations proposent de plus en plus des programmes à double profil, comme des ingénieurs ayant une expérience dans le marketing. Les entreprises créatives sont en effet à l'affut de profils polyvalents et capables de travailler de façon transversale. C'est pourquoi, Tim Brown insiste bien sur la différence entre équipe multidisciplinaire et une équipe interdisciplinaire. « Dans une équipe multidisciplinaire, chacun fait l'avocat de sa propre spécialité et la collaboration se résume à une négociation sans fin qui aboutit le plus souvent à un compromis de fortune. Dans une équipe interdisciplinaire, les idées sont la propriété de tous et de chacun »35. Ceux qui veulent donc pratiquer le Design Thinking doivent travailler au sein d'une équipe interdisciplinaire.

Le projet dans une approche Design Thinking est fondamentale, voir nécessaire. On ne parle pas de problème, mais plutôt de projet. Le projet est en effet le vecteur par lequel l'idée passe du concept à la réalité. Il s'incère dans la réalité avec un début et une fin, et la mise en place d'actions. Le fait que le Design Thinking s'exprime dans le cadre d'un projet, cela oblige à rédiger un cahier des charges avec des objectifs clairs.

Depuis toujours, les entreprises françaises ont eu tendance à négliger l'environnement de travail de ses salariés. Mais depuis la percée de Google alors que dans son bâtiment il y a des toboggans et des dinosaures à grandeur nature gonflables, il est difficile de ne pas admettre que cet environnement stimule la créativité de ses salariés. De nombreuses études montrent que l'efficacité des hommes est déterminée par leur environnement physique et par l'entourage psychologique dans lequel ils travaillent. Il faut « permettre aux individus d'être pleinement eux-mêmes »36 comme le souligne Tim Brown. Dans les structures, on observe souvent que les différents services sont séparés eux-entres.

Le Design Thinking est une méthode qui permet aux non-designers de faire du design. En effet, cette démarche se base sur trois compétences humaines qui ne nécessitent pas de formation particu-

35 T.Brown, L'esprit Design, p28, 2014 Pearson

36 T.Brown, L'esprit Design , p33, 2014 Pearson

14

lière. Ces trois compétences font référence à trois éléments qui conditionnent la réussite d'un projet. Ces trois éléments sont comme le définit Tim Brown: « l'intuition, l'observation et l'empathie »37.

Il est difficile de détecter les besoins. Les besoins arrivent soit à ne pas être formulés correctement, soit ils sont latents voir inconscients. Le rôle des designers initialement est d'aider les gens à formuler des besoins latents voir inconscients. La pensée design a pour mission de traduire les observations en informations, puis ces dernières en produits et services, pour améliorer la vie des hommes. Les comportements ont toujours été très significatifs. Pour se faire, il va avoir recourt à ces trois critères.

L'intuition est « l'un des fondamentaux de la pensée design »38 comme le précise Tim Brown. L'idée est de sortir des studios pour les designers et des bureaux pour les marketers, ingénieurs.., et d'aller dehors et d'observer le quotidien des différentes populations potentiellement ciblées par leurs produits et services en cours d'élaboration. La psychologue Jane Fulton Suri, pionnière à s'être intéressée aux facteurs humains, se focalisait aux nombres « actes inconscients » que nous faisons chaque jour: les livres que le salarié met pour poser son écran d'ordinateur à hauteur des yeux. L'homme consommateur de produits et services aura beaucoup de difficulté à exprimer réellement ses besoins et ce que les entreprises pourraient faire pour améliorer son quotidien, alors que son comportement réel pourra nous renseigner sur l'ensemble de ses besoins non satisfaits. Ce travail pour essayer d'apprendre de la vie des autres, déclenche des idées créatives chez tout le monde; idées créatives qui part d'intuitions issues de ce travail d'observation.

L'observation a pour but de regarder ce que les gens ne font pas et écouter ce qu'ils taisent. En effet, la meilleure façon d'apprendre à connaître des gens est de vivre avec eux un certain temps. Il est donc nécessaire de se rendre sur place pour une période d'observation intensive. L'idée est de « regarder ce que font les gens (et ne font pas) et écouter ce qu'ils disent (et ce qu'ils ne disent pas) »39. Bien entendu, cela exige une certaine pratique, car ce n'est pas la quantité, mais plutôt la qualité qui compte. L'empathie, enfin, consiste à se mettre à la place de l'individu, et non pas les considérer comme des rats de laboratoire. Pour se mettre à leur place, il faut d'abord comprendre leurs comportements et leurs émotions; c'est l'empathie. Ainsi, il est possible d'adopter leur regard sur le monde, de l'appréhender au vue de leurs expériences et de le ressentir à travers leurs émotions. C'est en empruntant la vie des autres et en créant des ponts entre eux et les équipes projets, qu'il est alors possible d'imaginer des idées neuves. Une forme de collaboration est alors inventée, plus seu-

37 T.Brown, L'esprit Design, p41, 2014 Pearson 38, T.Brown, L'esprit Design, p41, 2014 Pearson 39 T.Brown, L'esprit Design, p41, 2014 Pearson

lement entre les membres de l'équipe, mais entre l'équipe et le public. Ce n'est plus la logique « nous pour eux », mais plutôt « nous avec eux » pour les adeptes du Design Thinking. Howard Rheingold l'a montré dans ses études sur « les foules intelligentes », tout comme Jeff Howe qui a créé le concept de « crowdsourcing »40 (ou « design participatif distribué).

Nous sommes à un moment significatif dans la manière où le rôle des consommateurs est considéré. On est passé d'un consommateur passif à un consommateur actif, où l'idée est d'aller vers eux pour les observer dans leur mode de vie et leurs expériences et d'utiliser ces données comme source d'inspiration, et donc d'innovation. Concentrer du temps à comprendre une autre culture en se rendant sur place peut donc ouvrir de nouvelles opportunités à l'innovation. La phase ultime serait le moment où le public créerait lui-même son produit. Toutefois, la capacité des consommateurs a créé seul des idées réelles novatrices (sans reproduire des concepts déjà existants ou avec des coûts de production faibles) n'a toujours pas confirmé. Avant d'arriver à ce stade, on voit largement arriver et se développer une collaboration entre l'équipe projet et les consommateurs, avec en parallèle une disparition des frontières entre les entreprises et les individus.

Constater le pouvoir du design et le défendre est encore autres chose que de l'intégrer dans sa réflexion et de l'incorporer à sa structure. Le processus de la pensée design passe par plusieurs cycles: des cycles d'expérimentations, de fortes intuitions, puis de focalisation sur des détails, avant de repasser à une phase d'observation. La pensée design ne cesse donc de diverger puis de converger.

Faire l'expérience de la démarche Design Thinking équivaut comme l'affirme Tim Brown, « à s'engager dans une danse qui oscille entre quatre états mentaux »41. La pensée design ressemble donc à un échange rythmique entre les phases de divergence et de convergence, passant d'un état d'espoir, à l'intuition puis à la confiance.

15

40 Néologisme conçu en 2006, calqué sur « outsourcing », externalisation. Il consiste à utiliser la créativité, l'intelligence et le savoir-faire d'un grand nombre d'internautes. (NdT)

41 T.Brown, L'esprit Design , p68, 2014 Pearson

16

Tim Brown nous explique, que via ce cheminement entre l'espoir, la confiance et l'intuition, l'équipe projet doit se préparer à osciller entre espoir et excitation lors de la phase de lancement du projet, puis entre excitation et confiance à la fin du projet quand la satisfaction d'avoir terminé et d'avoir réalisé un travail qui correspond à vos attentes née. Mais entre ces deux phases, la courbe de confiance est forcément mise à mal et l'échec est alors inévitable. Cet échec n'en est finalement pas vraiment un, car il permet à l'équipe de se remettre en question et de faire encore émerger de nouvelles idées. La pensée design se présente donc rarement comme une promenade idyllique. Elle met à l'épreuve nos émotions et notre aptitude à collaborer ensemble, tout en valorisant et récompensant les résultats méritants.

La phase divergente consiste à faire émerger de nouvelles idées et à l'inverse, la phase convergente élimine les options et doit faire des choix. La plupart des idées crée de la complexité et les entreprises préfèrent limiter les problèmes en privilégiant les solutions évidentes qui ne remettent pas en cause les choses existantes. Bien que cette solution semble efficace sur le court terme, elle rend l'entreprise peut flexible face aux imprévus et conservatrice. La pensée divergente, comme l'affirme Tim Brown, « contrairement aux idées reçues, n'est pas un obstacle à l'innovation, bien au contraire, elle y mène directement »42. En complément de la pensée divergente et de la pensée convergente, on peut introduire les termes d'analyse et de synthèse.. L'idée étant de faire émerger un récit cohérent et pertinent via l'analyse et la synthèse.

42 T.Brown, L'esprit Design, p41, 2014 Pearson

17

Différents outils créatifs peuvent être mis en place au sein d'une structure. Ces outils participent à l'émergence de nouvelles idées. Initialement, instituées pour les équipes créatives, les séances de brainstorming peuvent se faire à tous niveaux de l'entreprise. Cette technique tend à se répandre avec de nombreux articles entre autre écris par des professeurs d'école de commerce. Bien que certains disent que les individus trouvent plus rapidement une idée en étant seul qu'en groupe de travail, d'autre démontrent que le brainstorming est indispensable à la créativité. Le brainstorming s'impose de lui-même lorsqu'il est question d'aboutir à un plus grand nombre d'idées; rien ne vaut une bonne séance pour les créer. Il existe des dériver comme les workshops.

Les histoires et les récits ont toujours servi à mettre des idées dans un contexte afin de leur donner un sens et une signification. Il semble donc naturel que dans une démarche de conduite de projet centré sur l'homme, la capacité de l'homme à écrire joue un rôle majeur. Les scénarimages, l'improvisation ou encore les scénarios sont des techniques de narration qui aident à visualiser une idée dans la phase de conception. L'usage de la fiction a un double enjeu aujourd'hui. Elle permet certes de développer des idées novatrices, mais elle permet surtout de développer, et ainsi de proposer au consommateur, une expérience en achetant et/ou en utilisant le produit.

Comme l'affirme Joseph Pine II et James H. Gilmore, nous commençons à entrer dans une « économie de l'expérience »43. Ce type d'économie est marqué par le fait que les hommes passent de la consommation passive à la participation active. Ainsi, le consommateur recherche avant tout une expérience dans l'achat et l'usage d'un produit. Les attentes des consommateurs augmentent. Il ne suffit désormais plus d'avoir une bonne idée. Les bénéfices fonctionnels seuls du produit ne suffisent plus à séduire le consommateur ou à créer des signes distinctifs sur le marché. Le consommateur recherche avant tout un contenu, une histoire additionnelle.

Désormais, l'enjeu réside dans cette capacité à crée une histoire, une expérience dont le consommateur pourra se souvenir. Cette expérience pour qu'elle soit réussie, doit toucher le consommateur sur le plan émotionnel et expérientiel. Une histoire bien racontée peut avoir un impact émotionnel redoutable. Cette expérience peut passer par la participation du consommateur où il devient alors l'auteur de sa propre expérience. L'arrivée de la musique numérique et d'internet a encouragé un grand nombre d'entre nous à pratiquer de la musique, au lieu de la consommer purement et simplement. Grâce à des logiciels comme Garage Band sur Mac, le consommateur est invité à composer sa propre musique, sans savoir nécessairement jouer d'un instrument. Au niveau du marketing et de la communication, on va parler de storytelling. Le storytelling est un moyen pour une marque de raconter son histoire à travers une cohérence entre son passée et sa charte graphique, ses décorations

43 Joseph Pine II et James H. Gilmore, The Experience Economy

18

de magasin ou encore ses plans de communication. Le storytelling est « faire usage des codes narratifs ». Le storytelling permet à la marque de s'identifier, de créer une cohérence dans sa communication et de se rapprocher du consommateur. Le storytelling est un enjeu pour les entreprises au-jourd'hui car une récente étude montre que si des marques étaient amenées à disparaitre, 73% des personnes ne s'en soucieraient pas, et seulement 20% des marques sur marché proposent une sensation de bien-être au consommateur. L'image des marques et des entreprises sont en berne. L'approche par le Design Thinking rentre directement dans cette logique de storytelling par son intérêt pour l'humain.

I.2/ Politique stratégique et organisationnelle

Le concept de « politique stratégique » est composé du nom commun politique et de l'adjectif stratégique. L'adjectif stratégique est lui-même issu du sens même du nom « stratégie ». Il faut tout d'abord bien définir le concept de la stratégie. C'est après avoir bien identifier ses caractéristiques et son sens, que nous pourrons mieux appréhender la notion de politique dans ce concept.

Etymologiquement, le mot stratégie provient du grec ancien, strategós. Au Véme siècle av-JC, un strategos, ou stratège, était un magistrat élu chargé de diriger les questions de la politique militaire athéniennes. C'est en 1771, soit dix siècles plus tard, que le mot stratégie est inventé par le lieutenant-colonel Joly de Maïzeroy après avoir essayé « la stratégique » sur le modèle de la tactique et de la logistique. Dans le Larousse, la stratégie est un nom commun féminin qui désigne « l'art de combiner l'action de forces militaires en vue d'atteindre un but de guerre déterminé par le pouvoir politique. »44 La stratégie est donc l'ensemble des actions qui maximisent dans un univers conflictuel ou concurrentiel - face à un rival, un adversaire ou un opposant - les chances d'atteindre un objectif donné. Ce terme est donc utilisé dans l'emploi des forces militaire, en politique, en diplomatie, en guerre, et en management d'entreprise et marketing. Dans le cadre du management d'entreprise, il existe une multitude de définition pour la stratégie d'entreprise. Chaque auteur ayant approfondi sur ce sujet, présente sa propre définition. Prenons par exemple la définition de trois auteurs; celle d'Alfred Chandler, grand historien et économiste américain qui s'est concentré sur la gestion des grandes entreprises américaines, celle d'Alain Derray et Alain Lusseault dans Analyse stratégique paru en 2001, et enfin celle de Frédéric Le Roy, professeur et chercheur spécialiste des stratégies concurrentielles. Alfred Chandler dans son livre, Stratégies et structures de l'entreprise, édité en 1964, voyait la stratégie comme un concept en deux phases qui consistait « à déterminer les

44 Définition Stratégie, Larousse Online

19

objectifs et les buts fondamentaux à long terme d'une organisation, puis à choisir les modes d'action et d'allocation des ressources qui permettront d'atteindre ces buts et objectifs.»45 En d'autres termes, c'est allouer des ressources nécessaires à des actions préalablement définies afin d'atteindre ses propres objectifs. A.Derray et A.Lusseault y voient plutôt « un art de l'organisation et de la coordination d'un ensemble d'opérations pour parvenir à un but».46 L'emploi de l'art renforce l'idée de difficulté dans la mise en place d'une stratégie, et fait plutôt référence à un don, plus qu'à une compétence que l'on peut acquérir après une formation. Pour Frédéric le Roy dans Stratégies de l'Entreprise, la stratégie d'entreprise « s'inscrit dans un environnement, en fonction duquel elle va fixer des objectifs puis allouer des ressources afin d'obtenir un réel avantage compétitif durable ».47

Le point commun entre ces trois définitions est l'atteinte d'objectifs préalablement définis. La stratégie d'entreprise est donc un processus qui se met en place dans l'optique d'atteindre un, voir plusieurs objectifs bien précis, comme par exemple un taux d'occupation d'un hôtel à 100%, le lancement d'un nouveau produit ou assurer une maintenance 24h/24h 7j/7. A.Derray et A.Lusseault, mettent l'accent sur le management des actions dans le but d'atteindre des objectifs, alors qu'Alfred Chandler et Frédéric le Roy sont tous les deux d'accord pour affirmer que des ressources doivent être mobilisées après définition de ces objectifs; ressources qui vont pouvoir mettre en pratique des actions pour concrétiser ces objectifs. Frédéric le Roy va encore plus loin dans le sens « d'objectif ». Pour lui, ceux ne sont pas des objectifs fixés au hasard, mais bien des objectifs qui s'inscrivent dans une volonté de se positionner sur un marché différent au vue de l'environnement actuel, dans le but d'être plus compétitif. Toutefois, avant même de se projeter dans la consolidation ou l'expansion d'une entreprise, il est impératif de répondre à ses besoins nécessaires pour qu'elle puisse fonctionner au jour le jour. On constate donc qu'il existe plusieurs niveaux d'application de stratégie d'entreprise, et qu'il est donc impératif de les distinguer. Selon Garry Johnson et Kevan Scholes, il existe trois niveaux d'application de la stratégie:

- La stratégie d'entreprise qui est le processus qui permet de créer un portefeuille d'activités et d'allouer des ressources humaines et financières pour pérenniser l'entreprise. « Elle a pour but de répondre aux attentes des actionnaires, et des autres parties prenantes en augmentant la valeur des différentes composantes de l'entreprise »48,

- La stratégie par domaine d'activité stratégique,

45 Alfred, Stratégies et structures de L'entreprise, Paris, Organisation 1964

46 Alain Derray, Alain Lusseault, Analyse stratégique, Ellipses, 2001. (p. 86)

47 Frédéric Le Roy, Les stratégies de l'entreprise, 4e édition, Dunod, 2012 48, Garry Johnson et Kevan Scholes, Stratégique édition Pearson

20

- Les stratégies opérationnelles déterminent la manière dont les différentes composantes de l'entreprise pourront répondre effectivement aux choix stratégiques pris au niveau global et de chacun des domaines d'activités.

On parle de stratégie d'entreprise à partir du moment où cette dernière a définit clairement ses besoins et objectifs, et souhaite développer un positionnement différenciant sur le marché. Le positionnement différenciant se définit à partir des avantages compétitifs identifiés en amont. La recherche des avantages compétitifs est souvent source de performance et de distinction de l'offre produits et services. Le portefeuille d'activités peut s'étendre comme se spécifier dans un coeur de métier propre. L'avantage compétitif crée de la valeur ajoutée générant des profits financiers. Ainsi, la capacité d'investissement de cette dernière en R&D, marketing, communication et outil de production est plus forte. Elle peut alors maintenir sa position compétitive. On comprend dès lors l'importance de l'innovation dans cette recherche d'avantages compétitifs, qui une fois intégrer à la stratégie prendront la forme de facteurs clés de succès. La définition d'une stratégie se fait en trois étapes clés:

1) Segmentation des domaines d'activités stratégiques

2) Définition des systèmes compétitifs qui aboutit au positionnement

3) Définition des facteurs clés de succès

Une analyse stratégique et prospective met en avant les enjeux, les champs d'actions possibles, et définit les axes stratégiques de l'entreprise et ses facteurs clés de succès. Toutefois, les facteurs clés de succès ne constituent pas une finalité en soi. Leur succès dépend de leur mise en place dans le cadre d'actions concrètes et globales.

Ces actions concrètes, au delà de leurs objectifs premiers, impacteront nécessairement dans la phase de réalisation les ressources humaines, la production, le management, l'image de l'entreprise, sa communication, son organisation, et sa politique d'entreprise. Le choix pour une entreprise d'avoir recourt à la démarche Design Thinking, comme moteur de l'innovation, impactera l'entreprise. En effet, le Design Thinking en raison de son processus de réflexion et de mise en place d'un nouveau mode de travail, celui du mode projet, impacte la stratégie politique et organisationnelle. L'idée est alors de savoir comment l'appropriation de cette nouvelle démarche se concrétise dans une entreprise?

Trouver une articulation pertinente entre notre problématique (objet de recherche) avec le terrain et notre méthode de recherche est fondamentale pour répondre au mieux à notre question.

21

Dans cette seconde partie donc, accès sur notre méthodologie, nous allons exposer clairement notre positionnement épistémologique et ses raisons. Par positionnement épistémologique, nous entendons le choix de notre approche plutôt qualitative ou quantitatif, de notre échantillon et terrain. Nous présenterons alors les moyens mis en place, et toutes les informations nécessaires pour mieux comprendre notre terrain.

II. Méthodologie

II.1/ Epistémologie

Suite à notre revue littéraire et au vue de notre problématique, nous constatons que l'approche qualitative s'impose. En effet, nous ne cherchons en aucun cas à valider ou réfuter des hypothèses, mais bien à répondre à la question du comment on peut mettre en place une démarche Design Thinking dans la conduite d'un projet. Et d'observer ainsi ses impacts d'un point de vue organisationnel et stratégique. Ultérieurement, nous avons mis en avant les grands principes intelligibles de la démarche Design Thinking. Nous cherchons dès lors à faire émerger des modes organisationnels concrets et simples en se basant sur ses grands principes, pour que les entreprises puissent s'approprier facilement cette nouvelle approche de conduite de projet. Nous adopterons donc une démarche exploratoire et constructiviste.

Notre guide d'entretien s'articulera donc autour des grands principes fondamentaux du Design Thinking que nous avons fait émerger et que nous avons expliqué dans notre revue de littérature et qui sont:

- Une équipe pluridisciplinaire

- Une recherche centrée sur l'homme et préoccupée par son bien-être et son bonheur

- Un cahier des charges bien défini

- Une capacité à observer et être en empathie

- Des outils pour explorer et expérimenter les idées

- Etre sur le terrain

- Impliquer le consommateur dans la recherche.

Ils constitueront des sous-problématiques qui structureront des questions simples et ouvertes. Le guide d'entretien (voire annexe 1) nous permettra de faire, selon l'entreprise interviewée, soit un retour d'expérience si elle a déjà eu recours au Design Thinking, soit une séance d'idéation stimu-

22

lante dans le cas contraire. Ainsi, on pourra faire un bilan du Design Thinking aujourd'hui au sein des entreprises en France. Cela nous aidera et enrichira notre analyse prospective.

II.2/ Présentation du terrain et de l'échantillon étudiée

Initialement, nous avions pensé faire de la 54ème édition du salon du meuble de Milan notre terrain. Ce salon du meuble de Milan se déroulait du 13 au 19 avril 2015. L'un de nous deux allant pour le travail au Salon, nous avions souhaité profiter de cet événement pour y réaliser notre étude. Le salon international du meuble et du design est installé dans le parc des expositions de Rho au nord-ouest de Milan. Il regroupe plus de 2106 exposants, sur plus de 200 000m2. Le OFF, répartis sur 3 quartiers (Breira, Tortona et Lambrate), rassemble lui plus de 200 expositions. Près de 300 000 visiteurs (professionnels de l'ameublement, décorateurs, designers mais des curieux) se sont rendus sur le salon pour découvrir les dernières créations des plus grands fabricants de secteur. Cet événement réunit en effet des fabricants et éditeurs de meubles, mais aussi les designers et futurs designers de nos espaces de vie. Un événement idéal pour rencontrer facilement des entreprises et designers français pour leur parler du Design Thinking.

Ce qui nous amenait donc à notre échantillon qui aurait été les fabricants et éditeurs de meubles français. Cela était certes restrictif par rapport au tissu industriel français dans sa globalité. Toutefois, ce choix de population observée n'était pas anodin, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, c'est un secteur historiquement fondé sur des équipes créatives. Grâce au design, le meuble a pu évoluer, et s'industrialiser puis se standardiser. On pense alors aux Modernistes illustré par le Corbusier et D'ailleurs, pour certain historien, le XVIIIème siècle marqué par le château de Versailles et les fauteuils Louis XIV, serait à la source du design. Deuxièmement, le marché de l'ameublement français est en difficulté avec une perte de compétitivité, à l'égard de ses voisins italiens et suédois bien plus compétitif sur ce marché. Troisièmement, ce marché est conscient de cette nécessaire à être innovant en terme d'offres, de distribution et de services, et sur le plan industriel, logistique et du financement. Les nouveaux modes de vie et usages, marqués par l'arrivée de la génération Z, et l'arrivée du numérique et des objets connectés dans la maison font du marché du meuble et de l'aménagement intérieur, un marché prioritaire pour l'innovation. Par essence, le marché du meuble est focalisé et centré sur l'homme et la recherche de son bien-être. Un marché donc idéal pour mettre en place dans les entreprises françaises une approche Design Thinking.

En raison de ce terrain et cet échantillon, les entretiens prenaient la forme d'interviews en face à face qui se faisant directement sur le stand au salon. Cela était plus facile d'un point de vue organisationnel qu'un groupe de discussion. Il nous suffisait d'aller sur le stand, et de leur demander après

23

présentation de notre parcours et de notre projet de mémoire de recherche si quelqu'un serait d'accord pour nous accorder 10 min afin de débattre de la démarche du Design Thinking.

Malheureusement ayant finalement obtenu que 3 entretiens en raison d'une présence française sur le Salon trop faible, il a été nécessaire de repenser notre méthodologie. Le temps nous permettant de nous retourner, nous avons mis en ligne le questionnaire via notre page Linkedin et un blog. Nous avons aussi envoyé ce questionnaire à nos connaissances du milieu de l'entreprise. Cette démarche nous a permis de recueillir 6 réponses supplémentaires.

Ces entretiens ont été complétés par des données secondaires, dites « de secondes mains » collectés dans le cadre de conférences, d'études annexes ou dans d'autres contextes que celui de notre mémoire de recherche.

La méthode de collecte de données de type qualitatives se partagera, comme nous l'apprend la démarche Design Thinking, entre les entretiens et les observations faites sur places. L'entretien constituera à demander une extraction d'informations sur leur vision du Design Thinking et de la place à l'innovation faite dans les structures françaises; l'observation nous demandera de regarder globalement les stands et de trouver « l'innovation »; le texte ressortit des entretiens et de nos recherches en base de données sera examiné.

II.3/ Méthode utilisée

L'unité d'échantillonnage qui fait la base de notre sondage est donc les entreprises françaises (allant d'une activité de production, de fournisseur à une activité de services) ayant déjà recours à des équipes créatives ou ayant développer en interne un pôle « Innovation ». L'unité déclarative est alors les salariés des industries françaises. Il est en effet important de ne pas se limiter qu'aux dirigeants, et d'interroger les personnes qui pourraient potentiellement avoir recours et/ou participer activement au Design Thinking. Nous pensons aux marketers, aux commerciaux, aux managers et aux ingénieurs. L'unité de référence est alors le designer. La taille de notre échantillon est une vingtaine d'industriels. Cette taille est malheureusement en dessous de la taille suffisamment conséquente pour avoir un degré de précision viable sur une étude qualitative. Taille d'échantillon qui est de 30. On passera à un échantillonnage au jugé. C'est à dire qu'il sera choisi au hasard parmi ceux de nous croiserons, car nous considérons qu'il est apte à répondre à nos questions et révélateur du propos. Toutefois il est reste libre de nous accorder ou pas cet entretien d'une quinzaine de minutes.

24

III. Enquête et Analyses des résultats

Analyses et commentaires

Dans cette partie d'analyse et de synthèse, nous allons reprendre question par question celles du questionnaire, afin de ne rien oublier et de faire ressortir au mieux les remarques et résultats pertinents. (Voir annexe 2)

Question 1:

Il était demandé à notre échantillon de nous dire combien de personnes en moyenne sont impliquées dans l'équipe projet. Il en est ressorti 2 chiffres: de 2 à 10 personnes et plus de 15.

Nous pensons que ce chiffre varie en fonction de la taille de l'entreprise. Plus l'entreprise sera grande, plus il y aura de personnes impliquées dans l'équipe projet.

Question 2:

Nous les interrogions cette fois-ci sur la place des designers dans les différents projets menés par l'entreprise.

Les designers sont certes présents régulièrement en réunion, ils le sont aussi du début à la fin du projet, jusqu'à son lancement. Nous constatons toutefois une réduction du rôle des designers par les dirigeants, en donnant aux designers un simple rôle de conseillés avec une participation réduite, alors que les responsables de département tendent à valoriser leur participation dans les différents projets.

Question 3:

Les départements généralement impliqués dans les projets d'une entreprise sont celui du marketing, des ventes, du développement commercial, du recherche et développement et de la finance. On constate ici que les entreprises favorisent toujours certains départements, au détriment de d'autres. Bien que le département création/ design ait été mentionné deux fois, il reste encore un département marginal. Cette marginalité est expliquée par son rôle encore strictement réduit à résoudre des problèmes esthétiques.

L'entreprise Appel sous Steve Job portait autant d'importance à tous ses départements. Ils fonctionnaient tous en étroite collaboration. Depuis son départ, on constate une montée du département Marketing comme l'illustre la sortie de l'appel Watch avec la présence de célébrité comme Karl Lagerfeld.

25

Question 4:

C'est la seule question qui amène un non consensus. Pour enrichir la question précédente, il leur était demandé de nous dire comment étaient choisis ces départements. Pour 50% d'entre eux, ils sont choisis en fonction du type de projet. Pour les 50% restant, ces départements sont prédéfinis en fonction d'une charte organisationnelle et de conduite de projet présente dans l'entreprise.

Ce résultat permet de mettre en avant une certaine flexibilité de la part des entreprises dans le choix des départements participatifs dans la gestion et la réalisation des projets. Il est donc possible d'intégrer le design au même titre que les autres départements dans la conduite et dans la réalisation d'un projet. Il suffirait d'initier et de former les cadres et dirigeants au design.

Dans le cadre de la réalisation d'une étude sectorielle prospective et stratégique de la filière ameublement français, nous avons constaté lors des nombreux entretiens faits avec des fabricants de meubles, une confusion entre créatif et designer. Il y a une distinction à apporter, car on nomme « designers » des personnes n'ayant pas leurs compétences. Certes un designer est un créatif, mais avec des spécifiés qui sont celles d'intégrer dans un produit (objet ou service) la fonctionnalité (l'aspect d'usage) et l'esthétique, en ayant à se poser des questions fondamentales.

Question 5:

Les critères de sélection dans la formation de l'équipe projet sont les suivants: l'expérience et le poste occupé dans l'entreprise. Arrivent ensuite, l'esprit créatif et d'innovation.

La recherche de former une équipe pluridisciplinaire et multidisciplinaire ne fait pas partie des critères dans la formation des équipes projets. L'intégration d'une personne extérieure, non plus. La présence obligatoire d'un designer, encore moins.

Question 6:

Contrairement aux questions précédentes où on identifie un résultat clair, cette dernière révèle que 33% des personnes interrogées se fient à un guide préétabli la gestion de leur projet, et alors que les autres 67% rédigent au tout début du projet le cahier des charges à une ou deux personnes.

Un cahier des charges spécifique à chaque à projet n'est donc pas automatique, et sa rédaction à plusieurs mains n'est pas systématique.

Question 7:

Pour la phase d'idéation, il existe de nombreuses méthodes. Certaines sont connues dans le monde entier et considérés comme des « basiques », d'autres sont plus spécifiques à chaque entreprise. Mé-

26

thodes généralement choisies en fonction du coeur de métier de l'entreprise, de ses valeurs et de son management. Il a été mentionné dans notre questionnaire comme outil:

- PMI methodology;

- Des séances de créativité (brainstorming) après la sélection des idées les « plus prometteuses »

par le comité de direction.

- Réunions

- Présentations powerpoint

- Usage de paperboard

Question 8:

Pour la phase de conceptualisation et d'application, il est possible de recourir aux mêmes outils que précédemment, mais aussi à la charte de Gantt, Excel.

Question 9:

Au cours du projet, la communication se fait pour 100% des interrogés par téléphone, mail, et en réunion et rendez-vous en face à face. Il est toutefois ressorti pour 20% d'entre eux le recours aux réseaux sociaux d'entreprises et aux nouveaux outils collaboratifs.

Les réseaux sociaux ou encore les nouveaux outils collaboratif ne sont pas des réflexes pour les entreprises, qui restent encore à des méthodes traditionnelles. Est ce que changer nos méthodes de communiquer et d'échanger en dehors des réunions de travail ne permettraient t'elles pas de favoriser les idées créatives?

Question 10:

50% de nos interrogés ont déjà entendu parler du Design Thinking. Toutefois, il était difficile pour eux de le définir. Aucun n'a su nous expliquer clairement en quoi cela consistait. La confusion avec le design management est très importante, car la vision qu'ils avaient de l'intégration des designers dans une équipe projet se rapprochait plus du design management que du Design Thinking. Il nous semble donc nécessaire de faire une distinction claire entre ces deux approches d'intégration du designer. (Voir annexe 3)

Question 11:

Bien que cette méthode de travail soit connue par les entreprises, peu d'entre eux (2/3) l'ont déjà testé au sein de leur structure.

La question reste alors de savoir: Dans quel cas ont t'ils eu recours à cette méthode et pourquoi?

27

Combien de fois ils l'ont appliquée? Comment ils s'y sont pris? Est ce que se fut un échec ou un succès?

Question 12:

Les projets durent généralement 5 mois, voir plus.

Question 13:

Les facteurs considérés comme les plus importants pour les porteurs de projet:

- Fonctionnalité/ Utilité/ Potentiel profit - Cohérence avec l'image de marque - Coût de production

- Originalité / Innovation

- Esthétisme

Les facteurs clés de choix des projets restent encore la recherche de profit, d'utilité et de fonctionnalité pour le consommateur. Ces facteurs sont des facteurs sur le court-terme. L'innovation arrive en 4ème position, soit avant-dernier, alors que toutes les études démontrent l'importance de l'innovation pour suivre sur le marché. Dernièrement, la BPI a organisé un événement sur l'innovation et les Start-up françaises à la Cité de la mode et du design à Paris. L'étude sectorielle stratégique et prospective menée par Monitor Deloitte sur la filière de l'ameublement met aussi en avant l'enjeu et la nécessité de l'innovation (produit/service/process/technologique) pour retrouver de la compétitivité.49

Malgré cet engouement de la presse, des écoles de commerce pour l'innovation, finalement la réalité en entreprise est autre. La question qui est reste à se poser, est pourquoi?

Question 14:

Cette question pose cette fois-ci clairement le Design Thinking comme un outil de gestion de projet. Après avoir introduit cette variable constitutive de sa définition, il n'y a finalement plus que 25% des personnes interrogées qui l'auraient utilisée ainsi.

Question 15:

Il y a eu recours au Design Thinking en tant qu'outil de gestion de projet une seule fois. Le designer était là pour résumer et mettre en page tous les projets dans leur portefeuille d'offre.

49 Monitor Deloitte, Etude sectorielle: Comment la filière de l'ameublement français peut retrouver de la compétitive dans un secteur mondial porteur ?! 2015 pour UNIFA

28

IV. Limites et Recommandations

IV.1/ Les limites

Dans le cadre de notre recherche, nous avons du faire face à plusieurs limites. Pour certaines des limites dites « classiques », d'autres plus inattendus.

Nous avons été en effet limités par notre manque de temps dans l'élaboration de notre mémoire de recherche pour approfondir certains points clés de notre réflexion sur le Design Thinking. Nous pensons essentiellement au côté esthétique de la démarche ou assister en tant qu'observateur à une séance d'idéation. Nous avons aussi rencontré de nombreuses difficultés à rentrer en contact avec les entreprises souhaitant s'exprimer sur notre sujet. Les PME contactés ne se sentaient pas intéressés ou concernées.

Ce qui nous amène à notre dernière limite, limite importante et inattendue, qui est celle du manque flagrant de connaissance de la part des entreprises sur le sujet du Design Thinking. Le processus de Design Thinking était un processus d'innovation inconnu pour 88% des entreprises appelées. Ce processus reste encore trop mal compris par les entreprises, qui tendent à le confondre avec la démarche Design Management. À l'heure actuelle, seule les grandes entreprises consolidées et ayant trouvée comme axe de différenciation et d'évolution le design et l'innovation, investissent sur ce processus de réflexion. Des espaces dédiées à l'innovation, à l'émergence d'idées créatives est de plus en courant. L'innovation n'a jamais pris autant de sens dans les entreprises jusqu'à maintenant. Jusqu'alors, elle était associée à l'innovation technique. Désormais, l'innovation touche essentiellement les services, le design produit et surtout les business model avec de nouvelles formes de collaboration. L'enjeu de l'innovation se trouve désormais sur ces nouveaux créneaux.

IV.2/ Les Recommendations

Dans le cadre de la rédaction de ce mémoire, nous nous sommes rendu comptes de plusieurs points négatifs et limites concernant la situation du Design Thinking et de sa non-compréhension par les entreprises sur le territoire Français à l'heure actuelle. Nous avons donc répertoriés différentes re-

29

commandations pour développer cette démarche dans les années à suivre au sein des entreprises françaises et accroitre leur innovation.

La Formation

Une des plus importantes pistes d'amélioration pour l'éclosion du Design Thinking dans les organisations en France se situe en amont du process, et par là nous entendons la formation. Aujourd'hui le Design est enseigné uniquement de la manière la plus traditionnelle possible, c'est à dire figé sur les caractéristiques techniques et esthétiques d'un produit. Nous ajouterons que dans le système éducationnel en France devrait dédier une partie plus importante à l'approche du Design dans les différentes écoles de commerce et d'ingénieurs afin de sensibiliser dès le plus jeune âge à l'approche du Design Thinking dans un contexte organisationnel, à l'image de l'EM Lyon et son programme I.D.E.A (Innovation, Design, Entrepreneurship & Arts.) qui enseigne notamment le concept du Design Thinking à ses étudiants. Toutes les personnes qui créent de nouvelles solutions afin d'améliorer leurs situations professionnelles ou personnelles font appel à du Design d'une certaine façon et comme le rapelle Tim Brown lors de sa conférence Ted : "Whenever we do something to improve the state of the world, we're designing. Design is everywhere, inevitably everyone is a designer." Il nous à paru donc légitime de penser que la formation des cadres qui cherchent perpétuellement à innover dans leurs environnements professionnels vers une approche du Design Thinking pourrait être un moyen d'encadrer de manière plus théoriques et pratiques ces cadres dans leurs conduites de projets. On peut aussi penser à la création de séminaires de sensibilisation, pour les fonctions de la finance, du marketing et de l'ingénierie, aux méthodes du design avec l'intervention des designers pendant plusieurs semaines. Ce serait comme un camp d'entraînement à la créativité avant de passer à la phase pratique d'idéation et de conception pour lancer de nouveaux produits. Cet espace dédié au projet peut prendre la forme d'un laboratoire d'innovation ouvert à tous. Compte tenu de l'aspect expérimental du Design Thinking, la flexibilité est un facteur clé. Le défi sera alors de valoriser la prise de risque et l'exploration, alors que la culture en entreprise a tendance à favoriser l'efficacité et la hiérarchisation. L'idée de ce séminaire permettrait de diffuser la pensée design dans l'entreprise, et de la faire remonter vers « l'amont » des projets, jusqu'aux prises de décisions. Cette remontée en amont de la pensée design et des designers permettrait de répondre aux besoins et enjeux du marché actuel.

30

De plus en plus d'organismes se mobilisent pour faciliter la connaissance et l'utilisation du Design Thinking, l'EM Lyon comme nous l'avons vu précédemment et son programme I.D.E.A, les conférences TED sur l'innovation qui se démocratise de plus en plus en France ou encore les réunions "Meet-Up" qui propose des meetings sur le Design Thinking plusieurs par an. Des organismes telle que le VIA ou encore La Cité du Design à Saint Etienne faisant la promotion du design proposent d'accompagner les entreprises à intégrer les designers dans des projets stratégiques. (Voir annexe 4)

Le travail en équipe

Savoir choisir les personnalités et les talents les plus à même à collaborer ensemble sur un laps de temps donné est un défi de taille. La constitution d'une équipe pluridisciplinaire n'est pas une mise affaire. Il faut certes sélectionner de préférences des personnalités à double cursus, mais il faut surtout trouver des personnes ayant suffisamment confiances en leur propre expertise pour accepter à la dépasser.

Le Design Thinking est un travail d'équipe, et non une démarche individuelle. Les projets peuvent donc être mis à plat plus facilement.

Il faut toutefois faire attention à « l'esprit de groupe » qui comme l'expliquait William H.Whyte dans le magazine Fortune en 1952 a pour effet d'étouffer la créativité de l'individu. La pensée design, au contraire, libère cette créativité individuelle. Pour ce faire, il est préférable de travailler en petite structure. Les petites structures sont aussi favorisées car la communication entre les membres d'une équipe élargie prend beaucoup de temps, et cela au détriment de la créativité. Les grandes structures trouvent toutefois leur place dans la phase de conception et d'inspiration du projet. Une solution à ce problème de communication peut être trouvée parmi les nouveaux logiciels de collaboration. En guise d'exemple, on peut citer les systèmes de vidéoconférence et de partager de dossiers. Bien entendu, ces nouveaux outils de collaboration à distance ne remplace malheureusement pas l'efficacité les échanges d'idées en direct.

Le passage du design au Design Thinking est marqué par l'évolution qui débute par la création de produits, puis par l'étude du rapport entre le produit et l'humain, pour enfin s'orienter vers l'analyse des relations que les hommes entretiennent entre eux. Voici la clé de la créativité d'une entreprise selon l'agence IDEO : « Tous ensemble, nous sommes plus intelligents que n'importe lequel d'entre nous »50.

En plus de contribuer à la vulgarisation de la culture design auprès des entrepreneurs, décideurs, ingénieurs, etc. Toutefois, il n'y a pas de recette universelle qui puisse remplacer une formation de

50 T.Brown, L'esprit Design, p27, 2014 Pearson

31

designer. Il faut donc rester vigilant comme le préconise Paola Antonelli, curatrice en design au Museum of Modern Art de New York:

« Le Design Thinking est un réel danger car, grâce à lui, de nombreuses entreprises pensent qu'elle font du design alors qu'elles n'en font pas. C'est devenu un terrain de jeu pour les consultants, et une nouvelle manière pour de nombreuses entreprises d'abdiquer leur responsabilité à l'égard du design.51 »

On voit ici l'importance et la nécessaire d'intégrer dans cette démarche de Design Thinking des designers; designers qui pourront alors orienter, corriger et aider les autres membres de l'équipe projet n'ayant pas cette formation. La méthode Design Thinking se fait en présence d'une équipe projet pluridisciplinaire où toutes les parties prenantes de la chaine de valeur du projet se réunissent en amont de ce dernier.

Ceux comme Don Norman qui, au départ, ne voyaient dans le Design Thinking qu'une simple « méthode systématique d'innovation création52 », ont désormais changé d'avis. Le Design Thinking est en pleine ascension.

Le Design Thinking Manager

Nous recommandons de faire émerger le poste de Design Manager qui nous semple primordial dans le process du Design Thinking. Avant de pouvoir mettre en pratique le Design Thinking, il nous paraît important de mettre en place ce poste dans les organisations afin de pouvoir diriger différents projets en utilisant la méthode du Design Thinking.

Le Design Thinking Manager a une double casquette; familiarisé au design, il l'est aussi avec le marketing. De ce fait, il est souvent bien placé pour servir les leaders, actionnaires au sein des entreprises, tout en contribuant à mettre en place de nouvelles initiatives. De plus, le design manager sert d'interface entre les équipes design et marketing, voir logistique, ingénierie et financière, et peut donc être à l'origine de surprenantes combinaisons. Il peut aussi impliquer les cadres dans un processus créatif, ce qui permet d'intégrer différents services, disciplines et fonctions. Le Design Manager doit aussi apprendre à jouer différents rôles chaque stade du projet, à la fois auprès du client et de son équipe. Ainsi, il va devoir tour à tour se comporter en coach (pour encourager les

51 The Conversation, Paola Antonelli interview, 5 décembre 2013, en ligne (aout 2014): http://goo.gl/LmrNB9

52 D.Norman, Design Thinking: A usefull myth , Core 77, 25 juin 2010

32

clients et l'équipe), en mentor (pour éduquer les uns et les autres) et plus fréquemment en coéquipier (pour leur apporter aide et soutien).

Structurer, guider, diriger

Les équipes design travaillent toujours mieux lorsqu'elles sont structurées, guidées et menées efficacement.

Structurer une équipe consiste à répartir les rôles, les responsabilités, les tâches, à établir des process de décision, à fixer des objectifs, des délais et des calendriers. Le design manager sera souvent amené à jouer l'arbitre et s'efforcera de répondre au mieux au cahier des charges.

Guider suppose de tenir ses collaborateurs informés des changements ou retours éventuels, de faire des critiques constructives, et de féliciter l'équipe lorsqu'elle le mérite. Cela suppose également d'encourager les initiatives et la prise de responsabilités, de stimuler l'enthousiasme quand le moral est bas, de maintenir la qualité des solutions créatives, d'encourager les membres de l'équipe à communiquer entre eux et avec des collaborateurs extérieurs.

Le Design Thinking est un processus collectif et collaboratif qui nécessite une supervision. Le Design Manager doit savoir s'adapter aux circonstances, diriger son équipe tout en encourageant les talents des uns et des autres, prendre des responsabilités quand cela s'impose. Le conflit fait partie intégrante du processus créatif, mais il convient de le résoudre rapidement et effacement afin de ne pas mettre en péril les objectifs. Fixer des limites et aborder les conflits ouvertement et de façon positive permettront à l'équipe de repartir sur des bases saines.

Précédemment, nous avions parlé de trois variables indissociables de l'approche Design Thinking : la faisabilité, la viabilité et la désirabilité ; variables à prendre en compte dans le cadre de cette méthode. Toutefois, la présence de ces trois variables n'implique pas nécessairement que celle-ci pèsent un poids égal dans le projet global. C'est alors aux entreprises de favoriser un aspect plutôt qu'un autre. Les équipes adeptes du Design Thinking sont donc appelées à jongler entre ces trois critères, mais leur attention reste particulièrement portée sur les besoins humains. Il s'agit d'utiliser « la sensibilité et les méthodes du designer pour faire se rencontrer les besoins des personnes et les possibilités technologiques, ce qu'une stratégie d'entreprise viable va pouvoir convertir en opportunité de marché et en valeur pour des clients »53.

53 T.Brown, Design Thinking , Harvard Business Review, juin 2008, p86

33

Organiser des séances de mise au point

A intervalle régulier, il est impératif de fixer des séances de mise au point du projet afin d'évaluer son évaluation en fonction des critères et des délais établis dans le cahier des charges. Selon Hellins & Hollins, le manque de communication entre les différents services et corps de métier est particulièrement évident au sein des grandes entreprises. Les groupes de discussion, comme les séances de mise au point, peuvent résoudre ce genre de problèmes.

L'équipe projet sera amené à collecter beaucoup de données au travers des observations sur le terrain, des entretiens, et se retrouver avec une masse d'informations. À un moment donné, elle devra faire un point au cours de période de synthèse en les ordonnant, les interprétant et les transformer. Extraite des notions pertinentes dune masse d'informations brutes est fondamentalement un acte créatif. Les données ne restent que des données tant qu'elles ne sont pas remise dans un contexte ou en relation

Un environnement de travail stimulant

Les design managers doivent trouver des moyens pour stimuler le processus créatif. Cela signifie donc qu'il est possible d'imaginer de créer un environnent de travail stimulant et adapté à ce type de réflexion, permettant ainsi d'assurer les conditions nécessaires de cette étape. Bien entendu, l'entreprise qui veut innover, n'est pas obligée de proposer un environnement déjanté et de se trouver dans la Silicon Valley. Elle doit juste être capable de fournir à ses salariés un environnement physique et social dans lequel ils puissent explorer et expérimenter toutes leurs compétences. On peut penser simplement à l'aménagement d'espaces ouverts et vivants pour la stimulation intellectuelle et l'interactivité, et des espaces silencieux invitant à la réflexion. Par exemple, la Greenhouse de Deloitte à Paris, inauguré le 6 mai dernier, qui est un espace dédié à la création et l'innovation. C'est un espace mis à la disposition des clients, afin de leur proposer une séance d'idéation productive et qualitative. (Voir annexe 5)

Les designers en tant que créatifs le sont encore plus. Bien qu'ils aiment bien être entre eux, leur isolement peut pénaliser leur créativité. Il est donc souhaitable de penser à une organisation spatiale ou temporelle favorisant les échanges, les rencontres et le travail entre les différents services. On peut alors facilement imaginer des « salles projets » affectées à des équipes durant toute la durée de leur projet. Ainsi, les recherches, les photos, les prototypes ou encore les scénarios seraient accessibles à tout moment. Il serait alors possible de voir l'ensemble du projet et d'avoir une compréhen-

34

sion globale. À la mise à disposition d'un espace réservé au projet, on peut y conjuguer un réseau social d'entreprise dédié au projet pour que l'équipe puisse communiquer et publier des documents à tout moment.

Objectifs SMART

Faire des choix et prendre des décisions, coordonner les demandes des uns et des autres supposent un important effort de planification et de gestion des priorités à court et long terme. La méthode SMART (spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et temporelle) pour atteindre ses objectifs peut aider le Design Thinking Manager à prendre des décisions et renforcer l'efficacité de l'équipe.

Le développement d'un esprit collaboratif

Les entreprises qui encouragent leurs employés, leurs cadres et leurs dirigeants à partager des informations, des idées, des innovations proposent souvent des produits et des services plus en adéquation avec les attentes du public.

Ce partage d'informations peut se faire à différent niveau:

- Aménager des salles communes, de repose et de détente, propices aux échanges informelles et à la convivialité.

- Faire appel à des membres d'une agence de design extérieure, selon leurs qualifications et les attentes du projet, et être amenés à travailler en équipe de clients. L'avantage de cette équipe est qu'elle peut s'immerger totalement dans le projet design, et observer une certaine confidentialité. Dans la mesure où il s'agit d'une équipe interdisciplinaire, le problème du client est traité simultanément selon différents points de vue. Un autre avantage de l'équipe de clients est qu'elle est tenue à l'écart des autres services et de toutes les tâches quotidiennes qui pourraient la distraire de son objectif. Certaines entreprises ont pris l'habitude de faire appel à des professionnels. Un grand nombre de sociologues ont d'ailleurs choisi d'intégrer les entreprises. La mise en commun des différentes expériences est devenue une source essentielle de création d'idées.

- Réunir des personnes venues d'horizon différentes, et former ainsi une équipe projet. Ce genre d'équipe peut parfois générer des étincelles créatives. Selon Rockwell (2000), il ne s'agit pas de « faire asseoir les gens autour d'une table pour qu'ils approuvent ce que vous dites, mais de faire s'exprimer un nombre de voix suffisamment différentes pour créer des frictions, et d'utiliser ces frictions pour arriver à une décision que vous n'auriez jamais prise sans cela ».

35

- Utiliser les réseaux sociaux d'entreprises professionnels comme Yammer de Microsoft.

Peut-on imaginer développer une culture de l'innovation et du design au sein d'une entreprise, en créant une équipe spécialement dédiée et qui soit déchargée de toutes les tâches routières? Dans certaines entreprises, le design fonctionne comme un service, à part entière (l'équipe créative), dans d'autres, le design relève de différentes équipes (service marketing ou développement de produit). Quel que soit leur cas de figure, les entreprises qui cultivent l'esprit d'équipe obtiennent les meilleurs résultats en termes de confiance et de communication. Powel souligne « qu'une entreprise est faite de personnes dont les relations sont formelles et informelles, sont aussi importantes que les relations informelles... De nombreuses décisions sont prises chaque jour au niveau interpersonnel »(1992)

La mise en place de bonnes relations de travail

L'entente, la compréhension mutuelle, le dialogue et les centres d'intérêt communs sont des éléments indispensables pour établir de bonnes relations de travail.

Le travail en réseau est au autre moyen de bâtir des relations professionnelles gratifiantes. Accumuler les contacts, s'assurer de la coopération des uns et des autres, collecter les informations par le bouche à oreille sont autant de techniques efficaces. Certains professionnels possèdent de nombreux contacts et associés souvent être mis à contribution selon les cas. Etre à même de se créer un réseau de relations, tant personnelles que professionnelles, et de l'enrichir constamment est un atout pour l'entreprise. Le Design Thinking Manager, disposant souvent de plusieurs contacts au sein d'une entreprise, peut expliquer aux autres membres de l'équipe créative qui joue quel rôle à l'intérieur d'un projet donné. Ce genre d'informations peut s'avérer extrêmement précieuse dans la mesure où il s'agit parfois de données non officielles.

Séance d'idéation : Brainstorming

Le brainstorming est régi par des règles, et restent un exercice qui demande de la discipline et de l'expérience. Il est donc nécessaire de déterminer les limites, afin d'éviter de tomber dans les travers des réunions classiques où tout le monde parle en même temps et n'écoute pas. Chez IDEO par exemple, il est écrit dans les salles de réunions réservées aux sessions de brainstorming: «S'abstenir de jugements hâtifs. Encourager les idées folles. Rester concentré sur le sujet. Construire à partir des idées d'autrui ». Cette dernière règle, « construire à partir des idées des autres » est la plus im-

36

portante parce qu'elle garantit que chaque participant s'investit dans la dernière idée énoncé pour la faire progresser. Les idées jaillissent tout en alimentant un processus créatif.

Pour répondre à une problématique d'éco-conception dans l'aménagement intérieur des hôtels, le groupe Accor a mis en place des séances de workshops avec toutes les parties prenantes des projets, et plus seulement designers entre eux. Dans ce genre de pratique, l'usage du post-it est très répandu. Le post-it, papier collant que l'on peut trouver en magasin et grande surface, de toutes les couleurs et de toutes les formes, permet de cerner et rassembler les idées afin de leur donner du sens. Il aide ainsi à fixer les grandes lignes d'une idée, à la repositionner ou à la rejeter. En faisant ressortir l'essentiel, il représente le passage de la phase divergente à la phase convergente, et permet à l'équipe projet de maintenir ses délais. Le post-it s'avère donc être un puissant outil d'aide à l'innovation.

La communication visuelle

Pouvoir représenter les idées visuellement est l'une des clés d'une communication réussie avec le client, et du succès d'un projet. La représentation visuelle peut alors de la simple esquisse ou collage au dessin sophistiqué réalisé sur ordinateur avec des logiciels. Le dessin (dans son sens large) permet aux designers de visualiser plus facilement les idées et donc de résoudre les problèmes de forme et de fonction, mais aussi d'explorer d'autres pistes. C'est une façon pratique de tester rapidement différentes solutions ou prototypes, mais aussi une qualité essentielle dans la mesure où l'ébauche, dans ce type de processus de réflexion qui est le Design Thinking, permet de modéliser, représenter et communiquer des idées à des tiers. Historiquement, nous dessinons pour à la fois communiquer avec les autres, capturer une pensée ou une idée volage, représenter et conserver une information.

Il existe différents outils mis à la disposition des équipes projets, leur permettant dans la phase d'idéation, de générer facilement, des idées en ayant recours à la communication visuelle:

Dessiner

C'est un processus qui consiste à représenter visuellement une idée, ou un ensemble d'idées. Il suffit alors de croquer rapidement l'idée, afin de pouvoir la montrer, la commenter et l'enrichir. Si ce n'est pas le cas, il suffit de faire des bâtons. Toutefois, le dessin reste un excellent moyen pour y voir plus clair et prêter plus attention aux détails.

Le collage

Le collage consiste à assembler des images pour visualiser une idée.

Faire un exposé

37

Un exercice très récurant, que l'on apprend à faire dès l'école primaire. Toutefois, il n'est pas souvent réussi, car attirer l'attention de son auditoire et de communiquer ses idées ne sont pas toujours évident. Voici quelques astuces pour présenter un projet: identifier son auditoire, comprendre ce qu'ils attendent de l'exposé, préparer une présentation « sexy », aérée et visible à 10m, et parler tout en présentant des documents projetés

La carte mentale

C'est un outil qui permet de générer rapidement des idées. Imaginée par Tony Buzan, la carte mentale est une représentation non linéaire de mots, de couleurs et d'images permettant ainsi à l'esprit de se délier grâce à une association d'idées. Il suffit de prendre une feuille de papier blanc et des stylos de couleurs. On commence alors par écrire un mot ou dessiner une image au centre, puis on fait des ramifications au bout desquelles on ajoute d'autres mots ou images, et ainsi de suite. Cette méthode permet de regrouper des thématiques autour d'associations d'idées et d'identifier des similitudes ou des différences et de les évaluer. La carte mentale est devient alors un excellent moyen de trouver des opportunités en se livrant tout simplement à des associations d'idées, qui peuvent parfois s'avérer inattendues.

Prototypage

La pensée visuelle est une pratique dont les designers ont recourt pour exprimer son idée sur du papier. Cette expression peut se faire sous la forme d'un mot ou d'un dessin. Les mots et les nombres ont leur propre utilité, mais seul le dessin peut révéler simultanément les caractéristiques fonctionnelles d'une idée et son contenu émotionnel. Ainsi les structures visuelles permettent d'explorer et de décrire les idées de la manière la plus pertinente. On a tendance à obtenir d'autres résultats en ayant recourt aux dessins, qu'aux mots seuls, pour exprimer une idée rapidement. Cette pensée visuelle aboutie à la réalisation de prototypes. Les prototypes permettent d'aller de l'avant et de tester quelque chose. David Kelley définit le prototypage, c'est à dire l'acte de réaliser un prototype, comme le fait de: « penser avec ses mains ». En parallèle des idées abstraites, le prototype s'avère être un outil d'expérimentation très efficace lorsqu'il s'agit de créer de nouvelles idées, de les tester et de les faire évoluer. En effet, le seul moyen pour départager les différentes idées rapidement, est de les expérimenter le plus tôt possible. Ainsi, en matérialisant une idée par un objet, on peut l'évaluer, le perfectionner et se concentrer sur la solution la plus adaptée. En plus donc de faire avancer le projet, le prototypage permet d'explorer plusieurs idées en parallèle. Pour les réaliser rapidement, il existe des cutters lasers très précis, des logiciels de design et depuis peu les imprimantes 3D. l faut, bien entendu, trouver la juste mesure dans la réalisation de ce dernier. Cela ne sert pas de créer des prototypes trop détaillés ou élaborer. Il faut construire un prototype en fonction des informations que l'équipe veut en retirer, et faire en sorte que la résolution soit suffisante pour être exploitable. Les prototypes qui s'appliquent dans le cadre de projet portant sur la création d'un

38

service ou sur la réinvention d'une organisation doivent être aussi rapides et minimalistes dans leur réalisation. Les équipes projet ont alors plutôt recourt à des scénarimages informatisés empruntés au monde du cinéma; ce qui permet de réaliser des prototypes d'expériences immatérielles. Les scénarios ont cet avantage de replacer l'humain au coeur du concept, et de ne pas se perdre dans les détails esthétiques et mécaniques. Il ne faut pas hésiter à jouer un rôle et se laisser aller à l'improvisation pour tester le potentiel d'une idée. La plupart des prototypes sont réalisés à huit clos. Traditionnellement, les entreprises invitent les consommateurs à des réunions ou des séances de démonstrations pour tester les produits, généralement sa fonctionnalité. Toutefois, ces testes ne montrent pas l'interaction que le produit peut avoir avec son environnement et la société. Au-jourd'hui, comme l'affirme Tim Brown « la complexité des idées impose les prototypes à s'aventurer à l'extérieur et être mis dans des conditions réelles »54, afin de voir si ils sont adoptés ou non.

Même si il s'agit de redéfinir une stratégie d'entreprise ou la redéfinition de l'entreprise elle-même, la phase de prototypage est indispensable. Tim Brown déclare que « la capacité d'innovation se mesure par le temps qu'il faut pour sortir son premier prototype »55. Cela peut en effet constituer un facteur clé de succès, une performance à étudier de près. Si l'équipe n'a pas la capacité à fournir ce travail de précision que demande le prototypage, l'entreprise ne doit pas hésiter à solliciter des spécialistes externes comme des maquettistes ou vidéographes.

La Gestion de Projet

Bien que le processus du Design Thinking est itératif et nécessite une certaine liberté, une planification et coordination des ressources humaines et matérielles sont essentielles à son bon déroulement dans un cadre budgétaire imparti.

Coûts, délais, performances

Etablir un planning dans ce cadre de méthode et s'y tenir n'est pas facile. Le Design Thinking étant un processus itératif, un certain nombre de questions demandant des décisions apparaissent tout au long du projet. Le design manager doit à la faire savoir faire des compromis et preuve de d'autorité, de bon sens, d'initiative pour assurer les coûts, les échéances et les performances. Un projet mal géré se traduit très souvent par des dépassements important de délais et de coûts. Le planning

54 Tim Brow, L'Esprit Design, p102, 2014 Pearson

55 Tim Brown, L'esprit Design, p111, 2014 Pearson

39

Le design manager découpe chaque étape clé du projet en tâches, établit ensuite une liste des priorités, répartie chaque tâche à une ressource humaine, puis évalue le temps nécessaire à la réalisation de chacune d'elles. La bonne gestion du rétro-planning est capitale dans la mesure où un retard sur une tâche peut entrainer des effets désastreux sur l'ensemble du projet. Le design manager s'assure aussi que chaque membre soit bien conscient des responsabilités qui leur sont données. Le design manager s'occupe aussi de répertorier les ressources humaines et matérielles nécessaires au projet. Il fixe également les dates limites de rendu, les réunions d'avancement et les présentations.

Il doit en outre s'assurer que l'information circule correctement au sein de l'équipe projet. Il arbitre les décisions, et assure la coordination de l'ensemble des tâches, comme un chef d'orchestre.

Il existe certain nombre d'outils de planification qui peuvent aider le design manager; des logiciels comme Microsoft Project, Basecamp ou Filemaker, par exemple. L'outil le plus utilisé dans le milieu professionnel reste le diagramme de Gantt. Il s'agit d'un tableau permettant de lister chaque étape et les tâches du projet; celles déjà réalisée et celles qui restent à faire. En référant une ressource humaine et un temps à chaque tâche, il est possible d'évaluer la durée probable des tâches, de mettre en évidence les relations entre les tâches et les ressources, et de visualiser les étapes cruciales, voir points difficiles.

Cahier des charges

Il débouche sur des découvertes inattendues qui méritent d'être approfondies. Ces découvertes peuvent être déjà intégrer dans le processus en cours. Il arrive souvent que des résultats incitent l'équipe à revoir leur cahier des charges initial; cahier dans lequel les objectifs sont clairement formulés. Cette approche itérative du projet, peut allonger donc les délais, engendrant peut-être un surcoût financier. Bien que la pensée design soit volatile, l'acceptation et le respect des limites imposées constituent un de ses fondements. La première étape du processus de design va donc être d'hiérarchiser les contraintes et d'établir un « schéma d'évaluation 56»; schéma qui s'organisera autour des trois critères vus ci-dessus.

Le niveau de rédaction du cahier des charges détermine ainsi le taux de créativité de l'équipe. Plus le projet est décrit avec des orientations et des limites claires, plus le niveau créatif pourra être fort. Cette phase d'écriture pose les fondations et les orientations à prendre pour le projet. Toutefois, il est important de souligner que ce cahier des charges n'est pas constitué d'une série d'instructions et n'est pas non plus une réponse à une problématique posée. Il doit laisser une part de hasard et

56 T.Brown, L'esprit Design, p19, 2014 Pearson

40

d'incertitude. « Quand on sait dès le départ ce que l'onc cherche, à quoi bon poursuivre la recherche! »57 Cette étape qui a tendance à être négligée par les structures, est finalement essentielle.

On le rappelle que ce cahier des charges doit être écrit avec toutes les parties prenantes de l'équipe projet, et pas uniquement les décideurs. Designers, ingénieurs, marketers, financiers, commerciaux, etc doivent le rédiger ensemble. La méthodologie Design Résidentiel, impulsée par le VIA, qui est appliqué à la construction de lycées et internats dans la région Pays de la Loire, prend implique dès la rédaction du cahier des charges l'aménagement intérieur en intégrant dès l'amont designer et fabricants. On pense dès lors aménagement intérieur, avant de penser extérieur, et cette approche change tout! On part des modes de vie et des usages des générations Z. Le lit ne fait plus seulement lit, mais aussi canapé pour accueillir des amis et travailler sur son lit. (Voir annexe 6)

Renforcer l'impact du design

Le design participe fortement à genèse de nouvelles idées. Pour appuyer cet état d'esprit, le design manager doit organiser des séminaires de présentations et de sensibilisation au design, à l'intention des cadres (moyens et supérieurs), des responsables de fabrication, de projets, voir les dirigeants et les actionnaires. La plupart ne comprenne par à quoi peut bien servir le design, si bien qu'il est important de l'illustrer avec des projets relevant de la réflexion.

Renforcer l'impact du design dans une entreprise passe donc par l'intégration dans ses valeurs et sa culture, afin que le design devienne un état d'esprit, et pas seulement un outil commercial, devienne un investissement, et pas qu'une dépense, devienne une méthode, un process et outils permettant de résoudre des problèmes, et non seulement une mécanique.

Pour illustrer la pertinence de leur présence dès l'amont d'un projet, prenons le cas de la Holding Textile Hermès. HTH, après 3 ans de recherches, a mis au point un textile lumineux en intégrant dans le tissage des LEDs dans le tissu, tout en conservant la souplesse d'origine. Ils ont déposé un brevet pour cette technologie. Le prix de confection est très élevé en raison du travail à la main nécessaire. Pour trouver un champ d'application à leur projet, ils ont fait appel au VIA afin de les mettre en relation avec des designers.

57 T.Brown, L'esprit Design, p23, 2014 Pearson

41

Il est en ressorti de ces entretiens que leur tissu à l'heure actuelle n'avait aucune intérêt voir utilité, car il ne répondait à aucun besoin ou usage du consommateur, à part donner un côté « cheap » à l'objet. Ils devaient donc soit poursuivre leur recherche pour créer une interaction entre la LED et le consommateur, soit l'abandonner. Pourtant, HTH connaît bien les créatifs, mais ils n'avaient jamais songé à les intégrer dès la réflexion en amont de leur projet.

V. Conclusion

Le Design Thinking est perçu par certain professionnel de l'innovation comme un simple outil de marketing de la stratégie d'innovation, d'autre comme un effet de mode.

Le Design Thinking, ou plus généralement l'intégration du design dans un processus d'élaboration et de recherche dans les entreprises n'est t'il pas un processus lent, comme l'a été le développement durable il y a une dizaine d'année. Les quelques entreprises ayant fait l'expérience d'une collaboration avec les designers en sont sortie gagnante. Ces bénéfices se sont révélés à des degrés divers et avec des résultats parfois inattendus. Il n'y a pas de règle qui peut définir le moment où une entreprise peut faire appel au design. On observe des grandes tendances comme à des moments clés de la vie de l'entreprise (anniversaire, changement d'actionnaires ou de dirigeant), à des moments difficiles (nouveaux tremplins pour rebondir) ou en continu (pour celle ayant intégrer le design parmi leurs outils de développement quotidien). Les éléments déclencheurs à cette collaboration sont souvent dû à la conviction du dirigeant, au soutient et au conseil de certain organismes tels que le VIA ou la Cité du design (avec un accompagnement personnalisé) et/ou à la quête de l'innovation par la structure (le design est considéré comme un élément moteur de l'innovation).

Dans ce cadre de mission, les designers doivent très souvent relever d'objectifs opérationnels (développement de nouveaux produits, création d'une identité visuelle ou de marque, aménagement de locaux ou encore la conception d'emballage), bien que l'impact économique du design ainsi que sur le positionnement stratégique ne soient pas négligeables. Les résultats de ce type de collaboration sont souvent bien largement supérieurs aux objectifs fixés initialement. Les designers vont au-delà des objets qui leur sont assignés, avec une connexion humaine engagée. L'intervention de ces derniers permet de mettre en lumière les entreprises avec une visibilité supplémentaire, et stimule l'innovation au sein de l'entreprise. Grâce aux projets développés avec les designers, les entreprises se sont ouvertes à de nouveaux marchés avec un regain de croissance, et une montée de leur valeur

42

ajoutée et de leur marge. La suite donnée à ce type d'expérience est la planification d'une mission suivante (le design est un outil de développement au même titre que l'innovation, le marketing ou la communication) ou la décision stratégique quant à la place du design dans l'entreprise (les entreprises ayant découvert les vertus du design sentent son potentiel.

Le design leur a ouvert une porte, voir plusieurs à la fois. Il s'agit aux entrepreneurs de faire des choix judicieux à la place stratégique donnée au design, qui est non seulement un outil opérationnel, mais surtout une décision stratégique qui devra faire partie du futur cahier des charges). Aussi bien dans les entreprises ayant intégrées le design, que celles découvrant l'approche, il existe une fonction design, c'est à dire une ou plusieurs personnes ayant comme responsabilité la mise en place de la gestion du design au sein de l'entreprise. C'est une garantie de pérennité de l'intégration du design. Si personnes ne se voit formellement attribués ce rôle, seules les personnes convaincues de son potentiel prendront sur elles l'intégration du design. Le risque est grand, qu'en cas de surcharge, elles ne prennent plus le temps de ci consacrer, et qu'à leur départ, personne ne prenne la relève, faisant retomber le design aux oubliettes.

Bien que le Design Thinking fasse débat, l'intégration dès l'amont du design dans les projets est considérée comme un outil efficace pour chaque entreprise. Une entreprise n'ayant pas encore fait appel au service d'un designer à tout intérêt à sauter le pas. Que le recours au design soit ponctuel, limité ou plus global, elle en tirera partie pour répondre à ses problématiques spécifiques. L'intégration d'un designer dans une équipe projet ne se fait pas de manière automatique, mais c'est une aventure humaine. Ce n'est pas un remède miracle, ni une recette toute faite. Le design est une boite à outils extrêmement efficace dès que l'on l'utilise à bon escient. La clé du succès est toutefois d'avoir pleine confiance en son designer. Bien entendu, il est très important avant toute chose de définir clairement le rôle du design dans sa stratégique de développement. Le designer devra mettre l'entreprise au coeur de ses attentions, avec une grande capacité d'écoute pour comprendre les enjeux auxquels l'entreprise est confrontée directement ou indirectement. Le designer doit apporter, avec son équipe, une réponse approprié, en accord avec les ressources disponibles. Le succès est proportionnel à l'empathie qu'il aura réussi à développer. Toutefois le meilleur conseil à donner aux entreprises est de se faire accompagner et de frapper à la porte des organismes qui les accompagnent dans cette démarche. Ces organismes les aideront à définir le cahier des charges (attentes, besoins, objectifs..), à recruter le bon designer et à les guider dans la mise en place d'une relation efficace avec le designer.

43

VI. Bibliographie

Tim Brown, L'esprit Design, édition Pearson

M.Erlhoff, T.Marshall (dir), Design Dictionnary, Basel, Boston, Berlin, Birkhauser, 2008, p.104

R. Loewy, La laideur se vend mal, 1953, p26

E.Sottsass, Lettre aux designers, Domus, avril 1990

The Industrial Designers Society of America, en ligne, aout 2004

J. de Noblet, Roger Tallon, un designer industriel

Stéphane Vial, Le design, édition Puf

Séphane Vial, De la spécificité du projet en design: une démonstration

H.Rittel, Some principles for the design of an educational system for design, Journal of

Architectural Education, 25 (1/2), 1971, p1

A.Fideli, R.Bousbaci, version longue, EAD 6 (colloque de Brême) 2005, p12

H.Dubberly, How do you design?, 18 mars 2005, en ligne (septembre 2004)

T.Brown, Design Thinking, Harvard Business Review, juin 2008, p86

T.Brown, Designers - think big!, TED Global 2009, Oxford, juillet 2009, en ligne

Tim Brown, Change by Design, IDEO

Paola Antonelli interview, The Conversation, 5 décembre 2013, en ligne (aout 2014):

D.Norman, Design Thinking: A usefull myth , Core 77, 25 juin 2010

Larousse Online

Alfred, Stratégies et structures de L'entreprise, Paris, Organisation 1964

Alain Derray, Alain Lusseault, Analyse stratégique, Ellipses, 2001. (p. 86)

Frédéric Le Roy, Les stratégies de l'entreprise, 4e édition, Dunod, 2012

Garry Johnson et Kevan Scholes, Stratégique, édition Pearson

Inflencia Magazine n°12: Le Design Sauvera t-il le monde ?

Kathryn Best, Le Design Management, Pyramyd

Thierry Van Kerm, Quand le design s'investit dans l'entreprise, 2012, Cité du Design et ESADSE

VII. Annexes

Annexe 1 : Guide d'entretien

44

Annexe 2 : Résultats

1

2

Annexe 3 : Qu'est ce que le design Management ?

Contrairement au Design Thinking qui est une démarche de réflexion, une nouvelle méthodologie dans la façon d'appréhender un problème et de le résoudre, le design management n'est qu'un outil à manager et à intégrer des équipes créatives voir des designers dans des projets d'entreprises. Le design management rentre dans une démarche globale d'organisation, et prend en compte les aspects stratégiques de l'entreprise, son portefeuille produits, et sa communication et son image de marque, toujours dans un souci de rentabilité de l'entreprise. Il met aussi en place les moyens et les outils permettant de concevoir, de développer et de commercialiser des produits et services. Le design management considère de façon simultanée et à part égal, la vision stratégique de l'entreprise, son mode organisationnel et l'utilisation de la démarche et des outils du design. Au coeur des priorités du design management sont placées la satisfaction de ses clients et la participation des différents services en mode projet.

Dans ce graphe ci-dessus, nous distinguons les places distinctes qu'occupent le Design Thinking et le Design Management, ainsi que leur complémentarité et leur ordre. Le design est présenté comme un outil puissant avec différent degré de performance. Son degré le plus basique reste l'action

même de faire du design, c'est à dire dessiner, concevoir... Le design management arrive juste après avec une considération du design plus forte et des impacts organisationnels qui commencent à être significatifs. Le Design Thinking semblerait mettre plus en évidence le sens même du design; avec un degré d'abstraction et de réflexion fort. La démarche Design Thinking s'ancre donc une continuité du design management. Le Design Thinking serait une évolution du design management, une forme encore plus aboutie. Elle approfondie l'idée du design à travers sa démarche.

3

Annexe 4: Les organismes accompagnant les entreprises à l'intégration du design

Ces derniers temps, la concurrence s'est accrue, la conquête de nouvelle part de marché est devenue compliqué. Dès lors, la notion de design est devenue populaire et « à la mode ». En effet, on parle de « produit design » pour désigner le côté esthétique et ergonomique d'un produit. Cela a donc conduit à l'apparition de nombreuses organisations faisant la promotion du design auprès des entreprises ; des organisations plus ou moins sérieuses et reconnues. Le VIA (valorisation de l'innovation dans l'ameublement) fut le premier et longtemps le seul à mettre en avant les designers et à soutenir des synergies entre la sphère de la création et de la production. Il s'est, en raison du contexte économique et culturel, rapidement trouvé entouré d'autres structures comme le Lieu du Design ou la Cité du Design à Saint-Etienne. Les entreprises ont alors un large choix pour les aider et pour leur donner des conseils stratégiques. Nous avons fait le choix de s'intéresser et présenter six structures plus ou moins importantes aux caractéristiques et objectifs différents. Il en existe de nombreuse autre, le but n'étant pas d'être exhaustive, mais de traduire des différences à prendre en compte : VIA, Le Lieu du Design, Aquitaine Développement Innovation, Air Lab de Weave air, Nelly Rodi, La Cité du Design Saint Etienne

Organisme

Nature

Financement

Organisation

Missions

Activités

Points forts

Points faibles

Lieu du Design

Association créée en octobre 2009

Subventions par le Region Ile de France. Adhe- sions.

Equipe de 10 personnes avec un accent sur les relations avec les industriels.

Promouvoir et valoriser le design indus- triel en Ile de France

Expositions Matériauthèque Ressource do- cumentaire Conférences, formations Annuaire des créateurs inter- nationaux

Une reconnais- sance acquise rapidement au- près de la sphère créative. Une activité suivie, des designers valorisés, une matériauthèque unique.

D'un point de vue extérieur, c'est une struc-ture culturelle dédiée au design, les con-seils proposés aux entreprises n'ont rien d'innovant

VIA

Association crée en 1964

Subventionnée par le Codifab (récupère la taxe)

Equipe de 10 personnes répar- ties entre la relation entre- prise (entre- prises de fabri- cants de meuble) et les aides à la créa- tion

Valoriser l'innovation dans l'ameublement

 

Expositions Label

Aide à projet Conférence Mise en relation Documentation Annuaire des créateurs et édi- teurs

Expositions Label

Aide à projet Conférence Mise en rela-tion Documentation Annuaire des créateurs et éditeurs

ADI (Aquitaine Développement Innovation)

Association créée d'un rapproche- ment en 2011

Subventionnée par la région Aquitaine et soutenue par le Ministère de l'Enseignement Sup. et de la Recherche. Ad- hésions.

Equipe de 50 personnes ; chacun ayant un poste bien défini et différent. Organisation par filières clés.

Innovation et Amélioration de la Compéti- tivité Animation stratégique de filières, clus- ters, pôles de compétitivité Dynamisation des territoires

Expositions Label

Aide à projet Conférence Mise en relation Documentation Annuaire des créateurs et édi- teurs

Positionnement design

« Mix Design » Prospective Appels à candi- datures

Mises en relation Guide pour les entreprises Evènements de rencontre.

Positionnement design

« Mix Design »

Prospective Appels à can-didatures

Mises en rela-tion

Guide pour les entreprises

4

 
 
 
 
 
 
 

Rencontres

Air Lab (Weave Air)

Cabinet dépendant du cabinet privé de conseil Weave, créé en 2001. Na- tional.

Par ses missions rémunérées.

Equipe de 6 personnes pour Weave Air et (250 consultants pour Weave). Un directeur, un manager et 4 consultants.

AIR Lab est un dispositif d'innovation accélérée qui s'appuie sur la pensée design et l'analyse des tendances.

Positionnement design

« Mix Design » Prospective Appels à candi- datures

Mises en rela- tion

Guide pour les entreprises Evènements de rencontre.

Stratégie et In- novation, Eco conception, Marketing du- rable organisé en 3 étapes : Inspi- ration (prospec- tive, tendances), Idéation (équipe projet, prototy- page), Expira- tion (intégration sur le marché)

Stratégie et Innovation, Eco concep-tion, Marketing durable organi-sé en 3 étapes : Inspiration (prospective, tendances), Idéation

(équipe projet, prototypage), Expiration (intégration sur le marché)

Nelly Rodi

Agence de pros- pective mode/art de vivre/beauté/média créée en 1985.

Par ses missions rémunérées.

Aucune infor- mation sur l'équipe et son organisation.

Détecter les tendances et les styles par études pros- pectives et les proposer aux entreprises.

Stratégie et In- novation, Eco conception, Marketing du- rable organisé en 3 étapes : Inspi- ration (prospec- tive, tendances), Idéation (équipe projet, prototy- page), Expiration (intégration sur le marché)

Réseau

d'experts, études quantitatives, focus groups. Observatoire des Styles, Marke- ting Style. Publications.

Réseau d'experts, études quanti-tatives, focus groups. Observatoire des Styles, Marketing Style. Publications.

Cité du design St Etienne

Etablissement Public de Coopé- ration Culturelle, Plateforme de développement économique et de valorisation autour du design créée en 2009.

Par la ville de St Etienne et sa métropole, par la région Rhône- Alpes et par le Ministère de la Culture.

Equipe de 42 personnes orga- nisée en Rela- tions Econo- miques, Produc- tion, Recherche et Edition, Communication, Relations inter- nationales.

La sensibilisa- tion de tous les publics au design;

le développe- ment de l'innovation par le design; La recherche en design; La production d'événements

Réseau

d'experts, études quantitatives, focus groups. Observatoire des Styles, Marke- ting Style. Publications.

Une activité forte et reconnue appuyée sur une école de design réputée et sur une Biennale Internationale. St Etienne est con- nue comme la ville du design en France.

Une grosse équipe qui re- crute.

Le mode Living Lab proposé aux entreprises.

.

Une activité forte et recon-nue appuyée sur une école de design répu-tée et sur une Biennale Inter-nationale. St Etienne est connue comme la ville du design en France.

Une grosse équipe qui recrute.

5

Annexe 5 : Greenhouse Deloitte

Le lieu :

Leur charte :

6

Annexe 6: Qu'est ce que Design Residentiel ?

Design Résidentiel est une démarche poussée par le VIA afin d'intégrer dès l'amont dans le cadre d'une construction d'un nouveau Lycée l'aménagement intérieur. Cette réflexion amont sur l'aménagement intérieur prend en compte les usages, modes de vie, et attentes et besoins des lycéens, et se concrétise par la création d'un mobilier et d'un agencement sur mesure en partenariat avec un designer.

Voici le processus avec ces grandes étapes :

La collaboration entre le fabricant de meubles pour collectivité MMO International et la designer Bina Baitel pour l'aménagement de la Résidence des Lycéens dans le nouveau Lycée de l'Ile de Nantes a aboutis à ce résultat (voir photos ci-dessous). Ce mobilier est astucieux et modulable, mais aussi beau visuellement tout en ayant pris en compte les contraintes normatives et de budget.

7






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus