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L'intelligence artificielle dans le secteur de l'assurance


par Georges BERGER
Université de Strasbourg - M2 Droit de l'économie numérique 2020
  

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PARTIE I :

La refonte du modèle assurantiel traditionnel

par l'usage des procédés d'intelligence

artificielle

Dans son étude publiée en 201715, le cabinet Accenture soulignait que rares sont les secteurs échappant à la baisse de leur rentabilité et à la crainte de voir l'innovation et leurs futurs investissements considérablement réduits. Toutefois, le cabinet soulignait qu'il était possible d'inverser cette tendance, la croissance pouvant être stimulée par le recours à l'intelligence artificielle, susceptible d'accroitre la rentabilité de 38% en moyenne. En ce sens, l'intelligence artificielle s'inscrit comme un nouveau facteur de productivité et d'innovation (Chapitre 1), en ce qu'elle devrait permettre l'automatisation intelligente de la chaine de production dans de nombreux secteurs, l'extension des capacités humaines et l'accroissement du capital humain, ainsi que la diffusion de l'innovation. Néanmoins, si l'intelligence artificielle porte de nombreuses opportunités, son recours dans le secteur de l'assurance suscite de nouvelles craintes s'agissant de sa compatibilité avec un principe central du système : le principe de mutualisation des risques (Chapitre 2).

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15 Accenture Research, How AI boosts industry profits and innovation, 2017

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Chapitre 1 :

L'intégration de l'intelligence artificielle, facteur
d'innovation dans le secteur de l'assurance

Le secteur de l'assurance devrait profiter du potentiel offert par le machine learning, dont l'intégration constitue non seulement un outil de développement opérationnel et de culture des transversalités entre les différents métiers (Section 1), mais également un moteur essentiel afin de voir émerger de nouvelles activités à haute valeur ajoutée (Section 2).

Section 1. L'intelligence artificielle, outil de développement opérationnel et de culture des transversalités

Utilisée dans le secteur de l'assurance, l'intelligence artificielle devrait s'imposer comme un outil permettant le décloisonnement et la transversalité entre les métiers du secteur (I), mais également favoriser l'automatisation des tâches répétitives (II) afin de favoriser la productivité et replacer le client au coeur du métier.

I. Le décloisonnement des métiers induit par l'utilisation de l'intelligence artificielle

Traditionnellement, les métiers de la finance et de l'assurance sont classés selon deux catégories selon qu'ils soient dédiés ou non à la relation directe avec le client.

Ainsi, le « front office » fait référence à l'ensemble des actions, fonctions ou tâches de l'entreprise visible par la clientèle et en contact direct avec elle. Dans l'assurance, il s'agit donc principalement des services clients, agences commerciales, ou encore le service communication de l'entreprise, qui apparaissent donc en « première ligne » et sont garants de l'image de marque de l'entreprise.

À l'inverse, le « back office » correspond à l'ensemble des fonctions et tâches de l'entreprise qui n'est pas visible par le client final. Ainsi peuvent être cités les services de production et gestion des contrats, les services de souscription, les services logistiques, les ressources humaines, ou encore les fonctions liées à assurer le bon fonctionnement des systèmes d'information de l'entreprise ou encore le service indemnisation (« services sinistres »).

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Toutefois, il faut souligner que la ligne entre « front » et « back office » tend de plus en plus s'effacer dans un contexte centré sur le client, de sorte qu'il n'existe pas de cloisonnement strict dans la pratique. En effet, par exemple, les chargés de sinistre interagissent de plus en plus directement avec le client dans le cadre de la gestion de sinistre. En réalité, cet effacement des frontières entre le « front office » et le « back office » devrait s'accélérer avec l'intégration des outils d'intelligence artificielle.

En tout état de cause, le recours à l'intelligence artificielle dans ce secteur vise deux principaux objectifs que sont d'une part, le développement d'une approche centrée sur le client et ses besoins en s'appuyant sur la technologie pour proposer une relation assureur-assuré toujours plus personnalisée et d'autre part, rendre les organisations plus agiles dans un secteur où la concurrence entre les acteurs traditionnels est forte, et où de nouveaux acteurs tentent de pénétrer le marché en s'appuyant sur des modèles disruptifs fondés sur des investissements importants en matière d'innovation, afin de proposer des produits et services toujours plus innovants.

En ce sens, le secteur est confronté ces dernières années à l'émergence de nouveaux acteurs qui entendent bousculer les codes jusque-là établis de l'assurance.

En effet, si l'inclusion des géants du web est devenue pratique courante aux États-Unis ces dernières années, comme en témoignent les initiatives de Google avec sa firme d'assurance Coefficient qui se fonde sur un partenariat stratégique avec la compagnie de réassurance Swiss Re CorSo16 afin de proposer des produits d'assurance santé ou encore l'accord entre Amazon et la banque JPMorgan Chase visant à la création d'une nouvelle compagnie d'assurance santé17, le secteur français l'assurance était jusqu'à très récemment préservé de l'inclusion des GAFAM. Néanmoins, le partenariat conclu entre Amazon et Aviva à la fin de l'année 2018 a sonné comme un coup de grâce porté au secteur de l'assurance français. Selon les termes de Jacques Richier, PDG d'Allianz France, « avec la technologie, les frontières entre les secteurs vont devenir de plus en plus floues. Certains acteurs vont venir manger des morceaux de notre métier, notamment la relation client18 ».

16 https://www.reinsurancene.ws/googles-verily-launches-insurance-partnership-with-swiss-re/

17 https://www.insurancebusinessmag.com/ca/news/healthcare/amazon-and-google-the-next-generation-of-insurance-competition-in-canada-117644.aspx

18 https://www.argusdelassurance.com/a-la-une/assurance-amazon-menace-ou-opportunite.136979

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Bien qu'il ne s'agisse pas d'une inclusion complète d'Amazon dans l'assurance française (le partenariat conclu entre Amazon et Aviva vise uniquement à accorder la possibilité pour les nouveaux souscripteurs d'un contrat d'habitation ou automobile auprès d'Aviva de pouvoir, au moment du paiement, d'entrer leurs identifiants Amazon Pay afin de fluidifier et simplifier le parcours client19), ce mouvement témoigne toutefois de la capacité des géants du web à intégrer de nouveaux segments de l'économie jusqu'alors réservés à certains acteurs.

Mais l'une des principales craintes des acteurs traditionnels n'est pas tant l'entrée de ces géants du web, mais plutôt le contexte dans lequel s'inscrit cette nouvelle concurrence. En effet, afin de protéger les consommateurs, les assureurs sont tenus à des obligations particulières en termes de solvabilité, d'obligation d'immatriculation, ou encore d'obligations découlant du Code des assurances. Or, l'arrivée de ces nouveaux acteurs posent une question fondamentale : celle de la soumission de ces nouveaux acteurs au cadre réglementaire applicable aux acteurs traditionnels du secteur.

Outre l'inclusion des géants du web, il faut également souligner l'émergence des assurtechs, en référence l'ensemble des entreprises de petite ou moyenne taille s'appuyant sur les nouvelles technologies et les activités technologiques pour conquérir des parts sur le marché convoité de l'assurance. L'objectif de ces sociétés est de créer une disruption ou une rupture technologique améliorant et simplifiant les services rendus aux assurés tout en réduisant le prix. L'assurtech propose donc de s'appuyer sur les technologies numériques pour créer de la valeur sur les produits en assurance automobile, habitation, épargne-vie et autres garanties professionnelles. Tel est le cas par exemple de la start-up Tractable qui s'appuie sur l'intelligence artificielle pour proposer aux assureurs un système d'évaluation des dommages et d'estimation des coûts de réparation en temps réel en assurance automobile20 et les évènements climatiques,21 le but étant d'accélérer la gestion de ces sinistres. Mais on peut également citer Luko, une néo-assurance habitation qui combine imagerie satellite et intelligence artificielle pour déterminer les caractéristiques principales de l'habitation. En pratique, après avoir renseigné son adresse, le souscripteur sélectionne son terrain, et l'intelligence artificielle se charge de détecter « la surface du toit, la superficie du terrain, une piscine et d'autres variables22 » afin de proposer un rapport de risques, et des conseils

19 https://bonne-assurance.com/actualites/2018/11/25/doit-on-craindre-une-entree-des-geants-du-web-dans-le-monde-de-lassurance/

20 https://tractable.ai/products/vehicle-damage/

21 https://tractable.ai/products/disasters/

22 https://www.luko.eu/blog/garanties-assurance-maison-luko

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personnalisés (« rappel pour élaguer des arbres dangereux pour la toiture, alerte en cas d'incendie de forêt, montée des eaux, etc23 »).

Il faut cependant tempérer l'idée selon laquelle les assurtechs constituent une menace en termes de concurrence pour les acteurs traditionnels. En effet, selon l'étude menée par le pôle FinTech Innovation de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) en 2018 sur la révolution numérique dans le secteur de l'assurance24, les assurtechs ne sont en réalité pas perçus comme des concurrents pour les acteurs traditionnels de l'assurance française mais comme des partenaires, qui pourront leur permettre de pouvoir tirer profit de l'intégration des nouvelles technologies que les acteurs traditionnels ne peuvent développer eux-mêmes en interne. On peut d'ailleurs souligner à titre d'exemple Covéa25, qui s'appuie justement sur les services offerts par Tractable pour les dommages causés aux véhicules26.

Quoiqu'il en soit, selon l'étude menée par le pôle FinTech Innovation de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution en 2018 sur la révolution numérique dans le secteur de l'assurance27, l'Autorité souligne que l'intelligence artificielle est perçue par les compagnies d'assurance comme un axe de développement très prometteur qui, combinée avec les optimisations de processus liées au numérique, pourrait avoir des incidences sur les conditions de travail.

Il apparait donc nécessaire pour les acteurs traditionnels du secteur de délaisser le fonctionnement en silos - qui consiste à ce que chaque service de l'entreprise travaille sur ses propres spécialités sans se soucier des activités et contraintes des autres services - afin de favoriser approche transverse et complémentaire des métiers et afin de pouvoir tirer parti de tout le potentiel offert par l'intelligence artificielle.

En réalité, outre cette approche transverse et complémentaire des métiers, l'intelligence artificielle doit permettre une automatisation plus ou moins importante des tâches, afin de gagner en productivité, et de concentrer l'activité autour de la relation avec le client.

23 https://www.luko.eu/blog/garanties-assurance-maison-luko

24 Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, Étude sur la révolution numérique dans le secteur français de l'assurance, n°87 - Mars 2018

25 Covéa est un groupe d'assurance mutualiste français regroupant les marques MAAF, MMA et GMF. Pour plus de détails : https://www.covea.eu/fr

26 https://www.decisionatelier.com/Covea-pousse-le-digital-dans-le-cadre-de-la-gestion-de-sinistre,11306

27 Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, Étude sur la révolution numérique dans le secteur français de l'assurance, n°87 - Mars 2018

II. L'optimisation opérationnelle par l'automatisation des processus

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D'un point de vue opérationnel, l'intelligence artificielle constitue un axe majeur de développement, avec plus ou moins d'opportunités selon les cas d'usage espérés.

Pour rappel, l'intelligence artificielle est un terme générique, puisqu'on compte une grande multitude de divisions, spécialisées sur des points précis. Ainsi, le Machine learning constitue une division de l'intelligence artificielle visant à faire apprendre aux machines sans avoir été préalablement programmées à cet effet. Le Machine Learning est explicitement lié au Big Data, étant donné que pour apprendre et se développer, les ordinateurs ont besoin de flux de données à analyser, et sur lesquels ils peuvent s'entraîner28. Au sein même de cette division, il existe plusieurs variantes du machine learning, qui peut être supervisé, non-supervisé, ou s'appuyer sur le deep learning. Le deep learning, ou apprentissage profond, s'appuie sur un réseau de neurones artificiels cherchant à imiter le fonctionnement du cerveau humain, le but étant de reproduire les fonctions cognitives et d'interprétation propres au cerveau humain afin de pouvoir proposer des solutions pertinentes à un problème donné. En ce sens, le deep learning a vocation à être utilisé dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse de la reconnaissance d'image, de la traduction automatique, des recommandations personnalisées, des agents conversationnels, ou encore de la prédiction financière automatisée29.

En marge du machine learning, plusieurs divisions de l'intelligence artificielle visent à reproduire certaines fonctions cognitives (voir annexe 2), que sont :

- le Natural language processing, ou traitement automatique du langage naturel

(abrégé TALN), constituant une division de l'intelligence artificielle. Ce procédé vise à permettre aux ordinateurs de comprendre le langage humain, dans le but de permettre aux machines de lire, déchiffrer, comprendre et donner sens au langage humain30.

- la voix, avec le développement des procédés de reconnaissance automatique de la parole visant à retranscrire la voix humaine captée via un microphone sous la forme d'un texte exploitable par la machine (et vice versa).

- ou encore la vision, par les procédés de reconnaissance et l'analyse automatique d'éléments présents dans des images ou des vidéos.

28 https://ia-data-analytics.fr/machine-learning/

29 https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/intelligence-artificielle-deep-learning-17262/

30 https://www.lebigdata.fr/traitement-naturel-du-langage-nlp-definition

Sans reprendre de manière exhaustive tous les cas d'usage rendus possibles par le recours aux nouveaux procédés d'intelligence artificielle, il convient d'en rappeler les grandes lignes. En parcourant les différents travaux existants en la matière, force est de constater que l'intelligence artificielle entend bousculer l'ensemble des processus de l'assurance.

D'abord, s'agissant de l'entrée en relation, les nouveaux procédés d'intelligence artificielle vont permettre la création de produits et d'offres plus personnalisés, mais également permettre le développement des assistants intelligents pour le conseil au client et la formalisation de ce conseil. Sur ce dernier point, des initiatives existent déjà en pratique.

En effet, le Crédit Mutuel utilise depuis 2017 les solutions offertes en matière d'intelligence artificielle par IBM Watson. Plus particulièrement, le système mis en place est composé d'un assistant virtuel disponible pour chaque client afin de les renseigner sur des interrogations précises, mais également d'outils spécifiques à destination des chargés de clientèle. En ce sens, une solution cognitive vise à analyser les mails afin d'identifier et alerter le chargé de clientèle des demandes les plus fréquentes, des demandes urgentes ou des recommandations d'actions à mettre en place dans le suivi de la relation client. En plus, le système propose un second outil sous la forme d'un assistant virtuel (via des procédés de NLP) devant aider les conseillers commerciaux dans leur recherche d'informations sur l'intranet concernant des produits commercialisés par l'entreprise31.

Ensuite, l'intelligence artificielle doit pouvoir répondre aux nouveaux enjeux posés par la gestion de la relation client. En ce sens, elle doit permettre d'analyser et orienter plus efficacement et rapidement les correspondances des assurés, identifier et optimiser les opportunités de vente additionnelle en fonction du contexte et du profil de l'assuré, et identifier les signaux faibles afin de modéliser les risques de résiliation.

En l'état, il faut souligner que c'est dans la gestion de la relation client que les premières initiatives ont émergé, par le recours aux chatbots, aux procédés OCR, ou encore à l'automatisation de certaines tâches comme les rappels automatiques ou les recommandations. Néanmoins, le développement du machine learning et du deep learning doit permettre de franchir une nouvelle étape pour répondre à deux objectifs majeurs, que sont d'une part le besoin d'une disponibilité sans cesse plus grande afin de répondre rapidement aux demandes

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31 https://www.creditmutuel.com/fr/actualites/watson-nouvelle-solution-innovante-au-service-du-reseau-et-de-la-relation-client.html

d'assurés toujours plus exigeants, et d'autre part la recherche d'anticipation afin de détecter au plus tôt les signaux négatifs pouvant entacher la relation entre l'assureur et son assuré.

Mais comme le souligne le livre blanc publié par La Fabrique d'assurance publié en novembre 201932, « depuis toujours dans le secteur de l'assurance, le client ne découvre réellement la valeur de son contrat qu'au moment du sinistre ». En ce sens, la phase de gestion des sinistres est une phase particulièrement importante dans la relation entre l'assureur et l'assuré, puisque c'est précisément à ce moment que l'assuré mesure la qualité du service rendu par son assureur. C'est donc naturellement dans ce champ que l'utilisation des outils d'intelligence artificielle présente un intérêt tout particulier. En effet, le recours à ces nouveaux procédés doit permettre d'une part, une optimisation du temps de gestion, en hiérarchisant et distribuant les dossiers en fonction de leur complexité pour faciliter leur traitement. En ce sens, l'intelligence artificielle doit permettre d'automatiser le contrôle de certaines pièces et la gestion de certaines prestations ne présentant pas de difficultés particulières afin de permettre au collaborateur de se concentrer davantage sur des dossiers plus techniques et complexes.

En l'état des avancés en la matière, le recours à l'intelligence artificielle pourrait être utilisée pour automatiser une partie des dossiers en assurance automobile ou en assurance habitation. Par exemple, dans le cadre de dommages légers sur un véhicule suite à un accident entre deux véhicules, l'intelligence artificielle pourrait analyser les éléments figurant sur le constat amiable, déterminer les responsabilités au regard des règles applicables entre assureurs et en droit commun, estimer le montant des dommages et laisser le collaborateur proposer ensuite le montant de cette indemnité à son assuré. Ainsi, l'assureur gagne du temps dans la gestion de sinistre, mais économise également des frais d'expertise.

Bien entendu, il est nécessaire de distinguer entre la théorie et la pratique. Si la théorie laisse entrevoir de belles perspectives en la matière, la pratique nous force à les tempérer. D'abord, l'automatisation de la gestion des dossiers ne peut être totale. En effet, les intelligences artificielles étant incapables de contextualiser de manière globale les choses, les dossiers présentant une complexité et un degré d'expertise élevés ne peuvent être délégués à la machine. Surtout, si elle doit permettre d'optimiser la gestion des dossiers, l'intelligence artificielle ne doit pas conduire à éluder la relation entre l'assuré et l'assureur, puisque c'est justement dans la phase de sinistre que cet échange est primordial.

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32 La Fabrique d'assurance, Intelligence artificielle et éthique dans le secteur de l'assurance, livre blanc, novembre 2019

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Enfin, l'intelligence artificielle présent un intérêt particulier s'agissant la mise en conformité et la lutte contre les formes de fraude à l'assurance.

D'une part, le coût de la fraude à l'assurance serait estimé à 2,5 milliards d'euros chaque année33. Devenu un enjeu majeur dans le secteur de l'assurance, les systèmes de détection de fraude existant actuellement peinent à les identifier, en raison de leur manque de flexibilité et de complexité. Or, la fraude étant par nature sous-jacente et dynamique, l'utilisation du deep learning « peut fournir des outils plus performants, aider à mieux cibler les opérations douteuses ainsi qu'améliorer la découverte des nouveaux types de fraudes34 ».

D'autre part, le secteur de l'assurance est marqué par une réglementation abondante et contraignante. Qu'il s'agisse des règles de solvabilité contenues dans la paquet européen « Solvabilité », des obligations issues de la législation en matière de lutte et d'identification des réseaux de fraude, de blanchiment et financement du terrorisme, des règles applicables en matière de protection des données à caractère personnel ou encore celles relatives au droit de la consommation, l'intelligence artificielle doit permettre d'optimiser le respect de ce cadre. Ainsi, par exemple, l'intelligence artificielle peut être intégrée dans des outils de collecte des données afin de vérifier la conformité de la collecte au Règlement général sur la protection des données (RGPD), ou encore être intégrée dans des outils de production de rapports et de reporting qui, en plus de rendre compte des principaux indicateurs nécessaires à vérifier la conformité, pourrait proposer des axes d'amélioration sur la base de l'analyse de ces indicateurs.

En somme, si l'intelligence artificielle entend modifier tous les processus traditionnels des organisations du secteur, elle appelle néanmoins quelques remarques.

D'abord, l'idée générale n'est pas, contrairement à ce que sous-tendent les thèses alarmistes sur la question, de remplacer l'Homme dans ses diverses tâches, mais bien de l'assister. Dans ce contexte, l'intelligence artificielle vise à automatiser les tâches les plus répétitives afin que le collaborateur puisse se concentrer sur les tâches plus complexes et qui permettent de créer de la valeur.

Ensuite, l'intelligence artificielle n'est pas ce qui déclenche la digitalisation du secteur mais constitue un facteur d'accélération et d'automatisation qui nécessite une approche en termes de compétences. Le métier évolue et les acteurs doivent donc inclure une montée en compétences de leurs collaborateurs.

33 https://www.actuia.com/contribution/jean-cupe/la-data-science-a-la-rescousse-des-assurances/

34 https://www.actuia.com/contribution/jean-cupe/la-data-science-a-la-rescousse-des-assurances/

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Enfin, l'intelligence artificielle vise avant tout à modifier une organisation jusqu'alors trop lourde, dont les strates successives complexifient les processus décisionnels, afin de gagner en efficacité opérationnelle et répondre au besoin d'instantanéité et de personnalisation.

Ainsi, outre le gain de productivité que l'intelligence artificielle promet, cette dernière doit également permettre la réalisation d'économies d'échelle notables par l'automatisation des tâches répétitives.

Dans ce contexte, l'intelligence artificielle s'inscrit comme un moteur essentiel au développement de nouvelles activités à forte valeur ajoutée centrées sur le client.

Section 2. L'intelligence artificielle, moteur essentiel au développement de nouvelles activités à forte valeur ajoutée centrée sur le client

Comme nous avons pu le développer dans la précédente section, l'intelligence artificielle s'impose comme un outil essentiel de décloisonnement des services internes à l'entreprise, et permet en outre de cultiver la transversalité en remettant en cause les processus existants jusqu'alors. L'assurance (et d'une manière plus générale le tertiaire), est un secteur dans lequel la relation avec client occupe une place centrale. Dans ce contexte, l'intelligence artificielle vise à apporter une réponse concrète et efficace à l'ère de la considération (I), étant par ailleurs souligné que c'est en matière de prévention que l'assurance est en mesure de pouvoir tirer pleinement bénéfice de ces nouveaux procédés (II).

I. Une réponse pertinente à l'ère de la considération

Les clients ont parfaitement intégré les nouveaux usages induits par le numérique, changeant ainsi leurs modes de consommation. D'une manière générale, la relation entre le consommateur et l'assureur est caractérisée par l'utilisation de plusieurs canaux, cumulant l'utilisation des modes de communication traditionnels et numériques. Ainsi, par exemple, un client s'informe sur le site web d'un assureur et/ou utilise un comparateur en ligne, puis se rend en agence pour contractualiser, bien que la signature du contrat soit électronique. Pour sa déclaration de sinistre, il va se rendre en agence pour déclarer son sinistre, mais va suivre l'évolution de son dossier sinistre par son espace client en ligne, voire converser directement avec son conseiller sinistre par téléphone ou par mail.

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À cet égard, les dernières statistiques rendues publiques par HootSuite sont sans appel et confirment cette tendance. En effet, selon le dernier Digital Report pour la France35, plus de 58 millions de français sont connectés à Internet (soit 89% de la population), et plus de 39 millions d'internautes utilisent les réseaux sociaux. En outre, on compte 65,53 millions d'abonnements mobile, et plus de 94% des internautes français (16-64 ans) utilisent un téléphone portable pour se connecter à internet. D'ailleurs, l'étude de l'ACPR sur la révolution numérique dans le secteur français de l'assurance faisait le même constat s'agissant de l'importance des usages mobiles.

Historiquement, le début des années 2000 a conduit, dans le secteur de l'assurance, au passage d'une logique centrée sur l'offre, à une logique tournée vers la demande, plaçant ainsi le client au coeur de l'activité. Cette tendance est la conséquence de deux évènements.

D'une part, le développement du web 2.0, qui a entrainé une utilisation massive des réseaux sociaux, et a conduit le consommateur à s'informer par lui-même, à comparer, mais également à s'exprimer plus librement et en public sur les services proposés et leur qualité.

D'autre part, l'avènement du web mobile a favorisé la convergence entre les usages traditionnels du web et les possibilités de mobilité offertes par les nouveaux terminaux et les évolutions techniques et technologiques successives concernant les infrastructures réseaux. Dans ce contexte, les usages en mobilité se sont donc développés36.

En réponse, les stratégies des entreprises du secteur ont nécessairement dû s'adapter, afin de proposer des offres et services répondant à ces nouveaux usages, dits ATAWADAC. Cet acronyme, de l'anglais « anytime, anywhere, any device, any content », décrit la capacité d'un utilisateur de contenu ou service en situation de mobilité à se connecter et accéder à ces contenus ou services n'importe quand, n'importe où, et depuis n'importe quel appareil.

Surtout, dans un contexte fortement digitalisé, globalisé, en évolution constante et sillonné de sollicitations commerciales permanentes, l'individu cherche à être considéré dans sa singularité. Ainsi s'est donc développée ces dernières années une nouvelle économie fondée sur la considération, dans laquelle les marchés traditionnels évoluent pour intégrer des mécanismes conversationnels entre d'une part, les entreprises et les consommateurs, et d'autre

35 https://wearesocial.com/fr/digital-2020-france

36 http://marketing-webmobile.fr/2011/10/histoire-du-web-mobile/

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part, entre les consommateurs eux-mêmes qui ont des attentes particulières et de plus en plus fortes.

En témoigne un sondage réalisé par OpinionWay pour Amaguiz.com37, lequel souligne que « le développement des smartphones et des objets connectés a rendu les Français, tous âges confondus, considérablement plus exigeants dans la relation client ». Plus particulièrement, 51% des répondants en attendent plus concernant la pertinence des informations qu'ils reçoivent, 49% concernant la disponibilité des informations, 49% s'agissant de la simplicité des services, et 49% s'agissant de la clarté de l'information.

Surtout, l'économie de la considération s'inscrit comme un levier de vente. À cet égard, l'étude réalisée par le cabinet Roland Berger est assez intéressante puisqu'elle a permis d'établir que près de 86 % des consommateurs sont prêts à payer un supplément pour une expérience de meilleure qualité et 66 % des consommateurs vont recommander une marque s'ils se sentent considérés par elle38.

Dès lors, dans un secteur où l'information constitue la matière première de toute activité, les assureurs doivent donc revoir toute leur stratégie. Il est donc nécessaire pour les assureurs d'intégrer ces nouveaux usages, ce qui suppose d'optimiser à la fois la qualité de leur service mais également l'expérience client, par une refonte complète du parcours de l'assuré dont le modèle traditionnel semble épuisé et inadapté. En effet, il ne s'agit pas uniquement de maitriser le risque et sa nature dans une logique purement statistique et historique, mais de prendre individuellement chaque assuré (et ses besoins particuliers) en considération. À ce titre, l'enjeu est donc aujourd'hui de connaitre intimement chaque cas particulier, afin d'une part, de construire avec l'assuré une relation privilégiée et d'autre part, lui proposer une solution toujours plus personnalisée, répondant à ses besoins. Ainsi, tout l'enjeu est donc de trouver un équilibre entre industrialisation des traitements de masse, distribution des produits assurantiels standardisés, et nécessité d'individualisation des réponses.

37 Amaguiz était une marque commercialisée par Amaline, filiale du groupe Groupama, dont le modèle économique reposait sur une offre de produits et de garanties à la carte et modulable. Créée en 2008, Amaline distribuait ses produits d'assurance automobile, habitation, santé, prévoyance et chiens/chats uniquement par internet et par téléphone. Depuis le début de l'année 2020, la marque a cessé de commercialiser ses produits, et le portefeuille de clients a été redistribué entre les différentes caisses régionales de Groupama. Pour plus de détails : https://www.groupama.com/fr/notre-modele/marques/amaguiz/

38 https://www.forbes.fr/business/comment-le-club-med-dope-ses-ventes-grace-a-la-consideration-client/

C'est donc dans ce contexte que s'inscrit l'intelligence artificielle, qui semble pouvoir apporter une solution concrète à un besoin de considération de plus en plus croissant. Elle doit permettre de mieux collecter les informations relatives aux assurés, de mieux les traiter et surtout, d'en tirer pleinement partie afin de valoriser l'échange et la relation avec l'assuré. Ainsi, à titre d'exemple, l'intelligence artificielle peut adresser au conseiller clientèle des recommandations sur des produits d'assurance spécifiques à faire souscrire à un assuré du portefeuille sur la base des informations concernant cet assuré, permettant d'augmenter le sentiment de considération, la vente additionnelle, et satisfaire le devoir de conseil omniprésent dans le secteur assurantiel.

Mais outre permettre d'apporter une réponse au besoin de considération des clients qui se veulent de plus en plus exigeants s'agissant du service leur étant rendu, une autre activité semble pouvoir tirer pleinement partie de l'intelligence artificielle : la prévention.

II. Vers une prévention augmentée par le recours à l'intelligence artificielle

La prévention et la culture du risque ont toujours existé dans le domaine de l'assurance. Outil de sensibilisation, mais également indirectement de maitrise des risques, cette activité fait partie intégrante du rôle de l'assureur (1). À ce titre, le recours à l'intelligence artificielle n'entend pas supprimer cette activité traditionnellement exercée par les assureurs, mais doit permettre sa refonte en profondeur (2).

1. La prévention et la culture du risque, rôles traditionnels de l'assureur

Dans sa plaquette synthétique du 13 mai 201939, la Fédération Française de l'Assurance (FFA) présentait l'impact de l'assurance sur l'emploi, le développement économique, l'apport social et sociétal, ainsi que la prévention et la culture du risque. A cet égard, la Fédération faisait le constat suivant : « l'assurance est un métier et un secteur économique au coeur de la vie des Français. Les assureurs accompagnent les ménages et les entreprises au quotidien : ils les protègent face aux aléas de la vie et développent la prévention des risques dans leurs activités personnelles comme professionnelles. Ce sont aussi des investisseurs, qui financent les projets des entreprises et des collectivités sur le long terme et qui soutiennent

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39 Fédération Française de l'Assurance, L'assurance dans les territoires, 2019

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la croissance. Enfin, les assureurs sont des acteurs majeurs du développement des territoires : ils encouragent l'emploi local, soutiennent l'attractivité économique des villes et des régions et renforcent la cohésion sociale grâce à leurs actions de mécénat ». En ce sens, la prévention et la culture du risque font partie intégrante du rôle de l'assureur, le but étant d'éviter au maximum la survenance d'un sinistre.

Actuellement, cette activité s'exerce par l'éducation et la sensibilisation des assurés face à certains risques. Elle se manifeste en outre par le développement de partenariats spécifiques et l'organisation d'évènements autour de thématiques précises. Mais il faut également souligner l'action de l'association Assurance Prévention, qui regroupe les sociétés d'assurance et de réassurance adhérentes de la Fédération Française de l'Assurance. L'association est chargée de concevoir et déployer des actions de sensibilisation aux risques courants, seule ou en partenariat avec d'autres organismes. Ainsi, à titre d'exemple, pendant la période de confinement, l'association a publié une série de conseils pour prévenir les risques cyber, les incendies, les accidents domestiques, les vols et les dégâts des eaux40.

En somme, si l'activité de prévention et la culture du risque sont des activités traditionnelles des assureurs, il faut toutefois souligner que le recours à l'intelligence artificielle offre des perspectives quant à la manière dont cette activité est exercée.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams