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anthropologie des techniques dans la pratique de la pêche au canton Ntem 1


par Cédric ONDO OBAME
Université Omar Bongo - Master 2016
  

Disponible en mode multipage

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Université Omar BONGO

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

Département d'Anthropologie

Mémoire de Master

Anthropologie des techniques dans la pratique de la pêche au canton Ntem 1

Option : Patrimoines et dynamiques sociales

Présenté et soutenu par :

ONDO OBAME Cédric

Membres du jury :

Président du jury : Nzenguet Jules-Christ, historien, MC (CAMES)

Examinateur : Yanga Ngary Bertin, sociologue, MA (CAMES)

Directeur du mémoire : Kialo Paulin, Eco-anthropologue, MC (CAMES)

Année universitaire 2015-2016

Université Omar BONGO

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

Département d'Anthropologie

Mémoire de Master

Anthropologie des techniques dans la pratique de la pêche au canton Ntem 1

Option : Patrimoines et dynamiques sociales

Présenté et soutenu par :

ONDO OBAME Cédric

Membres du jury :

Président du jury : Nzenguet Jules-Christ, historien, MC (CAMES)

Examinateur : Yanga Ngary Bertin, sociologue, MA (CAMES)

Directeur du mémoire : Kialo Paulin, Eco-anthropologue, MC (CAMES)

Année universitaire : 2015-2016

REMERCIEMENTS

Nous remercions l'ensemble des personnes qui nous ont aidées à réaliser ce travail.

Nous pensons particulièrement à :

- monsieur Kialo Paulin,

-l'ensemble des enseignants du département d'anthropologie,

- nos parents Minko mi Mve Théophile et Ntsame Allogho Confidence,

- notre grand-père Nkoulou Nguema Laurent,

- notre oncle Ondo Allogho Modeste;

- notre tante Ada Allogho Espérance et son époux Messi Luc,

- toute notre famille ;

- tous nos amis.

DEDICACE

A tous ceux qui nous ont quittés

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE............................................... ......6

1. Approche Théorique..................................................................8

2. Approche méthodologique :......................................................20

PREMIERE PARTIE : Description des lieux, inventaire et analyse des techniques de pêche au canton Ntem 1............................................24

Chapitre I : Présentation et organisation sociale du canton.................................25

Chapitre II : Inventaire et analyse des techniques de pêche ................................38

DEUXIEME PARTIE : Analyse diachronique des fonctions et représentations culturelles des techniques de pêche.............................63

Chapitre III : Techniques de pêche et fonctions culturelles..................................64

Chapitre IV : Les techniques de pêche : représentations et imaginaires symboliques ..............................................................................................................87

CONCLUSION GENERALE.....................................................................102

INTRODUCTION GENERALE

Ce travail de recherche porte sur la pratique de la pêche au canton Ntem 1, situé au sein de la province du Woleu-Ntem dans le Nord-Gabon. Sous un regard diachronique, il se propose d'abord d'inventorier et d'analyser les techniques utilisées pour pratiquer la pêche avant d'aborder par la suite les représentations et imaginaires qui les encadrent. Dans les rapports des populations à leurs techniques, nous allons ressortir une correlativité. Il s'agit d'une part du rapport établi entre la technique et la représentation qui l'encadre et du rapport symbolique de l'homme aux cours d'eau, aux ressources aquatiques d'autre part. Nous parlerons des rapports techniques et symboliques des populations à la pêche.

Nous verrons tout au long de ce mémoire que bien qu'étant un type de pêche amélioré ou renforcé, il s'agit d'une pêche à petite échelle qui ne nécessite pas de grands dispositifs que ce soit en termes de techniques, d'outils ou d'organisation. Elle est surtout pratiquée par les populations villageoises. A travers les techniques, nous saisirons entre autres l'imaginaire de l'eau, les notions de subsistance, de parcimonie, de normes coutumières ou traditionnelles, etc.

Dans le souci de s'alimenter en poissons, les techniques de pêche que nous étudions sont instituées en tant que moyens de prédation ou de prélèvement des ressources halieutiques. Elles sont le produit culturel de l'homme qui les utilise pour se nourrir au même titre que les techniques de chasse ou agricoles. Pour Georgina Assengone (2011 : 72-74) : « La pêche chez les Fang du Woleu-Ntem est l'une des activités les plus importantes derrière l'agriculture qui généralement occupe les populations ». Dans le cas particulier des Fang du Ntem, cette affirmation entre en vigueur dans la mesure où la pêche est importante et participe non seulement au processus de socialisation des populations rurales mais aussi à leurs habitudes alimentaires.

D'un point de vue empirique, la pêche est présente dans différentes cultures du monde. Chaque ethnoculture la pratique selon l'écosystème avec des techniques et représentations qui lui sont propres. Richard Price (1964 : 44-73) et Hélène Pagezy (2006 : 44-62) ont montrés comment les populations intègrent leurs savoirs et savoir-faire dans la pratique de la pêche. Elles la pratiquent en fonction de leurs cadres culturels. Autrement dit, elles s'identifient à la pêche à travers les manières de la pratqiuer ou encore les rapports qu'elles ont à leurs techniques et à leurs cours d'eau. Nous parlerons ainsi de la pêche traditionnelle aux techniques instituées par les imaginaires locaux et encadrées de constructions mentales et symboliques.

Pour tenter de mieux comprendre et analyser la pratique de la pêche, nous allons repertorier un ensemble de termes endogènes. Il s'agit des systèmes de dénominations des techniques et outils, des cours d'eau, des poissons et autres connaissances connexes à la pêche dans la langue fang. Elle joue un grand rôle dans les systèmes de désignation des connaissances relatives à la pêche en même temps qu'elle permet d'en saisir le sens. Le travail de Nza-Mateki (2005) sur la description de l'espace villageois et ses différentes activités renforce cette position de l'utilité de la langue. L'auteur prend l'exemple de la pêche et traduit à chaque fois en langue idzébi, les différents accessoires et connaissances qui la constituent.

De même, Paulin Kialo (2007 :90-91) dans son analyse des rapports des populations Pové à la forêt, fait un usage de la langue pové pour désigner et décrire les outils masculins et féminins de la pêche, la chasse et l'agriculture. La langue devient ainsi un vecteur des savoirs dans les pratiques sociales et permet leur compréhension et leur analyse. Comme ces auteurs, elle nous amenera à établir un lexique endogène propre à la pêche et ses techniques au canton Ntem 1.

Nous rappelons que les rapports que nous évoquerons vont aussi nous permettre de relèver certaines fonctions culturelles des techniques de pêche. Celles-ci sont d'ordre : thérapeutique, économique, religieux, foncier, etc. Tout cela renvoie davantage aux constructions mentales des populations autour de la pêche. On verra à ce niveau, la question du rapport de l'homme à l'eau et aux ressources aquatiques qui recouvrent les cours d'eau. Il faut dire que l'eau est un élément à relever dans la pêche car sans elle, cette pratique n'aurait pas lieu. Le cours d'eau est le lieu de matérialisation des techniques de pêche. Nous allons considèrer l'eau comme un angle stratégique dans ce travail d'analyse.

La pratique de la pêche s'accompagne toutefois de la maitrise de l'ensemble des connaissances qui l'entourent. Pour Victor Giov Annoni (1992 : 63-68), c'est cette capacité à maitriser ces connaissances qui fait du pêcheur un « Bon pêcheur et rusé ». Il est important de connaitre les saisons, les interdits, les espèces halieutiques, les appâts, les cours d'eau, les prières, les lieux fréquentés par les poissons ou leurs réactions, etc. Surtout, il faut maîtriser les techniques sollicitées et la périodicité de leur utilisation pour qu'elles soient efficaces et performantes. André Leroi Gourhan (1992 : 68-92) affirme à ce propos que : « la technique ne se limite pas qu'aux objets et aux outils. La technique se fonde avant tout sur le savoir-faire, c'est-à-dire une efficacité qui possède de fortes composantes cognitives dans la maîtrise de processus ».

La technique est donc un élément culturel produit à des fins utilitaires car, une technique est toujours utilisée pour atteindre un objectif. En revanche, il faut aussi tenir compte des paramètres qui régissent cet objectif, ils ne sont pas à négliger. Dans le cadre de la pêche et notamment chez ces Fang. Chaque technique renvoie à un type de pêche particulier relevant à cet effet des connaissances propres. Chaque technique permet donc l'accès aux poissons spécifiquement à son mode d'emploi. Il s'agit de savoir comment, à travers ces connaissances techniques l'homme adapte son milieu de vie à ses besoins immédiats ou latents, quand bien même, tout ce qu'il met en place est chargé d'un sous-entendu, d'un univers symbolique, d'où sa différence avec l'animal.

1 . Approche théorique

1.1 Objet d'étude : Les techniques de pêche

Notre objet d'étude porte sur les techniques de pêche chez les Fang ntumu du canton Ntem 1. Les techniques employées par ces populations dans cette pratique nécessitent une analyse anthropologique. Rappelons que chez les fang du Ntem, chaque technique de pêche constitue en elle-même un type de pêche propre. Cela revient à dire que la variété des techniques de pêche usitées équivaut à la multiplicité des types de pêche dans le canton. Les essences aquatiques prélevées à partir de celles-ci contribuent au bien-être nutritionnel, économique et social des populations.

Les techniques de pêche fonctionnent au rythme de la variation des saisons pour la prédation ou le prélèvement de ces ressources halieutiques. La pêche est genrée et composée de deux désignations endogènes à savoir : minyôp pour la pêche masculine et melok, abula ou messama pour la pêche féminine. Notre objet conssiste en outre à étudier cette déclinaison, comprendre le rapport que les deux classes d'acteurs ont aux techniques respectives. Cependant, ces deux termes peuvent se regrouper sous le vocable globale ayop (pêche).

La pêche est alors exercée en fonction de la variation de ses périodes ou saisons. Par ailleurs, elle est un élément culturel qui rend compte des savoir-faire et constructions mentales des hommes dans leurs relations aux cours d'eau, c'est-à-dire aux écosystèmes halieutiques ou marins. On peut dire que les techniques de pêche du Ntem 1 relèvent des construits endogènes malgré leur associations aux outils modernes. Il' s'agit entre autre des pratiques d'accumulation, d'exploitation, de production, de consommation, de transformation, d'appropriation et de gestion des ressources aquatiques en fonction du besoin du pêcheur.

Les populations ont dotées chaque technique de pêche d'outils ou d'accessoires, des pratiques propres pour capturer des types de poissons donnés. A cela s'ajoute la représentation qui entoure chaque technique. On retrouve là, les quatre éléments qui constituent une technique tels que l'entend P. Lemonnier (2004 : 697). Les techniques de pêche sont donc semblables à des systèmes où chacun de leurs éléments constitutifs n'a de sens qu'en rapport avec les autres. Pour lui: « Une technique met en jeu les éléments suivant : une matière sur laquelle elle agit ; des objets ; des gestes qui mettent en mouvement ces objets ; enfin les représentations particulières qui soutendent les gestes techniques ». Le rapport de l'homme à sa technique amène alors à saisir ce système symbolique. Ainsi, toute technique quelque soit le domaine respecte-t-elle ce système.

Les techniques étudiées ne se limitent pas qu'à l'objet qu'est la pêche ou à ses outils. Une technique de pêche se fonde avant tout sur le savoir-faire, c'est-à-dire une efficacité de fortes composantes cognitives dans la maitrise du processus culturel. Elle est donc humaine et identifie le groupe.

1.1.1 Contexte générale de l'étude

Le contexte général dans lequel cette étude se situe est celui de la confrontation de deux imaginaires en opposition dans la pratique de la pêche au Gabon. Il s'agit de l'imaginaire de la pêche ``industrielle'' et celui de la pêche ``traditionnelle''. Nous définissons de manière respective ces deux positionnements pour mieux saisir le contexte général.

Dans un premier temps, la pêche industrielle est une pêche orientée sur une « économie de marché ». Le terme désigne un système économique où les décisions de produire, d'échanger et d'allouer des biens et services rares sont déterminées majoritairement à l'aide d'informations résultant de la confrontation de l'offre et de la demande établie par le libre jeu du marché. Il est donc question d'une pêche dominée par la production massive des ressources halieutiques. Se pratiquant surtout en mer profonde et litoraux, ses techniques et outils sont à long terme et traduisent une performance permettant des prélèvements de masse. On assiste dans ce cas à une pêche à grande échelle. L'imaginaire qui prévaut dans cette pêche « moderne » est l'économie de marché.

L'autre type de pêche par contre est la pêche traditionnelle soutendue d'une « économie sociale ». Ce terme regroupe un ensemble de coopératives, mutuelles, associations, syndicats et fondations, fonctionnant sur des principes d'égalité des personnes, de solidarité entre membres et d'indépendance économique. Ce type de pêche est pratiqué en eaux continentales (rivières, fleuves, lac, étangs, etc.) et est encadrée par l'autoconsommation des resources halieutiques. Les populations pêchent pour se nourrir dans l'immédiat grace à des techniques rudimendaires et à court terme. Cette pêche n'admet pas une commercialisation au sens capitaliste du terme, il s'agit d'une économie sociale déterminée par des besoins sociaux à court terme. Cependant, l'influence de la modernité a conduit à l'intégration de connaissances modernes (les outils surtout) dans cette pêche qui pour nous, est devenue « traditionnelle et moderne », cumulant simultanément des outils traditionnels ancestraux et ceux modernes.

A la différence du premier type de pêche, le second type de pêche est celui qui peut garantir une gestion durable des ressources halieutiques. En observant les deux types de pêche, les techniques ou les rapports aux techniques sont différents tout comme les contructions symboliques qui les encadrent. Le contexte dont il s'agit est donc celui d'une pêche aux techniques et aux représentations distinctes : l'industriel et le traditionnel.

1.2 Le champ de la recherche

1.2-1 Cadre théorique

Notre objet d'étude nous amène à nous inscrire dans deux cadres théoriques correlés. Il s'agit dans un premier lieu de l'anthropologie des techniques. Ce cadre théorique va nous permettre de faire un inventaire des techniques sollicitées par les pêcheurs. Cette déclinaison permetra aussi d'étudier les techniques utilisées par chaque classe d'acteurs. Il nous est important dans ce travail de ressortir le lexique spécialisé relatif à la pêche des Fang Ntumu. Mais pour y arriver, André Leroi Gourhan et André Georges Haudricourt nous sont utiles.

L'anthropologie des techniques est une branche de l'anthropologie qui s'intéresse à l'histoire, à l'usage et aux rôles des objets techniques, y compris leur rôle symbolique. Elle étudie les effets des techniques sur les autres phénomènes sociaux et vice versa. Etant une des méthodes du courant évolutionniste et diffusionniste, elle prend son essence au XIXe siècle où elle a servi au classement des sociétés en fonction de leurs savoir-faire technique ou technologique. L'anthropologie des techniques rend compte du mode de fonctionnement physique et de l'efficacité des techniques. De plus, l'étude anthropologique des techniques et des objets techniques ne se limite pas aux techniques et aux objets considérés comme traditionnels ou anciens, mais également aux faits sociaux contemporains : l'alimentation, le vêtement, la chasse, l'agriculture, le corps, etc.

Dans l'examen des techniques de pêche, la question du rapport aux cours d'eau, aux techniques mais aussi toute la représentation construite autour, nous amènent dans un second lieu à nous inscrire dans l'anthropologie des imaginaires et des représsentations. A ce niveau nous convoquons Cornélius Castoriadis (1999) et Maurice Godelier (2010). Les représentations et imaginaires qui encadrent la pratique de la pêche nous amènent à solliciter les travaux de ces auteurs. Il faut dire qu'une technique implique bien plus qu'elle-même mais tout un imaginaire de la pratique. Il est important de comprendre l'histoire des populations, leur environnement immédiat, l'histoire de leurs techniques et du milieu social en présence. Cela permet de saisir la vision symbolique de l'ethnoculture concernée. D'où la nécessité pour nous de faire doublement appel à ces deux cadres théoriques.

Dans le cadre de la pêche au canton Ntem 1, l'objectif d'une anthropologie des techniques permet de dépasser le simple cadre d'une observation extérieur ou d'une description de la technique pour approcher la pensée de la conception matérielle de celle-ci. Cette approche est éclairée par des théories émises par Cornélius Castoriadis (1999) notamment sur l' « imaginaire instituant » des techniques de pêche chez les ntemois. En reprenant l'auteur, il s'agit d'une performance cognitive créatrice d'une oeuvre sociale. Les pratiques sociales sont instituées parce qu'il y a des besoins sociaux à couvrir tel que celui de se nourrir en aliments halieutiques. C'est aussi à ce niveau le rapport de la technique aux représentations qui l'encadrent. De plus, cette question des rapports corrélés aux techniques et aux cours d'eau amène à saisir les rapports entre « idéel et matériel » au sens de Maurice Godelier (2010).

Les représentations voire les imaginaires sont la constitution des ordres et des rapports sociaux, l'orientation des comportements collectifs et transformations du monde culturel. Ces représentations et imaginaires instituent, soutendent et donnent du sens aux pratiques sociales et particulièrement aux techniques de pêche dans ledit canton. On peut donc comprendre un groupe quelconque en fonction de ses modes de pensées. Ces derniers sont alors ce que nous appelons logiques soujacentes ou constructions mentales qui peuvent encadrer une pratique culturelle donnée.

1. 2.2 Zone d'étude

Notre recherche s'est déroulée au canton Ntem 1 au nord de la province du Woleu-Ntem. Plus précisement, nous avons travaillés sur quatre villages dudit canton. Ce dernier se trouve particulièrement dans le département du Ntem (Bitam). Du point de vue étymologique, Ntem signifie littéralement en fang ntumu ntem (la branche) d'après notre interlocuteur Enguang Emmanuel1(*). Le fleuve Ntem est alors comparé à une grosse branche d'arbre. Ce nom a été donné à cette localité à cause de la présence du grand fleuve de la province qui est le Ntem. Or, on ne peut grimper un fleuve comme un arbre. On peut en revanche le traverser. Notre zone d'étude est donc situé à la traversée dudit fleuve pour accèder au Cameroun et de la rivière Kyè pour accèder à la Guinée Equatoriale.

Le canton Ntem 1 est une des subdivisions des six cantons du département du Ntem. On y trouve des hommes, des femmes et des enfants qui sont des agriculteurs, des pêcheurs-chasseurs, des commerçants et des scolarisés pour les plus jeunes. Le personnel administratif affecté dans certains des soixantes-quatre villages du canton (surtout les districts Eboro-Ntem et Meyo-Kyè) est en majorité hétérogène et respectivement repartie dans les secteurs de la Douane, Gendarmerie, Police, Phito-sanitaire, Education scolaire et Ecclésiastique. Selon le découpage actuel, le canton date d'environ dix ans et a connu l'installation des postes administratifs au fil du temps. Il compte une population d'environ quatre milles (4000) habitants d'après les données reçues à l'assemblée départementale de Bitam en 2014.

Les villages sur lesquelles nous avons travaillé sont entre autres : Eboro-Ntem qui est à trente kilomètres (30 km) de Bitam ; Ndzibap qui est à trente-deux kilomètres (32 km), Bikass qui est à trente-cinq kilomètres (35 km) et Akam-si à trente-huit kilomètres (38 km). Ces villagess sont tous situés dans le même axe routier Eboro-Ntem et Meyo-Kye au Nord-Ouest du canton Ntem1. L'objectif était d'avoir une compréhension large de notre objet d'étude. Dans cette aventure, la préoccupation était de voir si les techniques de pêche utilisées et les représentations culturelles qui les encadrent étaient semblables. Cela nous a aussi permis de compléter nos informations et même de les confronter.

Les six cantons du département sont Ntem 1, Ekorété, Mveze, Mbogha, Kess et Koum. Mais le plus peuplé et le plus fourni en cours d'eaux est le Ntem 1, d'où notre intérêt pour cette localité. Comme nous le verrons, ce canton est dominé par trois grands cours d'eau à savoir : le Ntem, le Kye et le Mvézé. Il abrite l'essentiel de la pratique de la pêche dans le département.

Ci-après, nous présentons la carte de données géographiques et hydrographiques de notre champ d'enquète pour une meilleure localisation.

Carte 1 : présentation géographique de la zone d'étude au sein du canton Ntem1

Cette carte localise la zone d'étude. Elle présente la partie nord-ouest du canton Ntem 1 notamment les villages enquétés : Eboro-Ntem, Ndzibap, Bikass, Akam-si et l'hydrographie de ladite zone (confère légende de la carte).

1.3. La conceptualisation

Dans ce travail, nous considérons qu'Ayôp (pêche) est le concept clé. Il renvoie non seulement aux pêches masculine et féminine, mais aussi à la situation de pêche en fang ntumu. Mais notre conceptualisation passe d'abord par la définition de la technique et de la pêche.

1.3.1 Définition des termes : Technique et Pêche

1.3.1.1 La technique

Selon Lemonier cité par Pierre Bonte et Michel Izard (2004 : 697), on entend par technique : « Une reproduction sociale, une action socialisée sur la matière, mettant en jeu les lois du monde physique. Elle met en relief : ce sur quoi elle agit, les objets avec lesquels elle agit (outils) ; la manière (geste) avec laquelle elle agit puis les représentations qui se cachent derrière les gestes techniques. La technique est un système ». La technique apparait dans la pratique de la pêche comme un procédé, une sorte d'enchainement d'éléments et de mouvements reliés les uns aux autres pour parvenir à un résultat recherché : le prélèvement de la ressource.

Chaque élément et mouvement de l'enchainement est muni de sens et participe à cet enchainement qui constitue ainsi la technique. La technique de pêche serait inéfficace en l'absence d'un élément ou à la mauvaise exécution d'un mouvement de la technique. La technique de pêche intègre donc le geste matériel, d'où une « Anthropologie du geste » qui implique l'idée du corps en mouvement au sens de Marcel Jousse (1978). La technique est un système complexe.

Toutefois, il existe plusieurs types de techniques à savoir : les techniques vestimentaire, alimentaire, de chasse, agricole, de pêche etc. et celles-ci se distinguent en fonction des rapports à leurs objets et les représentations qui les encadrent au sein de la société qui les produit. André Leroi Gourhan (1979) dit à cet effet que : « Chaque technique est fonction du milieu de production, donc de la société qui la produit ». Aussi, il pense que la technique est développée par l'homme pour exploiter les matières qui lui sont offertes par la nature, d'où les techniques générales, spécifiques et pures. Cette idée sera complétée par André Haudricourt (1964) à travers son principe de correspondance entre la technique et le type d'agriculture. Selon lui, le type d'agriculture est spécifique à la technique. Les techniques de pêche que nous analysons sont des techniques propres et spécifiques car renvoyant particulièrement à la pratique de la pêche.

Les Fang ntumu du canton Ntem1 accordent différents sens concernant le terme « technique ». Dans un premier temps, la technique renvoie d'abord à une stratégie  fekh, c'est-à-dire à une manière de faire individuelle ou collective permettant d'accèder à un résultat ou à une ressource. Dans ce sens, la technique apparait comme un moyen pour atteindre un but. Elle ne prend en compte aucun élément connexe (rituel, interdits, prières, etc.). C'est à ce premier niveau que certaines personnes se limitent lorsqu'ils vont pratiquer la pêche ou la chasse par exemple. Il ne s'agit que de l'accès aux ressources halieutiques ou aux gibiers.

Deuxièmement, la technique renvoie à la méthode, c'est-à-dire à un ensemble de procédés (outils, saisons, lieu de la pratique, etc.) pour aboutir à un ou plusieurs résultats. Dans ce sens, elle apparait comme un itinéraire déjà établi et qui doit être respecté pour avoir de bons résultats. Mais cette manière de penser la technique s'inscrit davantage dans l'agriculture sur brûlis qui occupe l'essentiel du temps des villageois. A travers ces deux niveaux, on se rend compte que la technique est présent dans l'ensemble des activités villageoises des fang.

Cependant, notre analyse nous amène à porter un autre regard sur cette approche définitionnelle de la technique. La technique renvoie aussi à un type particulier d'agissement ou de pratique prenant simultanément en compte les acquis techniques matériels puis, les aspirations et constructions imaginaires qui la régissent. Cela va plus loin que le simple cadre d'une stratégie ou d'une méthode tel que vue plus haut. Nous sommes là dans le cadre des pratiques et croyances en fonction du domaine en présence et surtout dans la dimension historique de la technique. Les techniques de pêche se présentent comme des faits traduits par des manières d'agir différentes en fonction du rapport à la technique et au cours d'eau. De plus chaque technique de pêche est spécifique tout comme ses aspects symboliques. Nous sommes dans ce cadre en présence de l'expression Mevala meyop que les Fang utilisent pour désigner les techniques de pêche et leurs contenus, c'est-à-dire leurs logiques soujacentes.

1.3.1.2 La  Pêche :

La pêche est l'accès aux ressources aquatiques par l'intermédiaire d'une ou plusieurs techniques. Autrement dit, c'est l'action de préléver, ou de capturer du poisson dans son espace de vie.

Les populations villageoises du canton Ntem 1 appréhendent la pêche (ayôp) comme le fait de rassembler au préalable des outils de pêche en fonction de la technique sollicitée et se rendre à un cours d'eau à fin d'y capturer du poisson ou autres crustacés et revenir au village. Enguang Emmanuel (voire à la page 7) dit à cet effet que :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Batera akômane adzâ, eyong-té wake ochigne ne wake yôp. Ede ayôp ayili nâ, wake avâ kuass ochigne, ossô-dô adzâ. Égne mayeme nâla.

1 Ce que je sais, c'est qu'on s'apprète d'abord au village, ensuite on va pêcher. Ainsi, pêcher signifie aller sortir le poisson d'un cours d'eau et l'amener au village. C'est ce que je sais.

Pour ces popultion la pêche relève de tout un processus. Elle n'est pas simple. Suite Nous nous sommes rendu compte qu'à cette définition, il s'ajoute aussi des connaissances connexes telles que le rapport à la technique ou aux cours d'eau et surtout les représentations encadrant ladite pratique. Pour la pêche masculine, on la désigne par miyôp2(*). Au féminin par contre, on désigne la pêche à travers les différentes techniques telles que  melok3(*), messama4(*), abula5(*), etc.

Toutefois, la pêche est en elle-même une technique de prédation ou de prélèvement de ressources naturelles.

1.3.2 Le concept « Ayôp »

La conceptualisation fait appel à des éléments clés permettant de faire d'un terme emic, un terme etic : les variables, les dimensions et les indicateurs.

Chacun des éléments est une grille qui prend appui sur les éléments empiriques (terrain) du concept à construire. Dans ce sens, François de Singly (2005 : 28) souligne que : « Dans les notions qui constituent l'objet, il faut trouver des indicateurs empiriques, des moyens de les rapprocher, de les mesurer ». Ceci confirme que les concepts scientifiques se doivent de toujours reposer sur des matériaux empiriques. La construction d'un concept opératoire s'appuie sur la pensée d'un peuple donné, sur un imaginaire constitutif d'un groupe par rapport au phénomène étudié. Le concept est alors opératoire parce qu'il prend appui sur l'imaginaire social et culturel des populations.

Tableau 1 : conceptualisation

Concept

Variables

Dimensions

Indicateurs

 Ayôp 

(Pêche)

Techniques de

pêche

  mevala meyop

Religieuse

Ø Interdits, prières

Ø Rituels, croyances

Ø Fétiches, médicaments..

Juridique

Ø Foncier de l'eau

Ø Normes coutumières

Ø Terroirs de pêche etc.

Economique

Ø Production, gestion

Ø Commercialisation

Ø Les échanges etc.

Thérapeutique

Ø Poissons thérapeutiques

Ø

Performance

Ø Les outils

Ø Manière de pêcher

Ø Choix des techniques

Ø Quantité et qualité des poissons...

Représentations

culturelles

messimâne

Halieutique

Ø Eau

Ø Poissons

Ø Techniques

Durabilité

Ø La survie des techniques de pêche

Ø Les codes de pêche

Ø Les normes coutumières

Subsistance

Ø Outils à court terme et de faible ampleur

Ø Ressource humaine au centre de la pratique

Parcimonie

Ø Respect des saisons

Ø Respect des interdits

Ø Jachère des eaux

Ø Préservation des essences

Fonctions

mekaleya 

Sociale

Ø Cohésion du groupe

Ø Chants, apprentissage

Ø Acquisition des valeurs, socialisation.

Religieuse

Ø Respect des interdits

Ø Le fétiche, les prières

Ø Croyances, augures et les symboles etc.

Economico juridique

Ø Nourrir la famille

Ø Le principe de propriété

Ø Logiques foncières

Ø Les petites ventes

1.4 Etat de la question

La préoccupation portant sur les techniques de pêche a déjà été abordée dans certains travaux que nous avons parcourus. Après avoir fait l'état de la question, nous donnerons l'orientation de ce travail.

Sur le plan économique, Joachin Moussavou (1985) a travaillé sur la place de la pêche et la chasse dans l'économie du canton Ngounié centrale dans la province de la Ngounié. Il s'inscrit dans une anthropologie économique pour analyser les rapports des populations dudit canton aux pratiques de chasse et de pêche. Il inventorie ainsi les techniques, outils de pêche et de chasse traditionnelle avant d'aboutir à leurs rapports à l'économie. Pour conclure son apport, il montre comment ces deux pratiques sociales contribuent à l'économie de ce canton Ngounié centrale. Cet apport de Joachin nous aide à analyser les techniques, mais aussi à saisir toute la portée économique d'une pratique sociale quelque soit l'ethnoculture.

La dimension du conflit dans la pratique de la pêche est abordée par Marie-Claire Bataille Benguigui (1989 : 31-43) qui en travaillant sur la pêche aux îles Tonga6(*), s'est intéressé à l'antagonisme entre projet de dévéloppement et traditions Tonga. Sous un regard comparé des différents acteurs (les Tonga et les projets de dévéloppements), elle a démontré que dans cet antagonisme, les Tonga pratiquent une pêche commerciale tout en demeurant dans leurs idiumes culturels pour la gestion durable de leurs ressources aquatiques (croyances, interdits, rituels, consommation familiale, échanges cérémonielles et ventes). Or les projets de dévéloppements ignorent ces idiumes qui sont en fait l'identité même des populations tonga. Ainsi, nous comprenons que toute pratique culturelle identifie toujours l'ethnoculture en présence. Aussi, tout projet de dévéloppement doit-il être en complémentarité avec l'éthique culturelle en vigueur.

D'un point de vue historique, Guy Faustin Mbadinga Moukétou (1995) a montré que la pêche était dans ses origines une pratique féminine qui consistait à ramasser du poisson dans des rivières. Elle se complétait à la chasse et à la ceuillette. Devenue genrée et mixte de nos jours, la pêche relève diverses techniques et connaissances connexes. Nous retenons qu'en tant que principal rapport aux cours d'eau, la pêche ne dâte pas d'aujourd'hui. Cependant, l'auteur ne relève que des aspects relatifs à l'histoire, à l'origine, aux croyances et organisations structurant ladite pratique en Afrique noire.

Cette anthropologie liée à la portée historique de la pêche et ses techniques se complète avec Pierre Edoumba Bokandzo (1999) qui a également travaillé sur l'histoire de la pêche en Afrique centrale. Il définit la pratique comme une activité ancienne. Pour lui, elle est pratiquée tout le long des cours d'eau du continent africain. Il passe ensuite par l'organisation sociale au sein de cette pratique qu'est la pêche en Afrique noire où il y examine les points tels que l'approche genre, les croyances et la diversification des techniques de la pêche. Il s'agit là selon l'auteur d'un rapport ancien entre l'homme d'Afrique central et ses cours d'eaux. Ceci est davatage un lien avec notre objet à travers le canton Ntem 1 où la pêche reste une production culturelle et une prédation depuis toujours. Mais, il faut dire que de ces deux auteurs, les représentations ne sont pas clairement ressorties. Les techniques de pêche avant tout le resultat de l'oeuvre cognitive des hommes.

Le religieux a été abordé par Hélène Pagézy (2006). Elle a travaillé sur le contexte magico-réligieux de la pêche au lac Tumba7(*), entre le normal et l'insolite. Après un bref inventaire des techniques de pêche, l'auteur montre qu'en société Tumba, la pêche comme la chasse est régit par le bon vouloir des génies anthropomorphes, hiérarchisés, territorialisés et vivant en société sur le modèle humain. Il s'agit de la relation au monde invisible comme mode de gestion des ressources naturelles halieutiques. En parlant d'invisible et du visible, Paulin Kialo (2005 :84) note que la pêche est une pratique matérielle, concrète en même temps qu'elle est constituée d'éléments immatériels abstraits (esprits, croyances, etc.). Dans ce cadre, ces auteurs nous mettent en phase avec la sphère symbolique et réligieuse de la pêche. Ce point est pour nous important à souligner. Nous l'aborderons aussi un dans ce travail.

Pour terminer, la question des dynamiques dans la pratique de la pêche regroupe respectivement Catherine Sabinot (2008) et Linda Badjina Engonbengani (2011). Sabinot va s'intéresser pour sa part aux dynamiques d'acquisition, d'adoption, de partage des savoirs et savoir-faire au sein des populations du littorale Gabon. Elle montre dans sa thèse de doctorat que les techniques de pêche sont des savoirs locaux inhérents aux groupes qui les produisent. De plus, elle parvient à un constat d'évolution, de transformation, de disparition, mais aussi aux mécanismes internes qui permettent les dynamiques variées de ces savoirs et savoir-faire.

Elle évoque une sorte de symbiose des termes de représentation et de technique pour exprimer les savoirs et savoir-faire. La pêche en milieu rural met donc en situation des interactions de ces savoirs et savoir-faire avec des logiques symboliques. Tout ceci intègre alors les rapports de l'homme à son écosystème aquatique. Nous comprenons que les représentations prennent en compte le choix des outils, s'agissant de la conception des techniques et leurs rapports avec les acteurs sociaux qui les sollicitent. Dans ce sens, Catherine décrit une des logiques symboliques que nous prendrons en compte. Il s'agit du choix des outils, objets ou matériaux de pêche dans ce rapport à la technique. Les outils ont des rapports aussi bien avec les acteurs qu'avec les espèces aquatiques sollicitées. L'outil est en partie une représentation de la technique pour laquelle il va servir de conception.

Linda Badjina Engonbengani (2011) quant à elle, a travaillé sur la dynamique des changements dans l'activité de la pêche au Gabon de 1900 à nos jours. Elle approfondit ses hypothèses sur les mutations des connaissances liées à la pêche à savoir : les techniques, les outils, la production, la consommation, la gestion et la commercialisation des ressources aquatique au Gabon. Elle met en avant-garde de sa réflexion une orientation diachronique et surtout économique de la pratique.

Elle recense et décrit les techniques et outils de pêche employées dans le Moyen-Ogooué tout en montrant les transformations subies par cette pêche traditionnelle devenue selon elle semi-industrielle. Elle part de la dynamique des techniques de pêche pour aboutir à la portée économique de la pratique. Au centre de son travail, nous notons la diachronie, l'inventaire et l'approche économique de la pêche en milieu rural.

Par ailleurs, un aperçu des auteurs qui ont théorisé sur les techniques et représentations est important dans cet état de la question.

André Leroi Ghourant (1992) nous fait comprendre que tout milieu, tout domaine correspond à des techniques appropriées ; de même toute technique a des représentations propres. Milieu et technique est l'ouvrage à travers lequel cet auteur fait un lien entre les techniques et les représentations associées à un milieu précis à des moments bien déterminés. Il pense que les représentations rendent visibles et compréhensibles les techniques sur la base d'une réalité existante.

Son point commun avec André Georges Haudricourt (1968) est la compréhension de la manière dont les hommes se sont adaptés aux différents milieux. Selon eux, cela n'a été possible que par la production cognitive des techniques. Ce qui fait que l'objet technique ne peut être compris que lorsqu'on met autour de lui l'ensemble des gestes humains qui le produisent et le font fonctionner. Dans ce cadre, les techniques de pêche sont une grille de lecture productrice de sens. Elles agissent sur des milieux ou des corps en impliquant des outils et la manière d'agir sur ces éléments.

Maurice Godelier (2010) montre que par ses idées, l'homme met en place des techniques lui permettant d'agir sur le matériel, c'est-à-dire sur la nature ou son espace de vie. Pour lui, il s'agit de l'appropriation matérielle et sociale de la nature. Les techniques sont des productions cognitives et permettent à l'homme de structurer, d'organiser son milieu de vie. Toutefois, il montre que c'est à partir des représentations que les sociétés se font de leur environnement qu'elles agissent sur celui-ci. Les représentations sont les conditions de formation des rapports sociaux entre l'homme et ses ressources. Les techniques de pêche sont donc simultanément chargées d'une part matérielle et d'une part idéelle. C'est à partir du rapport de ces deux parts qu'il comprend l'imaginaire comme une pensée symbolique définissant les pratiques sociales concrètes telles que la pêche et ses techniques

Les représentations sont à la base des abstractions et intègrent les imaginaires sociaux. Dans l'institution imaginaire de la société, Cornelius Castoriadis (1999) comprend que l'imaginaire d'une société n'est pas statique mais plutôt dynamique. Il produit le réel. Pour cet auteur, l'imaginaire est la capacité, l'aptitude à produire des idées et c'est le fondement même du matériel. C'est l'imaginaire qui institue les significations sociales qui décident de ce qui est vrai ou faux pour une société. Elle est donc premiére carelle institue la société et ses pratiques.

Pour nous, cette analyse est la même avec les représentations et les techniques de pêche qui sont à lire dans ce cheminement. Maurice Godelier et Cornélius Castoriadis se complètent malgré leurs approches distinctes, c'est pourquoi nous les convoquons tous-deux pour mieux comprendre et analyser les pensées symboliques ntemoises à travers les rapports en vigueur dans la pratique de la pêche.

1.5 La problématique et les hypothèses

Au regard de tout ce qui précède, nous retenons que les préoccupations majeures de ces auteurs ne se limitent qu'aux aspects économiques, historiques et religieux de la pêche au-delà des inventaires ou des descriptions des tehniques. Ces travaux ne constituent que certains des aspects que nous abordons car toute technique est un savoir-faire inhérent à un groupe, lequel savoir-faire est soutendu d'une sphère symbolique à laquelle il renvoie. C'est dire que la pratique de la pêche a d'autres logiques toutes aussi pertinentes que celles évoquées.

Notre objectif est de faire dans un premier temps, un inventaire et une analyse des techniques de pêche usitées à l'échelle du canton Ntem 1, avant d'aboutir par la suite aux représentations et imaginaires (logiques soujacentes ou constructions mentales des populations) en vigueur. Il s'agit des performances cognitives qui encadrent la pêche et ses techniques. Ainsi, nous posons des questions problèmes aux quelles nous proposons des hypothèses.

- quelles sont les techniques que les populations du canton Ntem 1 ont toujours utilisées pour pratiquer la pêche ? Quels sont leurs rapports à ces techniques ?

Pour répondre à cette première préoccupation, notre hypothèse soutient que la pratique de la pêche au canton Ntem 1 revèle une variété de techniques genrées. Il s'agit de miyop chez les hommes et de melok, abula ou messama chez les femmes. Dans cette repartition, les techniques sont respectivement distinctes. Cependant, miyop englobe les techniques masculines tout comme melok chez les femmes. Il y'a aussi des techniques mixtes, c'est le cas de melok et meyah (épuisettes). Chacune des techniques relève des outils et connaissances propres pour son usage et sa performance.

Quant aux rapports aux techniques, ils sont déterminés par les façons dont les populations du canton pensent, sollicitent, outillent et pratiquent les techniques en situation de pêche dans les cours d'eau.

- étant donné que toute technique relève une logique symbolique soujacente, quelles sont celles qui ont toujours encadrées les techniques dans la pratique de la pêche à Ntem 1 ?  et que sont-elles devenues de nos jours?

La seconde hypothèse souligne que la pêche regorge tout un ensemble de constructions mentales. Il s'agit de l'idée d'une pêche de subsistance, d'une pêche parcimonieuse, d'une pêche durable. A cela s'ajoutent aussi des fonctions symboliques qui sont économiques, religieuses, foncières, environnementales, socio-éducatives et thérapeutiques. Ces différents aspects peuvent être observés dans tout le département voire dans toute la province du Woleu-Ntem.

En outre, ces représentations et fonctions sont restées les mêmes. Les techniques n'ont pas changé malgré l'intégration de certains matériaux importés. En revanche, cette intégration des nouveaux outils mène à une certaine ``secondarité'' au sens de Stéphanie Nkoghe (2011). Cette secondarité se justifie par la présence des connaissances traditionnelles et celles modernes dans la pratique de la pêche.

2. Approche méthodologique 

2.1 Techniques de collectes et échantillon

Nous avons choisi de procéder par entretiens directifs (entretiens rythmés de thèmes et items afin d'orienter les échanges) et par observation directe dans la collecte des données auprès des interlocuteurs dans l'objectif de mieux saisir la pratique des techniques de pêche au sein de l'ethnoculture ntemoise. Nous avons pu faire des photographiques et enrégister des données sonores.

Nous nous sommes entretenus avec dix-huite interlocuteurs au canton Ntem 1 puis à Bitam et à Libreville. Il y a six femmes et douze hommes, dont quatre pêcheurs permanant et quatorze pêcheurs occasionnels (ou consommateurs).

Tableau 2: L'échantillon de l'étude.

Les interlocuteurs

Nombre

Pourcentage

Pêcheurs permanents

Consommateurs et (pêcheurs occasionnels)

Hommes

12

64%

4

8

Femmes

6

36%

0

6

Totaux

18

100%

4

14

Nous avons classé nos interlocuteurs de la manière suivante : Sur les dix-huit interlocuteurs rencontrés, quatre de sexe masculin sont des pêcheurs permanents alors que les quatorze autres des deux sexes confondus sont consommateurs et pêcheurs d'occasion.

Même si la production est vendue, l'objectif est de nourrir la famille. L'analyse des discours recueillis auprès de ces interlocuteurs nous amène à procèder à la classification des techniques de pêche, des fonctions de ces techniques de pêche et pour terminer leurs représentations symboliques au canton Ntem1. C'est à partir d'eux que nous sommes parvenus à l'élaboration de ce travail. Notre première compréhension était alors que les perceptions sur la pêche et ses techniques sont restées les mêmes malgré une intégration d'outils nouveaux dans les techniques. Mais tous ces points seront éclairés tout au long de cette étude.

2.2 L'enquête

Nous avons mené nos enquètes pendant un an et demi. Nous avons commancé nos enquètes alors que nous étions encore en licence 3. Au début, l'objectif était de travailler sur l'ensemble du département du Ntem (Bitam) mais, compte tenu de la complexité du terrain, nous nous sommes convenu avec notre directeur de recherches de nous limiter à un terrain d'etude réduit. C'est alors que nous avons choisi le canton Ntem1 comme zone d'étude étant donnée de l'abondance en cours d'eau et la récurrence de la pratique de la pêche.

Sur le terrain, la langue de communication avec les interlocuteurs était le fang, c'est pourquoi les récits collectés sont en langue fang que nous traduisons à chaque fois en français. On a mené notre recherche dans quatre villages du canton. Il s'agit d'Eboro-Ntem, Ndzibap, Bikasse et Akam-si, des villages qui connaissent la pratique de la pêche. C'est d'ailleurs sous les indications de certains interlocuteurs que nous étions à chaque fois amenés à étandre la zone d'étude.

Ces villages sont respectivement situés le long de l'axe routier Eboro-Ntem et Meyo-kye dans ledit canton. La carte de localisation de notre zone d'étude précise ces détails (confère page 7). Le Ntem et le Kye sont les cours d'eau les plus abordés dans cette partie du canton et les voies d'accès à ces villages visités ne sont praticables qu'en saison sèche.

Au cours de la réalisation de ce travail, nous avons rencontré des difficultés relatives à l'absence de la documentation, à la logistique, aux finances et aussi dans la collecte des données.

Les thèses de Linda Badjina (2011), de Cathérine Sabinot (2008) et quelques articles scientifiques sont les documents qui actualisent la question de la pêche dans l'ensemble de nos lectures. L'autre problème portait sur la recurrence des traveaux traitant des mêmes aspects sur la pêche dans différentes sociétés et disciplines. Il s'agit de l'inventaire des techniques et la portée économique de la pêche en général.

Ensuite, nous avons rencontré des difficultés suite à la qualité des voies de communication pour joindre les villages venquètés. En effet, le souci de s'y rendre à chaque fois, c'est à dire le problème du déplacement se posait toujours lors qu'il fallait quitter Libreville la capitale pour le lieu d'étude. Cela nous posait des problèmes de finances. Même quand nous étions déjà à Bitam, le centre urbain de la localité du Ntem, il nous fallait toujours des frais de transport pour se rendre dans les villages concernés.

L'autre problème était celui de l'accès aux informations. Plusieurs interlocuteurs refusaient de nous recevoir. D'aucun nous prenaient pour un agent du conseil départemental en mission pour espionner les villageois pêcheurs. Quant à d'autres, ils se méfiaient de nous. Ils nous donnaient de faux rendez-vous ou demandaient en échange une bierre, des paquets de cigarettes ou de l'argent. Il a nous a donc fallu passer par des intermédiaires, des personnes pour nous aider à collecter nos données.

Nombreux étaient aussi les interlocuteurs qui ne nous fournissaient pas les informations qu'il nous fallait pour avancer. Parmi les discours collectés, on se retrouvait dans la monotonie. Pour cette raison, nous étions régulièrement amené à rencontrer de nouvelles personnes pour des données utiles. Aussi, la participation à certaines parties de pêche nous a aidés à reccueillir des données factuelles. L'objectif était d'observer un pêcheur ou un groupe de personnes en situation de pêche. Il s'agit par exemple de bitélé (pêche aux piquets), melok (pêche à l'écopé), ofah (pêche à la ligne). Nous avons pu assistés à l'usage de ces techniques, leurs outils en vigueur, les types de poissons sollicités et le type de cours d'eau approprié. Il pouvait arriver qu'on en revienne avec des écorchures corporelles ou debut de fièvre.

Malgré toutes ces difficultés, nous sommes quand-même parvenu à obtenir des données qui nous ont permis de mener à bien notre étude.

2.3 La méthode d'analyse de contenu comme technique de traitement des données

Le type de matériaux à rechercher sur le terrain détermine les outils de collecte et la méthode d'analyse des données colllectées. D'un point de vue empirique, cette méthode d'analyse entre en application suite à la qualité et la spécificité des matériaux de la pêche artisanale en milieu cantonal ntemois. Nous avions de ce fait des données factuelles, textuelles, photographiques, filmographiques, webographiques et cartographiques. En d'autres termes, il s'agissait des récits collectés en entretien, des documents, des films documentaires, des photographies et cartes.

Cette méthode nous a permis de classer ces différents corpus. Précisons que c'est à l'issue de cette analyse de contenu que nous sommes parvenus au plan de ce mémoire. La méthode de l'analyse des contenus nous a alors évité de regrouper en un seul endroit l'ensemble des données collectées, le mieux était de les incèrer dans l'ensemble du texte.

Pour procéder à notre démonstration, notre travail se repartit en deux grandes parties de quatre chapitres. Après l'introduction générale, la première partie traite de l'état des lieux, l'inventaire et l'analyse des techniques de pêche au canton Ntem 1. Cette partie s'articule donc sur deux chapitres. Le premier chapitre présente le canton Ntem 1 en décrivant son organisation sociale, son économie, son hydrographie. Plus précisement, il est question de présenter et de décrir la zone d'étude. Le deuxième chapitre fait l'inventaire et l'analyse des techniques de pêche avant d'en ressortir un lexique constitué des termes endogènes utilisés pour désigner les connaissances liées à la pêche.

La deuxième partie de ce travail fait état des représentations culturelles de la pêche tout en montrant quelques fonctions symboliques. En d'autres termes, il s'agit des constructions mentales que les populations se font de la pêche. Cette partie est également rythmée par deux chapitres dont le premier traite des fonctions culturelles des techniques de pêche. Il s'agit des dimensions culturelles symboliquement impliquées dans la pratique de la pêche et ses techniques. Le deuxième quant à lui s'articule sur les représentations symboliques de ces techniques en rapport avec les écosystèmes aquatiques. Il s'agit des schèmes de pensées à partir desquels la pratique sociale est identifiée et trouve donc tout son sens latent.

PREMIERE PARTIE :

Description des lieux, inventaire et analyse des techniques de pêche.

CHAPITRE I : PRESENTATION ET ORGANISATION ADMINISTRATIVE DU CANTON

Dans ce chapitre nous faisons la présentation du canton Ntem 1. En tant qu'espace culturel et social, il importe de connaître la société au sein de laquelle l'étude a eu lieu. D'abord, nous présentons le canton à travers sa situation géographique. Cela va permettre d'être en phase avec notre zone d'étude. Nous passons ensuite à la présentation de la population du canton. Nous verrons les clans, les nationalités, le personnel administratif voire les correspondances entre tranches d'âge et la pratique sociale étudiée. Ce chapitre présente également l'organisation qui structure ce milieu social.

L'analyse d'une pratique culturelle implique de connaître le groupe auquel celle-ci appartient. Nous ferons aussi la présentation de l'économie de cette zone. Les populations cultivent, chassent, pêchent et dévéloppent des petits commerces.

A travers les cours d'eau, ce chapitre aborde enfin le lien hydrologique entre les ntemois et l'eau. L'accent sera mis sur les cours d'eau les plus sollicités et aussi la répartition de ces derniers dans l'ensemble du canton. Quant à l'organisation sociale, elle regroupe les rapports entre individus et la hiérarchie sociopolitique.

I.1 Situation géographique

Nous rappellons que nous avons déjà situé le canton plus haut notamment à travers l'aspect portant sur la zone d'étude (confère page 5). Mais étant donné de l'importance de ces informations, nous les utilisons une fois de plus dans cette partie. Ntem 1 est un canton situé au nord du Gabon à la croisée des frontières Gabon-Cameroun et Guinée Equatoriale. Le canton fait partie des six subdivisions cantonales du département du Ntem.

C'est surtout en saison sêche que ses voies d'accès sont praticables. Il recouvre les réseaux routiers permettant d'accès aux deux pays frontaliers au Gabon (Cameroun et Guinée Equatoriale). (Voir carte, page 7)

Le canton est respectivement limité au Nord par le fleuve Ntem et le Cameroun, au Nord-Ouest par la Guinée Equatoriale, au Sud-Ouest par le canton Ekorété, à l'Est par le canton Mbogha jusqu'à Minvoul, et pour terminer au Sud par la commune de Bitam. Autrefois appelé canton Nord, son nouveau nom est le canton Ntem 1 suite au nodécoupage géographiquee et administratif actuel. Il date donc de 2006 .

Cette zone du Gabon est très stratégique. Elle a toujours connu jusqu'aujourd'hui une circulation des personnes et marchandises de jour comme de nuit. Pour cette raison, le canton a souvent regroupé par le passé des populations de plusieurs nationalités : gabonaise, camerounaise et equatoguinnéenne. Cela a d'ailleurs amené à partir des années 80 l'affectation des sous-divisions administratives notamment à Eboro-Ntem et Meyo-Kyè, dans l'objectif de réguler toute circulation possible dans la localité. Nous illustrons cette présence administrative à travers les photographies ci-après au village Eboro-ntem.

Photographie 1: Poste de Douane gabonaise à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Cette photographie présente la barrière centrale des potes de Douane et de sécurité alimentaire au village Eboro-Ntem. Le village est situé à la frontière Gabon-Cameroun, ce qui justifie la présence de cette barrière à l'entrée du dudit village. L'objectif est de réguler les personnes et les marchandises. Ce phénomène s'observe aussi au village Meyo-Kyè qui est frontalié à la Guinée Equatoriale et au Cameroun dans ce même canton.

Photographie 2: Poste de gendarmerie nationale à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Nous appercevons en premier plan sur cette photographie, le panneau de circulation informant de la présance de la gendarmerie nationale au village Eboro-Ntem. On peut donc apercevoir une file de véhicules se faisant contrôlé par les agents à la sortie du village. Il s'agit toujours de cette régulation des personnes.

I.2 Peuplement du canton

Les villages sont caractérisés en majorité par les populations autochtones. La population est repartie en agriculteurs, pêcheurs-chasseurs, commerçants, administratifs, religieux et scolarisés pour les plus jeunes.

Les clans sont entre autres : essabègne, effak, essandone et esseng, répartis dans les villages dudit canton.

Pour ces villageois, il est très fréquent de voir qu'un individu pratique plusieurs activités : agriculture, pêche, chasse, etc. Cependant, la tranche d'âge la plus active est celle évoquée plus haut, elle est notamment celle la plus rencontrée dans l'activité de la pêche. Dans ce cadre, Georges Balandier (1985 : 65) note une sorte de : « Correspondance et de répartition des activités socioculturelles propres à un groupe en fonction des tranches d'âge, du sexe et des appartenances sociales des individus qui le composent ». On comprend à travers cet auteur que les tâches, les pratiques sociales sont réparties en fonction des paramètres que sont l'âge, le sexe et la classe sociale. La société se reproduit à travers les pratiques sociales que sa population exécute au quotidien en tenant compte de ces mêmes paramètres. On peut relever la prégnance de l'aspect générationnel et l'aspect genre dans ces pratiques sociales.

Dans le canton, l'agriculture, la pêche et la chasse sont des pratiques genrées en fonction des tâches. Même lorsque les hommes et les femmes ou bien les jeunes et les exercent une même pratique sociale, on observe toujours une répartition des tâches. Il s'agit d'une des caractéristiques des populations de ce milieu rural.

Toutefois, les pratiques sociales permetent d'identifier les populations en tenant compte de leurs âges, sexes et classes sociales. Ces pratiques sont devenues des sortes d' « habitus » au sens de Pierre Bourdieu (1980), c'est-à-dire des sortes d'acquisitions par le contact social des acteurs. Il s'agit d'une socialisation des individus à travers les pratiques et acteurs sociaux. Ainsi, la pêche identifie, détermine et caractérise dans ce cadre le canton au même titre que l'agriculture et les autres activités.

I.3 Organisation administrative du canton

Etant une zone transfrontalière, l'ensemble des postes administratifs et les ponts sur le Ntem, le Kye et le Mvézé sont les principales caractéristiques du canton. Les postes administratifs sont là pour organiser le canton avec la hiérarchie de la chefferie locale mais également pour surveiller et réguler les circulations des personnes et marchandises. A ces caractéristiques s'ajouten la densité des cours d'eau et des villages.

Les postes administratifs du canton se trouvent donc dans les villages Eboro-Ntem et Meyo-Kye. Ils assurent à cet effet l'organisation sociopolitique et judicière du canton en dehors du chef de canton et des chefs de villages et de regroupements. Parmi ces postes nous avons entre autres :

Ø Des postes de gendarmerie nationale ;

Ø Des postes des forces de police nationale ;

Ø Des postes des Douanes gabonaise ;

Ø des brigades du ministère des commerces, des petites et moyennes entreprises (...) ;

Ø Une agence gabonaise de sécurité alimentaire (ex-Phito-sanitaire) ;

Ø Une sous-direction du conseil départemental ;

Ø Une sous-prefecture ;

Ø Des missions ecclésiastiques (catholique et protestante) ;

Ø Des écoles primaires etc.

Il est à noter que certains villages intermédiaires du canton ne possèdent que des écoles ou encore des églises. Nous présentons quelques photographies des bâtiments administratifs filmés à Eboro-Ntem.

Photographie 3: Poste de l'agence gabonaise de sécurité alimentaire à Eboro-Ntem en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Nous observons à travers cette photographie un batiment abritant le poste de l'agence gabonaise de sécurité alimentaire à Eboro-Ntem. Il s'agit d'une des sous directions administratives du canton. Elle a pour rôle d'assurer la sécurité alimentaire des produits importés et exportés.

Photographie 4 : Brigade du ministère du commerce à Eboro-Ntem en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Après la sécurité alimentaire, nous avons à travers cette photographie le bâtiment abritant la sous direction du service provincial rattaché au ministère du commerce des petites et moyennes entreprises à Eboro-Ntem. Il s'agit aussi d'une des présences administratives du canton. L'importance est surtout basée sur la régulation du commerce entre les pays frontaliers.

Photographie 5 : La Douane gabonaise à Eboro-Ntem en Août 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Cette photographie présente le bâtiment de la douane gabonaise à Eboro-Ntem. La douane s'ajoute donc aux autres autorités administratives du canton pour s'assurer des payements des taxes appliquées sur tous les produits entrants dans le pays.

Le canton Ntem 1 est alors administratif et est couvert en réseaux de téléphonies mobiles. Il s'agit des réseaux Airtel, Libertis, Moov et Orange (Cameroun). Au sein du canton, il y a des regroupements de villages, ce qui nous amène à une autorité hiérarchisée et organisée en chefferies. Il s'agit des chefs de village, de regroupement et du canton.

Le sous-préfet est le premier responsable hiérarchique. Il est suivit du chef de canton, du chef de regroupent et enfin le chef de village. Le chef de canton quant à lui se retrouve au village Melep qui fait partie des 64 villages dudit canton. Les chefs de regroupements et de villages se retrouvent dans les regroupements et villages dont ils ont la charge.

I.4 L'économie du canton

En milieu rural, l'économie repose sur des pratiques socioéconomiques. Il s'agit de la manière dont le villageois utilise son milieu de vie pour subvenir à ses besoins.

Dans le cas du canton Ntem 1, il s'agit d'une économie basée sur l'agriculture sur brûlis, la chasse, la pêche saisonnière, les petits commerces et les opérateurs administratifs (Douane, Police, Gendarmerie et Phito-sanitaire). C'est ainsi que nous présentons respectivement ci-dessous, les bases de cette économie.

I.4.1 L'Agriculture 

Essentiellement féminine, l'agriculture (mefup) constitue la première activité économique du canton. Elle se pratique en saison sèche  (ôyone) pour le débroussage, l'abatage par les hommes puis, les brûlis et les semences par femmes qui, jusqu'en saison de pluie  (éssep) continuent dans le sarclage et les récoltes. C'est une activité cyclique qui occupe la quasi-totalité des familles non seulement du canton mais de toute la province. Il s'agit d'une agriculture sur brulis où les femmes, respectivement au cycle agricole, s'organisent parfois en groupe pour des entraides lors des moments de semences ou de récolte d'arachides surtout (ékama). Ainsi, chacune de ces étapes a-t-elle une période qui lui est spécifique dans ce cycle.

Les femmes récoltent ce qu'elles ont semé au préalable. Il peut s'agir du tubercule de manioc (Manihot esculenta), du concombre (Cucumis sativus), banane plantain (Musa paradisiaca), légumes (Fabaceae), arachide (Arachis hypogaea), canne à sucre (Saccharum), etc. L'ensemble de ces produits est avant tout destiné à l'alimentation de la famille. Le cas de la commercialisation fait souvent l'objet d'une grande préparation d'au moins une à deux semaines nommée en fang (éwuang). Cet éwuang consiste chez ces femmes de se rendre en ville (Bitam) pour y écouler leurs productions puis en retour acheter les produits manufacturés notamment alimentaires.

L'agriculture contribue à couvrir les séjours des enfants au village pendant leurs vacances. Il permet aussi de préparer leurs provisions après leurs vacances. Dans ce sens, Mme Angue Marie Justine8(*) affirme que :  

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 A dzâh vâ, bianing ya betsit beye mefane, ya koass ye ochign yafe mefup. Eyong biabôh mefoup, énene, minenga asseki tobôh adzâh kâne abele afup.

1 Ici, au village on vit du gibier, du poisson d'eau douce et surtout des plantations. Quand nous cultivons, le principe est qu'une femme ne peut vivre au village sans avoir une plantation.

2 Biagning ya mefup, nté mônô ye bisseigne bitangane ayessoo. Mefup mavôlô bieh ne biyala bouâne. Eyong bazu mewèghène bayièene abele dzome ya dzi. Eyong fe baaboulaneyang, bayiene ake bidzi biye adza.

2 Nous vivons de cela, en attendant de percevoir la pension. Les plantations nous aident à élever nos familles. Lorsqu'ils viennent en vacances, ils doivent avoir de quoi manger et lors qu'ils s'en vont, ils doivent emporter avec eux, des aliments du village.

3 Ve dzâne dâ nah, bidzi biabègne biavolo fe biè ne bibele ayôme bedôlô éyong biakomâne biwouang. Mefup menefe vâh nâh, ngue éssessang ézing éne a dzâh étévâ, mbot asse akoulou ndzôme éyongté biakomane... 

3 Cependant, ces aliments que nous produisons nous permettent aussi à organiser des partie vente en ville éwouang pour avoir des petites sommes d'argent. De plus, les plantations nous permettent des recevoir les invités ou de répondre à des manifestations dans le village. Chacun fournit quelque chose et on s'organise...

L'agriculture est l'activité principale pratiquée par les populations. Elle concentre l'essentiel des pratiques alimentaire des villageois. Occupant en généralement la gente féminine, l'agriculture est pour les femmes, une question de dignité. Elle est ce par quoi on reconnait leur valeur et grandeur. Dans son discours, Madame Angue pense qu'une femme sans plantation, ne saurait vivre au village quelque soit sa position sociale. D'où le fait de voir l'agriculture comme un véritable atout économique au sein de cette localité qui permet de nourrir les familles, de résoudre certains problèmes. Par ailleurs, il y a également à Ntem 1, des parties de chasse, de pêche et d'autres petites activités à des fins économiques.

I.4.2 La chasse 

La chasse (n'sôme), est une activité masculine pratiquée en toute saison. Elle permet de se procurer du gibier. Comme c'est le cas avec la pêche par exemple, les outils de chasse ont aussi évolué. Les populations font désormais usage du fil métallique (ékweigne) et du fusil (ngâ'ah) au détriment dites pénibles et très ancienne telles que : ékuri (technique à l'étouffement) et ébégne (technique du trou géant).

Le gibier issu de la chasse est autoconsommé ou vendu. L'argent obtenu est destiné à l'achat des produits manufacturés et le renouvelement du matériel de chasse. Comme le note Georgin Mbeng Ndemezogo (2011), la chasse intègre l'imaginaire du rapport à l'animal. Elle se pratique la journée ou la nuit. Tout comme la pêche, les techniques de chasse sont spécifiques au type de gibier. Les chasseurs se refèrent aux empruntes des animaux à fin de les capturer.

I.4.3 La pêche 

La pêche (ayôp), comme nous le verrons englobe la pêche féminine et celle masculine. Elle est une pratique de relais et seconde l'agriculture. A l'origine, elle commence avec les femmes et est devenue mixte au fil du temps. Elle est désormais à la fois masculine et féminine avec des techniques propres à chaque genre. Dans cette repartition, nous retenons de madame Anne Ekoto9(*) l'expliquation suivante du mythe d'Odzamboga :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Odzamboga abe égnîng ye okua. Abe biè befang égne mâme messe massôh biè odzamboga. Bot bebe begnîng ya bidzî biye mefâne ya achigne.

1 Odzaboga fut l'époque de vie de nos ancètres. Chez nous les Fang, toutes nos connaisssances proviennent d'odzamboga. Les populations se nourrissaient en provenance de la forêt et decours d'eau.

2 Binenga ébe bebeh bekele melôk, yake badzeng bilôk mefâne. Befâm ba bekele minsôme.

2 Ce sont les femmes qui allaient pêcher, alors que les hommes faisaient des chasses en forêt.

3 Odzamboga bôt bebeh bedza-hâ fôve kuas ye ochîgne ya tsît ye mefâne

3 Durant l'époque d'odzamboga, on ne se nourrissait que du poisson et de la viande de brousse.

De cette explication, on peut comprendre qu'Odzamboga10(*) est l'époque originelle de toute pratiques socioéconomiques en milieux rural fang. Ces pratiques sont entre autres l'agriculture, la cueillette, la chasse et la pêche. Les explications qui nous ont étés donné nous amènent à comprendre qu'odzamboga est un espace imaginaire. Au fil des générations, les populations fang ntumu l'ont appréhendée comme une époque fondatrice de toute pratique socioéconomique et particulièrement la pêche et ses techniques. Elle sousentend aussi l'origine même de l'identité culturelle des fang.

Nous comprenons que la pêche est à l'origine une pratique féminine. A partir de l'origine de la pêche, nous saisissons ainsi le mythe au sens de John Leavitt (2005 : 7-20). Pour lui, le mythe retourne et explique la réalité. Autrement dit, il est l'explication symbolique d'une réalité empirique.

Les populations vivaient essentiellement de ces pratiques socioéconomiques et y ont développé des techniques spécifiques. Les hommes allaient à la chasse alors que les femmes allaient faire de la pêche à travers la technique du barrage (melôk). La pêche et la chasse participent jusqu'aujourd'hui au comportement alimentaire des populations. Le poisson fait en paquet, fumé ou frais est autoconsommé ou vendu en milieu rural fang.

I.4.4 Les autres activités économiques du canton

En dehors de l'agriculture, la pêche et la chasse, certains jeunes villageois du canton trouvent du travail auprès des agents de la douane, gendarmerie, police et autres autorités pour la fermeture et l'ouverture des barrières moyennant de l'argent. A coté de cela, il y a aussi dans les villages des hommes et femmes qui exercent des petits commerces : des petits restaurants et bars. Nous présentons alors ci-dessous quelques clichés.

Photographie 6: vue d'un jeune villageois à la barrière pointant sa journée à Eboro-Ntem en Août 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Cette photographie présente un jeune homme à côté de la barrière centrale au village Eboro-Ntem. Les jeunes trouvent du travail journalier auprès des agents pour ouvrir et fermer la barrière. Ils passent leurs journées à ce service et sont payé en retour en fin de journée.

Photographie  7: un allignement de petites maisons en planches faisant offices de bars restaurants à Eboro-Ntem en 2015 (Ondo Obame Cédric)

Comme nous pouvons le constater sur cette image, le canton regorge aussi de petits restaurants et bars. Ils font également partie des pratiques économiques. On y vend des boissons, des repas de viande de brousse et de poisson d'eau douce prélevés dans les forêts et cours d'eau du canton.

Tout comme cette image, la photographie ci-dessous complète le cadre que nous venons juste d'évoquer notamment sur les autres pratiques économiques du canton Ntem1. Nous sommes en présence d'un point vente de produits commerciaux à Eboro-Ntem. Ces personnes que nous voyons sont entrain de déballer de la friperie pour vendre sur-place. En arrière plan, nous appercevons des casiers de boissons. Ceci confirme qu'il n'y a pas que la chasse, la pêche ou l'agriculture pour sousentendre une économie.

Photographie 8: point de vente de produit commerciaux (Habits et autres) à Eboro-Ntem en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Le canton a donc une économie diversifiée reposant sur l'agriculture, la chasse, la pêche et le commerce (boissons, alimentations et autres). Nous parlons dans ce cadre d'une économe sociale pour répondre aux besoins sociaux.

Nous passons maintenant à la préoccupation de l'hydrographie du canton car, c'est avant tout l'eau qui reste au centre dans cette liaison des hommes aux ressources aquatiques.

I.5 Hydrographie du canton

L'hydrographie du canton repose sur l'ensemble de ses cours d'eau. Ce sont en effet ces cours d'eau qui nous mettent en phase avec les rapports à l'halieutique. Le fleuve ntem est le principal cours d'eau, à ses côtés le kyè et le mvéze. Ces cours d'aeu couvrent l'essentiel de la pratique de la pêche. Surtout, ils sont sollicités lorsqu'il faut recueillir certaines quantités de poissons destinées à des finalités sociales bien déterminées.

Le ntem par exemple permet la pratique de toute technique de pêche présente dans la contrée. C'est d'ailleurs ce qu'en témoigne cet entretien du jeune Willy Meye Me Engouang11(*) : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1  éyong biayi abuigne kuass ne bi kuane, biaque ntem, amuna kuass éne abuigne wégne. Ossikisô wégne vemôh vemebôh.

1  Quand nous voulons avoir beaucoup de poissons pour vendre, nous partons sur le ntem, parce que là-bas, il y a beaucoup de poissons et on ne peut pas en revenir bredouille.

2 Vedzam dâ, éyong wayi ve dzome yadzi, binefe ake abuâne bachigne. Anefenâ, Ntem ône bia bebeigne ya dzâh, achigne vôh éné mefane été.

2 Mais, quand on veut juste avoir de quoi manger, on peut toutefois aller dans les petites rivières. Aussi ntem est plus près du village alors que les autres cours d'eau sont en forêt.

3 Ntem, bine abôh mevale mesou miyop bisse biayi, yafenâ bine wigne mevale mekouass messe, abime biayi... .

3 A ntem, on peut pratiquer toutes les techniques de pêche et avoir du poisson en grande quantité.

Les rapports des populations aux cours d'eau intègrent l'hydrographie du canton. Ces rapports sont traduits par les différents usages des cours d'eau à ntem 1. Ils englobent l'usage quotidien de l'eau et les ressources halieutiques. Le fleuve ntem, le Kye et le Mvéze sont les plus grands pourvoyeurs de ressources aquatiques. Ils apparaissent comme ayant une diversité de ressources aquatiques où, toute technique peut être appliquée et avoir du succès dans la capture des ressources.

Par ailleurs, c'est le fleuve ntem qui permet toute quantité de prélèvement de poisson sollicités. Il apparait dans ce cadre comme une mère dont la préoccupation première est de nourrir ses enfants par tous les moyens. Il recouvre toute une diversité d'espèces halieutiques. Sa proximité au villageois ouvre la porte à une pratique récurrente de la pêche en toute saison. Nous pouvons même dire que c'est le fleuve Ntem qui ravitaille les autres petits cours d'eau car, il est le cours d'eau principal et les autres sont ses affluents.

La pêche se pratique aussi dans les ruisseaux, rivières ou étangs. Ces cours d'eau admettent plusieurs techniques. Dans les quatre villages visités, il y a cinq cours d'eau, lesquels regorgent quasiment les mêmes espèces aquatiques à l'instar du « poisson courant » nommé en fang ``agneng'' (Malepterurus beninensis). Les villageois pêcheurs exploitent donc tout type de cours d'eau pour pêcher en fonction de leurs choix.

Comme nous l'avons déjà mensionné, il existe trois grands cours d'eau dans le canton Ntem1. Il s'agit du Ntem, de Kye et de Mvéze. A ces derniers s'ajoutent des rivières repartis dans l'ensemble des villages. Il s'agit de Tara à Eboro et Engoh ; Meyira et Kye à Akam-si ; Gnabome à Gnabome-Effak ; Minsolo à Bikasse ; Mindzigui, Ntem, meyira et Melôh à Eboro, etc. Voici alors quelques photos du ntem.

Photographies 9 : Le pont d'Eboro sur le ntem et une vue de son amont en 2015 (clichés Ondo Obame Cédric)

1

2

Ces photographies nous présentent certaines parties du fleuve ntem qui est le plus grand cours d'eau du canton. Elles présentent le cours d'eau de l'amont vers l'avale. Dans la première image, on peut voir le pont sur le fleuve et également une flèche jaune indiquant un des débarcadaires de certains pêcheurs après leurs parties de pêche sur le fleuve. Quant à la deuxième image, on y apperçois l'amont du fleuve. Mais dans ce travail, nous verrons que ce cours d'eau permet d'autres usages.

En dehors de la pêche, les cours d'eaux servent aussi aux villageois de bain, vaisselles, rouissage du manioc, etc. Cela montre davantage leur pouvoir à assurer le bien-être des populations. Nous disons alors que celles-ci, en vivant avec ces cours d'eau y ont établi toute culture.

Photographies 10 : La rivière Mvéze au canton Ntem1 en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

1 2

3

Ces trois photographies présentent la rivière Mvéze au village Minsele dans le même canton d'étude. On appercoit dans la photographie 1, l'aval de la rivière. On apperçoit des bois mort (nkôkh) baignant dans le cours de la rivière. Ces bois constituent aussi les abrits des poissons à peau lisse (kuass bikop). La photographie 2 présente des invidus dans leur bain à l'image du jeune homme mouillé et assis de dos en avant plan. Il s'agit là d'un des multiples usages des cours d'eau dans le canton. Pour terminer, la photographie 3 montre elle aussi en arrière et en avant plan, des individus prenant leur bain et un jeune garçon dans une piroque. Les cours d'eau du canton contribuent à l'hygiène corporelle des villageois, ils sont aussi des espaces ludiques. Il s'agit d'un rôle symbolique de purification et de détente.

Pour mieux comprendre le pouvoir de l'eau, nous aborderons de façon détaillée ses aspects symboliques dans la deuxième partie de ce travail.

 

En définitive, ce chapitre a fait la description de l'espace sociocilturel, politique, économique et géographique du canton Ntem 1. Cette description passe par la localisation, le peuplement, l'hydrographie et les pratiques socioéconomiques dudit canton. Cet espace s'est présenté comme un « lieu anthropologique » au sens de Marc Augé (1992). Cela nous a amené à compredre que les différents rapports entre les populations et les rapports à l'eau intègrent ce milieu socioculturel. Ce canton est une localité administrative dotée de postes et de brigades de contrôles et autres infrastructures publiques.

Le mode de vie des Fang ntumu du Ntem et surtout leurs rapports sociaux reposent sur des rapports à prédominance économique, nous parlons d'une économie sociale12(*). Aussi, l'accent porté sur le fleuve Ntem et les autres cours d'eau secondaires nous a amené à nous rendre compte de la récurrence de la pratique de la pêche et d'autres multiples usages de l'eau dans le canton. De plus, toute une hydrologie est établit par les villageois eux-mêmes avec leurs cours d'eau. Cette pensée sera davantage dévéloppée dans cette étude lors ce que nous aborderons les chapitres sur les techniques employées et leurs rapports aux villageois pêcheurs ; leurs fonctions et représentations. L'objectif principal était de présenter avant tout notre terrain d'étude.

La question de la dimension technique ou encore de l'ensemble des productions cognitives mise en relief par les populations pour pratiquer la pêche constituera le prochain chapitre. Ce chapitre apportera un éclairage sur la question d'une pêche traditionnelle qui intègre des outils modernes pour se maintenir au fil du temps. Cet aspect sera suivi d'un inventaire et d'une analyse détaillée des techniques de pêche utilisées dans le canton en fonction des critères que nous déterminerons.

CHAPITRE II : INVENTAIRE ET ANALYSE DES TECHNIQUES DE PECHE AU CANTON NTEM 1

De nos jours, les populations rurales utilisent simultanément des outils traditionnels et modernes pour pêcher. Cela nous conduit à une intégration de connaissances exogènes dans les savoir-faire traditionnels endogènes. Pour cela, ce chapitre aborde premièrement la question d'une pêche « traditionnelle et moderne », c'est à dire hybride13(*). Il s'agira de comprendre que les outils modernes sont associés à ceux traditionnels pour le maintien et la survie des connaissances relatives à la pêche en milieux rural. Nous allons donc définir le type de pêche pratiqué dans cette société fang ntumu de la province du Woleu-Ntem-Gabon.

Ce travail propose par la suite un inventaire et une analyse des techniques de pêche utilisées par les habitants du Ntem 1. Cet inventaire nous amène à recenser les différentes techniques sollicitées, leurs outils et leurs rapports aux pêcheurs. Cet inventaire va permettre de connaître chaque technique à travers sa dénomination endogène, ses acteurs, la périodicité de son emploi, le type de cours d'eau et les espèces aquatiques.

Après cet inventaire, nous allons ressortir les critères sur les quels portera l'analyse de ces techniques. Cette analyse aboutira à l'élaboration d'un lexique endogène de la pêche au sein du canton. On aura des termes, expressions et noms en rapport avec la pratique de la pêche en général.

II.1 Une pêche traditionnelle et moderne

A Ntem 1, les techniques de pêche cumulent simultanément des outils traditionnels directement prélevés dans la nature et les outils ``modernes''. Qu'il s'agisse d'une technique masculine ou de celle féminine, on retrouve maintenant des outils modernes qui viennent renforcer la performance de ces techniques. Autrement dit, les outils de pêche issus des essences naturelles (bois, boue, feuilles, liane, jonc, etc.) se montrent très souvent fragiles et de courtes durées malgré leur performance. Aussi, on les renforce avec certains outils modernes (en cahoutchouc ou en acier par exemple) pour plus de solidité et d'efficacité. Cependant, nous voyons également dans cette symbiose une question de la survie des techniques.

Par le passé, la pêche ne regroupait que des savoir-faire ou techniques ne relevant d'aucun élément moderne tel que nous l'avons vu avec le mythe d'Odzamboga (confère page 30). Ce mythe rappelle que les femmes sont à l'origine de la pratique de la pêche et donc de la première technique de pêche (melok) qui ne se pratiquait qu'avec des outils prélèvés dans la nature. Cette approche mythique amène à comprendre que la gente féminine réalisait les techniques de pêche avec des outils de non durables. C'était une pratique accasionnelle qui nécessitait en permanance un renouvellement d'outils en fonction de chaque situation de pêche. A ce propos, Monsieur Mve Alban14(*) affirme que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Bivenvâme bia biayeyop. Eyong bebeeh beyobo, ambe mabuini nâh yah ébieme bimbe ba adziène avoloh ne be wui kouass avôh. Abôh avale assu n'yop asse bebee be belane yadôh, bebéne bebee bekomo ya ate bieme meyop.

1 Nos ancêtres pratiquaient la pêche. Quand ils pêchaient, je crois que c'était à l'aide des accessoires qui pouvaient rapidement les aider à avoir du poisson. Quelque soit le type de technique dont ils pouvaient se servir, ils créaient et façonnaient eux-mêmes leurs accessoires de pêche.

2 Mabuini nâh éyong ntangane waze sôh yé émame meigne, égne émam mâh mengue assoum assanla vâh. Entôh abandi nâh, ne oyop, wayiène akouus bieme bi ntangane ato'o a dzâ va.

2 Quand le blanc est arrivé avec ses atouts, c'est en ce moment que nos connaissances ont commencé à changer. Maintenant, il devient obligatoire de pêcher avec des accessoires du blanc même ici au village.

3 Ve édi éne énenâh okwa, miyop mimbe ki ne béédza minkweigne, ambe ne badzeng dzome ya dzi. Mabuini ki ne ossimâne ombe ne bieme meyop bia tobo ayap ngueki ne be soubane awign.

3 Cependant, la réalité est que par le passé, nos grand parents ne pêchaient pas pour remplir les paniers, c'était juste pour avoir de quoi manger. La pensée n'était pas dans la durabilité d'une technique.

4 Emouwi, bieme bi ntangâne bia volo biè ne biwine aboui kouass abô alou ngue omos...

4 Mais aujourd'hui, les outils du blanc nous permettent de capturer beaucoup de poissons la journée ou la nuit...

Cet extrait d'entretien renforce l'idée de performance quia toujours soutendue les techniques de pêche. De plus, il ressort que les connaissances traditionnelles de la pêche se sont ajoutées à celles coloniales pour donner lieu à la pêche traditionelle et moderne. L'idée de performance ainsi traduite est repose sur les outils ancestraux naturels et l'intégration de ceux modernes dans la pêche. On peut observer des prélèvements plus fructueux et des techniques traditionnelles renforcées.

La technique masculine de l'alame  que nous verrons dans l'inventaire des techniques de pêche secondait les techniques de pêche féminines. Là aussi, tous les accessoires de pêche étaient directement prélevés dans la nature. L'homme se servait de ses capacités cognitives en exprimant ses savoir-faire pour pêcher du poisson.

Par le passé, la capacité de chacune des techniques à capturer du poisson traduisait déjà une certaine performance. Cependant, le reproche qu'on peut faire à cette approche ancestrale repose sur la fragilité des outils utilisés. Or, aujourd'hui la colonisation a apporté d'autres outils que les populations rurales ont adaptés à leurs façons de pêcher. Ces outils sont intégrés non pas pour changer radicalement les techniques ou les manières de pratiquer la pêche, mais les ont plutôt pour les améliorer ou les renforcer. C'est ainsi que nous parlons d'une pêche traditionnelle et moderne.

Cette réalité est observable à Ntem 1 où se retrouvent en symbiose les outils endogènes naturels et ceux exogènes modernes. Nous rappelons toutefois que l'ensemble de ces outils corrélés intègre la dimension cognitive qui encadre les techniques de pêche.

Au lieu d'une pêche traditionnelle et moderne, Lynda Badjina (2011 :119-121) parle plutôt de la « naissance de la pêche artisanale ». Contrairement à elle, nous prefèrons utilisés l'expression de pêche traditionnelle et moderne qui en effet, montre qu'en milieu rural ntemois, ils s'y trouvent correlés les deux types d'outils qui amènent à la pratique des techniques. Ces outils contribuent à la survie des techniques de pêche.

Mais, il faut quand même dire qu'actuellement beaucoup de personnes pratiquent la pêche en milieu rural pour vendre le poisson surtout en période de vacances. D'où le développement d'un autre enjeu : celui de l'argent.

II.2 Inventaire des techniques de pêche en milieu ntemois

A travers l'inventaire des techniques de pêche, nous recenssons toutes les techniques de pêche dont se servent les populations du canton. Nous allons présenter une typologie des techniques de pêche en y abordant certains aspects déterminants. Nous donnons leurs noms endogènes, saisons, périodicités,  outils, cours d'eau correspondants, espèces aquatiques prélevées. Nous montrerons les logiques du campement de pêche. Pour terminer nous procèderons au lexique de pêche fang à Ntem 1.

En approfondissant notre analyse sur les techniques de pêche à Ntem 1, nous définissons des critères endogènes à partir des quels nous caractérisons la pêche.

II.2.1 Typologie des techniques de pêche

Le plus souvent, les femmes pratiquent leurs techniques de pêche en saison sèche dans les rivières, ruisseaux, étangs ou sur les berges des rivières ou du fleuve. Ce sont elles qui respectent surtout les saisons de pêche et le principe de jachère des eaux. Aucune de leurs techniques ne peut se pratiquer en saison des pluies. Quant aux hommes, leurs techniques permettent de pratiquer la pêche saison.

Nous présentons ci-dessous un tableau de l'ensemble des techniques de pêche du canton. Aussi, nous déterminons leurs statuts. Il s'agit de distinguer les techniques qui prélèvent tout type de poissons (généralistes) de celles qui sont particulièrements propres à des poissons bien déterminés.

Tableau 3: L'ensemble des techniques de pêche utilisées

Les noms des techniques en fang « mevala meyôp»

Noms traduits en français

Statuts des techniques

Ø Alâme

Ø Technique de l'éventail

Généraliste

Ø Ayâh

Ø Technique à l'épuisette

Généraliste

Ø Avuât

Ø Technique au filet

Généraliste

Ø Alarâ

Ø Technique de la fouille

Spécifique

Ø Bitélé

Ø Technique aux piquets

Spécifique

Ø Bingak

Ø Technique aux piquets

Spécifique

Ø etame kuass

Ø Technique de l'étang

Généraliste

Ø Mbèghe

Ø Technique à la machette

Généraliste

Ø Melok

Ø Technique à la digue (barrage)

Généraliste

Ø messama ou abulâh

Ø Technique à la nasse

Généraliste

Ø Mefiss

Ø Technique à l'abri

Généraliste

Ø minyôp bekara

Ø Pêche aux crabes

Spécifique

Ø Ngak

Ø Pêche aux trous de silures

Spécifique

Ø Ofâh

Ø Pêche à la ligne

Généraliste

Ø afuk ndawola-ntangane

Ø Technique à l'étouffer (nivrée)

Généraliste

Ø Mimbass

Ø Technique aux flotteurs

Généraliste

Ce tableau fait un inventaire non exhaustif des techniques de pêche. Ces techniques sont les plus sollicitées et prélèvent l'ensemble des poissons contenus dans les eaux du canton. Au sens d'André Leroi Gourhan (1992), Certaines de ces techniques sont « spécifiques » prélèvement de certaines espèces aquatiques tels que : ngak (pour les silures dans les trous), minyôp bekara (pour les crabes), etc. D'autres par contre sont « généralistes » tels que : (alame, melok, mefiss, avuat etc.) et prélèvent tous types de poissons.

Nous relevons ainsi les techniques spécifiques et celles généralistes dans ce tableau. De plus, on peut aussi distinguer en deux groupes, les techniques dites``anciennes'' (fiss, melok, messama, alame, ayah) de celles dites ``nouvelles'' (ofah, bitélé, bingak, avuat). C'est au moment de l'analyse de ces techniques que nous allons développer en détails ces aspects. Mais, nous allons voir dans ce travail que chacune de ces techniques a ses réalités symboliques.

Voici quelques photographies des outils intégrant certaines techniques.

Photographie 11 : Une épuisette nommée en fang Ayah à Ndzibap en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Nommée (ayah) en fang ntumu, il se fait avec des bambous (Bambouseae) reliés les uns aux autres par des cordes végétales ou en cahoutchouc. L'épuisette a un noeud externe vers le haut et un autre noeud interne vers le bas qui constitue l'entrée du poisson dans le piège.

Autrefois, les cordes servant à joindre les extrèmités de ce matériau comme l'indique cette image, étaient faitent d'écorse de liane (Clématis vitalba). Mais pour pour une question de solidité et de durabilité de la technique, les cordes en cahoutchouc deviennent nécessaires. L'ayah est donc une technique masculine généraliste. Elle est devenue mixte au fil du temps.

Photographie 12 : L'assong n'yôp en fang (hameçon) à Akame-si en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

L'hameçon (asong n'yôp) est utilisé dans plusieurs techniques de pêche masculines. Il s'agit de bitélé (piquets), bingak (piquets), mimbas (les flotteurs) et ofâh (la ligne). Elle provient de la métallurgie coloniale et permet de captures du poisson avec des appâts spécifiques. C'est en fonction de ces appâts que toutes les techniques qui impliquent l'hameçon peuvent être utilisées. Par la suite, certaines de ces techniques peuvent ainsi devenir généralistes ou spécifiques.

Photographie 13 : Outils et technique de pêche nommée bingak en fang (piquet) à Bikass en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Les piquets (bingak) en fang ntumu sont faits d'hameçon, de piquets en coeur de bambou et des files reliant les hameçons aux piquets à l'extrèmité du haut comme le présente l'image ci-dessus. Il s'agit d'une technique masculine utilisée la nuit en saison des pluies pour prélever les ressources halieutiques nocturnes.

Photographie 14 : tâne en fang ntumu (nasse) à Akame-si en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

La nasse (tâne) est tout comme les cas précédents un outil qui en même temps est technique propre. Les fémmes l'utisent dans les techniques messama, abula et melok en saison sèche. Par le passé, la nasse était faite à base de jonc (ndenâne) dont Juncaceae est le nom scientifique. Elle pouvait aussi être faite de fibres végétales tissée pour constituer le filet central. Le cerceau était en liane de même pour les files d'attache (voir photographie).

De nos jours, le filet de la nasse est fait en matériaux synthétiques. Les cordes d'attaches varient entre du plastique, la liane et le jonc. Quant au cerceau, il est parfois en liane ou en métal. La pêche à la nasse est assu une technique généraliste qui se pratique la journée et capture tout type de poisson comme la pêche au fillet ordinaire.

Comme nous le disions tantôt, à chacune des techniques correspond une périodicité de pratique, ses outils et ses acteurs sociaux. La pêche et ses techniques répondent à des organisations sociales (préparations, campement). Certes, les techniques servent à capturer du poisson et d'autres crustacés, mais servent également à gérer de manière rationnelle les écosystèmes aquatiques.

II.2.2 Les outils utilisés dans les techniques de pêche

Les outils de pêche sont spécifiques aux techniques. On peut dire que sans outils, une technique de pêche ne peut être pratiquée, c'est le rapport de l'outil à la technique. L'outil détermine le type de technique. Mais dans certains cas, les techniques utilisent les mêmes outils. C'est d'ailleurs ce que nous rapporte monsieur Nkouna Obiang Fabrice15(*):  

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

Benvâme bâh bengalik bièh messu miyop mevala abuing. Assu n'yôp assesse ébele ébieme beign babelane ya biô.

1 Il y a plusieurs techniques de pêche quenous ont transmises nos ancêtres. Chaque technique a ses outils qui permettent sa pratique.

2 Befam bebele embiaba. Binenga baaffe imbiaba eyong bake melok ngueki messama. Ngue obeleki ébieme bayop ya biô, osseki atéh ne wake miyop.

2 Les hommes ont les leurs et les femmes aussi ont les leurs lorsqu'elles vont à leurs parties de pêche. Si tu n'as pas tes outils de pêche, il est inadmissible que tu prennes part à une partie de pêche.

3 Ve abime bieme bizing binena bene belane ya biô abô avale assu miyop asse ône abôh. Ane bô fâh, adandang fâh...

3 Mais, certains outils peuvent servir pour plusieurs techniques de pêche à savoir : la machette.

Cet entretien rend compte de la pluralité des techniques de pêche dans le canton Ntem 1. Elles ont étés transmises de génération en génération, d'une localité à une autre. Dans le même ordre Catherine Sabinot (2008 : 151) mentionne qu' : « il y a un rapport entre le pêcheur et sa technique, tout comme il y a un rapport entre la technique et ses outils ». Aucune technique n'est le fruit d'un hasard, encore moins les outils qui la composent. Les techniques masculines se différencient de celles féminines et n'ont pas en conséquence les mêmes outils. En un mot, toute technique se définit par ses accessoires. Tout ceci nous amène donc à ressortir une fois de plus le rapport du pêcheur à sa technique et celui de l'outil à sa technique.

En nous inspirant de Kialo Paulin (2007 : 90-91) qui a travaillé sur les techniques et outils Pové du Gabon dans le rapport à la forêt, nous présentons ci-après un tableau regroupant aussi les techniques et outils de pêche des populations Fang du Ntem 1.

Tableau 4: Répartition par genre des techniques de pêche et leurs outils correspondants

Les acteurs

L'ensemble des techniques employées dans le canton

L'ensemble des outils et accessoires de pêche.

Les hommes

-Alame  -Avuate  -Bingak  -Bitélé -Etame -kuass  -Mbèghe -Ofâh -Ayâh - Ngak - Minyôp bekara  -Mimbass

1- Fâh (machette)

2- Byè (Pirogue)

3- Assong nlop (Hameçon)

4- mimpouèghe (Piquets)

5- mvona (le fil crin, coton)

6- avuate (Filet)

7- bidzièghè (Les appâts)

8- éléné (Radeau)

9-meyâh (les Epuisettes)

10- lampe torche et piles électrique (lâma ya mekôhk),

11- ébara (panier masculin

Les femmes

Melok -Messama -Alara -ayah -Fiss -etc.

1-Tâne (Nasse)

2-nkoun (jubéciaire)

3-fâh (Machette)

4-ékana (assiette de vidange)

5- meyâh (épuisettes)

6-nkwègne (le panier)

De ce tableau nous retenons les techniques de pêche et leurs diffèrent outils dans leur répartition en genre. Nous constatons que les hommes utilisent plus de techniques et d'outils que les femmes. Nous pouvons comprendre que c'est parce que l'homme use de tous les moyens (chasse et pêche) pour nourrir la famille. Cela l'amène àpêcher et à chasser en toute saison. L'apport de la femme n'est que complémentaire aux efforts de l'homme.

Par ailleurs, les outils ou accessoire de pêche proviennent soit des éléments de la nature (appâts, piquets de bambou, radeau, liane, jonc, etc.) soit des matériaux modernes manufacturés achetés en ville (hameçon, crin, fil de tissage des nasses, filet machette, etc.). Nous toujours dans la complémentarité du traditionnel et du moderne. Nkouna Obiang Fabrice ajoute ceci :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Eyong bia komane minyôp, biake a kissuane ngueki bilomo nkouss ya mbot ake a kissuane.

1 Lorsque nous préparons une partie de pêche, nous allons en ville, ou encore, on peut commissionner quelqu'un qui se rend en ville pour acheter des accessoires, des outils qui nous permettront de pêcher.

2 Biake kus ebieme biyop ya biô. Eyong bissoyang nala, éde biake téra dzeng bidzieghè ya mimpwèghe minyôp ya ébieme bine biôh achène afane été.

2 Une fois de retour, on se rend dans des marécages pour rechercher des appâts, des piquets et tout ce dont on peut avoir besoin. Une fois tout cela réunis, on peut aller pêcher.

3 Minyôp ngueki melok massili fe bieme biye mefane ya ébi biakuss adza vâh ngueki a kissuane Bitam...

3 Que ce soit la pêche masculine ou celle féminine, on a besoin des accessoire provenant de la forêt et ceux qu'on peut acheter ici au village ou en ville à Bitam...

Toujours dans les résistances culturelles traditionnelles, tout ceci montre que les techniques de pêche ne dépendent pas uniquement des essences forestières naturelles, mais également des produits issus du contact avec la culture coloniale.

Après cette correspondance entre techniques et accessoires en fonction de l'aspect genre, nous avons jugé utile de présenter également les appâts utilisés dans les techniques de pêche.

Tableau 5: Correspondance entre les différents types d'appât utilisés, les poissons et les techniques de pêche

Noms endogènes des appâts

Noms en français des appâts

Noms scientifiques des appâts

Poissons correspondants

Techniques utilisées

Bezeeh

Lombrique

Lumbricidae

Tout type de poissons

Bitélé,ofâh bingak...

Bekweigne

Escargots

Achatina fulica

Silures

Bingak

Fefeigne

Cafards

Blaberus giganteus

Les silures

Bingak

Sobôh

Savon blanc

/

Les silures

Bingak,

Nguru

Mouche

Sarcophaga carnaria

Poissons à écailles

Ofâh,

Mekeigne mendzaga

Feuille de manioc

Manihot palmata

Poissons à écailles

Ayâh,

Agnugha m'vîne

Noix de palme pilée

Elaeis guineensis

Les silures

Ayâh,

Mbo'ong

Manioc tubercule

Manihot palmata

Les crabes

Ayâh,

Buane be kuass

Les petits poissons

/

Poissons à écailles

Ofâh,

Bitandak

Criquets, etc.

Locusta

Les silures

Bingak, bitélé

Les appâts que nous présentons dans ce tableau nous amènent à comprendre qu'au canton Ntem 1, les ressources aquatiques ne sont pas pêchées au hasard. Leurs prélèvements dépendent non seulement du choix du pêcheur, mais surtout des techniques et des appâts. Selon ce tableau, il y a des appâts pouvant attirer tout poisson et des appâts uniquement utilisés pour des poissons précis, selon ce que recherche le pêcheur. Obiang Nguema Raymond16(*) nous précise que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 N'yop kouass éméne ayem avale kouass akoumou awingne. Eyong wa yeme mam miyop, wa yiène ayem nâh, assu n'yop assesse, d'assili avale bidzièghè da yiènadôh. Ede bidzièghè bine mevale abuigne.

1 Seul le pêcheur sait le type de poisson qu'il veut capturer. Lorsqu'on parle des questions de pêche, il faut savoir que chaque technique de pêche nécessite son type d'appâts. De plus, il y a plusieurs types d'appâts.

2 Bekouass bezing bene nâ, bagnegue badzi mingoume bieme, n'yop kouass ayiène dayeme. Edzièghè éssesse d'abigne avale kouass d'ayiènadôh.

2 Il y a des poissons qui préfèrent un type d'appât à d'autres et le pêcheur se doit de le savoir. Chaque appât sert à la capture d'un poisson précis.

3 Vedâ, bidzièghè bizing binefenâh biabigne kouass assu kouass éssesse, avelefe messu meyop mézing mene abigne mevale me kouass messesse...

3 Cependant, on peut avoir des appâts qui permettent de capturer toute sorte de poisson ; tout comme on peut avoir des techniques qui sont généralistes...

La connaissance des techniques de pêche à travers leurs outils est donc complexe. Elle amène à connaître les variétés d'appâts en correspondance avec les variétés aquatiques et cours d'eau. Cet entretien présente alors le personnage du pêcheur comme un homme de terrain, une personne dotée d'une science dans ce qu'il fait car ayant les acquis pluriels pour pêcher telle ou telle espèce de poisson dans un quelconque cours d'eau. Nous sommes là en présence d'un savoir tant naturel que culturel, lequel détermine et identifie le pêcheur.

Photographie 15 : Des limaces Stylommatophora (éyôho) à Akame-si en Septembre2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Les limases Stylommatophor sont des appâts spécifiques à la capture des silures et poissons chats Parochenoglaanis sp par l'utilisation de la technique des piquets (bingak).. Elles font partie des outils de pêche et ne s'utilisent pas pour capturer n'importe quelle espèce aquatique. Dans cette spécificité, elles se complètent avec les petits escargots que nous présentons ci-après.

Photographie 16 : Des escargots (kuègne) Achatina fulica à Bikass en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Les petits escagots (Achatina fulica) sont des appâts qui permettent aussi la capture des poissons à peau lisse pendant la nuit. Ils sont aussi utilisés avec la technique des piquets (bingak). Dans le même cas, on peut aussi avoir des caffards (Blaberus giganteus) et asticots. Ce sont des appâts spécifiques tout comme la technique qui les emploie est spécifique. Il y a aussi des appâts ``spécifiques'' aux poissons à écailles (feuilles de manioc, moucherons, etc.) employés avec d'autres techniques comme l'éprouvette, la ligne, etc.

Photographie 17 : Des lombriques Lumbricidae (bezeh) en fang ntumu à Akame-si en 2015 (cliché Ondo Obame cédric)

L'ensemble de toutes ces images présente deux catégories d'appâts, les ``spécifiques'' et les ``généralistes''. Dans les photographies, il s'agit de l'escargot et de la limace pour attirer les silures, poissons chat, etc.  Le lombrique quant à lui est un appât généraliste (qui attire tout type de poisson). Les appâts sont des outils, au même titre que tout autre outil de pêche et participent aux techniques.

Cependant, toutes les techniques de pêche ne nécessitent pas des appâts. Il y a des techniques qui se pratqiuent sans appâts tels que : melok, allame, avuat, messama, abula etc. Mais, les appâts sont sollicités en fonction des poissons car, il y a toute une variété d'appât comme nous l'avons vu dans le précédant tableau.

II.2.3 Cours d'eau et prélèvement des ressources

A Ntem1, on rencontre les cours d'eau de toutes les dimensions. Ils abritent tous des parties de pêche avec des techniques qui leur sont appropriées. En effet, chaque cours d'eau regorge un héritage aquatique diversifié. Mais, il peut arriver qu'une espèce soit abondante dans tel ou tel autre cours d'eau (carpes, anguilles, silures, crevettes...). Certains cours d'eau abritent toutes les espèces de poisson. C'est le cas du fleuve Ntem.

Comme nous l'avons souligné tantôt, le canton est nanti en cours d'eau poissonneux. Chaque cours d'eau a son intensité et sa densité. Les plus gros poissons vivent en eau profonde quant aux plus petits poissons, ils se contentent des petits et moyens cours d'eau.

Au canton Ntem 1, les cours d'eau regorgent les mêmes poissons et crustacés à l'ecception du fleuve Ntem qui abrite la totalité des espèces. Il contient en grande quantité les plus gros poissons. Alors ci-dessous, un tableau présente les essences aquatiques les plus sollicitées. Nous déterminons leurs appellations fang ntumu et en français ; leurs dénominations scientifiques, leurs caractéristiques et surtout le type de cours d'eau d'appartenance.

Tableau 6: Les espèces halieutiques sollicitées dans le canton

Noms endogène Fang

Noms en Français

Noms scientifiques

Caractéristiques de l'espèce

Cours d'eau

Tilapia, (ékono)

Tilapia, carpe

Tilapia oreochromis

Poisson à écailles

ntem, kyè, mvézé

Essoh

Carpe

Chromidotilapia kingsleyae

Poisson à écailles

Tous les cours d'eau

Nkémé

Ablette

Chrysichthys nigrodigitatus

Poisson à écailles

Ntem et kyè

N'wuang

Anguille

Protopterus dollloi

Poisson à écailles fines

Tous les cours d'eau

Ekekôh

Sans-nom

Heterotis niloticus

Poisson à écailles dures

ntem et kyè

Obang, n'sôh

Brochet

Hepsetus odoe

Poisson à écaille

Tous les cours d'eau

M'fighè

Tanche

Xenocharax spilirus

Poisson à écailles fines

Ntem et kyè

Apwé-kuass

Lotte, poisson-vipère

Parachanna obscura

Poisson à écailles et vénéneux

Tous les cours d'eau

N'totom

Mormyre

Mormyrops nigricans

Poisson à écailles fines

Tous les cours d'eau

Mviê-ngôh

Silure

Clarias buthupongo

Poisson à peau lisse, vénéneux

Tous les cours d'eau

N'gôh

Silure

Siluridae

Poisson à peau lisse

Tous les cours d'eau

Agneng

Poisson-courant

Malepterurus beninensis

Poisson à peau lisse, électrifiant

Tous les cours d'eau

M'vâgha

Ablette, gourgeon

Alestes macroptalmus

Poisson à écailles

Tous les cours d'eau

Ndôh

Silure-chat

Parochenoglaanis sp

Poisson à peau lisse

Tous les cours d'eau

Evôss

Silure-chat

Synodontis obesus

Poisson à peau lisse

Tous les cours d'eau

Mvongh

Silure-chat

Parochenoglanis punctatus

Poisson à peau lisse

Tous les cours d'eau

Effak-bune

/

/

Poisson à écailles

Tous les cours d'eau

Câra

Crabe

Paguroidea

Crustacé aquatique

Tous les cours d'eau

N'wass

Crevette

Palaemonideae

crustacé aquatique

Tous les cours d'eau

Ce tableau présente somairement l'ensemble des espèces aquatiques pêchées dans le canton. Qu'il s'agisse des techniques de pêche féminines ou masculines, plusieurs de ces essences aquatiques sont sollicitées en fonction des techniques et cours d'eau. Cette variété d'essences aquatiques représente le patrimoine halieutique de la zone d'étude. Elle fait donc appelle à des techniques toutes aussi variées que les poissons sollicités.

Nous observons et relevons dans ce tableau la correspondance entre ressources aquatiques et variation des cours d'eau. Ces ressources nous conduisent à la distinction entre poisson à peau lisse et poisson à écailles en dehors des crabes et crevettes. Les poissons sont prélevés par les populations pour des besoins en vigueur. Nous présentons ci-dessous quelques photographies de poissons sollicités.

Photographie 18 : Des brochets (obang : Hepsetus odoe) et des gourgeons ou ablette (M'vagha : Alestes macroptalmus) à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Cette photographie montre deux types de poissons à savoir les brochets (Hepsetus odoe) et les ablettes (Alestes macroptalmus). Ces poissons peuvent être pêchés dans l'ensemble des cours d'eau de la localité. Ce sont des poissons qui se prélèvent la journée et parfois nocture. Ils sont rapides et et prédateurs. Pour les pêcheurs, ce sont des poissons d'une extrême rapidité. C'est une variété de poissons qui ne se nourrit que la journée. De plus le brochet Hepsetus odoe par exemple est très dangereux de par ses morssures. Son nom (obang ou nsô'o) signifie que c'est poisson qui ne grossit pas comme les autres, d'où sa rapidité. Dans cette description, il y a également d'autres poissons comme : la carpe (ékono) Chromidotilapia kingsleyae, l'ablette (mvâh'a et nkémé) Alestes macroptalmus et la tanche (nfighè) Xenocharax spilirus.

Photographie 19 : Poisson nommé (ekekoh : Heterotis niloticus) à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Du nom scientifique Heterotis niloticus, le poisson que nous présentons dans ce cliché se nomme (ékokôh) en fang ntumu. La particularité est que dans le canton, on ne le capture que dans les grands cours d'eau comme le Ntem et le Kye. Les techniques qui permettent sa capture sont le filet (avuat) et l'alame. Ainsi, nous sommes toujours dans la correspondance des cours d'eau et poissons sollicités par le pêcheur. Ce poisson est l'une des espèces les plus volumineuses parmi toutes les ressources aquatiques du canton. Il peut avoisiner les cinq kilogrammes en termes de masse. Cela temoigne donc de la richesse du canton Ntem1en espèces halieutiques diversifiées.

Photographie 20 : Des gourgeons : mvagha (Alestes macroptalmus), un silure et un silure chat : ngô et ndôh (Parocheglanys) à Bikasse en Juillet 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Ce cliché présente plusieurs types de poissons. Nous avons des brochets (Hepsetus odoe) et ablettes (Alestes macroptalmus) d'une part et les silures (Siluridae) d'autre part. Tous ces poissons sont communs aux cours d'eau du canton mais se prélèvent avec différentes techniques de pêche. Les silures et poissons chats sont des espèces nocturnes car c'est pendant la nuit qu'ils sortent de leurs trous pour se nourrir. C'est pourquoi on les pêche pendant la pêche la nuit. Les autres poissons parcontre se pêchent la journée parce qu'ils se nourrissent la journée. (confère photographie 19)

Nous retenons que la pratique de la pêche dépend de la connaissance des techniques, des outils, des saisons, des poissons à capturer et de types de cours d'eau. C'est pourquoi parle de Victor Giov Annoni (1992 : 63-68) parle de « pêcheur expérimenté ». la pêche en général est donc un patrimoine que le pêcheur doit connaître.

Au campement de pêche (m'vâne minyôp ou mv'âne melôk), les pêcheurs se doivent de respecter également ces connaissances techniques et halieutiques pour effectuer une bonne pêche. Au campement, il est possible d'exercer tout type de technique de pêche et pouvoir capturer du poisson en quantité suffisante.

II.2.4 Le campement de pêche : lieu d'une pêche particulière

Le campement (m'vâne) est une sorte d'habitat secondaire et surtout temporaire des populations villageoises. C'est un habitat provisoire, dont l'objectif est la production des ressources végétales, animales ou aquatiques. Il s'ensuit qu'il y a plusieurs types de campements. Mais, dans le cadre de notre étude, c'est le campement de pêche (m'vâne melok ou minyôp) qui nous intéresse.

La production et la gestion des ressources aquatiques est une carractéristique du campement. A ce propos Jean Emile Mbot (1998 : 179-183) note que le campement est : « Une forme traditionnelle de gestion des écosystèmes ». De plus, il poursuit que le campement est : «  Un lieu où s'organisent des grandes activités de collectes des produits de la nature (...) ». Nous retenons que le campement cumule des logiques et pratiques de productions diversifiées. Il s'agit d'un lieu aménagé pour prélever les ressources pour ensuite les fumer ou les conserver frais. Tout au long du séjour au campement, les ressources prélévées seront accumulées et seront enfin amenées au village.

Le campement est un lieu d'accumulation de ressources prelevées dans le but de les ramener au village et les utiliser pendant un certain temps.

Dans la culture des populations du Ntem 1, la notion de campement est bien présente comme le souligne Mme Nsourou Ondo Berthe17(*) que :  

Réciet en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Mekeyang à m'vâne melok afane été eyong-dâh. Bingue dzoghobo melou melâh. Bingue komane atera befam ya binenga ne biaque alôk Ntem afane été. Ve mabuini nâh befam ébe bassubane ake a m'vane eyong bake chémé kuas n'gueki betsit.

1 je suis déjà allé camper une fois en forêt pour pêcher. Nous y avons dormi trois jours durant. Nous nous organisions hommes et femmes pour une grande partie de pêche sur le Ntem en forêt. Mais, je crois que ce sont surtout les hommes qui pratiquent le plus les campements lors qu'ils vont pêches ou chasser.

2 Eyong mine a m'vâne mia mena long bibeme. Egne mia dzoghobo assilâ ya komane avale miaye wulu édzame mizebôh

2 Lorsque vous êtes au campement, vous construisez des petites cases pour y dormir, vous reposer et organiser votre objectif et faire des bilans.

3 A m'vâne, mia béré tsit n'gue kouass minkôt. Minefe abô baabaminkono. M'vâne énefe ane ône adzâ, anebô étobeyôh akale mbot bézing.

3 Au campement, on fume le gibier ou du poisson, tout comme on peut le saler. En campement, on se sent comme au village, il peut être un lieu d'habitation pour certains.

Le campement est une réalité chez les Fang du Ntem 1. On peut dire c'est un élément culturel en ce sens qu'il est un lieu établi par l'homme pour en fonction de sa vision et ses besoins. On y organise production et gestion des ressources qui serviront au village. De plus, il offre un d'habitat propice quant aux rapports directs de l'homme à son environnement forestier.

L'homme s'organise au campement à peu près comme au village. Dans ce cas il s'agit d'une logique de territorialisation des modes de vie. Il est construit pour assurer en partie les mêmes fonctions que le village, à la seule différence que le campement est provisoire, contrairement au village. Dans un autre sens, c'est le campement qui ravitaille le village en ressources. Paulin Kialo (2004 : 177) note dans ce sens qu': « Au campement, l'objectif est de ``prendre'' le maximum en peu de temps et de revenir au village... ».

Le campement est ainsi un lieu d'abondance à courte durée. En revanche, cette abondance peut aussi donner lieu à  un ``gaspillage'' de ces ressources qu'il faut à tout prix amasser  au sens de Jean Emile Mbot (1998). Il s'agit là de la notion d'excès.

En outre, si on prélève autant au campement, c'est pour être à l'abri des moments de ``sècheresse'', de famine en saison des pluies ; mais aussi pour faire face aux évènements à savoir : retrait de deuil, mariage, réjouissance ou commerce. Le campement est le lieu d'une pêche d'accumulation où toutes les techniques sont admises. C'est pourquoi nous parlons d'une pêche particulière.

II.3 Un espace de production et d'organisation des techniques de pêche.

Comme nous l'annoncions, l'analyse que nous faisons sur les techniques repose sur des critères endogènes et déterminés. A cela s'ajoute l'ellaboration d'un lexique de pêche. Ces critères sont entre autre : la quantité, le genre, le nombre, la temporalité, la saison et la conservation. Le lexique quant à lui est un complément de notre analyse et rassemble des termes propres à la pratique en langue fang.

II.3.1 Le critère de la``quantité''

 

Nous ressortons dans ce premier critère des techniques de pêche celles qui permettent de capturer de grandes et de petites quantités de poissons. Rappelons donc que les techniques concernées par ce critère, dépendent aussi de la contenance des cours d'eau en espèces aquatiques (poissons et autres).

Tableau 7 : Répartition des techniques de pêche en fonction du critère « quantité » dans la capture des espèces halieutiques.

Les techniques de grandes quantités

Techniques de petites quantités

Alâme

Technique à l'éventail

Ayah

Technique à l'épuisette

Melok

Technique à barrage

Mbèghè

Technique à la machette

Avouate

Technique au filet

Ofâh

Technique à la ligne

Bingâk

Techniques aux piquets

Messama

Technique à la nasse

Bitélé

Techniques aux piquets

Allara

Technique à la fouille

ndawola-tangâne

Technique à l'empoisonnement

Ngak

Technique à l'hameçon

etame-kouass

Etang de poissons

 

Fiss

Technique d'attraction

Ce tableau dresse une répartition des techniques permettant la capture des grandes et de petites quantités de poissons. Mais le cours d'eau peut pour sa part jouer un rôle dans ce critère. Il peut s'agir de son volume d'eau et aussi de la contenance en espèces aquatiques. Le pêcheur a donc dans ce panel le choix quant à la quantité de poissons qu'il veut avoir. D'où une idée symbolique de performance des techniques. Toutefois, une technique éminemment à petite quantité de poissons peut par exception amener à en amasser une grande quantité lorsqu'elle est pratiquée à plusieurs reprises.

II.3.2 Le critère du``genre'' 

Ce critère met essentiellement en exergue les techniques de pêche qui sont utilisées par les hommes et les femmes.

Tableau 8 : Répartition des techniques de pêche en fonction du critère « genre ».

Les techniques de pêche masculines

Les techniques de pêche féminines

Alâme

Technique à l'éventail

Melok

Technique au barrage

Avouate

Technique au filet

Messama

Technique à la nasse

bingak et bitélé

Technique aux piquets

Allara

Technique de la fouille

Mbèghe

Technique à la machette

ndawola-tangâne

Technique à l'empoisonnement des eaux

Ayâh

Technique à l'épuisette

Fiss

Techniques d'attraction

etame-kouass

Etant de poissons

 

Ngak

Technique à l'hameçon d'épine de porc-épique

Le critère « genre » est très déterminant dans les techniques de pêche. Par observation, les hommes se distinguent des femmes même jusqu'aux techniques de pêche. Dans ce cas présent, la gente masculine a plus de techniques de pêche que la gente féminine.

Nous pouvons alors dire que les hommes pratiquent la pêche plus que les femmes quand bien même, ce sont elles qui sont à l'origine de la pratique. Cela est dû au fait que c'est à l'homme que revient la responsabilité de nourrir la famille. La femme est juste là pour l'aider.

II.3.3 Le critère du ``nombre'' 

En dehors du fait que toute technique de pêche se pratique en groupe ou individuellement, nous sommes néanmoins parvenu à distinguer celles qui sont éminemment individuelles de celles collectives.

Tableau 9: Répartition des techniques de pêche en fonction du critère « nombre ».

Les techniques collectives

Les techniques individuelles

Alâme

Technique à l'éventail

bitélé et bingak

Techniques aux piquets

Melok

Technique au barrage

Ofâh

Technique à la ligne

Messama

Technique à la nasse

Avouat

Technique au filet

etame-kouass

Etang de poisson

Mbèghè

Technique à la machette

 

Alara

Technique à la fouille

Ayâh

Technique à l'épuisette

Ngak

Technique à l'hameçon

Fiss

Technique d'attraction

Le critère du « nombre » est déterminé dans à travers des techniques qui sont individuelles et celles qui sont collectives. Nous nous rendons compte qu'il y a plus de techniques qui peuvent se pratiquer avec un seul individu que celles se pratiquent en groupe. De plus, nous constatons ce sont surtout les techniques masculines qui admettent souvent une pratique individuelle. Quant aux femmes, elles pratiquent toujours leurs techniques en groupe. Certainement c'est le courage et la force physique à affronter les dangers de la nature qui amène l'homme à pêcher parfois seul. En revanche, les femmes font preuve de solidarité en pêchant en groupe.

Toutefois, il arrive par moment que les hommes et les femmes pêchent ensemble, c'est le cas de la technique (melôk) qui nécessite souvent beaucoup d'effort physique.

II.3.4 Le critère de la ``conservation'' 

Ce critère regroupe les techniques de pêche qui ont pour particularité la conservation du poisson et d'autres crustacés aquatiques, avant que l'homme ne vienne par la suite les capturer. Ces techniques attirent et conservent le poisson pendant un temps. Au moment opportun, le pêcheur viendra tout simplement s'en saisir.

Tableau 10: Quelques techniques de pêche en fonction de le critère de « conservation »

Alâme

technique à l'éventail

 

Ayâh

Technique à l'épuisette

Fiss

Technique d'attraction du poisson

etame-kuass

étang de poisson

Dans ce cadre, il n'est pas question de la capture immédiate ou directe des poissons par l'homme. Ces quatre techniques ont d'abord pour rôle d'attirer et ensuite de conserver les poissons une fois pris dans le piège. L'objectif est que le poisson continue à vivre dans son milieu, à se nourrir tout en étant déjà retenu captif. Le pêcheur décide à quel moment il viendra pour le capturer.

Pour nous, la conservation montre que les ressources aquatiques ne subissent pas que des techniques ``dures'' ou immédiates, mais aussi celles qui sont ``douces'' et tardives. Ces techniques donnent ainsi lieu à une sorte de pisciculture traditionnelle.

II.3.5 Le critère de ``temporalité'' 

Ce critère distingue les techniques de pêche qui se pratiquent la journée (ômos) de celles qui se pratiquent la nuit (alû).

Tableau 11: Répartition des techniques de pêche en fonction du critère de « temporalité »

Techniques pratiquées la journée

Techniques pratiquées la nuit

Melok

Technique au barrage

mbèghe

Technique à la machette

messama et abula

Technique à la nasse

Bingak

Technique au piquet

bitélé

Technique au piquet

Alâme

Technique à l'éventail

Ofâh

Technique à la ligne

Avuat

Technique au filet

Ayâh

Technique à l'épuisette

Avuat

Technique au filet

Fiss

Technique à l'écopage

Alâme

Technique à l'éventail

La pêche se pratique la journée et nuit. Mais c'est surtout pendant la journée que la pratique est effective. Nous avons dans ce tableau une dizaine de techniques qui se pratiquent la journée contre quatre pour la nuit.

La pêche de nuit, quelque soit la technique utilisée, dépend du pêcheur et aussi du type de poisson sollicité. C'est surtout la nuit que les ``poissons nocturnes'' aussi appelés poissons à peau lisse (les silures et anguilles) sortent de leurs abris pour se nourrir. Les quelques techniques que nous avons à la droite du tableau permettent donc la capture de ces poissons.

Toutefois, nous notons que la pêche de nuit est plus dangereuse que celle de la journée car, c'est pendant la nuit qu'il y a plus de dangers. On peut alors rencontrer des reptiles, prédateurs des eaux ou ivre les oeuvres des esprits des eaux, etc. Obiang Nguema raymond soutient que :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Miyop miye alû mine édedâ ndzuk. Miasili nkéé amuna mbia be bieme bawulu ochigne alû. Ede ochigne one édedâ abé alote afàne alû.

1 La pêche de nuit est très difficile. Elle demande beaucoup de prudence parce qu'il y a des mauvaises choses dans l'eau la nuit. La nuit, l'eau est plus dangereuse que la forêt.

2 Eyong wayop aalû, otagha ayeme abui mâme, ngueki abele évu, ngueki abôh m'bôh, amuna ône wû.

2 Lorsque tu pêches la nuit, il est conseillé de ne pas connaitre des choses en rapports avec la sorcellerie au risque de mourir.

II.3.6 Le critère de``saison'' 

Il est question ici de définir les différentes saisons (éyong) et techniques de pêche correspondantes. Il s'agit donc de la saison sèche (oyône ou bivéh) et la saison des pluies  (sughu ou mekuna). La première va de Juin à fin août et la deuxième quant à elle va de septembre à décembre.

Tableau 12 : Répartition des techniques de pêche en fonction du critère de « saison »

Techniques utilisées en saison des pluies

Techniques utilisées en saison sèche

alâme

Technique à l'éventail

Melok

Technique au barrage

Ofâh

Technique à la ligne

Bitélé

Technique aux piquets

Avuat

 

Messama

Technique à la nasse

Bingak

Technique au piquet

Ayâh

Technique à l'épuisette

Mimbasse

Technique au flotteur

Allara

Technique à la fouille

 

Mbèghè

Technique à la machette

Ofâh

Technique à la ligne

Il ressort à l'examen de ce tableau que la pratique de la pêche dépend des saisons. Il ressort aussi qu'en général, les techniques féminines de pêche ne se pratiquent qu'en saison sèche alors que celles masculines peuvent se pratiquer en toute saison. Cette réalité se complète par la pluralité des techniques des hommes par rapport à celles des femmes.

C'est en partant du rapport de l'homme à la technique et celui de l'outil à la technique que nous avons ressorti ces critères qui sont à la base de notre analyse des techniques de pêche au canton Ntem 1. Cela nous a aussi amené à saisir les correspondances des techniques aux poissons tout en passant par les cours d'eau. Ces tableaux d'analyse témoignent donc de toute une organisation culturelle qui structure la pêche et ses techniques. Dans cette sphère sociosymbolique, il s'ajoute aussi le lexique propre à la pêche.

II.4 Un lexique endogène de la pêche

Ce lexique auquel nous parvenons regroupe l'ensemble de termes utilisés par les populations du Ntem 1 dans la pratique des techniques de pêche. Plus précisément, il s'agit à travers les techniques sollicitées, de recenser les termes, mots, expressions et noms utilisés dans la pêche. Menie Ndong Charles18(*) complète à ce propos que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction littéraire

1 Wa yeme na, assu esseigne ésese ébele ébieme beign. Dzam ésese ébele mingoura bifiè babelane yabiô. Ede, mabuini nâ, abô minyop, mefup ngueki biseigne bife, assu- ésseigne ase ébele nkobo weigne. Dzame ése éne ya émame meigne.

1 Tu sais, chaque activité a ses réalités. Chaque activité a des termes appropriés. Qu'il s'agisse de la pêche, des plantations ou bien d'autres travaux, chaque activité a son langage. Chaque activité a ses réalités.

2 Lorsque les femmes vont à la pêche, elles parlent un langage propre à leur partie de pêche. C'est également le cas avec les hommes lors qu'ils vont pêcher.

2 Éyong binenga bake melok, be bele ngoum avale nkobo wayiène ya melok. Befam bafe avaledâ éyong bene minyop.

Menie Charles nous informe que chaque activité a ses réalités et son lexique spécialisé. En milieu rural, que ce soit la pêche, la chasse, l'agriculture etc., il y a toujours des termes, des expressions propres à l'activité que l'on pratique. La pêche nous met donc en phase avec un lexique propre, caractéristique d'un rapport aux techniques dans la désignation de ces dernières, leurs outils, l'espace halieutique, les poissons, les cours d'eau, etc.

Nous présentons ci-après le lexique de la pêche au canton Ntem 1.

Le lexique de pêche en fang ntumu au canton Ntem 1

A

1-Alok: pêcher, chez les femmes 14-Avuate : filet

2-Alara mimbih: fouiller les trous aux poissons 15-Assong n'yop : hameçon

3-Ake miyop : aller à la pêche 16-Akélé bingak: placer les piquets

4-Ayop: pêcher, chez les hommes 17-Abebe miyop: visiter ses piquets

5-Assama : pêcher à la nasse 18-Abigne kuass: capturer du poisson

6-Adzièh: boue servant pour la digue 19-Alû : pêche de nuit

7-Alloho mendzim: vider une étendue de son eau 20-Ayâh : l'épuisette

8-Abéré kuass minkôt : fumer le poisson 21-Akuane kuass : vendre le poisson

9-Akâne kuass : paquet de poissons 22-Agni n'gak : pêche aux trous

10-Akite miyop : apprèter les outils de pêche 23-Alu: la nuit

11-Afâne : la forêt 24-Abông : pêche infructueuse

12-Ayek myok : faire la digue 25-Adzi kuass : consommer du poisson

13-Awèghène : la jachère ou repos 26-Agneng : poisson courant

- Ayeghe lâne : la prière 27-Apué kuass : poisson vipère, lotte

B/C

1-Bidzièhè: les appâts 5-Bivéh : saison sèche

2-Bezehe: les vers de terre 6-Bitélé/ Bingak : les piquets de pêche3-3-Byè: pirogue 7-Befâm: les hommes

4-Binenga : les femmes 8 -Bong : les enfants

E

1-Ekana: accessoire de vidage des eaux 6-Etokh : étendu d'eau destinée à la pêche 2-Elénéh: radeau 7-Ebâne: bois servant à dresser une digue 3-Etouang kuass : paquet de poissons frais 8-Etame kuass : l'étang de poissons

4-Ekîh : l'interdit 9-Eyong : la saison, période, le temps

5-Ekone : carpe 10-Etélé ou Engak: le piquet de pêche

11-Evos : silure chat

12-Essoh : carpe

F

1-Fâh: machette 2-Fiss: abrit de poissons

3- Fâm : l'homme

K

1-Kuass: poisson 4-Kuass bibass: poisson à écailles

2-Kuass bicôp: poisons à peau lisse 5-Kuass messome : poisson vénéneux

3-Kuass ye ochîgne : poisson d'eau douce 6-Kara : le crabe

M

1-Mimpuèhè : piquets de pêche 9-Mvâne miyop: campement de pêche

2-Mekuna: saison des pluies 10-Melok: pêche féminine

3-Myokh: digue de pêche 11-M'vonâh : fil de pêche en coton ou en nylon4-M'wass : la crevette 12-M'wang : l'anguille

5-Mewîng : qui capture beaucoup de poissons 13-M'fiè : tarissement des eaux

6-M'vong : silure chat 14-Mvâgha : le gourgeon

7-Mendzime : l'eau 15-M'vâne : le campement

8-Mbôrhio : la boue 16- Minyôp : la pêche masculine

Mînsisime miye ochîgne : esprits des eaux

N

1-Ndawola: poison de pêche 6-Nkùne: jubéciaire

2-N'yop-kuass : le Pêcheur 7-Nfièh : assèchement du lit d'un cours

4-Ndemeh/Nkôt : marée haute/basse 8-Nfighè : La tanche

5-Ndôh : silure chat 9-Ngôh: le silure

6-Nkémé : ablette 10-Ntetome : le mormyre

O

1-Ochîgne : cours d'eau 4-Ofâha : canna à pêche ou pêche à la ligne2-Oyône : saison sèche 5-Olèghè : pêche à la ligne

3-Okiniyî : le bord du rivage 6-Obang : brochet, ablette

S-T- Z

1-Tâne: nasse 4-Sughu : saison des pluies

2-Sîng : petites crevettes

3-Zuane: appât 5-Zehe : le ver de terre

Ces termes sont connus des populations du canton, mieux encore par les pratiquants de la pêche. Ce lexique englobe les noms des techniques de pêche, des outils de pêche, des poissons, des acteurs sociaus (pêcheurs), des comportements relatifs à la pêche et mêmes certains rites et croyances en rapports avec la pêche. Si la pêche poossède un vocabulaire propre, les autres pratique sociales en ont également.

La langue permet de distinguer une pratique sociale d'une autre. A travesr ce lexique, elle permet d'être en phase avec la pratique de la pêche même-si on ne la connaît pas. Nous pouvons dire que la langue est un outil très important. Chacun des termes contenus dans le lexique est porteur de sens dans la mesure où ils permettent de désigner la pêche.

En tant que vecteur des connaissances, la langue permet l'apprentissage de ces mots et participe donc à la socialisation des populations dans ce domaine. Autremnt dit, la maîtrise de la pêche passe aussi par celle du langage qui est à la base de ce lexique. Il est donc possible de reconnaître une pratique sociale à travers son lexique.

Le lexique apprend donc à un individu les termes appropriés afin de se reconnaître dans la pratique sociale en présence.

Pour clore ce chapitre, nous retenons que la pêche pratiquée au canton Ntem 1 est une pêche de type traditionnelle et moderne (tradi-moderne) car regroupant simultanément au sein de ses techniques des outils traditionnels et des outils modernes. Nous avons compris qu'il s'agit d'une pêche hybride. Mais c'est une hybridité qui permet le maintien ou la survie des techniques de pêche. C'est ainsi que les populations ntemoises joignent voire remplacent certains outils traditionnels ancestraux par des outils modernes.

Cependant, la vulnérabilité des outils ancestraux ne retire pas la performance ou l'efficacité des techniques. Les outils modernes ne viennent que renforcer, durabiliser la survie des technique. Cela nous met donc en phase avec le rapport de l'homme à ses techniques et le rapport de la technique à ses outils. C'est à partir de ces deux rapports que nous avons fait l'inventaire et l'analyse des techniques de pêche.

Cet inventaire des techniques nous a permis de comprendre qu'il y a des techniques spécifiques et des techniques généralistes pour abonder dans le même sens qu'André Leroi Gourhant (1992). Ces techniques sont des productions culturelles mises en place pour accéder aux ressources aquatiques. Nous avons aussi les différents niveaux de correspondance entre les tecchniques, les appâts, les cours d'eau, les poissons et les acteurs sociaux.

Pour terminer, l'analyse de ces techniques de pêche s'est basée sur des critères endogènes pour saisir les logiques en vigueur. Ainsi, l'ensemble des espèces aquatiques est sollicité de jour comme de nuit dans la pratique de la pêche. C'est suite à cette analyse que nous sommes parvenu à un lexique regroupant des termes usités quelque soit les techniques. En outre, Le lexique nous amené à situer la langue dans un rôle de vecteur des connaissances, permettant l'identification d'une pratique sociale.

DEUXIEME PARTIE :

Analyse diachronique des Fonctions et Représentations culturelles des techniques de pêche à Ntem 1

CHAPITRE III : TECHNIQUES DE PECHE ET FONCTIONS CULTURELLES

Nous évoquons les fonctions des techniques de pêche dans ce chapitre parce qu'elles intègrent le rapport des populations du canton Ntem 1 aux techniques de pêche. Autrement dit, c'est à travers le rapport aux techniques de pêche que nous sommes amené à nous intéresser aux fonctions de ces techniques dans les domaines socioculturels des pêcheurs.

En fang ntumu, la fonction se dit (akaleya), c'est-à-dire la raison qui accompagne ou qui amène à accomplir un fait, une pratique. Les techniques de pêche relèvent donc les fonctions culturelles. Ces fonctions font partie des logiques soujacentes qui entourent la pêche. Comme nous le verrons, les techniques de pêche impliquent plusieurs domaines socioculturels. Il s'agit alors de comprendre les rapports de ces domaines avec les techniques de pêche. Elles sont communes et relèvent de la performance cognitive des villageois qui pratiquent de la pêche.

En principe, une fonction est immatérielle. Pour la saisir, il faut aller la rechercher au sein de la société qui pratique le phénomène social étudié. Autrement dit, la fonction identifie le phénomène social qui l'exprime en même temps qu'elle permet de saisir le lien entre ce phénomène et son groupe d'appartenance.

Les fonctions dont il s'agit sont d'ordre économique, religieux, juridique, socio-éducatif etc. L'objectif de ce chapitre est de faire état de ces fonctions. Il s'agit de voir sous une approche diachronique, les fonctions que les techniques de pêche ont toujours rempli dans l'imaginaire collectif des populations ntemoises.

III-1 La fonctions économique des techniques de pêche

Nous précisons à ce niveau que la pêche est déjà en elle-même une pratique économique. C'est une économie de prédation. Cette fonction regroupe la production des ressources aquatiques, la consommation de ces ressources et enfin l'échange de ces ressources. Dans ce cadre, nous sommes dans une anthropologie économique qui étudie les rapports économiques des hommes dans leurs milieux de vie.

Cela est une approche que Claude Meillassoux (1974) appréhende dans son analyse des Gouro de Côte d'Ivoire, et que de Maurice Godelier (2003) utilise aussi à travers son regard économique dans son ouvrage intitulé « La production des grands hommes ». L'anthropologie économique étudie surtout les dispositifs mis en oeuvre par les sociétés humaines afin de produire et échanger les biens matériels nécessaires à leur consommation et à leur reproduction en tant que groupe. Cette anthropologie va nous aidé à comprendre le fondement d'une fonction économique des techniques de pêche chez les ntemois du canton Ntem 1.

III.1.1 La production des ressources aquatiques

La production consiste, du point de vue de l'anthropologie économique, à agir sur la nature pour disjoindre certains éléments matériels afin de les rendre utiles aux besoins des hommes à l'état naturel ou transformé. Quant à la production des ressources aquatiques et autres crustacés, elle ne se fait que par l'utilisation des techniques de pêche dans le biotope aquatique. Ce sont elles qui permettent l'accès aux poissons tel que le souligne le pêcheur et chasseur Ella Mvola Théophile19(*) : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Ntem1 eva, eyong anena wakumu ayop, bibele abouigne mevala meyop. Avala assesse one ayop waye wi koass.

1 Ici à Ntem 1, lorsque tu veux faire de la pêche, on connaît plusieurs types de pêche. Quelque soit ta manière de pêcher, tu captureras du poisson.

2 Osseki ake ochigne ve môh ve mebôh. Wayiène atéra ayem avale n'yobane wé yop éyonté wake ya ébieme wake ayop ya biôh ne obigne kuass.

2 Tu ne peux te rendre à un cours d'eau pour pêcher sans te préparer. Tu dois déjà savoir la technique que tu emploieras. Ensuite, tu t'y rends avec des outils propices pour capturer du poisson.

Les techniques de pêche sont un moyen de production de la ressource. Elles remplissent, dans ce cadre, une de leurs premières fonctions économiques : la production. L'objectif est de produire, une production qui n'est possible que si l'homme met en place des techniques. Ces techniques ainsi un rapport de production, une fonction productive des ressources.

Comme le dit cet interlocuteur, il faut obligatoirement une technique pour capturer ou prelever du poisson. Cela revient donc à produire des ressources. En effet, celui qui pratique la pêche choisit sa technique qu'il matérialise avec des outils adaptés. Dans le procédé économique, c'est le principe de la production qui est le plus important mais, pour ce faire, cela demande des techniques. Dans ce sens, André Georges Haudricourt (1964) parle des techniques en rapport avec les modes de production agricole. Autrement dit, le type de production convoque un type de technique approprié. C'est pour dire que produire nécessite obligatoirement des techniques quelque soit ce qu'on veut produire.

Après cet aspect sur la production, il s'agit maintenant de la consommation de la ressource après leur prélèvement. Cela nous amène à parler de l'autoconsommation considérée ici comme l'une des principales raisons de la pratique de la pêche dans la localité.

III.1.2 Le principe de la consommation

En tant que branche de l'anthropologie économique au même titre que la production et l'échange (circulation des biens), la consommation est selon Arjun Appadurai (2007)  l'usage que l'on fait d'un bien ou d'un service en l'achetant, en se l'appropriant ou en le détruisant. Mais la consommation dont nous parlons ici est celle des aliments halieutiques au sein des familles. Cela nous amène à convoquer le concept d'économie sociale. C'est une économie qui repose sur les principes de solidarité des membres d'un groupe au sens de Jean-François Draperi (2007).

La quasi-totalité des interlocuteurs nous ont fait comprendre que l'objectif premier de la pratique de la pêche est de nourrir la famille. Il s'agit de l'autoconsommation des ressources. Quelque soit la technique utilisée ou la quantité de poisson obtenue à l'issue d'une partie de pêche, c'est avant tout pour l'autoconsommation. Selon certains de nos interlocuteurs, le poisson et la viande de brousse sont au village des aliments qui se consomment occasionnellement. Il s'agit surtout d'une habitude alimentaire dominée par les aliments d'origine végétale (fruits, légumes, arachides, concombre, chocolat, manioc etc.).

Lorsqu'on rapporte du poisson ou de la viande de brousse, on assiste à une sorte de variation de goût alimentaire. Cette variation alterne entre le végétal et l'animal. Pour certaines femmes, le poisson est associé à certains ingrédients d'origine végétale dans le but de varier les aliments. Cela est d'ailleurs soutenu par Mme Ekoto Anne lors qu'elle dit que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Bia seigne mefup à dzâ va, éme biagning ya môh. Abe engoum mbù, biadzi bidzi bia beigne. Ede, eyong avekui nâh biveke melok ngueki nâ kouass éne ngueki tsît, one d'ayame nfuwôno été ngueki ndôk.

1 Au village, nous vivons de nos champs. Tout au long d'une année, nous consommons nos produits issus des champs. Mais lorsqu'il nous arrive de faire une partie de pêche ou qu'on nous rapporte de la viande de brousse, nous pouvons les préparer dans une sauce d'arachide ou de chocolat.

2 One fe dayam nala. Kouass ya tsît bine biem bi ozâng. Âne ébiem biassanla dêhk agnù.

2 Nous pouvons aussi les préparer simplement. Le poisson et la viande de brousse sont des aliments qui nous permettent de changer de goût dans nos bouches ici.

Rappelons que les techniques de pêche permettent la production du poisson. Ce poisson est ensuite autoconsommé au sein de la famille. Nous relevons là le lien entre la technique de pêche et la notion de consommation dans le rapport économique des populations rurales aux ressources aquatiques. Ce que nous pouvons retenir, c'est que la consommation des ressources aquicoles est à comprendre dans les rapports de production de la ressource et dans l'idée de variation des aliments tels que vient de le souligner Mme Anne Ekoto.

Lorsqu'une partie de pêche est fructueuse, une partie de poisson est consommée et l'autre peut être vendue. Pour des personnes sans charges, la pêche peut devenir une activité financière.

III-1.3 La notion d'échange

En anthropologie, la notion d'échange fait référence au ``don'' et ``contre-don'' de Marcel Mauss (1973 : 149-279), mais aussi à la réciprocité. En réalité, Marcel Mauss distingue ce qu'il nomme « échange-don » de l' « échange marchand ». Le premier terme renvoie à une appréhension des systèmes d'échange des sociétés `` archaîques'', où l'objectif de la circulation des bien ne se trouve pas dans la capitalisation, mais plutôt dans la cohésion sociale du groupe. Le second terme quant à lui renvoie à une économie de marché dirigée par la capitalisation des ressources.

Cependant, dans le cas de ce travail, l'échange prend une autre orientation. Il s'agit de la complémentarité de ces deux termes dévéloppé par Mauss.

Au canton Ntem1, la notion d'échange est traduite par la distribution des ressources aquicoles impliquant de ce fait certains pêcheurs et revendeurs ou revendeuses.

Les deux théories de Marcel Mauss se complètent dans le cas des populations ntémoises. Il s'agit donc de la réciprocité des biens. Certains villageois pêcheurs vendent de temps à autre une partie de leurs poissons à des revendeuses. Mais, cette commercialisation n'est pas permanante, elle n'a lieu que lorqu'un besoin financier se présente. En réalité, ils ne vendent que le surplus afin de subvenir à un certain besoin comme le rapporte Ella Mvola Théophile : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Bot bézing bayop ne badzi, ne bayala bouane ve benefe akuane éyong beve wigne abuigne kouass. Bavâ abime nda-ébot daye dzi éyong-té abime vôh bekuane.

1 Certaines personnes pêchent pour manger dans le but de nourrir la famille. Mais, elles peuvent aussi vendre. Après avoir retiré ce qu'on va manger, le reste sera pour la vente.

2 Adangdang alâme abe befam ngueki melok abe binega ébe basubana wigne abui kouass akui minkuègne.

2 Ce sont surtout les techniques d'alâme chez les hommes et melok chez les femmes qui produisent souvent beaucoup de poissons au point de remplir parfois des paniers.

Au-delà de l'autoconsommation, la vente des ressources est souvent faite pour résoudre certains besoins financiers. En revenant sur le rapport aux techniques, nous devons retenir qu'il y a des techniques de pêche qui prélèvent du poisson en grande quantité et permettent de ce fait des ventes, c'est le cas de l'alâme et melok.

Ce sont des techniques de pêche prelévants de grandes quantités de poissons en une seule prise. Les autres techniques selon le même interlocuteur, permettent aussi de vendre du poisson mais demandent plus de temps de travail et de patience pour amasser du poisson en grande quantité.

Les revenus issus de la vente sont destinés entre autres à la satisfaction certains besoins notamment : l'achat du pétrole, lampe ou groupe électrogène, renforcement du matériel de pêche, s'offrir suffisamment du vin, des cartouches, des cigarettes, etc. Pour certains pêcheurs, cet argent peut servir pour la scolarité des enfants ou des tontines20(*).

Au sens de Sophie Goedefroit (2001), nous sommes en présence d'une culture de la dépense des gains obtenus après vente où il est question d'un investissement dans le social et à court terme. Ces dépenses déterminent donc une économie familiale d'autoconsommation. Le cas le plus pratique est celui de la dépense dans la consommation du vin et de la cigarette.

Le poisson est vendu frais soit sur commandes pour certains pêcheurs, soit de manière ambulante surtout pour les jeunes. Certaines femmes le vendent en bouillon dans les petits bar-restaurants. On peut avoir des paquets de poissons allant de 1000cfa et plus. Quant au prix de la commande, il varie en fonction de la quantité de poissons commandée.

Photographie 21 : Paquet de poissons proposé à 1500fcfa à Akame-si.

Cette photographie nous présente en avant plan un paquet de poissons frais proposé à 1000fcfa. Dans ce paquet de poissons, on voit des brochets et ablettes tous fraichement prélevées en plaine journée. Ces poissons ont étés capturés à base de la technique de la pêche à la ligne (ofâh). La notion d'échange dans ce cas se traduit par la vente de ces poissons pour avoir en retour de l'argent. Nous faisons donc la même lecture avec la photographie ci-après.

Photographie 22 : Paquet de poissons proposé à 2000fcfa à Akame-si en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Il s'agit sur cette image d'un paquet de poissons vendu à 2000fcfa. Il faut dire qu ces paquets de poissons sont vendus de manière ambulante. Ces photos avaient été prises après une partie de pêche à la ligne (ofâh) dont on avait pris part au village akame-si. On peut voir que les prix des paquets de poissons varient en fonction de la quantité du poisson contenue dans le paquet.

En observant attentivement, le premier paquet contient moins de poissons que le second, d'où la différence des prix. De plus, il y a aussi le type de poisson proposé à la vente. Sur ces photographies, il s'agit des brochets (Hepsus Odoe) et des ablettes (Alestes macroptalmus). Pour le cas des silures et silures chat (Parachenoglanis) par exemple, les paquets sont souvent un peu plus chères que ce soit fumés ou frais. Meye M'engouang rapporte à ce propos que :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Minyôp mi y'omôs mia dang ki mindzuk ane émi miy'alû. Ede omôs abang ya be m'vagha ébe badang bili. Biachia adzo-ne kua bibas d'abili omôs.

1 La pêche de la journée n'a pas trop de complication comme celle de la nuit. La journée, ce sont les brochets et ablettes qui se font capturer. Il faut dire que tous les poissons à écailles se prennent la journée.

2 Kuas bikop dabili alû. Ede kuass bikop dassili ne oyop alû. Edalé metang massang-la.

2 Les poissons à peau lisse se pêchent la nuit. Voilà pourquoi les prix de vente ne sont pas les mêmes.

La vente du poisson prend en compte le type de poisson capturé, la périodicité de l'utilisation des techniques, même l'ensemble des difficultés ou dangers rencontrés pendant la pêche. Les prix sont fixés par rapport à ces critères.

Pour revenir à la fonction économique de la pêche et ses techniques, nous retenons que ladite pratique repose sur la production des ressources, leur autoconsommation et enfin leur distribution. En dehors de ces aspects économiques, les tecchniques de pêche nous révèlent d'autres fonctions endogènes. C'est ainsi que nous abordons les pratiques religieuses.

III-2 Du religieux dans la pratique de la pêche

Les techniques de pêche relèvent aussi des pratiques religieuses. Il s'agit ainsi de la fonction économique que nous abordons sous trois dimensions à savoir : le fétiche, la prière et l'interdit. Ces dimensions prennent doublement en compte les techniques de pêche et les pêcheurs. Cela amène à faire ressortir une fois de plus le lien entre la technique de pêche, le pêcheur et le contexte religieux.

Dans notre orientation, il est question de voir comment le pratiquant de la pêche associe le fétiche, la prière et l'interdit à la pêche. En d'autres termes, nous nous intéressons aux rapports du religieux aux techniques de pêche par l'entremise des dimensions évoquées.

III-2.1 Le ``fétiche'' ou le médicament

Certains pêcheurs associent le fétiche à leurs parties de pêche. Ce fétiche participe au prélèvement des ressources. On peut même dire que chez ces pêcheurs, le fétiche demeure au centre de la pratique car il protège le pêcheur tout en lui assurant des prises intéressantes. Dans ce sens, Claude Meillassoux (1974) parle des chasseurs qui possèdent le ``médicament'' lorsqu'il étudie les Gouro de Côte d'Ivoire. Pour lui, ce ``médicament'' leur permet de découvrir et d'atteindre le gibier.

En un mot, le fétiche que nous appelons aussi médicament cumule les fonctions de protecteur et de producteur. Celui qui le possède lui consacre prières et sacrifices. Mais à la base, tout est déterminé par le lien qui existe entre le détenteur du fétiche et le fétiche en question. A ce propos Engouang Emmanuel dit que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Abui bot éne nâ dâyop ya mebiang. Benâ mebiang meté mebûn, bayelane âmoh atéria ya amaneyâ n'yopâne. Mebiang makale bôh ya ve bene wign abui koass.

1 Il y a des pêcheurs qui pêchent avec des fétiches. Ils ont foi en leurs fétiches. Ils les prient avant et après une partie de pêche. L'objectif est d'être protéger et faire une bonne pêche.

2 Bot bevoh besing bayop ya mebi. Éba bevôh bebele mekenâ, minkôh ya minkip. Éba bevôh bakeghe bikila bignù. Éde, mébiang mene abô mevala abui...

2 Certains pêchent avec leurs propres selles, d'autres ont des bagues, colliers ou talismans. D'autres encore sacrifient un membre de leur corps. Il y a donc plusieurs sortes de fétiches.

Cet extrait d'entretien nous apprend que le fétiche est une source de protection du pêcheur et de production de ressources. Richard Price (1964 : 84-113) mensionne dans son étude associant magie et pêche en Martinique que : « Le recourt à la magie permet au pêcheur de surmonter son impuissance à assurer le succès de sa tâche (...). Le recours à la magie ravive l'espoir et accorde de la faveur au pêcheur dans sa pratique. Il faut dire que le fétiche dont nous faison état n'est pas qu'un objet matériel. Il peut aussi s'agir d'une pratique magique ou alors d'une entité spirituelle comme le souligne cet auteur.

Comme l'a signalé notre interlocuteur, il y a plusieurs sortes de fétiches qui sont utilisés. Dans l'évolution de notre travail, nous verrons que, c'est chez ce type de pêcheur qu'on rencontre des interdits spécifiques en dehors de ceux qui sont généraux, c'est-à-dire qui peuvent être communs à tout pratiquant de la pêche. En outre, nous allons aussi voir que le pêcheur peut être lui-même son propre fétiche ou encore son propre ``médicament'' dans sa production des ressources aquicoles. Dans ce cas, nous allons parler de « l'homme-fétiche ».

III-2.1.1 ``L'homme-fétiche'' 

Le pêcheur peut constituer lui-même son propre fétiche. Il s'agit d'une catégorie de pêcheur dont le fétiche repose soit sur le sacrifice d'une partie de son corps, soit dans l'aptitude mystique à ``concevoir'' lui-même du poisson au sens d'Aleksandre Cimpric (2011 : 873-892).

Selon les interlocuteurs, ce sont surtout les femmes qui avaient cette aptitude à concevoir du poisson avec la technique de fiss. Par le passée, il arrivait qu'une femme se rende à ses fiss pour pêcher et quand la pêche n'était pas fructueuse, elle concevait mystiquement du poisson (silures) et le repêchait ensuite. Nous sommes là en présence de la logique du corps-fétiche ou de l'animal dans le corps car, il n'y a qu'un animal pour produire un autre animal. Assengone Florence21(*) raconte à ce propos que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Binenga besing bembe nâh ngue akégne mefiss meigne kagha awign embe koass éyongté assîî koass adandang ngôl. Ve mâme meté makang mamane.

2 Il y avait des femmes qui, lorsqu'elles se rendaient dans leurs fiss pour pêcher, s'il n'y a pas assez de poissons à capturer, elles pouvaient concevoir du poisson surtout les silures. Cependant, ces choses sont entrain de disparaitre de nos jours.

Ce récit nous met en phase avec la logique de ``l'animal dans le corps'' humain. En d'autres termes, l'animal renvoie au poisson qui est généré alors que le corps renvoie à lindividu, au pêcheur. Le pêcheur est alors capable à travers son corps de produire du poisson. Quand bien même, ce poisson qui est conçu est destiné à l'autoconsommation. La femme qui utilisait ce type de pratique, le faisait pour le bien de la famille, pour nourrir la famille. Assengone Florence ajoute que : « Lorsque les hommes le faisaient, c'était également pour nourrir la famille mais, ils en vendaient aussi.

C'étaient des pratiques fétichistes traduisant l'univers sorcier dans la pêche. Aleksandre Cimpric (2011 : 873-892) parle de la « métamorphose du pêcheur ». Dans son étude sur les représentations relatives à l'eau, il parle des pêcheurs qui se transforment en ``talimbi'' (caïmans) dans les cours d'eau pour capturer du poisson en Centrafrique. Là encore, nous sommes dans le même univers sorcier car, ce n'est pas n'importe quel individu qui peut avoir ce type d'aptitude, il faut des prédispositions sorcellaires notamment l' « Evus 22(*)». Il s'agit en effet d'un organe symbolique, receptacle du pouvoir sorcellaire en l'homme. Mais chaque individu possède l'Evus et pas obligatoirement des aptitudes sorcellaires.

Cet aspect passéiste montre combien de fois la pêche connaît d'un point de vue diachronique des pratiques religieuses ou sorcellaires intégrées par les populations dans l'objectif d'exploiter la nature et de s'exploiter eux-mêmes.

Lorsqu'on abordera la dimension de l'interdit, nous allons voir que les personnes qui pêchent avec des fétiches ne consomment pas elles-mêmes les poissons capturés. Elles préfèrent soit les donner à manger à la famille ou de les vendre. Nous verrons quelques conséquences de ces pratiques fétichistes.

III-2.2 La dimension de la prière

La prière est souvent un agencement de paroles adressée à une entité spirituelle ou mystique. Elle peut être une formule orale sacrée, ritualisée ou encore une formule spontanée et profane. Elle reste dans cette fonction religieuse un élément incontournable et relève du domaine de la parole. Marcel Jousse (1978) évoque ainsi l'expression de : « Manducation de la parole », une parole symbolique et qui est porteur de sens. La prière est une compétence langagière qui émane de cette parole symbolique, elle est même la parole symbolique.

Quelque soit la technique de pêche pratiquée et quelque soit la vertu religieuse du pêcheur, la prière reste présente. Qu'il possède un fétiche ou non, le pêcheur fait une prière avant et après sa partie de pêche. En principe, elle est ce moyen par lequel le praticien de la pêche se recommande à son ``Dieu''ou son ``médicament'' tel que nous venons de le voir. En retour, ces derniers lui accordent protection et lui assurent une bonne partie de pêche.

Au canton Ntem 1, les populations sont de la religion catholique ou protestante. Ceci fait que les personnes qui ne se reconnaissent pas dans l'usage du fétiche, associent à leur pêche des prières adressées au dieu chrétien. Quant aux pêcheurs ``fétichistes'', les prières sont également adressées à ``dieu'' mais par l'intermédiaire du fétiche qu'ils possèdent. Il faut même dire qu'ils croient plus au fétiche qu'ils ne croient en Dieu. Alors la prière occupe les mêmes fonctions que le fétiche. Dans ce sens, Ella Mvola Théophile nous dit que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Wayem nâ dzam asse éne ya avale mbot âne. mbot ésing âne ayeghelane à zama ngueki dzôme éfe éyong aze abôh minyop.

1 Tu sais, tout dépend des aspirations de tout un chacun. Quelqu'un peut prier Dieu ou quelque chose d'autre lorsqu'il va faire de la pêche.

2 Vedâ maméne mayeghelâne fôhve zama amuna égne abalema éyong make minyop yaâ avema é kouass meve ze dzeng.

2 Quant à moi, mes prières ne sont adressées qu'à Dieu seul car c'est lui qui me protège et me donne le poisson que je viens chercher.

3 Ebot bebele bivus ébe babôh abui mâme ya abele abuing biki minyop.

3 Ce sont ceux-là qui ont l'Evus qui font beaucoup de pratiques et qui ont plusieurs interdits dans la pêche.

La prière a une place importante dans la pratique dans l'exercice des techniques de pêche. Mais, c'est surtout au ``Dieu tout puissant'' selon nos interlocuteurs judéo-chrétiens, à qui celle-ci est très souvent adressée. Cependant, Assengone Nkoulou Florence rappelle que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Melu mvus, abe nâ, éyong bakomâme misôme ngueki mellok, befam bake ayeghelâne melane, ngîî, andécolgu.

1 Par le passée, lorsqu'on préparait de grandes parties de chasse ou de pêche, les hommes allaient prier le melâne23(*), le ngiil24(*) ou l'andécolgu25(*).

2 Binenga bâ bake yeghelâne meburru. Assesse té ne mbiadzam atâ bôbane, ne bewuing abui kouass.

2 Quant aux femmes, elles allaient prier le meburu26(*). C'était dans le but de les protéger des dangers et de leur assurer de bonnes quantités de poissons.

Cet extrait d'entretien rappelle non seulement la place de la prière dans la pratique de la pêche mais surtout, les croyances des populations par rapport leurs divinités. D'où le rapport des hommes avec le monde invisible pourvoyeur de protection et de production des ressources. La prière rassemble ainsi un ensemble de termes ou de phrases intermédiaires, coordonnés et s'adressant à une entité supérieur (divinité). A partir de là, nous relevons une sorte de «manducation de la parole » au sens de Marcel Jousse (1978 :395-597). La prière se fait avec des mots précis. Il s'agit d'une manipulation de la parole. On comprend que celui qui prie sait ce qu'il dit et ne dit que ce qui a du sens.

Nous présentons un extrait de prière adressé au dieu chrétien et reccueilli chez Zé Evariste :

Extrait de prière en fang ntumu

Traduction en français

1 A târe zame mayelânawâ nâ au wulu yama abe minyôp makevami. Târe zame, édzame ézing éne abé étama abobâne. Wâ étame wulu yama. Mimbiabemâme beye afanété ya ochîngne bayiène ake oyap.

1 Dieu le père je te prie pour me recommander à toi tout au long de ma partie de pêche. Seigneur, ne permet à rien de mal ne m'arrive. Toi seul conduis moi. Qu'aucune mauvaise chose de la forêt ni des rivières et fleuves ne m'approche.

2 Târe zama, mevezumadzeng. Vôleyema ne ma wîng kuas mayi ne me yâlâ mvông bot dzam, yafe ne me kuane oyome abime.

2 Seigneur, je suis venu chercher de quoi me nourrir et vendre aussi. Aides-moi à capturer du poisson en abondance.

3 Târe zama, mavewa akiba akâle édissâ ya môane ya nsîsîm santé amen.

3 Seigneur je te remercie au nom du père et du fils et du saint esprit amen.

Cette prière est une recommandation du pêcheur au dieu chrétien. En retour, il accorde protection et production abondante du poisson. Ce qui est aussi intéressant dans cette prière est la façon dont sont articulés les mots et phrases. A cela s'ajoute la ``foi'' qu le pêcheur a envers son dieu ou son médicament au point d'être rassuré qu'il aura ce qu'il veut. On relève d`une part la compassion du dieu chrétien en aidant le pêcheur et d'autre part, il peut s'agir de l'efficacité du contrat du pêcheur et son médicament.

Marcel Jousse mensionne que  la bouche est à la fois instrument de parole et instrument de manducation. On comprend par cette manducation de la parole, cette véritable compétence langagière mise en oeuvre pour atteindre un objectif qui n'est rien d'autre que la protection et la production des ressources. En un mot, la prière est le rapport si non le langage qui sert de communion avec les entités invisibles ou les déités. C'est aussi à ce niveau, un élément de la performance des techniques de pêche.

III-2.3 La question des interdits

Dans le traitement du religieux dans la pratique des techniques de pêche, l'interdit a également attiré notre attention. La question de l'interdit a été abordée par nombre de chercheurs notamment Georgin Mbeng Ndemezo (2011 : 37). Pour lui, la chasse a des interdits.  Ces interdits : « Ne sont pas qu'alimentaire, ils peuvent avoir un rapport avec un lieu précis, avec une activité précise dans l'optique de gérer la faune, la flore et même les hommes (...). L'interdit est alors une sorte de codification du comportement des chasseurs, il leur est exigé une manière d'être face aux animaux que regorge la forêt ». Il ressort que l'interdit est une norme culturelle et symbolique établie par l'homme à fin de se gérer et de gérer ses ressources. A cela Bernard Juillerat (2004 : 43-44) ajoute que : « L'interdit renvoie à une soumission au pouvoir divin ». Ce divin englobe dans ce cas, l'ensemble des entités invisibles (mystiques, spirituelles voire sorcellaires) impliquées dans la question des ressources naturelles halieutiques.

Dans ce même sens, notre orientation porte sur les interdits spécifiques aux pêcheurs dans l'exercice des techniques de pêche, aux consommateurs des ressources halieutiques et aux cours d'eau qui abritent ces parties de pêche au sein du canton. Autrement dit, Nous nous intéressons d'une part aux interdits propres au pêcheur dans l'usage de ses techniques de pêche et dans sa consommation des ressources pêchées. D'autre part, il s'agit des interdits d'une catégorie de consommateur (femmes enceintes et enfant) et les interdits généraux dans la pratique de la pêche.

III-2.3.1 Les interdits du pêcheur

Nous avons relevés des interdits chez le pêcheur. Mais, nous avons compris que le pêcheur se donne souvent à lui-même des interdits. Nous parlons surtout des pêcheurs qui utilisent des ``fétiches'' ou ``médicaments''. Cela revient à dire que les pêcheurs qui ne possèdent pas de fétiche ou ``médicament'' n'ont pas d'interdits propres en dehors des interdits généraux.

Aussi, ces interdits varient en fonction des pêcheurs si non en fonction de leurs fétiches. Cependant, il y a un interdit qui est souvent commun à tout pêcheur exerçant avec des fétiches.

Selon le pêcheur-chasseur Nkouna Obiang Fabrice : « Cet interdit dit que le pêcheur qui capture son poisson avec des médicaments ne le consomme pas lui-même, il préfère le vendre, le donner à manger à la famille ou le partager. S'il venait à consommer ce poisson, il trahit son fétiche car, il se mange lui-même surtout s'il a sacrifié un membre de son corps. En conséquence, il risque de traverser un moment de carrence dans ses parties de pêche. Il peut tomber gravement malade, être paralysé ou mourir. »

Tel que rapporter, cet interdit met en garde ceux qui pêchent avec des fétiches (feuilles, écorses, formules magiques, sorcellerie, etc.) quelque soit la technique employée. Le pêcheur a donc le choix de pêcher avec le fétiche ou naturellement. Il connaît les conséquences de sa pratqiue. Cet interdit définit clairement son fonctionnement, ses avantages et surtout ses inconvénients. Mais ceux qui pêchent naturellement ne connaîssent que des interdits de base portant sur les rapports sexuels et les femmes en manstruation qui en effet souillent les parties de pêche.

Il existe aussi des interdits portant sur les aliments et sur les cours d'eau. Il s'agit des aliments à ne pas consommer lorsqu'on se rend à une sortie de pêche et des comportements à éviter pendant une partie de pêche. A ce propos, Ntsame Micheline27(*) nous fait comprendre que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Eyong biake melok mewulu awok nâ bâdzikî ébieme bine azek, misabô kawgn dzome.

1 Lorsque nous participions à des parties de pêche, on nous interdisait de consommer des aliments sucrés au risque de ne rien capturer.

2 Bewulu fe adzonâ bita avuègne megnô ochi été amunâ d'aduru abông.

2 Aussi, on nous interdisait d'uriner dans le cours d'eau, cela attirerait des malchances.

L'interdit gère l'Homme. Interdire de consommer tel ou tel aliment avant d'aller pêcher quelque soit la technique utilisée au risque de ne rien capturer, revient à dire que le respect de l'interdit participe aussi à la performance de la pratique. Mais, il s'agit en fait d'une performance qui intègre en même temps la logique d'une gestion parcimonieuse des ressources. C'est aussi un raisonnement que notre interlocuteur Ella Mvola Théophile tient avec la technique de pêche alâme dont il est expert.

Pour lui, cette technique est encadrée par des interdits alimentaires. Lorsqu'on va visiter l'alâme, il ne faut pas consommer les aliments tels que : le concombre, le chocolat..., au risque de ne rien capturer. Il faut plutôt consommer le safou ou atanga (Burseraceae), arachide (Arachis hypogaea), etc. Il s'agit pour cette technique d'autres interdits qui favorisent la bonne capture des ressources.

On peut donc comprendre qu'au-delà des interdits généraux communs à toute technique de pêche, certaines techniques de pêche relèvent des interdits propres que le pêcheur doit respecter. Nous proposons donc dans un tableau un récapitulatif des interdits spécifiques au pêcheur.

Tableau 13 : Quelques interdits du pêcheur et leurs conséquences

Les interdits du pêcheur

Les conséquences

Interdits alimentaires

1- Consommer concombre, chocolat et aliments sucrés avant la pêche.

Ces aliments nuisent et défavorisent la pêche.

Interdits aquatiques (cours d'eau)

3- Uriner ou déféquer dans le cours d'eau

Cela perturbe les génies et souille l'eau.

Interdits des outils et techniques de pêche

4- Mélange d'outils et techniques de pêche entre hommes et femmes

Malchance et nonchalance

Interdits de base

5- Rapports sexuels avant une partie de pêche

Malchance, lourdeur, nonchalance et souillure.

6- Aux femmes en menstruation participer à une partie de pêche

Ø

Autres interdits...

7- Consommer son propre poisson capturé à base de fétiche ou de médicament

Risque de maladie, d'accident ou de mort.

Ce tableau regroupe certains interdits du pêcheur. Nous les avons catégorisés en cinq aspects telque le montre ce tableau. Ces interdits ont chacun des conséquences. Il s'agit des logiques normatives qui conditionnent le pêcheur dans sa pratique de la pêche. En d'autres termes, la réalisation d'une partie de pêche favorable résulte du respect de ces interdits.

Les fétiches contribuent également aux parties de pêche fructueuses. Mais, ceux qui les utilisent sont surtout mis en garde quant à la consommation des ressources.

Le tableau ci-dessus montre que l'interdit a toujours été présent dans l'activité de la pêche. Sa fonction a toujours été de gérer l'homme et son milieu de vie. Toutefois, même le consommateur du poisson relève des interdits.

III-2.3.2 Les interdits du consommateur

Les poissons capturés avec l'aide des fétiches sont interdits de consommation aux femmes enceintes et aux enfants. Chez les pové par exemple, Paulin Kialo (2004 :174) explique que : « Les femmes enceintes ne mangent pas les têtes des poissons capturés à base de plantes itchytoxiques (pêche à la nivrée) ». Le cas contraire entrainerait une malformation du bébé.

Cette catégorie d'individus est très vulnérable. La consommation de ce type d'aliments causerait certaines pathologies (malformation du bébé ou réactions cutanées chez l'enfant, ...). Selon les interlocuteurs, il y a des signes pour reconnaître ce type de poisson pris à base de fétiche.

Meye M'enguang Willy et Abessolo Vivien28(*) affirment à ce sujet que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Ekouass beve wigne ya mebiang d'adzimi kî. D'adziène abuègne ya fe nâ ébele kî dekh agnù ane ékouass beve ayem awigne. Avele kouass-té babere de minkôt.

2 Le poisson qu'on a pêché avec des fétiches ne s'ignore pas. Il pourri vite et il n'a pas de goût comme un poisson capturé normalement. Souvent, on fume ce poisson avant de le consommer.

Un poisson ``mal capturé'' pourri rapidement une fois qu'il est sorti de l'eau. De plus, il est ``sans goût''. Ce constat est donc le même avec le poisson capturé à base de plante itchytoxique nommée en fang ndâwola-ntangane. Ainsi, l'interdit se montre réellement comme un mode de gestion des hommes et des milieux.

Tableau 14 : Quelques interdits du consommateur

Les interdits du consommateur

Les conséquences

1- Consommer le poisson capturé à base des médicaments ou plante toxique chez la femme enceinte

Risque de malformation ou perte du bébé

2- Consommer le poisson capturé à base de fétiche ou de plante toxique chez le nourrisson

Risque d'une réaction cutanée du nourrisson

3- Continuer à consommer l'espèce de poisson qui a servie de soins thérapeutiques pour guérrir une maladie dont on souffrait.

Risque de rompre la guérison et de tomber malade à nouveau

Ce tableau présente trois interdits destinés au consommateur de la ressource aquatique. On voit que la femme enceinte et le nourrisson ou l'enfant doivent respecter une certaine hygiène alimentaire pour éviter certains dangers. De plus, il faut dire que l'interdit concerne non seulement le pêcheur mais aussi le consommateur. Dans ce cadre, nous sommes toujours dans la gestion symbolique et parcimonieuse de l'homme et le ressources halieutiques. Les cas pové et fang ntumu sont donc concrets et truduisent enssemble des similarités culturelles.

Après les pratiques religieuses, nous passons maintenat à la notion du foncier dans l'usage des techniques de pêche.

III-3 Techniques de pêche et enjeux foncier

Martin Alihanga (1998 : 123-136) nous fait comprendre que le patrimoine foncier est toujours communautaire. En d'autres termes, il montre comment les formes traditionnelles de gestion des écosystèmes pensées par les communautés sont en relations avec le domaine foncier. Une pratique sociale est donc en étroit rapport avec le foncier. En observant la pratique des techniques de pêche, nous avons relevé des enjeux fonciers.

Nous lisons le foncier à travers la question de propriété quant à certaines portions des rivières du canton. En clair, cette notion de propriété se traduit surtout par les techniques de pêche de l'abri du poisson (fiss) que nous avons vu chez les femmes et l'étang de poissons (étam kuass) chez les hommes.

Naturellement, un cours d'eau appartient à l'ensemble de la communauté villageoise, mais les fiss qui y sont aménagés appartiennent à des individus (femmes). Si une femme aménage une portion de plan d'eau dans une rivière, cette portion prend dès cet instant la dénomination de fiss. Le fiss devient sa propriété. Le propriétaire fait ainsi valoir ses droits en toute accasion de pêche. On peut dire que l'enjeu foncier vise des formes d'appropriation et de contrôle des espaces halieutiques par des individus, familles, clans, etc.

III-3.1 La technique de fiss ou étôk et le principe de propriété aquatique

Le foncier de l'eau nous amène au rapport entre la technique de pêche dénommée fiss et la notion de propriété. Comme nous venons de le dire, la technique de fiss consiste à choisir dans un cours d'eau donné, un endroit stratégique afin d'y aménager un un lieu qui sera en même temps un abri et un piège pour les poissons. Cet abri va attirer le poisson, le conserver vivant puis le faire capturer au moment venu. Le fiss se réalise avec des morceaux de bois pourris appelés en fang (bibâne). Nous illustrons cette technique à travers la photographie ci-après.

Photographie  23: Un « fiss ou étôk » appartenant à une femme sur la rivière melôh à Eboro-Ntem en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Comme nous pouvons l'observer à tarvers ce cercle, le fiss est un espace aménagé dans une portion de rivière. Il est réalisé avec des morceaux de bois pourri et des feuilles mortes. Sous ces morceaux de bois, les poissons viennent s'abriter et y demeurer. Il s'agit d'une technique qui constitue un habitât propice pour les poissons. C'est souvent en saison sèche qu'il est conseillé de pêcher dans les fiss à cause de la sècheresse des cours d'eaux. Le fiss appartient à la femme qui l'a aménagé. Mme Zang Nguema Géneviève29(*) précise que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Eyong waze abok fiss, watéré adéghé ane ochigne obo. Wadzeng ovome one abô mbeng ne mendzim mallote.

1 Lorsque vous aménagez un fiss, il faut d'abord regarder le positionnement du cours d'eau. il faut rechercher un endroit bien situé où le courant d'eau est moyen.

2 Éyong-té wassoum adzeng bibaâne wakuane biôh ovum wabôh fiss. Égne kouass tatôbô bibâne assi. Ovum wabôk fiss, fiss-té éne andjuè.

2 Ensuite, il faut rechercher des morceaux de bois pourris pour les rassembler à l'endroit où vous aménagez le fiss. Le poisson s'abritera sous ses bois. Un fiss réalisé devient votre propriété.

3 Walllok dôh avale wayi. Minenga assesse ayem mefiss meigne ya éma ébot bevôh.

3 Vous l'exploitez à votre gré et chaque femme reconnaît ses fiss.

Le fiss est une propriété aquatique dans le cadre du foncier de l'eau. Il se réalise que dans un cours d'eau approprié. Pour pêcher dans un fiss qui ne vous appartient pas, on demande à son propriétaire. D'où l'enjeu foncier. Ce récit rappelle que : « Chaque femme reconnait ses fiss et ceux des autres femmes ». Mais, nous tenons à préciser que si nous parlons de la technique du fiss comme image parfaite de l'enjeu foncier, ce n'est pas pour dire que les autres techniques ne peuvent pas aussi traduire une appropriation foncière. La technique de l'allame et d'autres encore peuvent le traduire. Le fiss se révèle alors comme un terroir de pêche individuelle.

Marie Christine Cornier Salem (2004:57-81) définit le terroir comme : «  Une circonscription dont les limites ne sont pas matérialisées par des bornes mais néanmoins reconnues par tous et transmises dans les mémoires collectives ». Le fiss est une sorte de mode juridique de gestion des ressources halieutique dont un individu, une famille ou un clan peut être propriétaire.

De même, Gallais (1967 : 234) cité par le même auteur dit que le terroir foncier est : « L'ensemble des surfaces sur lesquelles, à titre individuel, familial ou lignager, les membres du groupe disposent d'un droit opposable au moins dans certaines circonstances, à son utilisateur extérieur au village ou à la communauté ». Le propriétaire d'un fiss a ses droits. Un fiss appartient aussi aux membres de la famille si le propriétaire n'est plus là.

Quand une partie de pêche est effectuée dans un fiss en l'absence du propriétaire de ce fiss, il est obligatoirement demandé de lui reserver sa part du poisson. Quand il est présent, c'est lui qui partage le poisson issu de son fiss aux autres membres pêcheurs.

III-3.2 Le droit de ``part du propriétaire''

En réalité, il faut rappeler que la technique de fiss est un véritable mode juridique de gestion des terroirs halieutiques. Elle est une norme coutumière et ancestrale qui, en s'appliquant à la pêche féminine, participe à la gestion parcimonieuse des ressources naturelles. En général, l'essentiel de la pêche féminine repose sur cette technique du fiss. Autrement dit, lorsque les femmes vont pratiquer la pêche, c'est toujours dans leurs fiss. On peut comprendre que l'enjeu foncier s'applique surtout à la pêche féminine.

Si une femme pêche dans le fiss d'une autre femme, elle a l'obligation d'informer la propriétaire mais également de lui remettre une part du butain. Dans le cas contraire, l'acte serra considéré de vole et cela peut engendrer des conflits entre ces individus. Marc Auge (1970 :407-421) souligne cet aspect de conflits dans son étude sur les pêcheurs à Port-Bouêt. Il montre comment les maîtres de pêche (propriétaires des terres de pêche et des ressources capturées) ont souvent été en conflit avec leurs employés pêcheurs. Ces conflits sont dûs à la mauvaise rémunération. Nous retenons-là la dimension du conflit dans la pratique de la pêche.

Toutefois, il peut arriver que la propriétaire d'un fiss, du fait de son âge avancé, autorise d'autres femmes à y pêcher. Du retour de la pêche, le propriétaire ferra un partage du poisson rapporté tout en retirant sa part.

Nous voyons alors que le fiss à travers ses caractéristiques est semblables à une autre technique de pêche toute aussi présente au canton Ntem 1. Il s'agit de la technique étame kuass (étang de poissons). Ces techniques de pêche relèvent le foncier et offrent des droits à leurs propriétaires.

Voici ci-après une photo d'un étang de poissons.

Photographie 24 : vue d'un ensemble d'étang de poissons à Bitam en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Tout comme le fiss chez les femmes, l'étang de poissons exprime l'enjeu foncier chez les hommes. Nous avons pris cet exemple pour mieux illustrer l'exploitation du fiss. L'étang de poisson obéit au même principe. L'étang est toujours la propriété d'une personne. Présentes dans l'ensemble du département, ces deux techniques sont régies par les mêmes principes à savoir : la notion de ``propriété'' et la qustion de la ``part du propriétaire''. En un mot ces techniques renvoient à la notion de « domaines aquatiques » telles que soulignée par Zang Nguema Généviève dans un de ces récits. On peut même dire que l'étang est la forme modernisée de la technique de fiss.

III-4 La pêche : une pratique socialisante

Un cadre qui socialise inculque à un individu des valeurs, des manières de faire, de sentir et d'agir propres à un groupe. La technique de pêche s'acquiert par l'éducation ou par l'initiation. En parlant d'initiation, Bonaventure Mve Ondo (1991 : 6) dit que : «  L'initiation intègre le processus de socialisation ». Il s'agit d'une initiation qui conduit l'individu à s'imprégner d'un fait, d'une connaissance au sein d'un groupe. Les techniques de pêche sont une pratique culturelle qui constitue un véritable cadre socialisant.

En principe, chaque technique de pêche requiert des connaissances qui lui sont propres. Ces connaissances amènent l'individu non seulement à maitriser telle ou telle technique, mais aussi à être en phase avec l'environnement aquatique. L'objectif est de lire les rapports populations aux techniques de pêche en tenant compte du processus de socialisation.

Stéphanie Nkoghe (2011 : 8) définit la socialisation comme un: « Processus d'intégration de l'individu à son environnement ». Nous rappelons ainsi que l'environnement dont nous parlons est celui aquatique où l'individu est socialisé sur la base du rapport aux techniques de pêche et aux cours d'eau.

C'est en général le principe d'apprentissage (observation, imitation) des techniques de pêche accompagné de la langue fang qui est au centre de cette socialisation.

III-4.1 La formation de l'Homme à travers l'apprentissage des techniques de pêche

Le processus de socialisation aux techniques de pêche tel que nous l'avons annoncé repose en gros sur l'apprentissage. Cet apprentissage participe à la formation du villageois ntemois. Comme nous le savons déjà, à côté de la pêche, il y a l'agriculture, la chasse qui pour leur part offrent aussi des cadres de socialisation en milieu rural. Ces activités socialisent l'individu et la pêche que nous étudions en est un exemple.

Il y a un enseignement à recevoir lorsqu'on apprend à pêcher par exemple. Il faut connaître comment utiliser une technique de pêche. Il faut connaître entre autres :

Quels outils correspondent avec telle ou telle technique ? ;

Quand faut-il pratiquer telle technique ? ;

Quels sont les avantages et inconvénients de telle technique ?

Dans sa thèse doctorale portant sur la forêt, Paulin Kialo (2005 : 148-149) retient que : « La socialisation de la forêt ne passe que par l'apprentissage des individus sur les éléments de cette forêt ». C'est une logique tout à fait similaire avec la pêche et ses techniques. Mais, il n'y a pas que la maîtrise des techniques de pêche comme seul objectif de cette socialisation. Il s'agit aussi de rendre un homme capable d'affronter les dangers de la nature dans le but de se nourrir.

La pêche amène l'homme à dompter la nature, à la posséder au point de la mettre à son service. Le villageois utilise son environnement aquatique pour vivre. Tout ceci passe par une éducation, une socialisation que le groupe lui offre à travers la pêche et ses techniques. Nkoghe Milama Georges30(*) confirme d'ailleurs que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Ayop ane ngum ayeghle. Ngue mbot akumu ayéghé ane bayop éyong-té bayéghé gne. Ayiène ake ya ébot bayem ayop ane biè. Akadéghé avale wabôh.

1 La pêche, c'est une éducation. Si quelqu'un veut apprendre à pêcher, on le lui enseigne. Ce dernier doit toujours accompagner ceux qui savent pêcher comme moi par exemple. Il doit observer comment on fait

2 Ayôp ane ayeghle. Eyong-fe wake ochigne ne wake ayop, wayiène abôh zong amuna ochigne obele mbia be biem.

2 . La pêche est une éducation. Lorsque tu te rends à un cours d'eau pour pêcher, tu dois aussi être courageux car l'eau a beaucoup de dangers.

Notre interlocuteur rappelle que la pratique de la pêche requiert du courage. On doit être courageux lorsqu'on va ou participe à une partie de pêche. Le courage tout comme la force est de ce fait une qualité, une valeur qui amène l'individu à affronter le danger naturel (serpent, scorpion, épine, etc.) et l'effort physique.

En outre, c'est en accompagnant les détenteurs des savoir-faire qu'on apprend à bien pêcher, qu'on acquiert les connaissances relatives à la pratique de la pêche. On se rend compte que dans la pratique des techniques de pêche la socialisation ne passe que par l'apprentissage et l'initiation.

Par ailleurs, la fonction socialisante des techniques de pêche nous amène à nous intéresser à la dimension du chant chez les femmes. Les paroles chantées par les femmes en situatiation de pêche avec la technique melok socialisent aussi.

III-4.2 Une socialisation par le chant : la notion de solidarité

Lors des parties de pêche féminines notamment avec la technique de melok, des chants sont souvent chantés au rythme de l'effort fourni lors de l'écopage des eaux. De même, les travaux champêtres notamment le débroussaillage, l'abattage, le sarclage et les récoltes sont des moments qui amènent souvent à entonner des chants de circonstances. Ainsi, les populations ntemoises cultivent la notion du chant depuis toujours.

Le chant est une parole prononcée et rythmée pour créer une ambiance de courage et de motivation. Cela nous ramène la manducation de la parole de Marcel Jousse (1978). Nous comprenons que ce qui socialise ce sont les paroles chantées. Le rapport est alors celui de la technique et du chant. Il s'agit de l'apport du chant dans la pratique des techniques de pêche.

Cette socialisation est un facteur d'intégration d'individus. Elle vise la solidarité du groupe. Il faut dire que par le passée, il y avait des chants spécifiques à ces moments d'effervescences collectives. Aujourd'hui, n'importe quel chant peut être entonné. Anne Ekoto précise que :  

Récit en langue fang ntumu

Transcription en français

1 Biwulu ayiè bièh éyong biallok mefiss mâh. Eyong mendzime mene abuigne étok, biayiè bièh na bitagha atek ngueki ayene esseign ndzuk.

1 On chante souvent quand on pêche dans nos fiss. Lorsqu'il y a beaucoup d'eau à vider, on chante pour ne pas se fatiguer ou se décourager.

2 Bièh biave biè ngù

2 Les chants nous donnent de la force et du courage.

Les chants donnent de la force et du courage. Ils participent à la performance des techniques. Il faut comprendre qu'il y a des chants avec des mots qui vivifient les individus. On se rend compte que le chant qui intègre la littérature orale éduque.

Nous présentons dans un tableau un extrait de chant propre à la pêche féminine melok que nous a chantée Anne Ekoto.

Tableau 15 : Paroles d'un chant souvent entonné lors des parties de pêche melok chez les femmes.

Chant en fang

Transcription en français

- Lôyô, lôyô, lôyô amuî étoké

- vide, vide, vide mon ami de pêche.

- Lôyô avô mayeke adzalé lôyô

- vide-vite, je veux rentrer au village, vide vite.

-Lôyô, lôyô, lôyô amuî étôké

- vide, vide, vide mon ami de pêche.

-Lôyô avô maye ke adzalé lôyô

- vide-vite, je veux rentrer au village, vide vite.

-Mbura ngôl nkùn, béghelé, amuî étoké

-que le gros silure dans le panier, mon ami de pêche.

-lôyô avô maye ke adzalé lôyô...

- vide-vite, je veux rentrer au village, vide- vite...

Chant reccueuilli chez Anne Ekoto (2014)

Ce chant est un dialogue entre deux personnes. Pour certains, il s'agit d'une belle-mère et sa bru. Pour d'autres par contre, il s'agit de deux amies qui sont en situation de pêche dans un fiss. L'une demande à l'autre de vider rapidement l'eau qui est dans le fiss afin de rentrer au village. Pendant ce temps, cette dernière est chargée du ramassage du poisson.

Il y ressort les critères du temps, de la motivation, du courage et aussi de la ruse. Mais toutes ces paroles sont combinées et chantées dans l'objectif de motiver le pêcheur et de dominer toutes contraintes corporelles (fatigue, paresse, etc.) au cours d'une partie de pêche.

Nous parlons-là de la puissance de la parole, la manducation de la parole, mieux encore, de la socialisation par la parole.

De nos jours, la technique (melok) continue à être pratiqué avec des chants de motivation.

Photographie 25 : Une partie de pêche féminine à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Obame Georges)

L'image que nous observons montre des femmes en situation de pêche à travers l'utilusation de la technique (melok). Il s'agit d'une technique collective. La digue qui est en construction par ces femmes ne peut être construite par une seule personne. Il faut plusieurs individus. De plus, le vidage des eaux, le transport des outils, la prise des poissons dans la portion d'eau choisie sont des tâches difficiles, il faut pour cela des hommes, des femmes voire des enfants pour ce faire. Mais, tout ceci est rythmé de chants et d'ambiance. D'où la notion de solidarité.

Melok reste la technique qui réunit encore plusieurs personnes lors d'une partie de pêche. Les interlocuteurs nous précisent que c'est une technique qui ne se pratique pas individuelllement. Il faut toujours plusiers personnes. Ce qui motive le plus c'est lorsque les chants sont repris collectivement surtout quand on affronte l'effort du vidage des eaux.

Par ailleurs, un autre aspect intègre cette fonction socialisante des techniques de pêche. Il s'agit des ``poissons thérapeutiques''.

III-4.3 Les poissons thérapeutiques

La connaissance des poissons thérapeutiques constitue un aspect socialisant dans la pêche et ses techniques. Souvent, les pêcheurs on des commandes sur certains poissons ou autres crustacés qui serviraient à guérir certaines maladies. Si cet aspect nous a intéressé c'est pour montrer que les poissons capturés n'ont pas pour seul objectif la consommation ou la vente. Ils servent aussi à autre chose : soigner certaines pathologies. Il est de ce fait important de le savoir.

Les ngangas31(*) utilisent de certaines espèces halieutiques pour réaliser des protections, des solutions dans le but de soigner. En parlant de l' ``animal thérapeutique'', Georgin Mbeng Ndemezo (2011 : 39) rapporte que : « L'animal a une grande importance dans les soins de santé qui sont offertes aux populations. En effet, le nganga dans ses traitements fera usage non seulement des essences végétales mais aussi des parties d'animaux pour confectionner ses médicaments ». Nous complètons cette observation avec Eric de Rosny (1992 : 97) à travers le cas de la chèvre dans le traitement contre l'EKONG en société camerounaise. Il relève qu'après le rituel de l'immolation de l'animal (...), «  La chèvre est dépecée et grillée. Elle est ensuite découpée en petits morceaux qu'on fait manger aux non-souffrants de l'EKONG à fin de les en préserver ... ».

Il faut alors comprendre qu'en parlant d'animal thérapeutique, nous retrouvons aussi le cas de certains poissons tels que : les silures, le poisson-courant ou poisssons à écailles qui sont souvent mélangés à des feuilles pour participer à certains soins en fonction de la maladie.

Le fait socialisant se trouve alors dans la connaissance de ces espèces aquatiques qui soignent quelque soit la technique qui a amené à leur prélèvement. Nous présentons alors ci-dessous une liste de quelques espèces halieutiques souvent utilisées dans les soins de certaines maladies.

Tableau 16 : Quelques poissons thérapeutiques au canton Ntem 1.

Nom de la maladie en fang et en français

Les poissons thérapeutiques

Manifestations de la maladie

- 1  Ndaghaba : 

(frontanelle)

-1 Silure (ngôh)

- 1 pour soigner la frontanelle du bébé

- 2  avuneya-cara :

- 2 Crabe (cara)

- 2 pour guérir le nourrisson qui fait des selles ou qui se comporte comme le crabe.

- 3  megnôgho :

(urine chronique)

-3 Patte de crevette (nwass)

- 3 utilisé pour soigner l'urine chronique chez l'enfant.

- 4   nkokome :

(stérilité)

-4 Crevette enceinte (nwass)

- 4 utilisé pour les soins de stérilité chez la femme.

- 5  abâne biang :

(protection)

- 5 Silure (ngôl)

- 5 employé pour confectionner des protections après un suivi thérapeutique.

- 6 nbubum :

(femme enceinte)

-6 Silure chat (mvong)

- 6 participe aux soins de dos pour la femme enceinte

- 7 mvuss :

(mal de dos)

- 7 Silure chat

(mvong)

- 7 employé pour les soins du mal de dos.

- 8  bigneng : (Les ampoules)

-8 Poissons à écailles (kouass bibass)

-8 employés pour guérir les ampoules corporelles.

- 9 nbubum : (femme enceinte)

-9 Crevette enceinte (nwass)

- 9 employée pour soigner les femmes enceintes d'une grossesse doulereuse.

Dans ce tableau, nous avons les espèces aquatiques qui participent aux soins médicaux. Il s'agit des espèces suivantes: le silure (ngôh), le crabe (kara), la crevette (m'wass), la famille des silures chat (kuass messome) et enfin les poissons à écailles (kuass bibass). Ces quelques espèces halieutiques sont souvent associées à des feuilles et écorces. Elles sont utilisées dans la confection des remèdes. Mais, d'autres poissons sont aussi souvent utilisés à la demande du guérisseur.

Pour clore ce chapitre, la question de savoir : Quelles sont les fonctions liées aux techniques de pêche au canton Ntem 1 a été notre principal fil conducteur.  Ce chapitre nous a amené à comprendre que les techniques de pêche ont des fonctions culturelles. Elles sont économiques, religieuses, foncières et sociales. De plus, elles sont présentes dans l'imaginaire commun des praticiens de la pêche. Ces fonctions intègrent d'une part les rapports des populations aux techniques utilisées pour pêcher et les rapports entre les populations et les ressources halieutiques d'autre part.

La fonction que remplit une technique de pêche permet en même temps l'identification de cette technique de pêche. L'effervescence des populations dans l'utilisation techniques au canton Ntem1 a permise de comprendre que la pêche implique des pratiques l'économiques, le religieuses, le foncières et socialisantes. Notre régularité sur le terrain nous a amené à retenir ces fonctions liées aux techniques de pêche.

Nous pouvons comprendre de ce chapitre que les techniques de pêche fonctionnent avec des constructions symboliques. La fonction (akeleya en fang ntumu) permet de saisir un phénomène, une pratique culturelle à partir du rôle que joue chacun des éléments constitutifs de ce phénomène ou la pratique culturelle en question. Nous avons ainsi jugé utile de faire d'abord état ces fonctions culturelles dans leur rapport à la pratique de la pêche à travers les techniques, avant d'en venir aux représentations proprement dites qui soutendent ces techniques de pêche dans le canton Ntem 1.

CHAPITRE IV : LES TECHNIQUES DE PECHE : REPRESENTATIONS ET IMAGINAIRES SYMBOLIQUES

Ce chapitre aborde les représentations et imaginaires qui soutendent la pêche et ses techniques au canton Ntem 1. Tout comme avec les fonctions que nous venons de voir, les représentations et imaginaires sont des abstractions, des logiques structurales qui donnent sens à un phénomène ou à une pratique donnée. Maurice Godelier (2007 : 51) dévéloppe qu' : « Une société agit sur son environnement en fonction des systèmes de représentations que cette dernière se fait de cet environnement ». Autrement dit, la représentation influe sur l'homme lui-même, elle lui impose un type de comportement dans son milieu de vie. Elle permet à l'homme de saisir la logique soujacente d'une pratique culturelle.

Maurice Godelier définit l'``imaginaire'' comme des idées, des pensées, symboles ou représentations se rapportant à un phénomène social au sein d'une société. De l'époque précoloniale à nos jours, la pêche n'a jamais été une pratique rentière au sens capitaliste du terme en milieu rural fang. Le type de technique employé par les populations et l'ensemble des connaissances (interdits, jachère, saisons, croyances, etc.) qui accompagnent la pêche sont un imaginaire construit. Cet imaginaire est ce qui explique toute pratique. Il les précède et les institue.

Ce chapitre va nous ainsi conduire à l'analyse de l'imaginaire de l'eau dans le cadre de la pêche. En effet, l'eau cumule les fonctions de : nourricière, purificatrice, constructrice guérisseuse, abitat des ressources et entités aquatiques, etc. Il s'agit du pouvoir symbolique de l'eau comme pourvoyeuse de vie. Dans ce même cadre, nous analyserons les notions de pêche de subsistance, de pêche parcimonieuse et de pêche durable au canton Ntem1. Pour finir, nous allons faire un apperçu des Codes de pêche du Gabon et la FAO (organisation des fonds alimentaires) afin d'analyser leurs contenus et relever leurs insuffisances dans le cadre des techniques de pêche.

IV-1 La pêche dans l'imaginaire de l'eau

Georgina Assengone (2011 : 6) note que : « Le peuple fang pense que l'eau n'est pas un simple outil, mais elle est un objet sacré qui fait partie non seulement de leur patrimoine mais aussi de leur existence ». L'eau est un élément vital aux usages symboliques et permet la pratique des techniques de pêche. Ainsi, les représentations qui entourent les techniques de pêche chez les Fang du Ntem sont également à rechercher dans l'imaginaire de l'eau au sein de ladite société.

L'eau participe aux rapports entre les villageois et la nature environnante. Nous ne pouvons donc pas dissocier l'eau de la pratique de la pêche. On note que, rechercher les représentations qui encadrent les techniques de pêche nous amène à visiter les imaginaires de l'eau. Autrement dit, la pêche fait partie des imaginaires de l'eau. D'un point de vue empirique, il faut dire que l'eau revêt généralement une représentation ``utilitariste'' dans l'ensemble du canton Ntem 1. Autant elle participe au bien-être des populations villageoises et prend dans ce cas une dimension économique, autant elle est pourvoyeuse de vie ou de mort et revêt alors une dimension symbolique. Georgina Assengone complète à ce propos que : « L'eau est source de vie empirique et symbolique ».

IV-1.1 Les Usages de l'eau à Ntem 1

Les usages de l'eau mettent surtout en relief la façon dont les populations abordent les cours d'eau ou encore, la façon dont elles mettent l'eau à leur service. En dehors de la pêche, l'eau est aussi utile pour d'autres besoins. A ce propos Meye M'enguang Willy dit que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Achigne bibele eva d'avôlô bièh abuigne. Eyong mendzim meye apôm mene nkighane nguki mvine, biake ntem.

1 Les cours d'eau que nous avons ici nous aident beaucoup. Lorsque l'eau de pompe est coupée, on va à Ntem. On se lave, on y fait lessive et vaisselle.

2 Bia wobo, biake sop biem. Eyong ane mendzim bagnu biake étam. Egne binenga badu fe mimbông à buane bachigne.

3 Achigne énefe-na bot bezing baffak minseleye. Mewulu fe awok nâ bot bezing bake ntem ngueki a Kye ngueki à mvézé ne bake bôh mebiang.

2 Pour l'eau à boire, on se rend au puit ou à la source. Ces sources permettent aussi femmes de tremper leur manioc.

3 Les cours d'eau sont exploités par certaines personnes pour l'exploitation du sable. J'ai souvent entendu dire que des personnes vont sur le Ntem, le Kye, Mvézé ou d'autres cours d'eau du canton pour y effectuer des rituels.

De cet extrait d'entretien, nous comprenons que l'eau revêt simultanément une dimension économique et symbolique. Ces deux dimensions constituent ses principales caractérisques au sein du canton. Les populations abordent les cours d'eau pour un bain, faire la lessive, la vaisselle, roussage du manioc, boire, exploiter du sable, effectuer des rituels, etc. Il s'agit là de l'usage social, économique et symbolique de cet élément naturel.

Photographie 26 : Des villageois sur le rivage du ntem (débarcadaire de certains pêcheurs) àEboro-Ntem en 2015 (Cliché Ondo Obame Cédric)

En associant l'ensemble des imaginaires de l'eau à la pratique de la pêche en particulier, cela nous amène à réaliser le pouvoir et la puissance de l'eau. Comme nous l'avons noté en introduction, l'eau cumule des fonctions de purificateur ou guérisseur (rituels) ; nourricière (consommation des poissons etc.) ; fournisseur de matériaux de construction (sable et eau...) ; hygiène (vaisselle, lessive et baignade) ; etc. L'eau est encadrée d'un imaginaire pluriel associant le visible et l'invisible au sens d'Alain Boussougou (2012 :43-68).

Dans sa thèse portant sur le rapport des populations à la forêt Alain Boussougou dit que : « La forêt est une source plurielle d'éléments utiles à l'homme ». Pour lui, la forêt prend une dimension utilitariste et devient pourvoyeuse d'éléments vitaux (éléments matériels et spirituels) à l'homme. Il reprend que : « La forêt répond tant physiquement que spirituellement aux besoins de l'homme ». Quant à l'eau, elle revet également cette même logique utilitariste.

Nous retenons que dans la pratique de la pêche, quelque soit la technique employée, c'est l'eau qui est au centre car à travers la pêche et ses techniques. Elle prend particulièrement une dimension de nourricière et devient pourvoyeuse de ressources. Mais il faut reconnaître que dans le cadre de ce travail, l'eau est soutendu de représentations économiques vu ses usages les plus récurrents (sable, lessive, vaisselle, boire, pêche, roussage du manioc, etc.). Il s'agit alors d'une sorte d' « anthropologie de l'eau » où cette matière liquide reste à part entière un objet d'étude.

IV-1.2 Eau : ``pourvoyeuse de vie et de mort''

Nous sommes parvenu à comprendre qu'en tant que milieu de vie de ressources aquatiques dont l'homme a besoin afin de se nourrir et vivre, l'eau se présente symboliquement comme ``pourvoyeur de vie'' dans l'imaginaire collectif de la pêche. C'est le lieu où, par le biais des techniques de pêche, l'homme se ravitaille en poissons. On comprend que sans cours d'eau, il n'y a pas de pêche.

Un pêcheur doit savoir être en communion avec l'eau (cours d'eau). Le type d'eau ou les caractéristiques d'un cours d'eau orientent le pêcheur à faire usage d'une quelconque technique pour accéder aux poissons. L'eau montre dans ce cadre un grand pouvoir quant à ses connaissances inhérentes. Ella Mvola Théophile dit d'ailleurs que : 

Récit en langue fang ntumu

Transcription en français

1 N'yôp kouss assesse ayiène ayem ochigne. Amouna achigne essesse esseki avaledâ. Ochigne obele abui biem.

1 Tout pêcheur doit maîtriser les cours d'eau et leurs caractéristiques. Parce que, tous les cours d'eau ne sont pas pareils. Un cours d'eau contient beaucoup de choses.

2 Ane bo kuass, minsissime, ngueki be mamiwata. Ochigne one ngura dza. Anefe otôh a dza-vâ... avale wakuane mendzim mayéné éde wayem avale kuass wéyôp ochi-té.

2 Il peut s'agir du poisson, les esprits ou les sirènes. Un cours d'eau est comme un village. La couleur de l'eau d'une rivière révèle déjà le type d'essences halieutiques en présence.

3 Mais, il peut arriver qu'un pêcheur meurt par noyade. Cela arrive souvent quand on ne sait pas nager. Où encore si on a été attaqué mystiquement ou si le pêcheur a pratiqué de la sorcellerie pendant sa pêche.

3 Ve éwulu-fe akuina mbot aveke yôp éyong-té awu ochigne. Ewula abo éyong wayeme-ki adzôk, ngueki-nâ mbot avezu wa akeane ochigne, ngueki-na mbot ave kui à mbôh ochigne.

Rossantanga-Rignault (2008) cité par Célestin Wagoum (2013 : 214) fait savoir qu' : « Il n'y aurait pas dans l'eau uniquement des poissons ou crocodiles mais aussi des choses situées au-delà de ce qui est visible ». En clair, l'eau est le siège du visible et de l'invisible, elle abrite la vie naturelle et surnaturelle. A ce titre, l'eau nourrit en ressources aquicoles et elle est aussi une sorte de lien entre les hommes et le monde des esprits. Elle va plus loin que le simple cadre de la pêche et ses techniques car, procure aussi une vie invisible.

Il faut rappeler que cette capacité à pouvoir se procurer de la vie et même de la mort ne date pas d'aujourd'hui. Tout individu peut trouver la mort dans l'eau. Dans sa conversation avec ``Ogotemmêli'' en société Dogon du Mali, Marcel Griaule (1966 : 26) rapporte que : « C'est de l'eau que la terre reçut la vie ». Il note par ailleurs que : «  La force vitale de la terre est l'eau. Dieu périe la terre avec de l'eau. De même, il fait le sang avec de l'eau (...) ». En un mot, l'eau incarne la vie et cela contextualise avec la pêche où l'eau permet la procuration du poisson.

En outre, Edgard Morin (1970) cité également par Célestin wagoum (213 : 214)  dit que : « La puissance de l'eau est comme un élément de renaissance de vie et est incomparable dans la magie, les mythes et les religions ». L'eau précède la pêche et ses techniques tout comme elle précède le monde entier. L'eau est sacrée quelque soit son usage (le cas de la pêche par exemple). C'est le symbole et la source de la vie.

Au sortir de l'imaginaire de l'eau, l'accent est mis sur ses usages et son pouvoir symbolique de procuration de vie et de mort. Voici donc une des performances cognitives qui encadrent les techniques de pêche car, si l'eau donne la vie, cela revient à dire que les techniques de pêche procurent également la vie en permettant l'accès à ces ressources aquicoles.

IV-2 Une pêche de subsistance et parcimonieuse

Les techniques de pêche sont des performances cognitives et sont encadrées de représentations et d'imaginaires. A partir de là, on peut saisir les rapports des populations aux techniques de pêche. Quelque soit la technique utilisée, on peut toujours souligner l'idée de subsistance au sens de Claude Meillassoux (1974). Nous allons voir que cette subsistance est traduite de fait par le travail physique et manufacturé de l'homme avec des techniques et outils immédiates, rudimentaires. Quant à la parcimonie, elle concerne surtout la gestion responsable des ressources halieutiques. L'aspect rudimentaire des techniques et outils de pêche, leur périodicité et fonctions symboliques laissent entrevoir la parcimonie des ressources naturelles. Il faut dire que la parcimonie se caractérise surtout par la jachère des eaux.

En outre, ces idées de subsistance et de parcimonie nous conduisent à une autre réalité latetente des techniques de pêche à savoir : la durabilité des ressources. Nous comprendrons qu'il s'agit des raisons qui expliquent la survie des savoir-faire traditionnels au fil des époques. Cette durabilité englobe non seulement les ressources naturelles mais aussi les techniques et outils sollicités par les populations.

IV-2.1 Une pêche de subsistance

La subsistance est la caractéristique fondamentale des savoir-faire au canton Ntem 1. Elle englobe l'ensemble des pratiques sociales. Les techniques de pêche, de chasse et agricoles sont de ce fait populaires. Leurs outils et matériaux sont rassemblés sans grands investissements pour l'accès à la ressource naturelle. Dans le deuxième chapitre de ce travail, nous avons montré qu'il s'agit d'une pêche traditionnelle qui connaît aussi des outils modernes dans l'utilisation des techniques. Mais, ces outils modernes n'influent pas sur cette idée de subsistance, elles ne nécessitent pas de grands investissements et contribuent plutôt à la survie des techniques. On voit donc que la subsistance en tant que représentation demeure.

L'accès aux ressources naturelles (poissons, gibier, végétaux) est déterminé par des savoir-faire rudimentaires. Ces ressources sont généralement destinées à la consommation des populations. Travaillant chez les Gouro de Côte d'Ivoire, Claude Meillassoux (1974) fait une observation similaire. Il affirme que la subsistance fait appel à l' : « Utilisation des techniques immédiates et l'emploi de l'énergie humaine comme principale source d'énergie ». Autrement dit, la subsistance se traduit par l'usage des techniques à petite échelle pour accéder immédiatement aux ressources à portées de main. L'auteur relève aussi l'usage de l'énergie humaine. La subsistance ne connait pas de machines mécaniques, elle se base sur l'exécution des techniques par l'homme lui-même. Dans le cadre des techniques de pêche en milieu rural, nous ne nous éloignons pas de cette lecture.

Si ce n'est que l'apport de quelques outils améliorés ou renforcés par la modernité (hameçon, crin, filet moderne, fil assiettes etc.), les techniques de pêche ne dépendent d'aucun autre apport exogène. Ce sont avant tout des productions locales du patrimoine technologique. Par le passé, l'objectif était de trouver un moyen qui permette rapidement le prélèvement de la ressource. Cela est toujours resté en vigueur même avec certains outils améliorés de nos jours. Nous retrouvons cette également cette idée de subsistance même dans le mythe d'Odzamboga que nous avons déjà évoqué.

Ce mythe soutient que les femmes vidaient tout simplement l'eau et attrapaient les poissons contenue dans les terroirs de pêche (fiss). On se rend compte qu'aucun investissement n'est lourd en technique comme en outil venant de ce mythe. De plus, on voit bien que l'énergie humaine en oeuvre est bien celle des femmes. Ce mythe explique la subsistance comme l'une des réalités soujacentes de la technique de pêche melok. Nous comprenons ainsi le mythe comme un système explicatif.

L'idée de subsistance présente les techniques de pêche comme ne demandant généralement que peu d'opérations. Dans ce sens, Zé Evariste32(*) nous dit que :  

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Edzam éne, édzam-asse mbot a bôh éne ésseigne. Abôh miyop, ngueki mellok, ésseigne éne. Edzam mayem éne-nâ biadang-ki adzimili abui mônô akale biem meyop.

1 Ce qui est vrai, tout ce que l'homme fait est pénible. Qu'il s'agisse de pêche masculine (minyôp) ou de pêche féminine (melok), il y a toujours du travail. Ce que je sais, pour la pêche, nous ne dépensons pas grand-chose.

2 Wakus ve messong mellôp, ya mvona ngue crin, ngue mevuat. Ebiem bivôh-bi wadzeng-bioh afan-été. Binenga ébe badzimili-ki dzome ézing. Assesse ane-bôh ochigne éyong bake mellok.

2 Tu achètes juste des hameçons, du fil, du crin ou des filets. Tout le reste du matériel se prend en brousse. Ce sont surtout les femmes qui ne dépensent rien. Tous leur matériel est sur place au lieu de pêche.

3 Wadzimili été fôveh é ngù djuè.

2 Tout ce qu'on dépense c'est notre force.

En dehors de quelques outils et surtout la nécessité de l'effort physique, le praticien de la pêche ne dépense plus autre chose. Cet interlocuteur précise que la plupart du matériel se reccueille en forêt, au lieu de la pratique surtout pour les techniques féminines. C'est une pêche traditionnelle à petite échelle et nenécessitant pas d'investissements lourds.

D'un point de vue économique, Maurice Godelier (1982) note que : « La subsistance se caractérise par de faibles moyens techniques où l'absence de surplus entraine une absence d'échange (monnaie ou capital)... ». Cette affirmation relève quelques insuffisances surtout sur la question d'échange. Nous pensons qu'il faut redéfinir cette idée de subsistance. Les techniques de pêche bien que rudimentaires, permettent souvent de grandes quantités de poissons (melok, alame, etc.) au point où il n'y a pas que de l'autoconsommation, mais aussi quelques ventes. Or vendre traduit l'échange monnayé. Cela implique donc la notion de surplus même dans la subsistance. C'est ainsi que nous parlons d'une nouvelle forme de subsistance en milieu rural car, il n'est plus question d'une subsistance au sens strict du terme. C'est une subsistance qui prend en compte la vente des ressources au-delà de l'aspect rudimentaire des techniques et l'usage de la force physique.

La subsistance est aussi traduite par les systèmes de parenté. Dans ce cas, nous revenons avec les logiques foncières traduites par la technique le fiss. Sachant qu'un fiss a toujours un propriétaire membre d'une famille, d'un lignage ou d'un clan. En l'absence de ce dernier, ses parents peuvent y pêcher, le défendre afin de le préserver. Ces droits traditionnels regroupent les questions de parenté qui, en retourt, nous amènent à l'idée de subsistance.

Les techniques de pêche melok et fiss nous mettent en phase avec à un système de parenté caractérisé par la solidarité et la cohésion du groupe. Selon Claude Meillassoux (1974) la subsistance est la caractéristique majeure des sociétés dites traditionnelles ou primitives et organisées selon un système de parenté. La parenté occupe alors une place importante dans l'idée symbolique de la subsistance.

Les techniques de pêche répondent toutefois à une idée de parcimonie, il s'agit d'une pêche parcimonieuse caractérisée par la jachère des eaux.

IV-2.2 La pêche parcimonieuse : la question de la jachère des eaux

La parcimonie, dans le contexte qui nous intéresse, signifie la gestion reffléchie des ressources. Etant également soujacente aux techniques de pêche, elle est traduite par l'utilisation responsable des ressources aquatiques. Autrement dit, les techniques de pêche utilisées par les populations respectent symboliquement à la base l'idée de parcimonie ou de gestion minutieuse des ressources naturelles. Cette parcimonie fait ainsi doublement appel aux rapports à la technique et à la ressource sollicitée. John C. Kennedy (1981 : 87-96) ressort ce double aspect en faisant en société Makkovik une analyse synchronique des groupes Settlers et Inuits dans la pratique de la pêche. Au sortir de son analyse, il comprend que pour gérer à long terme les ressources aquatiques, les Settlers respectent la ressource qu'ils prélèvent contrairement aux Inuits qui prefèrent mettre l'accent sur les techniques de prélèvement.

Cet auteur nous présente deux groupes traditionnels de pêcheurs qui ont sus établir des rapports avec leurs techniques et avec leurs ressources naturelles aquatiques. Ces rapports nous laissent donc entrevoir une une pêche parcimonieuse.

Nous pouvons dire que cette idée de parcimonie précède les techniques de pêche, elle est première et institue la pratique. La pêche et ses techniques est cyclique et connaît la ``jachère des eaux'' surtout chez les femmes. Il s'agit alors de laisser l'eau et les poissons se régénérer dans un cours d'eau qui vient d'être exploiter pendant une durée déterminée. Ce moment de repos permettra de pêcher dans d'autres cours d'eau.

Très peu de techniques masculines respectent cette notion de jachère mais sont plutôt dépendantes des différentes saisons de pêche : saison sèche et saison des pluies. La parcimonie consiste dans ces deux cas à prélever minutieusement les ressources au rythme des saisons de pêche et de la jachère des eaux. Ces logiques s'imposent à l'ensemble des techniques de pêche.

IV-2.2.1 Jachère des eaux et les saisons de pêche

La jachère consiste à mettre en repos une ressource afin qu'elle se régénère, avant son prochain usage. En d'autres termes, la jachère est une phase naturelle et culturelle de la regénération de la ressource. Simon Diouf cité par Abdoulaye Séné (2010) note que : « La jachère est l'état de la mise en place de la culture suivante ». Dans ce cas précis, il est question de la gestion symbolique des ressources naturelles agricoles. La jachère des sols y est très importante pour le sol. L'objectif est donc de préparer le sol aux prochaines cultures agricoles après un moment déterminé.

Dominique Defrance et al. (2007 : 2-3) montrent que : «  La jachère est outil de régulation des productions des ressources naturelles». Elle est donc d'une utilité environnementale. Pour eux, on peut mettre en jachère l'eau, la biodiversité, les sols, la faune et la flore, le paysage, etc. On comprend que le principe de jachère peut s'appliquer aux pratiques culturelles comme aux écosystèmes naturels.

Dans le cas de la pêche, ce sont les femmes en général qui pratiquent la jachère des eaux. C'est souvent après qu'elle ait capturées tout le poisson disponible d'un plan d'eau (à travers melok, fiss) qu'elles mettent celui-ci en repos pour deux ou trois ans. Pendant ce temps de repos, le lieu qui a été fouillé et vider de ses essences se régénère. Chez les femmes, la jachère ne permet pas la permanence de la pratique de la pêche dans un même plan d'eau, mais plut^t l'idée d'alternance.

Nous notons aussi que la jachère ne prive pas tout le cours d'eau, elle concerne surtout la portion ou les portions de plan d'eau qui ont étés sollicités par les populations. Elle traduit par-là l'idée de parcimonie (gestion minutieuse des ressources). Dans ce sens, Nsourou Ondo Berthe affirme que : 

Récit en langue fang ntumu

Transcription en français

1 Balok-kî eyong ésse abông ochigne-dâ. Ochigne wafe wa wèghè. Biè binenga biwula abona ngue bi allok abong chigne ézing mbouwi, mbou wazou biaye allok éffe, nâ édi beve atéra allok ébera amena abele kouass.

1 On ne pêche pas à tout moment dans un même plan d'eau. Un cours d'eau aussi a des moments de repos. Nous, les femmes, pêchons en variant les plans d'eau afin de leurs permettre à chacun de se régénérer en ressources.

2 Eyong achigne éne abuigne bemvâme-bâ bebeh bessangleya achigne mbou assesse akale messimâne meté mevôh...

2 Lors qu'il y avait plusieurs cours d'eau, nos ancêtres, pêchaient tout en les variant pour les mêmes raisons que nous aujourd'hui.

La jachère régule la pratique de la pêche et permet l'alternance des plans d'eau. Elle est symboliquement et culturellement une traduction de l'idée de parcimonie. Comme nous l'avons déjà souligné, le respect des saisons de pêche et de la jachère sousentend un rôle symbolique de gestion munitieuse de la ressource naturelle.

Toutes les techniques de pêche ne peuvent pas se pratiquer en saison sèche encore moins en saison des pluies (confère chapitre 2). De plus, certains poissons sont spécifiques aux saisons ce qui fait que, c'est la saison qui va orienter le pêcheur à faire usage de telle ou telle technique. On peut comprendre que l'ensemble saisons de pêche permet aux techniques d'effectuer le prélèvement d'une variété de poissons. Cette norme naturelle permet de ne pas capturer une même espèce à tout moment.

La logique parcimonieuse traduit toutefois une sorte d'équilibre des espèces prélevées, c'est-à-dire qu'il y a possibilité pour tout type de poisson de se faire pêcher. On ne doit pas retenir ici l'idée d'une pêche en toute saison favorisée par la variation de techniques, mais plutôt l'idée soujacente d'un équilibre des différents types de poissons pêchés spécifiquement aux saisons de pêche. D'où un autre sens de l'idée d'une pêche parcimonieuse. C'est donc une logique qui précède et institue les techniques de pêche. Nkouna Obiang Fabrice dit à ce sujet que : 

Récit en langue fang ntumu

Transcription en français

1 Abô oyône, abô soughou, éyong ésse ébele avale kouass-dègne d'assubane abili minyop befam. Ngue befulane bivé ya mekuna, kouass éssesse ye ochigne d'abili.

1 Que nous soyons en saison sèche ou en saison des pluies, chacune de ces périodes a des types de poissons qui la caractérisent dans la pêche des hommes.

2 Ngoura kouass ézing ossseki ochigne-na wabili-ki...

2 Si on associe les périodes de raréfaction et d'abondance d'eau, on verra que tout type de poisson est prélevé. Il n'existait aucun poisson qu'aucune technique ne puisse capturer.

A travers cet extrait d'entretien, on peut dire que l'idée de parcimonie soutend le prélèvement de toute espèce aquatiue. Dans les plans d'eau la pêche parcimonieuse nous conduit à ce que nous appelons « la parcimonie des espèces halieutiques ». Elle soutient qu'il n'y a pas qu'une même espèce de poisson qui doit à chaque fois être capturé, mais plutôt toutes les espèces de poissons en présence dans un cours d'eau. Cela conduit implicitement à la parcimonie des espèces halieutiques de manière à ne pas épuiser une seule espèce.

En revenant sur les imaginaires de l'eau et sur les logiques de subsistance et de parcimonie comme représentations à la pêche et ses techniques, nous parvenons à une autre représentation. Il s'agit de l'idée de durabilité de ressources halieutiques.

IV-3 Techniques de pêche et durabilité des ressources : aperçus des codes de pêche et de l'aquaculture

La durabilité des ressources aquatiques est convoquée par les techniques de pêche dont le système de prélèvement, de consommation et d'échange des ressources naturelles est essentiellement social. En d'autres termes, les pratiques sociales qui amènent à prélever les essences naturelles, à les autoconsommer et à les vendre sont aussi encadrées par l'idée de durabilité.

Cela nous amène à retenir en effet la présence d'une « pêche responsable »33(*). Il s'agit d'une pratique qui prend en compte les les savoirs et savoir-faire des communautés au fil des générations. On entend donc un usage avec précaution des techniques de pêche. Les ressources aquatiques sont ainsi gérées pour la satisfaction besoins présents et à venir. D'où la convocation des codes de pêche et de l'aquaculture.

IV.3.2 L'idée de durabilité : une représentation au centre des techniques de pêche et ressources halieutiques

Nous saisissons l'idée de durabilité sur deux niveaux d'analyse. Le premier niveau porte sur la durabilité des techniques de pêche, alors que l'autre niveau est celui de la durabilité des ressources aquicoles.

Dans cette démarche, nous évoquons d'abord l'aspect durable des techniques de pêche au fil des générations. En fait, ces techniques constituent le patrimoine technologique des populations rurales dans les rapports aux cours d'eau. Sans techniques de pêche, il n'y a pas de prélèvement du poisson. Ces techniques ont sues se maintenir jusqu'aujourd'hui. Pour ce faire, il a fallu l'intégration de certains outils modernes pour renforcer les techniques et pour accroitre leur performance.

Ces techniques ont toujours servis à long terme et sont alors une marque de l'idée de durabilité dans la pratique de la pêche au canton Ntem 1. Ainsi, même les générations à venir connaitront ces techniques de pêche quelque soit la nature des outils permettant leurs prattiques. Sur ce point, ce sont surtout les populations rurales villageoises qui sont à encourager car, elles sont dépositaires de ces savoirs et savoir-faire.

L'objectif est alors de faire connaitre la pêche et ses techniques générations après génération. En clair, l'idée de durabilité se traduit ici dans la survie et la permanence des techniques d'un point de vue diachronique. Donc, la durabilité ne se lit pas seulement que dans la ressource (poissons, crustacée ou animaux marins) qui est prélevée ou gérée, mais aussi dans les voies et moyens (techniques) qui permettent le prélèvement de cette ressource à long terme. Nkoghe Milama dit à ce propos que :  

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Zama égne angue alere benvama miyop. Miyop miassoh okua. Égne-ki mia ze akelane abondi.

1 Dieu a donné à nos ancêtres la connaissance de la pêche. Cette pêche provient de nos ancêtres. Mais c'est de nos jours qu'elle se développe le plus. Ce sont eux qui ont crées et commencer à pratiquer la pêche.

2 Betsira ébe bengue soum ayop ane n'yemane-té ongue-zou wakalane akui abondi. Biadzi-te dzam ézing. n'yopane éwe wave-wa na obigne kouass.

2 Ce savoir a été tout simplement transmis jusqu'aujourd'hui. Nous n'avons rien crées. Ce n'est qu'à travers l'utilisation d'une technique de pêche que l'on peut accéder aux poissons.

La pêche est une pratique, une connaissance léguée aux hommes par Dieu et qui est ensuite perpétuée à long terme par l'homme. Cependant, on peut se rendre compte que dans leur diachronie, les techniques ont toujours été régulées par des saisons, jachère, interdits ou normes culturelles quant à l'accès aux ressources. Or, ce n'est qu'à partir de cet instant que nous entrons dans la durabilité des ressources aquatiques aquacoles.

Les ressources halieutiques bien que renouvelables, sont restés en quantité suffisante dans les cours d'eau parce que les villageois (ancêtres et contemporains) ont toujours pratiqués une pêche de non accumulation quelque soit la technique employée. Par ailleurs, poissons, crustacés ou animaux marins contribuent au bien-être nutritionnel, économique et social des individus. Mougangue Jean Bertrand34(*) nous relate à cet effet que : « Chez les mitsogo par exemple, certains poissons déterminent les totémiques de certains clans à l'instar du poisson nommé motunghu qui est le totem du clan Réhongo ». 

Le rapport aux biotopes marins est certes économique mais surtout sacré. Cela nous amène à enregistrer des rapports totémiques entre les populations et les essences aquatiques. C'est la prise en compte de ces réalités culturelles par les populations rurales qui conduit ainsi à la durabilité des ressources naturelles en général et particulièrement dans le cadre de la pêche et ses techniques.

Au canton Ntem 1, nos observations nous ont amené à réaliser que le ``poisson courant'' (Malepterurus beninensis) agneng (en fang ntumu) est maintenant le plus connu de la contrée. Il est beaucoup sollicité en soins thérapeutiques qu'en alimentation. La quasitotalité de nos interlocuteurs nous a spécifiés qu'il ne le mange pas. De plus, sa capture est très difficile à cause du courant électrique qu'il génère lorsqu'il est encore vif. Les villageois disent même que c'est l'un des poissons les plus redoutables des cours d'eau du canton.

Ce que nous cherchons à démontrer par cette illustration c'est que l'idée de durabilité dans la pêche s'exprime du point de vue des rapports aux techniques et aux espèces halieutiques. Un rapport durable a toujours été présent entre les populations du Ntem1 et les ressources aquatiques. Nous complétons ce contexte avec le code de conduite de la pêche responsable 35(*) proposé par la FAO (Founds for Alimentation Organisation) en 1995 à Rome et le « code gabonais des pêches et de l'aquaculture »36(*) de la loi n°015 en 2005. Nous convoquons ces codes par ce que nous nous sommes rendu compte qu'ils sont respectivement basés sur la gestion durable des ressources halieutiques aux échelles nationales et internationales.

Nous voulons donc les mettre en rapport avec notre travail sur cette question en vigueur. Nous avons donc à ce niveau une problématique corrélée. Il s'agit d'un côté la représentation de la pratique des techniques de pêche par une communnauté donnée, et de l'autre côté une proposition polico-administrative. Nous montrons de ce fait les rapports et les insuffisances de ces codes.

IV.3.3 Les codes portant sur la gestion des ressources halieutiques : rapports et insuffisances avec le contexte empirique de l'étude

Nous convoquons ces codes dans l'objectif d'établir leur rapport avec l'imaginaire symbolique des populations du canton sur la gestion durable des ressources aquatiques. Après les avoir présentés, nous essayon ensuite de les revisiter en y relevant quelques insuffisances.

3. 3.1 Le rapport entre les codes et la pensée symbolique des populations

Le code de conduite pour une pêche responsable37(*) qu'a proposé la FAO (organisation des fonds alimentaires) le 30 Octobre 1995 à Rome soutient à la première page de son introduction que : « La pêche, y compris l'aquaculture, apporte une contribution fondamentale à l'alimentation, à l'emploi, au loisir, au commerce et au bien être économique des populations du monde entier, qu'il s'agisse des générations présentes ou futures, et devrait par conséquent, être conduite de manière responsable. Ce code a des principes internationales de comportement pour garantir des pratiques responsables en vue d'assurer la conservation, la gestion et le développement des ressources bio aquatiques, dans le respect des écosystèmes et de la biodiversité... ».

Nous pouvons retenir qu'au centre de ce code se trouve la gestion durable ou responsable des ressources naturelles aquatiques à travers le monde entier. Autrement dit, ce code reconnait certes que les ressources aquatiques sont renouvelables en elles-mêmes, mais ne sont pas infinies. De là, certains comportements et techniques sont à proscrire ou à recadrer à l'échelle mondiale dans le cadre de la pêche. Même-si le besoin nutritionnel, environnemental, social et culturel est plus que présent par rapport aux intérêts de tous ceux qui sont concernés par ce secteur, ce code de conduite se présente comme un garant de la durabilité des ressources aquatiques.

Quant au code gabonais des pêches et de l'aquaculture de la loi n°015 publié en 2005, il porte également sur la question de la gestion durable des ressources. Les articles 2 et 9 du dit code stipulent respectivement à ce sujet que : « Le présent code est l'ensemble des règles applicables aux activités de la pêche et de l'aquaculture pour une gestion durable des ressources halieutiques »38(*)  et que : « La gestion durable des ressources halieutiques doit intégrer un programme de développement et d'exploitation rationnelle des activités du secteur de la pêche et de l'aquaculture »39(*). On comprend donc que la question de la durabilité des ressources naturelles est très importante.

Nous sommes en présence d'un imaginaire socioculturel du rapport rationnel à l'environnement car, le domaine halieutique ou marin tout comme celui forestier, est de ce fait une préoccupation qui actuellement est au centre des politiques environnementales au Gabon et ailleurs. Cependant, l'accès à ces ressources nécesite des techniques que les populations sollicitent au ryrhme des saisons de pêche. C'est en effet le bon usage de la technique et le respect de toutes autres connaissaces connexes à la pratique de la pêche qui amène à La gestion durable des ressources que prônent les codes. C'est une représentation qui a toujours encadrée les pratiques sociales en milieu rural. Les techniques mises en place pour ce faire sont donc dominées par cette vision sociale.

A travers des techniques de pêche ``rudimentaires'' amenant à une pêche parcimonieuse, nous parvenons à une ``pêche responsable'' qui reste encore présente aujourd'hui come par le passé. Selon nos interlocuteurs, le canton Ntem1 en général était déjà inscrit dans cette logique depuis les ancêtres. Cette représentation culturelle entoure la pêche et ses techniques. Autrement dit, la prise de conscience sur l'utilisation avec précaution des patrimoines forestiers et aquacoles précède ces deux codes de dix et vingt ans de formulation.

Nous reconnaissons l'exhaustivité de ces codes. Du moins, quelques insuffisances sont à souligner.

3.3.2 Quelques insuffisances des codes

Ces codes ne mentionnent dans aucun de leurs multiples articles l'apport ou encore la place des logiques culturelles (fonctions, croyances, interdits, rituels, foncier, normes coutumières, etc.) que les populations mettent en oeuvre surtout en milieux ruraux pour traduire à leurs manières la gestion durable des ressources naturelles. Ils n'abordent pas de représentations ni des fonctions symboliques de la pratique. Ils ne donnent que des principes généraux connus. Ainsi, certaines ethnocultures ne se sentent pas concerner par ces codes. D'autres encore ignorent même leur existance. Ils préfèrent exercer la pratique de la pêche selon leurs savoirs et savoir-faire endogènes.

Dans le cas du Gabon, un tel code doit être revisité. Il doit normalement être formulé après une longue démarche empirique de la pêche à l'échelle du territoire tout entier. Les logiques culturelles de populations locales doivent participer à ce genre d'initiative. Les autorités étatiques doivent travailler en toute cordialité avec les populations locales porteuses de ces connaissances endogènes. Ella Mvola précise que :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Biayeme na ngômane abele metsing meigne awulu-mô. Ve bîne ôné, metsing meté makuigne ki-va. Biayeme-ki meva. Biayop ya avale bitsira bengue lighe biè. Bia yop amu bine ntumu, ya avale bengue ayéghé biè.

1 Nous savons que les autorités administratives ont leurs lois. Mais ces lois n'arrivent jusqu'ici, nous ne les connaissons même pas. Nous pêchons tels que nous l'ont enseignés nos ancêtres. Nous pêchonen tant qu'ntumu ; tel qu'on nous l'a montrés.

2 Biki ya émame messe mevôh éme biawulu yamô éyong bia yop. Ngômane abeki assô-vâ na âzu biè adzo anoso-anokâ abe dzame miyop ngue melok. Biayop ya avale bia yeme.

2 Nous pêchons avec les interdits et les autres connaissances culturelles. Une quelconque autorité n'est jamais venue ici pour nous dire quoi que ce soit en rapport avec la pêche féminine ou masculine. Nous pêchons avec nos connaissances culturelles.

3 Eyong-ézing ébot bebele bitam bikuas ébe batsiè ya ngomane...

3 Je pense plutôt que ce sont ceux qui ont des étangs de poissons qui traitent avec ces autorités.

Cet extrait d'entretien nous rapporte une des insuffisances des codes de pêches établis par les autorités administratives. De fait, il en ressort que les populations locales pêchent indépendament des lois ou codes de pêche. Elles pêchent en se basant sur les logiques endogènes. Ceci confirme que les codes sont des principes généraux et ne prennent pas en compte les logiques populaires. Du moins, cet interlocuteur souligne que les autorités des pêches sont plus en contact avec les pisciculteurs. Mais nou retenons en général que le seul rapport en vigueur est celui de l'idée de gestion durable des ressources halieutiques au-delà de la non adéquation des codes et des logiques symboliques villageoises.

Par ailleurs, les codes de pêche proscrivent certaines techniques de pêche à cause de leur accumulation de ressouces ou leur impact à l'écosystème marin. A ce niveau, nous trouvons aussi une inadéquation. Nous relevons sous l'apui de nos interlocuteurs que ces techniques sont pratiquées avec dextérité à des endroits bien choisis dans les cours d'eau. Les populations en ont bien conscience de ce type d'agissement. Il s'agit surtout de la technique du (ndawola ntangane) qui est le nom même de la plante itchytoxique qui sert à empoisonner une portion d'eau choisie. Le poisson capturé de cette technique est souvent fumé avant de le consommer, au risque de contracter dans l'imédiat les représailles du poison.

Mais, c'est tout aussi une technique réfléchi pratiquée par les femmes. Elles ne la pratiquent que dans un cours d'eau qui coule, de manière à ce que le portion de plan d'eau choisie se régénère en dissipant le poison facilement. Nzang Nguema Généviève souligne à cet effet que :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Bafuk ndawola ovume ochigne walote. Bafuk kigne avume mendzime meteme. Amuna éyong mendzime malote, massigui ya ndawola akuigne ane amane. Edzome assesse éné ovume ndawola ane d'abili.

1 On pratique le ndawola à un endroit où l'eau circule. On ne le pratique à un endroit où l'eau est stagnée. Parce que lorsque l'eau circule, cela dissipe le poison jsqu'à épuisement. Tout ce qui se trouve à l'endroit du poison s'affaiblit.

2 Biyong bizing bewula ayek myokh okuigne ya nkeigne éyonté bafuk ndawula. Eyong mendzime meté massighi, kuass d'ake d'awu akui ane amane.

2 Parfois, on peut faire des barrages en amont et en aval du cours d'eau et y pratiquer le ndawola. Mais quandd cette eau coule en aval, le poisson et autres anamaux marins sont affaiblis et capturés.

3 Anebo melu mela ngue ngura sônô.

3 Le poison peut durer trois jours à une semaine au plus.

Il s'agit ici des détailles que les lois des codes doivent prendre en compte avant d'interdire une technique. Dans le cas de la technique du ndawola, nous comprenons qu'une jachère est obligatoire pour la zone du cours d'eau qui a reçue la poison de la plante. Du coup, si on n'est pas de la même culture on pensera que la technique est à proscrire, alors qu'il y a toute une manière de faire qui accompagne son utilisation.

Nous pensons plutôt que, nous sommes toujours en présence d'une culture qui connait le sens de la durabilité des ressources et nous convenons d'avantage avec ce concept de pêche responsable préconisé par la FAO. Certes la question de la durabilité est d'actualité mais, nombres de populations en avaient déjà conscience d'une manière ou d'une autre. De ce fait, les représentations soujacentes aux techniques de pêche devraient intégrer ces Codes de pêche et d`aquaculture car, c'est par elles que la gestion à long terme des ressources serait plus qu'évidente et possible.

Au terme de ce chapitre, nous retenons qu'il était question des représentations c'est à dire des constructions symboliques et mentales qui cernent la pratique de la pêche via ses techniques. Les savoir-faire liés à la pêche sont ainsi encadrés à long terme par les logiques culturelles à savoir : l'imaginaire de l'eau, une pêche de subsistance, une pêche parcimonieuse et une pêche durable. D'une manière respective, l'eau est l'élément clé de la pêche, c'est elle qui abrite les poissons. De plus elle est un élément symbolique car pourvoyeuse de vie et de mort.

L'idée d'une pêche de subsistance nous a amenée à la question de la faible portée des techniques de pêche. Il s'agit des techniques qui ne nécessitent pas de grands investissements. Mais leurs outils sont néanmoins efficaces, performantes et relèvent tout aussi une certaine vulnérabilité. Nous avons vu que cette idée de subsistance se traduit aussi par l'emploi de la force humaine comme principale source énergétique dans la pratique de la pêche. A cela s'est ajoutée la forte présence des rapports de parenté qui sont aussi un facteur de cette subsistance.

Quant à l'idée d'une pêche parcimonieuse, elle s'appuie surtout sur la gestion minutieuse des ressources aquatiques. Elle se traduit par le principe de la jachère des eaux et du respect du cycle des saisons de pêche. Nous avons compris à ce niveau qu'aucune technique n'est mauvaise en soi dans l'accès aux poissons, c'est plutôt le pêcheur qui emploie la technique qui est responsable par rapport à la quantité ou au type de poisson sollicité. C'est lui qui doit avoir la notion de la parcimonie. Cependant, ce chapitre nous a conduit à réaliser que les idées de pêche de subsistance et de pêche parcimonieuse donnent lieu à une autre logique soujacente qui est l'idée de durabilité des ressources.

L'idée durable de la pêche est présente à travers la survie à long terme des techniques et outils de pêche d'une part puis la gestion réfléchie de des ressources naturelles via ces mêmes techniques au fil des générations. D'où le lien avec les codes que nous avons convoqué. Il s'agit du ``code de conduite de pêche responsable'' de la FAO et celui de la pêche et aquaculture du Gabon. Mais ce chapitre nous a également montré que ces codes de pêche présentent des insuffisances car ne prennent pas en compte les représentations qu'une quelconque population peut construire autours de sa pêche. Or, c'est à partir de là que ces codes devraient être renforcés.

CONCLUSION GENERALE

Cette étude a porté sur les rapports sociaux et symboliques des populations du Ntem1 aux techniques de pêche. Ce travail a inventorié, décrit et a analysé ces techniques de pêche avant de montrer les représentations socio-symboliques qui les entourent chez les Fang ntumu du canton Ntem 1. A travers l'anthropologie des techniques, ce travail met en relief le rapport de l'homme à la technique qu'il produit et aussi son rapport aux cours d'eau qui l'environnent. C'est de ces rapports que nous avons ressorti les représentations et imaginaires qui entourent les techniques de pêche. Ainsi, la pensée de l'homme de se nourrir, de s'alimenter en ressources halieutiques institue-t-elle les techniques. Les représentations et imaginaires quant à eux, encadrent et donnent du sens aux techniques. C'est alors à ce niveau que nous retrouvons le rapport direct de la technique à la representation qui l'entoure car c'est l'homme lui-même qui l'établit.

Nous avons d'abord convoqué André Leroi Gourhan et André Georges Haudricourt pour des questions se rapportants aux connaissances techniques. C'est à partir d'eux que nous déterminons le rapport à la technique et le champ théorique de l'anthropologie des techniques. Quant aux rapports aux cours d'eau et les pensées symboliques soujacentes aux techniques de pêche, nous avons convoqué Cornélius Castoriadis et Maurice Godelier sur leurs approches complémentaires à la question de l'imaginaire social. C'est à partir de cet imaginaire que nous avons donc ressorti les représentations sociales, les schèmes de pensées ou les idées qui encadrent ces techniques de pêche.

Au canton Ntem 1, nous avons compris qu'il s'agit d'une pêche traditionnelle et moderne, c'est-à-dire qu'elle regroupe désormais les outils naturels et traditionnels puis certains outils modernes. On voit alors les savoirs traditionnels et modernes en symbiose au point de produire une pêche hybride, dont l'objectif est dans le maintien des savoirs endogènes et ancestraux. Bien que rudimentaires, les techniques de pêche qui sont employées ne sont pas des simples productions matérielles mais, des constructions munies d'imaginaires dans l'accès aux ressources halieutiques. Cela nous a alors amené à regrouper un ensemble d'expressions rattachées à la pratique de la pêche dans l'objectif de formuler un lexique de pêche.

Dans cette étude, le rapport de la technique à la représentation qui l'encadre se justifie clairement. Une technique est toujours accompagnée de représentations à travers lesquelles elle s'exprime. Parmi les fonctions des techniques de pêche, nous retenons la fonction économique qui reste en effet la plus visible à travers ses facteurs de production, consommation et commercialisations des ressources. Il apparait à ce niveau une véritable anthropologie économique. Quant aux représentations et imaginaires, ils se résument tous à la gestion durable des ressources. Nous dirons même que c'est la principale représentation qui cerne la pêche et ses techniques. Dans ce sens, la pêche dans le canton Ntem1 en général respectait déjà depuis longtemps l'environnement naturel aquatique.

Les codes de pêche et de l'aquaculture du Gabon (1995) et de la FAO (2005) sont des formulations administratives qui n'apportent que des notions déjà connues des populations sous une autre forme. C'est dire alors que la notion de durabilité n'est pas étrangère aux populations rurales locales car les logiques ou représentations qu'elles ont toujours construites autour de leurs pratiques culturelles (la pêche, chasse, agriculture...) prônaient déjà une certaine durabilité. Ces populations avaient déjà le souci des générations futures. C'est d'ailleurs à ce niveau que se trouve l'essentiel de la critique que nous portons à ces codes. Ils ne prennent pas réellement en compte les représentations qui sont même à la base de cette pratique, ils ne se limitent qu'aux techniques et accessoires utilisés dans la pêche.

Si chaque société a un code de pêche tel qu'au Gabon par exemple, il faudrait encore entrer dans les dérailles de manière à intégrer dans ce code, les connaissances endogènes que les acteurs de cette pratique construisent autour de la pratique. Ceci amènerait à renforcer le code car chacun sera impliqué en fonction des logiques qu'il maitrise sur la pratique. A partir de ce moment, la question de la durabilité sera pleinement prise en compte à l'échelle du pays. Lorsqu'un étranger viendra pour pêcher par exemple, il devra d'abord être imprégner des représentations sur la pratique dans le pays d'accueil dans le but de les lui faire assimiler, hormis l'autorisation administratif légale. Cela évitera d'enregistrer davantage le type de comportement des chinois par exemple qui raflent tout avec leurs technologies dans les eaux côtières.

Au demeurant, nous avons théorisé sur le rapport à la technique en passant par le rapport de la technique à sa représentation dans la pratique de la pêche traditionnelle et moderne en milieu rural. Le contexte général de l'étude est donc celui d'une pêche aux techniques et représentations distinctes. Etant donné de l'apport empirique et scientifique de cette étude, nous pensons par ailleurs à un ellargissement de la question en s'intéressant simultanément à la pêche industrielle et à la pêche traditionnelle et moderne. Il s'agit d'une perspective de thèese de doctorat. L'objectif de cette approche serait donc une analyse comparée des imaginaires et représentations qui encadreraient les deux types de pêche sur la base des rapports aux techniques de pêche des acteurs sociaux, des ressources halieutiques et lois administratives en vigueur au Gabon.

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OTOGHO Paulin, 43 ans environs, de nationalité gabonaise, du clan esseng, consommateur, à Eboro-Ntem le 30/08/2014.

MENGUE Marie Justine âgée de 58 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essandone, Consommatrice et pêcheuse occasionnelle, Bitam le 30/08/14.

MEYE ME-ENGOUANG Willy, 32 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essandone, pêcheur occasionnel à Eboro-Ntem le 10/09/2014.

MVE, âgé de 50 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essandone et pêcheur occasionnel, Bitam le 03/10/2014.

NKOUNA OBIANG Fabrice, de nationalité gabonaise, 42 ans environ, du clan essandone à Eboro-Ntem le 16/10/2014.

OBIANG NGUEMA Raymond, 55 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essandone, consommateur et pêcheur occasionnel, Bitam le 20/10/2014.

NSOUROU Berthille, 52 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan esseng, pêcheuse occasionnelle et consommatrice, Bitam le 20/10/14.

MENIE, 43 ans environ, de nationalité gabonaise, consommateur et pêcheur occasionnel, à Bikass le 13/11/2014.

ELLA MVOLA Théophile, 55 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essabeigne, pêcheur et chasseur permanant à Akam-si, le 06/09/2015.

EKOTO Anne, 70 ans environ, de nationalité camerounaise, consommatrice et ancienne pêcheuse, à Bitam le 03/11/2014.

ENGUANG Emmanuel, 68 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essandone, ancien pêcheur permanant, à Eboro-Ntem le 11/09/2014.

ASSENGONE NKOULOU Florence, 63 ans environ, retraitée de nationalité gabonaise, du clan essandone, consommatrice et ancienne pêcheuse occasionnelle. Bitam le 27/09/2015

NTSAME, 50 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essabeigne, pêcheuse occasionnelle, à Eboro-Ntem le 13/09/2014.

ZANG NGUEMA Géneviève, 55 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essandone, consommatrice et pêcheuse d'occasion, Bitam le 07/08/2015.

NKOGHE MILAMA, 48 environ, de nationalité gabonaise, du clan effak, chasseur et pêcheur permanant, Bitam le 28/08/2014.

ZE Evariste, 35 ans environ, de nationalité camerounaise, pêcheur-chasseur, Bitam le 03/09/2014.

ABESSOLO Vivien, 28 ans environ, de nationalité gabonaise, clan essabeigne, consommateur et pêcheur occasionnel, à Eboro-Ntem le 30/09/2015.

III- Table des photographies

Photographie 1 : Poste de Douane gabonaise à Eboro-Ntem, cliché d'ondo Obame, le 13 Août 2015, p23

Photographie 2 : Poste de Gendarmerie nationale à Eboro, cliché d'ondo Obame, le 13 Août 2015, p24

Photographie 3 : Agence de sécurité alimentaire à Eboro-Ntem (2015), p26

Photographie 5 : Brigade du ministère des commerces à Eboro-Ntem, cliché d'ondo Obame, le 13 Août 2015, p26

Photographie 4 : Douane gabonaise à Eboro-Ntem, le 13 Aoùt 2015, p27

Photographie 6 : Vue d'une pêche féminine à Eboro-Ntem, cliché d'Ondo Obame, le 23 Juillet 2014, p31

Photographie 7 : Un villageois pointant sa journée à une des barrières du village, le 13 Août 2015, p32

Photogaphie 8 : Alignement de petits bars-restaurant à Eboro, cliché d'Ondo Obame, le 13 Août 2015 à Eboro, p32

Photographie 9 : Point de vente de produits commerciaux divers à Eboro-Ntem le 13 Août 2015, p33

Photographies 10 : Le pont du fleuve Ntem, cliché d'Ondo Obame, le 13 Août 2015 à Eboro, p35

Photographie 11 : La rivière mvéze, cliché d'Ondo Obame, le 08 Août 2015, p36

Photographie 12 : Une épuisette (ayah), cliché d'Ondo Obame, le 07 Septembre 2015 à Eboro, p42

Photographie 13 : L'hameçon (assong n'yôp), cliché d'Ondo Obame, le 18 Juillet 2014 à Eboro, p43

Photographie 14 : Outils et techniquespêche aux piquets (bingak), cliché d'Ondo Obame, le 07 Septembre 2015 à Eboro, p43

Photographie 15 : Une nasse (tâne), cliché d'Ondo Obame, le 08 Octobre 2015 à Eboro, p44

Photographie 16 : Des limaces (éyôhô), cliché d'Ondo Obame, le 08 Octobre 2015 à Eboro, p49

Photographie 17 : Des escargots (kuêgne), cliché d'Ondo Obame, le 18 Juillet 2014 à Eboro, p49

Photographie 18 : Des lombriques (zeeh), cliché d'Ondo Obame, le 02 Novembre 2015 à Akame-si, p50

Photographie 19 : Des brochets ou ablettes, cliché d'Ondo Obame, le 02 Novembre 2015 à Akame-si, p52

Photographie 20 : Un sans-nom pêché au fleuve Ntem, cliché d'Ondo Obame, le 02 Novembre 2015 à Akame-si, p53

Photographie 21 : Tas de poissons divers, cliché d'Ondo Obame à Eboro le 26 Juillet 2014, p54

Photographie 22 : Paquets de poisson proposé à 1500f, cliché d'Ondo Obame à Eboro le 02 Août 2015, p71

Photographie 23 : Paquet de poisson proposé à 2000f, cliché d'Ondo Obame à Eboro le 02 Août 2015, p72

Photographie 24 : Vue d'un fiss sur la rivière melôh à Eboro-Ntem, cliché d'Ondo Obame le 26 Juillet 2014, p83

Photographie 25 : Vue d'un ensemble d'étangs de poissons à Bitam-centre, le 09 Septembre 2015, p85

Photographie 26 : Des villageois sur le rivage du fleuve Ntem, le 07 Septembre 2015, p95

IV- Table des tableaux 

Tableau 1 : La conceptualisation, réalisation d'Ondo Obame (2015), p13

Tabeau 2 : L'échantillon de l'étude, réalisation d'Ondo Obame (2015), p19

Tableau 3 : Les techniques de pêche employées dans le canton, réalisation d'Ondo Obame (2015), p41

Tableau 4 : Répartition genrée des techniques et outils de pêche, réalisation d'Ondo Obame (2015), p46

Tableau 5 : Correspondance entre appâts, poissons et techniques de pêche, réalisation d'Ondo Obame (2015), p47

Tableau 6 : Les espèces halieutiques réalisation du canton, réalisation d'Ondo Obame (2015), p51

Tableau 7 : Repartition des techniques de pêche sur le critère de quantité, réalisation d'Ondo Obame (2015), p57

Tableau 8 : Repartition des techniques de pêche sur le critère du genre, réalisation d'Ondo Obame (2015), p57

Tableau 9 : Repartition des techniques de pêche sur le critère du nombre réalisation d'Ondo Obame (2015), p58

Tableau 10 : Repartition des techniques de pêche sur le critère de conservation réalisation d'Ondo Obame (2015), p59

Tableau 11 : Repartition des techniques de pêche sur le critère de temporalité, réalisation d'Ondo Obame (2015), p59

Tableau 12 : Repartition des techniques de pêche sur le critère de saison, réalisation d'Ondo Obame (2015), p60

Tableau 13 : Quelques interdits du pêcheur et leurs conséquences, réalisation d'Ondo Obame (2015), p80

Tableau 14 : Quelques interdits du consommateur, réalisation d'Ondo Obame (2015), p82

Tableau 15 : Paroles d'un chant de pêche féminine, réalisation d'Ondo Obame (2015), p89

Tableau 16 : Quelques poissons thérapeutiques, réalisation d'Ondo Obame (2015), p91

V. Table des annexes

Annexe 1

-Le Code de pêche et de l'aquaculture du Gabon, loi n°015, 2005, 15p. 113 articles.

Annexe 2

- Le Code de conduite pour une pêche responsable, la FAO, 1995 à Rome, 8 articles, 27 pages.

Annexe 3

- Le Code gabonais de l'environnement, loi n°16/93 26 Août 1993, relativement à la production et l'amélioration de l'environnement, 96 articles, 5p.

Annexe 4 

Le guide d'entretien

I Identification de l'interlocuteur

- Nom (s) et Prénom (s)

- Age

- Nationalité

- Profession

- Clan

- Village

II Le canton Ntem 1

- Situation géographique

- Peuplement

- Organisation sociale

- Economie

- Hydrographie

III Les connaissances liées aux techniques de pêche

- Ancienneté dans la pratique de la pêche

- Définition de la pêche

- Définition d'une technique de pêche

- Aperçu historique de la pratique

- Les différentes techniques et outils de pêche employés (féminin et masculin)

- Raisons de la pratique de la pêche

- Le campement

- Préparation, organisation et apprentissage des techniques de pêche

- Le pêcheur

- Termes et expressions propres à la pêche

- Saisons, temporalités et dangers de la pratique

- Les cours d'eau et les espèces halieutiques

- Le rapport aux poissons

- Les notions d'interdit, fétiche, prière, jachère, foncier de l'eau, etc. au sein de la pêche

- Les situations de pratique

- Normes coutumières et lois administratives (code de pêche)

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE................. ............................................6

1. Approche Théorique...................................................................8

1.1 Objet d'étude : les techniques de pêche...........................................................8

1.1.1 Contexte général de l'étude.......................................................................9

1.2 Le champ de la recherche............................................................................9

1.2.1 Cadre théorique....................................................................................9

1.2.2 Zone d'étude......................................................................................10

1.3 La conceptualisation...............................................................................13

1.3.1 Définition des termes : Technique et Pêche......................................................13

1.3.2 Le concept Ayôp.................................................................................15

1.4 Etat de la question......................................................................................17

1.5 Problématique et hypothèses.....................................................................19

2. Approche méthodologique...............................................................................20

2.1 Techniques de collectes et échantillon................................................................20

2.2 L'enquête............................................................................................21

2.3 La méthode de l'analyse des contenus comme technique de traitement des données

..............................................................................................................22

PREMIERE PARTIE : Description des lieux, inventaire et analyse des techniques au canton Ntem 1.................................................................24

Chapitre I : Présentation et organisation administrative du canton........................25

I.1 Situation géographique du canton......................................................................25

I.2 Peuplement du canton..... .................................................................................27

I.3 Organisation administrative et caractéristiques...................................................27

I.4 Economie du canton......................................................................................29

4.1 L'agriculture.............................................................................................30

4.2 La chasse.................................................................................................31

4.3 La pêche..................................................................................................31

4.4 Les autres activités économiques......................................................................32

I.5 Hydrographie du canton ..................................................................................34

Chapitre II : Inventaire et analyse des techniques de pêche .................................38

II.1 Une pêche traditionnelle et moderne  ......................................................................38

II.2 Inventaire des techniques de pêche en milieu Ntemois..........................................40

2.1 Typologie des techniques de pêche..................................................................40

2.2 Les outils utilisés dans l'utilisation des techniques de pêche...................................44

2.3 Cours d'eau et prélèvement de la ressource.......................................................49

2.4 Le campement : lieu d'une pêche particulière.....................................................53

II.3 Un espace de production et d'organisation des techniques de pêche.........................55

3.1 Le critère de quantité.................................................................................55

3.2 Le critère de genre.....................................................................................56

3.3 Le critère de nombre..................................................................................56

3.4 Le critère de conservation...........................................................................57

3.5 Critère de temporalité.................................................................................57

II.4 production d'un lexique endogène de la pêche....................................................59

DEUXIEME PARTIE : Regard diachronique des fonctions et représentations culturelles des techniques de pêche à Ntem 1......................63

Chapitre III : Techniques de pêche et fonctions culturelles..................................64

III. 1 Fonctions économiques des techniques pêche..............................................64

1.1 La production des ressources halieutiques...................................................................64

1.2 Le principe de consommation.................................................................65

1.3 La notion d'échange............................................................................66

III.2 Du religieux dans la pratique de la pêche.................................................69

2.1 Le fétiche ou le médicament.......................................................................70

2.1.1 L'homme fétiche..................................................................................70

2.2 La dimension de la prière............................................................................71

2.3 La question des interdits...........................................................................74

2.3.1 Les interdits du pêcheur..........................................................................74

2.3.2 Les interdits du consommateur...................................................................74

III.3 Technique de pêche et enjeux foncier.......................................................77

3.1 La technique du fiss et le principe de propriété..................................................78

3.2 Le droit de ``part du propriétaire''................................................................79

III.4 La pêche : une pratique socialisante........................................................81

4.1 La formation de l'homme à travers l'apprentissage des techniques...........................81

4.2 Une socialisation par le chant : la notion de solidarité...........................................82

Chapitre IV : Les techniques de pêche : représentations et imaginaires symboliques.................................................................................................87

IV.1 La pêche dans l'imaginaire de l'eau ........................................................87

1.1 Les usages de l'eau................................................................................88

1.2 Eau : pourvoyeuse de vie et de mort..........................................................89

IV-2 Une pêche de subsistance et parcimonieuse...............................................90

2.1 Une pêche de subsistance..........................................................................91

2.2 La pêche parcimonieuse.................................................................... .........92

2.2.1 La jachère des eaux et saisons de pêche...........................................................93

IV-3 Techniques de pêche durabilité des ressources..............................................96

3.1 L'idée de durabilité : une représentation au centre des techniques et ressources halieutiques................................................................................................96

3.2 Les codes portant sur la gestion des ressources halieutiques : rapports et insuffisances avec le contexte empirique...............................................................................96

3.2.1 Le rapport entre les codes et la pensée symbolique des populations.......................96

3.3 Quelques insuffisances des codes................................................................97

CONCLUSION GENERALE.......................................................................102

Sources bibliographiques............................................................................104

Sources orales............................................................................................107

Table des photographies..............................................................................108

Table des tableaux......................................................................................109

Table des annexes......................................................................................111

Guide d'entretien......................................................................................113

Mots clés : Techniques, pêche, traditionnelle, moderne, représentations, imaginaires, fonctions, inventaire, ressources aquatiques, diachronie, rapports, subsistance, parcimonie, durabilité, culture, etc.

Résumé

Les hommes ont communément institué à partir de leurs représentations sociales des techniques de prélèvement de ressources naturelles afin de répondre à leurs besoins. Qu'il s'agisse de l'agriculture, la chasse, la cueillette ou de la pêche, les techniques sont utilisées avec des outils appropriés dans l'objectif d'atteindre la ressource sollicitée. Mais, ce rapport aux techniques en général et particulièrement aux techniques de pêche, relève cependant toute une construction symbolique. Il s'agit des constructions soujacentes qui soutendent les techniques de pêche.

De fait, toute technique est encadrée de représentations et imaginaires à partir desquels elle s'exprime et peut être comprise. Le cas de la pêche qui est au centre de cette étude permet ainsi de déterminer ces différents aspects. Cette étude offre une analyse des techniques de pêche à partir des systèmes de pensées des populations dans le rapport aux techniques d'une part et dans le rapport aux ressources naturelles halieutiques d'autre part.

Partant du contexte d'une pêche aux techniques et représentations distinctes au Gabon, ce travail soutient que la gestion à long terme des ressources naturelles en générale repose sur les représentations et imaginaires (logiques soujacentes) qui encadrent les techniques utilisées dans chaque pratique sociale au sein d'une ethnoculture donnée.

Keys words: Technique, fishing, traditional, modern, representations, imaginaries, functions, inventory, aquatic's resources, relations, subsistence, parsimoniousness, durability, culture, etc.

Abstract

Men have commonly instituted from social representations of the natural techniques of taking away of resources in order to answer what they need. That it is about agriculture, picking, goes hunting or goes fishing, techniques are used with their tools suit in the objective to reach the resource request. This report to techniques in general and particularly to techniques of fishing has however a symbolic construction

In fact, every technique is framed by representations and imaginary from what it could be expressed and apprehended. At the focus of this study, fishing case permits to determine that deferent's points. This study offer fishing techniques analysis from people's thinking systems in first part about techniques reports and another part about natural's aquatics resources.

Goes from fishing context through distinct techniques and representation in Gabon, this study holds that the natural's resources lasting management is based on representations and imaginaries which frame used techniques about every socials practice concerning a cultural group.

* 1 Enguang Emmanuel, agé de 68 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essandone, ancien pêcheur permanant, à Eboro-Ntem le 11/09/2014.

* 2 Minyôp : terme globalisant de la pêche masculine en fang.

* 3 Melok : technique de pêche féminine en fang ntumu. Elle désigne la technique par barrage.

* 4 Messama : technique de pêche féminine en fang ntumu. Elle désigne la technique à la nasse.

* 5 Abula : technique de pêche féminine en en Fang Ntumu. Elle désigne la technique collective à la nasse.

* 6 Tonga ou îles Tonga, royaume polynésien dans l'océan pacifique, à environ 650 km à l'Est des îles Fidji, comportant plus de 170 îles et îlots, répartis en trois archipèls principaux.

* 7 Lac Tumba est un lac situé dans la province de l'Equateur en République Démocratique du Congo. Il se trouve entre Mbandaka et la lac Mai-Ndambe

* 8 Angue Marie Justine, est âgée de 58 ans environ, de nationalité gabonaise, mère de famille, du clan Essandone et retraitée de la fonction publique. Elle est cultivatrice et praticienne de la pêche. Le 30 Août 2014 à Bitam.

* 9 Ekoto Anne, épouse Nguema Nkoulou, âgée de 70 ans environ, de nationalité camerounaise, du clan bulu, cultivatrice et praticienne de la pêche. Le 03 septembre 2014 à Bitam.

* 10 Odzamboga : un des mythes fondateurs des pratiques socioéconomiques fang dont le cas de la pêche.

* 11 Willy Meye Me Engouang, âgée de 32 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essandone et praticien de la pêche. Le 10 septembre 2014 à Eboro-Ntem.

* 12 Economie sociale : concept dévéloppé par Arjun Appaduraî. Il regroupe un ensemble de coopératives, mutuelles, associations, syndicats et fondations, fonctionnant sur des principes d'égalité des personnes, de solidarité entre membres et d'indépendance économique.

* 13 Hybride : concept dévéloppé par Stéphanie Nkoghe (2011) et qui signifie le mélange de deux réalités différentes.

* 14 Mvé Alban, âgée de 40 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan Essandone, consommateur praticien occasionnel de la pêche. A Bitam le 03 Octobre 2014.

* 15 Nkouna Fabrice, âgé de 40 ans environ, de nationalité gabonaise, pêcheur-chasseur au canton Ntem 1. Mitzic le 18/08/2014

* 16 Obiang Nguema Reymond, âgé de 55 ans environ, de nationalité gabonaise, praticien de la pêche. Bitam le 09/11/14.

* 17 Nsourou Ondo Berthille, âgée de 54 ans environ, de nationalité gabonaise et mère de famille. Elle est praticienne de la pêche féminine.

* 18 Menie Charles, âgée de 53 ans environ, de nationalité gabonaise, consommateur et praticien occasionnel de la pêche. A Bikass dans le même canton d'Eboro-Ntem le 13/11/14.

* 19 Théophile Ella Mvola, agée de 53 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essabeigne et pêcheur - chasseur à Akame-si. Le 06/09/2015 à Akam-si, près d'Eboro-Ntem.

* 20 La tontine est un contrat aléatoire correspondant au financement collectif de l'achat d'un actif financier ou d'un bien dont la propriété revient à une partie seulement des souscripteurs.

* 21 Assengone Nkoulou Florence, agée de 64 ans environ, de nationalité gabonaise et retraitée de la fonction publique, du clan Essandone et ancienne praticienne de la pêche. Bitam le 27/09/15.

* 22 L'Evüs désigne, une énergie, une puissance, une force ou un pouvoir logée dans l'abdomen de tout individu.

* 23 Melane : ancien rite initiatique masculin chez lez Fang ntumu du Gabon.

* 24 Ngil : rite initiatique masculin des Fang ntumu du Gabon

* 25 Andécolgu : ancien rite itiatique masculin des Fang ntumu du Gabon

* 26 Meburu : ancien rite initiatique féminin des Fang ntumu du Gabon

* 27 Ntsame Micheline, agée de 53 ans environ, de nationalité gabonaise, cultivatrice et praticienne de la pêche, du clan Essabeigne à Akam-si. Le 13/09/14

* 28 Abessolo Vivien, agé de 28 environ, de nationalité gabonaise, du clan essabeigne, pêcheur occasionnel, Eboro-ntem le 30/09/2015.

* 29 Zang Nguema Géneviève, agée 55 ans environ, de nationalité gabonaise, consommatrice et praticienne de la pêche par occasion. Bitam le 07/08/14.

* 30 Nkoghe Milama, agée de 48 environ, de nationalité gabonaise, du clan effak, chasseur et pêcheur permanant, Bitam le 28/08/2014.

* 31 Nganga : individu muni de connaissances thérapeutiques et parfois sorcellaires.

* 32 Zé Evariste, 35 ans environ, de nationalité camerounaise, pêcheur-chasseur, Bitam le 03/09/2014.

* 33 Pêche responsable In FAO, Code de conduite pour une pêche responsable. Rome, le 30 Octobre 1995, 12articles, 46p

* 34 Mougangué Jean Bertrand, environ 30 ans de nationalité gabonaise, du clan ndjobè, du totem la montagne.

* 35 Code de conduite de la pêche artisanale responsable, établi par la FAO le 30 Octobre 1995.12 articles.46p

* 36 Code gabonais des pêches et de l'aquaculture, loi n°015/ 2005. 113 articles, 15p.

* 37 Ibid.

* 38 Article 2 du Code gabonais des pêches et de l'aquaculture, loi n°015/2005. 113 articles, 15p.

* 39 Article 9 du Code gabonais des pêches et de l'aquaculture, loi n°015/2005, 113 articles, 15p.






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