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La marque de l'impermanence dans les expositions du palais de Tokyo

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par Thomas Bizien
Université Paris III - Sorbonne Nouvelle - Master de médiation culturelle 2010
  

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III.3 Entropie et dépérissement écologique

En 2004, Nicolas Bourriaud provoquait en un face à face percutant une oeuvre de Michel Blazy, une autre de Tetsumi Kudo. Comme vu précédemment, Michel Blazy use de l'éphémère de la matière organique pour mettre au point des sculptures évolutives, qui incluent dans leurs développements, les fluctuations du temps. Mais si ici le processus d'altération physique des oeuvres constitue un effet lyrique de disparition, l'oeuvre de Tetsumi Kudo use de l'impermanence dans un but plus politisé. Marqué par les bombardements atomiques de la seconde guerre mondiale, l'artiste japonais place sous fioles de verres des plantes, fioles auxquelles l'artiste adjoint le pot d'échappement d'une voiture qui tourne moteur allumé. La plante se courbe sous l'effet du gaz, avant que la fiole ne devienne toute noire. Ses travaux les plus connus, comme Pollution-cultivation-nouvelle écologie (1971) présenté au Palais de Tokyo, sont autant de cage d'oiseaux à l'intérieur desquelles l'artiste place des matériaux périssables. Ses environnements reconstitués patientent comme l'oiseau lacéré dans sa cage, attendant un futur salvateur qui ne viendra jamais. Cette installation est le symbole du souci d'accumulation, de préservation malhabile que l'homme exerce sur la nature. Pour la conserver, l'homme en extrait des parties qu'il place dans des parcs naturels, dans des zones préservées qui, en étant coupé de tout, dépérissent comme isolé mortellement dans une cage.

Pour leur fin de mandat, Nicolas Bourriaud et Jérôme Sans présentaient en 2006 cinq expositions personnelles, regroupées sous le titre Programme Tropico-végétale. Parmi-elles, l'exposition d'Henrik Hakansson, À travers bois pour trouver forêt138, prolonge le propos de Tetsumy Kudo. Henrik Hakansson insérait dans les espaces des parties vivantes de forêt : arbre, mousse, fleurs. Un écosystème de taille réduite était inversé à la verticale pour matérialiser les conditions de vie absurdes de la forêt. Comme dans un zoo où des cages prennent la parjure de reconstituer le « cadre naturel » de l'animal, l'artiste introduisait les conditions de survie d'une végétation tropicale. À travers bois pour trouver forêt se présentait comme un ensemble de végétations luxuriantes maintenues artificiellement en vie par un système d'arrosage, d'humidificateurs, de chauffage et de lampes solaires. Tous ces éléments étaient

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régulés par un ordinateur accessible aux visiteurs, rendus ainsi responsables de la survie de l'écosystème reconstitué. L'artiste réussissait à matérialiser visuellement la destruction d'un équilibre que provoque l'intervention de l'être humain. Des affiches représentant une forêt tropicale dans son élément naturel étaient empilées. Le visiteur était invité à en ramener une chez lui, réduisant à chaque fois la hauteur de la pile. Cette participation menait à la disparition de l'oeuvre comme l'emprise de l'homme sur la forêt représentée.

À travers bois pour trouver était une métaphore de l'emprise de l'humain sur la nature, du désordre irréversible qu'entraîne la quête de découverte. La prise de responsabilité que l'homme souhaite prendre sur l'environnement et les détériorations inéluctables que cette emprise amène pose un paradoxe que le travail d'Henrik Hakansson restituait habilement. L'homme cherche à augmenter ses connaissances, ici botanique, biologique, mais c'est précisément ces dynamiques qui imposent une altération du sujet étudié. L'installation d'Henrik Hakansson dévoilait ainsi en conscience la part de responsabilité de l'entreprise scientifique dans l'inexorable destruction du sujet de son étude, montrait les dommages causés par l'homme par la simple observation d'écosystème ou espèce jusque là préservée139. Sur ce propos Claude Lévi-Strauss propose paradoxalement de renommer l'anthropologie en « entropologie » telle une science qui en augmentant le degré de désordre au coeur d'un écosystème précédemment isolé, accélèrerait sa disparition.140

Au travers de biosphères reconstituées, cette installation évolutive évoquait l'emprise de l'homme sur la nature, son effritement progressif, la conséquence inévitable de la curiosité humaine, même lorsque celle ci est motivée par les meilleures intentions. Elle indiquait la disparition programmée de l'écosystème, non seulement celui de la

139 Francesco Manacorda, « Histoire courte de la destruction naturelle » in Henrik Hakansson, Throught the Woods to Find the Forest », Palais de Tokyo, 2006

140 « Si bien que la civilisation prise dans son ensemble peut être décrite comme un mécanisme prodigieusement complexe où nous serions tentés de voir la chance qu'à notre univers de survivre, si sa fonction n'était de fabriquer ce que les physiciens appellent entropie, c'est-à-dire de l'inertie. Chaque parole échangée, chaque ligne imprimée, établissent une communication entre deux interlocuteurs, rendant étale un niveau qui se caractérisait avant par un écart d'information plus grande. Plutôt qu'anthropologie, il faudrait écrire « entropologie », le nom d'une discipline vouée à étudier dans ses manifestations les plus hautes ce processus de désintégration » Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Plon, 1995

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forêt tropicale mais de n'importe quel écosystème plus large souffrant de déséquilibre.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci