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La marque de l'impermanence dans les expositions du palais de Tokyo

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par Thomas Bizien
Université Paris III - Sorbonne Nouvelle - Master de médiation culturelle 2010
  

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IV.1. La césure comme modèle d'action : abandon et disparition

Rester en place, c'est en filigrane se résoudre à ne vivre qu'à moitié, immolé dans « l'espace convivialité » que l'on a bien consenti à s'octroyer. Dans des fuites en avant pour anesthésier leurs hémorragies d'ennui, certains ont tenté de se soustraire à ce sédentarisme forcené. Délaissant Charleville-Mézières à 16 ans, les fugues de Rimbaud le conduisent vers le port d'Aden. Arthur Cravan, poète-boxeur dadaïste, se laisse perdre jusqu'au golf du Mexique. Et réputation faite, Marcel Duchamp quitte la sphère de l'art pour se consacrer aux échecs. Sans rien produire, il décrit le silence comme sa pièce maîtresse142, part à la recherche d'idée dans la structure même de l'expérience. Il opère ainsi un déplacement À déjà opéré avec ses

142 See Ana Dimkle, Duchamp's Künstlertheorie, Hann-Münden, 2001

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ready made À de l'objet à l'artiste. Le retrait du monde de l'art ou plus généralement, de la société, est dès lors doté de sens, que le Palais de Tokyo mettait en exergue dans son programme d'exposition. L'institution montrait l`abandon de l'art comme un acte paradoxale, un silence susceptible de signification artistique, capable chez certain de prendre le sens de geste artistique ultime. Cette partie permettra d'aborder les différentes interprétations de ce geste en fonction du degré de valeur artistique que l'on lui attribue.

IV.1.a À Se dérober du monde

En 2009, l'exposition Chasing Napoleon venait combler le silence quasi général qui accompagna en 1996 la publication française du manifeste de Théodore Kaczinsky L'Avenir de la société industrielle. Surnommé Unabomber, cet homme fut pendant dix-sept ans, l'ennemi public numéro un des Etats-Unis. Brillant élève issu d'une famille modeste, il devient à l'université de Berkeley, un professeur de mathématique distingué. À vingt-six ans cependant il quitte les honneurs pour partir se réfugier solitaire dans une cabane du Montana. Sensible aux théories anarcho-primitivisme, Kaczynski se fait chasseur-cueilleur dans le pays le plus industrialisé au monde. À l'image de William Thorreau et ses récits sur les forets du Maine, Théodore Kaczinsky vit en autarcie, reclus, sans eau courante ni électricité. Défendant farouchement la nature, il développe des positions extrémistes sur les systèmes économiques contemporains. Après s'être coupé du monde, il envoie pendant plus de quinze ans des colis piégés à des dirigeants de compagnies d'aviation, à des chercheurs en informatique et biologie, tous les responsables à ses yeux des altérations écologiques dont il est témoin.143 En 1995, il propose à la police de cesser l'envoi de ses colis piégés, à la condition que soit publié dans le Washington Post, le manifeste qu'il avait écrit L'avenir de la société industrielle, une impitoyable critique du monde technologique.

À l'occasion de l'exposition Chasing Napoleon, c'est au centre de la travée centrale du Palais de Tokyo que l'artiste Robert Kusmirowski installait à l'identique la

143 D'où le surnom, trouvé par le FBI, de Unabomber, Un pour université, a, pour airlines

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reproduction de la cabane de Theodor Kaczynski144. Comme la relique profane d'un monde alternatif, la reconstitution de sa maison du Montana venait apporter la marque empirique de l'engagement de la pratique dans la théorie. Souhaitant non seulement se débarrasser des gouvernements mais voulant - comme il l'écrit dans L'avenir de la société industrielle - la chute de « la base techno-économique de la société actuelle », Unabomber tirait les conséquences de ce qu'il disait. Et c'est cette intrépidité devant les certitudes scientifiques que le Palais de Tokyo souhaitait mettre à l'honneur. Intriguant le spectateur, la réplique de Robert Kusmirowski proposait de faire ressurgir l'histoire de cette digression. À côté de la cabane d'Unabomber, Gardar Eide Einarsson la compléter. Reproduisant dix notes laissées par Theodor Kaczynski, l'artiste proposait un diptyque intitulé Instruction pour disparaître. Mis sur tableaux, les spectateurs étaient invités à lire ces instructions, écrites par Unabomber pour permettre aux citoyens de fuir l'emprise des sociétés techno industrielles, de fuir en toute circonstance sans laisser de trace. C'est parce qu'il avait fait disparaître le fossé entre la théorie et la pratique, qu'il avait avec une cohérence implacable qui vient contredire la classe intellectuelle, - qui trouve dans l'écart entre ce qui se dit et ce qui se fait, son critère d'excellence145 - que des artistes illustraient sa pensée, que le Palais de Tokyo lui rendait hommage. Et c'est pour insuffler la remise en question, susciter l'impermanence devant les certitudes qui courbent l'homme que les travaux de Robert Kusmirowski et de Gardar Eide Einarsson étaient mis en exergue au sein de l'institution.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry