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La marque de l'impermanence dans les expositions du palais de Tokyo

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par Thomas Bizien
Université Paris III - Sorbonne Nouvelle - Master de médiation culturelle 2010
  

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Annexes

I. L'idée d'impermanence dans l'art, aperçu historique 100

II. Inventaire des expositions du Palais de Tokyo 105

2001 106

2002 107

2003 111

2004 113

2005 116

2006 (Directorat Nicolas Bourriaud et Jérôme Sans) 119

2006 (Directorat Marc-Olivier Wahler) 121

2007 123

2008 126

2009 129

2010 132

2011 136

III. Iconographie 137

8

« The recurrent theme of art since World War II has been the aesthetics of impermanence. » Harold Rosenberg1

Alors que le Palais de Tokyo fêtera en 2012 son dixième anniversaire, le mémoire souhaite revenir sur son programme d'exposition. Il escompte mettre au jour la position curatoriale de l'institution, révéler un leitmotiv qui serait apte à relier entre elles les différentes manifestations.

Au premier abord, la programmation du Palais de Tokyo est marquée par la disparité. Large, des figures de la « fin de l'art » new-yorkais, tel Steven Parrino ou Sarah Lucas, y côtoient des personnalités d'un art contemporain africain. Des chantres de l'esthétique relationnelle y croisent des photographes, peintres et sculpteurs aux supports traditionnels. Ces contradictions semblent d'ailleurs assumées, tant les intentions du site de création contemporaine mettent en exergue une certaine indisposition à forger un nouveau -isme,2 à éviter tout écueil de dogmatisme. En énoncé sa programmation veut en effet refléter l'ensemble de la création. Au travers d'entretiens, les différents directeurs et commissaires insistent d'ailleurs sur la nécessaire diversité des expositions.3

S'il est possible de rapprocher des travaux d'artistes, les motifs qui président à cette sélection ne peuvent être que transversaux aux médiums, aux supports, aux courants générationnels. Le mémoire a ainsi choisi de partir des oeuvres exposées, afin de révéler via leurs champs sémantiques, les liens pouvant permettre de les rassembler. Comme pour un commissariat d'exposition, ce travail souhaite inscrire

1 « Thoughts in an Off-Season » in Art on the Edge : Creators and Situations, Secker & Warburg, 1976

2 Marc-Olivier Wahler in « Dynasty, regard sur une génération », Richard Leydier, Art Press 369, juillet 2010

3 « La programmation est aussi significative de l'extrême souplesse et de la diversité qu'il m'a semblé nécessaire d'imprimer au lieu ouverture à toutes les tendances comme à toutes les cultures, attentive à la diversité des courants esthétiques et sensible aux multiples questionnements du monde contemporain. » Catherine Tasca, Dossier de presse d'ouverture, Novembre 2001

« Un espace pour un débat esthétique ouvert. » Nicolas Bourriaud et Jérôme Sans, Dossier de presse d'ouverture, Novembre 2001

« Les principes directeurs de la programmation sont (...) susceptibles de se voir contredits par un projet ou un autre... C'est au prix de cette extrême flexibilité que le Palais de Tokyo, joue son rôle de laboratoire vivant de la création contemporaine. » Nicolas Bourriaud, Catalogue de l'exposition Notre Histoire, 2006

9

dans un même lieu, des oeuvres qui en se rassemblant, émane plus identifiable un concept général. Il veut articuler des expositions aux approches, idées et thèmes indépendants, montrer, sous un prisme sensible permettant de les englober, leur complémentarité. Et quand bien même l'institution se dit miroir réfléchissant de la création, la sélection qu'impose une programmation sous-entend une vision claire de l'idée de contemporanéité. C'est cette idée que le mémoire vise à éclairer. 4

« Ce qui pemet d'agréger au sein d'un même lieu des artistes poursuivant des buts et employant des méthodes si hétérogènes, c'est le fait qu'ils travaillent à partir d'une similaire intuition de l'espace mental contemporain.5 »

Invités à organiser la Biennale de Lyon de 2005, les co-directeurs du Palais de Tokyo, Nicolas Bourriaud et Jérôme Sans, montaient leur commissariat autour de l'idée de temporalité. Nommée L'expérience de la durée, la Biennale rassemblait des oeuvres ayant en commun, des modes opératoires usant du temps comme matériau de construction. Présentée à Lyon, l'installation de Kader Attia, Flying Rats, incarne ce processus. L'artiste place dans une volière des sculptures anthropomorphes construites à partir de graines. S'en nourrissant, les oiseaux donnent une dynamique à l'installation, qui se désagrége dans le temps. Comme une sorte de banc de montage sur lequel l'artiste recomposait la réalité, l'oeuvre évoluait en fonction des fluctuations inhérentes à la temporalité. Et en l'automatisant, Kader Attia arrivait à figurer l'impermanence. N'étant à aucun moment tout à fait la même, Flying Rats contestait la beauté accomplie et l'ordre éternel.

Depuis longtemps, la création contemporaine tente de restituer le mouvement, le flux et l'écoulement du temps. Et dans son imprescriptibilité à pouvoir être pèle mêle restituer, elle use de divers stratagèmes plastiques pour exprimer cette fugacité. À la suite d'une réflexion entamée par les artistes conceptuels des années 1960-1975,

4 « Comment en effet traduire le bouillonnement créatif de notre époque sans prendre des risques, sans affirmer des visions singulières de l'art actuel plutôt que se conformer au commerce et aux conventions ? » Nicolas Bourriaud et Jérôme Sans, Dossier de presse, 2002

« Notre principe de départ était de réunir des tendances éparses qui coexistent à l'état gazeux et de les rendre plus visibles. » Nicolas Bourriaud, Notre Histoire, 2006

5 GNS, catalogue de l'exposition, 2003

10

notamment Daniel Buren, « la maîtrise de la durée et des protocoles temporels devient un enjeu esthétique majeur, au même titre que la maîtrise de l'espace.6 » Aborder l'impermanence du temps sera ainsi l'occasion, par la programmation du Palais de Tokyo, de faire un inventaire de la création contemporaine.

Le caractère continuellement changeant de l'oeuvre d'art, l'incorporation dans celle-ci du facteur temps, la quatrième dimension, traduisent l'abolition des principes artistiques traditionnels. Dans le champ sémantique des oeuvres exposées au Palais de Tokyo, l'idée d'impermanence peut permettre d'aborder une frange importante de son programme d'exposition.7 Transversale aux écoles, aux époques et aux mouvements, cette notion À qui recoupe les recherches sur le temps de l'oeuvre À peut servir d'outil pour lire transversalement son programme d'exposition. Les thèmes-phares de l'institution, l'invisible et le visible, le rapport avec la science À la physique quantique À avec l'occulte, peuvent être traversé par cette notion. Tandis que le problème de l'espace et sa représentation dans l'art a occupé l'attention des critiques d'art, le problème correspondant du temps et de la représentation du mouvement a été étrangement négligé.8 Les deux directorats ont cherché à combler ce déficit :

Nicolas Bourriaud et Jérôme Sans (2002-2006) :

« Si les artistes de ces deux dernières décennies ont autant problématisé le temps, c'est parce qu'il représente un plan sur lequel il est encore possible de tracer des signes. 9 »

Marc-Olivier Wahler (2006-2011) :

« L'idée de transformation fait partie de la réflexion globale qui préside depuis Cinq milliards d'années. S'il n'y a pas de point fixes

6 Nicolas Bourriaud, « Time Specific », op. cit.

7 Cf annexe 2 pour une vue d'ensemble de la programmation

8 E.H. Gombrich, Movement and Movement in art, Journal of the Warburg and Courtauld Institute, vol. 27, 1964

9 Nicolas Bourriaud, « Time Specific » in Expérience de la durée, Paris musées, 2005

11

dans l'espace, il n'y a pas de point fixes dans les expositions.10 »

L'idée d'impermanence ne s'oppose pas diamétralement à celle de permanence. Fonctionnant en relation et non en attribut, ces deux notions ne sont pas monolithiques. Compte tenu de la diversité des formes et des intentions sous lesquelles l'idée d'impermanence s'est présentée au Palais de Tokyo, il apparaît pertinent de parler de motif plutôt que de genre. Ainsi cette notion peut aussi bien désigner le fugitif, le contingent, l'éphémère, le fragile que le déséquilibre. Considéré sous l'angle du transitoire, l'impermanence peut être l'infime, le négligeable, le dérisoire, le disparu, l'abandonné.

Marc-Olivier Wahler, interrogé sur son programme d'exposition, définit cette impermanence en invoquant la notion de passage :

« Alors que depuis la renaissance, notre culture, nos cerveaux, notre manière de voir, a été formatée par la notion de point fixe, les artistes s'intéressent aujourd'hui à la dynamique du passage, de la transformation, à toutes les variations possibles des chemins qui peuvent mener d'un point à un autre.11 »

Dans ses différents essais, Nicolas Bourriaud souligne l'importance de l'idée d'impermanence dans le programme artistique du )()(e siècle12. Dans Esthétique Relationnelle, il réintroduit la notion d' « espace-temps ». Dans le catalogue de la biennale de Lyon, il introduit celle de « Time Specific ». Dans Formes de vie, il dresse un historique de l'idée d'éphémère, mettant en parallèle les penseurs grecs rétifs à la trace, Socrate, Diogène, et les figures marquantes de la modernité.

Les oeuvres présentées dans ce mémoire auront ainsi toutes en commun, comme défini par les deux directorats de l'institution, d'ouvrir à une compréhension de la matière fluide du temps, non en la figurant, mais en la rendant sensible. Différent

10 Veronica Da Costa, « Marc-Olivier Wahler. L'art contemporain dans son champ élargi » in Revue Mouvement, Juillet À Septembre 2009

11 Anni Puolakka & Jenna Sutela « The art and science of the invisible À OK Do met Marc-Olivier Wahler of Palais de Tokyo » in OK Do, décembre 2009

12 Un aperçu historique de l'idée d'impermanence dans l'art peut être trouvé en annexe 1

12

d'un sujet d'histoire de l'art, l'objectif du mémoire n'est pas seulement de montrer la persistance de la marque de son impermanence dans la création contemporaine. Il s'agit aussi de s'interroger sur l'idée d'une programmation, et de mettre à jour les liens qui peuvent la conglomérer.

Problématique :

Quelles sont les modalités de représentation des différents aspects de l'impermanence au sein de la programmation du Palais de Tokyo ?

13

I. Contre le monument : précarité, fragilité et destruction sculpturale

Formé à partir du latin moneo, se remémorer, le monument célèbre traditionnellement une personne, un événement. Sa fonction est mémorielle et édifiante. De large dimension À monumental - il appelle le passant dans sa conscience historique, lui rappelle son devoir de révérence. La pensée occidentale s'organise hiérarchiquement autour de ce monument, non seulement en architecture, mais aussi en art, littérature et philosophie. Dans ce système intellectuel, une idée ne peut acquérir une réelle résonance qu'en se matérialisant, qu'en étant transformer en un objet solide capable de la commémorer durablement. Au sommet, le monument est la pierre d'ancrage qui permet au protagoniste de communiquer. À ce titre, il peut être considéré comme une mise en ordre, une mémoire implacable qui incarnerait la figure de l'autorité. Pour George Bataille, le monument est « l'expression de l'être même des sociétés :

Les grands monuments s'élèvent comme des digues, opposant la logique de la majesté et de l'autorité à tous les éléments troubles : c'est sous la forme des cathédrales et des palais que l'Eglise ou l'Etat s'adressent et imposent silence aux multitudes. Chaque fois que la composition architecturale se retrouve ailleurs que dans les monuments (...) peut on inférer un goût prédominant de l'autorité humaine. 13 »

Les conceptions normées qu'imposent les canons esthétiques et les règles du voir, incarnées ici par la figure du monument, brident l'expression profonde de l'être. La symétrie des villes et le rationalisme qui la sous-entend sont autant de barrières dressées contre la nature impulsive, le spontané de l'homme. George Bataille lie dès lors la lutte contre le monument et la modernité. Dans tous les domaines des arts, la disparition de la « composition architecturale » que sous-entendait l'académisme est selon l'écrivain, « la voie ouverte à l'expression, par là même à l'exaltation. » Le déclin du monumentale peut être ainsi perçu comme un symptôme de nos sociétés

13 Georges Bataille, « Architecture » in Dictionnaire critique, L'écarlate, 1993

14

modernes, celui du défi lancé à tous ceux qui voudraient affirmer une position d'autorité. Par lassitude et irrévérence devant les grands symboles, des artistes comme Karsten Födinger, Michel Blazy, Florian Pugnaire, Romain Signer, Robert Gober, répugnent à servir la mise en scène de stabilité qui s'extrapole traditionnellement de la figure du monument. Ces artistes refusent de servir de décorateur, de servir un grandiose en quête d'esthétisation. Cette première partie sera l'occasion d'analyser À à partir de la programmation du Palais de Tokyo À le déclin de l'autorité sculpturale, entendu ici comme profondément lié à « l'apparition d'un art prodigue d'anti-monuments.14 » Dans ses choix curatoriaux, l'institution valorisait des pratiques artistiques mettant en valeur le fragile et l'éphémère, le déséquilibre et l'auto destruction. Et si les oeuvres usent de procédés divers pour désacraliser le désir d'éternité, lié à la fonction traditionnelle du monument, un rapprochement peut être ici opéré dans les visées que ces oeuvres sous-entendent. Lorsque Michael Elmgreen et Sébastien Vonier exposent des matériaux de chantiers bruts, ils opèrent la mise en vestige de l'institution. Comme des ruines suggèrent en symbolique le transitoire, leurs installations donnaient surtout à voir la fuite du temps. (chap. 1) Plus en prise avec le réel, les oeuvres de Michel Blazy montrent le processus de dilatement du temps en s'entachant de sa marche. Quant à Florian Pugnaire & David Raffini, ils usent de la mécanique pour montrer ce lent anéantissement. (chap. 2) A ce corpus d'oeuvre peut être rattaché des travaux proposant l'illusion d'espace temps annexe. Etienne Bossut, Ryan Gander, Vincent Lamoureux présentaient des trappes pour se soustraire du réel, pour disparaître dans une temporalité autre. (chap. 3)

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams