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La dépénalisation des délits de presse et la protection des droits de la personnalité au Burkina Faso

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par Yacouba GORO
Institut des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication - Bac+5 en Science et technique de l'information et de la communication 2016
  

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2. Le droit à la présomption d'innocence

Parmi les droits de la personnalité, figure le droit à l'innocence. Le Code de procédure pénale français du 15 juin 2000, en son article 9, alinéa 1, dispose que, « chacun a droit au respect de la présomption d'innocence».

Aussi, l'article 5 de la Constitution du Burkina stipule que «toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie, au cours d'un procès public, durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées».

Dans sa définition commune, la présomption d'innocence signifie qu'un individu, même suspecté de la commission d'une infraction, ne peut être considéré comme coupable, avant d'en avoir été jugé comme tel par un tribunal compétent.

Dans le Lexique d'information et communication, Francis Balle et ses coauteurs définissent la présomption d'innocence, en ces termes : «Principe selon lequel, tant que la culpabilité d'une personne n'a pas été formellement constatée par la juridiction compétente, cette personne doit être considérée et traitée comme si elle n'avait aucune responsabilité dans les faits qui sont l'objet de l'enquête ou de la poursuite judiciaire. Le respect de ce principe s'impose aussi, à tous ceux qui sont appelés à s'exprimer, à informer sur les affaires dont la police et la justice ont pris connaissance. Mais, il n'est pas interdit aux médias d'informer sur une enquête ou une instruction en cours, ni même de mentionner le nom de la personne mise en examen et de faire état des soupçons qui pèsent sur elle, mais ils ne peuvent, avant tout jugement, la présenter «comme coupable», sous peine d'engager leur responsabilité69(*)».

Ainsi, au regard de cette définition, nous pouvons dire que la présomption d'innocence est un droit de la personnalité. Elle fait partie des attributs que la loi reconnaît à tout être humain. Sa protection est assurée, à cet effet, au même titre que celle des droits à la vie et à l'intégrité corporelle, à l'intimité de la vie privée, à l'image, à l'honneur et à la considération. Ces droits visent à préserver la personne humaine dans toute sa dignité.

A l'origine, tous ces droits ont été dégagés par la jurisprudence, à en croire le juriste français, ancien premier avocat général de la Cour de cassation, Raymond Lindon, qui a parlé d'une «construction prétorienne des droits de la personnalité»70(*).

En droit burkinabè, le fondement juridique de la présomption d'innocence est essentiellement conventionnel et constitutionnel. Certains instruments juridiques internationaux ratifiés par le Burkina Faso - le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (art. 14 paragraphe 2), la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 (art. 11 paragraphe 1) et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 (art. 7-Paragraphe 1-b) - protègent la présomption d'innocence.

Le préambule de la Constitution burkinabè du 2 juin 1991 fait référence à ces textes juridiques internationaux. De même, la constitution en son article 4, consacre la valeur constitutionnelle de la présomption d'innocence, en des termes plus explicites : «Tous les Burkinabè et toute personne vivant au Burkina Faso bénéficient d'une égale protection de la loi. Tous ont droit à ce que leur cause soit entendue par une juridiction indépendante et impartiale. Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie».

Il est également mentionné dans le code pénal burkinabè de 1996, dans son article 3, que «nul ne peut être déclaré pénalement responsable et encourir de ce fait, une sanction, s'il ne s'est rendu coupable d'une infraction. Nul ne peut être reconnu coupable d'une infraction, ni condamné à une peine autrement que par décision d'une juridiction compétente».

Par contre, les trois nouveaux textes, adoptés, le 4 septembre 2015, et modifiés, le 17 décembre 2015, régissant les différents secteurs des médias, sont restés muets en ce qui concerne la question de la protection des droits de la présomption d'innocence qui constitue un des droits de la personnalité des individus. Pourtant, c'est fréquent de constater des reportages de presse sur les délinquants présumés et qui portent atteinte à leur droit à la présomption d'innocence.

Dans sa parution numéro 7 250 du lundi 10 septembre 2012, à la page 9, Sidwaya titrait un de ses articles: «Arrestation de malfrats à Ouagadougou : 1, 4 milliard en faux dollars saisis». «Des pointes, comme armes de vol». Le titre de l'article est fortement tendancieux puisqu'il traite déjà les personnes poursuivies de malfrats et en parlant de l'arme du vol, le journal semble déjà insinuer la culpabilité des personnes arrêtées71(*) alors qu'un tribunal compétent ne s'est pas prononcé sur l'affaire.

Aussi, le journal Notre Temps, dans ses publications numéros 147 du 22 août et 175 du 29 septembre 201472(*), a publié des images de prévenus au mépris du principe de la présomption d'innocence. Dans le premier cas où le journal a publié les images des prévenus sans flouter leurs visages. Le conseil a alors adressé une lettre d'observations tout en rappelant que la présentation des prévenus, à visage découvert, comme étant coupables de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire constitue une atteinte au principe de la présomption d'innocence, un droit fondamental consacré par la Constitution burkinabè en son article 4 alinéa 2.

Dans le second cas, le journal a présenté des policiers arrêtés pour filature de Simon Compaoré, ex-maire de la ville de Ouagadougou tout en mentionnant leur identité suivi d'une légende faisant état de leur culpabilité.

Outre la diffamation, l'atteinte au droit à l'image constitue une autre manifestation de la violation de la présomption d'innocence. A ce sujet, le Conseil supérieur de la communication (CSC) dans son rapport public 2014, fait remarquer : «Les écrits jugés attentatoires au respect de la présomption d'innocence et/ou au droit à l'image sont relatifs surtout, à la publication de l'identité et de l'image à visage découvert d'individus interpellés par la police. Ces prévenus sont le plus souvent, présentés à l'opinion comme étant des coupables et traités de manière humiliante et dégradante, alors qu'aucun tribunal n'a établi leur culpabilité.».

Si la publication des identités ou des photos de personnes poursuivies par la justice peut être une atteinte à l'image du prévenu, elle ne constitue pas en soi une atteinte à la présomption d'innocence. C'est plutôt le fait de présenter ces personnes comme des coupables qui porte atteinte à la présomption d'innocence.

S'agissant de la publication des photos, la presse peut se prévaloir de certaines exceptions du principe d'autorisation préalable pour justifier la diffusion des photos de personnes poursuivies et non encore jugées. A titre exceptionnel, il est alors admis la publication des photos d'une personne se trouvant au centre de l'actualité, sans son autorisation.

Malgré la brèche ouverte par cette exception, il existe des dispositions qui imposent aux journalistes un certain traitement des images des personnes poursuivies. Depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en France, il est interdit de présenter la personne poursuivie dans une image de façon à rendre visibles ses menottes, ses entraves ou les conditions de sa détention provisoire (art.35 ter). Pour combler le vide dans le droit positif burkinabè sur la question, le juge peut s'inspirer de cette loi française.

Néanmoins, dans le souci de préserver la présomption d'innocence, l'organe burkinabè de régulation des médias, le CSC, recommande de flouter ou de mettre un bandeau sur les images des suspects73(*).

C'est l'article 4, alinéa 2 de la Constitution du Burkina Faso qui protège la présomption d'innocence. «Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie, au cours d'un procès public, durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées» en vertu de cet article.

Alors, la réparation pour violation de la présomption d'innocence peut s'obtenir soit par le biais d'une action en diffamation ou du droit de réponse, soit par la mise en oeuvre, sous certaines conditions tenant à la notion de faute civile et à la prescription, des règles de la responsabilité civile comme l'ont admis Emmanuel Derieux, Charles Debbasch et ses coauteurs74(*).

* 69Balle Francis et autres, Lexique d'information communication, Dalloz, Paris, 2006, P. 322

* 70R. Lindon, La création prétorienne en matière de droits de la personnalité et son incidence sur la notion de famille, Revue internationale de droit comparé, Année 1975, Volume 27, Numéro 1, P. 283-286

* 71Ouaogarin Roger Sankara, idem, P. 66.

* 72Conseil supérieur de la communication, Rapport 2014

* 73 Conseil supérieur de la communication, Rapport public 2011, P. 46

* 74Debbasch Charles et autres, Droit des médias, Dalloz, Paris, 2000, P. 1032 in Ouaogarin Roger Sankara, La présomption d'innocence et droit à l'information, Mémoire ISTIC 2013. P. 15.

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