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La justice répressive et la protection de la faune sauvage au Congo et au Cameroun

( Télécharger le fichier original )
par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Faculté de Droit et Sciences Économiques de Limoges  - Master2  2016
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE LIMOGES

FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES DE LIMOGES
AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE (AUF)

Master 2 en Droit International et Comparé de l'Environnement
Formation à distance, Campus Numérique « ENVIDROIT »

THEME : LA JUSTICE REPRESSIVE ET LA PROTECTION DE LA

FAUNE SAUVAGE AU CONGO ET AU CAMEROUN

Mémoire Présenté par : Edson Wencelah TONI KOUMBA Magistrat (Juge au Tribunal de Grande Instance de Brazzaville-Congo) Sous la direction de : Monsieur Antoine GATET

Juriste-expert en Droit de l'Environnement, Enseignant chercheur à la Faculté de Droit de Limoges

Août / 2017

UNIVERSITE DE LIMOGES

FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES DE LIMOGES
AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE (AUF)

Master 2 en Droit International et Comparé de l'Environnement
Formation à distance, Campus Numérique « ENVIDROIT »

THEME : LA JUSTICE REPRESSIVE ET LA PROTECTION DE LA

FAUNE SAUVAGE AU CONGO ET AU CAMEROUN

Mémoire Présenté par : Edson Wencelah TONI KOUMBA Magistrat (Juge au Tribunal de Grande Instance de Brazzaville-Congo) Sous la direction de : Monsieur Antoine GATET

Juriste-expert en Droit de l'Environnement, Enseignant chercheur à la Faculté de Droit de Limoges

Août / 2017

DEDICACES

Je dédie ce travail aux êtres les plus cher de ma vie notamment à :

V' Mes parents : Joseph et Marie KINGA, pour m'avoir donné la vie et montré le chemin du mérite par l'effort dans la dignité, l'honnêteté et l'honneur.

V' Mon épouse : Fanny Belgonde TONI, pour le soutien, l'amour et la confiance accordée à chaque pas de notre vie.

V' Mes enfants : Sammuela Eiseur Maïténa TONI et Mischaël Ephraïm TONI. « La contribution, même la plus insignifiante, à la protection de l'environnement pour rendre ce monde plus sécurisant, est sans doute l'un des meilleurs part d'héritage qu'un père peut laisser à sa descendance ».

REMERCIEMENTS

Je remercie de tout coeur, mon Dieu qui est le Tout Puissant, pour m'avoir donné la force, la bonne santé, la volonté et la patience d'arriver à terme de ce travail. Gloire lui soit rendue !

Mes remerciements vont à l'endroit de Monsieur Antoine GATE, mon Directeur de mémoire pour ses orientations, son attention et sa disponibilité.

J'exprime également mes remerciements à Monsieur Severin PONGUI, pour ses encouragements et son assistance au quotidien.

J'adresse aussi ces remerciements à Mon frère TONI William Frèd et à sa famille pour leur assistance.

Liste des abréviations et acronymes.

ACAT Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture.

A.E.F . Afrique Equatoriale Française.

AHJUCAF . Association des Hautes Juridictions
De Cassation des Pays ayant en partage l'usage du Français.

A.J.D.A . Actualité Juridique du Droit Administratif.

APJ . Agent de Police Judiciaire.

Ass. . Assemblée.

C.A . Cour d'Appel.

Cass.Crim . Cassation Chambre Criminelle.

CEEAC . Communauté Economique des Etats d'Afrique.

CEMAC . Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale.

CITES . Convention sur le Commerce International des Espèces de

Faune et de Flore Sauvage menacées d'extinction.

CIJ . Cour Internationale de Justice.

COMIFAC . Commission des Forêts d'Afrique Centrale.

C.P . Code Pénal.

C.P.P . Code de Procédure Pénale.

C.S . Cour Suprême.

E.N.A.M . Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature.

FAO . Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture.

IFAW . Fonds International pour la protection des animaux.

INTERPOL . Organisation Internationale de Police

Criminelle.

MEFDD . ...Ministère de l'Economie Forestière et du Développement Durable.

MINFOF . Ministère des Forêts et de la Faune.

OFAC . Observatoire des Forêts d'Afrique Centrale.

Page | 7

ONG . Organisation Non Gouvernementale.

ONU . Organisation des Nations Unies.

OPJ . Officier de Police Judiciaire.

O.U.A . Organisation de l'Unité Africaine.

PALF . Projet d'Appui à l'Application de la Loi sur la Faune Sauvage.

PNUD . Programme des Nations Unies pour le Développement.

PNUE . Programme des Nations pour l'Environnement.

R.C.A . République Centre Africaine.

R.D.P . Revue de Droit Public.

SFDI . Société Française pour le Droit International.

TAF . The Aspinall Fondation.

UICN . Union Internationale pour la Conservation de la Nature.

WCS . Wildlife Conservation Society.

WWF . Fondation pour le Monde de la vie sauvage.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 11-21

Première Partie : LE CADRE JURIDIQUE CONSACRE A LA PROTECTION PENALE DE LA FAUNE SAUVAGE ET LES OBSTACLES A SA MISE EN OEUVRE

EFFECTIVE 23

Chapitre I : Existence d'un corpus juridique adapté à la répression des atteintes contre

la faune sauvage .24

Section1 : Des normes répressives de droit interne comme source cardinale pour la

protection des espèces fauniques par le juge pénal .25

Paragraphe1 : Le régime de protection pénale de la faune sauvage en droit interne

congolais ..25

Paragraphe2 : Le régime de protection pénale de la faune sauvage en droit interne

camerounais .38

Section2 : Des normes de droit international de l'environnement comme source de

référence pour la protection de la faune sauvage ..45-46

Paragraphe1 : La référence aux instruments de droit international de l'environnement pour la protection pénale de la faune sauvage ..46

Paragraphe2 : L'exemple d'intégration d'une norme de droit international de l'environnement

dans l'office du juge pénal en matière faunique : La convention CITES 50

Chapitre II : Les obstacles à une application effective du corpus juridique consacré à la

protection de la faune sauvage par la justice répressive 54

Section1 : Les obstacles à la mise en oeuvre du régime de protection pénale en droit

interne 54-55

Paragraphe1 : La transaction en matière faunique : un obstacle majeur à la mise en oeuvre de

la répression pénale .56

Paragraphe 2 : Les faiblesses et insuffisances du corpus juridique consacré à la protection de

la faune sauvage 59

Section2 : Les obstacles découlant de l'application des normes internationales ..65

Paragraphe1 : L'hétérogénéité et le caractère évasif des normes de droit international de

l'environnement en matière de la protection de la faune sauvage 66

Paragraphe2 : Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles comme

obstacle à une application efficace des normes de droit international de l'environnement 69

Deuxième Partie : LA MISE EN PLACE D'UNE CHAINE PENALE EN VU D'UNE

REPONSE EFFICACE CONTRE LA CRIMINALITE FAUNIQUE .75

Chapitre I : Une chaîne pénale constituée des différents acteurs concourant à la

répression des infractions fauniques 76

Section1 : Les différents acteurs placés en amont de la chaîne pénale dans la répression

contre la délinquance faunique .76

Paragraphe1 : La prépondérance du rôle de l'Administration dans la lutte contre la

délinquance faunique ..76-77

Paragraphe2 : Les acteurs secondaires dans la lutte contre la criminalité faunique ...83

Section2 : Les acteurs judiciaires placés en aval de la chaîne pénale pour assurer la

répression des atteintes contre la faune sauvage ...90-91

Paragraphe1 : Le Ministère Public : Un acteur au centre de l'exercice de l'action publique en

matière des infractions contre la faune sauvage .91-92

Paragraphe2 : Le juge pénal comme dernier rempart contre la criminalité faunique .97-98

Chapitre II : Les causes de l'inefficacité de la réponse pénale face à la criminalité

faunique .103-104

Section1 : Les causes endogènes à la justice répressive 104

Paragraphe1 : L'absence d'une spécialisation environnementale des acteurs de la justice

répressive 104

Paragraphe2 : Le manque d'une véritable prise de conscience sur les enjeux de la criminalité

transnationale en matière faunique au sein des juridictions des deux pays 109

Section2 : Les causes exogènes de l'inefficacité d'une réponse pénale à la criminalité

faunique .114

Paragraphe1 : Le manque de coopération entre les différents acteurs concourants à la lutte

contre la criminalité faunique 114

Paragraphe2 : Les problèmes liés au manque de moyens affectés aux acteurs pour assurer une

répression efficace

..118

Conclusion

.123-125

Bibliographie

.126-130

Table de matière

131-138

INTRODUCTION

Selon Mireille DELMAS-MARTY : « S'il est aujourd'hui urgent que le droit pénal se porte au secours de l'environnement, c'est que l'échelle des dégradations a changé au cours des dernières décennies (...). Désormais, le péril s'étend dans l'espace et dans le temps, comme en témoignent le réchauffement du climat et l'épuisement des ressources naturelles »1. Cette assertion aux apparences d'un cri d'alarme prend tout son sens lorsqu'on entreprend d'examiner les rapports existant entre la justice pénale et l'environnement. Mais aussi, lorsqu'on pointe, particulièrement, du doigt l'effectivité des mesures de répression mises à la disposition de cette justice pour protéger la faune sauvage. Depuis plusieurs années, la plupart des Etats africains, prenant conscience de la menace d'extinction qui pèse sur les espèces animales sauvages du fait de la criminalité faunique, ont confiés à leur justice pénale un rôle essentiel dans l'éradication de ce phénomène. Ils partent de l'idée suivant laquelle, grâce à la radicalité de ses sanctions, cette justice est censée intimider, sinon dissuader la délinquance faunique et constituée ainsi, un véritable rempart contre ce fléau.

La République du Congo et celle du Cameroun sont deux pays frontaliers d'Afrique Centrale qui ne sont pas restés en marge de cette lutte pour la préservation des écosystèmes. En effet, du fait de leur situation géographique, ils disposent d'immenses étendues forestières riches en biodiversité et regorgent ainsi des milliers d'espèces végétales et d'oiseau sans compter des centaines d'espèces de mammifères2. Faisant partie des Bassins du Congo qui est le deuxième massif forestier tropical après l'Amazonie et qui représente plus de 6% de la surface forestière mondiale. Ces pays ont donc mis en place un cadre juridique sectoriel très étoffé constitué essentiellement, aussi bien, des textes internationaux de portée universelle, régionale et même sous régionale que des textes nationaux. A coté de cet arsenal juridique qui n'a pas cessé de connaitre des améliorations au fil des années, il a été crée un cadre institutionnel fait des organes publics et privés gravitant autour des Ministères en charge des questions de la faune. De même qu'ils participent au sein des institutions à caractère international au niveau mondial, régional et sous-régional3. C'est l'ensemble de ces institutions qui collaborent étroitement avec les appareils judiciaires dans l'organisation de la répression en vu d'apporter, tant soit peu, une solution à la délinquance faunique. Cependant, après plusieurs années le constat est alarmant et le bilan de ces institutions est mitigé4. En effet, on constate dans ces deux pays que le phénomène de braconnage à grande échelle, le commerce illicite des espèces en voie d'extinction et la surexploitation des produits issues de la faune sauvage ne cessent de prendre des proportions inquiétantes. Il laisse présager une catastrophe dans le Bassin du Congo avec, à court terme, des conséquences désastreuses pour l'ensemble des écosystèmes que regorge cette sous région5.

1DELMAS-MARTY (M), Des écocrimes à l'écocide : Le droit pénal au secours de l'environnement, préface, 1ère édition, Bruxelles, Bruylant 2015. (465 pages).

2 Rapport de l'OFAC, Aires Protégées d'Afrique Centrale Etat 2015, pages 41-66, 89-110

3 Le Congo et le Cameroun sont membres de plusieurs organisations internationales spécialisées dans la protection, la conservation de la faune sauvage telles que : Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), La Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC), l'Observatoire des Forêts d'Afrique Centrale (OFAC). Des Associations à caractère internationales comme : Le Fond Mondial pour la Nature (WWF) et bien d'autres...

4 Voir en ce sens le rapport de TRAFFIC, La mise en application de la loi faunique, novembre 2016.

5 Idem.

Page | 12

Mais, il serait mal aisé d'entreprendre une étude sur : « la justice répressive et la protection de la faune sauvage au Congo et au Cameroun », sans pour autant saisir le sens des différents termes qui constituent cette thématique. C'est ainsi qu'aux termes de cette étude :

? L'expression Justice répressive peut être entendue comme une notion polysémique.

Son analyse définitionnelle appelle à une approche binaire qui concilie à la fois l'organique et la matière. Elle se conçoit d'abord comme un ensemble d'organes juridictionnels (Cours et Tribunaux) ayant en charge le contentieux pénal. Elle s'analyse ensuite, comme un contenu fait de règles et principes juridiques servant de base à l'exercice d'une répression contre les atteintes perpétrées contre les biens, les personnes et, le cas échéant, contre les animaux sauvages. En somme, il s'agit donc des juridictions spécialisées dans la poursuite et la sanction des différentes formes d'infractions suivant les règles répressives bien établit.

? Le terme : protection, suppose la mise en oeuvre des moyens juridiques dans le but de

préserver les espèces fauniques contre toutes formes de menaces susceptibles de porter atteinte à leur existence.

? Le terme faune sauvage appelle à une diversité d'approches définitionnelles.

Au plan doctrinal, certains auteurs comme Michel REDON estiment que celle-ci est constituée par : « tous les animaux qui vivent, se reproduisent et se nourrissent en dehors de toute intervention humaine ; qui n'ont subit aucune sélection de la main de l'homme et sont destinés à vivre dans leur milieu naturel »6. Au plan légal, cette approche varie selon la conception du législateur de chaque pays. Ainsi, aux termes de l'article 5 alinéas 2 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées au Congo, l'expression faune est définie comme un : « patrimoine biologique commun de la nation, dont l'Etat garantit la gestion durable. Elle est constituée par l'ensemble des animaux sauvages vivant en liberté dans leur milieu naturel ou maintenus en captivité ». Pour le législateur Camerounais (article 3 de la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des Forêts, de la Faune et de la Pêche) : « La faune désigne au sens de la présente loi, l'ensemble des espèces faisant partie de tout écosystème naturel ainsi que toutes les espèces animales ayant été prélevées du milieu naturel à des fins de domestication ». Il en résulte donc de cette analyse qu'il n'existe pas de définition unanimement acceptable. Il faut simplement se baser sur une identité des critères que sont : l'absence totale d'un lien de propriété avec l'homme et le rattachement à un milieu naturel ou sauvage. Il s'ensuit que le régime de protection de la faune sauvage se démarque de celui des animaux domestiques que prévoyait déjà le Code Pénal de 1810, encore applicable au Congo7, celui-ci étant influencé par une conception civiliste réduisant l'animal, selon les cas, à un bien meuble8 ou immeuble9.

6 REDON (M), Droit de la chasse et de la protection de la faune sauvage, 2ème édition, Paris l'Harmattan 2014, p.15 et 16.

7 Voir en ce sens l'article 454 du Code Pénal de 1810 encore applicable au Congo

8 Voir en ce sens l'article 522 ancien du Code Civil

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Or il faut repréciser que, dans notre étude, cette protection par la justice pénale ne portera que sur deux pays dont-il convient aussi de préciser les contours géographiques pour mieux les situés. En ce qui concerne la République du Congo, disons que c'est un pays d'Afrique Centrale à cheval sur l'équateur, avec une superficie de 342.000 km2. Il est limité au nord par La République Centre Africaine (RCA) et le Cameroun, à l'Ouest par le Gabon et l'Océan Atlantique, au Sud par l'enclave Angolaise du Cabinda et la République Démocratique du Congo (RDC), à l'Est par le fleuve Congo et la rivière Oubangui. Le pays dispose d'un relief qui s'articule autour deux bassins : celui du Congo (essentiellement composé de la grande forêt du nord) et celui du Kouilou-Niari composé de la Vallée du Niari, le Massif du Chaillu et la forêt du Mayombe. Le Congo renferme divers écosystème à la fois forestiers, savanicoles et côtiers. Cette richesse de la faune et de la flore est liée à sa position de carrefour entre les domaines Bas-Guinéens au sud et Congolaise au nord10. Au nombre des espèces fauniques que regorge le pays, on répertorie plus de 200 espèces de mammifères dont 14 espèces sont menacées, 676 espèces d'oiseau dont 5 sont menacées, 151 reptiles dont 4 espèces menacées. Les espèces emblématiques sont entre autre : l'éléphant d'Afrique, le Gorille de plaine, le Chimpanzé, le Bongo, le Colobe rouge de Bouvier etc.11.

S'agissant du Cameroun, il est également un pays d'Afrique Centrale, situé sur le golf de guinée avec une superficie de 475.000km2. Il est limité à l'ouest par le Nigéria et l'Océan Atlantique, au nord par le Tchad, la République Centrafricaine (RCA) à l'est par le Gabon, la Guinée Equatoriale et la République du Congo au Sud par le golf de Guinée au sud-est. Le pays s'étend depuis les bordures méridionales du Sahara, la grande forêt équatoriale des Bassins du Congo au sud et à l'est, jusqu'aux hauts-plateaux et les massifs qui culminent au mont Cameroun. Souvent qualifié d' « Afrique en miniature »12, le Cameroun est doté d'une grande diversité d'habitats naturels ce qui justifie une biodiversité riche et abondante avec une variété d'espèces animales et végétale. Selon un inventaire de l'Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN) fait en 2014, on compte plus de 303 mammifères dont 41 espèces menacées, 968 espèces d'oiseaux dont 25 menacées et 274 reptiles dont 6 sont menacées13.

En ce qui concerne la législation faunique, on ne saurait affirmer que dans le cadre de la protection, la conservation de la faune sauvage et de la répression contre le braconnage, le commerce illicite des espèces fauniques et les infractions qui y sont affiliées, le Congo et le Cameroun accusent un déficit de production normative. En effet, l'histoire de la réglementation de cette matière dans ces deux pays remonte depuis l'époque coloniale. Il faut certainement partir du décret de 1916 qui réglementait la chasse dans les colonies.

9 Voir en ce sens l'article 524 du même Code.

10 MALONGA (A), Bref aperçu sur la géographie du Congo, Brazzaville, Sciences de la vie et de la terre, 2009,

page.21

11 BONGUI (S.L) et MOKOKO IKONGA (J), Rapport COMIFAC, Aires protégées d'Afrique Centrale état 2015

(République du Congo), page 91

12 HIOL HIOL (F), LARZILLIERE (A), PALLA (F) et SCHOLTE (P), Rapport COMIFAC, Aires protégées d'Afrique

Centrale état 2015 (République du Cameroun), page 42

13 Idem

Page | 14

Ensuite celui du 18 novembre 1947 qui réglementait la chasse dans les territoires africains relevant du Ministère de la France d'outre-mer. Ces législations étaient inspirées de la Convention de Londres du 19 mai 1900 sur la protection des animaux en Afrique et de la Convention relative à la conservation de la faune et de la flore à l'état naturel du 8 novembre 1933. Plus tard, au sortir des indépendances, chaque pays a pris à bras le corps la problématique de protection de la faune. Ainsi donc, tant au niveau interne qu'international, le Congo et le Cameroun ont mis en place un cadre normatif assez étoffé pour faire face au phénomène de la criminalité faunique. Bien qu'au départ, ces Etats n'étaient pas préoccupés par un souci de protéger l'environnement, mais par celui de règlementer simplement les domaines de la chasse et des forêts dont les textes hérités de la colonisation avaient déjà posé les jalons.

C'est ainsi qu'au Congo, outre les textes constitutionnels du 15 mars 1992, du 20 janvier 2002 et du 25 octobre 2015, qui ont consacrés des dispositions sur la protection de l'environnement et la gestion des ressources naturelles. On notera qu'un cadre juridique fait de nombreux textes sectoriels a évolué au fil des années. D'abord avec la loi n°7-62 du 20 janvier 1962 portant règlementation en matière d'exploitation de la faune. Cette loi sera remplacée par celle du 21 avril 1983 définissant les conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage. Plus récemment, le pays s'est doté d'une nouvelle loi portant sur la faune, loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées. Elle apparaît comme la formule la plus aboutie de cette évolution, malgré qu'on peut toujours relever de multiples incomplétudes. Ensuite, il y a des textes légaux multisectoriels comme la loi n°003/91 du 23 avril 1991 sur la protection de l'environnement qui consacre son titre 3 à la protection de la faune et de la flore. A coté, nous avons une palette de textes règlementaires visant des aspects spécifiques de la protection. A ce titre, on pourrait citer : l'Acte n°114/91 de la Conférence Nationale Souveraine portant interdiction de l'abattage des éléphants en République du Congo ; les Arrêtés n°6075 du 18 mai 1984 déterminant les animaux intégralement et partiellement protégés, celui portant protection absolue de l'éléphant (Arrêté n°32/82 du 18 novembre 1991). Ces textes spéciaux se greffent à la législation pénale générale constituée essentiellement par la Code Pénal, la loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant Code de Procédure Pénale, la loi n°19/99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022.92 du 20 août 1992 portant organisation judiciaire et bien d'autres.

Au Cameroun, l'arsenal juridique encadrant la faune sauvage est aussi suffisamment fourni. Au plan interne il est essentiellement basé sur la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche. Celle-ci, bien qu'étant une loi multisectorielle consacre son titre IV sur la faune. Elle définit une procédure répressive en son titre VI portant sur la répression des infractions. Ce titre apparaît comme un « fourre tout » puisqu'il cumule des infractions portant sur plusieurs aspects de la nature (forêts, faune et pêche).

Page | 15

Cette loi est appuyé par des actes réglementaires plus spécifiques tels que : le Décret n°95/466/PM du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application du régime de la faune ; le Décret n°2005/495 du 31 décembre 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du décret n°2005/099 du 06 avril 2005 portant organisation du Ministère des Forêts et de la Faune. Il y a également l'Arrêté n°0648/MINFOF du 18 décembre 2006 fixant la liste des animaux des classes de protection A, B et C ; l'Arrêté n°0649/MINFOF du 18 décembre 2006 portant répartition des espèces animales de faune en groupe de protection et fixant les latitudes d'abattage par type de permis sportif de chasse. A ces textes s'ajoutent les lois de portée générale telles que : la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale ou la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal, la liste n'étant pas exhaustive.

Sur le plan international, le Congo et le Cameroun étant deux pays de la sous-région Afrique Centrale ils ont ainsi, dans le cadre de la mise en oeuvre des politiques de répression contre la criminalité faunique transfrontalière, adoptés des instruments internationaux sectoriels d'abord de portée universelle. A ce titre, on peut citer : la Convention de Washington relative au commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) du 3 mars 1973, la Convention sur la Biodiversité de 1992, la Convention relative aux zones humides d'importances internationales (Ramsar) du 21 décembre 1973, la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage adoptée à Bonn en 1979. Mais à côté de ces textes internationaux de portée mondiale qui sont contraignants et non contraignants pour certains, il y a aussi d'autres textes de portée régional et sous-régional, on peut citer : l'Accord de coopération de Lusaka, sur les opérations concertées de coercition visant le commerce illicite de la faune et de flore sauvages du 8 septembre, la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles adoptée à Alger le 15 septembre 1968, révisée à Maputo en 2003. L'Accord de coopération et de concertation entre les Etats de l'Afrique Centrale sur la conservation de la faune sauvage adoptée à Libreville le 16 avril 1983, le Traité relatif à la conservation et à la gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique Centrale et instituant la Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC).

Ainsi, comme on peut le constater à l'instar du reste des pays d'Afrique centrale, le Congo et le Cameroun ont, au cours de ces dernières années, intensifiés la production normative dans le domaine de la protection et la conservation des espèces fauniques. Leur cadre juridique interne a été renforcé par l'internalisation des normes sectorielles de droit international de l'environnement. Aussi, la justice répressive dans ces pays devrait exercer une action efficace dans l'éradication des crimes contre la faune sauvage. Or, plusieurs études14 ont déploré les résultats enregistrés dans la lutte contre le braconnage, le commerce illicite des espèces animales protégées et l'ensemble des infractions qui y sont affiliées.

14 On peut citer en ce sens, le rapport de TRAFFIC de novembre 2016, sur la mise en application de la loi faunique au Cameroun ; GAÏKO (V.C), La protection juridique de la faune sauvage en République du Congo, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M, Brazzaville 2011 ; ONONINO (A.B), Lois et procédures en matière faunique au Cameroun, 1ère édition 2012.

Page | 16

Le Professeur Alexandre KISS affirmait en ce sens que : « les efforts faits au niveau mondial dans la protection des ressources forestiers n'ont abouti qu'aux résultats modestes »15. D'ailleurs, ce constat est partagé par l'ensemble des pays d'Afrique Centrale dans leur Déclaration sur la lutte anti-braconnage en ces termes : « (les) initiatives nationales de lutte contre le braconnage et le trafic illicite de la faune sauvage, en dépit d'importants moyens déployés, n'ont pas abouti aux résultats escomptés »16.

La responsabilité d'une telle défaillance ne peut être entièrement mise sur le compte de la justice pénale (qui est constituée en amont et en aval par plusieurs acteurs concourant à l'oeuvre de répression des atteintes contre la faune sauvage). Celle-ci entraine à des conséquences désastreuses sur l'ensemble des écosystèmes dans la sous-région. Selon le rapport « La nature du crime » de l'ONG IFAW publié en septembre 2013 : « Depuis, le commerce international d'espèces en danger n'a fait qu'augmenter, rendant la menace toujours plus réelle et pesante. Un nombre record d'éléphants tués pour leur ivoire a été atteint en 2011 et 2012, et certaines sous-espèces de rhinocéros se sont éteintes ou sont sur le point de disparaitre (...) Divers organismes et rapports estiment que ce commerce pèse au moins 19 milliards de dollars US par an et classent le commerce illicite d'espèces sauvages, bois et poissons inclus, au 4ème rang des activités illicites mondiales après les stupéfiants, les contrefaçons et la traite d'êtres humains, devant le pétrole, les oeuvres d'art, l'or, les organes humains, les armes de poing et les diamants »17. De nos jours, le phénomène de criminalité faunique a pris des proportions inquiétantes si bien qu'en mai 2013, la Commission des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale a adopté une résolution appelant les nations du monde entier à considérer la criminalité contre la faune sauvage et les forêts comme une forme sérieuse de crime organisé18 et Ban Ki-Moon, alors Secrétaire général de l'ONU a établit un lien entre le braconnage et d'autres activités criminelles organisées au plan international, y compris le terrorisme19.

On relève donc qu'une catastrophe s'abat sur l'humanité en générale et sur les pays des Bassins du Congo en particulier, avec la menace imminente de disparition d'une biodiversité riche et exceptionnelle. Face à cela, une seule question taraude les esprits : Où est donc la justice répressive au Congo et au Cameroun ? Que fait-elle ? En effet, celle-ci doit jouer le rôle de « gendarme de la loi ». Cette justice est constituée des acteurs qui participent, à divers niveaux et de façon multiforme, à l'application des normes répressives qui sont conçues par les législateurs nationaux et au niveau international. Ils concourent aussi à la protection de l'environnement et donc de la faune sauvage en luttant contre les différentes atteintes dont-elle peut être victime.

15 CORNU (M) et FROMAGEAU, Le Droit de la forêt au XXIème siècle, Aspects Internationaux, collection Droit du patrimoine culturel et naturel, l'Harmattan novembre 2007, Page 272.

16 Réunion d'Urgence des Ministres de la CEEAC en charge des Relations Extérieures, des questions de Défense et de Sécurité, de l'Intégration Régionale et de la Protection de la Faune sur la mise en oeuvre d'un Plan d'Extrême Urgence sur la Lutte Anti Braconnage dans zone septentrionale de l'Afrique centrale, Yaoundé (Cameroun), palais des congrès, 21-23 mars 2013, p. 2.

17 Fonds International pour la Protection des Animaux (IFAW), La nature du crime, septembre 2013, pages 3-4

18 Idem

19 Idem

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Ainsi donc, et comme nous le verrons, le juge pénal, le ministère public et tous les agents exerçant les missions relevant de l'ordre public écologique, sont considérés comme des protecteurs de la faune sauvage. Ils constituent ainsi le dernier rempart contre l'anarchie dont sont victimes les espèces en voie d'extinction. Leur rôle est donc central dans la chaîne de protection et de conservation des écosystèmes.

Mettant en relief l'action des juges, Christopher WEERAMANTRY estime qu' : « En tant que gardien de l'autorité de la loi, les juges sont dans une position unique pour donner force et effet au droit de l'environnement. Ils peuvent apporter de l'intégrité et de la conviction au processus de protection de l'environnement (...). Ils contribuent également au développement du droit de l'environnement grâce à leur tâche traditionnelle d'interpréter et de combler les vides des textes de loi »20. Et M. Abauzit ajoute qu'il (le juge répressif) a un « rôle de bon berger pour l'application des lois de protection de l'environnement (...). Si l'administration a parfois la tentation de négliger l'environnement, le juge, lui, se trouve en dernière ligne et ne peut se dérober face à la règle environnementale »21. Or, au Congo et au Cameroun, la justice répressive est quasi-impuissante, désarmée et totalement passive dans la lutte contre cette forme particulière de criminalité. Pourtant, sa réponse face aux infractions de droit commun est sans appel, qu'il s'agisse des atteintes contre les personnes ou les biens, sa production jurisprudentielle est abondante. Cependant, la matière environnementale est particulière, elle a ses réalités et comme l'affirmait BADO : « Nul n'est bon juge que de ce qu'il connait »22. Aussi, pour juger les crimes relevant de la matière environnementale, il faut connaître l'environnement et ses contours.

Outre ces difficultés de connaissance de la matière environnementale, il faut aussi relever qu'en matière de protection de la faune sauvage, le juge pénal de ces pays reste confronter à plusieurs types de problèmes. D'abord, le principe de la légalité23 qui a pour corolaire, l'obligation d'interprétation stricte de la loi pénale, fut-elle une loi spéciale, constitue un obstacle infranchissable au pouvoir normatif du juge. Considéré comme un fidèle serviteur et parfois même un esclave de la loi pénale, il se doit de l'appliquer de manière uniforme, peut importe l'espèce ou le fait de la cause soumis à sa connaissance. Seulement, les incriminations en matière faunique ne sont prévues et réprimées que par les lois spéciales dites « sectorielles ». Ces lois comportent, du fait du caractère évolutif et expérimental de la matière environnementale, des lacunes, des incomplétudes et des insuffisances. On relève même parfois des énormes contrariétés avec les lois répressives de portée générale (code pénal et de procédure pénale). C'est ainsi que ces juges se trouvent-ils coincés entre une obligation d'application stricte des textes sectoriels souvent mal adaptés aux réalités du procès pénal, d'une part, et la nécessité de donner une réponse à toutes atteintes contre la faune sauvage portée à leur connaissance, d'autre part.

20 CANIVET (G), LAVRYSEN (L) et GUIHAL (D), Manuel judiciaire de Droit de l'environnement, Nairobi, PNUE 2006, page 17

21 LECUCQ (O), Le rôle du juge dans le développement du droit de l'environnement, 1ère édition, Bruxelles, BRUYLANT 2008, page 19.

22 BADO (J.E), Un juge pour l'environnement, in Journal africaine pour l'environnement. Yaoundé 2015, page.11

23 Le principe de la légalité est souvent attribué à Montesquieu qui estime dans l'esprit des lois (Livre XI, Chap. VI) que « Les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi ».

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En suite, ce principe de la légalité qui découle aussi de la souveraineté étatique se heurte à la prégnance des normes internationales du droit de l'environnement sur le droit interne. En effet, qu'il s'agisse de la protection des espèces ou de tout autre domaine, le droit de l'environnement est par essence un droit cosmopolite et passeur de frontières24. De plus, certaines infractions telles que le braconnage ou le commerce illicite des espèces menacées ont une nature transnationale et pour y faire face, le juge doit s'émanciper. Il doit fournir l'effort de s'approprier de ces instruments internationaux. En ce sens, M. DELMAS-MARTY écrit que ces juges « sont comme libérés du droit interne au profit d'un droit international dont l'imprécision a pour effet de renforcer leur marge d'interprétation »25.

Ainsi donc, il faut retenir qu'en dépit de l'effort de normalisation au plan interne par chaque pays et celui d'intégration ou d'adhésion au processus d'internationalisation de la répression de la criminalité faunique, « le constat fait aujourd'hui (au Congo et au Cameroun) est que le braconnage et son corollaire le commerce illégal de la faune demeurent sans cesse croissants et les espèces protégées continuent d'être décimées de façon alarmante au mépris des lois. Les raisons de ce qu'on peut considérer comme un échec abondent et elles sont en grande partie le fait de l'inefficacité et l'ineffectivité de l'application de la loi »26. Outre l'effectivité dans l'application de la norme répressive. On relève également des problèmes d'efficacité dans le fonctionnement et l'organisation du système chargé de mettre en oeuvre cette répression. Ainsi, si des auteurs comme Nathalie ROBET et Mathilde PORRET-BLANC ont soulevé l'effectivité de la norme pénale en la matière comme problématique27. D'autres à l'instar de David CHILSTEIN et Oliveira BOSKOVIC ont, par contre, évoqué l'inefficacité et même une « inefficacité chronique »28 ou encore « une efficacité douteuse »29 des acteurs concourant à la répression des atteintes à la faune sauvage30.

Abondant dans le même sens, nous nous sommes intéressés au rôle et à la place de la justice répressive en tant que maillon essentielle dans le processus de protection de la faune sauvage. Dans la présente étude, nous avons tenté d'identifier les moyens juridiques et les acteurs judiciaires qui concourent à la répression de ces infractions. Ensuite, nous avons examiné les obstacles qui découlent tant de l'application des normes répressives en la matière qu'aux problèmes qui minent le système répressif lui-même. Une telle étude, basée sur la réalité des deux pays, ne saurait être entreprise sans une approche comparative entre le Congo et le Cameroun, ni même sans faire l'exégèse de leurs instruments juridiques (internes et internationaux en la matière).

24 LECUCQ (O), op.cit.

25 DELMAS-MARTY (M), La refondation des pouvoirs : Les forces imaginantes du droit, Paris, SEUIL 2007, page 65.

26 ONONINO (A.B), Lois et procédures en matière faunique au Cameroun, publié avec le concours de LAGA et de WWF Programme Eléphant d'Afrique 1ère édition. Yaoundé 2012, page 21.

27 ROBET (N) et PORRET-BLANC (M), L'effectivité du droit pénal de l'environnement, in Revues Lexisnexis n°7, juillet 2016, page 13 à 19.

28 BOSKOVIC (O), CHILSTEIN (D) et autres, L'efficacité du droit de l'environnement, mise en oeuvre et sanctions, édition, Paris, Dalloz 2010, page 72.

29LASSERE CAPDEVILLE (J), Le Droit pénal de l'environnement : Un droit encore à l'apparence redoutable et à l'efficacité douteuse, in Sauvegarde de l'environnement par le Droit pénal, 1èreédition, Paris, l'Harmattan 2005, page 12.

30 ONONINO (A.B) op.cit

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Ainsi donc, comme l'évoquait Monsieur Laurent FABIUS, ancien Ministre français des affaires étrangères : « Le trafic illégal de la faune sauvage a pris une ampleur nouvelle, Par sa faute, des espèces millénaires menacent de s'éteindre. Dans certaines régions du monde, notamment en Afrique, une criminalité organisée se nourrit de ce commerce lucratif. Au-delà même de la tragédie environnementale, ces bandes appauvrissent des peuples, fragilisent des Etats souverains et alimentent des conflits armées »31. Il s'ensuit qu'en partant d'un constat majeur qui est la persistance et l'intensification de cette forme particulière de la criminalité qui met à mal les écosystèmes dans la sous-région Afrique centrale. Notre objectif est de faire un inventaire du cadre juridique qui constitue la base du système répressif en matière de protection des espèces fauniques dans ces deux pays. Ceci, pour en identifier les insuffisances et incohérences. Examiner de manière plus approfondie le rôle assigné aux différents acteurs qui concourent à l'exercice de cette justice. Ainsi que les différents aspects qui relèvent de la procédure y afférente. Pour déduire les obstacles et faire des propositions concrètes en vu d'une amélioration et une évolution du système répressif dans ces pays.

On comprend donc aisément que cette étude, qui vaut son pesant d'or, revêt des intérêts multiples qui sont à la fois écologiques, juridiques, historiques et pratiques.

? Au plan écologique, cet intérêt se justifie par le fait que :

La protection de la faune sauvage par les juridictions répressives, traduit une volonté des pouvoirs publics d'éradiquer la criminalité faunique. Celle-ci se manifeste à travers la mise en place des codes sectoriels. La prise en compte des conventions internationales dans ce domaine et l'application des sanctions pénales. Dans la mesure où, cette criminalité a des conséquences directes sur l'équilibre des écosystèmes. Le but étant donc, de préserver le patrimoine biologique de ces pays. Puisqu'il est clairement démontré, que les espèces animales sauvages jouent un rôle considérable dans l'équilibre et la régénération des forêts qui sont des vastes étendues séquestrations du dioxyde de carbone. En effet, il est établit que des grands mammifères comme les éléphants et hippopotames favorisent le pouvoir germinatif de certaines graines32. De même qu'ils nettoient le lit de certains cours d'eau tout en procurant des aliments à des petites espèces33.

? Au plan juridique, le sujet nous permet de faire une exégèse de l'ensemble des textes de portée sectorielle et générale sur la faune sauvage.

Aussi bien au niveau interne qu'international et sur lesquels se fondent les juridictions répressives dans la répression des atteintes contre les espèces fauniques. Il permet de comprendre les raisons qui justifient les inefficacités constatées dans leur application. Comprendre : le quand, le pourquoi, et le comment ? À travers une étude comparative entre les lois congolaises et camerounaises.

31 Rapport IFAW op.cit.

32 Voir en ce sens, IFAW, Programme Eléphant, la pertinence et la stabilité des éléphants pour le développement humain,

33 GAÏKO (V.C), La protection juridique de la faune sauvage en République du Congo, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'Ecole de la Magistrature (DENAM), Brazzaville, Université Marien N'GOUABI décembre 2011, Page 6.

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Entre les normes internes et internationales, sectorielles et générales. Il permet aussi de faire un examen approfondie sur les règles procédurales (les enquêtes, la constatation des infractions, la saisine, la compétence, la constitution de partie, les recours...). Ainsi que les rôles et les compétences de chacun des acteurs qui concourent à cette répression. Et enfin, il transcende le cadre sectoriel pour examiner les questions de criminalité internationale, l'entraide judiciaire dans la mise en oeuvre des poursuites transfrontalières, les procédures d'exéquatur.

? Au plan historique, cet intérêt il tient du fait que :

L'étude permet de procéder à un inventaire des textes. Elle porte un regard critique sur l'évolution des textes régissant le domaine de la faune en partant depuis l'époque coloniale, les indépendances, les années 1970 à nos jours. Ainsi que l'évolution de la justice pénale en tant qu'organe hérité de la colonisation pour assurer la répression des différentes entorses aux lois répressives de la République.

? Au plan pratique le sujet trouve aussi sa place puisque :

L'étude permet de mettre en exergue une certaine impunité dans laquelle baignent les contrevenants aux lois fauniques. C'est la conséquence d'une politique de conservation permissive et inadaptée. En effet, très peu de délinquants sont déférés devant les autorités judiciaires. L'insuffisance d'infrastructures et le manque de formations adéquates des agents de la police et de la gendarmerie, et la non spécialisation des acteurs judiciaires rendent inefficace cette répression. Les interpellations ou arrestations de braconniers se soldent parfois par un élargissement lorsque ce n'est pas par le fait d'une transaction qu'ils doivent leur liberté. La persistance de ces agissements imputables au laxisme et à la tolérance des auxiliaires de justice s'avère compromettante pour la survie des espèces fauniques. C'est au regard de tout ce qui vient d'être énuméré que le contentieux faunique est fort insignifiant, alors que paradoxalement le nombre de braconniers augmente effroyablement.

Ainsi donc, au regard de tout ce qui précède, il paraît clairement que la problématique de notre étude porte sur l'effectivité et l'efficacité des moyens mis à la disposition de la justice répressive pour assurer la protection de la faune sauvage. Celle-ci peut être fragmentée en plusieurs questions à savoir :

y' Quel est l'effectivité des instruments juridiques que le Congo et le Cameroun ont mis à la disposition de leur justice pénale pour assurer une répression en matière de la faune sauvage ?

y' Quel est l'efficacité de l'action exercée par les différents acteurs judiciaires constituant la chaîne répressive et qui concourent à l'exercice de cette protection ?

y' Quels sont les obstacles qui empêchent cette justice à exercer une action répressive plus effective et efficace ?

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De ces interrogations, il nous a paru nécessaire d'envisager des tentatives de réponses à travers une hypothèse qui constituera la trame de notre travail. Ainsi, nous estimons que : Dans le cadre de la répression des infractions fauniques, la justice pénale au Congo et au Cameroun est toujours balbutiante. Cela, après plusieurs décennies et malgré un arsenal juridique (interne et international) suffisamment fourni. La chaîne répressive constituée des différents acteurs concourant à la mise en oeuvre de cette mission de protection de la faune sauvage par le droit pénal connait plusieurs difficultés. Aussi cet échec est lié à des raisons d'ineffectivité et d'inefficacité aussi bien dans l'application des normes que dans l'action des acteurs qui animent cette justice. Il s'ensuit que pour lutter plus efficacement contre la criminalité faunique dans ces pays, cette justice répressive a besoin d'amélioration à travers des mesures tendant à la faire évoluer pour mieux l'adapter aux enjeux actuels du droit de l'environnement.

Aussi dans le cadre de ce travail, nous nous sommes focalisé sur des techniques d'investigations comme : la recherche documentaire à travers la doctrine, la jurisprudence et les textes de lois. Nous avons procédé à des entretiens avec des personnes ressources. Ceci, en faisant recours à des méthodes comparatives, analytiques et critiques.

C'est pourquoi, pour aboutir à un travail rigoureux et cohérent, nos analyses consisteront essentiellement à examiner : Le cadre juridique consacré à la protection pénale de la faune sauvage et les obstacles à sa mise en oeuvre (Dans une première partie). Ensuite : La mise en place d'une chaîne pénale en vu d'une réponse efficace contre la criminalité faunique (Dans une deuxième partie).

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Première Partie :

LE CADRE JURIDIQUE CONSACRE A LA

PROTECTION PENALE DE LA FAUNE SAUVAGE

ET LES OBSTACLES A SA MISE EN OEUVRE.

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En matière criminelle, il faut des lois34, disait PORTALIS. La justesse de cette affirmation ne s'applique pas seulement en ce qui concerne les infractions classiques de droit commun, mais aussi dans un domaine spécial comme celui de la criminalité faunique. Dans ce sens, dès le début des années 199235, la notion d'environnement étant devenue une « valeur sociale protégée »36, la plupart des Etats d'Afrique Centrale se sont dotés progressivement d'un cadre juridique composé de nombreuses règles spéciales destinées à protéger les différents secteurs dont celui de la faune sauvage. Pour assurer l'effectivité de la règlementation protectrice des espèces fauniques et veiller à son respect, les législateurs congolais et camerounais ont fait, de plus en plus, appel au droit répressif et à son juge en accompagnant ces textes par des incriminations et des sanctions spéciales. Or, souvent, cette protection est aussi conditionnée par la cohérence entre les normes de droit interne et celles du droit international de l'environnement, les premières étant tributaires des secondes. Ainsi, en l'état actuel du droit positif congolais et camerounais, on peut affirmer qu'il existe un corpus juridique consacré à la protection de la faune sauvage (Chapitre I).

Cependant, nonobstant cette intense production normative on constate, après plusieurs décennies, la persistance du braconnage à grande échelle, du commerce illicite des espèces menacées d'extinction et des autres types d'infraction à la loi faunique. Ainsi, en s'interrogeant sur l'application effective de la réglementation faunique au Congo et au Cameroun, on se conviendrait presque avec le Professeur Maurice KAMTO pour qui : « le sommeil (ou l'ineffectivité) n'est pas une particularité des normes juridiques de l'environnement, c'est une caractéristique du droit africain dans son ensemble : c'est tout le droit qui paraît en hibernation »37. Il ne fait donc aucun doute que l'application effective du cadre juridique consacré à la répression des atteintes contre les espèces fauniques est confrontée à de nombreux obstacles (Chapitre II).

34 PRADEL (J) et DANTI-JUAN (M), Droit pénal spécial, 5ème édition, Paris, CUJAS, 10 juillet 2010, page 15.

35 Certains auteurs comme Stéphane DOUMBE-BILLE ou Maurice KAMTO, affirment que c'est à partir de la Conférence de Rio en 1992 qu'il y a eu dans les pays Africains une véritable prise de conscience s'agissant des questions portant sur la protection de l'environnement.

36 DAOUD (E) et LE CORRE (C), La responsabilité pénale des personnes morales en droit de l'environnement, in Perspectives étude n°44, mars 2013, page 53.

37 KAMTO (M), Le Droit de l'environnement en Afrique, 1ère édition, Paris, EDICEF 1996, page 18.

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Chapitre I : L'existence d'un corpus juridique

adapté à la répression des atteintes contre la faune

sauvage.

Le droit de l'environnement est « par essence cosmopolite »38, aussi dans le domaine de la protection de la faune sauvage, chaque Etat en mettant en place un cadre juridique destiné à la répression des atteintes contre les espèces fauniques fait appel à une internormativité. On constate à cet effet, que le droit interne congolais et camerounais puisent leur source, en partie, dans le droit international de l'environnement qui lui-même est composé à la fois des normes de portée sous-régionale, régionale et mondiale. Or, cette porosité législative qu'impose le droit de l'environnement aux Etats s'adapte mal avec le principe de souveraineté pénale. En effet, depuis la naissance des Etats modernes, il existe toujours un lien intime qui unit la souveraineté et le « ius puniendi ». Autrement dit : « Le droit de punir est l'expression du souverain (de l'Etat) à l'égard de sa population et de son territoire »39. Aussi, le juge pénal qui est lui-même soumis au principe de la légalité des délits et des peines, laquelle a pour corolaire celui de l'interprétation stricte de la loi pénale, doit d'abord et avant tout recourir aux normes répressives de droit interne comme source cardinale dans la répression des infractions fauniques (Section 1).

Mais ensuite, il doit tenir compte du fait que le droit pénal protégeant la faune sauvage, en tant qu'un aspect du droit de l'environnement, ne saurait être considéré comme une bulle isolée dans un monde juridique composé de source diversifiée. La nécessité de réprimer une criminalité dont les enjeux dépassent parfois les sphères nationales conduit le juge à « une certaine émancipation (...) il se libère du droit interne au profit d'un droit international ». C'est pourquoi, en matière de protection de la faune sauvage, la norme de droit international de l'environnement peut constituer pour le juge répressif une source de référence (Section2).

Section1 : Des normes répressives de droit interne comme source cardinale pour la protection des espèces fauniques par le juge pénal.

Les préoccupations environnementales axées sur une nécessité de préserver la biodiversité à travers la conservation des écosystèmes dans le Bassin du Congo à conduit le Congo et le Cameroun, au cours de ces dernières décennies, à mettre en place respectivement un arsenal juridique relatif à la protection des ressources fauniques suffisamment fourni.

38 LECUCQ (O) et MALJEAN-DUBOIS (S), Le rôle du juge dans le développement du droit de l'environnement, 1ère édition, Bruxelles, BRUYLANT 2008, page 24.

39SFDI, « La souveraineté pénale de l'Etat au XXI ème siècle », in colloque annuel de la Société Française pour le Droit International (SFDI), Lille les 18, 19 et 20 mai 2017.

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Ce dispositif comportant à la fois des textes d'incriminations et des aspects procéduraux suis generis a facilité l'apparition d'un droit pénal spécifique à la protection de la faune sauge. Aussi, on peut parler de l'existence d'un régime de protection pénale de la faune sauvage en droit interne congolais (§1) qui est distincte de celui mis en place en droit interne camerounais (§2).

Paragraphe1 : Le régime de la protection pénale de la faune sauvage en droit interne congolais.

Préfaçant l'ouvrage intitulé : Code de l'environnement de Delphine EMMANUEL ADOUKI, le Professeur Michel PRIEUR écrivait qu' « Une société responsable doit prendre en considération non seulement les risques présents de destruction de l'environnement mais aussi les risques futurs qui priveront nos descendants des richesses de la terre ». C'est donc le sens de la responsabilité qui a conduit l'Etat congolais, depuis plusieurs décennies, à mettre en oeuvre une politique de protection de ses ressources fauniques. Depuis 1962 jusqu'à nos jours, on a assisté à une prolifération des textes sectoriels comportant des dispositions portant sur des incriminations, des sanctions et des aspects procéduraux sur lesquels se fonde le juge répressif pour assurer une protection de la faune sauvage. Il en résulte donc que la protection pénale de la faune sauvage au Congo est un régime basé sur une diversité de textes en continuelle évolution (A). Mais cette protection est aussi caractérisée par des aspects procéduraux hétéroclites (B).

A)-Une protection pénale basée sur un foisonnement de texte en constante évolution.

L'analyse du régime répressif mis à la disposition de la justice pénale pour assurer la protection des ressources fauniques au Congo passe nécessairement par une rétrospection de l'ensemble des textes sectoriels sur la faune sauvage. Ils mettent en relief les aspects répressifs (1). De cet inventaire, il résultera que la profusion normative dans ce domaine a eu pour conséquence : une hétérogénéité des incriminations et des sanctions rendant parfois difficile la tâche du juge pénal (2).

1-L'évolution des normes répressives protégeant la faune sauvage en droit interne congolais.

C'est dès le lendemain de son indépendance, le 15 août 1960, que la République du Congo a adopté une loi relative à l'exploitation de la faune sauvage. Bien que celle-ci ne rentrait pas encore dans le cadre d'une politique globale de protection de l'environnement, elle comportait déjà une classification des infractions repartie en deux catégories. En effet, son article 70 sur le classement des infractions établit une nomenclature des atteintes qui sont, pour la plupart de nature administrative fondées sur l'existence d'une inobservation de la réglementation en matière de chasse.

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C'est ainsi qu'on peut constater dans les premiers alinéas de l'article 70 : « Sont classées en première catégorie : les infractions suivantes :

-Non présentation du permis ou de toute autre pièce nécessaire au contrôle de la chasse ainsi qu'à celui de la détention, de la cession, du commerce, du transport et de l'exploitation des divers produits de la chasse ,
·

-Non inscription sur le permis ou inscription non conforme aux règlements, des animaux protégés abattus ,
·

-Chasse sans autorisation dans les propriétés ou sur le territoire des communes rurales où la chasse est réservée... ».

Aussi pour le juge répressif congolais, encore sous l'influence du droit pénal de l'ancien colonisateur, la recherche de l'imputabilité de l'acte infractionnel au délinquant consistait essentiellement en la recherche d'un élément matériel. Celui-ci se résumait soit à des actes de chasse, à détenir, commercer ou transporter des produits de chasse en tout illégalité. L'élément intentionnel consistait, pour le juge, en la recherche d'une volonté manifeste chez le délinquant d'agir en ayant pleine connaissance d'une violation des prescriptions légales en matière de chasses.

Au début des années 1980, le changement de régime politique a influencé la volonté du gouvernement à réguler le secteur de la chasse. C'est dans cet ordre que s'inscrit la loi n°48/83 du 21 avril 1983 définissant les conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage40. Celle-ci définissant d'entré de jeu, le domaine de protection à travers une classification tripartite des animaux sauvages objets de la protection légale. L'article 2 est ainsi stipulé : « Les animaux sauvages sont classés en trois catégories :

-Animaux intégralement protégés (Classe A) -Animaux partiellement protégés (Classe B) -Animaux non protégés (Classe C) »

Cette loi apparaît comme une version plus améliorée, puisqu'elle donne une définition légale d'un « acte de chasse », qui constitue pour le juge pénal un élément essentiel dans la caractérisation des différentes infractions. Ainsi, aux termes de l'article 5 de cette nouvelle loi : « Est qualifié acte de chasse tout acte/ de toute nature tendant à capturer ou tuer pour s'approprier ou non tout ou partie de son trophée ou de sa dépouille, un animal sauvage vivant en liberté appartenant à l'une des catégories désignées à l'article 2 ». Bien que pouvant être considérée comme novatrice à cette époque, cette définition donnait déjà lieu à diverses interprétations du juge pénal congolais.

40 EMMANUEL-ADOUKI (D.E), Code de l'Environnement, tome 1, édition Saint-Paul Congo-Brazzaville, page 49.

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Ce dernier, en s'inspirant de la jurisprudence française d'avant les indépendances, pouvait selon le cas désigner comme : « acte de chasse de toute nature » la recherche41, la poursuite42, la capture ou la mise à mort43 d'un animal catégorisé à l'article 2. La loi de 1983 va plus loin que celle de 1962, en ce qu'elle classe les atteintes à la faune sauvage en deux catégories, les délits et les contraventions (article 48). Mais l'analyse des différentes infractions qualifiées de délits prévus à l'article 49 montre aussi que jusque là, le but de cette règlementation n'était pas encore la protection des ressources naturelles dans un souci de préserver les écosystèmes. En effet, il ressort de cet article : « Sont considérées comme délits au sens de la présente loi, les infractions ci-après :

-Toute chasse illicite d'animaux intégralement ou partiellement protégés ,
· -L'utilisation d'un permis scientifique à des fins commerciales ,
·

-L'exercice du métier de guide de chasse sans licence ,
·

-La capture d'animaux sauvages et la détention de leurs produits sans permis scientifiques ou licence ,
·

-La chasse des crocodiles et varans sans licence de chasse aux crocodiles et varans ,
· -Le commerce des pointes d'ivoire et peaux de crocodiles et varans sans patente ,
·
».

Ainsi, comme on peut le constater, sur cette liste d'incriminations, qui n'est pas exhaustive, les infractions sont fondées non pas sur l'atteinte à l'intégrité d'un animal protégé. Elles sont au contraire fondées sur le défaut d'un titre administratif autorisant le délinquant à chasser, détenir ou commercer l'animal protégé. Cette remarque s'applique aussi sur l'ensemble des contraventions prévues à l'article 50 de la loi sus indiquée. Il paraît donc claire, que jusqu'à la fin des années 1980, la réglementation portant sur la faune sauvage était mise en oeuvre pour réguler le secteur de la chasse et non pas par nécessité de protéger l'environnement.

L'arrivée du multipartisme au Congo a coïncidé avec la prise de conscience, par les Etats africains, de la place de l'environnement et la nécessité de mettre en oeuvre des politiques visant à sa protection. En effet, si la Conférence de Rio marque un tournant important pour l'avenir du droit international de l'environnement, son Agenda 21 constituera une référence importante pour le droit de la faune et des aires protégées44.

41 En ce sens, les juridictions répressives congolaises s'inspiraient de la jurisprudence de l'ancienne métropole. Ainsi, pour le Tribunal correctionnel de Toulon dans une décision du 8 décembre 1952 « La recherche du gibier constitue incontestablement un acte de chasse. La réalité de cette acte découle de l'attitude du chasseur aux aguets, de l'existence d'une battue ou d'une traque de gibier, de l'action des chiens ».

42 Un arrêt de la Cour de Cassation a établit que : « Est coupable d'acte de chasse dans une réserve, celui qui après avoir lâché la meute de chiens sur un territoire de chasse, les laisse délibérément poursuivre un sanglier à travers le territoire de la réserve » (Cass. Crim., 25 janvier 2011)

43 Selon une jurisprudence rendue par le Tribunal correctionnel d'Avesnes-sur-Helpe : « Constitue un acte de chasse, le fait intentionnel de capturer ou de tuer un gibier, sans qu'il y ait lieu à prendre en considération le mobile réel de l'auteur » (Trb. Corr. Avesnes-sur-Helpe, 18 février 1959, Rec. Dalloz 1960, sommaires p.7)

44 Voir le chapitre 15 de l'Agenda 21 relatif à la préservation de la diversité biologique.

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La République du Congo qui ouvrait, au plan national, une nouvelle page de son histoire politique et institutionnelle ne devait pas manquer ce tournant. Ainsi, il a été mise en oeuvre une politique de préservation du cadre environnemental, laquelle était basée sur une production normative sectorielle intense. D'abord la loi n°003/91 du 23 avril 1991 sur la protection de l'Environnement dont le titre 3 sera consacré à la protection de la faune et de la flore. L'article 19 de cette loi vise l'interdiction de toutes formes d'atteintes contre l'intégrité physique des espèces protégées ou contre leur habitat. La protection de la faune était si

préoccupante que la Conférence Nationale Souveraine (CNS) avait par Acte
n°114/91/CNS/P/S du 24 juin 1991 instituée une interdiction d'abattage des éléphants en République du Congo.

Au plan constitutionnel, il faut souligner que la Constitution du 15 mars 1992 est la première à énoncer, dans son préambule, la promotion d'une exploitation rationnelle des richesses et des ressources naturelles45. De même que, son article 46 dispose que : « Chaque citoyen a droit à un environnement sain, satisfaisant et durable et a le devoir de le défendre. L'Etat veille à la protection et à la conservation de l'Environnement ». L'article 104 classe l'environnement et la conservation des ressources naturelles comme relevant du domaine de la loi. De son côté, le préambule de la Constitution du 20 janvier 2002 réaffirmait le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Tandis que le droit à un environnement sain et durable, ainsi que le devoir incombant à l'Etat de veiller à la protection et à la conservation de l'environnement est prévu à son article 35. Plus loin, son article 111 dispose que : « Sont du domaine de la loi (...) - l'environnement et la conservation des ressources naturelles ». Ces principes ont été repris par la Constitution du 25 octobre 2015 aussi bien dans son préambule que dans ses articles 41 et 125. Mais cette nouvelle Constitution se démarque des deux autres, en ce qu'elle institut un Conseil Economique, Sociale et Environnemental en ses articles 196 à 199. Cette institution constitutionnelle, bien qu'ayant un caractère consultatif, a été dotée d'un pouvoir d'auto-saisine sur tout problème environnemental. Dans ce sens elle peut, en cas de menace grave contre la faune sauvage, se saisir de l'affaire et y apportée des approches de solution pouvant être soumises au gouvernement. Ainsi, en matière de protection, elle constitue un organe qui peut appuyer le travail de la justice répressive.

Enfin, la loi n°16-2000 du 20 novembre 2000 portant Code forestier au Congo prévoit des incriminations protégeant l'habitat de la faune sauvage. Dans ses articles 43, 44, 137 et 138, elle prévoit le délit d'incendie volontaire ou involontaire et les peines encourues. La loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées a améliorée l'aspect répressif des atteintes contre la faune sauvage. Elle renforce le quantum des peines d'amendes et d'emprisonnement à travers une classification tripartite des sanctions et des infractions. On relève pour la première fois dans la législation congolaise une atteinte à la faune ou à son habitat qui est érigée en crime punie des peines d'emprisonnement entre 10 ans et 20 ans et à celle d'une amende de 10.000.000 à 50.000.000 de francs CFA.

45 Préambule de la Constitution du 15 mars 1992

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En effet, l'article 114 est ainsi stipulé : « Est punie d'une amende de 10.000.000 fcfa à 50.000.000 fcfa et/ou d'une peine de 10 ans à 20 ans de réclusion, toute personne qui aura rejeté ou déversé des substances ou des déchets préjudiciables à la faune ou à son milieu ».

Après plus de cinquante années, on peut affirmer que l'évolution des législations portant sur la protection de la faune sauvage a été marquée par une amélioration considérable des incriminations et des sanctions. Au départ, l'objectif était simplement de réguler la chasse à travers des incriminations basées sur l'inobservation des prescriptions administratives. Aujourd'hui, ce cadre répressif a intégré les objectifs de préserver l'environnement avec des infractions fondées sur la protection de l'intégrité des espèces et leur milieu. On parlera ainsi de l'hétérogénéité de ces textes d'incriminations.

2-L'hétérogénéité des textes d'incriminations en matière faunique.

Après avoir examiné l'évolution et la diversité des textes portant sur la protection de la faune sauvage, il convient pour nous de mettre l'accent sur les incriminations prévues dans ces textes. C'est sur leur base que le juge répressif se fonde, à travers une interprétation stricte, pour établir la culpabilité du délinquant déféré devant lui. Or, lorsqu'on passe en revue l'ensemble de ces infractions telles que proposées par la classification des lois de 1962, 1983 et 2008, il saute aux yeux un sérieux problème de manque de lisibilité et de cohérence.

En effet, l'environnement et partant la faune sauvage étant par essence des domaines très techniques, il ne suffisait pas pour le législateur « de fulminer des incriminations et des peines ». Surtout, il devait les ordonner en suivant une certaine logique de sorte à permettre au juge de les appliquer aisément. Mais, tel n'est pas le cas. Les classifications des incriminations proposées au fil des années par le législateur congolais se présentent, dans chaque loi, comme une sorte de capharnaüm infractionnel ou une mosaïque d'incriminations. Pour s'en convaincre : l'article 112 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 dispose que : « Sans préjudice des confiscations, restitutions, retraits de permis et licence de chasse ou dommages-intérêts, sera puni d'une amende de 10.000frcfa à 500.000frcfa et d'un emprisonnement de 1à 18 mois ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque aura : - Chassé sans être détenteur du permis ou de licence de chasse requis ; -Chassé pendant une période interdite ou dans une zone non ouverte à la chasse ; -abattu ou capturé des animaux en excédant les limites autorisées ; -Chassé avec des moyens prohibés : la chasse en véhicule à moteur, à partir d'un aéronef ou d'une embarcation constitue une circonstance aggravante ; -Chassé entre le coucher et le lever du soleil ; -volontairement fait obstacle à l'accomplissement des devoirs des agents de l'administration des eaux et forêts ; -pénétré dans une aire protégée sans permis de visite ; -ramasser ou détruire des oeufs ou des nids sans être autorisé ; -commercialiser de la viande d'animaux sauvages sans être autorisé ; - faire circuler des trophées sans être détenteur du certificat d'origine correspondant ; -détenir illégalement un animal sauvage non intégralement protégé ».

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De même, l'article 113 de la même loi dispose que : « Sans préjudice des confiscations, restitutions, retraits de permis et licence de chasse ou dommages-intérêts, sera puni d'une amende de 100.000frcfa à 5.000.000frcfa et d'un emprisonnement de 2 ans à 5ans ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque aura : -fait des aménagements non autorisés ou chassé sans autorisation à l'intérieur d'une aire protégée ; -abattu une femelle suitée, un oiseau ou un reptile en nidation ; -abattu un animal intégralement protégé ; -rejeté ou déversé des substances ou des déchets préjudiciables à la faune ou à son milieu ;

-exploité, à l'intérieur des parcs nationaux, le sol, le sous-sol et les ressources naturelles, en violation des dispositions de la présente loi ; -importé, exporté, commercialisé ou fait transiter sur le territoire national des animaux sauvages ou leurs trophées en violation de la présente loi ou des conventions internationales en vigueur au Congo ; -chassé avec un véhicule à moteur appartenant à l'Etat ; -chassé avec les armes de guerre ; -chassé à l'aide d'engins éclairants ; -utilisé un permis scientifique à des fins commerciales ; -exercé le métier de guide de chasse sans y être autorisé (...) ».

Lorsqu'on examine de près ces infractions elles peuvent, en réalité, être reparties en deux grandes catégories avec des sous catégories :

V' D'une part : On peut regrouper certains types d'atteintes au titre des infractions à la police de la chasse.

Cette classification principale peut être subdivisée en cinq (5) sous-classifications à savoir : les infractions relatives au permis de chasser (tel est le cas des infractions visées à l'article 112 alinéas 1er, 8 et 11 ; 113 alinéa 1er, 10 et 11 de la loi congolaise de 2008). Les infractions relatives aux temps de chasse (tel est le cas des infractions visées aux articles 112 al. 2, 5 et 16 de la même loi). Les infractions relatives aux lieux de chasse (tel est le cas des infractions visées aux articles 112 al. 2 et 7 ; 113 al. 1er, 4 et 5). Les infractions relatives aux modes et moyens de chasse (articles 112 al. 4 ; 113 al. 7 et 9). Enfin, les infractions relatives à la régulation du gibier et au contrôle de chasse (articles 112 al. 2, 3 et 6 ; 113 al. 6, 12 et 13).

V' D'autre part : On peut regrouper certaines atteintes au titre des infractions à la police de la préservation de la faune sauvage.

Ce sont des infractions qui sont relatives à la préservation du patrimoine biologique. Il s'agit entre autre : Des atteintes à l'intégrité des espèces fauniques telle que visée à l'article 19 alinéa 1er de la loi n°003/91 du 23 avril 1991 qui dispose que : « Il est interdit en vertu de l'article 18 : -l'abattage, la chasse et la capture de la faune sauvage protégée ainsi que la destruction de son habitat ». A ces atteintes, on peut également associer les infractions de nature transnationale et celles portant sur l'utilisation de produits dangereux (importation, exportation, le transite sur le territoire national des animaux sauvages et même le rejet ou le déversement des substances ou des déchets préjudiciables à la faune ou à son milieu). La particularité de ces infractions relève du fait qu'elles sont conditionnées par la mise en place d'un domaine de protection des espèces fauniques. Il s'agit d'un texte réglementaire qui établit une classification ainsi que des listes d'espèces protégées selon les catégories ou le degré de protection.

C'est ainsi que l'Arrêté n°3863/MEF/SGEF/DCPP déterminant les animaux intégralement et partiellement protégés prévus par la loi n°48/83 du 21 avril 198346, détermine sous forme d'annexe les animaux intégralement et partiellement protégées. La caractérisation de ces infractions peut aussi dépendre de la détermination de la période de chasse. En ce sens, le Ministre en charge de la faune fixe par un arrêté les périodes d'ouverture et de fermeture de la chasse. Tel est le cas de l'Arrêté n°3772/MAEF/DEFRN/BC-1701 fixant les périodes de chasse et de fermeture de la chasse en République Populaire du Congo47.

En examinant l'ensemble des infractions prévues aux articles 112 à 114 de la loi sur la faune, certaines de ces atteintes peuvent être considérées comme des infractions relatives règles de préservation du patrimoine biologique. D'autres apparaissent comme des infractions comportant des circonstances aggravantes. Pour mieux comprendre le caractère hétérogène des textes d'incriminations en matière de la faune sauvage au Congo, nous nous sommes référés à un tableau de classification de ces incriminations qui prévoit deux (2) catégories principales et plusieurs sous-catégories.

TABLEAU DE CLASSIFICATION DES INCRIMINATIONS VISEES PAR LA LOI CONGOLAISE DU 28 NOVEMBRE 2008 SUR LA FAUNE ET LES AIRES PROTEGEES

Classification d'infractions

Sous classification

d'infractions

Différentes incriminations prévues par la loi du 28 novembre 2008 sur la faune

Les infractions à la police de la chasse

Les infractions relatives au permis de chasse et au droit de chasse

-Chasser sans être détenteur du permis ou de licence de chasse requis (art.112 al.1) ;

-Pénétrer dans une aire protégée sans permis de visite (art.112 al.7) ;

-Commercialiser de la viande d'animaux sauvage sans être autorisé (art.112 al.9) ;

-Faire circuler des trophées sans être détenteur du certificat d'origine (art.112 al.10) ;

-Utiliser un permis scientifique à des fins
commerciales (art.113al.11)

Les infractions relatives aux temps de chasse

-Chasser pendant une période interdite (art.112 al.2) ;

-Chasser entre le coucher et le lever du soleil (art.112 al.5) ;

Les infractions relatives aux lieux de chasse

-Chasser dans une zone non couverte à la chasse (art.112 al.2) ;

-Pénétrer dans une zone protégée sans permis de visite (art.112 al.7) ;

-Faire des aménagements non autorisés ou chasser sans autorisation à l'intérieur d'une aire protégée (art.113 al.1er) ;

-Exploiter à l'intérieur des parcs nationaux, le sol,

le sous-sol et les ressources naturelles, en

violation des dispositions de la présente loi
(art.113 al.4) ;

46 EMMANUEL-ADOUKI (D.E) op.cit. Page 97

47 EMMANUEL-ADOUKI (D.E) op.cit. Page101

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Les infractions relatives aux

modes et moyens de chasse

-Chasser avec des moyens prohibés : la chasse en véhicule à moteur, à partir d'un aéronef ou d'une embarcation (art.112 al.4) ;

-Chasser avec un véhicule à moteur appartenant à l'Etat (art.113 al.7) ;

-Chasser avec les armes de guerre (art.113 al.9) ;

-Chasser à l'aide d'engins éclairants (art.113
al.10) ;

Les infractions relatives à la

régulation du gibier et au contrôle de la chasse

-Abattre ou capturer des animaux en excédant les limites autorisées (art.112 al.3) ;

-Volontairement faire obstacle à
l'accomplissement des devoirs des agents de l'administration des Eaux et Forêts (art.112 al.6) ; -Faire circuler des trophées sans être détenteur du certificat d'origine (art.112 al.10) ;

-Exercer le métier de guide de chasse sans y être autorisé (art.113 al.12)

Les infractions à la police de la préservation de la faune sauvage

Les infractions aux règles de

préservation du patrimoine
biologique

-Ramasser ou détruire des oeufs ou des nids sans être autorisé (art.112 al.8) ;

-Détenir illégalement un animal sauvage non intégralement protégé (art.112 al.11) ;

Les atteintes à la faune sauvage ou à son milieu naturel

-Abattre une femelle suitée, un oiseau ou un reptile en nidation (art.113 al.2) ;

-Abattre un animal intégralement protégé (art.113 al.3) ;

-Détenir légalement un animal protégé (art.113 al.8) ;

Les infractions aggravées et à caractère transnationales

-Abattre un animal intégralement protégé (art. 113 al.14) ;

-Lorsque l'auteur de l'infraction est un agent de l'Etat ou d'une Collectivité territoriale (art.113 al.13) ;

-Lorsque l'infraction est commise pendant la période de fermeture de la chasse (art.113 al.14) ; -Lorsque le délinquant est récidiviste (art.113 al.15)

-Rejeter ou déverser des substances ou des
déchets préjudiciables à la faune ou à son milieu (art.114)

Source : Il s'agit d'un résultat des recherches dans le cadre de ce mémoire en se fondant sur la classification établit par Michel REDON.

En définitive, il convient de relever qu'après près de cinq décennies depuis l'adoption de la première loi sur la faune sauvage en 1962, le cadre juridique mis en place par la République de Congo pour assurer la protection des espèces fauniques a connu une évolution considérable.

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De cette évolution, on retiendra une diversité de textes sectoriels comportant plusieurs incriminations et sanctions. Leur caractère épars et lapidaire ne facilite pas l'action du juge pénal qui est appelé à une interprétation stricte de la loi, soit t'elle sectorielle. A ces textes, il faut ajouter les codes classiques qui régissent le procès pénal à savoir le Code pénal et celui de procédure pénale.

Mais, cette protection pénale de la faune sauvage est aussi fondée sur des règles procédurales parfois spécifiques contenues dans la loi faunique

B)-Une protection pénale basée sur des règles procédurales hétéroclites.

Philippe GROS qualifie d' « écheveau procédural »48, les règles de forme qui président à la répression des atteintes contre les espèces fauniques. Au Congo, déjà, la loi n°48/83 du 21 avril 1983 définissant les conditions de la conservation et l'exploitation de la faune sauvage prévoyait des aspects procéduraux spécifiquement adaptés à la recherche, la constatation et à la poursuite des infractions fauniques. La nouvelle loi de 2008 renvoie certains aspects procéduraux aux dispositions du Code de procédure pénale49. Elle accorde aussi à l'Etat congolais une exclusivité dans le déclenchement des poursuites et la constitution de partie civile (1). Mais il serait mal aisé, d'aborder le cadre procédural prévu par les textes relatifs à la protection de la faune sauvage sans examiner l'épineuse question de l'absence d'une responsabilité pénale des personnes morales (2). De nos jours, cet aspect est devenu l'une des pierres angulaires en matière de protection environnementale.

1-L'exclusivité accordée à l'Etat dans le déclenchement des poursuites et la constitution de partie civile au détriment des citoyens et des associations de protection de la faune sauvage.

L'exclusivité accordée à l'Etat congolais dans le déclenchement des poursuites et dans la constitution de partie civile en cas d'atteinte contre la faune sauvage par les lois en la matière pose, en toile de fond, la problématique du statut réel de l'animal sauvage. En effet, au Congo, les animaux sauvages sont-ils considérés comme une « res nulluis »50 ou une « res communis »51 ? A ce titre, l'évolution des textes de lois en matière faunique a conféré à l'Etat un statut mitigé sur la faune sauvage. Ces ambigüités sont même entretenues par les Constitutions congolaises. Cet état de chose ne facilite pas la tâche du juge pénal. Il peut s'agir de la recevabilité des actions intentées contre les délinquants fauniques par les Associations spécialisées dans la protection de la faune. Ou encore de la constitution de partie civile des personnes morales de droit public autres que l'Etat.

48 GROS (P), Protection pénale de la faune et la flore, in Sauvegarde de l'environnement et droit pénal, édition l'Harmattan Sciences Criminelles, page 270.

49 Voir article 105 de la loi sur la faune et les aires protégées

50 Expression latine utilisée en Droit Civil, qui désigne une « chose sans maître » c'est-à-dire qui n'a pas de propriétaire mais qui est néanmoins appropriable (Wikipédia, l'Encyclopédie libre. Site : www. Wikipédia.org)

51 Expression latine utilisée en Droit Public qui signifie « chose commune » c'est-à-dire une chose ou un bien qui ne peut pas être approprié, de par sa nature, elle appartient à tout le monde, à tous les citoyens et, elle est de ce fait accessible et utilisable par tous. (Wikipédia, l'Encyclopédie libre. Site : www. Wikipédia.org)

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D'abord l'article 1er de la loi de 1983 dispose que : « L'ensemble des animaux sauvages susceptibles de provoquer un intérêt touristique ou susceptibles d'être exploités pour leur viande, leur peau, leurs plumes ou leurs trophées, appartiennent à l'Etat et sont régis par les dispositions de la présente loi ». Cette disposition tirée d'une loi adoptée sous un régime communiste et populaire traduisait en réalité le mode de gestion de l'Etat sous l'emprise de la Constitution du 24 juin 1973 dont l'article 31 était ainsi libellé : « Sur toute l'étendue du territoire de la République Populaire du Congo, la terre est propriété du peuple ». Ainsi donc, sous le régime de la constitution de 1973 dont la loi de 1983 est adoptée, les espèces fauniques étaient la propriété de l'Etat. Celui-ci n'était, nul autre, qu'une représentation institutionnelle de tout le peuple. A ce titre, il était normal et justifié qu'en cas d'atteinte à la faune sauvage, seul l'Etat pouvait se constituer partie civile et enclencher une action en répression contre l'auteur des faits. En ce sens, les articles 1er al. 2 et 2 de la loi n°1-63 du 13 juillet 1963 portant Code de procédure pénale disposent respectivement : « Cette action (publique) peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée dans les conditions déterminées par la présente loi » et « L'action civile en réparation du dommage causée par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par les faits objet de la prévention ». Ainsi donc, au regard de cette loi, seul l'Etat pouvait se prétendre victime d'une éventuelle atteinte à la faune sauvage et de ce fait, mettre en mouvement l'action publique tout en se constituant partie civile.

Or, depuis la Constitution du 15 mars 199252 en passant par celles du 20 janvier 2002 et même du 25 octobre 2015, la prise en compte du droit des citoyens à un environnement sain, satisfaisant et durable ainsi que leur devoir à défendre l'environnement soulève plusieurs questions : En effet, que faut-il entendre par : « devoirs constitutionnels de défendre l'environnement ou encore droit à un environnement durable » ? Un citoyen qui a l'obligation juridique de défendre l'environnement peut-il, en cas d'atteinte à la faune sauvage, saisir le juge pénal au nom de cette obligation constitutionnelle qui pèse sur lui ? L'atteinte à la faune sauvage et donc au patrimoine biologique d'un Etat constitue telle une violation au droit à un environnement durable reconnu à chaque citoyen, de sorte celui-ci à la possibilité de se constituer partie civile ? Autant d'interrogations qui appellent à une réflexion profonde avant de reconnaitre à l'Etat seul, l'exclusivité de se constituer partie civile en cas d'infraction contre la faune sauvage.

De plus, la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées a enfoncé le cloue puisque, contrairement à celle de 1983, elle élude la question du statut de la faune sauvage. Mais, la définition qu'elle donne de l'expression « faune » peut susciter des controverses. En effet, il apparaît aux termes de son article 5 alinéas 1er que l'expression faune se définit comme : « patrimoine biologique commun de la nation, dont l'Etat garantit la gestion durable. Elle est constituée par l'ensemble des animaux sauvages vivant en liberté dans leur milieu naturel ou maintenus en captivité ».

52 Voir l'article 46 de la Constitution du 15 mars 1992, reprise par l'article 35 de celle du 20 janvier 2002 et 41 de celle du 25 octobre 2015 dont la formule est ainsi libellée : « Tout citoyen a droit à un environnement sain, satisfaisant et durable et a le devoir de le défendre, l'Etat veille à la protection et à la conservation de l'environnement »

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Cette définition fait donc de la faune sauvage une « res commis » dont l'Etat n'est pas propriétaire, mais simple garant pour le compte de chaque citoyen.

Aujourd'hui, dans d'autres pays, l'accès au juge pénal en matière de protection de la faune sauvage n'est plus l'apanage de l'Etat. En effet, en tenant compte du Principe 10 de la Déclaration de Rio, au niveau national, les Etats ont l'obligation de faciliter un accès effectif (des citoyens) à des actions judiciaires et administratives. Plus précisément des réparations et des recours. C'est dans ce sens que la jurisprudence française, notamment, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation s'est éloignée d'une interprétation restrictive de l'article 2 du Code de Procédure Pénale sur les conditions de recevabilité de la constitution de partie civile. Elle a décidée par exemple que : « devait être considérée comme une victime personnelle et directe au sens dudit article, le Parc national des Cévennes, personne morale de droit public, qui se prétend victime d'acte de chasse à l'aide d'engins prohibés »53.

Dans ce sens, la France va plus loin, puisqu'avec la loi Barnier du 2 février 1995 et une évolution jurisprudentielle, les Associations et autres personnes morales sont déclarées recevables à agir en leurs actions. Tel est le cas, chaque fois qu'une infraction serait susceptible de porter un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles représentent de par leur mission légale et leur objet statutaire54. Cette évolution jurisprudentielle a été porté dans le Code de l'environnement français en son article L. 142-2 qui dispose que : « Les Associations agréées mentionnées à l'article L.141-2, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature (...) ».

Il convient donc de retenir qu'en droit répressif congolais, en matière des atteintes contre la faune sauvage, les règles procédurales quant à la constitution de partie civile et l'accès au juge pénal sont restés ambigües. Ce privilège reste réservé à l'Etat par le truchement du Ministère en charge de la faune. Les Associations de défense de la faune, même lorsque leurs statuts sont clairement définis ne sont réduites qu'à une simple action passive. Celle-ci consiste entre autre : dans la collaboration55 à la recherche des auteurs d'infractions à la loi faunique et ce même quand il est établit que ces derniers sont des agents de l'Etat relevant du Ministère en charge de la faune.

Mais, il faut relever qu'il ne s'agit pas là, du seul retard ou manquement que présente la législation congolaise en matière des règles procédurales concourant à la répression de la faune sauvage. On note aussi, l'absence d'une responsabilité pénale des personnes morales qui constitue un véritable frein à l'action répressive du juge pénal congolais.

53 Cass. Crim., 08 février 1995, Dalloz 1996, page 96, note Dominique Guihal.

54 Voir Cass.crim., 15 juin 1999, 98-86.459 (in Legisfrance.gouv.fr)

55 Voir en ce sens, l'article 3 de la loi du 28 novembre 2008 portant sur la faune sauvage et les aires protégées.

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2-L'absence de responsabilité pénale des personnes morales.

Pour E. DAOUD et C. LE CORRE : « La mise en oeuvre de la responsabilité pénale des personnes morales en droit de l'environnement constitue une question fondamentale (...) qui prend tout son sens s'agissant des groupes de sociétés dont la nature transnationale fait écho à celle inhérente aux enjeux environnementaux »56. Au Congo, la nécessité de mettre en oeuvre une responsabilité des personnes morales s'impose. Le droit pénal de l'environnement doit être, à travers les lois sectorielles et les possibilités d'insérer des procédures sui généris qu'elles offrent, la porte par laquelle peut entrer cette responsabilité. En effet, depuis les années 1972, l'économie congolaise est essentiellement basée, outre l'exploitation pétrolière qui est la source principale du budget de l'Etat, sur l'exploitation forestière. Il s'agit donc d'une économie basée sur la destruction de l'habitat de la faune sauvage par des sociétés nationales et multinationales qui mettent ainsi à mal les écosystèmes forestiers du pays. D'autre part la construction des routes, des barrages hydroélectriques, la montée de l'économie liée au tourisme en milieu naturel sont autant d'activités exercées par l'Etat et ses actionnaires et qui portent ainsi atteintes à la faune sauvage et à son milieu.

Or, le droit pénal congolais en général consacre une totale impunité aux personnes morales de droit public et de droit privé. Ce principe de l'irresponsabilité des personnes morales en droit pénal de l'environnement congolais constitue une épine au pied de la justice répressive. Il trouve ses racines dans l'origine même du Code pénal de 1810 encore applicable en République du Congo. En effet, pendant longtemps, en France l'idée d'une responsabilité pénale des regroupements avait toujours été rejetée57. C'est cette idée qui découle de la maxime latine : « Societas delinquere non potest » autrement dit : « les sociétés n'ont pas le pouvoir de commettre un délit ». C'est dire que pour les auteurs du Code pénal à l'époque, plusieurs arguments militaient en faveur d'une irresponsabilité des personnes morales. D'abord, ils estimaient qu'un groupement, une société ou une entreprise n'était qu'une fiction car dénuée de toute volonté personnelle ni de conscience (susceptible donc de permettre à un juge d'établir l'élément intentionnel dans la caractérisation d'une infraction). Ensuite, en vertu du principe de spécialité, le groupement n'accède à la vie juridique qu'en vu d'un objet social qui ne saurait être la commission d'une infraction. Enfin, il existe une incompatibilité entre peine et entreprise, l'idée d'une responsabilité des personnes morales étant, par essence, une dérogation aux principes cardinaux de droit pénal classique à savoir : le principe de la culpabilité individuelle, de l'imputabilité de l'acte infractionnel et celui de l'égalité des personnes devant la loi58.

C'est ainsi que, quelque soit l'atteinte commis contre l'environnement, en général, ou contre les espèces fauniques en particulier, le juge pénal congolais est impuissant face aux personnes morales.

56 DAOUD (E) et LE CORRE (C), La responsabilité pénale des personnes morales en droit de l'environnement, in Perspectives Etudes, n°44, mars 2003 ; p 53.

57 PRADEL (J), Manuel de Droit Pénal Général, 16ème édition Dalloz, Paris 2006, p.492

58 TCHOCA FANIKOUA (F), Contribution du Droit pénal de l'environnement à la répression des atteintes à l'environnement au Benin, Thèse pour l'obtention du grade de Doctorat en Droit, Maastricht, Université de Maastricht, soutenue le 15 novembre 2012. Page 328.

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Les règles de procédure pénale générale ne reconnaissent pas la responsabilité de ces personnes. En effet, comment concevoir qu'une personne morale commette un acte de chasse ou porte matériellement atteinte aux espèces fauniques ? Mais il faut souligner que des infractions contre la faune sauvage peuvent être commises pour le compte d'une entreprise par une personne physique exerçant un pouvoir de direction en son sein qui agit en vertu d'un mandat de représentation de ladite entreprise. De même plusieurs agents relevant d'une société d'exploitation forestière ou touristique peuvent poser des actes constitutifs d'infractions à la faune sauvage, alors qu'ils agissaient sous les ordres de ladite société. Dans tous ces cas, la responsabilité pénale de la personne morale pourrait être envisagée, par le juge pénal, soit dans le cadre d'une coaction ou même d'une complicité au sens des articles 59 et 60 du Code pénal général.

Pourtant, il suffirait d'un simple déclique, d'une simple disposition dans la loi sur la faune, pour changer toute la donne. C'est ce qu'a connu le Cameroun depuis la loi de 1994. En effet, l'article 150 de la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche dispose en son alinéa 1er : « Est pénalement responsable et passible des peines prévues à cet effet toute personne physique ou morale qui contrevient aux dispositions de la présente loi et des textes réglementaires pris pour son application ». Bien qu'il soit évident qu'une simple mention dans un texte ne suffit pas, à elle seule, pour garantir une protection efficace et une application effective de cette responsabilité par le juge répressif. Puisque le droit de la responsabilité pénale des personnes morales en droit de l'environnement « renvoie à un régime répressif protéiforme, complexe et évolutif »59 .

C'est donc, dans une volonté d'aller encore plus loin dans la protection de l'environnement contre les sociétés multinationales, que la justice pénale française a dans l'affaire Erika60 condamnée la multinationale Total sur le fondement d'une responsabilité sociétale des entreprises. En effet, aujourd'hui, il est établit que la responsabilité pénale des entreprises en droit de l'environnement peut en outre être engagée sur le fondement de leurs engagements volontaires. Cette responsabilité dénommée « Responsabilité sociétale des entreprises » est une émanation du droit mou ou soft law fondée sur l'ensemble des engagements unilatéraux pris par une entreprise en matière de l'environnement et de développement durable. C'est un moyen pour les Etats de contraindre les multinationales à mieux se conformer aux différentes politiques de préservation des écosystèmes en adoptant un comportement écologiquement responsable. La justice répressive en France est encore allée plus loin en retenant la responsabilité pénale d'une personne morale du fait des atteintes à l'environnement de sa filiale.61

59 DAOUD (E) et LE CORRE (C) op.cit, page. 54

60 Voir Cass. Crim 25 septembre 2012 n°10.82-938) ; DAOUD (E) et LE CORRE (C), Arrêt Erika, marrée verte sur le droit de la responsabilité civile et pénale des compagnies pétrolières, Chroniques, in Lamy Droit Pénal des Affaires n°122 novembre 2012 ;

61 Idem.

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En somme, le régime de protection pénale de la faune sauvage est caractérisé par une multiplicité des textes qui pendant plusieurs décennies à connus de considérables évolutions. Au fil des années, le droit interne congolais en matière faunique a été renforcé, par des incriminations et des aspects procéduraux conçus pour permettre à la justice pénale de mieux assurer la protection des espèces fauniques. Mais, on relève encore de nombreuses insuffisances et des incomplétudes aussi dans la conception de ces normes que dans leur application. Notre analyse étant binaire et comparative entre le Congo et le Cameroun, il conviendra pour nous d'examiner, les normes de droit interne camerounais mis à la disposition du juge répressif pour assurer une protection des espèces fauniques.

Paragraphe2 : Le régime de protection pénale de la faune sauvage en droit interne camerounais.

Rogatien TEJIOZEM, magistrat camerounais, pense qu' « il serait hasardeux pour toute personne qui s'intéresse à la matière d'affirmer que le Cameroun y accuse un déficit de production normative. L'arsenal juridique relatif à la protection et la conservation des ressources fauniques est suffisamment fourni »62. En effet, depuis plusieurs décennies, on assiste à une prolifération normative, portant sur le domaine faunique, en droit interne camerounais. Dans cette profusion de texte, la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 sur le régime des forêts, de la faune et la pêche constitue la pierre angulaire sur laquelle se fonde le juge répressif camerounais pour sanctionner les différentes atteintes aux ressources fauniques. Le régime pénal camerounais en matière faunique se caractérise par une complémentarité entre cette loi et d'autres textes qui concourent à cette répression. On note cependant une diversité des incriminations et des sanctions d'une part (A). D'autre part, la loi de 1994 présente certains aspects procéduraux dont l'examen minutieux s'avère nécessaire (B).

A)-Une protection pénale caractérisée une multiplicité des incriminations et des pénalités.

Dans cette rubrique, il conviendra pour nous, d'examiner en premier lieu la palette d'incriminations mis à la disposition du juge répressif camerounais (1). En second lieu, celle des pénalités attachées à ces infractions (2).

1-La complémentarité des textes et la diversité des incriminations en matière faunique.

a- La complémentarité des textes instituant le régime de protection pénale de la faune sauvage.

Pendant plus de vingt (20) ans le législateur camerounais, contrairement au model congolais, a opté pour une constance dans la législation faunique. En effet, depuis 1994 la loi portant régime des forêts, de la faune et de la pêche est le seul texte légal qui fixe un régime de protection en matière faunique bien qu'il s'agisse d'une loi multisectorielle. Mais à coté de cette loi, le législateur a prévu des principes de complémentarité et de subsidiarité.

62 ONONINO (A.B), Lois et procédures en matière faunique au Cameroun, Publié avec le concours de LAGA et de WWF Programme Eléphant d'Afrique, 1ère édition 2012, page.13

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C'est ainsi que la loi n°96/12 du 05 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement, dispose à l'article 9 au dernier alinéa : « le principe de subsidiarité selon lequel, en l'absence d'une règle de droit écrit, générale ou spéciale en matière de protection de l'environnement, la norme coutumière identifiée d'un terroir donné et avérée plus efficace pour la protection de l'environnement s'applique ». De même l'article 85 de la même loi dispose que : « Les sanctions prévues par la présente loi sont complétées par celles contenues dans le Code pénal ainsi que dans différentes législations particulières applicables à la protection de l'environnement ». Ce sont ces deux principes qui donnent lieu à une profusion normative en matière de protection de la faune sauvage.

Ainsi, à coté de cette loi, on peut citer la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale, la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal. Ce cadre légal a été renforcé par la réglementation en matière faunique. En ce sens, on peut compter : le Décret n°95/466/PM du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application du régime de la faune, le Décret n°2005/099 du 06 avril 2005 portant organisation du Ministère des Forêts et de la Faune, l'Arrêté n°0648/MINFOF du 18 décembre 2006 fixant la liste des animaux des classes de protection A, B et C, l'Arrêté n°0649/MINFOF du 18 décembre 2006 portant répartition des espèces animales de faune en groupe de protection et fixant les latitudes d'abattage par type de permis sportif de chasse, l'Arrêté n°0083/MINFOF du 6 février 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de l'Arrêté n°0648/MINFOF du 18 décembre 2006 fixant la liste des animaux des classes de protection A, B et C et la Décision n°000857/D/MINFOF du 10 novembre 2009 portant organisation du commerce de la viande de brousse. Tous ces textes concourent à la répression des atteintes contre les espèces animales et le juge pénal, pour la caractérisation de l'incrimination et la détermination de la peine se livre à une interprétation combinée de ces textes de manière stricte. Mais, son fondement principal reste la loi de 1994 qui lui offre un éventail d'incriminations.

b- La diversité des incriminations en matière faunique.

La loi de 1994, pierre angulaire du régime de protection pénale en matière faunique a mis à la disposition du juge pénal, une diversité d'incriminations qui lui donne ainsi un large éventail dans la caractérisation des actes ou des faits portés à sa connaissance. C'est ainsi que malgré le caractère de fourre-tout de son chapitre III sur les infractions et les pénalités, on peut relever une sorte de catégorisation des infractions fauniques en cinq (5) rubriques à savoir : les infractions à la chasse proprement dite, la détention illégale d'espèces animales, l'exportation, l'importation ou le transit sur le territoire camerounais, la commercialisation et enfin la falsification de tout document émis par l'Administration faunique.

S'agissant de la chasse, on peut relever les infractions qui ont trait au lieu, au mode, au temps et moyens utilisés pour chasser. Dans ce sens, l'article 80 de cette lois dispose que : « Sauf autorisation spéciale délivrée par l'administration chargée de la faune, sont interdit : - la poursuite, l'approche et le tir de gibier en véhicule à moteur ; -la chasse nocturne, notamment la chasse au phare, à la lampe frontale et, en général, au moyen de tous les engins éclairants conçus ou non à des fins cynégétiques ; -la chasse à l'aide des drogues, d'appâts empoisonnés, de fusils anesthésiques et d'explosifs ;

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-la chasse à l'aide d'engin non traditionnel ; -la chasse à feu ; -l'importation, la vente et la circulation des lampes de chasse ; -la chasse au fusil fixe et au fusil de traite ; -la chasse au filet moderne ». De même l'article 104 dispose que : « Des zones tampons sont créées autour des aires de protection dans des conditions fixées par décret. La chasse est interdite dans ces zones au même titre qu'à l'intérieur des aires de protection ».

L'article 154 qui combine une multitude d'infractions sur plusieurs secteurs et les sanctions y relative, prévoit au titre des infractions sur la faune : « la détention d'un outil de chasse à l'intérieur d'une aire interdite de la chasse ; la provocation des animaux lors d'une visite dans une réserve de faune ou un jardin zoologique ». L'article 155 opère plusieurs renvois aux articles 87, 90, 91, 93, 98, 99, 100, 101 et 103. Ces articles portent essentiellement sur l'exercice du droit de chasse. Il en est de même de l'article 156 qui opère renvois aux articles 106, 107 et 108 portant sur les armes de chasse. L'article 158 prévois en ses derniers alinéas des infractions ayant trait à l'abattage ou la capture d'animaux protégés, soit pendant les périodes de fermeture de la chasse, soit dans les zones interdites ou fermées à la chasse.

Ainsi donc, à cette mosaïque d'incriminations, il faut ajouter la multiplicité des pénalités prévues par la loi de 1994.

2-La multiplicité des pénalités en matière faunique.

Certains auteurs63 ont estimé qu'une peine devait correspondre à la trilogie des trois principes qui la caractérise à savoir : D'abord le principe de la légalité des incriminations et des peines suivant la maxime latine : « Nullum crimen, nulla poena sine lege » autrement dit : « ni infraction, ni peine, sans texte légal ». Ce premier a pour conséquence, la soumission du juge pénal à une interprétation stricte ou rigoureuse de la loi. Celui-ci ne pouvant se livrer au prononcer d'une peine non prévue par la loi. Ensuite, celui de l'égalité des peines dans leur application. Ce principe oblige le juge à ne pas tenir compte du rang social d'un délinquant dans l'application de la peine. Il n'est que le prolongement du principe de l'égalité des citoyens devant la loi et le service public. Cependant, il ne conduit pas, non plus, à une identité des peines, la personnalisation de la peine conduisant le juge selon son pouvoir d'appréciation et son intime conviction à évaluer le taux de la peine et le quantum de l'amende. Enfin, le principe de l'individualisation de la peine, oblige le juge à ne sanctionner que l'auteur de l'infraction. Il empêche ainsi le juge à se livrer à la dérive autoritaire. Ces trois principes canalisent ainsi l'action du juge dans la détermination des peines.

Lorsqu'on examine les peines prévues par la loi de 1994, le constat est d'abord que toutes ces peines sont alternatives et offrent ainsi au juge pénal camerounais le choix. Il peut soit cumuler les peines d'amendes à celles d'emprisonnement, soit se focaliser que sur l'une ou l'autre.

63 LARGUIER (J), Droit pénal général (Mémentos), 19ème édition, Paris, Dalloz, page.15, 102

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Ensuite, il y a un manque de fixité, l'ensemble de ces peines comportant des intervalles. De plus, la loi de 1994 adopte le mode classification tiré du Code Pénal, celui qui consiste à

classer les infractions par rapport à la hiérarchie des peines64. En tenant compte, de cette
classification, on se rend à l'évidence qu'il n'existe pas au Cameroun de crime en matière faunique. Pour la simple raison qu'il n'existe pas d'infraction faunique punie d'une peine de mort ou d'une peine privative de liberté dont le maximum est supérieur à dix (10) ans. A ce titre, la loi sur la faune au Congo est beaucoup plus avancée et plus dissuasive puisqu'elle prévoit à son article 114 une de réclusion de 10 à 20 ans65.

Ainsi, des peines de simple police ou contraventionnelle aux peines délictuelles ou correctionnelles, le juge pénal dispose d'un large éventail des sanctions pénales. Celles-ci partent de l'article 154 qui prévoit une amende de 5.000 à 50.000 francs CFA et un emprisonnement de dix (10) jours, lesdites peines étant alternatives. Ensuite commence les peines correctionnelles avec les prévisions de l'article 155 qui dispose : « Est puni d'une amende de 50.000 à 200.000 francs CFA et d'un emprisonnement de vingt (20) jours à deux (2) mois ou de l'une seulement de ces peines », l'article 156 punie d'une amende de 200.000 à 1.000.000 de francs CFA et un emprisonnement d'un (1) mois à six (6) mois, ces peines étant alternatives. Enfin, l'article 158 prévoit une amende 3.000.000 à 10.000.000 francs CFA et une peine d'emprisonnement entre un (1) an et trois (3) ans. Dans les cas de circonstances aggravantes ou de récidive, l'article 162 prévoit le double des peines s'agissant des infractions prévues aux articles 154 à 160. Ainsi le maximum des peines en cas d'atteintes à la faune sauvage au Cameroun, la peine d'emprisonnement n'excède pas six (6) ans et celle d'amende 20.000.000 de francs CFA. Aussi, si le quantum de l'amende peut sembler dissuasif, le maximum de la peine, par contre l'est moins car en matière d'atteinte aux espèces fauniques, les actes posés par les délinquants varient et certains peuvent aller au-delà des extrémités de la cruauté et dans ce cas, si les peines ne sont pas exemplaires, les menaces qui pèsent sur les écosystèmes ne seront pas éradiquées.

Il convient de retenir que c'est dans le souci de faire respecter la réglementation protectrice de la faune sauvage que le législateur camerounais, comme celui du Congo a fait appel au droit répressif. Rappelons toutefois que si la force dissuasive de ses sanctions n'est pas aussi efficace, l'action du juge pénal deviendra comme des coups d'épée dans l'eau et le risque d'extinction encouru par les espèces fauniques ne cessera pas de prendre des proportions inquiétantes.

Mais, la force de la loi de 1994 réside aussi dans le fait qu'elle à mise en place certains aspects procéduraux spécifiques à la matière faunique. Au nombre de ceux-ci, il y a la particularité des procès-verbaux et des causes exonératoires dont-il conviendra d'examiner.

64 Voir en ce sens, l'article 21 du Code Pénal Camerounais

65 Voir en ce sens, l'article 114 de la loi congolaise du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées

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B)-Les aspects procéduraux prévus par la loi du 20 janvier 1994.

Le chapitre 1 du titre 6 de cette loi porte sur la procédure répressive. Au nombre de ces aspects procéduraux, nous évoquerons les règles concourant à l'établissement du procès-verbal de constatation des infractions fauniques (1). Ainsi que, les causes exonératoires de la responsabilité (2).

1-Les règles concourant à l'établissement d'un procès-verbal de constatation des infractions en matière faunique.

Il s'agit d'examiner à la fois les règles de forme et de fond qui concourent à l'établissement d'un procès-verbal de constatation des infractions fauniques (a). Mais aussi et surtout la valeur ou la force probante de ce procès-verbal devant le juge pénal (b).

a- Les règles de forme et de fond concourant à l'établissement d'un procès-verbal en matière faunique.

Aux termes des dispositions combinées des articles 141 et 142 de la loi de 1994, les agents assermentés de l'administration chargée de la faune sont chargés de la recherche, de la constatation et des poursuites en répression des infractions commises en matière de la faune. Ils prêtent serment devant le tribunal compétent à la requête de l'administration intéressée. Ils procèdent à la constatation des faits, à la saisie des produits indûment récoltés et des objets ayant servi à la commission de l'infraction et dressent procès-verbal.

Le procès-verbal est la pièce fondamentale dans la mise en mouvement de l'action publique contre les infractions fauniques. En effet, dans la plupart des cas, les faits objet de l'infraction faunique se déroulent en pleine forêt en l'absence de témoins. Aussi, seul un procès-verbal rédigé suivant des règles de fond et de forme requises peut servir de base référentielle tant pour le Ministère Public que pour les juges au cours du procès. Au titre des règles de fond, la loi met l'accent sur deux (2) aspects essentiels à savoir : la qualité de l'agent habilité à rédiger le procès-verbal. Celui-ci doit être un agent assermenté relevant du Ministère en charge de la faune. Ensuite, le lieu où ledit procès-verbal est rédigé. Celui-ci devant être établit, en principe, dans les services de l'Administration compétente du lieu de la commission de l'infraction ou encore dans les services de la police ou de la gendarmerie.

S'agissant des règles de forme, la loi ne donne aucune précision sur la forme du procès-verbal. Elle fait simplement état d'un « procès-verbal rédigé et signé par l'agent assermenté ». Mais c'est le Décret du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application du régime de la faune en son article 70 alinéa 1er qui précise les mentions que doit contenir le procès-verbal de constatation d'infraction faunique. Au nombre de ces mentions, on cite entre autre : la date, l'heure et le lieu de la commission de l'infraction ; les identités complètes de l'agent verbalisateur, du contrevenant, des témoins, des complices ou des coauteurs, la nature de l'infraction et les dispositions qui la prévoie et réprime, les mentions des objets saisis et le lieu de garde. Mais le texte n'établit pas une distinction entre les mentions substantielles et non substantielles, ni ne précise quelles sont celles dont l'absence ou l'omission peuvent entrainer la nullité ou l'irrecevabilité du PV.

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Notons aussi que les règles relatives au processus d'interrogatoire ne sont pas spécifiées et dans ce cas, ce sont les dispositions générales du Code de procédure pénale qui s'appliquent66.

Mais outre ces règles de fond et de forme, quelle est la valeur probante du procès-verbal de constatation devant le juge répressif ?

b- La valeur probante du procès-verbal

En règle générale, les procès-verbaux dressés par les officiers de polices judiciaires à compétence générale ne servent qu'à titre de renseignements. Autrement dit, le juge répressif n'est pas lié par les faits tel que rapporté par l'agent verbalisateur (article 91 du CPP). Mais la loi faunique pose une exception à cette règle, en accordant une force probante aux procès-verbaux dressés par les agents assermentés relevant du Ministère en charge de la faune. En effet, l'article 142 alinéa 2 dispose que : « Le procès-verbal rédigé et signé par l'agent assermenté fait foi des constatations matérielles qu'il relate jusqu'à inscription de faux ». Il en résulte donc que le juge est lié aux faits matériels tel que décrit par l'agent verbalisateur sur la foi de son serment. Cependant, comment le délinquant visé dans le procès-verbal dressé par un agent assermenté peut-il engager une procédure en inscription de faux contre ledit procès-verbal et devant quelle juridiction peut-il le faire ?

2-Les causes exonératoires de responsabilité et d'extinction de l'action publique en matière faunique.

Il faut entendre par causes exonératoires de responsabilité, comme toutes situations invoquées par le délinquant de sorte que sa responsabilité ne soit pas engagée. En droit pénal général, ces raisons sont nombreuses. Il peut s'agir d'un cas de force majeur ou un état de nécessité. Mais la loi de 1994 prévoit, en matière faunique, deux causes essentielles d'exonération de responsabilité à savoir : la légitime défense (a) et les cas de battues administratives (b).

A coté de ces causes d'exonération de la responsabilité, la loi prévoit aussi de manière spéciale des causes d'extinction de l'action publique (c).

a- La légitime défense en matière des infractions fauniques.

L'article 83 de la loi de 1994 qui est l'assise légale de la légitime défense en matière faunique dispose que : « (1) Nul ne peut être sanctionné pour fait d'acte de chasse d'un animal protégé, commis dans la nécessité immédiate de sa défense, de celle de son cheptel domestique et/ou de celle de ses cultures. (2) La preuve de la légitime défense doit être fournie dans un délai de soixante douze (72) heures au responsable de l'administration chargé de la faune le plus proche. ». A la lecture de cette disposition, il apparaît que la légitime défense telle qu'envisagée par la loi faunique diffère sur quelques aspects de la légitime défense en matière des infractions de droit commun.

66 Voir en ce sens, l'article 90 du CPP

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En effet, en droit commun, pour que la légitime défense soit établit, il faut la réunion de deux conditions cumulatives à savoir : l'existence d'un acte d'agression qui soit actuel et injuste, d'une part. Celle d'un acte de défense qui soit nécessaire et mesuré. L'actualité consiste dans la menace d'un mal imminent qui ne peut être écarté que dans la commission de l'acte délictueux accompli en défense. Ainsi n'est pas en état de légitime défense l'individu qui tire sur son agresseur alors que celui-ci est entrain de s'enfuir67. Le caractère injuste de l'agression suppose que celle-ci n'est ni commandée par la loi, ni fondée en droit. D'autre part, un acte de défense est réputé nécessaire même si celui qui a commis l'acte délictueux avait d'autres moyens que la commission de ce délit pour résister à l'attaque. Il est réputé comme mesuré lorsqu'il est proportionné à l'attaque.

Or, transposée dans le domaine de la criminalité faunique, la notion de légitime défense a été étendue non pas seulement pour la défense personnelle de l'individu qui répond à l'acte d'agression, mais aussi lorsque le danger porte sur son cheptel domestique ou même sur ses culture. A ce titre, cette transposition large pose un problème. En effet, si l'acte d'agression peut être considéré comme imminent lorsqu'il s'agit des bêtes féroces ou nuisibles, la question peut se poser lorsqu'il s'agit d'un animal sauvage herbivore qui vient consommer à grande quantité les cultures et qu'il est abattu par un individu en invoquant la légitime défense du fait d'une nécessité immédiate de défendre ses cultures. De même, quelle proportionnalité existe-t-il entre un chasseur qui pour se défendre de la menace imminente d'un reptile nuisible utilise une arme de guerre prohibé par la loi ?

Enfin, l'exigence d'une preuve de la légitime défense est quelque peut irréaliste en matière faunique. Dans la mesure où généralement l'acte de défense à l'encontre d'un animal prétendument auteur d'une agression contre un individu, est toujours soldé par la mort de l'animal. De plus, les circonstances donnant lieu à légitime défense sont imprévisibles. De sorte qu'il peut ou ne pas y avoir de témoins alors comment établir, avec certitude, que l'individu a agit dans le cadre de la légitime défense ? Puisque dans ce cas, il n'y a pas le principe du contradictoire et seule la parole et les preuves produites par l'individu sont examinées.

Hors mis la légitime défense, la loi faunique prévoit aussi les cas de battues administratives qu'il convient d'examiner.

b- Les cas de battues administratives.

Les cas de battues administratives sont prévus par l'article 82 de la loi de 1994 qui dispose que : « Lorsque certains animaux constituent un danger pour les personnes et/ou les biens ou sont de nature à leur causer des dommages, l'administration chargée de la faune peut faire procéder à des battues suivant des modalités fixées par arrêté du Ministre chargé de la faune ». Ces battues peuvent être organisées en cas de menace ou à titre préventif ou même à la demande des populations concernées. La demande de battue est adressée aux autorités locales en charge de la faune, lesquelles procèdent d'abord à une enquête préalable.

67 BALOKI (H), Extrait sur la légitime défense en droit pénal, in Cours de Droit Pénal, Cotonou 2008. Page 23.

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Ensuite, lorsque l'enquête aboutie à des constats avérés, l'administration autorise alors, soit le refoulement ou l'abattage des animaux ayant été à l'origine des dommages causés à la population et à leurs biens ou ceux représentant une menace imminente à l'encontre des personnes et des biens.

c- Les causes d'extinction de l'action publique.

D'une manière générale, les causes d'extinction de l'action de publique sont prévues par l'article 62 du Code de procédure pénale camerounais et sont très diversifiées. En effet, il peut s'agir de la mort du suspect ou du délinquant, l'autorité de la chose jugée, la prescription des faits objet de l'infraction, le retrait de la plainte, l'abrogation de la loi ou l'amnistie. Mais, il faut préciser que d'une manière spéciale, la loi faunique de 1994 met l'accent sur la transaction comme mode par excellence d'extinction de l'action publique en la matière. En effet, l'article 146 alinéa 2 dispose que : « La transaction sollicitée par le contrevenant éteint l'action publique, sous réserve de son exécution effective dans les délais impartis »

Au terme de cet examen du corpus juridique au niveau interne, il apparaît que le Congo et le Cameroun ont fournis de grands efforts pour mettre en place des normes répressives sur lesquelles se base le juge pénal pour assurer une protection de la faune sauvage. Il existe ainsi, entre les deux pays, des aspects identiques tant au niveau des incriminations que sur la procédure. Mais, il résulte aussi de cette analyse, que ces régimes de protection pénale restent très tributaires de législation internationale en la matière. Le droit de l'environnement étant par essence « un droit cosmopolite et passeur de frontière ». D'où, il convient d'examiner en second lieu, le cadre normatif international en matière de protection de la faune sauvage qui constitue pour le juge pénal, une source de référence non négligeable.

Section2 : Des normes de droit international de l'environnement comme source de référence pour la protection de la faune sauvage.

Il est évident que la protection des espèces fauniques ne peut pas être assurée au même degré par les différents ordres juridiques68. De nombreux auteurs se conviennent à dire que l'une des caractéristiques du droit de l'environnement reste sa perméabilité marquée par une internormativité qui combine droits nationaux, droit international sous-régional ou régional et droit international général69. On assiste ainsi, en matière de protection de la faune sauvage, à une acculturation du régime répressif. Chaque pays dans sa politique de protection pénale des espèces fauniques se réfère, en plus de ses normes de droit interne, à des instruments de droit international de l'environnement (§1).

68 CORNU (M) et FROMAGEAU (J), Le droit de la forêt au XXIe siècle, Aspects internationaux, 1ère édition, Paris, l'Harmattan 2004, page.272

69 Voir en ce sens, DOUMBE-BILLE (S), Droit International de la faune et des aires protégées : importance et implications pour l'Afrique, Etude juridique de la FAO en ligne, septembre 2001. Dans le même sens, MALJEAN-DUBOIS (S), Juge(s) et développement du droit de l'environnement. Des juges passeurs de frontière pour un droit cosmopolite ? In : Le rôle du juge dans le développement du droit de l'environnement, page.24-25.

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A ce titre, la Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore sauvages menacées d'extinction (CITES) reste, depuis plusieurs décennies, un exemple de protection juridique internationale. Elle s'invite souvent dans l'office du juge pénal en matière des infractions fauniques (§2).

Paragraphe1 : La référence aux instruments de droit international de l'environnement pour la protection pénale de la faune sauvage.

Contrairement au domaine de la flore, le droit international applicable à la faune sauvage est, assurément, l'un des aspects les plus anciens, diversifiés et aboutis du droit international de l'environnement. Sa richesse et sa diversification tient de la quantité des instruments internationaux portant sur sa protection. Aussi bien sur le plan mondial que régional et sous-régional (B). Mais, pour le juge pénal national, ces instruments internationaux ne sont pertinents que lorsqu'ils sont nationalisés ou lorsqu'ils sont ajoutés au corpus juridique national au moyen des différents modes d'internalisation (A).

A)-Les processus d'internalisation des instruments de droit international sur la faune sauvage dans le droit positif congolais et camerounais.

Il existe plusieurs modes d'internalisation des normes de droit internationale de l'environnement. On peut citer, la ratification, l'incorporation, la transposition. De tout temps, les pays d'Afrique ont toujours été considérés comme le berceau des conventions internationales portant sur la protection de la nature. La Convention de Londres de 1933 faisant figure de « grand ancêtre »70 des traités en la matière. Mais l'application de ces instruments au plan interne dans les pays africains, ne pouvait passer que par la mise en oeuvre des mécanismes de leur insertion dans leur ordonnancement juridique respectif. Abordant dans ce sens, Delphine E. EMMANUEL ADOUKI affirme qu'au cours des années 1980, le Congo a élaboré une politique nationale de protection de l'environnement, ce qui a permis d'observer l'insertion dans l'ordonnancement juridique interne des normes du droit international de l'environnement71. En réalité pour les Etats africains, les efforts d'uniformisation du droit de l'environnement, en général, et des normes internationales portant sur la protection des espèces fauniques, en particulier, sont marqués de nos jours par un double phénomène d'internationalisation et de constitutionnalisation. Ces phénomènes traduisent l'évolution de la mise en oeuvre des normes du droit international de l'environnement par les Etats.

70 DOUMBE-BILLE (S), op.cit

71 EMMANUEL ADOUKI (D.E), Le Congo et les traités multilatéraux, Paris, l'Harmattan (Logiques Juridiques) 2007.page.205

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Cette évolution a été soulignée par le Professeur Michel PRIEUR, pour qui, aujourd'hui : « Il ne s'agit plus tant d'une construction du droit -de l'environnement- par mimétisme, mais d'une construction d'un droit dans lequel tous les pays (...) adoptent en même temps des règles quasi identiques qui leur sont dictées par les conventions internationales»72.

Parlant des mécanismes d'internalisation des normes internationales sur la protection de la faune sauvage, disons que l'incorporation permet aux conventions internationales sur le droit de l'environnement, lorsqu'elles sont dûment ratifiées, de trouver une traduction juridique en droit interne. Cette traduction peut se faire directement. Dans ce cas, la norme internationale se mute en règle de droit interne. Soit particulièrement par son insertion dans les lois et règlements. L'incorporation entraine ainsi des innovations et des modifications des règles de droit interne. La ratification est l'acte qui par une déclaration authentique et solennelle permet de confirmer ce qui a préalablement été accepté ou promis. C'est le document par lequel, le Chef de l'Etat ou une autre autorité compétente confirme la validité de la signature que son plénipotentiaire a apposé au bas d'un traité international. Une fois ratifiée, les normes de droit international de l'environnement intègre le corpus juridique interne, elle aura ainsi une valeur infra-constitutionnelle et supra-législative.

B)-Les différents instruments internationaux sur la protection de la faune sauvage en vigueur au Congo et au Cameroun.

Parlant de l'importance des instruments de Droit international de l'environnement consacrés à la protection du milieu naturel, le Professeur S. DOUMBE-BILLE explique qu'en Afrique : « c'est dans ce domaine que les évolutions les plus significatives ont eu lieu »73. En effet, du fait de leurs importances et de leurs implications, ces instruments ont véritablement doté le continent africain d'un régime international de protection de son milieu naturel et partant des espèces fauniques. En effet, depuis la Convention de Londres en 1900, l'évolution de ces instruments résulte d'une combinaison entre les normes internationales de portée universelle (1) et celles dont la portée ne se limite qu'au plan régional ou même sous-régional (2). Cette évolution résulte également de leur interaction dans l'objectif d'assurer la conservation des écosystèmes pour le bien des générations présentes et futures.

1-Les instruments internationaux de portée universelle

Ce sont des instruments de portée mondiale qui définissent un cadre général de protection des espèces fauniques. Ils peuvent porter soit sur la protection des habitats ou sur les espèces proprement dites et peuvent avoir soit un caractère contraignant ou non contraignant.

Ainsi de façon non exhaustive, on citera entre autre :

72 PRIEUR (M), L'influence des conventions internationales sur le droit interne de l'environnement, in Actes de la réunion constitutive du Comité sur l'Environnement de l'AHJUCAF. Porto-Novo, juin 2008

73 DOUMBE-BILLE (S), Droit international de la faune et des aires protégées : importance et implications pour l'Afrique, Etude Juridique de la FAO en ligne, septembre 2001, page.5

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? La Convention sur la diversité biologique (CDB)

C'est un traité international adopté à Nairobi (Kenya) en mai 1992, il soumit à la signature lors du sommet de la terre à Rio de Janeiro le 05 juin 1992 et entre en vigueur le 29 décembre 1993. Son objectif étant de développer des stratégies nationales pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique. Cette convention est considérée comme « l'instrument global qui manquait encore au droit de l'environnement naturel pour parachever (...) la construction juridique permettant de régir, à la fois, les gènes, les espèces et les écosystèmes. C'est pourquoi on a pas hésité parfois à parler de « convention-chapeau » pour caractériser la place qu'elle doit occuper et le rôle qu'elle doit jouer dans l'encadrement juridique et l'utilisation durable des ressources de la diversité biologique »74.

? La convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage.

Elle est adoptée à Bonn en 1979, elle est entrée en vigueur le 1er novembre 1983. Cette convention porte sur la protection d'un groupe d'espèces terrestres, marines ou de l'avifaune dont la caractéristique principale est qu'elles se déplacent de manière cyclique à plus ou moins longue distance, d'un point géographique à un autre. Cette convention met en place un système de protection fondé sur une répartition des espèces protégées en annexe.

? Le Protocole sur la biodiversité

Il a été adopté à Montréal en janvier 2000 et constitue un accord additionnel à la convention sur la biodiversité. Ce protocole a pour but d'assurer la gestion de la faune et des aires protégées en raison des effets préjudiciables que risqueraient d'avoir la manipulation et l'utilisation des organismes vivants modifiés sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité.

D'autres instruments internationaux de portée mondiale, visent la protection des milieux et des sites et à ce titre, on peut retenir deux grandes conventions d'importance majeure pour la conservation des habitats de la faune en Afrique.

? La convention relative aux zones humides d'importance internationale

Entrée en vigueur le 21 décembre 1973, cette convention, encore appelée convention Ramsar, a été adoptée le 02 février 1971 à Ramsar en Iran. Elle a pour but d'assurer la conservation et la gestion naturelle des zones humides dans leur fonction d'habitat des oiseaux d'eau. La convention a mise en place un système de liste sur laquelle est inscrit les différents sites. Ainsi en 2009, le Congo a inscrit deux (2) nouveaux sites sur la liste Ramsar à savoir : les rapides du Congo-Djoué (2500 hectares 04°19'S 01°511'E) qui comportent les grands affluents du fleuve Congo, le Djoué, la Loua et tout un ensemble de zones humides. Le très vaste site de la Sangha-Nouabalé-Ndoki (1.525.000 hectares 0141'N 01626'E) qui comprend un parc national, le fleuve sangha et ses environs. A ces deux sites, il faut ajouter celui de la reserve communautaire du Lac Télé (438960 hectares).

74 DOUMBE-BILLE (S), op.cit.

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Le Cameroun quant à lui comporte sept (7) sites inscrit sur la liste Ramsar à savoir : Le lac de cratère Mbarombi Mbo (415 hectares 04°40'N 09°23'E).

2-Les instruments internationaux de portée régionale et sous-régionale. Sans être exhaustive, on pourra citer parmi plusieurs de ces instruments :

? La convention d'Alger de 1968 sur la conservation de la nature et des ressources naturelles.

Elaborée à l'initiative et conclue sous l'égide de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), elle est considérée comme l'une des premières grandes conventions portant sur la conservation de la nature et des ressources naturelles. Elle a proclamée comme « capital vital et irremplaçable pour l'homme », les ressources naturelles dans leur ensemble et celles de la faune en particulier. Ainsi, elles doivent être utilisées rationnellement « pour le bien-être présent et futur de l'humanité ». La convention institut un système de protection des espèces fauniques suivant un classement en deux (2) annexes A et B. Aux termes de son article VIII, lorsqu'une espèce protégée n'est présente que sur le seul territoire d'un Etat partie, la responsabilité de celui-ci est « particulière » et son article XI propose une régulation du trafic des spécimens et de trophées.

? La convention de Maputo de 2003 sur la conservation de la nature et des ressources naturelles.

C'est la version révisée de la convention d'Alger de 1968

? Le traité relatif à la conservation et à la gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique Centrale et instituant la Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC).

Il est signé à Brazzaville en février 2005 entre les pays de l'Afrique Centrale.

? L'accord de coopération et de concertation entre les Etats de l'Afrique Centrale sur la conservation de la faune sauvage.

Au -delà de tous ces instruments, celui qui suscite une adhésion unanime des Etats, reste celle de Washington dite convention CITES dont une mise en relief paraît nécessaire.

Paragraphe2 : L'exemple d'intégration d'une norme de droit international de l'environnement dans l'office du juge pénal en

matière faunique : La convention CITES

.

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Il est aujourd'hui établit que le commerce des espèces fauniques est devenu l'une des causes majeurs de disparition ou d'extinction des ressources fauniques, après celles liées à la perte de leurs habitats naturels. C'est donc en ce sens que la Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et Flore menacées d'extinction, plus connue sous le sigle de CITES, a été mise en place pour réguler et assurer une conciliation entre les nécessités du commerce international et la protection des espèces fauniques. Adoptée depuis 1973, la CITES est considérée comme le premier instrument juridique de portée international qui offre un cadre fixant les règles en matière d'importation, d'exportation, de réexportation et de transit des espèces fauniques. De ce fait, elle joue un rôle essentiel dans la répression des infractions fauniques par le juge pénal. Bien que sa mise en oeuvre au niveau des ordres juridiques internes soulève plusieurs problèmes. En ce sens, il nous ait paru intéressant de mettre en relief cette convention, en examinant successivement, sa place dans le régime de protection de la faune sauvage tel que conçu par les deux Etats (A). Ensuite, les différentes atteintes à cette réglementation et les sanctions y relatives (B).

A)-La place de la convention CITES dans le régime de protection de la faune sauvage au Congo et au Cameroun.

La réglementation CITES occupe une place considérable dans le dispositif répressif de chaque pays. En effet, l'inscription des espèces fauniques sur les différentes annexes de la Convention définit le niveau de protection de chaque espèce. Ce qui n'est pas sans conséquence (1). De même que la fixation des quotas d'exportation pour chaque espèce menacée d'extinction est une procédure essentielle dans la conservation du patrimoine faunique des Etats membres (2).

1-L'inscription des espèces fauniques sur les annexes CITES et ses effets.

Aux termes des dispositions de la convention CITES, des milliers d'espèces d'animaux qui bénéficient d'une protection spécifique sont inscrites sur les trois annexes (I, II et III). Chaque annexe détermine un niveau de protection nécessaire à leur conservation. Ainsi, l'article II qui fixe les principes fondamentaux, consacre son alinéa 1er à l'annexe I et dispose que : « L'Annexe I comprend toutes les espèces menacées d'extinction qui sont ou pourraient être affectées par le commerce. Le commerce des spécimens de ces espèces doit être soumis à une règlementation particulièrement stricte afin de ne pas mettre d'avantage leur survis en danger, et ne doit être autorisé que dans des conditions exceptionnelles ». De même que l'Annexe II est déterminée par l'alinéa 2. Il comprend les espèces qui bien que n'étant pas nécessairement menacées actuellement d'extinction pourraient le devenir si le commerce des spécimens de ces espèces n'était pas soumis à une règlementation stricte. Son but est d'éviter une exploitation incompatible avec leur survie.

Enfin l'Annexe III comprend toutes les espèces qu'une partie déclare soumises, dans les limites de sa compétence, à une règlementation ayant pour but d'empêcher ou de restreindre leur exploitation, et nécessitant la coopération des autres parties. Le dernier alinéa précise que les Etats membres ne permettent le commerce des spécimens des espèces inscrites aux Annexes I, II et III qu'en conformité avec les dispositions de la CITES. Il résulte donc de ce qui précède, que cette convention en instituant une protection des espèces par annexes, définit un régime global visant la survis des espèces fauniques qui s'impose à tous les Etats membres.

L'inscription des espèces aux différentes annexes donne lieu à une règlementation spécifique. Celle-ci consiste à soumettre les exportations et importations des spécimens d'espèces reparties dans les différentes annexes à la délivrance d'un permis d'exportation ou d'importation. Dans ce sens, l'article 3 dispose en ses alinéas 2 et 3 : « L'exportation d'un spécimen d'une espèce inscrite à l'Annexe I nécessite la délivrance et la présentation préalable d'un permis d'exportation (...) l'importation d'un spécimen d'une espèce inscrite à l'Annexe I nécessite la délivrance et la présentation préalable d'un permis d'importation (...) ». Cette délivrance est soumise à diverses conditions déterminées par la convention. Il en est de même pour les espèces inscrites aux Annexes II et III dont les règlementations sont prévues aux articles 4 et 5 de la convention.

Tableau du nombre d'espèces animales du Congo et du Cameroun inscrites aux Annexes CITES.

Annexes CITES (I, II et III)

Pays et Nombres d'espèces animales

Type d'espèces

(animalia)

Congo

Cameroun

Mammifères (mammalia)

52

66

Oiseaux (Aves)

66

115

Reptiles (Reptilia)

22

35

Autres types

d'espèces(Others)

10

12

Total

150

228

Source : Rapport TRAFFIC, Mise en oeuvre de la CITES par les Pays de l'espace COMIFAC : Evaluation préliminaire, CITES Secrétariat 2013.p.19 (extrait des donnés sur le Cameroun et le Congo).

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2-La fixation des quotas sur l'exportation des espèces menacées d'extinction et la délivrance des permis CITES.

Dans le cadre de la CITES, un quota peut être entendu comme la quantité ou le nombre maximal des spécimens pouvant faire l'objet d'une exportation annuelle par chaque Etat partie. Il sert donc à limiter le nombre de spécimens d'espèces entrant dans le commerce international ou à déterminer le maximum des spécimens pouvant être exporté en une année sans que cela ait des effets négatifs sur la survie des espèces. Il est vrai que le texte de la convention ne comporte aucune disposition requerront spécifiquement les parties qu'elles établissent des quotas pour limiter le commerce des espèces inscrites aux annexes CITES. Cependant, avec la Résolution Conf.14.7 (Rev.Cop.15)75, la conférence des parties a mis en place des lignes directrices pour la gestion des quotas d'exportation établis au plan national et recommande aux parties de suivre ces lignes. Ainsi, on peut lire sur le premier point (1.) de l'annexe portant sur les lignes directrices pour la gestion des quotas d'exportation établis au plan national : « Le présent document spécifie un certain nombre de principes généraux à suivre dans l'établissement et la gestion des quotas d'exportation annuel au niveau national dans le contexte de la CITES (...) ». Il s'agit donc d'instituer un système uniforme d'établissement des quotas dans le but de renforcer les mécanismes de protection des espèces fauniques.

De même, il a été institué dans le cadre de la CITES, un système d'information sur le commerce des éléphants dénommé ETIS, avec la Résolution Conf 10.10 (Rev.Cop.16). Il ressort donc, de ce qui précède, qu'après plus de quatre (4) décennies d'existence, la CITES est devenue un instrument majeur de droit international de l'environnement. Elle s'intègre avec succès dans les politiques de protection des espèces fauniques de chaque pays. Aussi, la violation à la règlementation CITES constitue à plusieurs égards des infractions dont le juge répressif national (congolais ou camerounais) peut sanctionner.

B)-Les atteintes et sanctions à la réglementation CITES

En adhérant à la convention CITES, le Congo76 et le Cameroun77 ont de ce fait intégré cet instrument dans leur règlementation interne en matière de protection de la faune sauvage. C'est ainsi que le Cameroun a mis en place le Décret 2005/2869/PM du 29 juillet 2005 fixant les modalités d'application de certaines dispositions de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d'extinction. Il faut retenir que les modalités d'applications de la CITES dont ce Décret portent, entre autre, sur la détention, le transport, le commerce domestique et international de toutes les espèces de faune inscrites aux Annexes de ladite convention. A ce titre, son article 22 dispose clairement que : « Les infractions dûment constatées sont punies conformément à la législation en vigueur ».

75 Voir en ce sens le site internet : http:// cites.org

76 Le Congo a adhéré à la CITES, le 31 janvier 1983, il est le 79 ème pays au rang mondial et la convention est entrée en vigueur le 1 mai 1983. (conf. Liste des parties in www.cites.org)

77 Le Cameroun a adhéré à la CITES, le 05 juin 1981, il est le 68 ème pays au rang mondial et la convention est entrée en vigueur le 03 septembre 1981. (conf. Liste des parties in www.cites.org)

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Il en résulte que le juge répressif camerounais peut recourir à la réglementation CITES, lorsque les prescriptions mises en place pour la gestion durable des ressources fauniques ont été violées par un délinquant. Il s'agira par exemple des importations, exportations, transit et commerce des spécimens d'espèces inscrites dans les annexes de la convention sans être en possession des autorisations nécessaires tels que les permis CITES. Il en sera de même en cas de falsification des documents prévus par la convention. C'est ce que prévoient les termes de l'article 158 de la loi de 1994.

Au Congo, l'Arrêté n°0103/MEF/SGEF/DCPP du 30 janvier 1984 fixant les dispositions relatives à l'exportation des produits de la faune et de la flore sauvage, fixe les conditions d'exportation des produits de la faune. Mais plus mieux, l'article 113 puni d'une amende de 100.000 francs CFA à 5.000.000 de francs CFA et à celle d'un emprisonnement de deux (2) à cinq (5) ans, le fait d'importer, d'exporter, de commercialiser ou de faire transiter sur le territoire national, des animaux sauvages ou leurs trophées en violation des conventions internationales. Par « conventions internationales », le législateur congolais fait référence en premier lieu à la CITES étant donné que c'est l'une des rares conventions qui fixe les règles en matière d'importation, d'exportation et commercialisation des espèces fauniques. Il ressort donc que les infractions et les sanctions prévues par les textes de droit interne en application de la convention CITES portent soit sur les différentes atteintes portées contre la survie des espèces faisant l'objet d'une protection au titre des annexes de la CITES. Mais aussi sur la violation des obligations mis en place par ladite convention.

Mais, ce buissonnement normatif qui démontre à l'évidence combien l'alerte de la conscience de ces Etats a été vive78, met aussi en exergue un constat majeur : Celui d'une augmentation à des proportions inquiétantes du phénomène de la délinquance faunique. Il est donc claire, que la réponse pénale apportée jusque là par les institutions étatiques, au premier rang desquelles figure la justice répressive, a été insuffisante. De plus, cette réponse ne cadre pas certainement avec les enjeux d'une criminalité qui, depuis lors, a dépassée les sphères nationales pour revêtir des formes transnationales échappant ainsi aux compétences du juge pénal. C'est donc à juste titre qu'une deuxième sous-partie doit être consacrée aux différentes interrogations sur l'effectivité des normes répressives contenues dans le corpus juridique consacré à la préservation de la faune sauvage. Ces questions ne peuvent, cependant, trouver des réponses qu'à travers un examen des obstacles à l'application du cadre juridique sus-évoqué.

78 MALJEAN-DUBOIS (S), La mise en oeuvre du droit international de l'environnement, Paris, Iddri 2003, page.10

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Chapitre II : Les obstacles à une application effective

du corpus juridique consacré à la protection de la

faune sauvage par la justice répressive.

Nous avons mentionné supra, que la délinquance faunique est aujourd'hui considérée comme une composante importante de la criminalité environnementale. Le caractère tentaculaire des infractions dans ce domaine dépasse largement les sphères nationales et échappent à la connaissance du juge répressive. Celui-ci étant un juge infra-légal, il est soumis au principe de l'interprétation stricte de la loi pénale. Au cours de ces dernières décennies, la criminalité environnementale, dans laquelle il faut inclure la délinquance faunique, s'est hissée au quatrième (4ème) rang des activités illicites internationales79. Aussi, la recrudescence des phénomènes tels que : le braconnage ou le commerce illégal des espèces menacées d'extinction dans la plupart des pays d'Afrique, met en péril les écosystèmes et la survie des espèces pour le bien des générations présentes et futures. Cette situation préoccupante a fait l'objet de plusieurs rapports et études d'experts faisant office d'alerte. Dans bon nombre de cas, un accent a été mis sur l'ineffectivité du dispositif répressif élaboré par les Etats dans le cadre de leurs législations fauniques internes. Mais, il a été aussi pointé du doigt la profusion ainsi que le caractère évasif et aléatoire des normes internationales en la matière, celles-ci étant souvent confrontées aux intérêts divergents des Etats souverains.

C'est à ce titre qu'il nous ait paru évident d'affirmer avec Nathalie RORET et Mathilde PORRET-BLANC que : « la mise en oeuvre d'un système effectif de répression des atteintes à l'environnement -et partant contre la faune sauvage- se heurte aujourd'hui à des nombreuses difficultés »80. Certains de ces obstacles relèvent du droit interne (Section1) tel qu'institué par chaque Etat. Mais d'autres par contre découlent de l'application des normes internationales consacrée à la protection des espèces fauniques (Section2).

Section1 : Les obstacles à la mise en oeuvre du régime de protection pénale en droit interne.

Il est évident qu'aujourd'hui, au Congo et au Cameroun, la lutte pour la préservation des écosystèmes riches en biodiversité que regorgent ces pays ne passe que par la mise en place d'un régime de répression effectif dont le juge pénal serait le maître d'orchestre. Pour ce faire, au cours de ces dernières décennies, on a relevé dans ces deux (2) pays une intensification dans la production normative consacrée à la protection des ressources fauniques.

79 RORET (N) et PORRET-BLANC (M), L'effectivité du droit pénal de l'environnement : Etat des lieux et perspectives, Les Revues Lexisnexis n°7, juillet 2016, page.13.

80 RORET (N) et PORRET-BLANC (M), op.cit, page.14

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Cependant, la persistance du braconnage à grande échelle, du commerce illicite des espèces menacées d'extinction ainsi que des autres types d'infractions y relatives, nous renvoient à cette évidence : qu'en matière d'environnement, les règles répressives sont en apparence redoutable, mais leur efficacité est plus que douteuse81.

En effet, qu'il s'agisse de la transaction instituée par les lois fauniques congolaise et camerounaise (§1) que des faiblesses et insuffisances de ces textes (§2). Le régime de protection pénale des ressources fauniques mis en place par ces deux Etats porte en son sein, des germes d'une ineffectivité dans sa mise en oeuvre.

Paragraphe1 : La transaction en matière faunique : un obstacle majeur à la mise en oeuvre de la répression pénale.

Qu'il s'agisse de la loi camerounaise n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche ou de celle n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées en République du Congo. Une possibilité est accordée aux délinquants fauniques, auteurs d'infractions, de procéder à une transaction qui constitue dans les deux systèmes répressifs, une cause d'extinction de l'action publique. La grande question est celle de savoir : En quoi, une transaction en matière faunique peut-elle être considérée comme l'un des obstacles majeurs à la mise en oeuvre du régime répressif consacré à la protection des espèces ? On peut trouver un début de réponse à cette question, en rappelant que le régime répressif mis en place par ces Etats est constitué par un ensemble des dispositions qui jouent un rôle dans la prévention et la sanction des différentes atteintes exercées par l'homme contre le milieu naturel. Certes, réprimer n'est pas le remède miracle qui sauvera l'environnement des maux qui l'accablent. Mais c'est affirmer qu'un intérêt social a été lésé et que, par conséquent, les éléments de l'environnement sont des valeurs à respecter. L'action du juge pénal est donc irremplaçable et déterminante en la matière82.

Or, la transaction a pour but, de soustraire le délinquant de sa responsabilité pénal. Elle permet à ce dernier d'échapper à la sanction du juge pénal en substituant l'acte incriminé au paiement d'une amende devant l'autorité administrative. Mais, par définition, la transaction83 est d'abord et avant tout un acte qui répond à une procédure spéciale définit par les lois fauniques en vigueur et dont certains aspects méritent un examen minutieux (A). Ensuite, comme tout acte juridique, elle produit nécessairement des effets sur le contentieux faunique (B).

81 Cette affirmation nous renvoie à l'article de M-J. LITTMANN-MARTIN, Droit pénal de l'environnement. Apparence redoutable et efficacité douteuse, Justice, Syndicat de la magistrature, 1988, n°122, pages.15-29. Elle a aussi été reprise par Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE, Le Droit pénal de l'environnement : un droit encore à l'apparence redoutable et à l'efficacité douteuse, in Sauvegarde de l'environnement et droit pénal, edition l'Harmattan Sciences criminelles 2005, page.13.

82 LASSERRE-CAPDEVILLE (J), op.cit, page.17

83 Sur la définition juridique de la transaction voir le Lexique des termes juridiques, 13ème édition Dalloz 2001, page.548.

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A)-La procédure de transaction mise en place par les lois fauniques au Congo et Cameroun.

Deux aspects essentiels de la procédure de transaction telle qu'instituée par les lois fauniques au Congo et au Cameroun méritent d'être examinées à savoir : L'institution d'un régime différencié entre le délinquant primaire et le délinquant récidiviste en matière de transaction (1) d'une part. L'examen des régimes d'habilitation à transiger reconnus aux différentes autorités administratives (2) d'autre part.

1-Un régime différencié entre délinquant primaire et récidiviste.

Au Congo, c'est le chapitre II du titre VI, de la loi de 2008 sur la faune et les aires protégées qui détermine le régime de la transaction en matière faunique. Ainsi, l'article 106 dispose en son dernier alinéa que : « Les récidivistes ne peuvent prétendre à aucune transaction ». Cette mention pose tout de même un sérieux problème de logique procédurale. En effet, la récidive est définit en droit pénal comme : une « cause d'aggravation de la peine résultant pour un délinquant de la commission d'une seconde infraction dans les conditions précisées par la loi, après avoir été condamné définitivement pour une première infraction (...) »84. A ce titre deux questions méritent d'être posées. D'abord comment parler de récidive en matière faunique s'il est donné une possibilité aux délinquants primaires de transiger et donc d'échapper à une première condamnation sans laquelle on saurait parler de la récidive ? Ensuite, en l'état actuel du système pénal congolais, il n'existe pas un fichier pénal national dans lequel se trouverait répertorié toutes les condamnations. De sorte qu'une même personne peut faire l'objet de plusieurs condamnations. Soit dans les juridictions répressives de la même localité ou dans des localités différentes, sans que cela ne puisse avoir un impact sur son statut pénal. Alors, dans ces conditions, comment parler de seconde condamnation et mieux de récidive ?

Tout au moins, en théorie, cette loi établit donc un régime différencié entre le délinquant primaire. Lequel peut prétendre à une possibilité de transaction et le délinquant récidiviste qui n'a pas droit à cette possibilité. Il ne s'agit nullement d'une entorse au principe d'égalité des citoyens devant les services judiciaires. Mais plutôt, d'une volonté de rendre plus stricte le traitement réservé aux citoyens qui persistent dans la commission des actes attentatoires à la faune. Ceux-ci, constituant un véritable danger pour la survie des espèces, il faut les soumettre à des peines d'emprisonnement. C'est le seul moyen de les dissuader.

Ce régime qui apparaît comme un traitement de faveur fait au délinquant primaire, est aussi prévu par la loi camerounaise du 20 janvier 1994 dont l'article 146 al.4.c dispose que : « En cas de transaction : c)-Les matériels saisis, s'ils sont impliqués pour la première fois dans une infraction et si le contrevenant est délinquant primaire, sont restitués au contrevenant après règlement définitif de la transaction ». Il s'agit là, d'une grande faiblesse de cette loi et un obstacle sérieux quant à la répression et donc à la dissuasion de la délinquance faunique.

84 Sur la définition juridique de la récidive, voir le Lexique des termes juridiques, op.cit, page.462.

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En effet, si à un délinquant qui a été pris en flagrant délit d'abattage d'un animal intégralement protégé, non seulement on lui donne la possibilité de se soustraire à la justice et donc à des sanctions pénales moyennant le paiement d'une somme d'argent, on doit aussi lui restituer le matériel qui lui aurait servir dans la commission de son forfait, comme pour l'inciter à continuer dans son entreprise infractionnelle. Il y a donc de quoi se demander, si entre la protection des espèces fauniques à travers la mise en oeuvre des sanctions pénales et la dissuasion de la délinquance faunique grâce à l'application des mesures administratives souples, le législateur a opté pour la seconde option.

Mais la solution camerounaise, semble aller plus loin dans cette option de souplesse. Elle accorde cette possibilité de transiger même aux délinquants récidivistes avec une petite différence. Pour s'en convaincre, l'article 146 al.4.d poursuit en ces termes : « En cas de transaction : d)- Les matériels saisis, s'ils sont impliqués pour plus d'une fois dans une infraction et si le contrevenant a récidivé, ne sont pas restitués et sont vendus aux enchères publiques ou de gré à gré en l'absence d'adjudicataire, à l'exception des armes à feu et munitions qui sont transmises aux autorités compétentes de l'administration territoriale ». Au regard de cette disposition, on peut s'interroger sur ce qu'il en est des armes à feu et munitions du délinquant primaire qui a bénéficié d'une transaction ? Outre cette aspect de traitement entre délinquant primaire et récidiviste, la transaction telle qu'instituée par les textes congolais et camerounais pose, un autre problème, celui de savoir quelles sont les autorités habilitées à transiger ?

2-Les niveaux habilitations reconnus aux autorités administratives pour transiger.

Aux termes de la loi congolaise sur la faune et les aires protégées, les niveaux d'habilitation pour transiger sont repartis entre différentes autorités du Ministère en charge de la faune. En ce sens, l'article 106 al. 1-3 dispose que : « Le ministre chargé des eaux et forêts, le directeur général et les directeurs départementaux chargés des eaux et forêts sont autorisés à transiger au nom de l'Etat pour les infractions en matière de faune et de chasse. Les niveaux de transaction sont fixés conformément à la législation en vigueur. Les conservateurs sont autorisés à transiger pour les infractions de nature à entraîner une amende de 5.000.000 de francs CFA maximum conformément au règlement intérieur de l'aire protégée ». Ainsi, sont autorisés à transiger au nom de l'Etat : le Ministre en charge de la faune, le Directeur Général et les Directeurs Départementaux. Il s'agit donc d'une répartition hiérarchique des compétences dans l'habilitation à transiger. Par contre, la loi camerounaise de 1994 ne fournie aucun renseignement sur les autorités habilitées à transiger. Mais il est évident que cette compétence relève du ministère en charge de la faune.

Comme tout acte juridique, la transaction en matière faunique entraine des effets dans le cas où, elle est passée avec l'administration, mais aussi au cas où elle n'aboutie pas.

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B)-Les effets de la transaction en matière faunique.

Rappelons d'abord que l'article 6 al.1 du Code de Procédure Pénale congolais dispose que : « L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale, la transaction lorsque la loi en dispose spécialement (...) ». Il en est de même de l'article 62 du Code de Procédure Pénale camerounais qui parle de la transaction comme cause d'extinction de l'action publique : « lorsque la loi le prévoit expressément ». Il résulte donc de ces prévisions légales qu'une loi spéciale peut ériger la transaction comme un moyen pour le délinquant d'arrêter le déclenchement de l'action publique. Ainsi, en cas d'exécution (1) ou même de non exécution (2), la transaction produit forcément des effets juridiques à l'égard du délinquant faunique.

1-Les effets en cas d'exécution de la transaction.

L'effet immédiat de la transaction en matière faunique est l'extinction de l'action publique. En ce sens, l'article 109 de la loi congolaise sur la faune dispose que : « Avant le jugement, la transaction éteint l'action publique. Elle ne porte que sur les amendes ». De même que l'article 146 al.2 de la loi de 1994 au Cameroun dispose que : « La transaction sollicitée par le contrevenant éteint l'action publique, sous réserve de son exécution effective dans les délais impartis ». Elle permet aussi, dans le modèle camerounais, la restitution des matériels confisqués lors de l'arrestation du délinquant, à condition que celui-ci soit un délinquant primaire. Elle peut également, si le délinquant est un récidiviste, donner lieu à une vente aux enchères publiques ou de gré à gré des matériels confisqués.

Mais qu'en est-il en cas de non transaction ?

2-Les effets en cas de non exécution de la transaction.

Les lois congolaise et camerounaise déterminent un délai pour l'exécution de la transaction. Dans le cas du Congo, le délai est de deux (2) mois. Dépassé celui-ci, il est procédé aux poursuites pénales contre le contrevenant85. Or l'article 107 n'assortie pas ce délai d'une mise en demeure du délinquant et une autre défaillance de la loi congolaise réside en ce qu'il convient de se demander : Pendant les deux (2) mois qu'advient-il du contrevenant qui a manifester la volonté de transiger ? Est-il mis en liberté, le temps qu'il ne s'acquitte du montant fixé à titre de transaction ? Ou, placé en détention préventive ? Dans le premier cas, n'y a-t-il pas dans ce cas, un risque que celui-ci ne prenne la fuite sans avoir honoré à sa promesse de transiger ? Le model camerounais, semble donc offrir une meilleure rédaction puisqu'il résulte de l'article 147 de la loi de 1994 que : « En l'absence de transaction ou en cas de non exécution de celle-ci, et après mise en demeure préalablement notifiée au contrevenant, l'action publique est mise en mouvement dans un délai de soixante douze (72) heures sur la demande des administrations chargées selon le cas (...) de la faune, partie procès. A cet effet, elles ont compétence pour :

85 Voir en ce sens, l'article 107 de la loi sur la faune et les aires protégées qui dispose que : « Le montant de la transaction doit être acquitté dans le délai fixé par l'acte de transaction, qui ne peut dépasser deux mois, faute de quoi il est procédé aux poursuites du contrevenant ».

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-faire citer aux frais du Trésor Public tout contrevenant devant la juridiction compétente ;

-déposer leurs mémoires et conclusions et faire toutes observations qu'elles estiment utiles à la sauvegarde de leurs intérêts (...) ».

Il ressort donc de ce qui précède que la transaction en matière faunique, constitue un véritable obstacle au régime de répression. En effet, à travers elle l'administration vol la vedette au juge répressif. Elle accorde ainsi au délinquant un moyen de se soustraire à un jugement pénal. La mise en oeuvre de la transaction dans le régime de protection de la faune sauvage rejoint une approche sociologique qui veut que : « la répression pénale, en tant que manifestation par excellence de la réprobation sociale, se révèle parfois peu adaptée à la protection d'une valeur encore émergente, comme la protection de l'environnement, dans la conscience collective. Ainsi, pour certains, le délinquant écologique ne mériterait pas l'opprobre »86. Or cette approche ne concoure pas à la préservation des écosystèmes et à leur gestion durable pour le bien des générations présentes et futures.

Mais outre la transaction, le régime répressif mis en place grâce aux lois fauniques, comporte bien plus de germes d'ineffectivité caractérisés par des faiblesses et des insuffisances qu'il convient d'examiner.

Paragraphe 2 : Les faiblesses et insuffisances du corpus juridique consacré à la protection de la faune sauvage.

Depuis plusieurs années, le corpus juridique au plan interne mis en place au Congo et au Cameroun pour assurer une protection efficace de la faune sauvage, apparaît comme un « maquis juridique dont seuls quelques spécialistes savent débrouiller les pistes »87. En effet, l'ensemble des textes en matière faunique comportent une multiplicité d'incriminations extérieures au Code pénal. Elles sont souvent imprécises, illisibles et lapidaires. Du fait de leurs insuffisances, ces textes donnent lieu à une technique d'incrimination par renvoi et à des concours de qualification. Mais outre ces griefs qui peuvent être faites à l'égard des textes d'incriminations (A). Il faut aussi relever que ces faiblesses tiennent du fait des contrariétés entre les règles procédurales spéciales, instituées par les lois fauniques, et les règles relevant de la procédure pénale générale (B).

A)-Un corpus juridique constitué des textes d'incriminations épars et lapidaires.

Il conviendra d'examiner successivement la multiplicité des incriminations prévues dans divers textes consacrés à la protection de la faune sauvage (1). Ainsi que le caractère lapidaire de ces incriminations (2). A travers cet examen, nous montrerons que ces griefs faites au régime répressif institué par le législateur congolais et camerounais, constituent un obstacle à la mise en oeuvre du dispositif répressif en matière de la faune sauvage.

86 LASSERRE CAPDEVILLE (J), op.cit, page.65.

87 ROBERT (J.H), Droit pénal et environnement, Paris, A.J.D.A, 1994, page.583

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1-Des textes d'incriminations épars.

Dans la plupart des cas, les incriminations portant sur la faune sauvage sont extérieures au Code Pénal, qu'il s'agisse du Congo ou du Cameroun. Elles sont dispersées à travers plusieurs textes légaux ou réglementaires. Au Congo, par exemple, cette hétérogénéité des incriminations en matière fauniques, relève d'une combinaison entre la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées, la loi n°16-2000 du 20 novembre 2000 portant code forestier et la loi n°003/91 du 23 avril 1991 sur la protection de l'environnement. Au Cameroun, la loi de 1994 combine trois secteurs la forêt, la faune et la pêche. De ce fait les incriminations qui y sont prévues sont protéiformes. Certains revêtant parfois la nature de prescriptions administratives.

Au nombre des incriminations prévues par l'ensemble de ces textes, on relève deux grandes catégories en tenant compte du comportement du délinquant faunique. Ainsi, on distinguera les incriminations basées sur la faute d'inobservation des règlements, ce sont des infractions d'omission et celles basées sur des actes d'exécution. Ce sont des infractions de commission. A ce titre, dans la loi congolaise de 2008 seront considérées comme des infractions d'omission : le fait de chasser sans être détenteur du permis ou de la licence de chasse requis ou de chasser pendant une période interdite ou dans une zone non ouverte à la chasse. De même que chasser sans autorisation à l'intérieur d'une aire protégée. Par contre, seront considérées comme des infractions de commission, le fait de d'abattre une femelle suitée ou un animal intégralement protégés. Or, ces incriminations sont combinées dans les mêmes dispositions des articles 112 et 113 de ladite loi. Aussi cette hétérogénéité ne facilite pas le travail du juge qui doit recourir à plusieurs textes à la fois pour trouver une meilleure qualification à l'acte infractionnel déféré devant sa barre. De plus, cette dispersion entraine à de nombreuses confusions dans la caractérisation et même dans l'adoption des sanctions, puisqu'il existe des exemples dans ces textes de lois ou la même incrimination apparait deux fois, entrainant cependant deux infractions distinctes. Il en est ainsi s'agissant de l'infraction consistant à rejeter ou déverser des substances ou des déchets préjudiciables à la faune ou à son milieu, cette infraction est punie à l'article 113 d'une peine d'amende de 100.000 francs CFA à 5.000.000 de francs CFA et à celle d'un emprisonnement de deux (2) à cinq (5) ans. Alors que la même infraction est reprise par l'article 114 avec des peines d'amende de 10.000.000 de francs CFA à 50.000.000 de francs CFA et celle d'emprisonnement de dix (10) ans à vingt (20) ans de réclusion.

Ces incomplétudes liées au caractère « fourre-tout » des textes d'incriminations en matière faunique apparaissent également dans la loi camerounaise de 1994. Pour s'en convaincre on pourrait citer le cas des articles 155 et 158 qui répriment différemment les mêmes infractions. Il résulte donc de cette analyse des textes d'incriminations en matière faunique, que les méthodes d'élaboration de ces textes par les législateurs marquées par un confinement de ces incriminations et leur dispersion à travers divers instruments juridiques de droit interne entraine une autre conséquence à savoir, le caractère lapidaire de ces incriminations qui est une forme d'obstacle à son effectivité.

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2-Des textes d'incriminations lapidaires.

Les textes d'incriminations tels qu'envisagés dans les lois fauniques au Congo et au Cameroun, manquent de précision, de clarté. Ils donnent lieu à une opacité de sorte que les auteurs comme : J-H Robert et M. REMOND-GOUILLOUD parlent d' « un sentiment de suffocation » lorsque le juge pénal ou même le juriste est confronté face à de telles dispositions. L'une des conséquences immédiates qui résulte de cette situation, est le recours fréquent à un système d'incrimination par renvoi. Il s'agit d'un style adopté par le législateur dans la rédaction suivant lequel : Un texte ne précise que la sanction encourue, alors que la description de l'acte incriminé se trouve ailleurs, soit dans le même texte. On parle alors, d'un renvoi interne. Soit dans un autre texte de loi, il s'agit dans ce cas d'un renvoi externe.

Le législateur camerounais de 1994, à fait recours plusieurs fois à des renvois internes s'agissant des incriminations en matière faunique. Tel est le cas par exemple pour l'article 155 dont l'alinéa 1er prévoit la sanction en ces termes : « Est puni d'une amende de 50.000 francs CFA à 200.000 francs CFA et d'un emprisonnement de vingt (20) jours à deux (2) mois ou de l'une seulement de ces peines, l'auteur de l'une des infractions suivantes » et son alinéa 9 opère un renvoi interne en ces termes : « la violation des dispositions en matière de chasse prévue aux articles 87, 90, 91, 93, 98, 99, 100, 101 et 103 ci-dessus ; ». Il en est de même pour l'article 156 dont l'alinéa 1er prévoit la peine et l'avant dernier opère un renvoi aux articles 106, 107 et 108 en matière d'armes de chasse.

Ces renvois peuvent aussi porter sur des instruments internationaux relatifs à la protection de la faune sauvage. Ainsi l'article 113 de la loi congolaise de 2008 tout en prévoyant des sanctions à son alinéa 1er soumet les conditions d'importation, exportation, commercialisation ou de transit sur le territoire national des animaux sauvages ou leurs trophées par rapport aux conventions internationales sans autres précisions sur les prévisions ou même la dénomination de cette convention. Dans ces cas, le juge pénal appelé à connaitre une telle infraction peut se tromper en faisant appel à une convention de portée régionale, alors qu'il s'agit d'une convention sous-régionale ou même mondiale. Le caractère lapidaire des textes d'incriminations constitue également pour le juge pénal un véritable dédale dans la mesure où, leur confinement en deux ou trois articles rédigés de façon très laconique entraine une superposition d'infractions. Cette situation conduit souvent à des concours de qualification, le même fait pouvant donner lieu à plusieurs incriminations et suscitant donc plusieurs qualifications pénales parfois erronées. A titre d'exemple, on peut citer les articles 112 et 113 de la loi faunique au Congo.

Il résulte de tout ce qui précède, qu'au Congo comme au Cameroun, les faiblesses et les insuffisances constituent un obstacle à l'application effective des lois fauniques. Elles tiennent du fait de l'éparpillement des incriminations à travers plusieurs textes. Mais aussi du fait du caractère laconique de celles-ci. Mais, ces faiblesses résultent aussi du fait de l'illisibilité des incriminations. Ainsi que de certains aspects procéduraux consacrés par ces lois. Ces difficultés d'appréhension relevant de la nature technique et scientifique du domaine de la faune, obligent souvent le juge répressif à procéder à une interprétation qui peut être soit authentique ou législative, soit judiciaire ou doctrinale.

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Lorsque cette interprétation est dite authentique ou législative, elle peut être incorporée dans le même texte spécial ou dans un autre texte de renvoi. Tel est le cas de l'article 5 de la loi de 2008 sur la faune et les aires protégées qui fournie les définitions d'une multitude d'expressions techniques relevant du domaine de la faune. A défaut d'une interprétation authentique, les juges répressifs font parfois appel à la doctrine ou même à la jurisprudence pour les éclairer dans l'interprétation de la loi dans un sens comme dans l'autre.

Il est donc nécessaire d'examiner dans une seconde rubrique, le caractère illisible des incriminations et de certains aspects procéduraux tels qu'envisagé par les législateurs de ces deux pays. Dans un souci d'analyse approfondie, nous aborderons aussi les contrariétés entre les dispositifs répressifs spécifiquement consacrés au domaine faunique et les règles générales prévues dans les textes répressifs classiques (Code pénal et de procédure pénale).

B)-Un corpus juridique comportant des règles procédurales et des incriminations illisibles entrainant des graves contrariétés avec les textes répressifs généraux.

Les critiques formulées à l'encontre des textes répressifs consacrés dans les lois en matière faunique au Congo et au Cameroun tiennent également du caractère illisible des incriminations et de certains aspects procéduraux contenus dans ces textes de lois (1). Ce qui ne facilite pas la tâche du juge dans la caractérisation des infractions. Mais, on relève aussi des graves contrariétés entre les règles répressives spéciales et celles qui relèvent du droit pénal classique (2).

1-L'illisibilité des règles procédurales et des incriminations fauniques.

Devant les juridictions répressives, le contentieux faunique est appréhendé comme un contentieux spécial nécessitant, pour le juge pénal, le recours à un droit pénal spécial avec des règles, des infractions et parfois même une procédure spécifique. Or, le droit pénal protégeant la faune sauvage est une partie du droit de l'environnement dont la conception des règles et des principes font appel à des spécialistes du domaine de la faune (ingénieurs des eaux et forêts, biologistes, naturalistes...). C'est donc un droit pénal « profondément marqué par sa dépendance étroite avec les sciences et la technologie. Sa compréhension exige un minimum de connaissance scientifiques et toute réflexion critique à son propos impose une approche pluridisciplinaire »88. Ainsi donc, la plupart des infractions fauniques sont difficiles dans la caractérisation. En effet, comment un juge pénal peut-il dégager l'élément intentionnel ou même matériel dans une infraction comme le fait d'abattre une femelle suitée, un oiseau ou un reptile en nidation89 ? Olivier LECUCQ a estimé que : « Les ambiguïtés, les incertitudes, l'élasticité du droit de l'environnement augmente le pouvoir d'appréciation du juge »90.

88 LASSERRE CAPDEVILLE (J), op.cit, page.38

89 Voir article 113 alinéas 2 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées.

90 LECUCQ (O), Le rôle du juge dans le développement du droit de l'environnement, 1ère édition, Bruxelles, BRUYLANT 2008, page.18.

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Ainsi donc, l'illisibilité des incriminations en matière faunique, tient du fait que les textes sectoriels sont souvent rédigés par des techniciens relevant des eaux et forêts. Le plus souvent les infractions qui y sont prévues, ne sont pas rédigées en des termes clairs, encore moins selon le style classique du code pénal. Or, le juge pénal qui applique ces infractions est soumis au principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, même si celle-ci est portée sur un domaine spécial. Aussi, lorsque les infractions prévues dans une loi, qui lui sert de base légale ne sont pas claires, le juge pénal court le risque de réprimer des faits qui ne relèvent pas formellement de la loi faunique. Mais de sanctionner sur la base d'une interprétation erronée qu'il ferait du texte, au motif que celui-ci est difficilement compréhensible. La conséquence immédiate de la complexité des incriminations prévues par les lois fauniques au Congo et au Cameroun est la mise en place des procédures dérogeant, parfois, à la procédure classique adaptée aux infractions de droit commun.

Il en sera ainsi, pour la constatation de ces infractions et pour la recherche des preuves concourant à faire assoir l'accusation ou l'imputabilité des faits au prévenu. C'est dans ce sens que le législateur a institué des Agents relevant du Ministère en charge de la faune dotés des compétences spéciales pour procéder à tous les actes d'enquêtes en cas d'infractions fauniques. Pour s'en convaincre, l'article 141 alinéa1 de la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche dispose que : « Sans préjudice des prérogatives reconnues au Ministère public et aux officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés des administrations chargées (...) de la faune, dans l'intérêt de l'Etat, des communes, des communautés ou des particuliers sont chargés de la recherche, de la constatation et des poursuites en répression des infractions commises en matière (...) de la faune » et l'article 142 alinéa 3 confère à ses agents des prérogatives très larges dans la poursuite des enquêtes en matière faunique.

A coté du caractère illisible des aspects procéduraux et des incriminations prévus par les lois fauniques. On peut aussi citer comme obstacles à leur application effective, les contrariétés qui existent entre ces textes sectoriels et les codes classiques.

2-Les exemples de contrariétés entre les règles répressives sectorielles et les codes répressifs généraux.

Le procès pénal est régi par un ensemble de principes qui garantissent sa bonne tenue. Au nombre de ces principes : il y a l'égalité de tous les citoyens devant la justice d'où est tiré la maxime « nul n'est au dessus de la loi ». De même, les magistrats du siège et du parquet son régis par un principe d'impartialité. Or, aux termes de l'article 147 alinéa 3 : l'administration en charge de la faune a compétence pour : « déposer leurs mémoires et conclusions et faire toutes observations qu'elles estiment utiles à la sauvegarde de leurs intérêts ; leurs représentants siègent à la suite du Procureur de la république, en uniforme et découverts, la parole ne peut leur être refusée ». Cette prérogative reconnue aux agents de l'administration de la faune était également prévue dans la loi congolaise du 21 avril 1983. Cette prérogative pose cependant des contrariétés avec les règles du procès pénal classique.

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En effet, la partie civile a les mêmes droits que le prévenu, elle ne peut en aucun cas être juge et partie. En siégeant aux cotés du Ministère Publique, alors qu'elle est partie civile, l'administration apparaît à la fois comme l'organe accusateur et partie civile. Un autre aspect de la procédure suscite des contrariétés avec les règles classiques, en ce sens, l'article 103 de la loi sur la faune et les aires protégées au Congo dispose que : « Si dans une instance pénale consécutive à une infraction en matière de faune ou de chasse, le prévenu excipe d'un droit réel, le tribunal sursoit à statuer sur cette affaire jusqu'à ce que le juge compétent se prononce sur l'exception préjudicielle. Celle-ci ne peut être admise que si elle est fondée sur des moyens de droit et de fait de nature à ôter au fait incriminé son caractère délictueux ». Cette disposition pose un bémol à la prévision de l'article 322 du Code de procédure pénale : « Le tribunal saisi de l'action publique est compétent pour statuer sur toutes exceptions proposées par le prévenu pour sa défense, à moins que la loi n'en dispose autrement, ou que le prévenu n'excipe d'un droit réel immobilier ».

Cependant, l'article 103 de la loi faunique doit être confronté aux conditions prévues à l'article 324 du Code de procédure pénale sur la recevabilité de l'exception préjudicielle.

1ère condition : l'exception préjudicielle n'est recevable que si elle est de nature à retirer au fait qui sert de base à la poursuite le caractère d'une infraction. Or l'article 103 sus évoqué, parle des moyens de droit et de fait de nature à ôter au fait incriminé son caractère délictueux. Il convient donc de se poser la question suivante : Quels sont les moyens de droit et de fait qui peuvent constituer une exception préjudicielle et par conséquent susceptibles d'ôter au fait incriminé (commission d'une atteinte à la faune ou omission à une règlementation faunique) son caractère délictueux ?

2ème condition : l'exception préjudicielle n'est recevable que si elle s'appuie sur des faits ou sur des titres donnant un fondement à la prétention du prévenu.

Quels sont les faits ou titres que peut invoquer le prévenu au fondement de sa prétention pour le caractère délictueux attaché au fait à lui reproché soit ôté ?

3ème condition : Si l'exception est admissible, le tribunal impartit un délai dans lequel le prévenu doit saisir la juridiction compétente. Quelle est la juridiction compétente devant laquelle doit se tourner le prévenu ?

Mais lorsqu'il s'agit d'un acte administratif, le juge pénal ne peut sursoir à statuer car en vertu de l'article 64 de la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire, pose le principe d'une plénitude de juridiction du juge répressif en vertu duquel, celui-ci a compétence pour interpréter et apprécier la régularité d'un acte administratif91.

91 L'article 64 de la loi n° n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire au Congo dispose

que : « En matière pénale, le Tribunal de Grande Instance connait des infractions punies des peines correctionnelles et des contraventions qui leur sont connexes. Il a, au cours des instances dont-il est saisi plénitude de juridiction et peut interpréter les décisions des diverses autorités administratives et en apprécier la régularité juridique, à la demande de l'une des parties »

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Aussi, si l'exception préjudicielle est fondée sur la régularité d'un permis de chasse, qui par essence est un acte administratif, l'exception n'est pas fondée dans la mesure où, le juge répressif à compétence pour apprécier la régularité d'un permis ou d'une licence de chasse ayant servi dans l'abattage d'une espèce sauvage.

Au regard de tout ce qui précède, il convient de retenir que plusieurs obstacles concourent à l'ineffectivité dans l'application des régimes répressifs mis en place au plan interne par les Etats. Mais notre étude n'étant pas exhaustive sur ce point, il est paru nécessaire de n'examiner que la transaction et certaines insuffisances et faiblesses. Il résulte de cette examen que si, au cours de ces dernières le Congo et le Cameroun ont fourni des efforts considérables dans la protection pénale des espèces fauniques, la persistance de la criminalité faunique démontre que le chemin est encore très long, ces textes doivent être amélioré et surtout leur contenu en terme de dispositions répressives et procédurales mieux adaptées aux enjeux de la lutte contre cette forme de délinquance.

A coté des obstacles découlant des textes de droit interne, il reste à examiner ceux qui découlent des normes de droit international de l'environnement applicable en matière de la faune sauvage.

Section2 : Les obstacles découlant de l'application des normes internationales.

De nombreux auteurs se conviennent pour dire que : « le développement du droit international de l'environnement -et en particulier des normes internationales consacrées à la faune sauvage- s'est effectué d'une manière non coordonné, se traduisant par des doubles emplois, des incohérences et des lacunes »92. En effet, la profusion des normes internationales, surtout en matière de protection de la nature et donc de la faune sauvage, résulte de la prise de conscience d'une menace imminente de la disparition des écosystèmes et de l'extinction de certaines espèces. C'est le souci de préserver « ce bien commun » qui a conduit les Etats, depuis la fin des années 1970 à intensifier la production des instruments internationaux. On compte plus de cinq cents traités multilatéraux93qui ont été adoptés dans divers domaines de l'environnement. Mais, ce foisonnement conventionnel n'est pas sans conséquence. En effet on note, surtout dans les pays en développement comme le Congo et le Cameroun, de nombreuses difficultés quant à la mise en oeuvre de ces instruments. Les intérêts de préservation de la faune et de son habitat vont parfois à l'encontre des besoins de développement socio-économique. A ce titre, les Etats invoquent souvent le principe de souveraineté permanente sur leurs ressources. Celui-ci étant reconnu comme valeur coutumière du droit international général, il peut se révéler comme un véritable obstacle à l'application des instruments internationaux en matière environnementale (§2). On note également des sérieux problèmes de cohérence. L'hétérogénéité et le caractère évasif des instruments internationaux peuvent avoir aussi des conséquences sur leur mise en oeuvre effective (§1).

92 MALJEAN-DUBOIS (S), La mise en oeuvre de droit international de l'environnement, Paris, iddri 2003, page.11

93 MALJEAN-DUBOIS (S), idem.

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Paragraphe1 : L'hétérogénéité et le caractère évasif des normes de droit international de l'environnement en matière de la protection de la faune sauvage.

Un « atelier d'expérimentation juridique »94, c'est l'expression empruntée à L. CONDORELLI par Alain PELLET, Patrick DAILLIER et Mathias FORTEAU, pour qualifier le droit international de l'environnement. Ces auteurs ajoutent aussi que c'est un droit où la soft law ou droit mou foisonne. Mais ce foisonnement ne résume pas seulement en termes de droit mou ou de règles non contraignantes. Les textes en eux même sont protéiformes et cette surabondance entraine une juxtaposition entre les normes internationales de portée mondiale et celles de portée régionale ou sous régionale. Ce phénomène n'est pas sans conséquence sur leur effectivité (A). Il en est de même pour son manque total de précision s'agissant des normes répressives en matière faunique (B).

A)-Les conséquences de la profusion des normes internationales de l'environnement en matière de la protection de la faune sauvage.

Le buissonnement normatif qui caractérise, la réglementation internationale en matière de protection de la faune sauvage n'est pas sans conséquence. En effet, il entraine une juxtaposition entre les différentes normes de portée mondiale et celles qui sont conclues dans un cadre régional ou sous-régional (1). Il s'ensuit que pour le juge répressif national qui se réfère à ces instruments, il peut exister des risques de redondance ou même de confusion (2). Ces conséquences empiètent parfois sur l'effectivité de leurs applications.

1-La juxtaposition entre les normes de portée mondiale et celles de portée régionale ou sous régionale.

Depuis plusieurs décennies, l'outil juridique est plus sollicité pour la protection des écosystèmes. Face au caractère transnational des préoccupations portant sur la préservation et la protection des espèces faunique, le droit international a été le canal par excellence de l'expression de la volonté commune des Etats pour endiguer la criminalité faunique. Or cette vitalité dans la production de la norme internationale se fait à différent niveau tant sur le plan universel que régional et sous régional. Il en résulte donc que les instruments peuvent porter sur les mêmes objectifs, avec les mêmes prescriptions et parfois la même approche de protection. C'est ainsi que plusieurs conventions sur la protection des espèces fauniques offrent un model de classification des espèces par liste ou par annexe. Tel est le cas pour la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage ou convention de Bonn. Adoptée en 1979, elle prévoit une protection sous forme d'annexes (Annexe. I (article 3) sur les espèces migratrices en danger. Annexe 2 (article 4) sur les espèces migratrices devant faire l'objet d'accord).

94DAILLIER (P), FORTEAU (M) et PELLET (A), Droit International Public, 8ème édition, Paris, L.G.D.J 2009, page.1417

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On citera aussi la Convention de Washington de 1973, sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d'extinction (CITES), qui, elle aussi prévoit une protection en trois annexes. S'agissant de la protection de l'habitat des espèces fauniques, plusieurs conventions ont également institué une protection par inscription sur des listes. Ainsi donc aux termes de l'article 2 de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972 : « Aux fins de la présente convention, sont considéré comme : « Patrimoine naturel » : Les monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques (...) des zones strictement délimitées constituant l'habitat d'espèces animales et végétales menacées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vu de la science ou de la conservation ».

Il en est de même de la convention relative aux zones humides d'importance ou convention de Ramsar, qui institut également une protection des espaces par inscription sur des listes. Il est vrai que certaines conventions portent sur des aspects bien spécifiés. Il n'en demeure pas moins vrai qu'il existe une superposition et une juxtaposition entre elles. Cela rend parfois flou les objectifs de chacun en engendrant une grande confusion, car un site peut être inscrit sur une liste sans en être dans une autre. Il arrive aussi qu'une espèce fasse l'objet d'une protection dans une convention et non dans une autre. Tout dépend donc des critères de sélection aux fins d'inscription sur une liste ou une annexe. S'agissant du régime de protection des espèces sauvages, on note une juxtaposition entre la convention CITES et la Convention Africaine de Maputo en 2003. En effet, l'article 3 de cette dernière vise également le commerce des spécimens et de leurs produits. L'annexe 1 de la Convention de Maputo vise les espèces menacées et l'annexe 2 les aires de conservation.

Mais cette juxtaposition des instruments internationaux peut aussi avoir pour conséquence, la redondance et parfois même, la confusion dans l'application en tant que texte de référence par le juge.

2-Les risques de redondance et de confusion dans la référence au droit international par le juge pénal.

Il faut remarquer que la profusion normative en droit international de l'environnement et partant dans le domaine de la protection de la faune sauvage, pose des problèmes de cohérence. On note donc une relative fragmentation et une sorte de compartimentation entre des normes visant pourtant le même objectif. Ainsi, on pourrait remarquer qu'il existe des instruments à chaque niveau notamment sur le plan mondial, régional et sous-régional. Cette division dans l'espace relève parfois des conflits d'intérêts et du niveau de coopération entre les Etats. Il s'ensuit que ces textes n'échappent pas aux redondances et aux répétitions multiples. Ces inconvénients se répercutent ainsi, sur l'effectivité de leur application. Le plus souvent, les Etats parties à plusieurs conventions ayant la même vocation, mais intervenant sur diverses sphères géographiques ont tendance à ne tenir compte que de celles qui coïncident le plus de leurs intérêts. Surtout lorsque, ces normes n'ont pas un caractère contraignant et qu'elles disent quasiment la même chose.

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Ces inconvénients posent également un problème pour le juge pénal, chargé d'appliquer les lois internes et qui peut recourir, parfois, à la norme internationale. Ainsi, lorsqu'il y a concours des normes internationales sur le même domaine, le juge peut être dubitatif en raison de la confusion. Cet état peut affecter gravement son interprétation et même parfois son analyse ou son jugement. Il est donc clair que la profusion des normes internationales en matière de protection de la faune sauvage n'a pas pour effet, seulement, l'avantage de pluralité. Mais elle entraine aussi une confusion, un manque de clarté et même parfois une réelle difficulté de l'appréciation ou dans l'application.

En outre, le caractère évasif des normes non contraignantes peut aussi être constitutif d'ineffectivité dans la répression des atteintes contre la faune sauvage.

B)-Le caractère évasif des normes internationales relevant du soft law

Selon le Doyen CARBONNIER et son hypothèse du non-droit : « L'environnement appartient ainsi encore aux domaines pour lesquels le non-droit est quantitativement plus important que le droit ». En effet, le droit international de l'environnement en général et celui portant sur la protection de la faune sauvage en particulier, est un domaine où on a noté un foisonnement du droit mou. Autrement dit, c'est un domaine où les normes internationales ne se limitent qu'à édicter de simples recommandations, des incitations et non des obligations encore moins des sanctions. C'est cette abondance de la soft law qui est considérée comme le symptôme d'une pathologie qui affecte l'efficacité du régime international en matière de protection de la faune sauvage. La prolifération du droit mou ou droit vert place les Etats parties aux accords multilatéraux dans des sphères de non-droit. Ils sont dans une situation où le manquement à un engagement n'entraine pas forcément une sanction. Comment cela, en sera autrement, dans la mesure où, le texte à la base de cet engagement n'est ni contraignant ni obligatoire ou assortie de sanctions. Il faut relever que la protection de l'environnement et plus précisément, celle des espèces, est souvent tributaire des intérêts multiples des Etats. Dans ce cadre, l'instrument juridique au niveau international le plus typique ne peut pas être le droit dur ou hard law. Il ne faut pas oublié que celui-ci a pour but de restreindre le comportement des acteurs internationaux ainsi que leurs actions souveraines.

Or, le droit mou ou soft law paraît plus adapté, il propose des instruments plus adaptables et modulables selon les intérêts des parties. Cette ascension des normes internationales à la juridicité plus atténuée n'est pas sans conséquence sur l'effectivité de leur application. En effet, la norme à la juridicité atténuée peut constituer une source d'insécurité juridique. De par son caractère évasif, elle manque de précision, de fermeté, de contrainte ou de sanction. Ainsi, on pourrait affirmer qu' « En droit de l'environnement, le développement de l'usage du soft law conduit à ce que les concepts traditionnels du droit en tant que contrainte ou limite, cèdent la place à une gamme juridique à graduation diversifiée »95.

95 CHATZISTAVROU (F), L'usage du soft law dans le système juridique international et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de la règle de droit, in Portique (Revue de philosophie et sciences humaines) 2005, page.2

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En doctrine, il y a eu de nombreux débats entre des auteurs tels que M. VIRALLY, F. ROESSIER et M. BOTHE sur le seuil de juridicité nécessaire à atteindre pour qu'un instrument de droit international de l'environnement soit reconnu comme produisant des effets juridiques. Certains ont estimé qu'il n'existait pas de catégorie intermédiaire entre les textes ayant une portée juridique et ceux qui en sont dépourvus. D'autres par contre affirment qu'il est assez difficile de parvenir à une distinction nette et rigoureuse entre obligations juridiques et absence d'obligations juridiques, formuler dans des termes qui permettraient de faire disparaître toutes les incertitudes le plus souvent volontaires96.

Paragraphe2 : Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles comme obstacle à une application efficace des normes de droit international de l'environnement.

Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles peut constituer un véritable obstacle à une application effective des normes de droit international de l'environnement consacrées à la protection des espèces fauniques. Il est définit comme une notion selon laquelle : « L'Etat décide en dernier instance et en toute indépendance du sort des ressources naturelles qui se trouvent sur son territoire et des activités économiques qui s'y exercent »97. En d'autres termes, le Congo et le Cameroun disposent respectivement des pouvoirs souverains permanents, exclusifs et inaliénables sur leurs ressources naturelles et sur les activités économiques qui y sont attachées. Ce principe est considéré comme un prolongement de la souveraineté nationale reconnue à chaque Etat. Il trouve son fondement en droit international à travers la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat et le droit des peuples à disposer d'eux même (A). De ce principe découle, pour l'Etat, des pouvoirs de dominium et d'imperium sur les ressources fauniques (B).

A)-La libre exploitation par les Etats de leurs ressources naturelles : une extension du principe de souveraineté consacré par le droit international.

Il a été établit supra que le Congo et le Cameroun disposent chacun sur leur territoire, des écosystèmes riches en biodiversité. C'est la menace de leur extinction qui a conduit ces pays à mettre en oeuvre un régime répressif pour dissuader les délinquants fauniques. Il est aussi constant que selon leurs lois fauniques, la gestion des ressources naturelles relève du domaine des pouvoirs publics. Ainsi, depuis la fin des années 1990, l'avènement de la démocratie et du multipartisme a entrainé l'élaboration de nouvelles constitutions qui prenaient en compte les aspects environnementaux. Aussi, elles consacrent le droit à un environnement sain, satisfaisant et durable98.

96 Idem

97 SALOMON (J), Dictionnaire de Droit International Public, Bruxelles, Bruylant 2001, page.1046

98 Voir en ce sens les articles 46 de la Constitution Congolaise du 15 mars 1992 et Préambule de la Constitution Camerounaise.

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Bien plus, ces constitutions consacrent également le principe de la souveraineté permanente de l'Etat sur ses ressources naturelles et la libre exploitation de celles-ci99. Il s'agit donc d'un prolongement du principe de la souveraineté nationale qui est consacré dans les constitutions congolaises et camerounaise (1). Mais, il trouve aussi un écho favorable en droit international (2).

1-Une extension du principe de la souveraineté étatique.

D'abord au Congo, ce principe est apparu pour la première fois dans la constitution du 15 mars 1992. Sont article 9 disposant que : « L'Etat exerce sa souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses et ses ressources naturelles, y compris la possession et le droit de les utilisées et d'en disposer (...) ». La constitution du 20 janvier 2002 a repris cette disposition dans son préambule en ces termes : « Réaffirmons solennellement, notre droit permanent de souveraineté inaliénable sur toutes nos richesses et nos ressources naturelles comme élément fondamental de notre développement ». De même, son l'article 38 va plus loin en affirmant que : « Tout acte, tout accord, toutes conventions, tout arrangement administratif ou tout autre fait qui a pour conséquence directe de priver la Nation de tout ou partie de ses propres moyens d'existence tiré de ses ressources ou de ses richesses naturelles, est considéré comme crime de pillage imprescriptible et punis par la loi ». Plus récemment ces dispositions ont été reprises tant par le préambule de la nouvelle constitution congolaise du 25 octobre 2015 que par son article 44. Ensuite, au Cameroun, ce principe est consacré par le préambule de la constitution en ces termes : « Le peuple camerounais (...) Résolu à exploiter ses richesses naturelles afin d'assurer le bien être de tous, en relevant le niveau de vie des populations sans aucune discrimination ».

Il résulte clairement de l'ensemble de ces dispositions que le Congo et le Cameroun rattachent l'exploitation de leurs ressources naturelles, dont la faune sauvage, à deux concepts à savoir :

? La souveraineté nationale qui s'assimile systématiquement à la notion d'indépendance de l'Etat. En ce sens, Max HUBER affirme dans l'affaire de l'île des Palmes que : « La souveraineté dans les relations entre Etats signifie l'indépendance »100.

Ainsi, l'indépendance de l'Etat ne peut être affectée par les limitations que lui imposent ses engagements dans le cadre du droit international de l'environnement. Cette opinion a été évoquée par le juge ANZILOTTI, au titre des opinions dissidentes dans l'affaire du Régime douanier Austro-allemand101. La souveraineté est l'élément essentiel par lequel l'Etat affirme son existence dans le concert des nations. Et la libre exploitation des ressources naturelles est une des manifestations de l'affirmation de cette souveraineté étatique et partant, de son indépendance.

99 Voir l'article 9 de la Constitution Congolaise du 15 mars 1992, le Préambule de la Constitution du 20 janvier 2002 et Préambule de la Constitution congolaise du 25 octobre 2015 et Préambule de la Constitution camerounaise.

100 CPA, 4 avril 1928, RSA, II, p.838

101 Voir opinion dissidente d'Anzilotti dans l'affaire du Régime douanier Austro-allemand, CPJI, série A/B, n°41, page.57

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Ainsi, l'Etat qui a une emprise sur les ressources fauniques comprises sur son territoire doit avoir la latitude de les gérer en toute indépendance sans aucune influence extérieur.

? Ensuite, aux termes de ces dispositions constitutionnelles, il apparaît que la libre exploitation des ressources naturelles par l'Etat sur son territoire est rattachée à la nécessité d'un développement socio-économique. En effet, au début des années 1990, l'avènement des régimes multipartistes et des démocraties capitalistes étaient accompagnés d'une volonté des pouvoirs publics de sortir du sous développement. Aussi, les nouvelles constitutions à l'image de la constitution congolaise du 15 mars 1992, devaient réaffirmer la libre exploitation, par les Etats, de leurs richesses en toute indépendance. Il ne pouvait en être autrement puisque l'essentielle de leurs activités économiques étaient basée sur l'exploitation forestière. Elle portait donc, par nature, sur la destruction de l'habitat des espèces fauniques, ce qui allait à l'encontre des impératives de protection de l'environnement.

En réalité, la souveraineté permanente sur les ressources naturelles est un principe classique de droit international consacré par les Nations Unies. Pour George FISHER : « La souveraineté permanente des peuples sur leurs richesses et ressources naturelles est considérée comme un corolaire du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes »102. Il convient donc d'examiner les fondements juridiques de ce principe en droit international.

2-Un principe fondé sur la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat et sur le droit des peuples à disposer d'eux même.

L'article premier des deux projets relatifs aux Droits de l'Homme est ainsi libellé : « Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes comprend en outre un droit de souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs ressources naturelles. Les droits que les autres Etats peuvent revendiquer ne pourront en aucun cas justifier qu'un peuple soit privé de ses propres moyens de substance ». Ainsi aux termes de la résolution 523 (VI) du 12 février 1952 : « Les pays insuffisamment développés ont le droit de disposer librement de leurs richesses naturelles (...) qu'ils doivent utiliser de manière à se mettre dans une position plus favorable pour faire progresser d'avantage l'exécution de leurs plans de développement économique conformément à leurs intérêts nationaux ». Il en est de même pour la résolution 626 (VII) du 21 décembre 1952 qui prévoit que : « L'Assemblée Générale, considérant qu'il importe d'encourager les pays insuffisamment développés à mettre à profit et à exploiter comme il convient leurs richesses et leurs ressources naturelles ». Pour l'Assemblée Générale des Nations Unies aucun pouvoir direct ou indirect ne doit porter atteinte à l'exercice par l'Etat de sa souveraineté sur ses ressources naturelles. Or cette approche peut constituer un sérieux obstacle quant à l'application effective des normes de droit international de l'environnement. Dans la mesure où, et le plus souvent, les intérêts économiques des Etats sont aux antipodes des impératives de protection de l'environnement.

102 FISHER (G), La souveraineté sur les ressources naturelles, Persée Annuaire français de Droit International, page.516

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Ce principe trouve ses fondements d'abord dans le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes qui découle de la Charte des Nations Unies. L'article premier paragraphe 2 dispose que : « développer entre les Nations des relations amicales fondées sur le principe du respect de l'égalité des droits des peuples et leurs droit à disposer d'eux-mêmes ». Dans la jurisprudence internationale, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a consacré ce principe dans ses avis respectifs de 1971 et 1975 sur la Namibie et le Sahara Occidental. En réalité, le principe des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes peut être subdivisé en deux (2) aspects : politique et économique. L'aspect politique de ce principe se traduit à travers le principe de l'autodétermination qui s'analyse par l'indépendance d'un peuple à choisir librement son système politique, social et culturel. C'est dans son aspect économique que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes se traduit par la souveraineté permanente sur les ressources naturelles et donc à l'indépendance économique des peuples. Ce principe qui a longtemps été considéré comme un lex imperfecta a cependant joué un rôle sans précédent dans le processus de la décolonisation des pays africains. Certains auteurs ont estimé que ce principe constituait une norme impérative de droit international public et d'autres comme une norme anticolonialiste. Il constituera un fer de lance pour les pays du tiers monde dans la lutte des indépendances au début des années 1960.

Ensuite, la libre exploitation des ressources naturelles est fondée sur le principe de non ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat qui est également un principe de droit international public. Ce dernier se traduit par le fait qu'un Etat ne peut intervenir dans les compétences qui sont exclusivement reconnues à un autre Etat, telle que la compétence territoriale. En effet, l'Etat est la seule entité juridique à exercer son pouvoir souverain sur l'étendue de son territoire. C'est de là que découle les droits de possession de l'Etat sur ses ressources naturelles. Il résulte donc qu'au-delà de la consécration de ce principe dans les constitutions congolaise et camerounaise, la souveraineté permanente de l'Etat sur ses ressources naturelles est intégrée dans le droit international. Dans la pratique, ce principe confère à tout Etat des pouvoirs de dominium et d'imperium sur ses ressources naturelles et donc sur la faune sauvage se trouvant sur son territoire.

B)-Les droits de l'Etat issus du principe de la souveraineté sur les ressources naturelles : Les pouvoirs de dominium et d'imperium.

La souveraineté permanente de l'Etat sur ses ressources naturelles lui confère les pouvoirs de dominium (1) et d'imprium (2) sur ses ressources fauniques.

1-Un pouvoir de dominium sur la faune sauvage existant sur son territoire.

La souveraineté permanente sur les ressources naturelles est un principe qui confère à l'Etat des pouvoirs de dominium sur les richesses et les ressources se trouvant sur son territoire, notamment sur la faune sauvage. Autrement dit, l'Etat dispose sur ses ressources naturelles un droit réel similaire à celui que possède un propriétaire sur ses biens avec les mêmes attributs. Tel est le cas du droit de disposer de ses ressources, de les contrôler et de règlementer leur exploitation. Ainsi, l'Etat dispose d'un droit domanial sur le sol, sous-sol ou sur ses ressources renouvelables et non renouvelables.

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L'Etat aura donc en vertu de son dominium, le droit d'utiliser, d'exploiter, de nationaliser et même d'exproprier, autant de droits que lui confèrent l'usus et le fructus.

A coté du dominium, l'Etat dispose aussi l'imperium sur ses ressources naturelles. 2-Un pouvoir d'imperium sur la faune sauvage existant sur son territoire.

L'impurium est le corollaire du dominium, il constitue le pouvoir de commandement. C'est le pouvoir exercé par l'Etat sur les personnes et les choses se trouvant sur son territoire. Ce pouvoir lui permet donc de concevoir les règles qui régissent la faune sauvage se trouvant sur son territoire. Il peut ainsi définir les règles concourant à la répression des ressources naturelles se trouvant sur son territoire. Les lois fauniques entrent donc dans ce cadre.

Au terme de cette première partie, il convient de retenir que le commerce illicite d'espèces sauvages, le braconnage et partant les autres infractions y afférentes, se sont transformés en une véritable industrie criminelle. Ces infractions mettent à mal l'ensemble des écosystèmes dans les pays des Bassins du Congo. De nombreux rapports ont révélé que le commerce illicite pèse aujourd'hui près de dix neuf (19) milliards de dollars US par an. La délinquance faunique apporte de l'eau au moulin de la criminalité internationale. Mais pourtant, au cours de ces dernières décennies, les pays d'Afrique dont le Congo et le Cameroun n'ont pas cessez de mettre en place un cadre légal consacré à la répression de cette forme de crime. Cette volonté a été plus manifeste à travers l'internalisation des instruments juridiques du droit international de l'environnement. Or, nous avons démontré que ce dispositif répressif conçu pour apporter une réponse pénale plus adaptée aux enjeux de la criminalité faunique porte les gènes de son ineffectivité car de nombreux obstacles concourent à sa mise en oeuvre.

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Deuxième Partie :

LA MISE EN PLACE D'UNE CHAÎNE PENALE EN

VU D'UNE REPONSE EFFICACE CONTRE LA

CRIMINALITE FAUNIQUE.

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L'augmentation de la criminalité dans le domaine de la faune sauvage, la persistance de la destruction des importants réservoirs de biodiversité que regorge le Bassin du Congo. De même que l'imminence de la menace d'extinction des centaines d'espèces de faune aboutissent à une même conclusion : Après plusieurs décennies, le bilan du processus de mise en oeuvre des mécanismes de protection pénale de la faune sauvage au Congo et au Cameroun est mitigé. Il est donc plus qu'évident que la prolifération et la vitalité dans la production des normes internes et internationales, n'est pas la condition suffisante pour assurer une réponse pénale effective et efficace dans la lutte contre la délinquance faunique et la préservation des écosystèmes. Il ne s'agit donc pas seulement de s'interroger sur l'existence d'un cadre normatif consacré à la répression de la délinquance faunique ou même sur l'effectivité de son application. A ce niveau, les réponses apportées à travers nos développements sus évoqués sont claires. En effet, il existe au Congo et au Cameroun un cadre juridique constitué de règles de droit interne et de droit international. Il a été mis en place pour garantir une protection pénale de la faune sauvage. Par ailleurs, il ne fait l'ombre d'aucun doute que ce cadre juridique, du moins dans son aspect pénal, est constitué de normes ineffectives et en proie à de nombreux obstacles qui ne facilitent guère leur application.

Mais notre approche binaire ne pourra avoir tout son sens qui si, on s'interroge aussi sur l'action de l'ensemble des acteurs chargés de veiller à l'application des normes consacrées à la protection pénale des espèces fauniques. A ce titre, Sandrine MALJEAN-DUBOIS, en rappelant les mots du doyen VEDEL : « le droit vécu est le fait du juge » a affirmé que : « le champ de la protection de l'environnement illustre remarquablement la montée en puissance des juges » et, poursuivant sa pensée, elle se pose plusieurs questions entre autre : « Quelle est la contribution du juge à l'universalisation de la préoccupation environnementale ? Le juge participe-t-il à la gouvernance des questions environnementales ? »103. Or la justice pénale ne saurait se limiter au seul juge pénal. Il faut donc examiner l'ensemble des acteurs qui concourent à la répression des atteintes à la faune sauvage et qui forment ainsi, une chaîne pénale (Chapitre I). Ensuite, les causes de l'inefficacité de la réponse qu'ils apportent au phénomène de la délinquance faunique (Chapitre II).

103 MALJEAN-DUBOIS (S), Juge(s) et développement du droit de l'environnement, des juges passeurs de frontière pour un droit cosmopolite ? In : Le rôle du juge dans le développement du droit de l'environnement, 1ère édition, Bruxelles, BRUYLANT 2008, page.17

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Chapitre I : Une chaîne pénale constituée des

différents acteurs concourant à la répression des

infractions fauniques.

La lutte contre la criminalité faunique implique une collaboration multi-acteurs. Par acteurs de la lutte contre cette criminalité, il faut entendre les différentes entités qui oeuvrent au quotidien dans la lutte contre les activités d'exploitation illégale de la faune sauvage et dans la mise en application de la législation en vigueur à la matière104. Il résulte donc que l'oeuvre de répression contre les différentes atteintes aux espèces fauniques nécessite la contribution de plusieurs maillons qui constitue une chaîne pénale. Ainsi donc, certains acteurs sont placés en amont de cette chaîne de répression. Ils s'occupent essentiellement, chacun selon leur compétence, de la constatation, la dénonciation, la recherche des preuves ainsi qu'à tous actes préalables à la mise en oeuvre de l'action publique (Section1). D'autre par contre sont placés en aval de cette chaîne. Il s'agit entre autre du ministère public et du juge répressif (Section2).

Section1 : Les différents acteurs placés en amont de la chaîne pénale dans la répression contre la délinquance faunique.

En amont de la chaîne répressive, se trouve d'abord le Ministère en charge de la faune, qui joue un rôle prépondérant. A coté se trouve d'autres secteurs de l'administration qui sont considérés comme des acteurs principaux dans la lutte contre la délinquance faunique (§1). Ensuite, il y a des acteurs secondaires qui sont, soit institutionnels ou non institutionnels (§2).

Paragraphe1 : La prépondérance du rôle de l'Administration dans la lutte contre la délinquance faunique.

Comme nous l'avons évoqué, dans nos développements précédents, les ressources naturelles et partant les espèces fauniques constituent : « un patrimoine biologique commun de la nation, dont l'Etat garantie la gestion durable »105. Cette conception de l'Etat gestionnaire des ressources naturelles est prônée aussi bien par le législateur congolais que camerounais. Il s'ensuit donc que l'Etat a l'obligation de veiller à la protection et à la conservation de la faune sauvage. C'est pourquoi, lorsqu'une atteinte est portée contre celle-ci, il appartient à l'Etat grâce à ses démembrements d'engager des poursuites, en qualité de victime principale.

104 ONONINO (A.B), Lois et procédures en matière faunique au Cameroun, 1ère édition 2012, publié avec le concours de LAGA et de WWF programme Eléphant d'Afrique, page.43

105 Voir l'article 5 al.1 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées.

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Mais, la règlementation en matière faunique dans les deux pays attribut aussi une compétence spéciale au Ministère en charge de la faune. Il procède, par le truchement de ses agents, à tous les actes d'enquête nécessaire aux fins de mettre à la disposition de la justice répressive les contrevenants à la loi faunique. Dans ce sens, Maryse GRANDBOIS évoquant la prépondérance de l'administration dans la lutte contre la criminalité environnementale, affirme que : « C'est l'administration qui fait, applique et interprète le droit de l'environnement. C'est également l'administration qui commande la procédure, mène la recherche, la constatation et la poursuite des infractions environnementales »106. C'est en cela que le Ministère en charge de la faune est considéré comme le moteur jouant un rôle principal et essentiel dans la lutte contre la criminalité faunique (A). Cependant, la complémentarité entre les entités étatiques permet aux autres administrations d'accompagner le Ministère en charge de la faune dans sa mission, bien que leur rôle ne soit que secondaire (B).

A)-L'Administration de la faune : un acteur principal dans la lutte contre la délinquance faunique.

Le rôle principal reconnu à l'administration de la faune puise ses fondements dans des textes règlementaires et légaux. Au Cameroun, il s'agit des Décrets n°2011/408 du 09 décembre 2011 portant organisation du gouvernement et celui n°2005/099 du 06 avril 2005 portant organisation du Ministère des forêts et de la faune, modifié et complété par le décret n°2005/495 du 31 décembre 2005. Ces textes viennent compléter la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche. Au Congo, on peut citer entre autre le Décret n°2013-219 du 30 mai 2013 portant organisation du Ministère de l'économie forestière et du développement durable. Ainsi que la loi 37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées. A ces textes s'ajoutent les textes répressifs classiques que sont les codes de procédure pénale des deux pays qui déterminent les conditions exceptionnelles d'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ) à des fonctionnaires et agents relevant des administrations.

La lecture combinée des textes spéciaux et des dispositions du code de procédure pénale, sur l'attribution exceptionnelle de la qualité d'officier de police judiciaire à certains fonctionnaires permet de comprendre que : « la fonction de constatation des infractions environnementales ne peut être confiée aux non-initiés. Elle incombe naturellement aux spécialistes de la protection de la nature ou aux environnementalistes ». Il s'ensuit qu'il convient pour nous, d'examiner en premier lieu, les règles présidant à l'attribution de la qualité d'OPJ aux fonctionnaires des Ministères en charge de la faune (1). En second lieu, nous aborderons les prérogatives qui sont reconnues à ces fonctionnaires appelés OPJ à compétence spéciale (2).

106GRANDBOIS (M), Le Droit Pénal de l'Environnement : Une garantie d'impunité ? Extrait de criminologie. Vol.21, Canada, Ottawa 1986, page.77

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1-Les règles d'attribution de la qualité d'OPJ avec des compétences spéciales aux agents de l'Administration de la faune.

Au-delà d'une approche analytique, notre approche est aussi comparative. Dans cette perspective, il convient d'examiner successivement le model d'officier de police judiciaire à compétence spéciale tel qu'envisager par le législateur congolais (a) et camerounais (b).

a) Le model congolais : la Police de la faune et de la chasse

Il faut certainement partir des dispositions des articles 12, 14 et 15 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale issu de la loi n°1-63 du 13 janvier 1963. L'article 12 dispose que : « La police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la République, par les officiers, fonctionnaires et agents désignés au présent titre » et l'alinéa 2 de l'article 15 poursuit en ces termes : « La police judiciaire comprend : (...) 2° les fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire ». En réalité, la fonction de police judiciaire suppose une reconnaissance officielle de l'aptitude à constater les infractions107. C'est sur cette base que la loi de 2008 sur la faune et les aires protégées à prévus une grande innovation en instituant « la police de la faune et de la chasse ». Ainsi, l'article 95 de la loi faunique dispose que : « Sans préjudice des pouvoirs de la police judiciaire, la police de la faune et de la chasse est assurée par les services compétents du Ministère chargé des eaux et forêts, qui peuvent en cas de besoin, se faire assister par les chefs de villages et les associations locales oeuvrant dans ce domaine ». S'agissant de leurs compétences, l'article 14 alinéa 1 du Code de procédure pénale dispose que : « Elle est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en chercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte ». Cet article apporte des éclaircissements par rapport au renvoi indiqué à l'article 94 de la loi faunique aux termes duquel : « La recherche et la constatation des infractions se font conformément à la législation en vigueur ».

Mais qu'est ce que la police de la faune et de la chasse ? De qui est-elle composée ? Au plan organique, il s'agit d'un corps spécial des agents relevant du Ministère de l'économie forestière et du développement durable (MEFDD), il est constitué par des éco-gardes (article 96 de la loi sus-évoquée). Au plan fonctionnel, il s'agit d'un ensemble des missions qui consiste essentiellement en la surveillance ponctuelle des zones d'intérêts cynégétiques sur l'ensemble du territoire, prévention, recherche et constatation des infractions.

Ce model congolais qui s'apparente approximativement de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage en France, n'est pas aussi loin du model camerounais.

107 TCHOCA FANIKOUA (F), La contribution du Droit Pénal de l'Environnement à la répression des atteintes à l'environnement au Benin. Thèse pour obtenir le grade de Doctorat en Droit. Université de Maastricht, soutenue le 15 novembre 2012.

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b- Le model camerounais : les agents assermentés de l'administration en charge de la faune.

Au Cameroun, le texte de base portant attribution de la qualité d'officier de police judiciaire est l'article 78 alinéa 1 de la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale. Cet article dispose que : « La police judiciaire est exercée, sous la direction du Procureur de la République, par les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et tous autres fonctionnaires ou personnes auxquels des lois spéciales confèrent des pouvoirs de police judiciaire ». Ensuite, les articles 79 et 80 de cette même loi disposent qu'ont la qualité de police judiciaire : « Les fonctionnaires et agents des administrations et des services publics auxquels des textes spéciaux attribuent les compétences de police judiciaire, les exercent dans les conditions et les limites fixées par ces textes ». La loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche est considérée comme une loi spéciale qui confère des pouvoirs de police judiciaire aux agents du Ministère en charge de la faune.

En ce sens, l'article 141 de ladite loi, dispose que : « (1) Sans préjudice des prérogatives reconnues au Ministère public et aux officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés des administrations chargées (...) de la faune, dans l'intérêt de l'Etat, des communes, des communautés ou des particuliers sont chargés de la recherche, de la constatation et des poursuites en répression des infractions commises en matière (...) de la faune, selon le cas. (2) Les agents visés à l'alinéa (1) ci-dessus prêtent serment devant le tribunal compétent à la requête de l'administration intéressée, suivant des modalités fixées par décret ». L'article 142 poursuit en affirmant que ces agents assermentés de l'administration de la faune « sont des officiers de police judiciaire à compétence spéciale en matière de la faune » et ils procèdent à la constatation des faits, à la saisie des produits indûment récoltés.

Ainsi donc, les missions de police judiciaire relevant du domaine de la faune sauvage, notamment la constatation des atteintes à la faune sont spécialement confiées à des agents du Ministère des forêts et de la faune (MINFOF). Cette qualité d'officier de police judiciaire est cependant conditionnée à la prestation d'un serment devant le tribunal compétent. Il ne reste plus que d'examiner les prérogatives qui sont reconnues aux agents du Ministère en charge de la faune. A ce titre, l'approche comparative entre le model congolais et camerounais est la mieux appropriée.

2-Les prérogatives reconnus aux OPJ à compétence spéciale dans la constatation des infractions à la loi faunique.

Aux termes des dispositions de la loi de 2008 sur la faune et des aires protégées au Congo et celle de 1994 sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche au Cameroun, les prérogatives reconnues aux agents des Ministères en charge de la faune sont pratiquement similaires. Il conviendra néanmoins de les examiner distinctement à travers les pouvoirs reconnus aux agents de la police de la chasse et de la faune au Congo (a) et ceux reconnues aux agents assermentés au Cameroun (b).

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Les pouvoirs reconnus aux agents de la police de la chasse et de la faune.

D'abord l'article 14 alinéa 1 du Code de procédure pénale congolais pose des compétences générales qui sont attachées à toute personne dotée des prérogatives de police judiciaire. En effet, il ressort de cette disposition que la qualité d'officier de police judiciaire donne compétence, aux fonctionnaires et agents désignés par des textes spéciaux : de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs. Mais, la loi faunique élargie les prérogatives des agents relevant du Ministère en charge de la faune. En effet, contrairement aux officiers de police judiciaire classique dont les procès-verbaux ne servent qu'à titre de simple renseignement108, l'article 98 de la faunique dispose que : « Le procès-verbal dressé par un fonctionnaire assermenté appartenant à un cadre hiérarchique équivalent ou inférieur à celui d'agents techniques des eaux et forêts fait foi jusqu'à preuve du contraire ». Les articles 99 à 101 de cette loi énumèrent les pouvoirs reconnus aux agents assermentés du Ministère de l'économie forestière. On peut citer entre autre : dresser des barrages pour renforcer la lutte contre la chasse illégale, procéder à des perquisitions pour rechercher des animaux ou des trophées irrégulièrement chassés ou détenus, requérir la force publique en cas de besoin.

Ces prérogatives sont, cependant, conditionnées par la prestation du serment devant le tribunal. Le Décret n°2002-433 du 31 décembre 2002 portant organisation et fonctionnement du corps des agents des eaux et forêts dispose en ses articles 20 et suivants : les agents du corps des eaux et forêts sont amenés à faire usage des armes de guerre, des armes de chasse et des explosifs. C'est le cas, lors des opérations de lutte anti braconnage. Ils ont la qualité d'agents de police judiciaire. Ils prêtent serment devant le tribunal de grande instance de leur lieu d'affectation. Ainsi, ces agents ont qualité pour arrêter tout individu qui commet une infraction à la loi. Ces prérogatives sont quasiment similaires à celles reconnues aux agents assermentés relevant du Ministère des forêts et de la faune au Cameroun.

b) Les prérogatives reconnues aux agents assermentés du Ministère en charge de la faune.

Les articles 82 et suivants du Code de procédure pénale camerounais fixent les attributions et devoirs de la police judiciaire. L'article 142 de la loi de 1994 énumère les prérogatives des agents assermentés relevant du Ministère en charge de la faune. Ainsi, ils procèdent à la constatation des faits, à la saisie des produits indûment récoltés et des objets ayant servi à la commission de l'infraction. Ils dressent également des procès-verbaux qui font foi des constatations matérielles qu'ils relatent jusqu'à inscription de faux. L'alinéa 3 poursuit en stipulant que ces agents peuvent visiter tous les moyens susceptibles de transporter les produits résultant de la commission des infractions fauniques. Ils peuvent aussi s'introduire de jour dans des maisons et les enclos, en cas de flagrant délit et exercer un droit de poursuite à l'encontre des contrevenants.

108 En ce sens l'article 365 du Code de Procédure Pénale congolaise dispose que : « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements ».

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Les similarités entre les agents des deux pays tiennent de l'astreinte à la prestation de serment devant un tribunal compétent du lieu de leur affectation. Malgré le silence des deux lois, il faut relever que ce serment, comme celui de tout autre corps de l'administration astreint à cette obligation n'est prêter qu'une seule fois, quelque soit le nombre d'affection qui peuvent intervenir par la suite. Il ne saurait en être autrement puisque les médecins ou les magistrats ne prêtent pas serment chaque fois qu'ils sont affectés d'un lieu à un autre. C'est ainsi qu'une interprétation tendant à lier la compétence territoriale du serment à celle de la juridiction devant laquelle l'agent du MINFOF l'a effectué et par conséquent faire de celui-ci « un serment mobile »109, ne pourrait tenir la route. Cependant, il est claire que l'article 88 alinéa 1 définit les limites territoriales dans lesquelles les agents doivent exercer leurs compétences. Au-delà des dispositions de la loi faunique de 1994, le décret de 1995 dispose en son article 68 alinéas 1 stipule que le contrôle et le suivi des activités fauniques sont assurés par le personnel de l'administration chargée de la faune. Ils procèdent à l'interpellation et à l'identification immédiate de tout contrevenant pris en flagrant délit.

A coté du rôle prépondérant joué par l'administration de la faune, les autres entités étatiques centrales, déconcentrées ou même décentralisées accompagnent le ministère en charge de la faune dans cette lutte.

B)-Le rôle assigné aux autres administrations dans la constatation des infractions à la loi faunique.

Mis à part le Ministère en charge de la faune, la compétence spéciale dans la recherche et la constatation des infractions à la faune sauvage est également confiée aux autres agents des administrations étatiques dont la loi reconnaît la qualité de police judiciaire. On citera les agents des services de douane (1) et certaines autorités de l'administration décentralisée ou déconcentrée (2).

1-Les agents relevant des services de douanes aux frontières.

Il faut relever de prime à bord que la douane Camerounaise et Congolaise est soumise à une réglementation communautaire notamment l'Acte n°5/001-UEAC-097-CM-06 du 03 août 2001 portant Code des Douanes de la CEMAC. Son article 1er dispose que : « Le présent code s'applique au territoire douanier de la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l'Afrique Centrale ». Ce Code offre donc un régime identique applicable en matière de taxations douanières. Il résulte donc des dispositions de ce Code que les brigades de douane sont créées et supprimées par décision du Gouvernement intéressé. Il en informe le Secrétariat Exécutif (article 61) et l'article 63 soumet les agents des douanes à la prestation d'un serment devant le tribunal compétent. Les agents de douanes font partis des fonctionnaires auxquels les articles 80 et 15 des codes de procédure pénale congolais et camerounais attribuent la qualité d'officier de police judiciaire.

109 ONONINO (A.B), NYA (F.A) et NKOKE (C.S), Guide : la mise en application de la loi faunique, Cameroun, les compétences, attributions, mission et responsabilités des différents corps. Rapport TRAFFIC, novembre 2016.page.40

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Ainsi donc, en cette qualité, l'article 70 du Code de douane dispose que : « Pour l'application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes ». Ces compétences sont élargies aux termes des articles 72, 73 et 74 du même code.

Au nombre de ses missions, les services de douanes camerounaise et congolaise appuient les autres administrations dont le Ministère en charge de la faune dans la lutte contre la criminalité faunique transnationale. En effet, ces agents sont implantés aux frontières et déployés de façon stratégique sur toute l'étendue des territoires des deux pays. A ce titre, ils sont habiletés à interdire l'entrée dans le territoire national de certains produits tels que : des espèces fauniques ou des trophées en violation avec les lois fauniques en vigueur. Ils contrôlent également le respect à la réglementation internationale en matière de protection des la faune sauvage. On peut citer entre autre : les quotas aux importations ou aux exportations prévus dans les conventions internationales dûment ratifier par le Congo et le Cameroun. Pour s'en convaincre on peut se référer à la Convention CITES ou à celle de Bonn sur les espèces migratrices appartenant à la faune sauvage.

A coté des agents relevant des administrations centrales de l'Etat, les législations congolaises et camerounaises ont connue une grande évolution dans le cadre des politiques de déconcentration et de décentralisation. A ce titre, des pouvoirs sont reconnus aux autorités déconcentrées et décentralisées dans la protection de l'environnement et partant de la faune sauvage.

2-Les agents des administrations déconcentrées et décentralisées : le Préfet et le Maire ayant qualité d'OPJ par attribution légale.

Notons d'abord que le code de procédure pénale congolais reconnait aux Préfets et aux Sous-préfets la qualité d'officier de police judiciaire (article 16 al.3). A ce titre, ils exercent toutes les compétences reconnues aux OPJ, dans les départements et les sous-préfectures où, ils représentent le pouvoir central et donc le Ministère en charge de la faune. Au Cameroun, l'article 71 alinéa 1 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes dispose que le Maire exerce la police municipale et à ce titre, il veille à la protection de l'environnement. Au Congo, avec la constitution du 20 janvier 2002, il a été consacré le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Ainsi en 2003, le législateur a mis en place plusieurs textes de lois pour donner un contenu au principe constitutionnel ainsi établit. Ces lois opèrent transfert de certains aspects de la nation au contrôle des collectivités locales. C'est ainsi que la loi n°10-2003 du 6 février 2003 portant transfère de compétences aux collectivités locales dispose en son article 16 que : « Les compétences dans les matières sont transférées aux collectivités locales dans leur ressort territorial respectif et selon des conditions définies aux articles 17 à 40 ci-dessus de la présente loi (...) -L'environnement ; les eaux, les forêts et la chasse (...) ». Ensuite, les articles 21 et 23 disposent que les départements ont compétence pour : Protéger les écosystèmes. Les Préfets et Sous-préfets assurent la politique de reboisement de proximité et d'exploitation artisanale de la flore ainsi que la faune.

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Ils protègent les espèces fauniques. Aux termes de l'article 33 de la même loi, les communes ont également une compétence dans la protection des écosystèmes.

Or, aux termes de l'article 27 du Décret n°2003-20 du 6 février 2003 portant fonctionnement des circonscriptions administratives territoriales : « Le Préfet est garant de l'ordre public (...). Il exerce dans le département des attributions de police judiciaire, donne des ordres directs aux services de police et adresse des demandes de concours à la gendarmerie. Il peut personnellement requérir les Officiers de police judiciaire de faire tous actes nécessaires à l'effet de constater les crimes et délit contre la sûreté intérieur et extérieur de l'Etat et d'en livrer les auteurs aux tribunaux. Ce pouvoir comporte le droit d'opérer des perquisitions ou des arrestations ». L'article 28 de ce Décret parle des compétences de police spéciale, en particulier celle de chasse, reconnue au Préfet. S'agissant des Sous-préfets, les articles 67 et 68 du Décret susvisé reconnaissent à celui-ci la qualité d'Officier de police judiciaire. A ce titre, ils sont compétents pour constater les crimes et délits et pour prendre toutes mesures utiles afin que les auteurs soient déférés devant les juridictions compétentes. Ils sont aussi chargés de l'application de la règlementation sur la protection de l'environnement, des aires protégées. L'article 81 de ce Décret est en contradiction avec les dispositions de l'article 16 alinéas 3 du Code de procédure pénale qui ne cite pas les Maires comme des agents ayant qualité d'officier de police judiciaire. Or cette disposition décrétale stipule que : « Le maire assure l'exécution des mesures de sûreté général et dispose des pouvoirs de police générale (...) Il est officier de police judiciaire (...) il est compétent pour constater les crimes et délits et pour prendre toutes mesures utiles afin que les auteurs soient déférés devant les juridictions compétentes ».

Il résulte de tout ce qui précède que l'administration, au premier plan le Ministère en charge de faune, aussi bien au niveau central que local, participe activement dans la lutte contre la criminalité faunique. Le droit interne congolais et camerounais a pour ce faire attribuer, de façon exceptionnelle, des prérogatives de police judiciaire dans un domaine spéciale qui est celui des infractions fauniques. Mais à coté de ce rôle principal assuré par les Ministères en charge de la faune et certaines administrations, il existe des acteurs dits « secondaires » qui peuvent être institutionnels ou non institutionnels.

Paragraphe2 : Les acteurs secondaires dans la lutte contre la criminalité faunique.

La lutte contre la délinquance faunique nécessite la mise en place d'un mécanisme permettant d'organiser des poursuites contre les contrevenants aux lois fauniques. A ce titre, l'action menée par l'administration en charge de la faune est certes essentielle et principale, mais elle n'est cependant pas suffisante. Elle ne peut être efficace que si, elle est accompagnée par d'autres acteurs institutionnels comme les services de Police nationale, de Gendarmerie. De même que par des Organismes internationaux comme Interpol (A). Il faut rappeler aussi, avec force, l'action menée par des Organisations privées, telles que les associations de lutte pour la protection de la faune et d'autres Organismes non gouvernementaux qui oeuvrent dans la protection de l'environnement (B).

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A)-Les acteurs institutionnels secondaires de lutte contre la criminalité faunique.

Il conviendra pour nous d'examiner successivement le rôle joué par la Police et la Gendarmerie nationale à travers leurs agents auxquels la loi reconnait la qualité d'officier de police judiciaire. Grâce à leurs compétences très larges en matière de la constatation, la recherche des infractions, ils peuvent ainsi intervenir en cas d'atteinte contre les espèces fauniques et d'inobservation des lois spéciales en la matière (1). Mais, le braconnage et le commerce illégal des espèces et de leurs produits ayant pris des formes transnationales, la contribution des services de la Police interétatique (INTERPOL) est parfois nécessaire pour endiguer ce phénomène (2).

1-Les OPJ à compétence générale : La Police nationale et la Gendarmerie nationale.

Il est à bon droit d'examiner distinctement des compétences et de l'action des Polices nationales (a) congolaise et camerounaise dans le domaine de la criminalité faunique et celles de la gendarmerie des deux pays (b).

a) Les officiers de la police nationale comme acteurs à compétence générale dans la lutte contre la criminalité faunique.

Au Congo, il faut tout d'abord retenir que les missions générales de la Police nationale sont prévues dans la loi n°6-2011 du 2 mars 2011 fixant les missions, l'organisation et le fonctionnement de la Police nationale en République du Congo. L'article 2 de cette loi dispose que la police nationale a pour mission de garantir la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat. A ce titre, elle est chargée de entre autre : Assurer le respect des lois et règlements ; exécuter les missions de police judiciaire. C'est dans ce sens que l'article 16 alinéa 1er du Code de procédure pénale congolais reconnait comme ayant qualité d'officier de police judiciaire : « les commissaires de police, les officiers de police et les inspecteurs principaux titulaires de l'examen technique d'officier de police judiciaire ». Ainsi donc, en cette qualité, ces officiers de la Police nationale sont chargés de constater les infractions à la loi pénale (en l'espèce à la loi spéciale sur la faune) ; d'en rassembler les preuves et les auteurs110. Cette compétence étant générale, en matière des infractions contre la faune qui est un domaine spécial avec des spécificités techniques que seuls les agents des ministères en charge de la faune peuvent métriser. Les officiers de la police, sont donc appeler à les assister dans tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité. Mais, ils peuvent aussi procéder à tout acte de constatation, d'interpellation en l'absence des agents assermentés du MEFDD.

Dans le même ordre d'idée, la police camerounaise dispose des compétences générale qui sont définit par le Décret n°2012/540 du 19 novembre 2012 portant organisation de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale. Celui-ci stipule à son article 4 que la Police est chargée entre autre : De la recherche, de la constatation des infractions aux lois pénales et de la conduite de leurs auteurs devant les juridictions répressives. Elle lutte contre la criminalité nationale, internationale et transnationale.

110 Voir en ce sens, l'article 14 al. 1er du Code de Procédure Pénale Congolais.

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C'est à ce titre que l'article 79 du Code de procédure pénale camerounais dispose que : « Ont la qualité d'officier de police judiciaire : c)-Les Commissaires de police ; d)-Les officiers de police (...) ». De même, l'article 82 de ce code parlant des attributions et devoirs de la Police judiciaire précise que : « La Police judiciaire est chargée : a)-de constater les infractions, d'en rassembler les preuves, d'en rechercher les auteurs et les complices et, le cas échéant de les déférer au Parquet (...) ». La loi de 1994 sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche, les qualifie en son article 141 al. 1er des : « officiers de police judiciaire à compétence générale ». Certains auteurs dans la doctrine les ont aussi qualifiés comme des acteurs classiques dans la constatation des infractions ayant des compétences traditionnelles dans la recherche et la constatation des infractions de droit commun111. Ainsi donc au Cameroun les officiers de la Police nationale, ayant des compétences générales, peuvent intervenir même dans le cadre la commission des infractions fauniques. Pourtant, celles-ci peuvent s'avérées trop techniques et complexes en raison de la particularité du domaine faunique.

Mais à coté de la Police nationale, le code de procédure pénale attribut aussi la qualité d'officier de police judiciaire aux officiers de la Gendarmerie nationale, qui peuvent à ce titre intervenir également dans la lutte contre la criminalité faunique.

b- Les officiers de la gendarmerie nationale comme acteurs à compétence générale dans la lutte contre la criminalité faunique.

Au Congo, la Gendarmerie nationale est régie par l'ordonnance n°4-2001 du 5 février 2001 portant statut général des militaires et des gendarmes. Elle a entre autre mission, celle d'exercer la police judiciaire. C'est pourquoi l'alinéa 2 de l'article 16 du Code de procédure pénale dispose qu'ont la qualité d'officier de police judiciaire : « 2°-Les officiers de gendarmerie, les sous-officiers de gendarmerie exerçant les fonctions du commandant de section, de brigade et de peloton ». S'agissant de la Gendarmerie camerounaise, ses missions sont définis par le Décret n°2001/181 du 25 juillet 2001 portant organisation de la Gendarmerie nationale. Son article 2 précise entre autres fonctions, l'exécution des missions de police administrative et de police judiciaire, dans les conditions fixées par les textes en vigueur. Considérés comme des officiers de police judiciaire à compétences générales, les officiers de la gendarmerie peuvent donc valablement intervenir dans la constatation des infractions à la loi faunique. Ils constituent ainsi, aux cotés de la police nationale, des acteurs dont le rôle reste secondaire dans la lutte contre la criminalité faunique.

Cependant la délinquance faunique est un phénomène tentaculaire, dont les ramifications peuvent parfois dépasser le cadre national et s'étendre sur le territoire d'autres Etats. Ainsi, au cours de ces années, le braconnage et le commerce des espèces menacées d'extinction a pris des proportions internationales. C'est pourquoi, l'action d'INTERPOL est devenue plus que nécessaire.

111 TCHOCA FANIKOUA op.cit, page.80

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2-Les services d'INTERPOL : Une police au service de la lutte contre la criminalité faunique transnationale.

Reprenant ces mots de Alain Bernard ONONINO, qui en sa qualité de spécialiste des questions relevant de la criminalité faunique, affirmait que : « La menace devient cependant plus sérieuse et redoutable lorsque les animaux sauvages sont abattus et capturés à des fins commerciales, pour satisfaire la demande sans cesse croissante en espèces et produits de la faune des marchés locaux et internationaux (...) Il s'organise la plupart du temps en réseaux criminels bien huilé dont les membres se recrutent dans diverses couches de la société et parfois même dans plusieurs pays (...) du simple chasseur pygmée Baka (...) au commerçant chinois multimillionnaire possédant de nombreuses boutiques de luxe sur le marché asiatique »112. Cette pensée, illustre bien l'ampleur de la menace d'extinction que cours les espèces fauniques en Afrique Centrale. La raison principale de ce phénomène reste, la montée d'une criminalité qui ne cesse de prendre des proportions considérables à cause de la demande sans cesse croissante. Selon le rapport IFWA : la nature du crime concernant les répercussions du commerce illicite d'espèces sauvages sur la sécurité mondiale, publié en septembre 2013 : le commerce illégal des espèces fauniques et des produits qui en découlent est classé au 4ème rang des activités illicites mondiales113. Il est considéré par la Commission des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale comme : « une forme sérieuse de crime organisé ». De plus, il a été établit que ce commerce a des ramifications avec le terrorisme, le radicalisme et la fraude.

Ainsi donc face à une criminalité qui, au cours des décennies, a pris des proportions considérables, les agents des Etats agissant dans les limites des frontières de manière cloisonnée voient de plus en plus leur action s'anéantir face à un phénomène transnational. En effet, comment engager des poursuites contre des contrevenants agissant en bande organisée. Ils abattent plusieurs éléphants et s'emparent des ivoires, dans un pays (A) avec des complices dans un (B), et qui vendent les produits de leur contrebande sur un marché illicite dans un autre pays (C) à des acheteurs originaires d'un pays (D) et vont revendre un sur autre marché clandestin dans un pays (E) et que ces pays se trouvent sur trois continents différents? C'est face à ces difficultés que les Etats du monde ont crées L'Organisation de Police Criminelle (OIP-INTERPOL). C'est une Organisation Internationale de Police la plus importante au monde avec 190 pays membres dont le Congo et le Cameroun. Le rôle de cette institution internationale est de permettre aux polices du monde de travailler ensemble pour rendre le monde plus sûr114. Le statut de cette organisation multinationale a été adopté à Vienne en 1956 lors la 25ème session de son Assemblée Générale. Mais, il faut préciser que son but tel que visé à l'article 2 de son statut sur la répression des infractions de droit commun, a été revu au regard des enjeux de la criminalité environnementale.

112 ONONINO (A.B), idem.

113 Rapport IFAW, La nature du crime, op cit p.3 et 4

114 Voir en ce sens : Présentation INTERPOL sur le site internet : www. Interpol.int

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Ainsi peut-on lire sur la rubrique : criminalité (Atteintes à l'environnement) de leur site web : « A l'heure de la mondialisation, il est nécessaire de mettre en place une stratégie internationale, pour combattre cette forme de criminalité. Etant la seule organisation dont la mission consiste à centraliser et à traiter les informations criminelles au niveau mondial, INTERPOL est idéalement placé pour mener ce combat ». Il ressort de cela, que l'Organisation a mis en place une équipe chargée du Programme INTERPOL sur les atteintes à l'environnement dont l'essentielle des missions consiste entre autre à :

-Mener des opérations au niveau mondial et régional en vu de démanteler les réseaux criminels à l'origine des atteintes à l'environnement grâce à un travail de police fondé sur le renseignement.

-Donner aux organismes chargés de lutte contre les atteintes à l'environnement accès aux services de l'Organisation en renforçant leurs liens avec les Bureaux Centraux nationaux INTERPOL.

-Collaborer avec le Comité sur la criminalité de l'environnement afin de définir la stratégie et les orientations du Programme.

Ainsi, INTERPOL a mis en place plusieurs mécanismes de lutte contre la criminalité environnementale. Au nombre de ces infractions on cite, le braconnage et le commerce illicite des espèces. C'est pourquoi, le système des ECOMESSAGES est l'une des innovations les plus efficaces dans la lutte contre la criminalité faunique transnationale. Il fournit en temps réel des informations uniformes sur les atteintes à l'environnement et permet surtout de concevoir une base de donné fiable sur l'ensemble des pays membres.

Mais, la lutte contre la délinquance faunique, concerne aussi de nombreux organismes privés qui oeuvrent dans la lutte pour la protection de la faune sauvage. Au Congo et au Cameroun, leur rôle dans la répression des infractions fauniques est essentiel, ils travaillent en étroite collaboration avec les Ministère en charge de la faune. Ce sont des acteurs non institutionnels dont l'action, bien que souvent reléguée au second plan, est néanmoins essentielle dans la chaîne pénale.

B)-Les acteurs non institutionnels relégués à un rôle passif dans la répression des atteintes à la faune sauvage.

Aux termes des lois et règlements du Congo et du Cameroun, les organisations de la société civile contribuent à divers point dans la mise en oeuvre des politiques de protection des espèces fauniques. Dans ce sens, elles collaborent tant avec les Ministères en charge de la faune et avec les services judiciaires dans la poursuite des délinquants fauniques. Pourtant leur rôle dans le cadre répressif est souvent relégué au second plan. Il conviendra donc pour nous d'examiner, d'abord d'examiner le rôle des associations agréées pour la protection de la faune sauvage dans la répression des infractions fauniques (1). Ensuite, notre examen s'étendra sur les organisations dont l'objet est plus général à savoir la protection de l'environnement (2).

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1-Les Associations agréées de protection de la faune sauvage : un rôle dans la détection et la dénonciation des atteintes à la faune sauvage.

Par définition, une association est une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices115. Au Congo, la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées attribue un statut particulier aux associations spécialisées dans le domaine de la faune sauvage. Elles sont considérées comme : « des organes consultatifs pour l'élaboration des politiques de gestion de la faune ». Ainsi donc, plusieurs missions leurs sont reconnues par cette loi à son article 3. On compte entre autre celle de : « collaborer à la recherche des auteurs d'infraction à la présente loi et à ses textes d'application ». C'est le seul attribut répressif qui leurs soit reconnu par la loi. Au Cameroun, l'article 3 de la loi n°96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement dispose que : « Le Président de la République définit la politique nationale de l'environnement. Sa mise en oeuvre incombe au Gouvernement qui l'applique, de concert avec les Collectivités territoriales décentralisées, les Communautés de base et les associations de défense de l'environnement (...) ».

Devant la justice répressive, la disposition de l'article 3 peut faire l'objet d'une grande controverse dans son interprétation. En effet, lorsqu'il s'agit de savoir : Que faut-il entendre par une collaboration dans la recherche des auteurs d'infractions ? Et, quelles sont les limites de ce rôle dans la pratique ? En vertu de cette collaboration, ces associations peuvent-elles se constituer parties civiles au cours d'une instance ? Quelle est la position ou la place réelle de ces associations dans la mise en mouvement des poursuites pénale contre les délinquants fauniques ? Le code de procédure pénale constitue un obstacle quant à la possibilité pour les associations spécialisées dans la protection de la faune de se constituer partie civile devant la justice répressive. En effet, l'article 2 dispose que : « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par les faits objets de la prévention ». De même l'article 353 alinéa 1 surenchérie en ces termes : « Toute personne qui, conformément à l'article 2, prétend avoir été lésée par un délit, peut, si elle ne l'a déjà fait, se constituer partie civile à l'audience même ». Il résulte de ces dispositions que l'action civile, pour sa recevabilité devant le juge pénal, est soumise à deux conditions générales à savoir : un dommage qui soit direct et personnel. S'agissant des associations, elles n'ont pas d'action en principe, sauf si la loi le prévoit.

Sur ce point, Jean LARGUIER et Philippe CONTE estiment que : « Les associations représentent des intérêts trop généraux, proches de ceux que défend le Ministère public. Dans l'exercice de leur action, elles ne recherchent pas toujours à obtenir réparation. Elles souhaitent seulement déclencher le procès pénal ; cette action est donc très proche de l'action publique (...) C'est pourquoi, en dehors des cas où un texte admet l'action, la chambre criminelle exige qu'un préjudice personnel et direct ait été causé à l'association qui ne peut agir au pénal que si elle subit elle-même un tel dommage »116.

115 Sur la définition de l'Association voir, le Lexique des termes juridiques, 13ème édition Dalloz 2001. p. 49

116 LARGUIER (J) et CONTE (P), Procédure pénale, Mémentos 21ème édition, Dalloz 2006, p.119 et 120

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Mais dans d'autres pays, comme en France, l'évolution législative et jurisprudentielle à conduit la justice répressive à déclarer recevable, à certaines conditions, la constitution de partie civile117.

On compte au Congo et au Cameroun plusieurs associations spécialisées dans la protection de la faune sauvage. Il ne s'agira donc pas ici d'en donner une liste puisqu'elle ne serait pas exhaustive. Cependant, un certain nombre de ces associations s'impliquent activement, dans les deux pays, à la répression des atteintes contre la faune sauvage. On citera donc de manière exceptionnelle le réseau des Associations nées d'un consortium constitué par The Aspinall Fondation (TAF) et Wildlife Conservation Society (WCS). C'est de celui-ci qu'est né The Last Great Ape Organization (LAGA) au Cameroun et le Projet d'Appui à l'Application de la Loi sur la Faune sauvage (PALF) au Congo. Au niveau de ces deux pays, ces associations interviennent dans le cadre de l'appui à l'application des lois fauniques. Elles contribuent à la mise en oeuvre de l'action répressive des atteintes contre la faune sauvage à travers la dénonciation des infractions fauniques. La suivie des procédures devant les juridictions répressives en partant depuis les enquêtes, les procès, les condamnations et l'application des peines.

Mais, comme il ressort de ces mots tirés du rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) : « Faire honte est souvent la seule arme dont dispose un grand nombre d'organisations de la société civile. Mais cette arme peut être redoutable ». Le rôle de ces associations, pourtant spécialisées dans la protection de la faune sauvage, est souvent relégué aux simples dénonciations. Elles sont réduites à une action de collaboration en incitant les administrations à mettre en oeuvre les poursuites contre les délinquants fauniques. Leur but étant de dissuader ces derniers à grâce l'effet produit par les sanctions pénales. Cette action trouve plus d'écho avec la participation de certaines organisations non gouvernementale qui oeuvre de manière générale dans la lutte contre l'environnement.

2-Les ONG de protection de l'environnement.

Les organisations non gouvernementales sont considérées comme des acteurs jouant un rôle essentiel dans la protection de l'environnement. En réalité, une ONG est définit comme : « une association internationale créée par une initiative privée -ou mixte-, à l'exclusion de tout accord intergouvernemental, regroupant des personnes privées ou publiques, physiques ou morales, de nationalité diverses »118. C'est au cours des 1992, avec la conférence de Rio, qu'une reconnaissance juridique des ONG a été de plus en plus visible dans les textes internationaux de droit de l'environnement. A ce titre, certains auteurs estiment que : « La conférence de Rio constitue le point centrale d'analyse de la reconnaissance internationale de l'importance des ONG »119.

117 Sur la recevabilité de l'action civile d'une Association spécialisée devant les juridictions pénales, voir l'ouvrage de NERAC-CROISIER (R), Sauvegarde de l'environnement et droit pénal, 1ère édition, Paris, l'Harmattan Sciences criminelles, 2005, pages.315, 316 et 317

118 DAILLIER (P), FORTEAU (M) et PELLET (A), op.cit, page.711

119 LOWE GNINTEDEM (P.J), Les ONG et la protection de l'Environnement en Afrique Centrale, Mémoire pour l'obtention de la Maîtrise en Droit et Carrières Judiciaires, Limoges. Université de Limoges. 2003

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En effet, le chapitre 27 de l'Agenda 21 est consacré au renforcement du rôle des ONG, qui sont considérées comme des partenaires pour un développement durable. De même que l'article 4-i de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992, encourage la participation des ONG.

Cette prolifération des textes internationaux consacrant le rôle des ONG dans la protection de l'environnement a été également constaté dans le cadre sous-régional. C'est ainsi qu'en Afrique Centrale, de nombreux instruments adoptés par les Etats ont reconnu une place essentielle dans la protection de l'environnement. Tel est le cas de la Déclaration de Brazzaville issue de la Conférence sur les écosystèmes des forêts denses humides d'Afrique Centrale tenue du 28 au 30 mai 1996 qui contient une mention portant sur : « la nécessité d'impliquer d'avantage (...) les organisations non gouvernementales dans la conservation et la gestion des écosystèmes ». Les ONG participent à la protection de l'environnement dans son ensemble y compris la préservation des espèces fauniques. Elles exercent des actions de sensibilisation, d'alerte, de gestion et participation dans les politiques de conservations des écosystèmes. Au nombre de ces ONG, on pourra citer l'Union Mondiale pour la Nature (UICN), ainsi que d'autres ONG dont la liste ne peut être citée de manière exhaustive.

En sommes, on pourra retenir que plusieurs acteurs avec des rôles différents concourent à l'oeuvre de répression en accomplissant, chacun selon la tâche qui lui attribuée par les textes légaux. Si l'Administration en charge de la faune est considérée comme le maillon principal dans la constatation, la recherche des infractions et la saisine des instances judiciaires, d'autres acteurs secondaires complètent cette oeuvre. Mais la chaîne ne peut être complète que si les auteurs des infractions fauniques sont traduits devant une instance judiciaire compétente. Aussi, la justice pénale est considérée comme l'autre partie de la chaîne qui agit en aval pour sanctionner les délinquants qui sont déférés devant-elle après qu'une enquête en bonne due forme ait été menée par les acteurs placés en amont.

Section2 : Les acteurs judiciaires placés en aval de la chaîne pénale pour assurer la répression des atteintes contre la faune sauvage.

Placée en aval de la chaîne pénale la justice répressive, en tant qu'organe relevant du pouvoir judiciaire, est considérée comme le dernier rempart dans la lutte contre la criminalité faunique au sein de l'Etat congolais et camerounais. Dans leur organisation judiciaire, outre le principe de double degré de juridiction, les cours et tribunaux de ces deux pays sont régies par un principe d'unité de la justice civile et pénale, tout en maintenant une séparation des deux contentieux. Ce qui a pour conséquence immédiate, l'existence d'une polyvalence des magistrats du siège, qui ont une double casquette (juge pénal et civil).

L'analyse exégétique de la règlementation faunique dans ces deux pays, montre que ces textes spéciaux ne font pas directement mention d'une répartition des compétences entre les différentes juridictions pénales. Ce sont donc des textes généraux qui définissent une organisation de cette justice ainsi que l'attribution des prérogatives et le rôle des magistrats qui les animent.

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Ainsi, au Congo, c'est la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire qui prévoit une organisation des juridictions répressives. Elles se composent des tribunaux de simple police, des tribunaux correctionnels, des cours criminelle et des chambres pénales de la cours suprême. De même que le code pénal et celui de procédure pénale définissent les compétences et les prérogatives des magistrats du siège et du parquet. Au Cameroun, c'est l'ordonnance n°72/04 du 26 août 1972 qui a été, pendant plus de trente (30) ans, le texte de base en matière d'organisation judiciaire. Elle a été, cependant, abrogée par la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006, portant organisation judiciaire qui, il faut le noter, n'est pas le seul texte organisant la justice répressive au Cameroun.

Ainsi, malgré son caractère spécial, le contentieux pénal en matière faunique ne déroge en rien aux règles classiques de l'organisation de la justice répressive dans ces deux (2) pays. On distingue d'un coté la magistrature debout, qui constitue le ministère public. Il est considéré comme un acteur judiciaire placé au coeur de l'exercice de l'action publique en matière des infractions fauniques (§1). Ensuite, la magistrature assise, autrement dit, les formations de jugement qui sont considérées, selon leur degré de compétence, comme le dernier rempart contre la délinquance faunique (§2).

Paragraphe1 : Le Ministère Public : Un acteur au centre de l'exercice de l'action publique en matière des infractions contre la faune sauvage.

Le ministère public est considéré comme : « l'ensemble des magistrats de carrière qui sont chargés, devant certaines juridictions, de requérir l'application de la loi et de veiller aux intérêts généraux de la société, ses magistrats sont hiérarchisés et ne bénéficie pas de l'inamovibilité. En matière pénale, il est toujours partie principale »120. De même, l'action publique dont-il a la charge d'exercer peut être définit comme une : « action portée devant une juridiction répressive pour l'application des peines à l'auteur d'une infraction »121. Le rôle du ministère public dans la répression des infractions environnementales ou fauniques a été mis en relief par le Professeur M. FAURE qui affirme que : « Seul le Procureur du Roi peut (...) donner suffisamment de garanties d'impartialité et d'indépendance nécessaire à une répression optimale du droit de l'environnement ». Or, aujourd'hui qu'il s'agisse du model congolais ou camerounais, on déplore la rareté du contentieux faunique devant les juridictions répressives. C'est la résultante directe d'un manque de lisibilité du régime répressif prévu par les lois spéciales dans ce domaine. Les magistrats du parquet dans les deux pays ne bénéficiant pas souvent des connaissances spécialisées pour mieux assurer les poursuites contre les contrevenants dans ce domaine.

120 Lexique des termes juridiques, 13ème édition, Paris, Dalloz, 2001, p.363

121 Idem p.18-19

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Face à ces difficultés, il nous ait paru nécessaire, d'examiner les compétences du Ministère public et l'organisation des poursuites en matière des infractions fauniques (A). Ensuite, après avoir fait un bref rappel des pouvoirs reconnus au Procureur de la République par les textes classiques, nous scruterons ceux que lui accordent les lois fauniques des deux pays (B).

A)-Les compétences du Ministère Public et l'organisation des poursuites en matière des infractions fauniques.

Nous examinerons successivement les compétences du Procureur de la République en matière des infractions à la loi faunique (1). Ensuite l'organisation des poursuites contre les délinquants fauniques (2).

1-Les compétences du Procureur de la République en matière des infractions à la loi faunique.

Au Congo, c'est l'article 102 de la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées qui constitue l'assise de la compétence du Procureur de la République dans la mise en oeuvre des poursuites contre les infractions fauniques. Il dispose que : « L'action publique contre les auteurs d'infractions en matière de faune et de chasse est exercée par le Procureur de la République devant les juridictions compétentes ». Il épouse donc les prévisions de l'article 19 du code de procédure pénale aux termes duquel : « Le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi ». Par cet article, la nouvelle loi faunique consacre une prépondérance au Procureur de la République dans la mise en oeuvre des poursuites pénales contre les contrevenants en matière faunique. Elle tranche de ce fait, avec l'ancienne loi du 21 avril 1983 sur les conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage. En effet, l'article 71 de l'ancienne loi disposait que : « Les actions et poursuites sont exercées par l'Administration des Eaux et Forêts sans préjudice du droit qui appartient au Ministère Public (...) », de même que l'article 74 stipule que : « Les agents des Eaux et Forêts peuvent faire concernant toutes les affaires relatives à la Police de chasse, tous les exploits ou actes de justice que les Huissiers ont coutume de faire. Ils peuvent néanmoins se servir du Ministère des Huissiers ». Il résulte donc d'une lecture combinée de ces deux dispositions, que contrairement à la loi de 2008, celle de 1983 consacrait une concurrence entre l'administration en charge de la faune et le Ministère public dans l'exercice de l'action publique en matière des infractions fauniques. Aux termes de cette dernière, l'administration faunique pouvait opter pour l'une des modes de saisines autres que celles qui passe par le Ministère public à savoir : La plainte avec constitution de partie civile devant un juge d'instruction ou par une citation directe par exploit d'huissier122.

122 Voir en ce sens, l'article 326 du Code de Procédure Pénale qui dispose que : « Le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence, soit par le renvoi qui lui en est fait par la juridiction d'instruction, soit par la comparution volontaire des parties, soit par la citation délivrée directement au prévenu et aux personnes civilement responsables de l'infraction, soit enfin par application de la procédure de flagrant délit »

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Outre ses compétences dans la mise en oeuvre des poursuites pénales, l'article 104 de la loi de 2008 qui opère un renvoi « aux règles prescrites par le code de procédure pénale ». S'agissant de l'exercice des voies de recours, l'exécution des décisions de justice et les délais de prescription des infractions. Lorsqu'on se réfère au chapitre II : « Du ministère public » à partir des articles 20 et suivants du code de procédure pénale. On se rend bien compte que la loi faunique reconnait simplement les compétences du Procureur de la République. L'article 31 du même code, fixe les règles de sa compétence territoriale qui peut se déduire à travers le triptyque : du lieu de l'infraction, de celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnée d'avoir participé à l'infraction ou du lieu de l'arrestation. Encore faut-il préciser qu'en matière des infractions fauniques, cette trilogie peut recevoir diverses interprétations. Dans la mesure où, il est parfois difficile de déterminer le lieu exact de l'abattage d'un animal sauvage par un chasseur dans la forêt. De même qu'il sera difficile de déterminer le lieu de la commission de l'infraction pour un contrevenant qui est appréhendé avec des trophées de chasse lors d'un contrôle avant embarquement dans un aéroport.

Par contre, au Cameroun, le rôle du ministère public est moins prépondérant puisqu'il est en concours avec l'Administration en charge de la faune pour les infractions qui portent sur ce domaine. En effet, l'article 147 de la loi de 1994, énumérant les compétences de cette administration dispose ce qui suit : « (...) A cet effet, elles ont compétence pour :

-Faire citer aux frais du Trésor Public tout contrevenant devant la juridiction compétente ,
·

-Déposer leurs mémoires et conclusions et faire toutes observations qu'elles estiment utiles à la sauvegarde de leurs intérêts ,
· leurs représentants siègent à la suite du Procureur de la République, en uniforme et découvert, la parole ne peut leur être refusée ,
·

-Exercer les voies de recours ouvertes par la loi conformément aux règles de droit commun avec les mêmes effets que les recours exercés par le ministère public ». Il s'ensuit que cette concurrence peut être appréhendée comme une violation au principe de la séparation des pouvoirs. Celui-ci ayant pour conséquence, la séparation des autorités administratives et judiciaires qui en est qu'un prolongement. Mais elle peut aussi être perçue comme une confusion dans la répartition des tâches au sein de l'appareil étatique.

Mais de quelle manière, le Ministère Public organise t-il les poursuites en matière des infractions fauniques ? Les lois fauniques établissent-elles à ce titre une distinction avec les règles procédurales classiques ?

2-L'organisation des poursuites contre les délinquants fauniques.

Il faut retenir de prime à bord que dans les deux pays, le Procureur de la République assure la direction de la police judiciaire123. Qu'il s'agisse d'un système comme de l'autre, l'organisation des poursuites contre les délinquants fauniques par le Ministère Public varie selon qu'il s'agit d'une procédure de crime ou délit flagrant et d'une enquête préliminaire.

123 Voir à ce titre l'article 12 du Code de Procédure Pénale Congolais et 78 al. 1 du C.P.P Camerounais

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D'abord, l'article 37 alinéa 1 du code de procédure pénale congolais définit le crime ou le délit flagrant en ces termes : « Est qualifié crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvé en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit ». Cette définition est la même que celle prévue à l'article 103 du code de procédure pénale camerounais. Quant à l'enquête préliminaire124 : C'est une enquête de police qui est entreprise par les officiers de police judiciaire soit d'office ou sur instruction du Procureur de la République. Elle a pour but d'éclairer le Ministère Public sur le bien fondé d'une poursuite pénale. Retenons qu'à son terme le Procureur, qui a l'opportunité des poursuites, peut décider de poursuivre ou de classer sans suite.

Ainsi donc en matière faunique, le plus souvent, les infractions sont prises en flagrance et sont traitées suivant les règles y afférentes. A ce titre deux hypothèses peuvent être retenues :

? Celle de l'article 38 du code de procédure pénale congolais qui dispose à son alinéa 1 que : « En cas de crime flagrant, l'officier de police judiciaire qui en est avisé, informe immédiatement le procureur de la République et, en tant que de besoin, le juge de section ou d'instance, se transporte sans délai sur les lieux du crime et procède à toutes constatations utiles ». Les articles 39 et suivants définissent les pouvoirs et les actes accomplis par l'officier de police judiciaire aux fins de la manifestation de la vérité.

Dans cette première hypothèse, des pouvoirs sont reconnus aux OPJ pour mener l'enquête de flagrance. C'est ce que prévoit également, le C.P.P camerounais aux articles 104 à 110.

? La deuxième hypothèse (en cas de crime ou de délit flagrant) est que : le Procureur de la République, lui-même, peut accomplir l'ensemble des actes de police judiciaire. En effet, son arrivée sur les lieux dessaisit l'OPJ. Cette deuxième hypothèse est prévue aux articles 53 du C.P.P congolais et 111 du C.P.P camerounais.

S'agissant de l'enquête préliminaire, l'article 61 du même code dispose qu'elle est diligentée à la demande du Procureur ou d'office à l'initiative de l'OPJ. A ce titre, l'article 116 al. 1 du C.P.P camerounais dispose que : « Les officiers de police judiciaire et agents de police judiciaire procèdent aux enquêtes préliminaires soit sur leur initiative, soit sur instruction du procureur de la République dans les meilleurs délais ». Ainsi donc, qu'il s'agisse des délits et crimes flagrants ou d'infractions nécessitant le déclenchement d'une enquête préliminaire. L'organisation des poursuites en matière faunique, par le ministère public, ne déroge pas aux règles procédurales classiques.

124 Sur l'enquête préliminaire, voir l'article 61 du C.P.P congolais.

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A la suite des enquêtes, le Procureur de la République qui a l'opportunité des poursuites décidera s'il opte comme mode de saisine de la formation de jugement, par citation directe125, soit par flagrant délit en prenant un mandat de dépôt contre le prévenu. Mais, il peut aussi ouvrir une information judiciaire devant le juge d'instruction à travers un réquisitoire introductif126.

Mais, si ces règles classiques reconnaissent au Procureur de la République des prérogatives dans l'exercice de ses fonctions, les lois fauniques lui reconnaissent également certains pouvoirs spécifiques qu'il convient d'examiner.

B)-Les prérogatives reconnues au Procureur de la République en matière faunique.

Rappelons d'abord que par prérogatives, on entend un ensemble de droits ou des pouvoirs reconnus ou attribués à une personne ou à un organe en raison de sa fonction et impliquant, pour lui, une certaine supériorité, puissance ou immunité127. Ainsi donc, s'agissant du Procureur de la République, en sa qualité d'acteur important dans la répression des infractions, les textes répressifs classiques lui attribut plusieurs prérogatives qui sont attaché à sa fonction (1). Mais, la loi faunique qui définit un cadre particulier de répression, lui reconnait aussi certaines prérogatives liées spécifiquement au contentieux pénal en matière de la faune sauvage (2).

1-Des prérogatives qui puisent leur source dans des textes répressifs classiques (Code de procédure pénale).

Le 19 janvier 2006, lors de l'ouverture des cycles de conférence de procédure pénale, Monsieur Jean-Louis NADAL, Procureur Général près la Cour de cassation en France affirmait : « La spécificité du Ministère public, à la fois organe de poursuite et gardien des libertés individuelles remonte à ma connaissance à la grande ordonnance de Philippe Le Bel du 23 mars 1303 énonçant la formule du serment des gens du roi et montrant que l'accusateur doit également avoir en charge la recherche de la vérité et la bonne application de la loi ». Ces mots sont révélateurs de la particularité de la fonction de Procureur de la République. C'est pourquoi, les lois répressives congolaise et camerounaise lui reconnaissent des prérogatives très élargies et diversifiées dans la mise en oeuvre de la répression des infractions de droit commun et même des infractions spéciales, comme celles qui portent sur les espèces fauniques.

125 Sur la citation directe par voie administrative, c'est-à-dire délivrée à la requête du Ministère public, voir les articles 40 al.3 du C.P.P camerounais et 491 du C.P.P congolais

126 Voir en ce sens les dispositions de l'article 114 du C.P.P camerounais qui stipule que : «1)- Le suspect arrêté en flagrant délit est déféré par l'OPJ devant le Procureur de la République qui procède à son identification , l'interroge sommairement et, s'il engage des poursuites, le place en détention provisoire ou le laisse en liberté avec ou sans caution (...) 3)-Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à ce que le Procureur de la République engage des poursuites par voie de citation directe ou requiert l'ouverture d'une information judiciaire ».

127 BEDARIDE (B), Lexique juridique et fiscal en ligne.

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Ainsi donc, aux termes des codes de procédure pénale des deux pays, le Procureur de la République qui est sous le contrôle hiérarchique du Procureur Général et du Ministre de la justice, fait partie de la magistrature dite debout. Il est l'autorité prépondérante dans la mise en mouvement de l'action publique. Il assure la direction de la police judiciaire, alors que le Procureur Général assure la surveillance de celle-ci. Dans la juridiction où, il représente le ministère public, il exerce l'action publique et requiert l'application de la loi. Il assiste aux débats des formations de jugement et leurs décisions sont rendues en sa présence et il veille à leur exécution. Il reçoit les plaintes et les dénonciations et décide de la suite à donner (opportunité des poursuites). La loi pénale fait obligations à tout officier ou fonctionnaire de son ressort de compétence, de lui tenir informer de l'existence des faits infractionnels portés à leur connaissance.

L'article 29 du C.P.P congolais dispose que : « Le Procureur de la République procède ou fait procéder à tous actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale. A cette fin, il dirige l'activité des officiers de police judiciaire. En cas d'infractions flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 53 ». De même, en cas procédure de flagrance, l'article 111 du C.P.P camerounais qui est similaire à l'article 53 du C.P.P congolais dispose que : « L'arrivée du Procureur de la République sur les lieux dessaisie l'officier de police judiciaire. Le Procureur de la République accomplit alors tous les actes de police judiciaire prévus au présent chapitre. Il peut aussi prescrire à tous officiers de police judiciaire de poursuivre les opérations ». Il résulte donc de l'analyse des dispositions des codes de procédure pénale des deux pays, que le Procureur de la République dispose d'un éventail des prérogatives en matière des infractions de droit commun qui lui permettent de mettre en mouvement l'action publique et de veiller à l'application de la loi.

Le contentieux pénal en matière faunique ayant quelques spécificités, des prérogatives spéciales lui ont été reconnus par les lois fauniques.

2-Des prérogatives spécialement prévues par les lois sectorielles en matière faunique.

L'alinéa 1er de l'article 141 de la loi de 1994 sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche comme par : « Sans préjudice des prérogatives reconnues au Ministère public et aux officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés des administrations chargées des forêts, de la faune et de la pèche, dans l'intérêt de l'Etat, des constatation et des poursuites en répression des infractions commises en matières de forêts, de la faune et de la pêche, selon le cas ». Il résulte de cette disposition, que les prérogatives qui sont reconnues au Procureur de la République et aux officiers de police judiciaire, en matière des infractions fauniques, sont d'abord et avant tout celle de police judiciaire, c'est-à-dire procéder à la recherche, la constatation des infractions fauniques.

Cependant, si au Congo, la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées attribut un certain privilège au Ministère public dans la mise en mouvement de l'action publique. Les dispositions de la loi faunique au Cameroun entrainent une confusion quant à l'exercice de l'action publique.

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D'abord l'article 147 de ladite loi précise à son alinéas 2, dispose que : « A cet effet, elles (les administrations en charge des forêts, de la faune et la pêche) ont compétence pour :

-faire citer aux frais du Trésor Public tout contrevenant devant la juridiction compétente ,
·

-déposer leurs mémoires et conclusions et faire toutes observations qu'elles estiment utiles à la sauvegarde de leurs intérêts ,
· leurs représentants siègent à la suite du Procureur de la République, en uniforme et découverts, la parole ne peut leur être refusée ,
·

-exercer les voies de recours ouvertes par la loi conformément aux règles de droit commun avec les mêmes effets que les recours exercés par le ministère public. ». Il résulte de cette disposition que la loi faunique camerounaise, établit une concurrence entre l'administration faunique qui peut user d'autres modes de saisine du juge, sans passé par le parquet. Ces prérogatives concurrentes apparaissent aussi dans l'article 90 alinéas 2 de la loi n°96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement. Il relève qu'en cas de non transaction et si la contestation portée par le contrevenant contre le procès-verbal est infondée, l'Administration faunique procède à des poursuites judiciaires. Il s'ensuit qu'au Congo tout comme au Cameroun, les lois fauniques reconnaissent au Procureur de la République, des pouvoirs de coordonner l'action des agents de l'administration en charge de la faune lorsque ces derniers agissent en qualité d'officier de police judiciaire. Dans la pratique, ils peuvent même solliciter l'expertise de ces agents, pour mieux faire assoir la caractérisation des infractions fauniques déférées devant son parquet.

Bien que situé en aval, l'action du ministère public consiste à monter une procédure contre le contrevenant à la loi faunique pour le mettre à la disposition du juge pénal. Dans le procès pénal, le Procureur de la République, est avant tout une partie dont la position peut ou ne pas emporter l'intime conviction du juge.

Paragraphe2 : Le juge pénal comme dernier rempart contre la criminalité faunique.

Comme nous l'avons relevé en empruntant les mots de Sandrine MALJEAN-DUBOIS : « le champ de la protection de l'environnement illustre remarquablement la montée en puissance du juge »128. En effet, le juge pénal est considéré comme le gardien de l'autorité de la loi, dont-il est le fidèle serviteur. Ayant une obligation d'interpréter strictement la loi, le juge est dans une position unique pour donner force et effet au droit de l'environnement. Appelé à accomplir une entreprise délicate, celle d'adapter parfois au cas par cas, des textes d'incriminations spéciaux dont la technicité et la complexité ne saurait laisser la place à l'amateurisme. Dans le contentieux pénal de la faune sauvage ou dans n'importe quel domaine d'ailleurs, le juge est appelé à fournir une réponse correcte et acceptable pour les parties. Ce contentieux est lié à la survie des écosystèmes et contribue à la garantie des générations présente et futures. Il apparaît donc clairement que le juge pénal, en tant qu'acteur dans la répression des atteintes contre la faune sauvage est considéré comme le dernier rempart face à cette criminalité.

128 MALJEAN-DUBOIS (S), op.cit page.17

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Or, si les lois sur la faune au Congo et au Cameroun donnent certaines précisions sur l'office de ce juge (B), les règles de compétences restent classiques et figurent dans le code pénal et de procédure pénale de chaque pays (A).

A)-La répartition des compétences entre les juridictions répressives en matière faunique.

D'une manière générale, la compétence peut être définit comme une aptitude légale à accomplir un acte ou à instruire et juger un procès129. Les règles de compétence sont d'ordre public et le juge pénal peut les invoquer d'office. Aussi, face à une infraction à la loi faunique déférée à sa connaissance, le juge cherchera d'abord à savoir, si la nature de l'infraction soumise à sa connaissance entre dans la sphère de sa compétence matérielle. C'est la compétence ratione materiae (1). Ensuite, il regardera si ladite infraction a été commise dans le ressort de sa compétence : c'est la compétence ratione loci (2). Sans ces deux règles qui sont imbriquées et cumulatives, le juge ne saurait se déclarer compétent à connaitre l'infraction.

1-La compétence ratione materiae ou en raison de la nature de l'infraction.

La compétence en raison de la matière ou ratione materiae est l'aptitude d'une juridiction pénale à connaitre des infractions en fonction de leur nature130. Au Congo et même au Cameroun, ce ne sont pas les lois fauniques qui définissent les règles de compétence des juridictions répressives. Dans le premier, il s'agit d'une approche combinée entre la loi n°1999 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire, la loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant code de procédure pénale et le code pénal. A ce titre, l'article 1er du Code pénale établit une classification tripartite des infractions en se fondant sur la nature des peines en ces termes : « L'infraction que les lois punissent de peines de police est une contravention. L'infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit. L'infraction que les lois punissent d'une peine afflictive ou infamante est un crime ». Les articles 6 à 10 du même code donnent des précisions sur ces peines. Cependant, la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées ne donne pas une classification claire de la nature des infractions fauniques. Elle ne se borne qu'à les énumérées après avoir précisée le quantum des peines. En effet, les articles 112, 113 et 114 donne trois types d'infractions fauniques, celles punies des peines d'amende entre 10.000 et 500.000 francs CFA ainsi que d'une peine d'emprisonnement entre 1 et 18 mois ; celles punis d'une amende 100.000 à 5.000.000 de francs CFA et d'un emprisonnement de 2 à 5 ans. Enfin, celles punies d'une amende de 10.000.000 à 50.000.000 de francs CFA et d'un emprisonnement de 10 à 20 ans. En faisant intervenir les dispositions de l'article 319 du C.P.P qui stipule que : « Le tribunal correctionnel connait des délits. Sont des délits les infractions que la loi punit d'une peine de plus de 10 jours d'emprisonnement ou 36.000 francs d'amende ».

129 Lexique des termes juridiques, 13ème édition, Paris, Dalloz 2001, page.122

130 Idem

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On comprend que la loi faunique au Congo ne prévoit pas de contraventions et confère la connaissance des délits à la compétence des tribunaux correctionnels. Cette attribution est précisée par l'article 64 de la loi portant organisation judiciaire qui dispose que : « En matière pénale, le Tribunal de Grande Instance connaît des infractions punies de peines correctionnelles et des contraventions qui leur sont connexes (...) ». Ainsi, les jugements rendus par les tribunaux de grande instance en matière correctionnelle peuvent faire l'objet d'appel devant les chambres correctionnelles de la Cour d'Appel131. S'agissant des crimes, elles sont portées à la connaissance de la Cour criminelle, qui est une formation de la Cour d'Appel132. Il faut noter que les arrêts de la Cour d'Appel, tant ceux qui sont rendus par ses chambres correctionnelles que par la cour criminelle, peuvent faire l'objet d'un recours en cassation devant les chambres pénales de la Cour Suprême.

Au Cameroun, c'est l'article 21 de la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal qui établit une classification des infractions en ces termes : « Les infractions sont classées en crimes, délits et contraventions selon les peines principales qui les sanctionnent :

-Sont qualifiées crimes, les infractions punies de la peine de mort ou d'une peine privatives de liberté dont le maximum est supérieur à dix (10) ans et d'une amende lorsque la loi en dispose ainsi ,
·

-Sont qualifiées de délits, les infractions punies d'une peine privative de liberté ou d'une amende lorsque la peine privative de liberté encourue est supérieure à dix (10) jours et n'excède pas dix (10) ans ou que le maximum de l'amende est supérieure à vingt cinq mille (25.000) francs ,
·

-Sont qualifiées de contravention, les infractions punies d'un emprisonnement qui n'excède pas dix (10) jours ou d'une amende qui ne peut excéder vingt cinq mille (25.000) francs (...) ».

Il résulte de cette disposition que les infractions prévues aux articles 154, 155, 156 et 158 de la loi faunique, sont des délits et qu'il n'existe pas dans cette loi spéciale des crimes en matière d'infractions fauniques. Ainsi donc toutes les infractions fauniques prévues par la loi de 1994 relèvent de la compétence matérielle du tribunal de première instance. C'est ce qui résulte de l'article 289 alinéas 1er de la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale qui dispose que : « Le Tribunal de Première Instance est compétent pour connaitre des délits et des contraventions tels que définit à l'article 21. (1) b) et c) du code pénal ». Mais lorsque ces délits sont connexes à un crime, dans ce cas, ils peuvent relever dans la compétence des tribunaux de grande instance133. La compétence matérielle du tribunal de première instance est précisée par l'article 15 alinéa 1-a de la loi n°2006-015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.

131 Voir en ce sens, l'article 56 de la loi de 1999 portant organisation judiciaire.

132 Idem

133 Voir en cas délit connexe avec un crime qui justifie la compétence du TGI à l'article 407 du C.P.P camerounais.

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Les décisions rendues par les tribunaux de première instance peuvent faire l'objet d'un appel devant la Cour d'Appel (article 22 de la loi portant organisation judiciaire). Et éventuellement les arrêts de la Cour d'Appel sont susceptibles de recours en cassation devant la Cour Suprême.

En somme, il convient de retenir qu'il existe une distinction quant à la connaissance des infractions fauniques par les juridictions répressives congolaise et camerounaise. D'abord, la législation faunique congolaise a prévus des crimes dans sa classification. Cela montre que selon la conception de son législateur, il existe dans ce domaine des actes dont la gravité ne peut cadrée avec de simples délits. Or, son homologue camerounais, classe au titre des délits toutes les infractions fauniques. De plus, l'organisation des juridictions répressives diffère d'un pays à un autre, puisqu'au Congo, les délits sont de la compétence matérielle des Tribunaux de Grande instance comportant des chambres correctionnelles. Au Cameroun par contre, ce sont les tribunaux de première instance qui connaissent des délits.

Mais qu'en est-il des compétences par rapport au lieu ? 2-La compétence ratione loci ou en raison du lieu.

Par définition, la compétence territoriale ou ratione loci se définit comme : « l'aptitude d'une juridiction pénale à connaître d'une infraction en fonction d'une circonstance de lieu »134. Il peut donc s'agir du lieu de la commission de l'infraction, de la résidence ou de l'arrestation du prévenu. A ce titre, l'article 320 alinéa 1er du code de procédure pénale congolais dispose que : « Est compétent le tribunal correctionnel du lieu de l'infraction, celui de la résidence du prévenu, celui du lieu de détention ou d'arrestation, même lorsque cette détention ou arrestation a été opérée pour autre cause ». De même que l'article 294 du code de procédure pénale dispose que : « Est compétent le Tribunal : a-Soit du lieu de la commission de l'infraction ; b-Soit du lieu du domicile du prévenu ; c-Soit du lieu de l'arrestation du prévenu ». Il existe donc, une similarité sur les critères qui déterminent la compétence territoriale.

Mais dans la pratique, il existe parfois des difficultés engendrant des conflits de compétences entre les tribunaux chargés du contentieux faunique. Au Congo, il existe en tout, près de 17 tribunaux de grande instance. Un ou deux dans chaque département (TGI d'Impfondo dans la Likouala, TGI de Ouesso dans la Sangha, TGI d'Ewo dans la Cuvette ouest, TGI d'Owando et TGI d'Oyo dans la Cuvette centrale, TGI de Djambala et TGI de Gamboma dans les Plateaux, TGI de Brazzaville à Brazzaville, TGI de Madingou et TGI de Moyondzi dans la Bouenza, TGI de Dolise et TGI de Monsedjo dans le Niari et TGI de Ponte-noire ). Au Cameroun, l'article 13 de la loi portant organisation judiciaire dispose que : « Il est crée un tribunal de première instance dans chaque arrondissement. Toute fois, suivant les nécessités de service, le ressort dudit tribunal peut être étendu à plusieurs arrondissements, par décret du Président de la République ».

134 Voir le lexique des termes juridiques op.cit p.123.

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Après avoir examiné les compétences de la juridiction répressive, il convient d'examiner les spécificités du déroulement du procès pénal en matière faunique et des pouvoirs que les lois fauniques confèrent au juge pénal à travers l'office de celui-ci.

B)-L'office du juge pénal en matière des infractions à la loi faunique.

L'office du juge définit quel est son rôle dans la direction du procès et quels sont ses pouvoirs et leurs limites. Parlons du rôle du juge dans le contentieux pénal en matière faunique, comme nous l'avons constaté dans nos précédents développements, le droit de l'environnement est une matière en perpétuelle mutation. A cet égard, pourrait-on se convenir avec MONTESQUIEU et dire du juge pénal qu'il n'est que : « la bouche qui prononce les paroles de la loi ». Le Professeur Jean-Louis BERGEL n'est pas de cet avis car pour lui : « la fonction du juge ne peut se réduire à un organe interne du système juridique, a une simple courroie de transmission des règles abstraites, préétablies et statiques à des cas particuliers. Il faut lui reconnaitre un rôle de véritable acteur du système juridique qui dispose d'un certain pouvoir créateur de droit, doté d'une véritable responsabilité dans l'évolution du droit positif »135. C'est en cela que le juge pénal mettra son office au service de l'amélioration des règles de protection de l'environnement et partant de la faune sauvage.

La particularité de l'office du juge pénal tient à la fois des pouvoirs qui lui sont reconnus aussi bien par les textes répressifs classiques (2) mais, surtout des spécificités qui caractérise le déroulement du procès pénal en matière des infractions fauniques (1).

1-Les spécificités du déroulement du procès pénal en matière faunique.

En examinant la les lois fauniques, on peut relever certaines spécificités au cours du procès pénal qui distinguent la connaissance d'une infraction faunique à celle de droit commun. D'abord l'article 147 alinéas 3 de la loi de 1994 introduit un aspect particulier dans le procès pénal. En effet, les représentants de l'administration en charge de la faune siègent à la suite du procureur de la République, en uniforme et découverts, la parole ne peut leur être refusée. Dans le même sens, l'article 71 de la loi congolaise du 21 avril 1983 sur les conditions de la conservation et l'exploitation de la faune sauvage disposait que : « Les actions et poursuites sont exercée par l'Administration des Eaux et Forêts sans préjudice du droit qui appartient au Ministère Public. Le Secrétaire Général, les Directeurs Centraux et les Directeurs Régionaux ont le droit d'exposer l'affaire devant le Tribunal et sont entendus à l'appui de leurs conclusions. Ils siègent à découvert à la suite du Procureur de la République et de ses substituts ». Cet aspect spécifique qui déroge aux règles de déroulement d'un procès pénal classique suscite deux remarques essentielles. D'une part, il révèle que la protection des espèces fauniques est un domaine dont la technicité et la subtilité nécessite l'intervention d'un spécialiste des eaux et forêts pour conforter la caractérisation de l'infraction faunique faite par la Ministère Public dans le but d'éclairer les juges de sorte à emporter leur intime conviction.

135 BERGEL (J-L), L'office du juge, in Les Colloques du Sénat, Luxembourg du 29 au 30 septembre 2006, p.13

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Une autre spécificité du procès pénal en matière des infractions fauniques, c'est la substitution, par le juge pénal, des sanctions prononcées à l'encontre du prévenu par des travaux d'intérêt général pour des délinquants ayant fait l'objet d'une première condamnation. Les alinéas 2 et 3 de l'article 115 de la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées dispose que : « Ces peines de substitution consistent à exécuter des travaux présentant un intérêt direct ou indirect pour la conservation et la mise en valeur de la faune et de ses habitats ainsi que pour l'aménagement des aires protégées et des milieux naturels de reproduction et de migration des animaux sauvages. Pour l'exécution desdites peines, le juge compétent et l'agent habilité du service local chargé de la faune déterminent de manière précise la tâche à exécuter, le lieu où elle doit être effectuée et le délai dans lequel elle doit être achevée ».

Outre ces spécificités dans le déroulement du procès pénal, l'office du juge répressif se caractérise aussi par les différents pouvoirs qui sont reconnus à celui-ci dans la conduite de ce procès. Ces prérogatives sont prévues d'abord par les textes répressifs classiques (code de procédure pénale), ensuite certaines d'entre elles lui sont attribuées par les lois fauniques.

2-Les pouvoirs du juge pénal en matière des infractions fauniques.

L'office du juge est lié aux fonctions que lui reconnait le système juridique et aux missions qui lui sont dévolues. Cela suppose que le juge soit encadré par des normes qu'il doit mettre en oeuvre. Il interprète et applique ces normes. De même, il est encadré par un système processuel exigeant auquel, il doit impérativement se soumettre136. Il s'ensuit que le juge pénal, dispose d'un éventail des pouvoirs qui sont prévus à la fois par les textes classiques en matière répressive et par les lois fauniques spéciales.

Ainsi donc, les pouvoirs du juge pénal sont avant tout définit et encadrés par les dispositions de la loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant code de procédure pénale, au Congo. Au Cameroun, par la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale. Ces pouvoirs portent à la fois, sur l'organisation de l'audience et sur des actes concourant aux jugements de fond. On citera entre autre :

-Les pouvoirs reconnus au juge pénal quant à la police de l'audience et l'organisation des débats (art.303 du C.P.P camerounais et art.336 du C.P.P congolais) ;

-Les pouvoirs de mise en liberté provisoire (art.301 du C.P.P camerounais et art.123 ; 332 du C.P.P congolais) ;

-Les pouvoirs de décerner les mandats (art.299 du C.P.P camerounais et art.400 ; 404 C.P.P congolais) ;

-Les pouvoirs d'ordonner un transport sur les lieux et de commettre un expert (art.319 du C.P.P camerounais et art.391 al.1 du C.P.P congolais)

-Les pouvoirs d'ordonner le versement provisoire (art.399 al.1 du C.P.P congolais).

136 BERGEL (J-L), op.cit, p.13

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Il faut noter que cette énumération n'est pas exhaustive. Relevons aussi, qu'outre ces pouvoirs reconnus par les textes classiques, les lois fauniques spéciales attribuent également certaines prérogatives au juge répressif. Elles s'appliquent exclusivement au procès pénal en matière faunique. Ainsi, la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées confère au juge le pouvoir de substitution de la sanction pénale prononcée à l'encontre du contrevenant ayant fait l'objet d'une première condamnation et de fixer les modalités d'exécution (art.115 al.2-3). Le pouvoir de confiscation et d'ordonner la vente aux enchères (art.148 de la loi 1994 au Cameroun).

Il convient de retenir au terme de cette analyse de l'office du juge, qu'à coté des pouvoirs qui sont reconnus au juge, la loi a aussi prévu des limites à ces pouvoirs. Elles empêchent celui-ci de tomber dans l'arbitraire. Au nombre de ces limites, il y a le principe d'interprétation stricte de la loi pénale. Celui de la légalité des infractions et des peines, de l'égalité des citoyens devant la justice. Ainsi que l'impartialité, l'indépendance et l'inamovibilité des magistrats du siège. A cela, il faudra ajouter la foi du serment des magistrats. Comme l'affirmait le Premier Président DRAY à l'audience solennelle du 8 janvier 1990 : « à la tentation du juge-dieu, seul apte à tout savoir et tout faire, il faut savoir résister (...) dans l'acte de juger, il ne faut jamais mépriser le droit, la règle de droit préexistante et objective ». Le juge pénal est le fidèle serviteur de la loi, doté d'une moralité irréprochable caractérisée par une modération, discrétion, d'humilité et une loyauté indéfectible.

Chapitre II : Les causes de l'inefficacité de la

réponse pénale face à la criminalité faunique.

Comme nous l'avons examiné dans nos précédents développements, la règle pénale même spéciale, qu'il s'agisse des normes de droit interne ou international, apparaît aujourd'hui comme : « l'arme-remède » contre la criminalité faunique. C'est ce qui justifie, certainement, que la plupart des Etats d'Afrique Centrale, dans le souci d'assurer une protection plus efficace de leurs écosystèmes, ont optés pour une production intensive des normes répressives dans le domaine de la faune sauvage. Ils ont aussi attribués à l'ensemble des acteurs qui concourent à la justice pénale un rôle essentiel dans la répression des infractions fauniques. Mais malgré ces efforts on a enregistré, après plusieurs décennies, des résultats mitigés et parfois même des échecs dans la mise en oeuvre des politiques de protection pénale de la faune sauvage. Cela se traduit par une persistance et même une augmentation du braconnage, du commerce illicites des espèces fauniques menacées d'extinction. On a donc noté la montée d'une criminalité dont les tentacules et les ramifications épousent des formes transnationales échappant ainsi à l'action des juridictions nationales.

Au regard de tout ce qui précède, on arrive à la conclusion suivant laquelle, le problème n'est pas seulement lié à la matière. C'est-à-dire à l'ineffectivité du dispositif répressive contenu dans les textes mis en place par les législateurs. Il est aussi lié aux organes, c'est-à-dire à l'inefficacité de l'action des acteurs pénaux qui interviennent dans la répression des infractions fauniques.

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En effet, la réponse pénale qu'ils apportent aux atteintes commises contre les espèces fauniques, à divers niveaux, se heurte à de nombreuses difficultés dont les causes sont tantôt endogènes à la justice répressive (Section1) tantôt extérieurs ou exogènes à cette justice (Section2).

Section1 : Les causes endogènes à la justice répressive.

L'émergence d'un droit pénal de l'environnement est un moyen, pour les Etats comme le Congo et le Cameroun pour endiguer le péril encouru par les écosystèmes et partant les espèces fauniques. A ce titre, l'action du juge pénal ainsi que celle de l'ensemble des acteurs qui contribuent à l'exercice de la justice répressive est irremplaçable et déterminante. Elle apparaît comme le dernier rempart contre la criminalité faunique. Or, cette justice comporte en son sein des germes qui entraine à une inefficacité de la réponse qu'elle apporte à la délinquance faunique. On parlera de l'absence d'une spécialisation environnementale des acteurs de cette justice (§1) et le manque d'une prise de conscience sur les enjeux de la criminalité internationale en matière faunique (§2).

Paragraphe1 : L'absence d'une spécialisation environnementale des acteurs de la justice répressive.

Qu'il s'agisse du juge pénal, du Procureur de la République ou même de l'officier chargé de constater les infractions fauniques, leur rôle est fortement sollicité comme gardien des normes environnementales sur la faune sauvage. M. ABAUZIT disait du juge pénal que celui-ci joue le « rôle de bon berger pour l'application des lois de protection de l'environnement et si l'administration a parfois la tentation de négliger l'environnement, le juge, lui, se trouve en dernière ligne et ne peut se dérober face à la règle environnementale »137. Or l'efficacité de l'action des acteurs de la justice répressive en matière du contentieux faunique est tributaire de la connaissance qu'ils peuvent avoir de ce domaine. Celui-ci est qualifié par certains auteurs d'un « maquis juridique dont seuls quelques spécialistes savent débrouiller les pistes »138. Aussi, on est juge que de ce qu'on connait et pour mieux statuer sur le contentieux faunique et même pour mieux organiser les poursuites en la matière, il faut des magistrats formés. Or, au Congo et au Cameroun, on note le manque d'une spécialisation des magistrats sur les questions environnementales (A). Ceci est la conséquence directe d'un manque de formation depuis les Ecoles de magistrature ou même de recyclages pour les magistrats en fonction (B).

137 LECUCQ (O) et MALJEAN-DUBOIS (S), op. cit page.19

138 ROBERT (J.H), Droit pénal et environnement, A.J.D.A, 1994. p 583, repris par NERAC-CROISIER (R), Sauvegarde de l'environnement et droit pénal, l'Harmattan 2005, page.35-36.

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A)-Le manque de magistrats spécialisés sur des questions environnementales pouvant être désignés comme référents.

On relèvera successivement l'absence de magistrats spécialisés au niveau des Parquets de la République pour organiser des poursuites contre les infractions fauniques en connaissance de cause (1). Mais surtout au niveau des magistrats du siège qui statut sur la base des textes spéciaux souvent trop techniques et difficile à interpréter, alors qu'ils sont assujettis au principe d'interprétation stricte de la loi pénale, même lorsqu'elle est spéciale (2).

1-Absence de magistrats spécialisés au niveau des Parquets de la République et des Parquet généraux.

Dans une circulaire du 21 avril 2015 relative aux orientations de politique pénale en matière d'atteintes à l'environnement, Madame Christiane TAUBIRA alors, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice en France relevait ce qui suit : « L'efficacité du rôle du parquet passe d'abord par une bonne lisibilité de son organisation et par l'identification des magistrats qui sont en charge des contentieux de l'environnement. Il convient à ce titre qu'un magistrat référent, plus particulièrement chargé du traitement de ce contentieux, soit désigné au sein de chaque parquet et de chaque parquet général, et que son identité soit portée à la connaissance des services concernés dont-il doit être l'interlocuteur privilégié ». En effet, l'efficacité des magistrats dans le rendement du contentieux faunique est assujettie à une spécialisation d'abord et avant tout des magistrats du parquet.

Ceux-ci étant chargés de porter et soutenir l'accusation lors d'un procès. Ils doivent caractériser l'infraction faunique objet de l'accusation, faire la démonstration de la réunion des différents éléments qui le constituent et établir un lien de causalité entre l'acte incriminé et les divers textes légaux qui servent de base juridique. Un tel exercice nécessite une connaissance approfondie des textes spéciaux en matière de l'environnement et de la faune sauvage. Mais aussi une large connaissance du droit de l'environnement. La solution à cette nécessité de spécialisation des magistrats du parquet passe soit la désignation des magistrats référents au sein des parquets de la République et généraux. Cela permet à ces magistrats de s'occuper uniquement du contentieux environnemental en étant en relation étroite avec les administrations en charge des problèmes environnementaux. Ils peuvent ainsi s'occuper aisément des questions relevant de la conservation et la protection de la faune. Ceci à l'avantage de créer plus de fluidité dans les rapports entre administrations et les juridictions répressives. Il peut s'agir aussi de la mise en place au sein des parquets des pôles, constitués de deux ou plusieurs magistrats, substituts du procureur ou avocat généraux. Ces pôles sont chargés des affaires portant sur des infractions environnementales et particulièrement sur des infractions fauniques.

La formule la plus révolutionnaire étant celle adoptée par l'Espagne, en effet en 2006, le législateur espagnol a crée un parquet national spécialisé dans les affaires d'environnement et d'urbanisme.

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Il est composé d'un Procureur général, de trois adjoints, 52 délégués et 97 procureurs spécialisés repartis dans le pays et qui s'appuie sur une unité de police de 18.000 agents. Cette spécialisation du parquet a permis de tripler le nombre des poursuites et de condamnations en matière de criminalité environnementale entre 2006 et 2014139.

Or au Congo et au Cameroun, il manque cette spécialisation des magistrats du parquet sur les questions environnementales. L'option choisie par les lois fauniques consistant en la présence d'un représentant de l'administration en charge de la faune siégeant à la suite du procureur de la république140 entraine à la fois une confusion de rôle. L'administration elle-même est victime dans les procès portant sur les atteintes à la faune. Ensuite, cela peut constituer une violation grave du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires qui est un corollaire du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. En plus, dans la pratique surtout au Congo, la fracture entre les agents de l'administration faunique et la justice est telle qu'il est difficile voir impossible qu'un procureur ou que les avocats du prévenu acceptent une telle entorse aux règles classiques qui régissent le déroulement d'un procès pénal.

Mais à ce manque de spécialisation des magistrats du parquet, il y a une autre cause d'inefficacité de l'action des acteurs judiciaires dans la répression des atteintes à la faune sauvage, c'est le manque de spécialisation des juges du siège.

2-Des juges non spécialisés dans le domaine environnemental confrontés au principe de l'interprétation stricte de la loi pénale spéciale.

Selon PORTALIS : « En matière criminelle, il faut des lois et point de jurisprudence »141. Ces mots coïncidents avec l'obligation légale qui pèse sur le juge répressif d'interpréter strictement la loi pénale même s'il s'agit d'une loi spéciale. Il ne doit pas se livrer l'exercice excessif du pouvoir prétorien. Mais comment interpréter fidèlement un texte lorsqu'on n'a pas la connaissance du domaine sur lequel porte ce texte ? La complexité des textes répressifs relatifs à la faune sauvage a pour conséquence immédiate, une difficulté dans leur compréhension et leur interprétation par le juge pénal. En effet, une fois qu'il sera parvenu à déterminer le texte applicable, il s'efforcera avec délicatesse à l'interpréter, le plus strictement possible, ce qui nécessitera de lui des efforts dans la compréhension. Le manque de spécialisation du juge pénal, l'amènera à demander l'avis d'un expert.

Pour Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE : « le juge est réduit au rôle peu séduisant de chambre d'enregistrement des conclusions d'expertises scientifiques. Il ne sera ainsi, au mieux, qu'un coordinateur d'opinions d'experts ».

139 Voir en ce sens, l'article : Créons un Parquet national environnement, sur le site internet : le monde.fr

140 Voir en ce sens les articles 147 al.3 de la loi de 1994 sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche au Cameroun et 71 al.2 de la loi n°48/83 du 21 avril 1983 définissant les conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage.

141 PRADEL (J) et DANTI-JUAN (M), Droit pénal spécial, 5ème édition, Paris, CUJAS, p.15

Il conclut en affirmant que : « peu de juriste, et donc de magistrats, étant, à l'heure actuelle, compétents en matière de droit pénal de l'environnement, on peut penser que cela en affaiblit la répression, tout en la rendant arbitraire »142. La difficulté dans l'application et l'interprétation des textes répressifs en matière d'infractions fauniques est telle que le juge devra faire preuve d'ingéniosité pour aller d'un texte à un autre afin de faire assoir le motif de sa condamnation. Ainsi, par exemple pour un délinquant ayant fournis l'arme et les minutions à un chasseur accusé d'abattage d'un éléphant. Le juge répressif congolais partira d'abord : des dispositions des articles 59 et 60 du Code Pénal, pour fixer les éléments caractérisant la complicité. Ensuite cette complicité devant être rattacher à un acte infractionnel principal, il fera recours à l'article 113 al.3 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 pour définir l'abattage d'un animal protégé. Encore faut-il qu'il arrive à interpréter ce qu'il faut entendre par « abattre ». Il fera ensuite intervenir l'arrêté n°6075 du 18 mai 1984 déterminant les animaux intégralement et partiellement protégés. Il s'appuiera sans oublié sur l'arrêté n°32/82 du 18 novembre 1991, portant protection absolue de l'éléphant et l'acte 114/91 de la Conférence Nationale Souveraine, portant interdiction de l'abattage des éléphants en République du Congo et ce, sans compter les textes internationaux. Il ressort de cet exemple qu'il faut recourir à plus de cinq (5) textes pour faire assoir les liens de la prévention à l'encontre d'un délinquant poursuivit pour atteinte à la faune.

On comprend donc aisément que l'absence de spécialisation des juges du siège constitue une cause non négligeable de l'inefficacité de la réponse apportée par la justice répressive. Il ne pourrait en être autrement car pour rendre des décisions justes, le juge répressif doit dominer la matière environnementale et le domaine de la faune en particulier. Il en résulte que la spécialisation du juge répressif est le seul gage d'une bonne justice, efficace et rapide. Cependant, cette spécialisation ne doit pas être le fait d'initiative individuelle de chaque magistrat. Elle serait plus efficace, si le droit de l'environnement ainsi que les règles répressives qui concourent à sa protection sont incorporées dans la formation des magistrats depuis les Ecoles de la magistrature. C'est ce qui manque dans le système actuel de formation des magistrats congolais et camerounais.

B)-Le manque de formation au sein des corps de la magistrature sur le droit de l'environnement.

La protection de l'environnement en générale et celle de la faune sauvage en particulier est un domaine spécialisé qui exige une formation spécifique et des habitudes intellectuelles particulières. De même, le droit de l'environnement présente des spécificités et des caractéristiques qui justifient un juge particulier. Or au Congo et au Cameroun, les Ecoles de magistrature n'offrent pas des modules de droit de l'environnement ou de droit pénal de l'environnement dans la formation des auditeurs de justice (1). Il en est de même pour les Ministères de la justice qui offrent rarement des formations aux magistrats en fonction dans le domaine de l'environnement et de la faune sauvage (2).

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142 NERAC-CROISIER (R), op.cit p.40

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1-Manque de module portant sur le droit de l'environnement au sein des Ecoles de Magistrature.

Au Cameroun, c'est le Décret n°2005/154 du 6 mai 2005 portant organisation de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature. L'article 4 alinéas 1 de ce décret, fixe au nombre des missions de l'Ecole en disposant : « L'E.N.A.M a pour missions : d'assurer la formation initiale des fonctionnaires des services civiles de l'Etat dans les secteurs déterminés par le gouvernement, notamment celle des fonctionnaires des corps de l'Administration générale, des régies financières, des magistrats et des greffiers (...) ». Au Congo, l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature est créée en 1981. Si la formation des auditeurs de justice au Cameroun comporte des sections de spécialisation (judiciaire, administrative et comptes)143 au Congo, cette formation ne comporte qu'une seule filière (judiciaire). Il faut cependant préciser que les juges qui animent les juridictions répressives sont formés dans les filières ou les sections judiciaires et dans leur formation, on note l'absence des modules consacrés au droit de l'environnement ou même au droit pénal de l'environnement.

Outre l'absence de modules consacrés au droit de l'environnement ou au droit pénal de l'environnement dans les Ecoles de formation des magistrats, on note également une rareté des séminaires et de formation des magistrats en fonction.

2-Rareté des séminaires de formation ou de recyclage pour les magistrats en fonction.

Aux termes de l'article 17 du Décret n°95/048 du 8 mars 1995 portant statut de la Magistrature au Cameroun, les magistrats et attachés de justice peuvent être désignés pour suivre un ou plusieurs cycles d'étude au Cameroun ou pour suivre un stage de perfectionnement ou des cycles d'études à l'étranger. La loi n°15-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°023-92 du 20 août 1992 portant statut de la magistrature au Congo, ne prévoit aucune disposition relative à la formation et au recyclage des magistrats en fonctions. Or le droit de l'environnement étant considéré comme un domaine récent et dont le volume du contentieux au pénal ne cesse de prendre des proportions considérables. Il serait donc plus qu'important que les magistrats qui animent les formations juridictionnelles pénales, suivent des formations pour se former et s'informer sur les avancés dans ce domaine. Ces formations conduisent à un perfectionnement et même à la spécialisation des magistrats dans le domaine environnemental. Ces formations qui peuvent être organisées sur place ou même à l'étranger traduisent aussi une volonté pour les Etats de rendre plus efficace la réponse pénale contre la criminalité faunique. Elles traduisent également une coopération et un transfert de connaissance entre les systèmes judiciaires des différents pays qui contribuent à la protection des écosystèmes.

143 Sur la spécialisation s'agissant de la formation dans la division magistrature : l'Arrêté n°0004832 du 10 octobre 2012 portant régime des études et de la scolarité dans la division de la magistrature et des greffes de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature.

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Mais les autres causes de l'inefficacité de la réponse pénale contre les atteintes à la faune sauvage se traduisent aussi par le manque d'une prise de conscience des enjeux de la criminalité transnationale en matière faunique au sein des juridictions répressives.

Paragraphe2 : Le manque d'une véritable prise de conscience sur les enjeux de la criminalité transnationale en matière faunique au sein des juridictions des deux pays.

Une recherche de modernisation de la réponse pénale par les Etats d'Afrique Centrale à travers les reformes législatives et institutionnelles a été constatée au cours de ces dernières années. Elle ne doit cependant pas se cantonner à la sphère nationale en raison du caractère majoritairement transnationale de la criminalité faunique. Elle doit être aussi marquée par une volonté, pour ces Etats, d'internationaliser cette réponse pénale. D'ailleurs à ce titre, la Déclaration sur la lutte Anti-braconnage en Afrique Centrale reconnaissait que : « le braconnage et le commerce international illégal de l'ivoire et de la faune sauvage portent atteinte à l'environnement, à la paix et à la sécurité des Etats, menacent la vie d'innocents et compromettent la croissance économique des pays »144. Or, après plusieurs décennies, on constate que le processus d'internalisation du système répressif contre la criminalité faunique transnationale reste encore embryonnaire et très lacunaire. On note ainsi, le manque d'effectivité des instruments portant sur l'entraide judiciaire et des difficultés pour les juridictions pénales nationales d'exercer la compétence universelle (A). Mais aussi, une absence d'harmonisation des incriminations et des sanctions relevant de cette criminalité transnationale (B).

A)-Le manque d'effectivité des instruments portant sur l'entraide judiciaire et les difficultés d'exercer la compétence universelle.

En matière pénale, la coopération judiciaire entre les Etats membres d'une organisation sous régionale peut être entendue comme : « l'exécution par l'Etat requis, éventuellement par la coercition, des mesures visant à faciliter la poursuite et la répression des infractions pénales dans l'Etat requérant, à la demande de ce dernier »145. Dans le cadre de la protection pénale des espèces fauniques, cette coopération apparaît comme l'un des moyens les plus efficaces pour la mise en oeuvre d'une réponse pénale, par les juridictions répressives, contre les atteintes à la faune sauvage. Elle ne peut s'exercer que grâce aux respects des accords entre les Etats. Cependant, l'ineffectivité des accords de coopération judiciaire entre les Etats membres de la CEMAC (1). Ainsi que les difficultés pour les juridictions pénales d'exercer leur compétence universelle pour réprimer les délinquants fauniques internationaux peuvent constituer un obstacle à un rendement efficient de l'action de la justice répressive en matière faunique (2).

144 Réunion d'urgence des Ministres de la CEEAC en charge des relations Extérieures, des questions de défenses et de sécurité, de l'intégration régionale et de la protection de la faune sur la mise en oeuvre d'un plan d'extrême urgence sur la lutte anti braconnage dans la zone septentrionale de l'Afrique Centrale du 21 au 23 mars 2013.

145 ZIMMERMANN (R), La coopération judiciaire en matière pénale, 3ème édition LGDJ, Paris 2009, page.5

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1-L'ineffectivité de l'Accord de coopération judiciaire entre les Etats membre de la CEMAC du 28 janvier 2004.

L'accord de coopération judiciaire entre les Etats de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale a été signé entre ces différents Etats dont le Congo et le Cameroun pour faciliter les relations inter juridictionnelles et garantir l'efficacité dans l'action des juridictions répressives. Ainsi, cet instrument sous régional constitue un moyen de lutte contre la criminalité faunique transnationale. Ainsi, cet accord prévoit des mécanismes qui concourent la répression des délinquants auteurs des infractions transnationales ou ayant, dans sa commission, un élément d'extranéité susceptible d'échapper à la compétence du juge répressif national. En matière de protection pénale des espèces fauniques, ces infractions transnationales ou ayant un élément d'extranéité sont légions. On pourrait citer au nombre de ces infractions, le braconnage et le commerce illicite des espèces sauvages. De nombreux auteurs estiment qu'il existe un lien potentiel entre le braconnage et d'autres activités criminelles organisées au plan international, y compris le terrorisme, la fraude, la corruption, le radicalisme et le crime organisé146.

Ces mécanismes sont entre autre, l'extradition, la commission rogatoire et l'exéquatur. Ainsi donc, l'article 1 de l'accord de coopération judiciaire entre les Etats membres de la CEMAC donne successivement la définition des termes suivants : L'extradition qui s'entend comme : « acte par lequel un Etat requis remet à la disposition d'un Etat requérant , une personne poursuivie, recherchée ou condamnée pour une infraction de droit commun, conformément au présent accord ». La commission rogatoire s'entend : « acte par lequel les autorités judiciaires de l'Etat requérant chargent celles de l'Etat requis d'accomplir des actes de procédures déterminés ou de communiquer des pièces à conviction des dossiers ou documents ». Enfin l'exéquatur s'entend comme : « un acte par lequel, les autorités judiciaires d'un Etat partie, autorise sur leur territoire, l'exécution d'une décision de justice rendue sur le territoire d'un autre Etat partie ». Ainsi donc ces trois mécanismes constituent les piliers d'une coopération judiciaire entre les Etat en matière de répression des infractions fauniques transnationales. Toujours dans le sens de la coopération judiciaire, le 28 janvier 2004, les Etats membres de la CEMAC ont signés un accord d'extradition. Aux termes de l'article 3 de cet accord, les infractions donnant lieu à extradition dispose en son alinéa 1 : « Donneront lieu à extradition, les infractions punies par les lois de la partie requérante et par celle de l'Etat partie où réside l'individu dénommé « partie requise » d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'au moins un an (...) ».

Or l'application effective de ces accords entre les Etats membre, reste difficile car, le plus souvent, il n'existe pas une harmonisation des infractions fauniques et des peines entre les Etats membres. De même qu'il existe de nombreuses incompatibilités entre les textes répressifs de droit interne et les accords de coopération judiciaire.

146 Rapport IFAW : La nature du crime, septembre 2013, p.3

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Pour s'ne convaincre, l'article 14 du Code Pénal Camerounais dispose que : « Les sentences pénales prononcées contre quiconque, par des juridictions étrangères, ne produisent d'effet sur le territoire de la République que si :

-Le fait est qualifié crime ou délit de droit commun par la loi pénale de la République ;

-La régularité de la décision, son caractère définitif et sa conformité à l'ordre public de la République sont constatés par la juridiction saisie d'une poursuite à l'encontre de la même personne ou par la Cour d'Appel du lieu de résidence du condamné saisi par le Ministère public »

2-Les difficultés d'exercice de la compétence universelle par les juridictions pénales nationales.

La compétence universelle reconnue à certaines juridictions pénales, est encore qualifiée de principe d'universalité du droit de punir. Elle peut être considérée comme un système de compétence en vertu duquel, un Etat se donne le pouvoir de protéger certaines valeurs fondamentales de la communauté internationale en acceptant de réprimer les agissements des personnes physiques étrangères qui les offenses à l'étranger ou contre des étrangers147. Cependant la grande question que l'on peut se poser est-celle de savoir, si un Etat peut exercer sa compétence universelle pour les infractions relevant de la faune sauvage ? Au Cameroun, le Code Pénal fixe au titre des infractions internationales pouvant donner lieu à la compétence des juridictions répressives même lorsque celles-ci ont été commises à l'étranger. A cet égard, l'article 11 dudit code dispose que : « La loi pénale de la République s'applique au mercenariat, à la discrimination raciale, à la piraterie, au trafic des personnes, à la traite des personnes, à l'esclavage, au trafic des stupéfiants, au trafic des déchets toxiques, au blanchiment capitaux, à la cybercriminalité à la corruption et aux atteintes à la fortune publique commis même en dehors du territoire de la République. Toutefois, aucun étranger ne peut être jugé sur le territoire de la République, pour les faits visé au présent article commis à l'étranger, que s'il a été arrêté sur le territoire de la République et n'a pas été extradé et à condition que la poursuite soit engagée par le Ministère Public ». Bien que les atteintes à la faune relève d'une loi spéciale, il n'en demeure pas moins vrai que ni l'énumération exhaustive donnée par le code pénal, ni les lois fauniques ne précisent clairement une compétence universelle des juridictions pénales camerounaise pour les infractions contre la faune commises à l'étranger.

B)-Absence d'une harmonisation des incriminations et des sanctions relevant de la criminalité faunique transnationale.

La réponse à la délinquance faunique qui pèse sur les Etats d'Afrique Centrale et laisse planer une menace imminente d'extinction des espèces sauvages, passe nécessairement par la mise en place d'un droit commun de la protection pénale de la faune sauvage.

147 DIMUENE PAKU DIASOLWA (S), L'exercice de la compétence universelle en Droit pénal international, Québec Montréal, octobre 2008, p.48

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Or, jusque là, dans chacun de ces Etats, la répression des infractions fauniques reste l'apanage d'une justice répressive. Elle ne se limite qu'aux frontières nationales, sans possibilités de réprimer les infractions transnationales. En ce sens, Mireille DELMAS-MARTY soutient que : « l'absence de traitement commun du phénomène de la criminalité environnementale contribue à l'inefficacité d'un système répressif qui reste identifié à l'Etat, le monopole du droit de punir étant l'emblème de la souveraineté »148. Ainsi donc, l'absence d'une harmonisation des incriminations relevant du droit international de l'environnement (1) et d'une uniformisation des peines (2) peut, aussi constitué une cause d'inefficacité de la réponse apportée par la justice répressive à la criminalité faunique transnationale.

1-Absence d'harmonisation des incriminations à caractère transnationale en matière faunique.

Le phénomène de braconnage et le commerce illicite des espèces sauvages ainsi que les produits qui découlent du trafic d'animaux sauvages, constitue une menace d'ampleur mondiale. Ses effets sont dévastateurs pour la stabilité des écosystèmes et la préservation de biodiversité. Ces infractions constituent également un véritable danger pour la sécurité sous-régionale et mondiale. Cette forme de criminalité alimentée par des réseaux disséminés à travers le monde répond à des demandes diversifiées : vêtements de marque, maroquinerie, bijoux, ornements et parures, animaux de compagnie, médecine. Il en résulte que ce phénomène a donné naissance, à des infractions transnationales du fait de l'éclatement de leurs éléments de rattachement relevant de plusieurs Etats. Ainsi donc, pour une même infraction, on distinguera d'un pays à un autre : le lieu de la commission, celui de la survenance du préjudice environnemental, celui du lieu d'arrestation des auteurs, celui de l'arrestation des complices et commanditaires. D'autres infractions fauniques, relèveront du fait de leur ampleur et leur gravité d'une atteinte à la sûreté de la planète.

Cependant, face à de telles réalités, les Etats d'Afrique Centrale n'ont pas prévus ni dans leur législations internes et dans les instruments sous-régionaux une catégorisation d'incriminations comportant des éléments d'extranéité. Ils n'ont pas aussi prévus des procédures pour permettre aux juridictions pénales nationales de connaitre de telles infractions. L'article 8 du Code Pénal Camerounais est vague lorsqu'il évoque les infractions partiellement ou totalement commise à l'étranger. Il affirme que : « La loi pénale de la République s'applique a)- à toute infraction dont l'un des éléments constitutifs s'est trouvé réaliser en tout ou partie sur son territoire b)- aux infractions d'atteintes à la sûreté de l'Etat, de contrefaçon du sceau de l'Etat ou de monnaie nationale y ayant cours commises même à l'étranger. Toutefois aucun étranger ne peut être jugé par les juridictions de la République en application du paragraphe b), à moins qu'il n'ait été arrêté sur le territoire de la république ou qu'il n'ai été extradé ». De même, son article qui énumère les infractions internationales, outre le trafic des déchets toxiques, ne mentionne aucune infraction contre la nature. Autrement dit, les atteintes à la faune sauvage, même le plus grave comme l'abattage de centaine d'éléphants, ne constituent pas au sens du code pénal camerounais, une infraction internationale.

148 DELMAS-MARTY (M) op.cit, p.365

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Aujourd'hui, certains pays développés conçoivent une possibilité d'harmoniser les crimes environnementaux les plus graves à travers le crime d'écocide. Il s'agit de la même volonté que les Etats ont manifestée au sortir de la seconde guerre mondiale, lorsqu'ils ont institué le crime de génocide. L'écocide est conçu comme des actes visant la destruction de ce qui est nécessaire à l'humanité pour exister. Selon l'article 2 du Projet de la Convention Ecocide, ce crime est entendue comme tout : « acte intentionnel commis dans le cadre d'une action généralisée ou systématique et qui porte atteinte à la sûreté de la planète ». Cependant, peut-on classer certaines atteintes à la faune sauvage comme susceptibles de détruire ce qui est nécessaire à l'humanité ? Selon un rapport IFAW, courant janvier 2012, plusieurs éléphants (entre 300 et 400) ont été abattus dans le Parc Boubanjida au Cameroun149. Au regard de la gravité d'un tel acte et du rôle ou de l'importance des éléphants dans la préservation des écosystèmes, cette infraction pourrait être qualifié d'écocrime.

Mais l'harmonisation des incriminations va de paire avec l'uniformisation des sanctions, ce sont les deux conditions pour arriver à une efficacité de la réponse pénale contre la criminalité internationale.

2 Uniformisation des sanctions pénales.

Par définition, le droit pénal de l'environnement est entendu comme : « l'ensemble des dispositions répressives qui préviennent et sanctionnent la dégradation par l'Homme du milieu physique ou biologique dans lequel il vit ». En matière de protection internationale de la faune sauvage, la sanction pénale a un effet dissuasif et joue donc un rôle essentiel. Elle n'est certes pas le remède miracle qui sauvera les écosystèmes de faune en Afrique Centrale de la menace d'extinction du fait de la criminalité faunique. Mais par elle, les Etats peuvent affirmer que les espèces fauniques sont des constitutions essentielles pour la survie des écosystèmes qui doivent être respectées. L'uniformisation des sanctions portant répression de la faune sauvage traduit une universalisation de la réprobation des atteintes contre la faune surtout celles ayant un caractère transnational.

Or en ce qui concerne les pays d'Afrique Centrale dont le Congo et le Cameroun, la répression des atteintes contre la faune est compartimentée, chacun définit les incriminations et les sanctions applicables. Cela résulte sans nul doute de la compétence pénale territoriale reconnue à chaque Etat. Ce principe exclusif reconnu par le droit international, a pour objet d'affirmer la compétence de l'Etat, de ses juridictions pénales et de ses lois propres à l'égard de tous les actes punissables (y compris les atteintes à la faune sauvage) commis sur son territoire. Il faut cependant préciser que les infractions en matière de la faune sauvage peuvent être commises sur le territoire de plusieurs pays, un acte d'abattage d'éléphant ou de rhinocéros pouvant être étroitement lié au transport clandestin des défenses ou des cornes de ces derniers ainsi qu'à leur commerce.

149 IFAW : Braconnage d'éléphants toujours hors de contrôle à Boubanjida en dépit du déploiement militaire sur la zone.

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En dehors des causes qui sont endogènes acteurs judiciaires (magistrats), on relève aussi des difficultés résultant des rapports entre les tribunaux et les administrations en charge de la constatation de ces infractions ainsi que ceux qui sont liés du manque de moyens matériels pour un rendement efficient dans la lutte contre la criminalité faunique.

Section2 : Les causes exogènes de l'inefficacité d'une réponse pénale à la criminalité faunique.

Au-delà des insuffisances substantielles matérialisées par les difficultés dans l'application des textes en matière faunique, l'inefficacité de l'action des acteurs concourants à la réponse pénale contre la criminalité faunique résulte aussi des causes qui sont indirectes au fonctionnement interne des juridictions répressives congolaise et camerounais. En effet, la prise de conscience par les pouvoirs publics de la menace irréversible d'une détérioration des écosystèmes à travers l'extinction des espèces sauvages appel nécessairement à la modernisation de la qualité d'une réponse pénale apportée au phénomène de la délinquance faunique.

Or, actuellement on remarque qu'au Congo et au Cameroun, il existe encore de nombreux problèmes liés au manque de collaboration entre les acteurs oeuvrant à l'exercice d'une répression contre les atteintes à la faune (§1). Mais également, de graves carences en terme de moyens mis à leur disposition pour aboutir à un rendement efficient dans la lutte contre cette forme de délinquance (§2).

Paragraphe1 : Le manque de collaboration entre les différents acteurs concourants à l'exercice d'une répression contre la criminalité faunique.

Evoquant la nécessité d'une collaboration entre les différents acteurs qui constituent, chacun, un maillon de la chaîne pénale dans l'exercice effective d'une répression contre la criminalité faunique, N. RORET et M. PORRET-BLANC ont estimés qu'il est « indispensable de clarifier et coordonner le rôle de chaque acteur au sein des procédures afin d'en améliorer la lisibilité et d'en garantir l'efficacité »150. Au Congo et au Cameroun, la persistance et voir même l'augmentation des phénomènes de braconnage et du commerce illicite des espèces fauniques sont liés entre autre à un échec dans la coordination entre les différents maillons de la chaîne pénale. Parmi les maux qui minent cette chaîne, on relève une confusion dans le rôle et les limites des prérogatives reconnues à chaque acteur. A ce titre, on parlera des problèmes de conflit de compétences (A). Mais la réponse pénale est aussi inefficace du fait de la relégation des Associations spécialisées dans la protection des espèces fauniques à des rôles passifs, alors qu'elles devaient être considérées comme le fer de lance dans l'oeuvre de répression (B).

150 RORET (N) et PORRET-BLANC (M), op.cit, p.19

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A)-Les problèmes liés à des conflits de compétences entre les différents acteurs oeuvrant pour l'exercice d'une réponse pénale contre les atteintes à la faune sauvage.

L'étude exégétique des lois portant sur la faune sauvage au Congo et au Cameroun, laisse apparaître que les problèmes de conflit de compétence entre les différents acteurs qui concourent à l'action répressive contre les atteintes à la faune, sont liés à une cacophonie rôle que leur reconnait pèle mêle par les textes en matière de faune qui sont illisibles et parfois ambigüe (1). Ils tiennent aussi, à l'absence de coordination et de coopération entre ces différents acteurs dans l'exécution des taches concourant à la répression (2).

1)-Des conflits de compétence liés à une sorte de cacophonie dans la répartition des rôles organisée par les lois fauniques illisibles et ambigües.

Qu'il s'agisse de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées au Congo ou celle portant sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche au Cameroun. Ces textes se caractérisent par une distribution quelque peu confuse des prérogatives et rôles entre les différents acteurs concourants à l'exercice d'une répression efficace contre les atteintes à la faune sauvage. Cette répartition a pour conséquence de créer un effet inverse, car au lieu d'être un apport efficient, elle entraine au contraire une confusion dans l'accomplissement des tâches. D'abord l'article 95 de la loi de 2008 sus évoquée dispose que : « Sans préjudice des pouvoirs de la police judiciaire, la police de la faune et de la chasse est assurée par les services compétents du ministère chargé des eaux et forêts, qui peuvent, en cas de besoin, se faire assister par les chefs du village et les associations locales ouvrant dans ce domaine ». Il crée une concurrence de compétence entre la police judiciaire classique et la police spéciale en charge de la faune et de la chasse. Cette concurrence dans l'exercice des missions de police judiciaire contre les atteintes à la faune sauvage est aussi prévue par l'article 141 alinéa 1 de la loi camerounaise de 1994 en ces termes : « Sans préjudice des prérogatives reconnues au Ministère public et aux officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés des administrations chargées des forêts, de la faune et de la pêche (...) sont chargés de la recherche, de la constatation et des poursuites en répression des infractions commises en matière de forêt, de la faune et de la pêche, selon le cas ». Mais, ces lois ne précisent pas, lesquels des deux polices est privilégiées dans le cas où il y aurait une collusion sur le terrain. Les articles 99 et 100 de la loi faunique congolaise, reconnaissent aux agents du Ministère en charge de la faune des prérogatives très large de la police judiciaire.

Au Cameroun, l'article 147 de la loi faunique, donne compétence aux agents assermentés du Ministère de la faune, concurremment avec la police judiciaire et le ministère public dans la mise en mouvement de l'action public. Ils sont habilités de faire des observations à la suite du ministère publique au cours du procès pénal. Ils peuvent également au même titre que le ministère public ou les huissiers de justice faire citer les délinquants fauniques devant les formations de jugement.

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Cette cacophonie est aussi exprimée à travers l'article 88 de la loi n°96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement, qui dispose que : « Sans préjudice des prérogatives reconnues au ministère public, aux officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés de l'Administration chargée de l'environnement ou des autres Administrations concernées, notamment ceux des domaines, du cadastre, de l'urbanisme, des travaux publics, des forêts, de la marine marchande, des mines, de l'industrie, du travail et du tourisme sont chargés de la recherche, de la constatation et des poursuites en répression des infractions aux dispositions de la présente loi et de ses textes d'application ». Au regard de ce qui précède, on peut se demander dans toute cette répartition, qui fait quoi et devant quel type d'infraction ?

Il résulte de tout ce qui précède, que les lois fauniques prévoient un panel très varié des taches qui concourent à la répression des infractions fauniques. En partant des constatations, de la recherche des indices et preuves, du déclenchement de l'action public jusqu'à l'aboutissement de la procédure devant le juge pénal et la condamnation. L'efficacité de la réponse pénale dépend également de la coordination et la coopération entre les différents acteurs qui doivent former un système fluide et synchronisé.

2)-Des conflits de compétence liés à l'absence de coordination et de coopération entre les différents acteurs dans l'exécution des tâches relatives à la répression des atteintes fauniques.

Selon un responsable du Projet d'Appui à l'Application de la Loi sur la Faune Sauvage au Congo (PALF) : « La collaboration entre les institutions en charge d'application et d'exécution de la loi faunique (au Congo) est un engrenage mal articulé et rouillé (...) avec un tel engrenage, la loi s'applique certes mais pas de façon effective, efficace dans toute sa teneure »151. Il résulte de cette réflexion que le manque de coordination et de coopération entre acteurs habilités par les lois fauniques pour exécuter une tâche quelconque qui contribue à la répression des infractions peut entamer sérieusement à l'efficacité de la réponse pénale. Par définition, la coordination est l'action d'agencer diverses activités dans le but d'atteindre un résultat escompté. C'est la mise en place par les acteurs institutionnels et non institutionnels d'un ensemble des actes, de manière cohérente, dans le but de traduire les délinquants criminels devant le juge pénal. Quant à la coopération, elle s'entend comme une méthode d'action dans laquelle des acteurs ayant un objectif commun agissent conjointement et collaborent ensemble pour atteindre cet objectif. Le manque de coordination et de coopération entraine donc des conflits de compétence, soit entre les officiers de police judiciaire et les agents du ministère en charge de la faune, ou entre ces derniers et ceux de la douane. Il peut parfois exister des conflits de compétence entre le ministère public et l'administration faunique. Ces conflits alourdissent les procédures, les ralentissent et parfois même les rendent bancales.

151 BENISSON (J), Les difficultés liées à l'application de la loi sur la faune au Congo, Document PALF, 2017, p.22

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Par ailleurs, on peut aussi noter le cloisonnement des services en charge de la répression et ces conflits aboutissent parfois jusqu'à la rétention des informations. Mais ce manque de collaboration se traduit aussi la relégation des associations en charge de la lutte pour la protection de la faune sauvage dans un rôle passif.

B)-La relégation des associations spécialisées dans le domaine de protection de la faune à un rôle passif.

En parlant des évolutions du droit pénal français en matière environnementale, plus précisément de l'action devant le juge pénal des associations de protection de l'environnement, Guillaume ANGELI affirme que : « La où, le droit commun exige un préjudice direct, l'article L.142-2 du Code de l'environnement se satisfera d'un préjudice indirect afin de permettre l'accès à la justice pour les associations de protection de l'environnement palliant ainsi à l'inertie du parquet fréquente en matière de l'environnement »152. Ces avancés notables en droit pénal de l'environnement français ne se répercutent pas en droit interne congolais et camerounais qui, pourtant est souvent la résultante d'un mimétisme juridictionnel.

En effet, au Congo, les associations spécialisées dans la lutte pour la protection de la faune sauvage ont un rôle passif dans la poursuite des infractions fauniques. Elles sont réduites à la simple dénonciation et à la collaboration dans la recherche des auteurs d'infraction à la loi faunique. Dans ce sens, l'article 3 alinéas 2 et 4 dispose que : « Ces associations sont des organes consultatif pour l'élaboration des politiques de gestion de la faune. A ce titre, elles sont chargées, notamment, de :

-collaborer avec les services compétents à la surveillance des animaux sauvages ,
·

-collaborer à la recherche des acteurs d'infraction à la présente loi et à ses textes d'application ,
·

-donner leurs avis sur toute question intéressant la gestion de la faune ».

Alors que l'article 95 de la faunique congolaise parle d'un rôle d'assistance aux cotés de l'administration de la faune dans les missions de la police de la faune et chasse. L'article 3 les relègue aux rôles de consultation et de collaboration. Il s'agit là que des rôles passifs. Ainsi donc elles ne peuvent pas se constituer partie civile. Cette limitation constitue donc une cause d'inefficacité dans l'exercice d'une réponse pénale. En réalité, pour les associations spécialisées dans la protection de la faune sauvage, le but n'est pas tant de recevoir un montant quelconque au titre des dommages et intérêts, mais en ayant accès au juge pénal, elles recherchent l'effet dissuasif de la sanction pénale pour endiguer le phénomène de criminalité faunique. Outre le manque de collaboration entre les différents acteurs qui concourent à l'exercice de la répression des atteintes contre la faune sauvage, au Congo et au Cameroun, on peut aussi relever comme causes exogènes à l'ineffectivité de la réponse pénale, le manque de moyens mis à leur disposition pour un rendement plus efficient.

152ANGELI (G), L'action devant le juge pénal des associations de protection de l'environnement, in Revue Juridique de l'Environnement, le Code français de l'environnement. Numéro spécial 2002. P.7

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Paragraphe2 : Les problèmes liés au manque de moyens affectés aux acteurs pour assurer une répression efficace.

L'exercice de la justice pénale est un système lourd et complexe qui exige des moyens à la fois en termes de ressources humaines, matérielles et financières. En effet, dans un domaine spécifique comme celui de la répression des infractions fauniques, les acteurs judiciaires concourant à cette action doivent bénéficier de diverses ressources pour rendre une justice assez juste et équitable. Or, au Congo et Cameroun tel n'est pas le cas. On relève un manque de moyens tant au niveau des juridictions en charge du contentieux faunique qu'en milieu carcéral (A). Mais, il faut aussi souligner que l'augmentation de la délinquance faunique dans ces pays reste aussi liée au manque de politique de réinsertion des délinquants ayant purgés leur peine, ce qui rend encore plus inefficace la réponse pénale (B).

A)-Le manque de ressources à la disposition de la justice répressive et les difficultés d'organisation du milieu carcéral : autres causes d'inefficacité de la réponse pénale.

La justice répressive, même en matière du contentieux faunique est avant tout une institution publique au service de la société. A cet effet, son rendement efficient peut être entravé par la mauvaise qualité de son service, le manque de ressources et les dysfonctionnements de tout genre (1). Au Congo et au Cameroun le contentieux pénal de la faune, repose sur l'effet de la sanction qui joue un rôle stratégique, surtout lorsqu'elle est privative de liberté. A ce titre, il est donc plus que nécessaire qu'on jette un coup d'oeil à l'univers carcérale qui reçoit le délinquant condamné à payer sa dette à la société pour ses actes réprobatoires (2).

1)-Le manque de ressources à la disposition de la justice répressive : cause majeur de l'inefficacité de la réponse pénale en matière du contentieux faunique.

Dans son ouvrage intitulé : Les Africains et l'institution de la justice. Entre mimétisme et métissage, Etienne LE ROY dépeint un état déplorable des juridictions dans les pays africains. Les juridictions pénales en charge du contentieux faunique au Congo et au Cameroun ne constituent pas une exception à la règle. En effet, il affirme que : « La justice en Afrique est d'un côté une institution héritée de la colonisation, mais sinistrée (corruption, prétoires délabrés, conditions de détention misérable) inadaptés aux réalités des sociétés africaines actuelles »153. Il résulte de cette affirmation, qu'un procès est fait à la justice répressive en charge du contentieux faunique et même aux acteurs qui l'animent. De cet inventaire, on pointe du doigt d'une part : son manque d'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, l'absence d'impartialité souvent liée à un niveau élevé de corruption qui la gangrène, son éloignement et son inaccessibilité à la population. Mais ces facteurs sont substantiels et insaisissables à l'oeil nu.

153 LE ROY (E), Les Africains et l'institution de la justice. Entre mimétisme et métissage, Paris, Dalloz, 2004, p. 184.

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Ce qui paraît plus criard c'est : sa misère financière, documentaire et matérielle. En effet, dans la plupart des pays d'Afrique noire francophone, le pouvoir exécutif tient du bout de la laisse l'hypothétique pouvoir judiciaire. Aussi, et surtout, la justice répressive est sous un régime de sevrage financière continuel pour atténuer ses ardeurs d'indépendance et d'impartialité.

Selon une formule souvent reprise par les auteurs, la justice en Afrique serait à la fois : « un service public sans service » compte tenu de l'indigence de ses moyens ; « une justice sans juges » en tenant compte du traitement réservé aux magistrats qui les animent ; de « tribunaux sans justiciables » puisqu'ils sont rarement saisis par les justiciables surtout pour des matières aussi complexe que le contentieux faunique154. Il ressort de ces remarques fondées que la justice pénale dans ses pays est dépourvue des moyens matériels pouvant lui permettre d'exécuter à bien sa mission de répression. On peut citer au nombre de ces manquements : l'absence des bibliothèques au sein tribunaux, manque d'infrastructures adéquates, de mobilier de travail descend, de véhicule, de l'outil informatique...

Dans ces conditions, pour les magistrats et autres auxiliaires de justice appelés à oeuvrer pour une justice répressive, travaillent avec des moyens qui remontent des temps de la colonisation. Au Congo, par exemple, on retrouve encore au sein des juridictions répressives des machines à dactylographier servant dans la matérialisation des casiers judiciaires et d'autres actes judiciaires, le pays ne disposant toujours pas d'un fichet pénal numérique. Seuls les magistrats de la Cour Suprême bénéficient des dotations de voiture. Cette absence de moyens mis à la disposition de la justice pénale est, sans nul doute, une cause d'inefficacité dans la réponse apportée à la délinquance faunique. A ces difficultés, il faut ajouter l'état déplorable du système carcéral qui ne favorise pas une répression efficace.

2)-Les difficultés d'organisation du milieu carcéral : une autre cause d'inefficacité de la réponse pénale à la criminalité faunique.

Poursuivant son analyse critique sur l'institution de la justice en Afrique, Etienne LE ROY, considérait l'univers carcéral ou la prison en Afrique comme : « la face maudite de la justice »155. Cette vision est partagée par, Régine NGONO BOUNOUNGOU, lorsqu'elle parle du fonctionnement du milieu carcéral au Cameroun. En effet, pour elle : « Il est difficile de croire au bon fonctionnement des établissements pénitentiaires avec une telle surpopulation écrasante »156. Dans un pays comme dans l'autre, les réalités sans quasi-semblables, l'Administration pénitentiaire reste confrontée à de nombreux problèmes liés entre autre à un déficit chronique en personnel qualifié. Le manque d'agents spécialisés dans le domaine pénitentiaire ou sous-qualification du personnel. Il y a également un manque criard d'infrastructures adaptées aux réalités actuelles.

154 Voir en ce sens, l'extrait de Jean du Bois DE GAUDUSSON et Gérard CONAC, La Justice en Afrique : nouveaux défis, nouveaux acteurs, in La Revue Africaine contemporaine. Edition spéciale 1990, p.14

155 LE ROY (E), op.cit p.206

156 NGONO BOUNOUNGOU (R), La réforme du système pénitentiaire camerounaise : entre héritage colonial et traditions culturelles. Thèse pour obtenir le grade de Doctorat de l'Université de Grenoble, spécialité Administration Publique. Université de Grenoble le 26 juin 2012, p19

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Ce qui a pour conséquence immédiate, la surpopulation de l'univers carcéral avec tous les maux que cela peut entrainer à savoir : les maladies liées à aux conditions d'hygiène et de nutritions, beaucoup de cas de décès, de nombre record d'évasion et plus de radicalisation dans la criminalité.

Or, pour les délinquants fauniques, la tendance est de récidiver, les anciens détenus évadés ou ayant purgé leur peine dans des conditions dégradantes deviennent encore plus actif et plus dangereux. Il faut aussi relever que dans ces pays, peut de subvention et moins de budget sont consacrés à l'amélioration des conditions en milieu carcéral. Ces pays n'ont parfois aucune politique pénitentiaire. Au Cameroun, c'est le Décret n°92-052 du 27 mars 1992 portant régime pénitentiaire qui organise le milieu carcéral. Selon un rapport sur la situation des prisons au Cameroun publié en décembre 2011 : « En effet, le vieillissement des infrastructures, fait de la prison aujourd'hui un monde entièrement à part où les conditions minimales de vie sont difficilement trouvables. De ce point de vue, il est de notoriété que l'infrastructure pénitentiaire camerounaise est fortement dégradée pour la plupart, car constituée de vieux bâtiments datant pour certains de la période coloniale et n'ont pas visiblement de maintenance, encore moins de rénovation depuis de lustres à l'instar des prisons de Bafoussam et de Yoko, créées en 1952 et celle de Douala en 1930 »157. La situation pénitentiaire au Congo n'est différente de celle du Cameroun. Ce qui est essentiel à retenir dans notre étude, c'est que ces problèmes constituent un véritable frein à la lutte contre la délinquance faunique.

A cela, on ajoutera le manque de politique de réinsertion des délinquants qui tombent assez vite dans la récidive, rendant ainsi le cycle de la criminalité plus infernal et plus dangereux pour la survie des espèces.

B)-Le manque d'une politique de réinsertion pour les délinquants fauniques.

Pour le délinquant la réinsertion est souvent considérée comme une seconde chance que lui accorde la société et un moyen d'empêcher celui-ci de retomber dans les mêmes errements. Ainsi, dans le cadre de la protection des espèces fauniques et la lutte contre le braconnage, la réinsertion est l'un des moyens pour éloigner les anciens délinquants de ces pratiques. Il ne peut en être autrement, puisque dans son approche sociologique la répression des contrevenants aux lois fauniques est certes une manifestation, par excellence, de la réprobation sociale. Mais dans la conscience collective, la place accordée à la faune sauvage n'a pas encore atteint une importance telle que ces délinquants mériteraient l'opprobre sans aucune chance d'être réinséré.

Cependant, la réinsertion même pour les délinquants fauniques nécessite la mise en place d'une politique et des moyens financiers affectés. Elle peut consister à des formations professionnelles, l'apprentissage d'un métier, l'incitation à la pratique de l'agriculture ou de l'élevage et pour cela, il faut souvent des fonds de roulement.

157 ACAT-LITORAL : Rapport sur la situation des prisons au Cameroun : « Humanisation des conditions de détentions au Cameroun », Yaoundé décembre 2011, page.7

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Il a été révélé que dans la plupart des cas, en Afrique Centrale, les braconniers et autres auteurs de commerce illicite d'espèces fauniques sont souvent d'ancien membre appartenant à des milices ou même des jeunes désoeuvrés. Leur réinsertion dans la vie professionnelle est donc un moyen efficace d'endiguer les risques de récidive et d'augmentation de cette criminalité. Il résulte de tout ce qui précède que l'efficacité de la réponse pénale contre la criminalité faunique ne se résume pas seulement à la mise en place des incriminations et des sanctions ou même à des textes de lois spéciales. Elle dépend aussi de qualité des acteurs qui animent cette institution. En effet qu'il s'agisse des officiers de police judiciaire à compétence générale ou des agents relevant du ministère en charge de la faune ; des magistrats du parquet ou du siège ainsi que du personnel de l'administration pénitentiaire, tous ces acteurs concourent chacun selon son rôle et ses fonctions à la lutte contre cette forme de criminalité. A cet effet, lois ne doivent pas se limitées à définir les incriminations et sanctions, elles doivent aller plus loin pour déterminer de manière précise les compétences, prérogatives et champ d'intervention de chacun. En tenant compte de la spécificité de la matière, les gouvernements congolais et camerounais devaient promouvoir plus la spécialisation de la justice répressive.

CONCLUSION

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Au terme de nos analyses sur : « La justice répressive et la protection de la faune sauvage au Congo et au Cameroun », il nous revient à l'esprit cette phrase, quelque peu, prémonitoire de Léonard DE VINCI : « Le jour viendra où, le fait de tuer un animal sera condamné au même titre que celui de tuer un homme »158. Il est vrai, au regard de ce qui précède, que pour la plupart des pays africains en général et pour le Congo et le Cameroun, en particulier, ce jour est encore bien loin. Cependant, il faut néanmoins reconnaitre qu'en peu d'années, de nombreux efforts ont été consentis pour aboutir à des résultats, quand bien même mitigés, mais quelque peu encourageants. En effet, au cours de la période 1970-1992 (avec la Conférence de Stockholm et celle de Rio de Janeiro) on a assisté à l'émergence d'un cadre juridique et institutionnel orienté vers une volonté de conservation des écosystèmes. Cette ère écologique a été le point de départ dans mis en place d'un régime pénal, bien qu'embryonnaire, portant sur la protection de la faune sauvage en tant que valeur essentielle de la biodiversité.

Aujourd'hui, ces deux Etats poursuivant une politique de protection et de conservation des espèces et des espaces ont mis en oeuvre une législation abondante qui est sans cesse en évolution. Elle a été renforcée par l'internalisation des normes internationales sectorielles et une grande coopération à travers l'institution des organisations sous régionales, régionale et même mondiale spécialisées dans la protection de la faune sauvage.

Mais, dans cette prise de conscience des Etats sur la nécessité de protéger les espèces et d'endiguer la criminalité faunique qui ne cesse de prendre des proportions considérables, le rôle de la justice répressive, pourtant considérée comme un acteur irremplaçable et déterminant en raison de l'effet dissuasif de ses sanctions, reste peu visible et souvent décrié. En effet, pour bon nombre de ses détracteurs, la justice répressive (prise dans tous ses maillons et à tous ses niveaux) reste impuissante et désarmée face à la montée du phénomène de la délinquance faunique. En effet, le dispositif répressif contenu dans les textes de droit interne et international, ainsi que la réponse pénale apportée par ses acteurs restent embryonnaire, balbutiante et très lacunaire. Aussi après toutes ces années, les rapports sur l'état de la protection de la faune sauvage par la justice pénale se concluent toujours par une ineffectivité des normes pénales en la matière et une inefficacité de l'action des acteurs concourants à la mise en oeuvre de cette réponse pénale.

Pourtant, au regard des efforts mis en oeuvre par ces Etats, il ne fait l'ombre d'aucun doute que l'un de leur objectif reste l'institution d'un véritable « ordre public écologique » ou d'une « justice pénale environnementale » conçue comme un dernier rempart face la montée de la criminalité faunique. C'est l'idéal d'un système répressif, avec des règles d'application effective et des acteurs mieux qualifiés et outillés, où les contrevenants dans le domaine de la faune sauvage seront appréhendés et sanctionnés. C'est là, à notre entendement, le sens de la prophétie de Léonard DE VINCI.

158 DE VINCI (L), Prophéties-Précédé de Philosophie et Aphorisme

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Or, un tel objectif ne peut être envisagé et atteint que si les Etats africains arrivent à conjuguer trois (3) fondamentaux essentiels pour l'effectivité d'une réponse pénale à savoir :

? Une population conscientisée sur les enjeux de la protection et la conservation des

espèces fauniques dans le but de la faire participer à l'oeuvre de répression de sorte qu'elle devienne un protecteur primaire de la faune sauvage.

A ce titre, cette réflexion du très estimé Nicolas HULOT, actuel Ministre français de la transition écologique, peut se faire retentir comme une trompette : « Nous sommes la partie consciente de la nature, et cette conscience nous rappelle en permanence notre communauté d'origine avec tout ce qui vit et plus encore notre communauté de destin. Le sauvage n'est pas une marchandise, les qualités que nous devons mettre en place pour le préserver sont les mêmes qualités dont nous devrons user pour nous sauver nous-mêmes (...) Combattre le trafic des espèces sauvages, c'est aussi assurer la sécurité de l'homo sapiens et de sa descendance ! »159. Il en résulte donc que, pour les populations même les plus riveraines des zones d'intérêt cynégétique, les traditions coutumières et les besoins en terme d'alimentation, de médecine traditionnelle et de troc, doivent cadrer avec les impératifs de conservation, de protection et de gestion durable de la faune sauvage et de leurs écosystèmes. Elles doivent jouées aux cotés des pouvoirs publics, un rôle dans la protection de la nature. Pour ce faire, un travail d'information, de conscientisation doit se faire et surtout un large accès à la justice pénale. Cette symbiose entre : la population, l'administration et la justice pénale est le premier fondement pour une réponse pénale efficace à la délinquance faunique.

? Ensuite, l'amélioration du cadre juridique répressif qui ne doit pas être synonyme

de prolifération et suffocation des normes dont l'efficacité reste douteuse du fait de leur illisibilité et éparpillement dans plusieurs texte juxtaposés les uns sur les autres. Il faut au contraire, une véritable mutation du droit répressif congolais et camerounais. Un droit pénal spécifique avec des incriminations, des sanctions et des règles procédurales autonomes, mieux adaptées aux enjeux de la criminalité environnementale à l'intérieur des frontières et à l'extérieur. Pour ce faire, il est nécessaire d'instituer un code de l'environnement qui sera la pierre angulaire d'un nouveau régime de répression contre les atteintes à l'environnement et partant à la faune sauvage. C'est le deuxième fondement pour une réponse pénale efficace.

? Enfin, le renforcement des capacités de tous les acteurs publics et privés oeuvrant

dans la mise en application des normes répressives contre les atteintes à la faune sauvage.

A ce titre, il faut garantir une spécialisation de la justice pénale en matière environnementale, en générale, et dans le domaine de la conservation de la faune sauvage en particulier. Cela passe nécessairement par l'institution au sein des juridictions des parquets spécialisés ou des magistrats référents. Mais aussi par un apport en termes de connaissance approfondis du domaine à travers des séminaires, des formations. On ajoutera aussi, la mise en place des unités de police spécialisées.

159 HULOT (N), extrait de la nature du crime, Rapport IFAW, septembre 2013, page.2

L'aspect le plus important est l'accessibilité devant le juge répressif des Association de lutte pour la protection de la faune sauvage, avec la possibilité de saisir le juge et de se constituer partie civile chaque fois qu'une atteinte sera commise contre les espèces fauniques. Mais aussi, une étroite collaboration entre les différents acteurs dans la mise en oeuvre de la justice répressive en reconnaissant et en respectant le rôle de chacun, selon qu'il est définit par les textes. C'est le fondement pour garantir une réponse pénale efficace à la criminalité faunique.

Concluant le Que sais-je sur le Droit de l'environnement, Jacqueline MORAND-DEVILLER reprenait ces mots de Goethe : « Les deux grands ennemis de l'homme, sont la crainte et l'espoir »160. Cette assertion transposée à l'action de la justice répressive dans le cadre de la protection de la faune sauvage, ne doit pas susciter un sentiment de crainte. Le Congo et le Cameroun ont déjà réussie à poser des jalons textuels et institutionnels pour une protection efficace des écosystèmes. Ce qui reste à faire c'est plus d'effort, d'investissement et de prise de conscience. C'est cet optimisme qu'expriment plusieurs spécialistes africains en droit de l'environnement. Dans ce sens, le Professeur Maurice KAMTO estimait que : « Mieux valent des normes inappliquées qu'un univers a-juridique. L'expression du processus démocratique en cours sur le continent africain a montré comment un droit dormant finit par se réveiller lorsque la nécessité d'une régulation normée des rapports sociaux vient à se saisir de la conscience d'une communauté »161. C'est pour dire que l'espoir d'une véritable protection effective et efficace des espèces faunique par la justice pénale au Congo et Cameroun est possible. Il ne s'agit pas d'un simple idéal, mais d'un objectif qu'il faut atteindre le plus vite possible car, il en va de notre survie et celle de nos descendants.

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160 MORAND-DEVILLER (J), Le Droit de l'environnement (Que sais-je ?), 8ème édition. Paris, Puf 2007, page.123

161 KAMTO (M), Droit de l'environnement en Afrique, Paris, EDICEF/AUPELF 1996, page.18

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BIBLIOGRAPHIE
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II)-Ouvrages spécifiques

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LECUCQ (O) et MALJEAN-DUBOIS (S), Le rôle du juge dans le développement du droit

de l'environnement. Bruxelles, Bruylant 2008. 384 pages.

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III)-Thèses et mémoires

GAÏKO (V.C), La protection juridique de la faune sauvage en République du Congo. Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (D.E.N.A.M), option carrières judiciaires, filière : Magistrature. Brazzaville Université Marien N'GOUABI 2011. 120 pages.

MIKALA (V.M.D), La protection de l'environnement en droit répressif congolais. Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (D.E.N.A.M), option carrières judiciaires, filière : Magistrature. Brazzaville, Université Marien N'GOUABI 2012. 135 pages.

NANFAH DONFACK (A.S), Analyse des instruments internationaux de lutte contre le trafic et le braconnage des espèces menacées en Afrique Centrale : Le cas de l'éléphant et du gorille. Mémoire pour l'obtention du Diplôme de Master 2 en Droit international et comparé de l'environnement. Limoges, Université de Limoges 2013. 90 pages.

NGONO BOUNOUNGOU (R), La réforme du système pénitentiaire camerounaise : entre héritage colonial et traditions culturelles. Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l'Université de Grenoble. Spécialité : Administration Publique, Grenoble. Université de Grenoble le 26 juin 2012, 660 pages.

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SAKAÏ (L), La souveraineté permanente sur les ressources naturelles et la protection internationale des Droits de l'Homme. Thèse préparée dans le cadre d'une cotutelle pour l'obtention du grade de Doctorat en Droit. Discipline : Droit public, spécialité : Droit international public. Paris, Universités de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Sao Paulo, soutenue le 4 décembre 2014. 687 pages.

IV)- ARTICLES-RAPPORTS-COURS.

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CANIVET (G), LAVRYSEN (L) et GUIHAL (D), Manuel judiciaire de droit de l'environnement, PNUE, Nairobi 2006. 268 pages.

DAOUD (E) et LE CORRE (C), Arrêt Erika : marée verte sur le droit de la responsabilité civile et pénale des compagnies pétrolières. Chronique in Lamy Droit pénal des affaires n°122, novembre 2012. Pages 1à 7.

DARCY (G), LABROT (V) et DOAT (M), L'office du juge, in Colloques du Sénat, Luxembourg du 29 au 30 septembre 2006. 544 pages.

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DOUMBE-BILLE (S), Droit international de la faune et des aires protégées : importance et implication pour l'Afrique. Etudes juridiques de la FAO en ligne, septembre 2001. 32 pages.

HIOL HIOL (F), LARZILLIERE (A) et PALLA (F), Aires protégées d'Afrique Centrale (République du Cameroun) Etat 2015. Rapport OFPAC. 149 pages.

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JAWORSKI (V), L'état du droit pénal de l'environnement français : entre forces et faiblesses. Les cahiers de droit, septembre-décembre 2009. 915 pages.

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RORET (N) et PORRET-BLANC (M), L'effectivité du droit pénal de l'environnement : Etat des lieux et perspectives. In les revues Lexisnexis, juillet 2016 n°7.

SAND (P.H), Le rôle des organisations internationales dans l'évolution du droit de l'environnement, Cours UNITAR, Genève 1999. 113 pages.

V)-LES TEXTES DE DROIT INTERNE ET INTERNATIONAL.
A-TEXTES DE DROIT INTERNE

1-En droit interne congolais.

-Constitution du 24 juillet 1973 ;

-Constitution du 15 mars 1992 ;

-Constitution du 20 janvier 2002 ;

-Constitution du 25 octobre 2015 ;

-Loi n°7-62 du 20 janvier 1962 portant règlement en matière d'exploitation de la faune ;

-Loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant code de procédure pénale ;

-Loi n°48/83 du 21 avril 1983, définissant les conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage ;

Page | 129

-Loi n°003/91 du 23 avril 1991 sur la protection de l'environnement ;

-Loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°02292 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire ;

-Loi n°16-2000 du 20 novembre 2000, portant code forestier ;

-Loi n°10-2003 du 6 février 2003 portant transfère de compétences aux collectivités locales ; -Loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées ;

-Loi n°06-2011 du 2 mars 2011 fixant les missions, l'organisation et le fonctionnement de la Police nationale en République du Congo ;

2-En droit interne camerounais.

-Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972 ;

-Loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant Régime des Forêts, de la Faune et de la Pêche ;

-Loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale ; -Loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal ;

-Loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant Organisation judiciaire ; -Décret n°95/048 du 8 mars 1995 portant Statut de la Magistrature ;

-Décret n°95/466/PM du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application du Régime de la Faune ;

-Décret n°2005/099 du 6 avril 2005 portant organisation du Ministère des Forêts et de la Faune ;

-Décret n°2005/495 du 31 décembre 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du Décret n°2005/099 du 6 avril 2005 portant organisation du Ministère des Forêts et de la Faune ;

-Arrêté n°0648/MINFOF du 18 décembre 2006 fixant la liste des animaux des classes de protection A, B et C ;

-Arrêté n°0649/MINFOF du 18 décembre 2006 portant répartition des espèces animales de faune en groupe de protection et fixant les latitudes d'abattage par type de permis sportif de chasse ;

-Arrêté n°0083/MINFOF du 6 février 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de l'Arrêté n°0648/MINFOF du 18 décembre 2006 fixant la liste des animaux des classes de protection A, B et C.

Page | 130

B)-TEXTES DE DROIT INTERNATIONAL.
1-Textes internationaux de portée mondiale

-La Convention relative aux zones humides d'importance internationale, Ramsar 1971 ; -Déclaration de Stockholm de 1972 ;

-La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d'extinction (CITES), Washington 1973 ;

-La Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, Bonn 1979 ;

-Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, Rio de Janeiro 1992 ; -La Convention sur la Biodiversité (CDB), Rio de Janeiro 1992 ;

2-Textes internationaux de portée régionale ou sous-régionale.

-La Convention Africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles, Alger 1968 et Maputo 2003 ;

-Traité relatif à la conservation et à la gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique Centrale et instituant la Commission des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC), Brazzaville 2005 ;

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TABLE DE MATIERE

INTRODUCTION 11-21

Première Partie : LE CADRE JURIDIQUE CONSACRE A LA PROTECTION PENALE DE LA FAUNE SAUVAGE ET LES OBSTACLES A SA MISE EN OEUVRE

EFFECTIVE 23

Chapitre I : Existence d'un corpus juridique adapté à la répression des atteintes contre

la faune sauvage .24

Section1 : Des normes répressives de droit interne comme source cardinale pour la

protection des espèces fauniques par le juge pénal 24-25

Paragraphe1 : Le régime de la protection pénale de la faune sauvage en droit interne

congolais ..25

A)-Une protection pénale basée sur un foisonnement de texte en constante évolution 25

1-L'évolution des normes répressives protégeant la faune sauvage en droit interne

congolais..........................................................................................................25-29

2-L'hétérogénéité des textes d'incriminations en matière faunique..............................29-33

B)-Une protection pénale basée sur des règles procédurales hétéroclites .33

1-L'exclusivité accordée à l'Etat dans le déclenchement des poursuites et la constitution de

partiecivile.......................................................................................................33-35

2-L'absence de responsabilité pénale des personnes morales.....................................36-38

Paragraphe2 : Le régime de protection pénale de la faune sauvage en droit interne

camerounais .38

A)-Une protection pénale caractérisée une multiplicité des incriminations et des

pénalités 38

1-La diversité des incriminations en matière faunique............................................. 38

a- La complémentarité des textes instituant le régime de protection pénale de la faune

sauvage..................................................................................................38-39

b-La diversité des incriminations en matière faunique..........................................39-40

2-La multiplicité des pénalités en matière faunique............................................. 40-41

B)-Les aspects procéduraux prévus par la loi du 20 janvier 1994 .42

1-Les règles concourant à l'établissement d'un procès-verbal de constatation des infractions enmatière faunique.................................................................................................42

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a- Les règles de forme et de fond concourant à l'établissement d'un procès-verbal en

matièrefaunique................................................................................. 42-43

b-La valeur probante du procès-verbal..................................................................43

2-Les causes exonératoires de responsabilité et d'extinction de l'action publique en matière

faunique...................................................................................................... 43

a- La légitime défense en matière des infractions fauniques 43-44

b- Les cas de battues administratives 44-45

c- Les causes d'extinction de l'action publique......................................................45

Section2 : Des normes de droit international de l'environnement comme source de

référence pour la protection de la faune sauvage ..45-46

Paragraphe1 : La référence aux instruments de droit international de l'environnement pour la

protection pénale de la faune sauvage ..46

A)-Les processus d'internalisation des instruments de droit international sur la faune

sauvage dans le droit positif congolais et camerounais 46-47

B)-Les différents instruments internationaux sur la protection de la faune sauvage en

vigueur au Congo et au Cameroun .47

1-Les instruments internationaux de portée universelle.............................................47-49 2-Les instruments internationaux de portée régionale et sous-régionale............................49

Paragraphe2 : L'exemple d'intégration d'une norme de droit international de l'environnement

dans l'office du juge pénal en matière faunique : La convention

CITES ...50

A)-La place de la convention CITES dans le régime de protection de la faune sauvage au

Congo et au Cameroun 50

1-L'inscription des espèces fauniques sur les annexes CITES et ses effets.....................50-51

2-La fixation des quotas sur l'exportation des espèces menacées d'extinction et la délivrance

despermis CITES.......................................................................................... 52

B)-Les atteintes et sanctions à la réglementation CITES 52-53

Chapitre II : Les obstacles à une application effective du corpus juridique consacré à la

protection de la faune sauvage par la justice répressive 54

Section1 : Les obstacles à la mise en oeuvre du régime de protection pénale en droit

interne 54-55

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Paragraphe1 : La transaction en matière faunique : un obstacle majeur à la mise en oeuvre de

la répression pénale ..56

A)-La procédure de transaction mise en place par les lois fauniques au Congo et

Cameroun .56

1-Un régime différencié entre délinquant primaire et récidiviste.................................56-57 2-Les niveaux d'habilitation reconnus aux autorités administratives pour transiger............57

B)-Les effets de la transaction en matière faunique ...58

1-Les effets en cas d'exécution de la transaction...........................................................58

2-Les effets en cas de non exécution de la transaction.......................................... 58-59

Paragraphe 2 : Les faiblesses et insuffisances du corpus juridique consacré à la protection de

la faune sauvage

59

A)-Un corpus juridique constitué des textes d'incrimination épars et lapidaires

.59

1-Des textes d'incriminations épars..................................................................

60

2-Des textes d'incriminations lapidaires............................................................

61-62

B)-Un corpus juridique comportant des règles procédurales et des incriminations illisibles

entrainant des graves contrariétés avec les textes répressifs généraux .62

1-L'illisibilité des règles procédurales et des incriminations fauniques........................62-63

2-Les exemples de contrariétés entre les règles répressives sectorielles et les codes répressifs

généraux...................................................................................................... 63-65

Section2 : Les obstacles découlant de l'application des normes internationales ..65

Paragraphe1 : L'hétérogénéité et le caractère évasif des normes de droit international de

l'environnement en matière de la protection de la faune sauvage ...66

A)-Les conséquences de la profusion des normes internationales de l'environnement en

matière de la protection de la faune sauvage ..66

1-La juxtaposition entre les normes de portée mondiale et celles de portée régionale ou sous

régionale...................................................................................................... 66-67

2-Les risques de redondance et de confusion dans la référence au droit international par le

jugepénal.........................................................................................................67-68

B)-Le caractère évasif des normes internationales relevant du solf law ..68-69

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Paragraphe2 : Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles comme obstacle à une application efficace des normes de droit international de

l'environnement 69

A)-La libre exploitation par les Etats de leur richesse et ressources naturelles : un principe

consacré par l'Assemblée générale des Nations Unies .69-70

1-Un principe fondé sur la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat...........70-71 2-Une composante du droit des peuples à disposer d'eux même..................................71-72

B)-Les droits de l'Etat issus du principe de la souveraineté sur les ressources naturelles :

Les pouvoirs de dominium et d'imperium sur ses ressources naturelles ...72

1-Un pouvoir de dominium sur la faune sauvage existant sur son territoire...................72-73 2-Un pouvoir d'imperium sur la faune sauvage existant sur son territoire.........................73

Deuxième Partie : LA MISE EN PLACE D'UNE CHAINE PENALE EN VU D'UNE

REPONSE EFFICACE CONTRE LA CRIMINALITE FAUNIQUE .75

Chapitre I : Une chaîne pénale constituée des différents acteurs concourant à la

répression des infractions fauniques 76

Section1 : Les différents acteurs placés en amont de la chaîne pénale dans la répression

contre la délinquance faunique .76

Paragraphe1 : La prépondérance du rôle de l'Administration dans la lutte contre la

délinquance faunique ..76-77

A)-L'Administration de la faune : acteur principal dans la lutte contre la délinquance

faunique 77

1-Les règles d'attribution de la qualité d'OPJ avec des compétences spéciales aux agents de l'Administration de la faune......................................................................................78

a- Le model congolais : La Police de la faune et de la chasse.............................. 78

b- Le model camerounais : Les Agents assermentés de l'Administration en charge de la faune..........................................................................................................79

2-Les prérogatives reconnus aux OPJ à compétence spéciale dans la constatation des infractions à la loi faunique......................................................................................79

a -Les pouvoirs reconnus aux agents de la police de la chasse et de la faune..............80

b- Les prérogatives reconnues aux agents assermentés du Ministère en charge de la

faune................................................................................................................80-81

Page | 135

B)-Le rôle assigné aux autres administrations dans la constatation des infractions à la loi

faunique 81

1-Les agents relevant des services de douanes aux frontières................................. 81-82

2-Les agents des administrations déconcentrés et décentralisés : le Préfet et le Maire ayant

qualité d'OPJ par attribution légale.................................................................. 82-83

Paragraphe2 : Les acteurs secondaires dans la lutte contre la criminalité

faunique 83

A)-Les acteurs secondaires institutionnels de lutte contre la criminalité faunique ..84

1-Les OPJ à compétence générale : La Police nationale et la Gendarmerie

nationale...................................................................................................... 84-85

a- Les Officiers de la police nationale comme acteurs à compétence générale dans la

lutte contre la criminalité faunique......................................................... 84-85

b- Les Officiers de la gendarmerie nationale comme acteurs à compétence générale dans

la lutte contre la criminalité faunique...................................................... 85

2-Les services d'INTERPOL : Une police au service de la lutte contre la criminalité faunique transnationale....................................................................................................86-87

B)-Les acteurs non institutionnels relégués à un rôle passif dans la répression des atteintes

à la faune sauvage 87

1-Les Associations agréées de protection de la faune sauvage : un rôle dans la détection et la dénonciation des atteintes à la faune sauvage..........................................................88-89

2-Les ONG de protection de l'environnement..........................................................89-90

Section2 : Les acteurs judiciaires placés en aval de la chaîne pénale pour assurer la

répression des atteintes contre la faune sauvage 90-91

Paragraphe1 : Le Ministère Public : Un acteur au centre de l'exercice de l'action publique en

matière des infractions contre la faune sauvage .91-92

A)-Les compétences du Ministère Public et l'organisation des poursuites en matière des

infractions fauniques ...92

1-Les compétences du Procureur de la République en matière des infractions à la loi

faunique...................................................................................................... 92-93

2-L'organisation des poursuites contre les délinquants fauniques........................... 93-95

B)-Les prérogatives reconnues au Procureur de la République en matière

faunique 95

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1-Des prérogatives qui puisent leurs sources des textes répressifs classiques (Code de

procédurepénale).......................................................................................... 95-96

2-Des prérogatives spécialement prévues par les lois sectorielles en matière

faunique 96-97

Paragraphe2 : Le juge pénal comme dernier rempart contre la criminalité

faunique ..97-98

A)-La répartition des compétences entre les juridictions répressives en matière

faunique 98

1-La compétence ratione materiae ou en raison de la nature de l'infraction......... 98-100

2-La compétence ratione loci ou en raison du lieu de la commission de

l'infraction................................................................................................ 100-101

B)-L'office du juge pénal en matière des infractions à la loi faunique ...101

1-Les spécificités du déroulement du procès pénal en matière faunique.....................101-102

2-Les pouvoirs du juge pénal en matière des infractions fauniques..................... 102-103

Chapitre II : Les causes de l'inefficacité de la réponse pénale face à la criminalité

faunique 103-104

Section1 : Les causes endogènes à la justice répressive 104

Paragraphe1 : L'absence d'une spécialisation environnementale des acteurs de la justice

répressive ...104

A)-Le manque de magistrats spécialisés sur des questions environnementales pouvant être

désignés comme référents ..105

1-Absence de magistrat spécialisés au niveau des Parquets de la République et des Parquet

généraux................................................................................................... 105-106

2-Des juges non spécialisés dans le domaine environnemental confrontés au principe de l'interprétation stricte de la loi pénale spéciale....................................................106-107

B)-Le manque de formation au sein des corps de la magistrature sur le droit de

l'environnement .107

1-Manque de module portant sur le droit de l'environnement au sein des Ecoles de Magistrature........................................................................................................108

2-Rareté des séminaires de formation ou de recyclage pour les magistrats en

fonction.........................................................................................................108-109

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Paragraphe2 : Le manque d'une véritable prise de conscience sur les enjeux de la criminalité transnationale en matière faunique au sein des juridictions des deux

pays 109

A)-Le manque d'effectivité des instruments portant sur l'entraide judiciaire et les difficultés

dans l'exercice de la compétence universelle 109

1-L'ineffectivité de l'Accord de coopération judiciaire entre les Etats membre de la CEMAC

du 28 janvier 2004..........................................................................................110-111

2-Les difficultés d'exercice de la compétence universelle par les juridictions pénales

nationales................................................................................................... 111

B)-Absence d'une harmonisation des incriminations et des sanctions relevant de la

criminalité faunique transnationale ..111-112

1-Absence d'harmonisation des incriminations à caractère transnational en matière

faunique........................................................................................................112-113

2 Absence d'uniformisation des sanctions............................................................113-114

Section2 : Les causes exogènes de l'inefficacité d'une réponse pénale à la criminalité

faunique .114

Paragraphe1 : Le manque de collaboration entre les différents acteurs concourants à l'exercice

d'une répression contre la criminalité faunique 114

A)-Les problèmes liés à des conflits de compétences entre les différents acteurs oeuvrant

pour l'exercice d'une réponse pénale contre les atteintes à la faune sauvage 115

1-Des conflits de compétence liés à une sorte de cacophonie dans la répartition des rôles organisée par les lois fauniques illisibles et ambigües............................................115-116

2-Des conflits de compétence liés à l'absence de coordination et de coopération entre les différents acteurs dans l'exécution des tâches relatives à la répression des atteintes

fauniques......................................................................................................116-117

B)-La relégation des associations spécialisées dans le domaine de protection de la faune à

un rôle passif ..117

Paragraphe2 : Les problèmes liés au manque de moyens affectés aux acteurs pour assurer une

répression efficace 118

A)-Le manque de ressources à la disposition de la justice répressive et les difficultés d'organisation du milieu carcéral : autres causes d'inefficacité de la réponse

pénale ..118

1-Le manque de ressources à la disposition de la justice répressive : cause majeur de l'inefficacité de la réponse pénale en matière du contentieux faunique......................118-119

2-Les difficultés d'organisation du milieu carcéral : une autre cause d'inefficacité de la réponse pénale à la criminalité faunique.............................................................119-120

B)-Le manque d'une politique de réinsertion pour les délinquants fauniques

120-125

Conclusion

.123-125

Bibliographie

.126-130

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle