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La cour royale du Danxomè: un vecteur d'éclosion des arts

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par Hyppolite Togo
Université d'Abomey-Calavi - Licence en histoire de l'art 2016
  

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CHAPITRE 1 : ELÉMENTS DU TRAVESTICIDE SOCIAL ARGENTIN

L'origine de l'expression travesticide social - comme celle de travesticide - est attribuée à Florencia GUIMARAES et est utilisée pour nommer les violences souffertes par le collectif trans hormis celle impliquant la mort (cf. travesticide). Il revêt une dimension symbolique et sociale forte qui va finir par obstruer l'accès à certains droits.

Dans notre étude, les éléments du travesticide social sont analysés comme des points de vulnérabilité : violence et exclusion familiale et sociale, exclusion du système éducatif et monde du travail, accès à un logement, prostitution et situation de rue, VIH, sida, interventions chirurgicales dangereuses, usage d'hormones sans prescription médicale, alcool et drogues, violences institutionnelles etc. Ainsi, pour délier ces obstacles il nous est

200 DUDH ; Conférence mondiale sur les Droits humains, Vienne, 1993

201 BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas (É), op. cit.

202 INDEC. Tables de mortalité, période 2008-2010, p. 14 disponible sur : http://www.indec.gov.ar/nuevaweb/ cuadros/2/proyeccionesyestimaciones_nac_2010_2040.pdf

203 BERKINS Lohana (dir.). Cumbia, copeteo y lagrimas (É), op. cit., p. 181

204 BERKINS Lohana, « Un itinerario pol'tico del travestismo » in MAFFIA Diana (dir.), Sexualidades Migrantes. Género y Transgénero. Buenos Aires : Feminaria Editora, 2003

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nécessaire d'aborder le travesticide social sous une perspective intersectionnelle. Kimberlé CRENSHAW, lorsqu'elle utilise et définit ce terme au début des années 1980 se réfère à une méthodologie d'inclusion du genre et de la `'race» dans le droit. Dans cette optique le genre - pierre angulaire de notre étude - se verra être couplée avec des données relatives à la santé (Section 1) ainsi que d'autres socio-économiques (Section 2) aux fins de croiser les regards et de tenter une approximation des réalités plus aiguisée.

SECTION 1 : UN CHEMIN ERRATIQUE POUR ATTEINDRE LE DROIT DE JOUIR DU MEILLEUR ÉTAT DE SANTÉ POSSIBLE

Le droit de jouir du meilleur état de santé possible est protégé constitutionnellement, consacré par le droit international205. Dans le cadre des procédures spéciales onusiennes, un/e Rapporteur/euse spécial/e sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint est chargé d'effectuer des visites in loco afin de rendre compte de la situation en cette matière. Depuis son institution en 2003, l'Argentine n'a pas encore reçu sa visite.

Dans la grille de lecture de ce droit figurent les conditions d'un terrain de nondiscrimination. Néanmoins, l'étude de l'accès aux soins tempère les optimismes de la loi sur l'identité de genre (paragraphe 1). Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a rappelé que l'état de santé, comme le VIH ou le sida, ne peut restreindre ou annuler la virtualité du droit à l'accès aux soins206. Nous nous demanderons dans quelle mesure la forte prévalence chez la population trans du VIH et du sida va influer sur l'accès au meilleur état de santé possible (paragraphe 2).

§ 1 L'ACCÈS AUX SOINS COMME PRÉ-REQUIS AU DROIT À LA SANTÉ

Ce droit à la santé contient à la fois la question de la réalité des traitements et opérations proposées aux personnes trans (I) mais aussi celle des lieux où ces dernières peuvent être réalisées (II), deux dimensions interdépendantes l'une de l'autre.

205 art. 12 du PIDESC; art. 24 de la CIDE; art. 25 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (approuvée par l'Etat argentin par le biais de la loi n°26.378); art. 10 du Protocole de San Salvador

206 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n°14 sur le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint, 2000, §18

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I. Accès aux traitements hormonaux et aux interventions chirurgicales

La loi sur l'identité de genre a consacré en 2012 le droit d'accéder à des interventions chirurgicales et aux traitements hormonaux intégraux pour adapter son corps à son identité de genre perçue. Néanmoins, il aura fallut attendre le 20 mai 2015 pour que le décret d'application n°903/2015 (ci-après le décret) soit approuvé et définisse dans des termes plus concrets cette possibilité notamment concernant le fait que l'ensemble de ces soins médicaux est pris en charge par l'Etat argentin, peu important le caractère de l'institution médicale (publique, privée ou relevant des obras sociales207) : la gratuité étant une des conditions à l'accessibilité.

Loin de se restreindre à une liste exhaustive, le décret (plus particulièrement, son annexe) dresse quelques exemples de chirurgies : augmentation mammaire, mastectomie, plastie d'augmentation des fesses, orchiectomie, pénectomie, vaginoplastie, clitoroplastie, vulvoplastie, anexohisterectomie, colpectomie, metoidioplastie, scrotoplastie, phalloplastie.

Le 23 mai 2016208 une résolution du Défenseur du peuple va rappeler l'obligation

209

incombant à une obra social de couvrir intégralement le coût financier d'une opération de chirurgie de réassignation génitale. En l'espèce, le refus de l'Institut était fondé sur l'absence de caractère curatif, préventif ou de réhabilitation et sur une prétendue exemption d'application de la loi sur l'identité de genre en raison son caractère d'auto-gestion. Concernant les traitements hormonaux, un appel a également été lancé au Défenseur de Peuple.

Les traitements hormonaux « intégraux » sont définis par leur finalité : changer les caractères secondaires du sexe gonadique. Cette notion d'intégralité a été à l'origine d'une autre résolution210 émise par le Défenseur du Peuple le 29 janvier 2016. En l'espèce, une

207 Le système de santé argentin est hétérogène : si les institutions publiques de santé sont ouvertes à tous, les fonctionnaires et autres employés du secteur privé ont une protection sociale supplémentaire dénommée obras sociales (littéralement depuis l'espagnol : « oeuvres sociales »). Enfin, des complémentaires santé privées existent (« prepaga »).

208 Défenseur du Peuple de la Nation, Résolution n°28/16, « J. M. M. » relative au changement de sexe, 23 mai 2016

209 En 1993 est créée l'institution du Défenseur du peuple de la Nation argentine, consacrée constitutionnellement (art 86 de la CN, voir Annexe n°3). Entre avril 2009 et décembre 2013, devant l'impossible consensus politique exigeant une majorité qualifiée pour sa désignation, le poste est resté vacant (exercé par le Secrétaire Général), les violations des droits humains continuant. Cette carence démocratique a été relevé par la Com. IDH dans un rapport qu'elle émit fin 2014, la posant comme un frein à la réalisation des droits humains en Argentine. En effet, la figure a pour objet de dénoncer tout acte ou omission des autorités publiques ou privées qui lésionne, restreint, altère ou menace des droits et garantis constitutionnellement et légalement garantis, notamment le mauvais traitement et attention dans les hôpitaux publics.

210 Résolution n1/4 05/16 du Défenseur du Peuple, « B.A. L.E. » relative au traitement hormonal, 29 janvier 2016

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complémentaire santé privée - la société Medicina Prepaga Hominis - a refusé de continuer à fournir gratuitement à un patient son traitement hormonal, lui laissant à charge 30% de ce dernier. Or la Super Intendance des services de santé211 avait déjà expliqué que le terme intégral s'applique tant sur la quantité des médicaments nécessaire au traitement qu'à son accès en terme de gratuité. Le Défenseur du Peuple a donc enjoint à Medicina Prepaga Hominis d'assurer le droit à l'identité de genre du requérant.

Ces questions sont essentielles car 81,3% de la population trans en Argentine a modifié son corps par le biais d'injections et/ou de prothèse et/ou a suivi/suit un traitement hormonal212. Nous remarquons une forte proportion de réalisation de ces actes dans le cadre d'un domicile particulier : 68,2% pour les injections de silicone, 62,9% pour la réalisation de traitements hormonaux et 20% pour la pose de prothèses213. D'après la Coopérative Silvia Rivera, les mauvaises et illégales praxis d'opérations chirurgicales constituent la 3ème cause de mortalité chez les personnes trans214. Même si la loi a permit l'accès à ces soins, il demeure que l'Etat argentin reste sur le banc de touche concernant son intromission dans les questions d'accès à la santé pour les personnes trans, une obligation pourtant légale le véhiculant.

II. Structures de santé

Une fois déterminées les notions par décret, la question de l'accès aux soins nous force à étudier qualitativement et quantitativement les structures et son personnel médical. Le décret exige la formation du personnel médical pour la réalisation des opérations aux personnes trans, l'adaptation des structures de santé et enfin, la mise en place de campagnes d'information (l'accès aux soins n'étant que réel que s'il est connu).

Au delà de la lettre des textes, l'ONG argentine Abogad*s por los Derechos Sexuales dénonce l'ineffectivité de ce droit à l'accès aux soins pour les personnes trans. Avant la règlementation de la loi, certaines structures alléguaient ce vide juridique aux fins de se dédouaner de leur obligation légale. Or après sa règlementation, elles ne pouvaient contourner ces obligations contenues dans la loi sur l'identité de genre, en vigueur et pleinement exécutoire. Aucune norme, règlement ou procédure ne peuvent être contraire à l'esprit de cette

211 Notre traduction littérale de : « Superintendencia de Servicios de Salud » qui est l'autorité d'application de loi sur l'identité de genre avec le Secrétariat de Santé communautaire, toutes deux dépendantes du Ministère de la Santé.

212BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas (É), op. cit.

213 ibidem, p.175

214 Parmi celles-ci, les opérations mal effectuées, les injections d'huile de moteur ou des infections consécutives à ces actes. Les deux premières causes de mortalité étant le sida et le travesticide.

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loi (art. 13 de la loi). Pourtant, même lorsqu'elle a fait l'objet d'une règlementation en 2015, son application demeure incomplète. Celeste GIACHETTA - coordinatrice dans la province de Cordoba de l'ATTTA - dénonce qu'aucun établissement médical public ou privé n'assure « de façon permanente215» les droits reconnus légalement pour les personnes trans. Dans la province, seul l'hôpital Rawson satisfait partiellement à ces obligations en octroyant des traitements hormonaux à 45 personnes216.

En effet, la politique économique menée par l'Argentine est actuellement défavorable à la concrétisation du droit à la santé en général. En 2016, le Ministère des finances alerte sur l'inexécution du budget affairé au Ministère de la Santé. Ainsi au 5 juin 2016 était exécuté seulement 0,8% des 163 millions de pesos destinés au Programme National de santé sexuelle et de procréation responsable qui inclut l'exécution de la loi sur l'identité de genre (sur la base de l'année fiscale débutant en avril 2016). De fait, en janvier 2016 un décret pris par le nouveau Président Mauricio MACRI217 réoriente les politiques générales d'administration publique qui visent désormais à la « production de résultats partagés collectivement », basées sur des critères de « rationalité et d'efficience »218. Cette privatisation du secteur public et donc de la santé sous-tend un risque : celui de réserver l'exercice du droit à l'identité de genre aux personnes trans qui bénéficient d'une couverture médicale du fait de leur travail ou d'une couverture privée. Or, nous l'aborderons, ce collectif est souvent laissé à la marge du marché du travail formel, le privant alors de ces moyens.

Concernant le personnel de santé, en juin 2015 sous la présidence de Cristina KIRCHNER, un Protocole d'attention pour la santé intégrale des personnes trans a été rédigé dans le cadre du Programme national de santé sexuelle et reproductive. Ce dernier collecte tant les techniques « non invasives » pour la construction de l'expression de genre (gestuelle, posture, voix, vêtements etc) que celles liées aux chirurgies de modification corporelle. Le point de vue adopté est celui de la campagne STP 2012 : reconnaissance de la multiplicité et singularité des trajectoires et identités de genre ainsi que de la personne trans comme sujet/te actif/ve de droit, non-discrimination et accès à une attention sanitaire de qualité non pathologiste et centrée sur les décisions de l'individu et santé intégrale. L'application de ce protocole par le personnel est essentielle. En effet, un tiers des personnes trans ne contrôlent

215 art. 11 de la loi n°26.743, voir Annexe n°1

216 La Voz, CRAVERO Patricia, « Identidad de género: a 5 a-os hay deudas en acceso a la salud », 15 mai 2017

217 Aux termes des élections présidentielles, Mauricio MACRI est devenu Président de la République argentine, entrant en fonction au 10 décembre 2015.

218 Considérants 5 et 6 du décret n°114/2016 du 12 janvier 2016, disponible sur : https:// www.boletinoficial.gob.ar/#!DetalleNorma/139932/null

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pas régulièrement leur santé car allèguent des peurs ou des mauvais traitements de la part des professionnel/les de santé219.

§ 2 SÉROPOSITIVITÉ ET SIDA

34% des personnes trans en Argentine220 sont séropositives. La prévalence forte du Virus d'Immunodéficience Humaine acquise (VIH) chez cette population rentre en consonance avec les chiffres très élevés de l'activité prostitutionnelle, condition favorisant la divulgation du virus.

La loi relative au Programme National de Santé sexuelle et de procréation responsable va venir renforcer celle de 1990 qui avait déclaré d'intérêt national la lutte contre le sida221, alors en pleine expansion mondiale. Elle inclut dans les prestations basiques obligatoires du Plan Medico Obligatorio l'accès gratuit au diagnostic, traitement et assistance intégrale sanitaire des prestations relatives au VIH et au sida. Néanmoins, à la lumière du nouveau décret de janvier 2016, tout cela est remis en question.

La recommandation additionnelle F des principes de Yogjakarta avait rappelé en mars 2007 que : « l'OMS et l'ONUSIDA développent des directives sur la fourniture de services et des soins de santé appropriés, qui répondent aux besoins de santé des personnes en fonction de (É) leur identité de genre, avec un respect total pour leurs droits humains et leur dignité. » Pour autant, le bulletin dédié au VIH-sida222 du Ministère de la santé argentin exclut explicitement - tout en se dédouanant de toute volonté d'invisibilisation - la donnée de l'identité de genre comme variable d'analyse en raison de l'absence quantitative de rapports que la Direction de Sida du Ministère reçoit. Or, cette entité gouvernementale a justement pour objectif de couvrir l'ensemble des réalités relatives à sa mission ; le fait qu'une personne trans sur trois en Argentine soit séropositive (d'après les ONG), étant déjà un argument de poids pour la prise en compte du collectif au travers du prime de la séropositivité.

219BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas (É), op. cit., p. 173

220

ibidem

221 Loi n° 23.798 du 14 septembre 1990

222 Ministère de la Santé, Bolet'n sobre VIII-sida en la Argentina n°33, año XIX, décembre 2016, p. 17, § « Razón varón/mujer », disponible sur : http://www.msal.gob.ar/images/stories/bes/graficos/ 0000000918cnt-2016-11-30_boletin-vih-sida-2016.pdf

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SECTION 2 : DROITS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

L'article 14 de la CN dispose que : « Tous les habitants de la Nation jouissent des droits suivants conformément aux lois qui règlementent leur exercice, à savoir : le droit au travail [et celui] d'apprendre (É) ». Le corpus de droit international va également dans ce sens223. L'article 16 de la Charte fondamentale énonce quant à lui l'égalité devant la loi et l'admissibilité aux emplois qui se fonde sur l'unique condition de la compétence. La méritocratie est de rigueur, nous nous éloignons de tout traitement tendant à favoriser un groupe plutôt qu'un autre sur des raisons discrétionnaires qui pourraient se convertir en motifs discriminatoires.

Des voix contestent cet idéal constitutionnel lorsque qu'il est transféré sur le plan de son application réelle. La Commission Interaméricaine des droits de l'Homme a ainsi élaboré un rapport en 2015224 dans lequel elle dénonce l'existence d'un cycle de violence institutionnelle se traduisant par des situations de pauvreté, d'exclusion sociale, d'inaccessibilité au logement qui conditionnent les personnes trans à travailler de manière informelle dans des emplois hautement criminalisés comme celui relatif aux services sexuels.

Dans ce cadre, l'étude de la situation éducationnelle (paragraphe 1), de l'insertion professionnelle et de son pendant - souvent présenté comme « unique porte de sortie » - la prostitution (paragraphe 2) sera faite. Inscrit souvent dans un cercle non vertueux, ces données ont des conséquences directes sur l'accès à un logement digne (paragraphe 3).

§ 1 DROIT À L'ÉDUCATION

Mocha Celis est l'exemple d'une école inclusive se dressant comme une réponse à l'exclusion scolaire. Cette école publique secondaire fonctionne depuis 2012 dans la capitale argentine sous l'impulsion de l'association Bachillerato popular trans Mocha Celis. Elle est ouverte à tous et toutes, personne trans ou non.

223 art. 14 de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'Homme ; art. 23 de la DUDH ; art. 6 du PIDESC

224 Com. IDH, Violencia Contra Personas Lesbianas, Gays, Bisexuales, Trans e Intersex en América, 12 novembre 2015

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Les personnes trans demeurent marginalisées concernant les études en général : plus de 80% n'a pas fini l'école secondaire225 et ce, majoritairement en raison de situations financières difficiles ou de discriminations dont ils et elles sont victimes. Mocha Celis s'exprime donc comme étant la volonté de casser ce cercle vicieux pour en créer un nouveau, salvateur de la notion d'égalité, multiplicateur de celle d'égalité des chances. En 2013, l'Etat argentin décide d'attribuer des fonds pour la réalisation de travaux dans les locaux de l'établissement et, en 2014 le gouvernement de la CABA finance les salaires du personnel : la reconnaissance par le financement de cette structure marque un précédent, un appel à la multiplication de structures de ce type.

Suivant les préceptes de la loi d'éducation nationale226, l'éducation doit être cet espace de promotion du développement et du renforcement des personnes tout au long de leur vie suivant des valeurs telles que « l'égalité, (É) le respect de la diversité (É) » (art. 8). Dès octobre 2013 la sanction de la loi pour la promotion du vivre-ensemble et du traitement de la conflictivité sociale dans les institutions éducatives227 va mettre en exergue la nécessaire prise en compte par le droit d'un climat discriminatoire régnant au sein des écoles. Même si la loi n'est pas spécifiquement formulée pour la défense dudit collectif, sa sanction va néanmoins leur bénéficier. 39% des personnes trans entre 13 et 21 ans ont déjà été agressées dans ce cadre228. La loi oriente l'éducation vers la promotion d'une culture de paix (art. 3, point b) et d'acceptation des différences (art. 4, point a). Néanmoins, cette dernière n'a toujours pas fait l'objet d'une réglementation, ce qui la dévitalise dans son action.

La FALGBT va plus loin avec le projet de loi n°46-P-2015 concernant l'harcèlement, la violence et la discrimination à l'école en insérant explicitement celles liées à l'identité et/ou l'expression de genre. Il prend en compte divers éléments comme la discrimination historique du collectif trans à l'école et la violence provenant du groupe familial primaire qui va inhiber la dénonciation d'actes d'harcèlement. Le projet prévoit également de remettre à l'ordre du jour de l'enseignement, la thématique de la diversité sexuelle et la perspective de genre.

225 En Argentine, en 2010 (INDEC), environ 42% de la population n'avait pas fini le cycle d'école secondaire. Ce chiffre est doublé pour les populations trans in http://www.indec.gob.ar/bajarCuadroEstadistico.asp? idc=4A15238E1E4DDB03420C8E1824D3ADE1133B14B1296B6C5F472432805D9F3BABE4E299388C16A3 E1

226 Loi n°26.206 du 27 décembre 2006

227 Notre traduction de : « Ley para la promoción de la convivencia y el abordaje de la conflictividad social en las instituciones educativas », Loi n°26.892 du 1er octobre 2013 disponible sur : http://servicios.infoleg.gob.ar/ infolegInternet/anexos/220000-224999/220645/norma.htm

228 BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas (É), op. cit.

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Néanmoins, si ce dernier n'a pas été promulgué, au niveau de la CABA une loi229 a été sanctionnée en 2016 mais qualifiée d'insatisfaisante selon l'ONG.

Actuellement, en dépit de l'existence d'une loi sur l'éducation sexuelle intégrale230 depuis 2006 permettant de faire connaître les diversités sexuelles et identités de genre, son application se fait de façon hétérogène au travers des provinces. L'éducation étant du ressort des pouvoirs fédérés, chaque province pose ses règles du jeu en la matière231. Certaines ONG232 revendiquent la nécessité de l'adoption d'une résolution ministérielle au niveau national afin qu'une base minimale soit posée et garantisse ainsi le droit à recevoir une éducation sexuelle intégrale (art. 1 de la loi n°26.150).

Les personnes trans demeurent souvent exposées à « de graves atteintes à leurs droits fondamentaux, notamment à du harcèlement dans les établissements d'enseignement ou sur le lieu de travail233 ». La criminalisation de facto de leurs identités va affecter négativement sur la vie professionnelle234.

§ 2 DROIT AU ÔÕTRAVAJO»

Ô'Travajo» est la synthèse de l'argentinisme « trava », référence aux personnes trans, et de trabajo (« travail » en français). Ce terme a été consacré dans un documentaire du collectif Furia Trava dédié à la coopérative Nadia ECHAZU qui a pour but depuis 2008 l'empowerment des personnes trans. Dans ce sens, le travail comme une instance de socialisation - d'intégration dans le tissu social - peut agir tant comme élément positif que négatif pour un individu dans une société donnée, l'incluant ou le rejetant sur la base de discriminations.

229

Loi n°5735

230 Loi n° 26.150, disponible sur : http://www.me.gov.ar/me_prog/esi/doc/ley26150.pdf

231 Art. 5 de la CN : « chaque province promulgue sa propre Constitution sur la base du régime représentatif républicain conformément aux principes, déclarations et garanties de la CN et assure (É) l'éducation primaire. Sous ces conditions le Gouvernement fédéral garantit à chaque province la jouissance et l'exercice de ses institutions ». Voir Annexe n°3

232 En août 2017 l'Asociación Argentina de Educadoras/es Sexuales, FEIM et le Défenseur du Peuple de la CABA ont lancé une campagne exigeant au Ministre de l'Education de la CABA la mise en oeuvre de la loi. Il demeure que ce travail de plaidoyer doit être mené à l'échelle de chaque province.

233 ECOSOC, Observation générale n°20 : La non-discrimination dans l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels, 2009, § 32

234 Une enquête réalisée du 30 juin au 3 juillet 2004, coordonnée par Waldo VILLALPANDO, a mis en relief le cas d'une personne travestie qui n'a pas obtenu son diplôme de médecine en raison des nombreuses détentions auxquelles elle a été soumise in INADI, Ministère de la Justice et des Droits humains, Hacia un plan nacional (É), op. cit., p. 168

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La vision étant intersectionnelle, prendre en compte cette donnée pour traiter de la situation des personnes trans en Argentine est essentiel. Une étude sur la lutte pour l'égalité au travers de l'instauration progressive de quotas dans le marché du travail formel sera effectuée

(I). En l'occurrence, la prostitution se dresse souvent comme unique option. Socialement stigmatisée, légalement occultée, la prostitution exercée de façon autonome se trouve dans une zone de non-droit ; ni les ONG ne trouvent de consensus concernant la qualification de cette activité. Certaines se refusent à parler de « travail » car dénué de garanties sociales ; d'autres la valident - comme l'Organización de Travestis y Transexuales de la Repoeblica argentina 235 - ou parfois seulement s'il y a consentement de la personne exerçant - comme ATTTA -. Enfin, invisibiliser la question est aussi stratégie d'associations comme l'ancienne Asociación de Travestis de Argentina.

Dépassant ces différents avis, c'est au regard de la notion de travail décent développée par l'OIT comme étant un « travail convenablement rémunéré, exercé librement, équitablement et de façon sûre, capable de garantir une vie digne » à celui/celle qui l'exerce, qui doit fixer le curseur de validité d'une activité professionnelle. A défaut d'avis unanime sur la question, la prostitution (II) sera traitée à côté de celle du travail formel.

I. Du quota à la parité, du milieu politique au secteur privé : une insertion professionnelle croissante

Nous avions pu observer un parallèle avec la notion de travesticide entre féminisme et lutte trans (voir Partie I, Chapitre 2, Section 2, §2, I). Ce schéma semble se reproduire lorsque nous abordons le thème des quotas dans le monde professionnel et, plus particulièrement, concernant l'accès à certains fonctions politiques. En 1991 a été dessinée la 1ère loi en Amérique latine de « quota féminin » (traduction littérale de « ley de cupo femenino ») portant le numéro 24.012 et exigeant un minimum de 30% de candidates femmes sur les listes électorales législatives et constitutionnelles. La réforme constitutionnelle de 1994 a précisé dans l'article 37 de la CN que : « (É) l'égalité réelle d'opportunité entre hommes et femmes concernant l'accès aux postes électifs se garantira par le biais d'actions positives concernant la régulation des partis politiques et du régime électoral236 ». Le décret n°254/98 a entériné ce précepte constitutionnel en établissant un plan relatif à l'égalité des chances entre hommes et femmes. En 2002, une loi précisera la nécessaire représentation proportionnelle des sexes au sein des syndicats (loi n°25.674 du 29 novembre 2002) et en 2003 un décret impulsera la

235 Cette ONG n'existe plus depuis 2004, sa dissolution étant fondée un schisme entre les partisan/es concernant la thématique prostitutionnelle.

236 Notre traduction de : « (É) la igualdad real de oportunidades entre varones y mujeres para el acceso a cargos electivos y partidarios se garantizará por acciones positivas en la regulación de los partidos pol'ticos y en el régimen electoral. ». Voir Annexe n°3

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nomination de juges à la CSJN de façon à refléter « les diversités de genre237 ». Aujourd'hui se pose la question de l'imposition d'une parité 50/50 aux fins d'extirper du plafond de verre les femmes qui y sont confrontées.

De cette évolution positive pour la représentation de toutes et tous, nous pourrions espérer désormais que cette parité politique soit étendue au secteur public en général puis à celui privé. Dès 2006, la Commission d'égalité des chances et de traitement du Ministère de la Santé a énoncé - dans le cadre de l'homologation de la convention collective de travail applicable à l'administration publique nationale et son personnel - le droit à ne pas être discriminé/e en raison de son genre238. Plusieurs options seraient envisageables pour tendre vers cet objectif : l'affirmation de la non-discrimination en raison du genre dans le monde professionnel, l'inclusion des personnes trans dans la rédaction de projets instaurant la parité (en effet, la loi sur l'identité de genre impose le respect du prénom choisi et/ou mentionné dans les documents d'identité) ou l'instauration d'un quota.

C'est sur cette dernière option que se sont arrêtées les deux agora législatives en ayant initié des projets de lois le 19 octobre 2016239 au même titre que l'ATTTA et la FALGBT qui elles, proposent un pourcentage de 0,5% de l'emploi public national - et non pas 1% comme dessiné par les législateurs - ainsi que des incitations fiscales pour les employeur/euses respectant ce quota. Pendant ce temps, des provinces comptent déjà sur des lois propres de « quota trans ». Ces dernières sont Buenos Aires240, Chubut, Cordoba, Neuquén, Rio Negro, Salta et Santiago del Estero.

Concernant la province de Buenos Aires, c'est en septembre 2015 que le législateur a décidé de réserver un minimum de 1% de ses emplois du service public aux personnes travesties, transsexuelles et transgenres (sur la base de leurs expériences professionnelles et éducatives), peu important la reconnaissance de leur identité de genre via la loi de mai 2012. Néanmoins, le critère des expériences professionnelles et éducatives semble nous éloigner des réalités trans, encore sujettes à exclusion professionnelle et éducative (voir Partie II, Chapitre

237 art. 3 du décret n°222/03 établissant une procédure garantissant la transparence et participation citoyenne dans la nomination des magistrats de la CSJN. En 2017, la Présidence est assurée par un homme et sur les 5 magistrats, 4 sont des hommes. Le décret face à la réalité est dévitalisé.

238 arts. 34 o) ; 35 j) et 37 h) du décret n°214/2006 du 27 février 2006 d'homologation de la Convention collective pour l'Administration Publique Nationale

239 Les deux projets fixent un minimum de 1% de présence de personnes trans dans l'emploi public national.

240 Par le biais de la loi n°14.783 du 17 septembre 2015. Cette loi est également dénommée Ley de Cupo laboral Travesti Trans « Diana Sacayán », en l'honneur à l'une de ses promotrices assassinée en 2015.

art. 2 de la loi n°14.783 : « Le service public inclut : l'Etat provincial et ses organismes décentralisées, les entreprises publiques, les municipalités, les personnes juridiques de droit public non étatiques créées par la loi, les entreprises subventionnées par l'Etat et les entreprises privées concessionnaires de services publics ».

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1, Section 2, §§1 et 2). Cette discrimination positive devrait se voir être accompagnée d'un ensemble plus large de politiques publiques, embrassant en premier lieu le niveau éducatif. Malgré tout, la Com. IDH a considéré cette mesure comme étant un « pas fondamental dans le chemin pour l'inclusion sociale des personnes trans241 », encourageant l'Etat argentin à continuer d'adopter des politiques publiques dans ce sens.

D'autres faits viennent nuancer cette avancée législative. Tout d'abord, le décret de règlementation de la loi n'a toujours pas été publié au Bulletin Officiel242. La province de Buenos Aires - représentant 41,9% de la population totale argentine243 - aurait ainsi pu lancer le fer de lance pour d'autres provinces qui ont déjà été précurseurs en matière de parité par rapport au gouvernement national.

A ce manque de réglementation s'ajoute une impossibilité ordonnée par un décret, pris dans un contexte économique difficile par le gouvernement fédéral. Ce dernier empêche toute embauche au sein du service public pour une durée d'un an244 (à partir de juin 2016 ). Par

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voie de conséquence ce gel des embauches inhibe aussi celles des personnes trans, pourtant légalement protégées par la loi Diana Sacayán, actuellement, lettre morte.

A défaut, en juin 2017 nous faisions état de 16 villes argentines qui ont approuvé des ordonnances imposant un quota de personnes trans à hauteur de 1% : Azul, Campana, Chivilcoy, Pilar, Tres de Febrero, Mar del Plata, Moron, Lanus (province de Buenos Aires) Bell Ville (Cordoba), Las Heras (Mendoza), Resistencia (Chaco), Rio Grande246 (Terre de feu), Rosario, Venado Tuerto (Santa Fe), Tafi Viejo (Tucuman), Viedma (Rio Negro). La CABA, quant à elle, voit poindre un projet de loi dans son hémicycle impulsé par la FALGBT247, défendant un droit humain à la recherche, obtention et maintien d'un emploi exempté de toute discrimination (art. 7).

241 Com. IDH, « [Com.]IDH saluda a Argentina por aprobación de ley provincial de Cupo Laboral Trans », 30 octobre 2015, n°122/15

242 Au moment de la rédaction de ce paragraphe [dernière révision au 31 août 2017].

243 INDEC, Recensement national de population, 2010

244 Décret n°618/2016 du 24 juin 2016, disponible sur : http://www.gob.gba.gov.ar/dijl/#/DIJL buscador.php? tipo=02

245 Actuellement, nous ne disposons pas de la rétrospective suffisante pour pouvoir évaluer la reprise supposée des recrutements.

246 Ici, le quota est fixé à 0,5% des postes municipaux pour les personnes trans.

247 Voir : http://www.falgbt.org/wp-content/uploads/2016/11/Ley-contra-la-Discriminacion-en-el-empleo-ProyectodeNorma__Expediente_795_2015..pdf

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Dans la province de Santa Fe le projet de loi n°31605 CD-IP d'août 2016 entend imposer ce quota au secteur privé et prévoit même un accès prioritaire à des programmes de logements sociaux et une pension destinée aux personnes trans de plus de 40 ans : un projet qui se veut avant-gardiste et complet. Depuis 2013, au travers de la Résolution n°331/13 du Ministère du travail248, un programme d'appui financier à l'insertion professionnelle des personnes trans est lancé. Sur la période 2013-2015, 1069 personnes en ont bénéficié avec une insertion à hauteur d'environ 58%. Dans la CABA et au niveau national, deux projets de loi ont été proposés afin de créer une aide mensuelle pour les personnes trans de plus de 40 ans.

La logique a changé : poussée à son paroxysme, l'Argentine doit-elle s'attendre à voir naître la parité de genre? Un risque d'abus de la loi sur l'identité de genre aux fins d'augmenter ses chances d'accès à un poste est-il réel? La construction de ces réponses se fera à l'aune des prochaines années.

II. Un vide juridique dangereux concernant la situation prostitutionnelle

La nuit se révèle être comme un « autre pays » où d'autres règles - alternatives à celles remplissant des conditions de légalité - vont s'appliquer249. Dans ce climat tendu qui rime avec précarité, 95% des personnes transgenres250 avaient exercé un travail sexuel au moins une fois au cours de leur vie. Parmi celles-ci, 79% l'exerçaient comme un moyen de subsistance principal. Une grande majorité souhaitent abandonner cette activité qui se révèle être souvent l'unique voie possible.

Le droit argentin pénalise la traite des personnes depuis la loi n°26.364 du 30 avril 2008 ainsi que la prostitution forcée pour les femmes (art. 5.3 de la loi n° 26.485 de protection intégrale des femmes du 1er avril 2009 sur la violence sexuelle). Ce délit de traite de personnes à fin d'exploitation sexuelle consistant en la promotion, facilitation, développement ou profit tiré du commerce sexuel (art. 4 c) est punissable de 4 à 6 ans de prison (art. 125 bis et 127 du Code pénal) et de 5 à 10 ans en cas de circonstances aggravantes251. Néanmoins, le

248 Résolution n°331/2013 du 29 avril 2013 disponible sur : http://servicios.infoleg.gob.ar/infolegInternet/ anexos/210000-214999/213578/norma.htm

249REDLACTRANS, La noche es otro pals (É), op. cit., p. 11 250ATTTA, 2013.

251 Les circonstances aggravantes sont les suivantes : tromperie, violence, menace ou tout autre moyen d'intimidation ou de coercition, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, concession ou réception de paiements ou de bénéfices pour l'obtention du consentement de la part d'une personne qui a une autorité sur la victime ; auteur/e du délit étant ascendant/e, descendant/e, conjoint/e, proche en ligne directe, collatérale ou tuteur/tutrice, curateur/curatrice, autorité ou ministre de culte reconnu/e ou non, chargée/e de l'éducation ou de la garde de la victime; sujet actif étant fonctionnaire ou membre des forces de sécurité, de police ou carcérales, victime mineure (art. 126 du Code pénal).

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droit reste silencieux quant à une régulation nationale concernant la prostitution exercée de façon individuelle. Rappelons que l'article 19 de la CN dispose que « les actions privées des humains qui n'heurtent ni l'ordre ni la morale publique ou qui ne sont pas préjudiciables pour une tierce personne sont réservées à Dieu et exemptes de l'autorité des magistrats. Aucun habitant de la Nation sera obligé à faire ce que n'ordonne pas la loi ni sera privé de ce qu'elle n'interdit pas252 » Dans ce sens, cette marge de liberté en l'absence de régulation signe l'accord tacite du législateur argentin concernant la prostitution exercée hors proxénétisme ; il était sans compter sur l'existence des codes contraventionnels et leur régulation de l'activité (voir Partie II, Chapitre 1, Section 2, §2, II).

§ 3 DROIT À L'ACCÈS À UN LOGEMENT DIGNE

Le droit d'accès à un logement « digne » est consacré à l'art. 14 o) bis de la CN253. Néanmoins le collectif trans peine à être pris en compte dans la structuration des politiques de logement et d'habitat, ce qui traduit un certain manque de perspective de genre. Développant largement ces activités dans le marché informel, l'absence d'apport de revenus réguliers au moment de solliciter un crédit, louer ou acheter un bien va fortement pénaliser les individus transidentitaires. L'option résiduelle se dresse alors elle aussi dans le marché informel où aucune protection et garantie légales ne régissent en la matière. L'exclusion de par le cercle familial va favoriser les difficultés liées au logement254, laissant à discrétion de personnes trans souvent mineures la nécessité de trouver des moyens pour survivre, au prix d'abandons scolaires.

En 2012, l'INDEC et l'INADI ont réalisé une enquête mettant en évidence que 4,6 personnes trans sur 10 vivaient dans des logements dits déficitaires et/ou précaires255. En 2015, la Commission interaméricaine des droits de l'Homme dénonce des taux élevés

252 Notre traduction de : « Las acciones privadas de los hombres que de ningoen modo ofendan al orden y a la moral publica, ni perjudiquen a un tercero, están solo reservadas a Dios, y exentas de la autoridad de los magistrados. Ningoen habitante de la Nación sera obligado a hacer lo que no manda la ley, ni privado de lo que ello no prohibe. » (art. 19 de la CN)

253 Voir Annexe n°3

254BERKINS Lohana, Cumbia, copeteo y lagrimas (É), op. cit., p. 167

255 Les logements `'déficitaires» sont ceux qui remplissent au moins une des conditions énumérées : absence de canalisation au sein du logement, toilettes sans évacuation, sol en terre ou autre matériel précaire. Les logements `'précaires» sont des rancho (environnement rural) ou casilla (environnement urbain) caractérisés par leur matériel précaire (paille, tôle, terre), casas de inquilinato aménagés sciemment pour proposer plusieurs locations dans un même espace ou des pensions/hostels in INDEC, Glossaire, disponible sur : http://www.indec.gov.ar/ textos_glosario.asp?id=70

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d'inaccessibilité au logement pour les personnes trans dans la région256. Or, l'accès à un logement digne est une « composante intrinsèque du droit à la santé257» (voir Partie II, Chapitre 1, Section 1), intimement lié au droit à la vie.

CHAPITRE 2 : INSTAURATION D'UN SYSTÈME CONTRAIRE AUX OBLIGATIONS INTERNATIONALES CRIMINALISANT DIRECTEMENT ET INDIRECTEMENT LES PERSONNES TRANS

Le travesticide social entraîne une mort sociale qui se traduit soit par une invisibilisation des individus en question, soit par une discrimination active. Dans l'Argentine actuelle, des actes de transphobie existent et se caractérisent par un désir de punition, intolérance, mépris, hostilité et aversion systémiques envers les personnes trans258. La position de vulnérabilité du collectif augmente leur probabilité d'être soumis/es à des traitements cruels, inhumains et dégradants259, ce qui va exacerber la transphobie ou le « transodio260». Dans ce cadre, nous nous interrogerons sur l'efficience de la protection juridique des personnes trans, mettant en exergue un climat où règne l'impunité (Section 1) et où l'intersectionnalité se fait l'instrument privilégié de discriminations lorsque les figures floues décrites dans les codes contraventionnels ne suffissent plus (Section 2).

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