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La place de l'ingénieur du son dans le cinéma documentaire

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par Raphaël Roche
Université Aix-Marseille Université, Département SATIS - Spécialité Ingénierie de la création et de la réalisation sonore pour le film, la vidéo, le multimédi 0000
  

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Département Sciences, Arts et Techniques de l'Image et du Son

Université Aix-Marseille

Mémoire de Master Professionnel

Raphaël Roche

Travail réalisé sous la direction de : Frédéric Belin

La place de l'ingénieur du son dans le cinéma documentaire

Soutenu en Mars 2018

REMERCIEMENTS

Je souhaite remercier Frédéric Belin pour la motivation et les conseils précieux qu'il a su m'apporter dans cette aventure. Son implication en tant que directeur de mémoire a été très importante pour ma construction professionnelle.

Je ne retiens que des bonnes choses de ces 3 dernières années et ne regrette en rien mon choix d'avoir continué mon cursus scolaire pour intégrer Satis.

Je tiens à remercier par ordre alphabétique tous les professionnels, ingénieurs du son, réalisateurs, producteurs, qui ont acceptés de passer du temps en ma compagnie pour me parler de leur passion. J'ai beaucoup appris lors de nos rencontres:

-Thierry Aguila

-Pierre Armand

-Régis Brun

-Yves Capus

-PhillipeCarrese

-Jean-Pierre Cellard

-Sébastien Crueghe

-Emmanuel Desbouiges

-Jean-Pierre Duret

-David Diouf

-Maxime Gavaudan

-Baptiste Geffroy

-Cédric Genet

-Godefroy Georgetti

-Laurent Lafran

-Vincent Magnier

-Henri Maikoff

-Pierre Alain Mathieu

-Fréderic Salles

Je tiens aussi à remercier le personnel enseignant: Rémi Adjiman, Isabelle Renucci, Florence Tildach, Natacha Cyrulnik, Fred Celly, Antoine Gonot,Fred Devaux, Isabelle Singer, David Goldie, Jean-Pierre Blas, Cédric Bottero, Marie Claude et Richard.

Mon frère Robin, ma mère, ma grand-mère et bien sûr,Pauline qui partage mon quotidien, et qui m'a soutenu pendant ces 3 années chargées et qui a donné de sa personne pour mener à bien ce mémoire.

Ingénieur du son en documentaire: une place vraiment indispensable?

Le documentaire connait actuellement une crise de financement. Les réalisateurs ont toujours l'ardent désir de réaliser leur projet mais ont moins de financement pour le faire dans de bonnes conditions. Ils décident de tourner leurs films coûte que coûte dans une économie précaire, parfois sans place pour une équipe de tournage. Le métier de preneur de son en documentaire est un métier passionnant, complexe et exigent. Cependant il a connu un profond changement, beaucoup de projets le mettent à l'écart pour de multiples raisons.

Mots clés

Documentaire, Preneur de son, Ingénieur du son, Preneur de son-réalisateur,

Dispositif filmique, Relationnel, Collaborateur

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION P.9

I. LE FILM DOCUMENTAIRE ET SON ECONOMIE P.11

1. FINANCEMENT DU DOCUMENTAIRE P.11

1.1. Modes de productions documentaires

1.2. Un âge d'or déchu?

1.3. La rémunération des réalisateurs

2. FINANCEMENT DU DOCUMENTAIRE EN RÉGION PACAP.15

2.1 La centralisation du secteur audiovisuel

2.2 Un problème qualitatif?

2.3 Un système perfectible?

II. LE CHEF OPERATEUR DU SON EN DOCUMENTAIREP.19

1. ÉVOLUTION DU MATÉRIEL DE PRISE DE SON P.20

1.1. Les outils de la prise de son

1.2. Missions et aptitudes du chef opérateur du son

2. L'ÉQUIPE DE TOURNAGE DOCUMENTAIRE P.31

2.1. Le rapport à l'équipe de tournage

2.2 La relation "ingénieur du son-Participant" dans le documentaire

III.L'AVENIR POUR LA PRISE DE SON EN DOCUMENTAIRE

1. VERS UNE ÉVOLUTION DE LA PRATIQUE DOCUMENTAIRE P.39

1.1 Des pratiques mouvantes

1.2Une profession en voie de disparition?

2.LE RÉALISATEUR CHEF D'ORCHESTRE P.46

2.1 Remplacer l'équipe de tournage

2.2 Quel impact sur la qualité des films?

CONCLUSION P.52

SOURCES & RÉFÉRENCES P.53

CONTACTS P.56

RÉSUMÉ/SUMMARY P.57

INTRODUCTION

La littérature, le sport, la géopolitique font depuis toujours parti de mes centres d'intérêt. Le film documentaire est également quelque chose qui compte énormément pour moi, pourtant j'ai du mal à exprimer mes sentiments quand il s'agit d'en donner une définition précise. Les livres de Noam Chomsky et de Howard Zinn sur la manipulation du consentement et sur la désobéissance civile ont eu un grand impact sur ma compréhension du monde, j'éprouve une grande curiosité quant à leur volonté de montrer les mécanismes de notre société, de nous éclairer sur son fonctionnement.

Pour moi, c'est en partie cela le film documentaire, donner à voir une facette du monde, une facette inconnue pour la plupart des gens. Nous vivons dans une société où les informations se déplacent à la vitesse de la lumière, relayées par de trop nombreuses chaines télévisées qui relatent à longueur de temps d'antenne les mêmes informations, ce qui crée les débordements que nous connaissons. Il m'est réellement difficile aujourd'hui de regarder la télévision, les émissions de divertissement Fast Food, les journaux télévisés de 20h qui font plus du contenu de flux que du contenu de stock.

C'est tout le contraire du film documentaire qui centre son propos sur l'humain, qui parle de sujets importants, vastes et enrichissants pour le spectateur. J'aime le documentaire qui s'engage, qui milite, qui se place en tant que dissident, qui n'est pas polarisé par les parts de marché et par les audiences télévisuelles, le documentaire qui n'est pas accessible pour le plus grand nombre, le documentaire qui prend son temps, celui qui fait réfléchir les gens. On peut faire un documentaire pour soi-même mais on le fait avant tout pour un public et cela, je veux toujours le garder à l'esprit.

Le documentaire traite avant tout de la rencontre et du relationnel. C'est la rencontre d'un réalisateur avec des personnages d'où né une complicité, une entente cordiale, le personnage n'étant plus un simple acteur, mais un objet politique qui livre des constations sur sa vie, son oeuvre, ses désirs. Mais pour révéler des choses, certains réalisateurs vont ressentir le besoin d'être entouré d'une équipe de tournage sur qui ils peuvent compter. Ils font très souvent appel à un preneur de son et un chef opérateur image qui les soutiennent dans leurs choix, qui réfléchissent avec eux à leurs envies, qui partagent leurs convictions. Ce sont eux également qui mettent en oeuvre les outils audiovisuels de la captation et lui permette de se concentrer sur l'essentiel : le propos du film. Le métier de chef-opérateur du Son spécialisé dans le tournage de film documentaire est celui que je voudrais exercer dans le futur à ma sortie de l'université et du département S.A.T.I.S.

Je suis donc très attentif à la tournure que prennent les choses au niveau économique depuis une quinzaine d'années. De plus en plus de réalisateurs partent seuls en tournages, non pas par choix, mais contraints et forcés par le manque de moyens dont font preuve les productions qui continuent à soutenir ce genre filmique. Et malheureusement lorsqu'il s'agit d'économie, c'est très souvent le poste de chef-opérateur du son qui est le premier à être écarté. L'évolution des technologies audio et notamment l'apparition de système de microphones sans fils facilement utilisables par un non spécialiste du son y sont certainement pour beaucoup. Notons que le problème se pose également pour le chef-opérateur image qui n'est pas indispensable pour mettre en oeuvre un appareil photo, voir un téléphone portable à l'heure ou certains films sont réalisés avec un Iphone. Mais qu'advient-il alors de l'équipe documentaire ? Celle sur laquelle le réalisateur s'appuyait plus haut... Une seule et même personne peut-elle réaliser, interviewer, cadrer et prendre le son d'un film ? Et s'il est le premier à disparaître lorsque l'on cherche à rogner sur le budget d'un film, on peut légitimement se demander si le preneur de son est VRAIMENT indispensable en documentaire ? C'est à cette problématique intentionnellement polémique que je tacherais de répondre à travers ce mémoire d'initiation à la recherche, en me limitant au statut du film documentaire en France et plus particulièrement à son essor en région Provence Alpes Côte d'azur puisque c'est là que se situe mon futur ancrage professionnel.

I. LE FILM DOCUMENTAIRE ET SON ÉCONOMIE

Chris Marker: "Personne n'aime le mot documentaire. Le problème, c'est que l'on n'a pas trouvé mieux pour désigner un ensemble de films dont on sent qu'ils ne sont pas tout à fait comme les autres."1(*)

I.1. FINANCEMENT DU DOCUMENTAIRE

I.1.1 Modes de productions documentaires

Le dispositif de cofinancement tripartite.

La voie classique en France pour lancer la production d'un documentaire télévisuel passe par l'apport initial en fonds propres d'un producteur. Une convention de co-production est alors signé avec le diffuseur qui préachète les droits de diffusion en fonction du temps d'antenne.Une chaine comme Arte peut injecter 250000 euros dans un projet de film mais en contre partie, d'un point de vue diffusion, le film leur appartient pendant 6 ans.

Les France 3 régions injectent beaucoup moins d'argent ; pour 12000 euros, la diffusion du film est pendant 18 mois.

Le producteur lance alors une demande de subventions au CNC qui amène un complément de financement, en fonction de l'apport initial du producteur et du diffuseur.

Les principales aides proposées par le CNC pour le documentaire sont:

-L'aide sélective et automatique à la préparation de documentaire: cette aide a pour objectif de "favoriser les travaux de préparation et de développement préalables à la mise en production".2(*)

-Le fond d'aide à l'innovation audiovisuelle: cette aide veut accompagner "les auteurs et producteurs de projets cinématographiques et télévisuels les plus créatifs qui nécessitent une écriture élaborée, un important travail de développement et qui proposent une approche innovante au regard des programmes audiovisuels»3(*)

-L'aide au court métrage: ces aides sont sélectives ou automatiques, directes ou par l'intermédiaire d'organismes qui les subventionnent.

Le producteur peut également demander des financements complémentaires (aux collectivités territoriales, à l'Union Européenne), pour bénéficier d'un budget plus conséquent.

Autres financements envisageables.

Les contributions des Fondations peuvent être envisageables si le message du film est cohérent avec le leur. La Fondation de France, la Fondation France Libertés et la Fondation Jean-Luc Lagardère sont les plus connus.

Le financement participatif ou crowfunding, qui a fait son apparition il y a quelques années, est une autre manière de récolter de l'argent.Un grand nombre de personnes sont alors amenées à participer à l'élaboration, en terme économique, d'un projet. Le crowfunding se développe dans un principe d'économie collaborative grâce aux réseaux sociaux et autres plateformes spécialisées.

Le film documentaire Demain de Mélanie Laurent a par exemple récolté près de 444 000 Euros sur la plateforme spécialisée KissKiss Bank Bank.

I.1.2 La fin d'un âge d'or?

Jean-Pierre Carrier: "Existe-il un âge d'or du documentaire? Un âge d'or, c'est à dire une période historique plus ou moins lointaine, où le documentaire aurait eu les faveurs du public et aurait donné naissance à des chefs d'oeuvres devenus des références obligées du genre?

Pour le film documentaire, comme pour tout autre genre cinématographique, parler d'âge d'or implique d'abord une disparition, une perte donc un fort sentiment de nostalgie"5(*)

Jean-Pierre Carrier s'intéresse dans son Dictionnaire du documentaire à questionner les perspectives que peuvent avoir le cinéma documentaire, et il reconnait qu'il est commun d'affirmer aujourd'hui que celui-ci est en crise. Une crise de la diffusion en premier lieu, car rare sont les oeuvres pouvant se vanter d'avoir été diffusée en salle, et les films peu diffusés à la télévision ou en festival, risquent de passer complètement inaperçu. On estime en effet que seuls 1% des spectateurs de cinéma visionnent des documentaires.

Nous pouvons donc nous questionner : Est-ce cette crise de la distribution, et donc de l'absence de public, qui a un impact sur la production des films, ou bien, est-ce le résultat des problèmes de financements rencontrés par les sociétés de production?

Privatisation de la télévision.

Pour Sophie Barrau-Brouste, Docteur en sociologie, dans les années 60, le documentaire représente un programme télévisuel valorisé par l'émergence des techniques de prises de vue et sonore. Mais cependant, la privatisation de la télévision dans les années 80, avec la recherche d'une maximisation de l'audience, a contribué à exclure le documentaire des programmations6(*).

Jean-Pierre Cellard considère que la fin de la SFP (Société Française de Production) a changé le système. La SFP était une propriété de l'état qui contenait 3 chaines de télévision et des unités de fabrication. Elle gérait elle-même les dépenses et les recettes engrangées.

Aujourd'hui, avec un total de 2253 heures aidées, le nombre d'heures de documentaire diminue de 9,1% par rapport à 2015. Cette diminution peut s'expliquer par la baisse des commandes des chaines thématiques payantes et de celles des chaines privées nationales gratuites.

En 2016, le documentaire représente 46,8% des heures totales de programmes audiovisuels aidés par le CNC, contre 52,9% en moyenne depuis 2007.7(*)

Vieillissement de la télévision.

Jean-PierreCellard: "L'Âge d'or du documentaire est terminé car les chaines de télévision n'en ont plus besoin, et pour des raisons éditoriales et/ou économiques. Les documentaires sont pourtant des programmes peu onéreux, au regard d'autres programmes.

Aujourd'hui, des chaines comme France 2 préfèrent faire du plateau télé, etdonc se concentrer sur du contenu de flux plutôt que sur du contenu de stock".8(*)

La télévision a subi un vieillissement de son auditorat, et a également appauvri sa ligne éditorial en terme de qualité, au profit d'émissions populaires, dans le but de conquérir un autre public, guidé par des annonces publicitaires, que l'on doit absolument mettre en avant car elles servent à financer ces même programmations.

En 2016, 2253 heures ont été produites par 503 sociétés de production. L'audience du documentaire à la télévision représente 10% dans la consommation des spectateurs.9(*)

Situation du tournage documentaire.

Thierry Aguila a réalisé des documentaires comme Hôtel de Police Marseille (2013), Judo la voie de la souplesse (2016),Jeans, une planète en Bleue (2010).

Il a vraiment vu une évolution de la conception du documentaire depuis le début de sa carrière. "J'ai réalisé une série documentaire à la fin des années 90. Nous étions cinq à partir en tournage. Les équipes se sont considérablement réduites depuis les années 2000, comme les budgets documentaires en règle général. Je considère, qu'aujourd'hui, être trois en documentaire est un luxe."10(*)

Il y a quelques années, on lui a proposé la réalisation d'une série documentaire pour la télévision sur les pompiers de Marseille. Il a refusé après avoir pris connaissance des conditions: cinq jours de tournage sans techniciens, dix jours de montage et deux jours de mixage pour produire un film de 52minutes.

Il a la sensation que la plupart des réalisateurs de documentaire de nos jours ne sont plus des auteurs mais des journalistes qui n'ont souvent aucune formation au son et à l'image.

Leur travail est essentiellement lié au contenu, au détriment de la mise en formede celui-ci.

"Certain réalisateurs portent leur projet depuis des années. Pour que le film se fasse, ils sont obligés de s'occuper seul de l'image, du son, de la réalisation, et du montage."11(*)

I.1.3 La rémunération des auteurs et techniciens.

Thierry Aguila a décidé de calculer le temps réelqu'il a passé à travailler sur ces deux derniers films documentaires. Temps de préparation, temps d'écriture, temps de rencontre avec les personnages, et temps de tournage : sa rémunération était en dessous du smic.

"L'année dernière, j'ai écrit quatre épisodes pour la série Netflix Marseille, avec un seul épisode en tant que scénariste, et j'ai gagné deux fois plus qu'en réalisant les deux documentaires.

Avant l'argent venait des chaines, mes documentaires passaient dans La case de l'oncle Doc sur France 3 National, et on pouvait générer de l'argent avec la Procirep(Société des producteurs de cinéma et de télévision).

Avant France 3 national diffusait trente-huit documentaires produits en région; aujourd'hui, elle en diffuse seulement 16."12(*)

Lorsque j'ai rencontré Jean-PierreCellard, je lui ai fait part de mes inquiétudes concernant la raréfaction de l'ingénieur du son en documentaire. Il m'a alors proposé un exemple : Un producteurreçoit les 12000 euros de France 3 région comme diffuseur et a l'apport du CNC, à peu égal à 10000 euros. Le producteur et le réalisateur ont donc 22000 euros pour produire le film. Ces 22000 euros vont permettre au producteur de payer le réalisateur les jours de tournage et les jours de post-production (équivalant à 20/30 jours). Le réalisateur touche également des droits d'auteur. Il doit aussi rémunérer les techniciens pendant les jours de tournage, et cela a un coût.Certaines sociétés de production décident alors de se passer d'ingénieurs du son, car en réduisant la masse salariale,elles peuvent se permettre une marge plus importante.

I.2 LE FINANCEMENT DU DOCUMENTAIRE EN REGION PACA

J'ai décidé de m'intéresser à la région Provence Alpes Côtes d'Azur car Marseille est ma ville natale. C'est la ville dans laquelle je veux évoluer professionnellement, ce qui ne m'empêchera bien sur de voyager au gré des projets qui me seront potentiellement proposés dans le futur.

A travers mes rencontres, j'ai eu le sentiment que la région PACA est un endroit sous-estimé, un peu "pris de haut" par les producteurs parisiens.

Pourtant, la ville a accueilli 502 tournages de longs et courts métrages en 2016. Un chiffre qui a été multiplié par cinq en dix ans.

"Favoriser ces tournages est l'un des axes de développement déployé par la municipalité. Il faut dire que l'enjeu économique est important. La Ville estime que les différents tournages ont généré plus 40 millions d'euros de retombées économiques en 2016. Quand un long métrage est tourné, les équipes restent parfois un mois, elles font vivre l'ensemble de la filière techniciens mais aussi l'hôtellerie, la restauration"13(*)(Séréna Zouaghi, dans La Provence).

Jean-PierreCellard m'a fait part d'une étude paru en 2010 qui s'intéresse aux retombées économiques du cinéma :

-1 euro de subvention en long métrage rapporte 6 euros.

-1 euros de subvention en série télé rapporte 15 euros. Plus Belle La vie (la série tournée à Marseille) est un bon exemple: la productionemploie deux cents techniciens toute l'année ; ils vivent à Marseille, achètent des appartements, et payent des impôts locaux.

-1 euros de subvention en documentaire rapporte 2 euros.

Les régions financent le documentaire pour la notoriété, mais savent pertinemment que ces films rapporteront moins que les séries télé.

Comme nous pouvons le voir, Marseille bouge, se dynamise, drague le long métrage, avec des missions de séduction sous forme de "Repère Tour" comme au salon AFCI Locations et Finance Global Show (le Salon international des lieux de tournages) à Los Angeles en avril 2017, où une délégation de professionnels du secteur s'est rendue, pour promouvoir les avantages de la ville et de sa région.

Avant de nous pencher plus précisément sur la viabilité du documentaire en PACA, il est intéressant de s'arrêter sur certains chiffres révélateurs de la situation en France :14(*)

-70% des auteurs de documentaires résident à Paris et en Île-de-France, alors que seulement 18% de la population y est recensé.

-En 2014, les entreprises de production documentaire établies en Île-de-France concentraient ainsi plus de 90% de la masse salariale et des effectifs de la production documentaire.

- L'activité de production documentaire est très concentrée géographiquement: 67% des entreprises de production documentaire sont établies en Île-de-France, Suivi des régions Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et PACA.

I.2.1 La centralisation du secteur audiovisuel

En 2015, 87% des 209 entreprises ayant produit du documentaire pour les chaînes nationales de France Télévisions et 88% des 116 entreprises ayant produit un documentaire pour ARTE France, étaient établies en Île-de-France.15(*)

"Aucune autre forme d'expression artistique n'a concentré à ce point son mode de financement et de décision : le théâtre, la danse, les musiques classiques ou actuelles, les arts visuels, l'architecture se financent de manière plus équilibrée, sur tous les territoires. Mais pour l'audiovisuel ou le cinéma, une seule région prime et tend à exclure les professionnels implantés hors d'Ile-de-France." 16(*)

Cet article date de 2012, et l'on peut voir que la question de la centralisation faisait déjà débat.La question de la centralisation concerne aussi la diversité de la création culturelle, une seule région ne peut représenter le point de vue, la sensibilité d'un pays entier.

Philippe Carrese est un réalisateur protéiforme arrivé à Marseille à la fin des années 80. Il considérait alors que la région pouvait vraiment être un contre point de qualité à Paris et à l'Île-de-France.

Ce qu'il regrette le plus aujourd'hui, c'est que les choses n'ont pas vraiment évolué: il y a toujours une centralisation extrême en France, concernant l'audiovisuel.

"Toutes les décisions se prennent à Paris par des Parisiens. Si tu n'es pas intégré à ce cercle, tu peux vraiment être vu comme un paysan en 2018"17(*)

Il estime que travailler avec des producteurs ayant une solidité financière est difficile à trouver en région. Pour lui, l'intérêt d'avoir un producteur de qualité, c'est d'éviter de faire tout le temps les mêmes films. Le producteur aura du recul par rapport au projet, et il deviendra alors un collaborateur essentiel.

Un autre problème rencontré en région est l'accès à un nombre de chaines réduites. Dans la région PACA, à part France 3 et Maritima, peu de chaines coproduisent du documentaire.

Il est à noter que l'activité économique des chaînes de télévision est largement concentrée en Île-de-France, où se situaient 76% des effectifs des chaînes généralistes et 82% des effectifs des chaînes thématiques et locales en 2014.18(*)

Toujours est-il que, compte tenu des écarts de financement entre chaînes publiques régionales et nationales, le rôle positif joué par les chaînes régionales ne suffit pas à asseoir une décentralisation du documentaire audiovisuel, pourtant synonyme de développement économique et de structuration des entreprises de production établies hors Île-de-France.

Pour Jean-PierreCellard, pour qu'une société de production puisse être pérenne en région, elle doit par exemple chercher des grosses co-productions. En effet, en multipliant les partenaires de financements, les producteurs multiplient la visibilité du film. C'est ce que font les Tambours de Soie, société de productionbasée à Marseille. Ils produisent quinze documentaires par an en collaborant avec ARTE et France 3 (ce qui leur permet également de mettre en chantier un film pendant qu'un autre est au stade de la diffusion).

I.2.2 Un problème qualitatif?

Depuis quelques années, en plus de son statut de chef opérateur du Son, Maxime Gavaudan s'est lancé dans la production de films en région au travers de sa société Bellavox.Il se dit déçu par la politique des collectivités en région Paca, qui soutenaient par le passé les réalisateurs Marseillais, mais qui aujourd'hui préfèrent soutenir des films ayantplus de visibilité.

Il considère que le manque de production en région n'est pas seulement du à la centralisation, mais aussi à la qualité des films produits. La nouvelle génération filme avant d'écrire le film ; il faudrait plus de formation en région pour promouvoir l'écriture et la production de films documentaires.

Ce manque de qualité se conjugue à un problème de volume de films produits. Selon lui, les sociétés de production devraient baisser leur marge qui tourne actuellement autour de 30%.

I.2.3 Un système parfait existe-t-il?

Lors de ma rencontre avec Jean-Pierre Cellard, j'ai pu échanger sur le système Français. Selon lui, il devrait évoluer, et se diriger vers le même type de système qu'en Angleterre : La BBC détient trois chaines nationale de télévision. Elle réalise et produit ses propres documentaires, sous trois lignes éditoriales différentes, traitant de divers sujets sociétaux (comme la drogue et l'homosexualité). Ses techniciens sont alors des fonctionnaires. Il n'y a pas de publicité, et les chaines sont financées par la redevance audiovisuelle payée par les anglais chaque année (ce qui représente 96% des revenus du groupe).

II. LE CHEF OPÉRATEUR DU SON EN DOCUMENTAIRE

Jean-Pierre Duret: "Quand on décide de faire une prise de son en documentaire, on a envie d'enregistrer le son du monde."19(*)

Nous nous intéresserons dans cette seconde partie aux missions que doit remplir l'ingénieur du son en documentaire. Au cours de cette présentation, nous décrirons l'équipement dont il a besoin pour mener à bien ses missions puis nous aborderons l'évolution de sa pratique et les relations qu'il entretient avec l'équipe de tournage.

Il faut cependant préciser un point important: l'ingénieur du son en documentaire travaille seul dans sa pratique du son, il n'a ni perchman avec lui ni de second assistant. Il se doit de remplir le cahier des charges de deux personnes: percher et mixer. Il est à la fois dans une écoute technique du son et dans une écoute discours-sensible.

Lors des entretiens menés dans le cadre de ce mémoire, un certain nombre de professionnels ne pouvaient détacher le travail de l'ingénieur du son en documentaire de celui de fiction. Ils considèrent en effet que les deux pratiques peuvent différer sur un certains nombres de points mais qu'au final, elles s'enrichissent mutuellement.

Un autre point important, cette partie n'est pas là pour généraliser la pratique du son en documentaire. Tous les ingénieurs du son sont différents, ils possèdent tous des caractéristiques qui leur son propres: techniques, artistiques, esthétiques. Cette partie rend compte de ma vision de la prise de son en documentaire et de celles d'ingénieurs du son qui ont accepté de me rencontrer.

"Il y a une dimension fondamentale dans le documentaire, c'est de se laisser porter par les évènements. On n'a moins les moyens de contrôler l'imprévu qu'en fiction. En fiction, on essaye d'éliminer les bruits parasites, des ambiances dérangeantes. On s'en remet au montage afin de pouvoir inter-changer chaque moment de tournage. On part d'une espèce d'aseptisation du milieu sonore que l'on a à rhabiller par la suite.

En documentaire, on travaille avec une matière sonore que l'on ne contrôle pas. On veut ce raccord entre le bain sonore et le sujet."20(*)(Henri Maikoff)

II.1. ÉVOLUTION DU MATERIEL DE PRISE DE SON

Maxime Gavaudan : "Toute l'astuce du documentaire: c'est d'avoir une légèreté d'équipement, de mobilité, de pouvoir être à la bonne heure, au bon endroit, pour tourner la bonne séquence. J'ai participé comme ingénieur du son à des documentaires ou l'image était plus belle que des films de fiction, pourtant, nous n'avions pas besoin de lumière additionnelle."21(*)

* 1CARRIER JEAN-PIERRE, Le dictionnaire du cinémadocumentaire, Paris, Vendemiaire, 2016, 566p, p7

* 2MAURO Didier, Praxis du cinémadocumentaire, Paris, Publibook, 2013, p312

* 34MAURO Didier, Praxis du cinémadocumentaire, Paris, Publibook, 2013, p313

* 5CARRIER JEAN-PIERRE, Le dictionnaire du cinémadocumentaire, Paris, Vendemiaire, 2016, 566p, p14

* 6Article: Le documentaire télévisé : les enjeux d'une définition controversée",ina-expert, 01/07/2013,

* 7 Le Marché du documentaire en 2016, CNC, 2017

* 8 Entretient avec Jean-Pierre Cellard le 28/01/2018

* 9Le Marché du documentaire en 2016, CNC, 2017

* 10 Entretient avec Thierry Aguila 17/01/2018

* 11Ibid

* 12Ibid

* 13 Article "Marseille, l'effet cinéma", La Provence, 30/08/2017

* 14 Association, Films en Bretagne, union des professionnels, 2017

* 15Ibid

* 16 Article de Groupes de professionnels de l'audiovisuel et du cinéma, "L'audiovisuel, territoire oublié de la décentralisation", next-libération.fr, 19/09/2012

* 17 Entretient avec PhillipeCarrese le 07/02/2018

* 18 Association, Films en Bretagne, union des professionnels, 2017

* 19 Entretient avec Jean-Pierre Duret le 16/01/2018

* 20 Entretient avec Henri Maikoff le 14/02/2018

* 21 Entretient avec Maxime Gavaudan le 02/02/2018

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille