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La place de l'ingénieur du son dans le cinéma documentaire

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par Raphaël Roche
Université Aix-Marseille Université, Département SATIS - Spécialité Ingénierie de la création et de la réalisation sonore pour le film, la vidéo, le multimédi 0000
  

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III.1.2 Une profession en voie de disparition?

Une démocratisation du matériel de tournage.

Depuis le début des années 2000, le développement des caméras numériques a permis aux réalisateurs de tournerleurs films à moindre coût.

Les journées de tournage ont également évolué. Yves Capus m'a expliqué que quand des films étaient tournés en pellicule, la limite était fixée par la quantité de pellicule disponible. Maintenant, la limite dépend de ce que l'équipe peut enregistrer durant la journée de tournage.

Dans La gueule de l'emploi, documentaire réalisé en 2011 par Didier Cros, le réalisateur s'intéresse à une session de recrutement organisée par le Cabinet RST Conseil pour le groupe GAN. L'ingénieur de son Vincent Magnier m'a raconté que le réalisateur lui a demandé de poser 24 micros-cravates. ; Le multipistes permettant aujourd'hui de travailler comme sur des émissions de téléréalité, tout le monde est alors équipé d'un micro-cravate (dissimulé sous les vêtements) et la perche est relayée au second plan. Le réalisateur n'a alors qu'à réécouter toutes les pistes pour monter son film.

Ces dernières années, l'appareil photo ou DSLR comme le Panasonic GH ou le Sony Alpha 7, ont largement changé les codes, de par leur faible encombrement et leur qualité d'image, pour des appareils ne dépassant pas les quelques milliers d'euros. Tout est au rendez-vous: viseur électronique, zébra, peaking, zoom numérique et des formats d'enregistrement à ne plus en finir.

Certaines marques ont même mis au point des systèmes son qui viennent directement s'intégrer sous le boitier.

La marque américaine Tascam propose le DR-701D, enregistreur audio de quatre canaux, avec déclinaisons d'échantillonnages. La machine est capable d'enregistrer simultanément deux fichiers avec des niveaux de modulation différents, sécurité intéressante pour éviter l'écrêtage numérique. Il propose aussi une entrée time code et un générateur SMPTE. La fonction HDMI permet d'activer automatiquement l'enregistrement audio sur le Tascam en appuyant sur le bouton Rec de l'appareil photo. Le prix de ce boitier son est de 499euros.

Nous sommes loin d'un enregistreur X2 de chez CANTAR ou du R4+ de chez SONOSAX, qui peut coûter vingt fois plus cher, pour les raisons évoquées dans la partie II de mon mémoire.

Ce système image-son est peut être une bonne alternative pour un réalisateur qui part faire des repérages tout seul, et qui veut garder une trace.

Une marque spécialisée dans les micro haut de gamme, DPA, a décidé de diversifier son offre en produisant une nouvelle interface audio numérique le D:VICE MMA-A. Cette Interface se branche sur un Iphone et se contrôle avec une application gratuite. Ce Système a été conçu pour les journalistes mobiles étant à la recherche d'une solution performante et simple d'utilisation en situation d'interview ou lors d'une session d'enregistrement d'ambiances stéréo.

La liste est longue...Sound Devices, basé dans l'état du Wisconsin a également sortie le MIX PRE qui se décline sous plusieurs formes (MixPre 10T, MixPre 10M). Pour des tarifs plus que compétitifs, l'utilisateur sera en mesure d'enregistrer des ambiances multicanal, avec un enregistreur très compact.

Nous pouvons donc en conclure que d'une certaine manière, la démocratisation de ces machines performantes à moindre coût, permet de donner au Son une visibilité, voir même un intérêt nouveau. Cependant, elles ne pourront tout de même pas totalement remplacer l'ingénieur du son et son travail.

Une évolution de la post-production.

La post-production a elle aussi connu un tournant ces derniers années, avec des plugins qui ont considérablement fait bouger les choses.

IzotopeRx est un brillant exemple d'application destinée à la télévision, journal télévisé, documentaire, reportage et cinéma.

Pour Pierre Alain Mathieu, Izotope a permis de changer le rapport au fond sonore, de nettoyer la voix des personnes filmées. Cela rend le travail moins compliqué, surtout en fiction, car il est maintenant possible de faire des prises de sons dans différents types environnements. Par exemple, les chefs opérateurs se ne préoccupent plus des sifflantes des HMI (Lampes Aux Halogénures métalliques)

Aujourd'hui, les différents modules présents sur la suite RX de la marque américaine Izotope permettent, par exemple, d'atténuer les bruits produits par le vent sur la capsule du micro.

Une autre innovation appelée "Dé-rustle", permet d'amoindrir des frottements du micro-cravate sur les vêtements.

L'option la plus connue, appelée le "De-noiser",  permet de creuser la dynamique utile entre la voix et les ambiances, pour permettre au monteur son de monter ses "directs" de la façon la plus pertinente qu'il soit.

Il faut cependant reconnaitre que ce genre d'action a un impact sur les fréquences utiles qui composent la voix.

Quant au plugin Unveil de la marque Zynaptiq, il permet de retravailler une voix enregistrée dans un milieu très réverbérant.

La pertinence de ce genre de plugin de dernière génération n'est pas à remettre en question, car ils permettent aux monteurs et aux mixeurs d'avoir plus de souplesse dans leurs pratiques. Néanmoins, elles ont causé du mal à la profession de l'ingénieur du son, car beaucoup de boites de productions y ont vu une opportunité de se passer des ingénieurs du son, avec comme objectif de baisser les coûts du tournage.

L'ingénieur du son "Casse Gueule».

Comme nous venons de le voir, l'apport technique de certaines solutions de post-production n'a pas rendu service au preneur de son, que ce soit en documentaire ou en reportage.

Le fait que la place de l'ingénieur du son se soit raréfiée ces dernières années a eu pour conséquence qu'ils peuvent être aujourd'hui embauchés pour des séquences plus "casse gueule".

Le preneur de Son est appelé par la production pour intervenir dans des situations très spécifiques comme sur une séquence où, dans un contexte très bruyant, un micro canon posé sur la caméra ne suffira plus ; son expertise en prise de Son peut être également nécessaire sur une séquence de réunion à plusieurs personnages.

Cependant, son implication est tout de même réduite sur le film. Il est dans une sorte de sauvetage du propos et du discours. Il arrive en plein tournage et repart avant la fin. Disons qu'il est appelé à la rescousse pour son expertise sonore.

Cédric Genet avoue que passer cinq jours sur un projet au lieu de dix-neuf va certainement faire baisser le degré d'investissement. L'implication émotionnelle n'est pas la même non plus, un sentiment de frustration dans la manière de travailler pouvant apparaître, mais il faut tout de même réussir à donner entière satisfaction au réalisateur, pour lui permettre de faire son film dans les meilleures conditions.

Vincent Magnier reconnait que dans son cas, s'il est appelé en renfort pour quelques jours sur un documentaire, il délivrera moins d'ambiances et de son seuls au réalisateur.

"J'ai une moins bonne connaissance du sujet donc je vais avoir tendance à être un peu moins impliqué. J'ai par le passé participé à de nombreux films historiques où il nous arrivait de partir en tournage trois semaines d'affilée. Dans ces conditions, tu as le temps d'enregistrer des ambiances qui serviront le propos du film"52(*)

Est-il important pour le preneur du son de montrer qu'il est une plus-value sur le projet ? Que sa présence est pertinente et indispensable ? Selon Yves Capus, vu le financement du documentaire de nos jours, si un réalisateur a exigé la présence d'un technicien son, c'est indéniablement qu'il a des envies passant par le son. Dans ce cas là, il faudra bien mettre en avant ses compétences, et démontrer que le rôle de l'ingénieur du son est essentiel (dans une situation délicate à tourner par exemple).

Yves Capus s'est déjà senti comme un commercial du son que l'on appelle soit pour des raisons pratiques soit pour des raisons de "prestige".

La place de l'ingénieur du son en documentaire est toujours à remettre en question, les projets changent, les dispositifs de réalisation évoluent au gré des films, ainsi que les enjeux. Pour Pierre Alain Mathieu "Le preneur de son doit réfléchir à la place qu'il veut avoir dans une équipe de tournage, mais il doit aussi réfléchir à la place que l'on veut bien lui accorder. C'est un processus à réinventer tous les jours"53(*),les choses n'étant pas figées.

La nécessité de polyvalence pour l'ingénieur du son?

Le tournage documentaire se raréfiant, l'ingénieur du Son peut se tourner vers d'autres activités toujours dans le Son, son domaine d'application.

Dans la post-production par exemple. En effet, celle-ci va lui permettre d'apprendre une plus grande compréhension des limites de sa prise de Son en tournage.

En y participant, cela peut lui donner un autre regard sur le tournage. En connaissant le travail du monteur et du mixeur Son, cela va renforcer ses connaissances, notamment les limites à ne pas franchir en tournage.

Connaitre la post-production permet aussi une interaction plus pertinente avec le monteur image: back-up, arborescence, classement, gestion des métadonnées.

Cette connaissance de la post-production permet à Yves Capus de ne pas se créer d'enjeux insignifiants et de ne se focaliser que sur ce qui est essentiel. Il a par exemple décidé de ne plus faire d'ambiance raccord connaissant les possibilités de Pro Tools. Cependant, en fiction, il se bat toujours pour avoir trente secondes de silence avant le clap.

III.2. LE RÉALISATEURCHEF D'ORCHESTRE.

Guy Gauthier :"Pour les documentaristes qui partent seuls aujourd'hui avec une caméra numérique légère, capable d'enregistrer les images et les sons dans des circonstances peu favorables, tout en disposant d'une économie appréciable, l'évocation de l'équipe dite "groupe synchrone léger" telle qu'elle commençait à fonctionner il y a quarante ans, apparaitra comme relevant de la préhistoire d'un cinéma qu'on a pris l'habitude d'appeler direct parce qu'il s'efforce de supprimer toute médiation entre le cinéaste et le sujet filmé."54(*)

De nombreux films se tournent aujourd'hui avec un réalisateur qui part tout seul sur le terrain, tel un JRI. Il compose son cadre, pose les micros cravates lui-même, gère les problèmes techniques, pensent à sa mise en scène et est dans le relationnel avec ses personnages.

Cela paraît compliqué de gérer autant de paramètre tout seul, pourtant, le réalisateur peut décider de partir coûte que coûte en tournage et de remplacer à lui seul, une équipe de terrain.

III.2.1Remplacer l'équipe de tournage

Raisons Financières.

LaurentLafran suppose qu'une des choses les plus difficile à faire comprendre à une boite de production, c'est qu'il est difficile d'écouter et de regarder en même temps.

Cependant, certains réalisateurs s'en sortent bien seul. Dennis Gheerbrant est un bon exemple: avant de devenir réalisateur de documentaire, il était opérateur de prise de vue. De part son expérience de terrain, on peut s'imaginer qu'il aura moins besoin de regarder, qu'il va cadrer naturellement, et donc avoir plus de place à laisser à l'écoute.

Comme il le précise, "Quand je filme seul, ce qui m'intéresse, c'est de casser le flux du vécu : on est dans une relation, on interrompt la relation, et on entre dans un film. Mon regard ne soutient plus la relation. C'est le fait de filmer qui est la relation. C'est violent, c'est beau et c'est fort, et là on fait un film pour les autres qui n'est jamais l'enregistrement d'une relation."55(*)

Il a donc réussi à tourner à son avantage le fait d'être le seul lors de la réalisation de son film.

Cependant, le fait de tourner seul peut clairement contraindre la mise en scène.

Pour Pierre Alain Mathieu, le fait de ne pas avoir d'équipe a pour conséquence des contraintes du point de vue cinématographique, dans le sens où on ne peut plus répondre correctement à différentes formes d'imprévue, n'ayant pas de soutient derrière.

Raisons relationnelles.

Certains réalisateurs de documentaire partent seul pour des raisons de relationnel avec les gens, leur but étant de créer une certaine complicité avec les personnages de leurs films.

Jean-Pierre Duret est un chef opérateur du son spécialisé dans la fiction, récompensé au césar pour sa prise de son sur Michael Kohlhaas (2013) de Arnaud Des Pallières.

En parallèle de sa carrière de preneur de son, il réalise des films documentaires. Se battre est sorti en 2014.

Pour lui, le plaisir de faire du documentaire se trouve dans l'acte d'écouter, mais surtout, de filmer soi-même. Il cadre à l'oeilleton, faisant corps avec la caméra, et trouve la forme que va prendre son film au fur et à mesure du tournage.

"On ressent d'une manière beaucoup plus importante quand on filme soi-même la justesse de ce que nous sommes entrain de filmer ou non. On le ressent physiquement. Je suis le premier spectateur, si j'étais à côté, cela ne serait pas la même chose. Il me faut cette liberté de pouvoir moi-même décider de mes mouvements de caméra; cela me permet de me laisser emporter par mes intuitions."56(*)

Etant lui-même technicien, il a conscience des problématiques que celui-ci peut rencontrer: l'impatience, parfois le découragement, la peur du vide, l'envie de s'occuper.

"Je connais cette peur du vide en tant que technicien et je veux être seul à l'éprouver au moment du tournage. Dieu sait qu'elle existe souvent en documentaire, c'est assez dur à vivre.Il nous arrive en tant que réalisateur de parfois tourner pour rien, pour nous rassurer. C'est aussi une raison d'être peu nombreux, pour pouvoir accéder à quelque chose de différent. On se fond plus facilement."57(*)

Lors de mes entretiens, il m'est arrivé de demander aux professionnels s'ils comprenaient qu'un réalisateur puisse se passer d'un preneur de son.

La réponse que j'ai obtenue de Pierre Alain Mathieu est intéressante: il considère que l'acte de filmer n'est pas une relation binaire, du réalisateur au personnage. Faire un documentaire, c'estcréer dans des relations triangulaires qui rendent le film possible.

Il reconnait également les côtés négatifs inhérents à chaque équipe de tournage: moins de place, plus de temps de préparation et les tensions possibles. Dans le milieu du documentaire, on peut être vexé, blessé, mais le fait de ne pas avoir d'équipe de tournage ne résout pas ces éventuels problèmes rencontrés.

Frederic Salles pense qu'il n'y a pas de règle, ce n'est qu'une question d'habitude. "L'enjeu de mon travail en documentaire, c'est précisément de faire en sorte que la personne filmée m'accepte. Une fois que ma place est assumée et approuvée, le micro trouve sa place tout seul. C'est exceptionnel quand tu réalises que les personnages sont proches de ce qu'ils sont vraiment."58(*)

Godefroy Georgetti m'a aussi expliqué que pour les boites de productions, tourner sans ingénieur du Son permet de faire de grosses économies. En ce mettant à la place du producteur, il comprend que celui-ci puisse offrir plus de temps au réalisateur afin de tourner des séquences en plus grand nombre.

III.2.2.Quel impact sur la qualité des films?

Comme nous l'avons vu, des solutions techniques existent pour que le réalisateur puisse partir tout seul en tournage. Certains réalisateurs ont conscience des difficultés que cela représente de tourner en solo.

Des solutions techniques pour le tournage.

Emmanuel Desbouiges m'a dit que, la première chose qu'il faisait lorsqu'il devait tourner sans ingénieur du son, c'était de rencontrer en amont un technicien et de lui demander de l'aide et des conseils sur le matériel et les différentes techniques à utiliser lors de son tournage. Cédric Genet me l'a d'ailleurs confirmé, en m'expliquant que, sachant qu'il n'y pas besoin d'avoir un ingénieur du son sur tous les films (d'un point de vue esthétique ou économique), il lui arrive d'avoir la visite de réalisateurs devant travailler seuls sur un tournage. Il essai alors de leur trouver un système de prise de son multipistes, avec une synchronisation Image/Son facilitant leur travail.

Il utilisera alors ces conseils autour de ce qu'il va filmer et selon les moyens qu'il aura en sa possession. En général, Emmanuel Desbouiges pose sur sa caméra un micro très directif comme le Sennheiser MKH80-50, et il s'est équipé au préalable d'une bonne suspension et d'une bonnette anti-vent. Il admet cependant, que même en ayant appris à équiper les personnages de micro-cravate, le preneur de son est difficile à remplacer. Mais on en revient toujours au fait que pour les productions et les diffuseurs, c'est quelque chose de sensible, et que le budget n'est pas forcément présent.

Cédric Genet: "Je ne suis pas dogmatique, il n'y a pas besoin d'avoir d'ingénieur du son sur tous les films.Cette volonté de travailler seul est soit esthétique soit est purement économique. Dans ces moments-là, je peux me poser des questions sur le travail de pré-production"59(*)

Sur Se Battre (2014) Jean-Pierre duret a expérimenté un couple MS de taille miniature qu'il pose sur le devant de sa caméra.

Il considère qu'en tournage documentaire, c'est la situation qui dicte la manière de se comporter, et ce qui prime c'est l'efficacité.

"Le couple MS est un micro mono couplé à un micro en 8. Cela me permet de préserver la parole. Quand je suis entrain de filmer quelqu'un qui parle et que je décide à un moment donné d'aller filmer son interlocuteur entrain de l'écouter, la parole de celui qui parle est préservé, la bidirectionnalité du micro prend la relève.Plus on est simple en documentaire, plus on est focalisé sur l'unique intérêt qui est le sujet du film et la manière dont on va essayer de filmer ceux que l'on va rencontrer."60(*)

Le travail de post production.

Durant mes rencontres avec les professionnels, j'ai noté qu'il était également important de parler du rôle des monteurs Son/mixeur, qui se doivent de travailler sur des films où souvent, le son a été délaissé. Je me suis donc interrogé sur le travail de post-production sur un film documentaire sans ingénieur du son.

Ce qui est souvent revenu, c'est le travail nécessaire de restauration du discours, dans le but de rattraper les erreurs, pour que la parole soit intelligible. Cela constitue d'ailleurs la majeure partie du travail du monteur Son, avant d'ajouter des ambiances ou des sons seuls.

Pour Sébastien Crueghe, le fait d'avoir un ingénieur du Son en tournage, permet lors du travail en post-production de s'occuper d'ajouter de la valeurs au support, plutôt qued'être dans un sauvetage du discours. Il détaille ce qui lui est déjà arrivé: "Je passe un certains temps sur Izotopeà "de-noiser" la voix en préservant son intégrité. Il m'est arrivé qu'après cette étape, je fasse marche arrière. En réécoutant la voix avant "de-noise", j'ai constaté que cela sonnait creux, sans matière. Il se passe un peu la même chose quand il m'ait demandé de casser des réverbérations. Dans ces moments de sauvetage, je conseille au réalisateur de ne pas venir les deux premiers jours."61(*)

Cédric Genet concède qu'il a déjà du discuter avec des réalisateurs de l'éventualité de sous-titrer certains passages de leur film.Cela peut être rédhibitoire par rapport aux diffuseurs et par rapport aux personnages présents dans le film.

Pousser trop loin le travail de "De-noise" peut avoir comme répercussion la perte des ambiances. Le monteur son est alors obligé de rajouter des ambiances pour que le spectateur ne sente pas l'artifice.

Il faut bien sûr ne pas généraliser le documentaire, certains films de témoignage au dispositif fixe tournée en studio peuvent éventuellement se passer de preneur de son.

Endiguer la situation?

A France 3 Marseille, les mixeurs et monteurs envisageraient de stopper leur collaboration avec les films produits sans techniciens. Pour Cédric Genet; le fait de diffuser des films moyens techniquement dessert complètement le film et le travail des techniciens. Quelle image peut avoir le spectateur d'un documentaire diffusé en province dans lequel la moitié des voix est inaudible?

"Le producteur a rédigé un budget prévisionnel pour percevoir des subventions, dans son calcul, le poste de l'ingénieur du son a été budgétisé. Puis plus tard, le réalisateur t'informe qu'il a tourné son film tout seul. Est-ce que l'aide à l'industrie est pertinente pour des projets ou l'argent a été utilisé d'une autre manière que celle prévu? le propos est peut-être noble mais il faut quand même que le réalisateur et le producteur aient un minimum d'exigence technique.62(*)(Cédric Genet)

Jean-PierreCellard estime qu'il vaut mieux ne pas faire de films si les conditions ne sont pas réunies pour produire une oeuvre de qualité. "Je suis persuadé qu'à France 3 par exemple, à un moment, ils vont dire au producteur qui n'emploie pas d'ingénieur du son, que ce n'est plus possible de livrer ce genre de films.Si le producteur pense plus à l'argent qu'il va économiser en se passant de techniciens qu'à la qualité du film, on ne viendra pas le chercher pour le prochain. Ne pas avoir un minimum d'exigence de qualité, c'est se cantonner à un registre qui ne peut que s'appauvrir, ce n'est pas une bonne idée entrepreneuriale.Peut-être que ce ras le bol pourrait venir des techniciens, rassemblés en association. Des réalisateurs se sont bien révoltés contre le salaire des premiers rôles dans le cinéma il y a deux ans."63(*)

CONCLUSION

Le film documentaire est un genre cinématographique et télévisuel existant depuis la fin du XIXème siècle. Il intéresse toujours autant de nos jours, de part sa diversité et ses formes hybrides, et est accessibleà un public assez éclectique.

Bien que le documentaire peine à trouver des financements, la télévision n'investissant plus autant qu'avant dans la production de films par exemple, les réalisateurs se risquent à tourner seuls, ce qui conduit à des films forts, mais où la qualité technique n'est pas toujours au rendez-vous, les équipes de tournage étant réduites.

Nous avons aussi vu qu'une centralisation trop rigide de l'audiovisuel français empêche les régions au fort potentiel technique et artistique de pérenniser leurs offres d'emploi et de collaborations. Paris et plus généralement l'Ile-de-France, semblent être le "Hub" du milieu documentaire (et plus généralement cinématographique), mais d'autres régions de France n'auraient-elles pas tout autant à offrir?

Nous nous intéressions plus précisément à la place de l'Ingénieur du Son dans le documentaire, et nous avons pour constater qu'il être un collaborateur essentiel dans la réalisation d'un film.

Ses compétences techniques et relationnelles sont nécessaires durant toutes les étapes du tournage; nous pouvons penser qu'il sera un réel partenaire de chemin, que ça soit pour le réalisateur, l'équipe technique, ou encore les personnages du film.

Son matériel de prise de Son a également évolué au cours des années, lui permettant d'être plus performant dans son travail, de proposer et de fournir au réalisateur des ambiances précises et des suggestions pour le montage.

Pourtant, durant mes recherches, j'ai pu constater que son statut n'était pas toujours acquis. Les difficultés économiques rencontrées par les sociétés de production en région lui permettent seulement d'intervenir occasionnellement sur des tournages, voir d'être remplacé par des nouveaux systèmes techniques.

Pour continuer à vivre de sa passion, l'ingénieur du Son se voit dans la nécessité d'acquérir de nouvelles compétences et d'être polyvalent. Sa place sur le tournage n'étant plus forcément acquise, il en trouvera peut-être une en post-production.

SOURCES ET RÉFÉRENCES

Ouvrages, Thèses, Mémoires & Rapports

GAUTHIER Guy, Le documentaire un autre cinéma, Brochet, Paris, 2011, 315p

LIOULT Jean Luc, À l'enseigne du réel. Penser le documentaire, Aix-en-Provence, Presses de l'Université de Provence, 2004, 175p

NINEY François, Le documentaire et ses faux-semblants, Paris, Editions Klincksieck, 2010, 207p,

NINEY François, L'épreuve du réel à l'écran, Paris,Deboeck, 2002, 347p

NOUGARET Claudine, Le son direct au cinéma,?Paris, Institut de formation pour les métiers de l'image et du son, 1997, 223p

MAURY Corinne, Habiter le monde Eloge du poétique dans le cinéma du réel, Paris, YellowNow, 2011. 190p

MAGNIER Vincent, Guide de la prise de son pour l'image, Paris, Dunod, 2011, 256p

THOUARD Sylvie, Le son documenté, Paris, Association La Revue Documentaires, 2007, 190p

CAILLET Aline, Dispositifs critiques : le documentaire, du cinéma aux arts visuelsRennes : Presses universitaires de Rennes, 2014, 146p

GAUTHIER Guy Le documentairepasse au direct, Montréal, VLB, 2003, 210p

RAFFARD Jean Philippe, Profession producteur, Paris, Dixit, 2004, 232p

MAURO Didier, Praxis du cinémadocumentaire, Paris, Publibook, 2013, 692p

MAGNIER Vincent, Pratique des liaisons HF pour la prise de son et la sonorisation, Paris, Dunod 2014, 224p

CAPLAIN Robert, Techniques de prise de son, Paris, Dunod, 2017, 208p

BALIBAR Lucien, La chaine du son au cinémaet à la télévision, Paris, Dunod, 2015, 320p

CARRIERJEAN-PIERRE, Le dictionnaire du cinémadocumentaire, Paris, Vendemiaire, 2016, 566p

Articles de presses & Blogs

Article de HELIE Roland, "Le Documentaire dans la tourmente", Auteurs-aquitaine.fr, 24/08/2015, En ligne: http://www.auteurs-aquitaine.fr/le-documentaire-dans-la-tourmente-entretien-avec-anna-feillou-dans-les-fiches-du-cinema/

Article de INCONNU Marc, "9 solutions pour financer un film (dont 3 radicales), cineaste-indépendant.fr, 01/06/2016, En ligne: https://cineaste-independant.fr/9-solutions-pour-financer-un-film-dont-3-radicales/

Article de COLLAS Gérald, "Le financement d'un genre en mal de définition", ina-expert.com, 01/09/2013, En ligne: https://www.ina-expert.com/e-dossier-le-documentaire-un-genre-multiforme/le-financement-d-un-genre-en-mal-de-definition.html

Article de Groupes de professionnels de l'audiovisuel et du cinéma, "L'audiovisuel, territoire oublié de la décentralisation", next-libération.fr, 19/09/2012, En ligne: http://next.liberation.fr/culture/2012/09/19/l-audiovisuel-territoire-oublie-de-la-decentralisation_847448

Article de BACHMANN Sophie, "Les réformes de l'audiovisuel depuis 1974", persee.fr, 01/01/1990, En ligne: http://www.persee.fr/doc/quad_0987-1381_1990_num_10_1_1312

Article de REPITON Isabelle, "Le documentaire cherche sa voie dans un paysage télévisuel mutant", ina-expert, 01/08/2013, En ligne: https://www.ina-expert.com/ina-expert/site-fr/ina-expert-ac/publications/e-dossiers-de-l/e-dossier-le/le-documentaire-cherche-sa-voie-dans-un-paysage-televisuel-mutant

Article de BARREAU-BROUSTE, "Le documentaire télévisé : les enjeux d'une définition controversée",ina-expert, 01/07/2013, En ligne https://www.ina-expert.com/e-dossier-le-documentaire-un-genre-multiforme/le-documentaire-televise-les-enjeux-d-une-definition-controversee.html

Article de LATOUR Karen, "Marseille, l'effet cinéma", La Provence, 30/08/2017, En ligne: http://www.laprovence.com/article/edition-marseille/4597253/marseille-leffet-cinema.html

Dossier de Association, Films en Bretagne, union des professionnels, "Production documentaire; un regard hexagonal", 2017, En Ligne: http://filmsenbretagne.org/publication/

Dossier du CNC "le marché du documentaire en 2016" CNC, 2017, En ligne: http://www.cnc.fr/web/fr/publications/-/ressources/12165425

PROFESSIONNELS RENCONTRÉS

Par ordre alphabétique: Thierry Aguila, Pierre Armand, Yves Capus, PhillipeCarrese, Jean-PierreCellard, Sébastien Crueghe, Emmanuel Desbouiges, Jean-Pierre Duret, David Diouf, Maxime Gavaudan, Baptiste Geffroy, Cédric Genet, Godefroy Georgetti, Laurent Lafran, Vincent Magnier, Henri Maikoff, Pierre Alain Mathieu, Fréderic Salles.

RÉSUMÉ

Ingénieur du son en documentaire: une place vraiment indispensable?

Le documentaire connait actuellement une crise de financement. Les réalisateurs ont toujours l'ardent désir de réaliser leur projet mais ont moins de financement pour le faire dans de bonnes conditions. Ils décident de tourner leurs films coûte que coûte dans une économie précaire, parfois sans place pour une équipe de tournage. Le métier de preneur de son en documentaire est un métier passionnant, complexe et exigent. Cependant il a connu un profond changement, beaucoup de projets le mettent à l'écart pour de multiples raisons.

Mots clés

Documentaire, Preneur de son, Ingénieur du son, Preneur de son-réalisateur,

Dispositif filmique, Relationnel, Collaborateur

SUMMARY

Sound engineer in Documentary: an essential element?

The documentary movie industry actually knows a financial crisis. Even if filmmaker want to carry out their project, it's really hard for them to find financing sources, and inevitably, it will be difficult to achieve their projects it in good condition.

If they finally decided to do it, they won't necessarily have finances to pay for a correct filming team, and have to do sacrifice.

The sound engineer in the documentary is a fascinating profession, complex and challenging. However, it's also a moving profession, which known a lot of change, good ones, like the evolution of their equipment and their position in the team for example, but also bad one, because a lot of project put them apart for different reason, like a financial problem and the budget cut for directors.

Key words

Documentary, Economy, Sound engineer, Director, Movie plan, Relational, Collaborate.

* 52 Entretient avec Vincent Magnier le 24/01/2018

* 53 Entretient avec Pierre Alain Mathieu le 19/01/2018

* 54GAUTHIER Guy Le documentairepasse au direct, Montréal, VLB, 2003, 210p, p7

* 55Les stratégies de réalisation documentaire (Leçon7) https://www.canalu.tv/video/tcp_universite_de_provence/les_strategies_de_realisation_documentaire_penser_le_cinema_documentaire_lecon_7.6972

* 56 Entretient avec Jean-Pierre Duret le 08/02/2018

* 57Ibid

* 58 Rencontre avec Fréderic Salles le 08/12/2017

* 59 Entretient avec Cédric Genet le 16/01/2018

* 60 Entretient avec Jean-Pierre Duret le 08/02/2018

* 61 Entretient avec Sébastien Crueghe le 14/02/2018

* 62 Entretient avec Cédric Genet le 16/01/2018

* 63 Entretient avec Jean-PierreCellard le 28/01/2018

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand