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Analyse critique de la crise de l'éducation scolaire chez Ivan Illich.


par Emmanuel De Marie MUSA MBWISHA
Institut Supérieur de Philosophie/KANSEBULA - Graduat en philosophie 2020
  

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2.2.2. L'école comme aliénation de l'humanité

L'école ne représente pas seulement la nouvelle religion planétaire, c'est également le marché de l'emploi qui se développe le plus vite. La production des consommateurs est devenue un secteur florissant de l'économie. L'école ouvre des perspectives illimitées à un gaspillage considéré comme légitime tant que l'on ne s'apercevra pas de ses effets nocifs, et alors même que le prix des remèdes palliatifs est en hausse constante. Il suffit d'additionner le nombre des enseignants et des élèves pour s'apercevoir que cette prétendue superstructure est devenue le principal employeur de notre société. Dans le schéma traditionnel, l'aliénation était une conséquence directe du travail considéré comme une activité salariée. L'homme était alors privé de la possibilité de créer et d'être re-créé. Maintenant, les jeunes sont préaliénés par une école qui les tient à l'écart du monde, tandis qu'ils jouent à être à la fois les producteurs et les consommateurs de leur propre savoir, défini comme une marchandise sur le marché de l'école.

Avec cette sorte d'éducation, l'homme ne trouve plus le courage de grandir dans l'indépendance, il ne trouve plus d'enrichissement dans ses rapports avec autrui, il se ferme aux surprises qu'offre l'existence lorsqu'elle n'est pas prédéterminée par la définition institutionnelle. Tout mouvement de libération de l'homme ne saurait plus passer maintenant que par une déscolarisation.99(*) Le monde, source véritable de connaissance, se trouve à l'extérieur de la salle de classe, même si cette dernière fait partie du monde. Nous ne pouvons simplifier la connaissance, l'isoler des dynamiques réelles socio-économiques, culturelles et politiques du contexte éducatif et l'enseigner de manière verticale, répétitive, et mémorisante.100(*)

Si nous choisissons de nous taire et d'accepter le postulat selon lequel le savoir est une marchandise qui, dans certaines conditions, doit être vendue de force au consommateur, nous sommes prêts à nous soumettre à la domination sans cesse plus pesante des gestionnaires totalitaires de l'information et aux funestes parodies d'école qu'ils nous préparent.101(*) L'école aliène la société, elle réduit le jeune jusqu'à en faire un objet du processus de production, elle intériorise la comptabilité capitaliste ; elle programme une foi absurde : - elle aliène la vie quotidienne, monopolisant l'éducation et enlevant au travail son fruit le plus insigne, celui qui devrait être la formation continue du travailleur et l'occasion constante pour lui de participer à l'élaboration de son propre milieu. Elle inculque la passivité à l'élève, le convainquant de sa dépendance vis-à-vis du maître ainsi que de son incapacité à stimuler l'apprentissage chez les autres. Pour dépasser la dépendance vis-à-vis de l'école, nous avons besoin de lois qui interdisent la discrimination, dans la politique des emplois, basée sur l'assiduité préalable à l'école. Une telle législation n'exclurait pas des preuves spécifiques de compétence, mais supprimerait l'actuelle discrimination absurde en faveur de la personne qui apprend grâce à une grande dépense de fonds publics.102(*)

Comme le dit Freire, l'école aliénatrice a pour tâche de remplir les élèves des contenus de sa narration, contenus qui sont détachés de la réalité, déconnectés du tout qui les a engendrés et peut leur donner une signification. Les mots sont vidés de leur aspect concret et deviennent creux, aliénés et verbiage aliéné :

« L'éducation de la sorte devient un acte de dépôt, dans lequel les élèves sont les récepteurs et les enseignants les dépositaires. Au lieu de communiquer, l'enseignant émet des communiqués et fait des dépôts que patiemment les élèves reçoivent et stockent, mémorisent et répètent. C'est ce qu'on peut appeler le concept «bancaire» de l'éducation, dans lequel le champ d'action réservé aux élèves ne s'étend qu'à leur réception de l'information. Il est vrai qu'ils ont l'opportunité de devenir les collecteurs ou les catalogues des choses qu'ils ont en stock. Mais en dernière analyse, ce sont les gens eux-mêmes qui sont écartés du processus au travers du manque de créativité, de transformation et de connaissance dans ce système, au mieux, mal dirigé. Car hors du questionnement, hors de la praxis, les individus ne peuvent pas être vraiment humains. La connaissance émerge dans l'invention et la réinvention, par la quête sans relâche, impatiente, continue et optimiste que les humains poursuivent en ce monde, avec le monde et avec les autres, ensemble ».103(*)

L'école nous prépare à dépendre beaucoup plus des institutions que de notre capacité créatrice et de notre débrouillardise. Par ailleurs souligne Illich, ce que nous apprenons à l'école n'a aucune utilité dans l'exercice de notre travail. Ce sont nos rapports avec d'autres dans la vie active qui constituent pour nous une source riche d'enseignements. 104(*) Lapassade affirme que ce sont les fugueurs, qui ont raison, car la société qu'ils refusent est pathologique, la seule éducation non aliénante est des libertaires où l'école est sans programmes, sans classes, sans discipline, parce que sans buts éducatifs, les buts imposés par les adultes sont faux et oppressifs, ils étouffent la vraie vie, celle de l'enfance et de la jeunesse, porteuse de toutes les promesses ; l'enfance a raison contre les adultes, car elle est le faîte de l'existence.105(*)

* 99 Cf. ID., Une société sans école, 82-84.

* 100 Cf. C. CIJIKA, Paulo Freire et la pédagogie de la conscientisation, Paris, Éditions L'Harmattan, 2018, 67.

* 101 Cf. I. ILLICH, Op. Cit., 88.

* 102Cf. I.ILLICH , « L'urgence d'une révolution culturelle », in Revue interconfessionnelle de documentation, n° 40, (Février 1971), 33-34.

* 103P. FREIRE, La pédagogie des opprimés, Paris, Éditions Maspero, 1974, 29-30.

* 104 Cf. I. ILLICH, Une société sans école, 84-85.

* 105 Cf. G. LAPASSADE,L'entrée dans la vie, Paris, Éditions de Minuit, 1963, 212.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery