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Analyse critique de la crise de l'éducation scolaire chez Ivan Illich.


par Emmanuel De Marie MUSA MBWISHA
Institut Supérieur de Philosophie/KANSEBULA - Graduat en philosophie 2020
  

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3.2.2. Les limites de la pédagogie illichienne

Les réseaux illichiens sont condamnés à limiter leurs ambitions éducatives à ce qui peut servir d'emblée et de façon absolument évidente : ils ne dépassent pas les frontières d'un practicisme étroit. Il s'agit beaucoup moins de comprendre que de tirer parti de. Les réseaux correspondent à un savoir à courte vue, envisagé univoquement dans ses applications pragmatiques et immédiates. Nous ne voyons pas bien comment de telles conceptions très étriquées de l'activité scientifique vont pouvoir aider les classes sociales les plus défavorisées à surmonter leurs handicaps culturels et devenir capables de participer ultérieurement à la direction de la vie sociale. À moins qu'Illich foncièrement conservateur ne préfère, malgré les maux qu'il dénonce, laisser aux quelques privilégiés de la fortune le soin de se charger des affaires de l'État.

Il y a un fossé, rapidement franchi par Illich, entre l'école telle qu'elle est et l'école telle qu'elle devrait être et ici le philosophe de Cuernavaca, pour s'assurer un succès facile pétrifie l'école dans sa forme la plus conservatrice et c'est d'ailleurs une forme caricaturale. Lorsqu'il constate, ce qui est vrai, qu'aujourd'hui une telle école ne peut plus fonctionner valablement, i.e. favoriser le développement personnel et collectif des élèves, il veut conclure à la fin de l'école, d'une école éternelle, immuable, alors que c'est lui qui l'a posée en tant que telle. Que l'école ne réponde pas aux exigences sociales, philosophiques et pédagogiques actuelles c'est une évidence ; en déduire l'inutilité et la fin de l'école c'est une erreur de raisonnement. C'est vouloir ne penser que d'une façon dichotomique : c'est bien ou c'est mal, c'est blanc ou c'est noir, c'est à conserver ou c'est à éliminer.

G. Snyders porte un jugement à la fois dur et pertinent : la pensée d'Illich est une pensée qui fige tout ce qu'elle touche et il montre qu'elle ne prend absolument pas compte de l'histoire se situant constamment sur le plan métaphysique, mais il y a plus grave, Illich s'est lancé dans une critique de la culture, de la spécialisation et ce qui peut paraître, à certains, l'aspect le plus brillant de son oeuvre nous semble, au contraire, le plus naïf et le plus décevant sinon le plus dangereux. Il y a tout d'abord, chez lui une sorte d'incompatibilité entre la culture spécialisée de l'expert et le bon sens le plus courant résultant d'une expérience de la vie comme si la formation scientifique des uns éliminait automatiquement les connaissances pratiques et utilisables des autres. Et Illich n'a pas vu les deux problèmes qui se posent à ce sujet : qu'un niveau de culture scientifique n'élimine pas les précédents d'une part et que, d'autre part, le passage d'un niveau à l'autre suppose une médiation ; et c'est l'école seulement qui peut jouer ce rôle. Sans l'école nous restons sur le plan du savoir-faire, de la solution pratique des problèmes, du bricolage.167(*)

Chercher à remplacer l'éducation scolaire par une éducation conviviale qui prône les réseaux illichiens paraît une conception politique peu réaliste, affirme Olivier Reboul, car Illich compte d'une part sur les enseignants pour qu'ils renoncent à leur autorité, d'autre part sur les industriels pour qu'ils mettent au service de l'éducation spontanée les objets éducatifs qui lui sont nécessaires : qu'ils construisent des moteurs ou des télévisions sur lesquels on puisse bricoler, qu'ils laissent tout un chacun accéder aux secrets de la production. C'est vraiment beaucoup demander. Pour que la révolution d'Illich se réalise, il faudrait des milliardaires révolutionnaires ou des révolutionnaires milliardaires.168(*)

Illich critique le diplôme à juste titre mais il ne pose pas le problème des disciplines d'acquisition d'une compétence d'un haut niveau. Il a raison de s'élever contre la formation stérile de l'obligation scolaire, mais il n'a pas posé la question du meilleur équilibre souhaitable et possible entre les activités obligatoires, optionnelles et libres aux différents niveaux de la formation. Quant aux quatre réseaux d'éducation permanente ils sont séduisants, mais quelles sont les probabilités de réaliser les conditions de leur fonctionnement indépendant dans une société marchande ou politicienne qui tend à faire du développement culturel un enjeu mercantile ou électoral, ces systèmes risquent de renforcer par l'éducation l'emprise directe ou indirecte des valeurs de la classe dominante orientés vers le profit, la production, la consommation, que dénonce précisément Illich. Nous pouvons craindre que l'auteur ait imaginé un système qui parfois a les plus grandes chances de se retourner contre ses propres idées.169(*)

En prétendant supprimer examens et sanctions, Reboul s'interroge si cela n'est pas une façon de laisser l'enfant désarmé devant les sanctions de la vie qui l'attendent, aveugles et impitoyables. Il pense qu'insérer les enfants dans la structure rigide des programmes et des examens est un puissant stimulant au travail et à la culture.170(*)

* 167Cf. G. MIALARET, Op. Cit., 59-61.

* 168Cf. O. REBOUL, Op. Cit, 105-106.

* 169Cf. J. DUMAZEDIER, Art. Cit., 92.

* 170Cf. O. REBOUL, Op. Cit., 53.

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