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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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b. Walloth : La mort de Drusus (1889)

Nous n'avons pu lire dans son intégralité le Tiberius de Walloth, semble-t-il exempt de toute traduction de l'allemand. Toutefois, il est fréquemment usité sous formes de citations dans Ecce Tiberius. Le propos principal du roman est l'amour impossible de Tibère et Thusnelda, la jeune femme cherchant désespérément à sauver l'âme mélancolique du prince. Dans l'extrait ici choisi, Tibère vient de voir son fils Drusus mourir dans son lit, et cache difficilement sa tristesse. Fou de colère, il ne parvient pas à contenir son ressentiment et maudit le destin qui l'a privé de son enfant. Pathétique dans sa colère, il est si vulnérable qu'on ne peut que le plaindre, alors qu'il jure de détruire le monde qui l'a tant blessé.

Thusnelda devina à l'expression soudain plus vivante du visage de son maître, à sa respiration précipitée, qu'il allait
avoir besoin de donner cours à l'expression de sa douleur. Elle lutta avec force contre les larmes qui, toujours retenues,
lui brûlaient les yeux, et dans cet effort sa bouche et l'ensemble de sa physionomie se tordirent en un rictus déformant le
côté gauche de son visage. Alors s'échappèrent du souverain, dont le regard était toujours fixé sur le mort, les vagues
mots suivants, d'un ton où la douleur se mêlait à la raillerie : « N'est-ce pas cruel ? ». Puis il s'interrompit, rentrant en
lui-même. Il fléchit violemment la tête, presque autoritaire devant le lit du mort, sa lassitude avait disparu, comme s'il
tirait une sourde satisfaction personnelle de sa grandeur souveraine et se grisait de sa douleur, sa voix prit un ton
exalté, tout son être était empreint d'une majesté pleine de dignité dans le malheur.
« N'est-ce pas cruel ? » poursuivit-il, comme pour s'adresser au destin invisible qui se tenait devant lui, maintenant -
alors que je voulais l'associer à mon règne, alors que j'ai oeuvré pour lui, accumulé des richesses pour lui, tenu l'armée
en bride ! Maintenant ! Me l'enlever à mon âge ? Pourquoi ne mourut-il pas plus tôt ? Et pourquoi me sanctionner
ainsi ? Quel crime ai-je commis ? Ai-je négligé mon devoir ? N'ai-je pas voulu rendre le monde heureux ? Quelles
raisons avez-vous, dieux, de me dépouiller ainsi totalement, de garnir d'épines ma couronne, de transformer la pourre
en tunique de Nessus ? Moi, vieil homme poussé vers la nuit hivernale de la solitude ? Même s'il était difficile, c'était
néanmoins mon fils ! Et je l'aimais, d'une façon que vous ne soupçonnez même pas ! Voulez-vous que je devienne aussi
cruel que vous l'êtes, dieux perfides et envieux ? Voulez-vous m'apprendre à mépriser le monde, comme vous le
méprisez ? Voulez-vous m'enseigner cet esprit vésanique avec lequel vous avez créé le monde ? Dois-je, avec cet
illuminé de Jérusalem, vous réduire à l'état de pures chimères ? Détruire vos temples ? » Sa voix, jusque-là simple
murmure noyé de douleur, devint plus claire.
« Oh ! Si là n'est pas ce que vous voulez, alors rendez-le moi », s'écria-t-il, « écoutez-moi ! Ou bien un jour viendra, où
vous tremblerez devant moi, comme je tremble aujourd'hui devant vous. »
La tête enfouie contre le lit de son fils, il étreignit d'une main la main glacée du mort, tandis que l'autre agrippait la
grille d'or ouvragée qui bordait le lit, et la secouait par moments. Sa bouche s'appuyait avec violence contre cet
ornement doré, et dans la fureur de sa douleur ses dents mordaient le métal, au point que ce grincement était audible

966. Campan 1847, p. 76-77

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dans toute la chambre. Il demeura dans cette position et tenta de reprendre ses esprits.
Thusnelda, submergée par le pathos - contenu mais d'une intériorité brûlante - de ces mots, comme par une déferlante
tragique, n'avait pu retenir plus longtemps ses larmes. Elle était assise, comme abasourdie, avait honte de ses pleurs et
y trouvait pourtant quelque soulagement. Le tragique pathos du souverain, luttant pour se surmonter lui-même, qui
s'échappait de ce caractère formé pour l'esthétique, conçu pour la grandeur, se communiquait à elle, transfigurait son
mal. Elle donna libre cours à ses larmes et ne porta plus que de temps à autre son vêtement à ses yeux.967

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