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Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes. Cas du rapport avec la République Dominicaine, les Etats-Unis et le Chili.


par Roodly RICHARD
Ecole de Droit et des Sciences Economies des Gonaives (UEH)  - Licence 2015
  

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    « Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili »

    Dédicace 5

    Remerciements 6

    Sigles Abréviations 7

    Introduction 9

    Première Partie : 13

    Méthodologie de la Recherche 13

    Chapitre I : Cadre méthodologique et théorique de la recherche 14

    Section I : Indices méthodologiques de la recherche 14

    1.1 Objectif général 15

    1.2 Objectifs spécifiques 15

    1.3 Justification du choix du thème 16

    1.4 Problématique 21

    1.5 Problèmes 22

    1.6 Hypothèse 23

    1.7 Cadre théorico-conceptuel 24

    1.8 Méthodes utilisées 28

    Section II : Cadres Théoriques ou la littérature des auteurs 29

    A) La migration selon la pensée de Frédéric Boyer : Migrants, mémoire du

    monde 30

    B) La Migration d'après François Crépeau : Le danger, c'est l'immobilité. 32

    a) Le droit pourrait-il régler cette situation? 33

    b) Comment en est-on arrivé là? 33

    C) La migration selon L'archéologue Jean-Paul Démoule : De tout temps, l'homme s'est

    déplacé 34

    a) De quand datent les premières migrations dans l'Hexagone ? 34

    Critique de la pensée de Frédéric Boyer 35

    Critique la thèse de François Crépeau 36

    Critique la pensée de Jean-Paul Démoule 36

    Prises de positions 37

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    Chapitre II : Valeurs institutionnelles juridiques de la recherche 38

    Section I : Cadres institutionnels de la recherche 38

    1.1Impact des travailleurs migrant sur le plan social 39

    1.2 Impact des travailleurs migrants sur le plan politique : 41

    1.3 Impact des travailleurs migrants sur le plan économique : 43

    1.4 Impact des travailleurs migrants sur le plan culturel : 43

    1.5 Impact des travailleurs migrants sur le plan juridique : 45

    Critiques de la prise de position. 47

    Section II : Cadre juridique 49

    2.1 La Constitution Haïtienne 49

    2.2 La réglementation internationale actuelle sur les travailleurs migrants 50

    2.3 Convention Européenne relative au statut juridique du travailleur migrant 56

    2.4 Droits de l'Homme relatifs aux migrants et aux travailleurs migrants 56

    2.5 Droits de l'Homme relatifs aux refugies, aux demandeurs d'asile et aux personnes

    déplacées internes 57

    2.6 Le droit de demander et de recevoir l'Asile 59

    b) Protection de l'État 60

    Prise de position 61

    Deuxième : 63

    Cadres Opérationnels 63

    Chapitre I: Cadre Historique de la migration 64

    Section I : Histoire de la migration 64

    1.1 Antiquité et Moyen-Âge 65

    1.2 Temps Modernes 67

    1.3 Les migrations contemporaines au prisme des droits de l'homme 68

    a) Historicité de la migration haïtienne 70

    b) Aux origines de l'émigration haïtienne 70

    c) L'impact de l'occupation Etats-Unienne (1915-1934) 71

    Critiques et prise de position 73

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    Section II : Cadre international de la migration 75

    2.1 Un regard sur la migration des États-Unis 77

    a) L'administration d'Obama et Trump : une alternance politique pour un changement

    de politique migratoire ? 78

    b) L'effet des attentats terroristes sur les représentations de l'immigration 80

    c) La justice, la rue et les groupes d'intérêt 81

    d) Changement de ton, continuité dans les faits 82

    2.2 Migration en République Dominicaine 84

    a) Le marché du travail 86

    b) Relation avec le pays d'origine et intégration dans le pays d'accueil 86

    c) La République Dominicaine change de politique migratoire 88

    2.3 Migration au chili 90

    a) Le Chili, pays d'accueil de migrants 91

    a) Immigration au Chili : ce que dit le décret du Président Sebastian Piñera 91

    b) Le cas chilien 92

    Chapitre II: Vers une politique publique internationale de la migration 93

    Section I: Politique publique et regard d'action 93

    a) Les champs migratoires internationaux : nécessité d'une vision globale du

    phénomène migratoire 94

    2.1 Essence d'une politique publique de la migration 96

    2.2 Quid de la politique publique de la migration? 99

    a) Regard migratoire sur la politique extérieure de l'État 101

    Section II : Les principes d'application de la politique migratoire des travailleurs migrants

    haïtiens.

     
     
     

    102

    a) Migration, droit et institution

     
     
     

    102

    b) Dialogue social

     
     
     

    103

    c) Coopération internationale

     
     
     

    104

    d) Importance de la coopération internationale

    dans

    le

    domaine

    des

    migrations

     
     
     

    .104

    e) Inspection du travail et accès à la justice

     
     
     

    105

    f) Diaspora haïtienne et l'essence de son identité

     
     
     

    106

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    g) La diaspora haïtienne au Chili, deuxième plus grand fournisseur de transferts après

    celle des États-Unis 108

    h) Diaspora haïtienne et développement territorial 110

    i) Revue de la littérature sur les effets des transferts sur le développement des

    économies d'origine. 111

    a) Effets seconds ou « négatifs » 111

    b) Effets positifs 113

    j) Migrations et l'exode des cerveaux 114

    k) L'exportation des cerveaux dans la Caraïbe 115

    Conclusion 117

    Recommandation 121

    Bibliographie 123

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    Dédicace

    Inmemorum : Mon Père Acserne RICHARD et Yvette PAPILLON.

    À ma très chère Mère Marie Evelyne ERILUS Que ce travail, fruit de votre combat et de vos sacrifices, soit pour vous une fierté !

    À ma famille : Mon oncle Luc RICHARD, Mon oncle Fritz RICHARD et sa femme Bernadette Delva RICHARD, Mon petit frère Gregory RICHARD.

    À la famille : M. et Mme Christiane Prophète JEAN, Mme et M. Judnie JEAN. M. Leguenson JULES-SAINT et sa femme Mme Midline Dragon JULES-SAINT, ma petite filleule Hannaelle JULES-SAINT. M.et Mme Kener PIERRE et M. Raoul et sa femme Nathaelle Oriol , Adrien et Gladyse ERILUS.

    À la famille: Mme Joceline Merat, Quemelie PINCHINAT, Marie Linda GABRIEL et Judicaelle Cyril ANTOINE qui m'ont toujours soutenu

    Mon cousin Wilner, les membres de la famille RICHARD et ERILUS.

    À mes conseillés : Père Attilus B. DESCA, Père Guerlain CHANCY, Père Francky DESIR, Père Gabriel ARISTIL, Abbe Ernst Derosier, Abbe Amazan Ricado, et Mme Kepline Placius .

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    Remerciements

    Au terme de notre cursus universitaire, nos sentiments de gratitude et de reconnaissance s'élèvent vers toutes les personnes physiques et morales qui ont porté une pierre à l'édification de notre être individuel.

    « Optimas gratias ago » à l'école de Droit et des sciences économiques des Gonaïves, spécialement à nos professeurs de la faculté des Sciences Juridiques et les centres de Port-au-Prince tels que : ISIDOR et CERED qui ont pris le temps de nous initier à la science juridique.

    Notre regard est particulièrement tourné vers le Professeur Wilguens REGIS, directeur du présent mémoire, et l'encadreur qui, malgré leurs multitudes charges, a bien voulu conduire ce travail.

    Nos très sincères remerciements s'adressent également à nos chers parents ainsi qu'à mon petit frère et nos amis, l'infatigable Quemelie PINCHINAT, les Néo-Penseurs du Droit. Judicaelle Cyril ANTOINE, Marie Marpha VILLIERE, Marie Linda GABRIEL, Rachelle RAMEAU, Marcelle RAMEAU, la promotion d'ISIDOR et de CERED, dont la tendresse, les conseils et le soutien nous ont permis de mener à bon port la barque.

    Que tous ceux qui nous ont accompagnée et soutenue durant notre vie académique se sentent particulièrement touchés par notre profonde gratitude. Nous pensons à nos grands-parents.

    Enfin, que tous les enseignants de la faculté de Droit et des sciences économiques puissent semer en nous le goût de l'excellence, tous ceux qui nous portent dans leurs coeurs, trouvent en ces lignes l'expression de notre profonde reconnaissance !

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    Sigles Abréviations

    ADN : Acide DésoxyriboNucléique

    CEACR : Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations

    CICM : Commission internationale catholique pour les migrations

    CICR : Comité international de la Croix-Rouge

    CIPD : Conférence internationale sur la population et le développement

    DAES : Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies

    ENHOGAR : Oficina Nacional de Estadística

    FMMD : Forum mondial sur la migration et le développement

    HCDH : Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme

    HCR : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

    IDM : Dialogue international sur la migration

    IHSI : Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique

    MHAVE : Ministère des Haïtiens Vivant à l'Étranger

    OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

    ODD : Objectif de développement durable

    OIM : Organisation internationale pour les migrations

    OIT : Organisation internationale du Travail

    OMS : Organisation mondiale de la Santé

    ONG : Organisation non gouvernementale

    ONU : Organisation des Nations unies

    ONM : Office National de la Migration

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    OEA : Organisation des États Américains

    PDI : Principe directeurs sur le Déplacement Interne

    PEA : Population Économiquement Active

    PNUD : Programme des Nations unies pour le développement

    UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'enfance

    Ibidem ou Ibid. : Dans le même ouvrage, dans le même passage

    Idem ou Id. : Le même auteur, la même oeuvre

    Op. cit. : Pour « Opus citatum » (renvoie à l'oeuvre déjà citée)

    A. : Article

    Al. : Alinéa

    CFr : Code Français

    Ed : Edition

    In : Dans

    N° : Numéro

    P : Page

    PUF : Presses Universitaires de France

    Svts : Suivants

    T : Tome

    Vol : Volume

    C.C : Code Civil

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    Introduction

    L'homme étant naturellement libre, dispose de la faculté de se déplacer selon ses convenances. Il s'agit en quelque sorte d'une constante de civilisation. Mais cette liberté d'aller et de venir qui ne rencontrait pas de difficultés s'est trouvait limitée, conditionnée avec la naissance des États1. C'est ainsi qu'à travers des siècles on est passé d'un déplacement forcé à un déplacement volontaire à des fins bien déterminées2. Et du fait du grand écart qui existe entre les pays du nord et de ceux du sud, ces derniers voient leurs populations de plus en plus attirées par les richesses des pays du nord. Ces mouvements de populations qui se sont développés à travers le monde ont notamment pris des proportions considérables entre les pays en développement3 notamment dans l'espace Africain4. Face à cette escalade exponentielle des flux migratoires les États ont employé ou plus proprement ont adopté un certains nombres de voies et moyens pour gérer la situation avec tous les enjeux qu'elle englobe, même s'il est difficile d'en mesurer l'ampleur avec précision, du fait soit de l'absence de données dans certains pays, soit de l'absence de fiabilité de données existantes dans d'autres pays5.

    Au plan multilatéral, les instruments de protection des Nations Unies notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille du 18 décembre 1990 comme ceux de l'OIT sur les travailleurs migrants (conventions n*97,143 etc.), peinent à obtenir le résultat escompté. Seuls quelques pays en développement, exportateurs de travailleurs migrants, ont adhéré à de

    1 MARIE, (Jean Bernard) cité par LEVINET (M.). Théorie générale des droits et libertés. - Bruxelles : BRUYLANT, 2006, p. 207

    2 Il s'agit de l'époque du commerce triangulaire, mais aussi durant la deuxième guerre mondiale.

    3 FALL (ABDOU SALAM) ET CISSÉ (ROKHAYA) « Migrations internationales et pauvreté en Afrique de l'ouest » SOCIOLOGUES INSTITUT FONDAMENTAL D'AFRIQUE NOIRE, UNIVERSITÉ DE DAKAR janvier 2007, p 10.

    4 L'Afrique accueille 8% des migrants. Près de la moitié des migrants dans le monde se déplacent d'un pays en développement vers un autre pays en développement. Pour ce qui concerne les travailleurs, environ 35% des 80 millions de travailleurs migrants (soit 28 millions) vivent dans une région en développement. LE MONDE SYNDICAL | DOSSIER | MAI 2004 | N°3.

    5 L'ONU estime or qu'il y a environ 175 millions de migrants (y compris les réfugiés) dans le monde, les migrants étant définis comme des personnes qui vivent en dehors de leur pays d'origine. Parmi ces 175 millions de migrants, 86 millions sont des travailleurs (y compris 6 millions de réfugiés), c'est-à-dire économiquement actifs avec les familles, le chiffre est porté à 120 millions (de travailleurs migrants et leurs familles), selon l'OIT.

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    telles conventions, les pays industrialisés, grands pays d'accueil des travailleurs migrants, n'ont manifesté aucun intérêt à les ratifier, préférant, soit le cadre national, soit le cadre bilatéral, soit le cadre régional ou sous régional.

    Dans le continent Américain, la Déclaration Américaine des Droits et des Devoirs de l'Homme a été signée en avril 19486. Elle devint le premier document international énumérant les droits de l'homme universels et proclamant la nécessité de protéger ces droits. Puis, La Convention américaine sur les droits de l'homme est entrée en vigueur en 1978 et a été ratifiée par 21 des 31 États membres de l'OEA (à part le Brésil et les États-Unis, les principaux pays de la région font partie de la Convention). Comme traité, ce document oblige uniquement les nations qui l'ont signé. En Amérique latine, le Marché commun du Sud (MERCOSUR) a adopté en 1995 un pacte qui vise à règlementer les migrations inter-régionales. De leur côté, les pays membres de l'Accord de Cartagena ou Pacte andin depuis 1996, ont mis en place un Instrument andin sur les migrations aux fins d'emploi et une carte andine de migration.

    Les migrations de main-d'oeuvre se produisent entre pays en développement et développés, comme entre pays en développement, mais avec des problématiques différentes.

    Le terme «développement» est ici employé dans un sens beaucoup plus large que le seul développement économique, englobant les aspects économique, social, culturel, politique et humain. S'agissant des migrations, ce terme recouvre à la fois le développement dans les pays d'origine et de destination, ainsi que le bien-être et le plein développement des capacités des travailleurs migrants et de leur famille.

    Aujourd'hui comme hier, les phénomènes migratoires participent de la quête immémoriale des êtres humains pour l'amélioration de leur existence. «Depuis la nuit des temps, les migrations sont pour l'homme une manière courageuse de manifester sa volonté de surmonter l'adversité et d'avoir une vie meilleure»7. Comme cela a toujours été le cas, et selon des modalités très variées, les travailleurs migrants recherchent du travail pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. On estimait en 2005 qu'environ 94

    6 Lors de la Neuvième Conférence Internationale des Etats Américains à Bogotá en Colombie

    7 Nations Unies (2006). Migrations internationales et développement: Rapport du Secrétaire général. New York, A/60/871, juin 2006.

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    millions des quelque 191 millions de migrants exerçaient une activité économique; avec leur famille, ces travailleurs migrants représentaient presque 90 pour cent du nombre total de migrants au niveau international8. Selon des estimations plus récentes, ce nombre aurait franchi la barre des 200 millions, dont presque la moitié sont des femmes qui, de plus en plus, émigrent seules à la recherche d'un travail9.

    En premier lieu, la circulation internationale des personnes augmente logiquement en valeur absolue, étant donné que la population mondiale a plus que doublé entre 1960 et 2005. Deuxièmement, le phénomène migratoire, quoique plus frappant dans les régions développées, est également devenu une affaire politique très importante pour beaucoup de pays ou régions en développement, à la suite de réformes intérieures et grâce à l'évolution des moyens de communication10. Troisièmement, enfin, les migrations prennent des formes très diverses (par exemple légale et illégale) et affectent différents aspects (par exemple formel et informel) du marché de l'emploi ; il est donc devenu essentiel de déterminer les avantages et les coûts inhérents au phénomène migratoire.

    Ces raisons expliquent sans doute pourquoi les flux migratoires sont actuellement au coeur de vives controverses. Alors que les milieux politiques et les médias soulignent fréquemment ce que coûte la migration en termes de sécurité ou d'intégration des étrangers, on ignore souvent l'impact qu'elle peut avoir sur le développement. En particulier, les familles d'émigrants restées au pays comme le pays lui-même peuvent voir leur niveau de vie changer complètement grâce à la migration internationale, et profiteraient d'une gestion plus efficace de ces mouvements11.

    8 Nations Unies, Division de la population (2006). Trends in total migrant stock: The 2005 revision, New York 2006. International labour migration and development: The ILO perspective, mémoire sur les migrations internationales, 2007.

    9 OSCE, OIM, BIT (2006). Handbook on establishing effective labour migration policies in countries of origin and destination, p. 19.

    10 Les gouvernements marocain et philippin, notamment, font de leur politique migratoire un outil de développement toujours plus efficace. Un bon exemple d'effort internationalconcerté concernant les migrations est la Commission mondiale sur les migrations internationales (CMMI) ( http://www.gcim.org) et les conférences du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD) qui s'en sont suivies à Bruxelles en 2007 et à Manille en 2008).

    11 Ruth Haug, « Forced Migration, Processes of Return and Livelihood Construction among Pastoralists in Northern Sudan », Disasters, vol. 26, n° 1, 2002, pp. 70-84.

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    Notre travail s'inscrit dans ce contexte et s'intéresse au contenu et à la mise en oeuvre de ce document qui doit devenir l'instrument de contrôle et de gestion des courants migratoires. Ce travail sera structuré en deux grandes parties :

    I. Théorie, généralités et méthodologies de la recherche

    La première permettra de cerner le cadre de référence dont les points saillants sont l'Objectif général, la justification, la problématique, l'hypothèse, le cadre conceptuel, méthode utilisée, la revue critique de littérature, cadres institutionnels et cadres juridiques.

    II. Cadres Opérationnels

    La deuxième partie englobe : le cadre historique, le cadre international, la politique publique internationale des migrations et Les principes d'application de la politique migratoire des travailleurs migrants haïtiens.

    Viennent enfin les conclusions et les recommandations en termes d'éléments clés pour le renforcement du projet de la politique nationale de la migration.

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    Première Partie :

    Méthodologie de la Recherche

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    « Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili »

    Chapitre I : Cadre méthodologique et théorique de la recherche

    Section I : Indices méthodologiques de la recherche

    La protection des travailleurs migrants est au coeur de l'actualité internationale. La mondialisation a relativisé la notion d'espace et, malgré la réticence des États à ouvrir leurs frontières à la circulation des personnes, surtout concernant les migrations économiques, les migrants représentent aujourd'hui 3% de la population mondiale, et les travailleurs migrants et les membres de leur famille 90% d'entre eux. Cette étude s'interroge sur la manière dont le droit international protège le travailleur migrant, et sur l'émergence d'un statut international à son profit.

    Or, la circulation des migrants ne fait l'objet que d'une faible concertation interétatique car le traitement des travailleurs étrangers reste une question politiquement sensible, comme l'atteste le faible succès de la Convention des Nations Unies sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990. Pourtant, les droits des travailleurs migrants, traditionnellement définis à partir de l'obligation internationale de traitement, vont considérablement s'étoffer grâce à une complémentarité des normes de droit international du travail et du droit international des droits de l'homme, lesquelles protègent respectivement le "travailleur" et "l'individu". La complémentarité de ces matières offre également un nombre croissant de voies de recours juridictionnels et quasi-juridictionnel dans l'ordre juridique international. Mais l'effectivité des droits des travailleurs migrants passe aussi par une concertation internationale dynamique entre les différentes parties prenantes12.

    12 Camille Papinot. La protection internationale du travailleur migrant. Droit. UNIVERSITE PARIS OUEST NANTERRE LA DEFENSE, 2014. Français

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    1.1 Objectif général

    Protéger les droits des travailleurs migrants haïtiens surtout ceux qui sont en situation irrégulière, qui sont des refugies ou demande d'asile dans des pays d'accueils à travers une coopération multilatérales pour le bien-être de nos compatriotes.

    1.2 Objectifs spécifiques

    I. Montrer l'applicabilité d'une proposition de loi en faveur des travailleurs migrants haïtiens et migrantes haïtiennes.

    II. Faire un état des lieux de la problématique des travailleurs migrants haïtiens.

    III. Analyser la situation désastreuse et des traitements inhumains qu'on donne aux travailleurs migrants haïtiens sur l'échelle internationale

    IV. Décrire leur impact sur la vie familiale.

    V. Déconstruire les discours stéréotypes sur les travailleurs migrant (e)s.

    VI. Montrer l'applicabilité du projet de politique migratoire de l'ONM au regard de la législation haïtienne.

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    1.3 Justification du choix du thème

    L'émergence d'une concertation internationale autour du besoin de protéger les travailleurs migrants vient du fait que les États ont rapidement réalisé qu'ils ne pouvaient traiter unilatéralement de la question migratoire. Ils ont par ailleurs pris conscience de la vulnérabilité dans laquelle se trouvent certains travailleurs migrants. Les États tentent alors de concilier leurs intérêts qui sont souvent contradictoires. La vulnérabilité des travailleurs migrants peut s'apprécier au cours du voyage ainsi que dans le cadre du séjour dans le pays d'accueil. Malgré un discours récent sur les contributions de la migration au développement des pays d'origine et de destination13.

    Haïti depuis 1915,14 est un pays d'émigrés ou plus de trois millions15 d'haïtiens dans des pays d'accueil où le racisme et la xénophobie sont très marqués et se traduisent par des actes d'abus de violences ; des stéréotypes de tout genre, de cruautés et de discrimination. Donc, face à ce vide juridique ou les travailleurs migrants haïtiens ne bénéficient pas d'une loi de protection et d'une politique migratoire établie par l`Etat en vue de protéger le citoyen haïtien partout au regard de cette convention signée par l'Etat haïtien qui n'a jamais été ratifiée par le pouvoir le législatif. Les haïtiens et haïtiennes migrent pour différentes raisons. Leur déplacement peut être forcé, pour cause de conflit16, de politique migratoire17,

    13 Dans ce sens voir le rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain. Lever les barrières : mobilité et développement humain, 2009, 237p. ; Organisation de Coopération et de développement économique (OCDE), Perspectives des Migrations Internationales, 2010, 381p. ; ou encore Organisation internationale pour les Migrations (OIM), Etat de la Migration dans le monde - Bien communiquer sur la migration, Genève, 2011, 161p. Ces deux rapports mettent en évidence les contributions positives des migrations sur le développement des pays d'origine et de destination, à moyen et long terme. Tout d'abord, les migrations s'inscrivent dans le cadre d'un déséquilibre démographique à l'échelle du globe. Pour les pays d'origine, les migrants constituent une ressource économique grâce aux transferts de fonds et allègent la pression sur l'emploi. Pour les pays de destination, les migrants occupent les emplois « boudés » par les nationaux, comme le service à la personne, notamment auprès des personnes âgées, la population des pays développés étant vieillissante. On peut aussi mentionner le fait que la migration attire les investissements directs étrangers (IDE) qui conduisent à la création d'emplois dans les entreprises bénéficiaires.

    14 http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/26973/img-1.jpg

    15 http://www.collectif-haiti.fr/migration-haitienne.php

    16 Ruth Haug, « Forced Migration, Processes of Return and Livelihood Construction among Pastoralists in Northern Sudan », Disasters, vol. 26, n° 1, 2002, pp. 70-84.

    17 Jorgen Carling, « Migration Control and Migrant Fatalities at the Spanish-African Border », International Migration Review, vol. 41, n° 2, 2007, pp. 316-343.

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    de dangers environnementaux ou technologiques18, de maladie19 ou de déportation politique20. Mais l'émigration est dans la majorité des cas une décision personnelle ou familiale prise pour un motif économique. Si l'on prend comme point de départ le modèle d'Arthur Lewis, les marchés de l'emploi intérieurs et transnationaux fonctionnent de manière imparfaite21. La migration résulte ainsi de l'espoir de gagner davantage ailleurs, grâce à de meilleurs salaires ou à une rémunération plus appropriée ; l'individu cherche un marché où il pourra travailler dans son domaine de compétences ou de préférence22. Les décisions d'émigrer se prennent dans le cadre de la famille, en tant que moyen de faire face à des aléas financiers et de diversifier les sources de revenu23 ; elles se multiplient peu à peu avec l'établissement de réseaux sociaux24.

    Selon les estimations du BIT de la fin des années 9025, « plus de 90 millions de travailleurs migrants, y compris les membres de leur famille résident actuellement, légalement ou non, dans un pays autre que le leur. Alors qu'au moment de l'adoption des instruments de protection de l'OIT de 1949 les migrations internationales étaient soit des migrations de peuplement, soit des migrations temporaires. Après la crise pétrolière de 1973 dont avaient souffert les pays d'accueil européens, les travailleurs migrants temporaires ont mué en travailleurs migrants permanents avec la pratique parfois abusive des regroupements

    18 Lori Hunter, « Migration and Environmental Hazards », Population and Environment, vol. 26, n° 4, 2005, pp. 273-302.

    19 Samuel Clark et al., « Returning Home to Die: Circular Labour Migration and Mortality in South Africa », Scandinavian Journal of Public Health, vol. 35, n° 3, 2007, pp. 35-44.

    20 John Salt and J. Stein, « Migration as a Business: The Case of Trafficking », International Migration, vol. 35, n° 4, 1997, pp. 467-494. Ruth Haug, op. cit.

    21 Arthur Lewis, « Economic Development with Unlimited Supplies of Labour », Manchester School of Economic and Social Sciences, vol. 22, n° 2, 1954, pp. 139-191.

    22 Larry A. Sjaastad, « The Costs and Returns of Human Migration », The Journal of Political Economy, vol. 70, 1962, pp. 80-93. John Harris and M. Todaro, « Migration, Unemployment and Development: A Two-Sector Analysis », American Economic Review, vol. 5, n° 1, 1970, pp. 23-42.

    23 Jacob Mincer, « Family Migration Decisions », Journal of Political Economy, vol. 86, n° 5, 1978, pp. 749773. Oded Stark, The Migration of Labor, Oxford, Basil Blackwell, 1991, 406 p.

    24 Paul Winters et al., « Family and Community Networks in Mexico-US Migration », Journal of Human Resources, vol. 36, n° 1, 2001, pp. 159-184. Kaivan Munshi, « Networks in the Modern Economy: Mexican Migrants in the US Labor Market », Quarterly Journal of Economics, vol. 118, n° 2, 2003, pp. 549-597.

    25 ILO WORLD EMPLOYMENT 1995 An ILO report Genève 1995. 2o pages.

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    familiaux. Sur ce chapitre aussi, les migrations de familles entières ont tout au long de l'histoire occasionnées la migration simultanée de nombreuses femmes et enfants26.

    Ce dernier phénomène désigné par l'expression « féminisation de la migration » et «'mineurs non accompagnés» ou `'mineurs séparés", où s'ajoutent, le trafic et la traite27 surtout de ces dernières, tend à prendre de l'ampleur depuis quelques années. En outre, le profil des travailleurs migrants engagés a changé. Alors qu'auparavant les travailleurs migrants temporaires étaient essentiellement des travailleurs semi-qualifiés qui occupaient des emplois dont les nationaux ne voulaient pas, aujourd'hui les travailleurs migrants hautement qualifiés28 sont préférés par les pays d'accueil. Ce qui ne change pas véritablement la donne, puisque dans la pratique, la majorité des travailleurs migrants occupent des emplois non qualifiés ou semi-qualifiés, souvent dans des conditions irrégulières. Mais ces migrations n'ont pas seulement gagné en intensité. Elles ont également connu une évolution qualitative29. Ainsi, certains pays qui étaient jadis considérés comme des pays d'émigration sont aujourd'hui devenus des pays dits d'immigration.

    On assiste à un bouleversement rapide des motifs traditionnels de migration ; celle-ci évolue globalement en fonction de facteurs tels que les contraintes, la démographie, la politique, les structures économiques et les conditions familiales. Le phénomène migratoire restera sans doute une caractéristique fondamentale de notre époque, due notamment à des facteurs démographiques : la population des pays développés tend à baisser tandis que celle des pays en développement augmente, ce qui se traduit par un afflux de main-d'oeuvre qui accroît la pression migratoire. Les contraintes évoluent avec les progrès technologiques et la circulation des informations tandis que certains pays éprouvent des difficultés à légitimer

    26 LANSDOWN (Gerison) « COMBATTRE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES ENFANTS AU SEIN DE L'UE » Proposition de politique d'Evronet, rapport du réseau européen des enfants Novembre 2000 68 pages

    27 317 millions d'enfants travaillent dans le monde, 218 millions dans les pires formes de travail, selon un rapport de l'OIT en 2008. Et 8,4 millions d'enfants impliques dans les pires formes de travail et soit 2,1 victimes de traite en Afrique .Rapport de l'OIT en 2005.

    28 LE MONDE SYNDICAL ; Confédération internationale des syndicats libres, DOSSIER « Migrations: «fuite des cerveaux» et inégalités de développement, N°3 CISL | mai 2004, p.10-40. http://www.icftu.org

    29 DOCUMENT ; « l'OIM et la Migration de main d'oeuvre », www.iom.int p.1-.11

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    leurs flux migratoires. Ils se sont mis à multiplier les formalités administratives, ce qui a contribué à compliquer les itinéraires des migrants et à intensifier la migration interne30.

    On observe en outre bien d'autres changements, et en premier lieu une féminisation très marquée de la migration librement choisie : les femmes représentent aujourd'hui 49,6 % des migrants internationaux31. Nous savons par ailleurs peut-être en raison d'une meilleure collecte de données que la migration Sud-Sud (surtout entre pays voisins) présente un volume presque égal à celui de la migration Sud-Nord32. La réglementation accrue aux frontières a également entraîné des changements : les migrants donnent souvent la préférence à des schémas circulaires, comprenant des déplacements réguliers entre leur patrie et la région d'accueil. Mais une politique plus restrictive peut inciter certains à rester dans la région où ils ont trouvé du travail, dans la crainte de ne plus pouvoir y revenir s'ils rentrent chez eux. Une politique draconienne tend aussi à provoquer des flux migratoires illicites et, par conséquent, à favoriser le secteur informel33.

    Tous ces éléments d'appréciation contribuent à indiquer que la migration restera une caractéristique de la mondialisation et qu'elle aura des effets puissants sur les pays en développement. Pour en exploiter au mieux le potentiel, il est donc essentiel de comprendre comment la migration peut contribuer au développement et de saisir les enjeux économiques liés aux flux migratoires34.

    D'où le choix du terme : « Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili »

    30 John Salt and J. Stein, « Migration as a Business: The Case of Trafficking », International Migration, vol. 35, n° 4, 1997, pp. 467-494. Ruth Haug, op. cit.

    31 Dilip Ratha and Zhimei Xu, op. cit.

    32 Arthur Lewis, « Economic Development with Unlimited Supplies of Labour », Manchester School of Economic and Social Sciences, vol. 22, n° 2, 1954, pp. 139-191.

    33 Larry A. Sjaastad, « The Costs and Returns of Human Migration », The Journal of Political Economy, vol. 70, 1962, pp. 80-93. John Harris and M. Todaro, « Migration, Unemployment and Development: A Two-Sector Analysis », American Economic Review, vol. 5, n° 1, 1970, pp. 23-42.

    34 Jacob Mincer, « Family Migration Decisions », Journal of Political Economy, vol. 86, n° 5, 1978, pp. 749773. Oded Stark, The Migration of Labor, Oxford, Basil Blackwell, 1991, 406 p.

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    1.4 Problématique

    Le développement d'une protection catégorielle au profit du travailleur étranger et l'englobement progressif du droit des étrangers par le droit international des droits de l'homme nous conduit à nous interroger sur l'existence d'un statut juridique international du travailleur migrant.

    Le statut juridique désigne un ensemble de règles internationales applicables à une catégorie de personnes et qui en déterminent la condition et le régime juridique35. Les règles internationales, quelle que soit leur source, vont venir compléter, et non se substituer aux règles internes. Mais ces différentes normes internationales protectrices se limitent-elles à reconnaître aux travailleurs étrangers des droits a minima (capacité de jouissance), les États faisant toujours écran ? Robert Chiroux écrivait, en 1979, qu'un tel statut n'existait pas, en se référant aux analyses du Professeur Charles Rousseau sur la place de l'individu en droit international; ce dernier considérait que, sauf exception, « les individus ne [pouvaient] se prévaloir de façon directe et immédiate des règles de droit international ; celles-ci leur [étant] appliquées par des procédures internes c'est-à-dire étatiques »36. Selon Robert Chiroux, cette réflexion est pertinente à propos des travailleurs étrangers qui « ont seulement profité de la protection des ambassadeurs et surtout des consuls de leurs pays d'origine »37.

    Près de 258 millions de personnes vivent hors de leur pays d'origine, parmi lesquels 60 à 65 millions occuperaient un emploi à titre de travailleur migrant. Près d'une personne sur dix habitants dans une région développée est un travailleur migrant. Les régions au niveau de développement le plus élevé accueillent chaque année près de 2,3 millions de migrants venant de régions moins développées38.

    vit à l'étranger. On estime que c'était le cas de 1,2 million d'Haïtiens en 2015, soit plus de 11 % de la population. Les principales destinations d'émigration sont les États-Unis, qui

    35 G. CORNU, op.cit., p.886

    36 C. ROUSSEAU, Traité de droit international public, Sirey, 1974, tome II, p.697.

    37 R. CHIROUX, « Les travailleurs étrangers et le développement des relations internationales », op.cit., p.17

    38 Adapté de l'Organisation des Nations unies, « Une personne sur dix dans les régions développées est un travailleur migrant, révèle le rapport sur les migrations internationales 2002 », 2003, consulté le 25-072010)

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    accueillent près de la moitié des émigrés haïtiens, la République dominicaine, le Canada et la France39.

    Les travailleurs migrants peuvent être encore divisés en trois sous-catégories, selon qu'ils sont : 1ere sous-catégorie les migrants résidents : immigrants qui ont obtenu le statut légal de travailleur du pays d'accueil. 2eme sous-catégorie, les migrants temporaires : admis pour une période déterminée dans un pays d'accueil, par exemple : les médecins et les scientifiques.

    3eme sous-catégorie, les migrants illégaux : immigrants qui n'ont pas obtenu du pays d'accueil l'autorisation légale d'y travailler40.

    1.5 Problèmes

    I. La législation haïtienne ne souffre-t-elle pas d'une carence de loi et de structures de protection pour faire valoir le respect des droits des travailleurs migrants?

    II. Comment peut-on comprendre le contexte historique de la migration Haïtienne?

    III. Quelles sont les causes du phénomène de la migration haïtienne et de l'exode des cerveaux?

    IV. En quoi consiste la politique migratoire des migrants, des réfugiés haïtiens et des demandeurs d'asile?

    V. Pourquoi la discrimination est-elle un problème envers les travailleurs migrants haïtiens dans les pays d'accueil ?

    39 https://lenouvelliste.com/article/182376/ocde-la-diaspora-haitienne-incarne-une-migration-reussie-qui-peut-contribuer-au-developpement-du-pays

    40 Roberts, H. S., Roberts' Dictionary of Industrial Relations, Washington, Bureau of National Affairs, 1994)

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    1.6 Hypothèse

    I. La législation souffre d'une carence de texte de loi pour protéger les travailleurs migrants haïtiens et de faire respecter leur droit.

    II. Pour comprendre le contexte historique de la migration haïtienne, il faut analyser l'impact de l'occupation États-Unienne 1915-1934 et ses conséquences. La période de la dictature des Duvalier de 1957 à 1986. Ainsi que l'impact du tremblement de terre de 2010 à date.

    III. Ces causes sont d'ordre socio-politico-économiques, environnementale, éducationnelles, psychologiques, institutionnelles, volontaires.

    IV. Après le terrible tremblement de terre qui a dévasté Haïti en 2010, de nombreux Haïtiens ont quitté leur île pour trouver refuge aux États-Unis. Avec l'appui du président américain Barack Obama, il leur accorde un statut de protection temporaire aux refugies haïtiens (TPS). Ce statut leur permet de vivre et de travailler légalement aux États-Unis41.

    V. La xénophobie est considérée comme l'une des grandes sources du racisme contemporain. Les discriminations concernent des secteurs aussi divers que le logement, l'éducation, la santé, le travail ou la sécurité sociale.

    41 LEXPRESS.fr avec AFP, publié le 13/01/2010 à 19:22

    https://www.lexpress.fr/actualite/monde/haiti-s-attend-a-un-bilan-effroyable-apres-le-seisme_841883.html

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    1.7 Cadre théorico-conceptuel Définition de migration

    Nom féminin singulier

    1. Déplacement de populations d'un pays vers un autre.

    2. Déplacement saisonnier en groupe de certains animaux.

    3. Déplacement d'une substance, d'une cellule42.

    Migration

    Selon George et Verger (2007), une migration est un ensemble de déplacements ayant pour effet de transférer la résidence des intéressés d'un certain lieu d'origine ou lieu de départ à un certain lieu de destination ou lieu d'arrivée.

    Levy et Lussault (2006), souligne que « l'emploi scientifique du terme doit privilégier un sens restreint associant nécessairement les paramètres principaux suivants : un déplacement qui doit être marqué par le franchissement d'une échelle d'espace, des acteurs du champ migratoire qui sont les migrants et tous ceux qui assurent la possibilité de migrer (passeurs, transporteurs, hôtes, employeurs), la résidence et l'habitat ainsi que la vie quotidienne du migrant » 43.

    Immigration

    Selon le nouveau Petit Robert de la langue française (2009), « l'immigration consiste à l'entrée dans un pays de personnes non autochtones qui viennent s'établir généralement pour trouver un emploi ». Il s'applique aux personnes à qui les autorités de l'immigration ont accordé le droit de résider en permanence.

    Cependant, dans la majorité des cas, les populations n'attendent guère cette autorisation avant leur établissement. Par conséquent, les immigrants sont classés selon la période d'immigration dans le but de faire la distinction entre les personnes arrivées récemment et

    42 https://www.cordial.fr/dictionnaire/definition/migration.php

    43 GEORGE, Pierre et VERGER, Fernand (2006) Dictionnaire de la Géographie. 9e édition, Paris, Presses universitaires de France, 472 p.

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    celles y résidant depuis un certain nombre d'années (Monde et développement cité par Dossia, 2010).

    Lascoux (1994), estime que la connaissance des phénomènes migratoires est imparfaite et les évaluations chiffrées sont peu fiables et fait remarquer que l'observatoire des migrations internationales de l'OCDE (Organisation de la Coopération et du développement Économiques) déplorent périodiquement le manque d'harmonisation des sources statistiques. Elle affirme que «le flou qui préside aux débats sur les migrations internationales joue sur la méconnaissance et entretient les fantasmes des opinions publiques dans les pays d'accueil »Parlant des flux migratoires, elle soutient qu'ils soulignent les déséquilibres engendrés par le développement inégal et par les écarts considérables des évolutions démographiques.

    Elle distingue trois types de migrations que sont les «migrations pendulaires» qui conduisent les travailleurs à s'exiler quelques mois pour un salaire décuplant leur revenu initial, et à revenir chargés de biens de consommation dont la revente s'avère lucrative. Les «migrations tournantes» qui se font à l'échelle d'une région planétaire, d'un pays à l'autre et au gré des événements. Les «migrations de santé» qui se développent à la mesure des progrès scientifiques des pays du nord et de la dégradation de la situation sanitaire dans les pays du sud.

    Migrant

    Le terme «migrant» doit être utilisé avec précaution, car il n'est dénué ni d'idéologie, ni d'ambiguïté. Il arrive qu'il serve à opérer un tri entre les personnes qui quittent leur pays selon les causes supposées de leur départ. Les «migrants» feraient ce choix pour des raisons économiques, quand les réfugiés ou les demandeurs d'asile y seraient forcés pour des motifs politiques. Or les contraintes économiques et politiques se confondent souvent, et la distinction entre différentes catégories de «migrants» est généralement arbitraire44.

    44 Simon, Gildas (2008) La planète migratoire dans la mondialisation, Paris, Armand Colin, 256 p.

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    Il n'existe pas de définition juridique uniforme du terme « migrant » au niveau international. Certains décideurs, organisations internationales et organes de presse comprennent et utilisent le mot « migrant » comme un terme général pour couvrir à la fois les migrants et les réfugiés. Par exemple, les statistiques mondiales sur les migrations internationales emploient en général une définition du « migrant international » qui engloberait beaucoup de demandeurs d'asile et de réfugiés.45

    Migrant international : Toute personne qui vit de façon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel il n'est pas né et qui a acquis d'importants liens sociaux avec ce pays [UNESCO]. À des fins statistiques, les Nations Unies proposent de distinguer le «migrant à long terme» (personne s'installant dans un pays autre que son pays de résidence habituelle pour une période d'au moins douze mois) du «migrant temporaire».

    Travailleur migrant : Personne qui va exercer, exerce ou a exercé une activité rémunérée dans un État dont elle n'est pas ressortissante [Convention internationale des Nations-Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles46.

    Réfugié : Au sens de la Convention de Genève de 1951, est éligible au statut de réfugié toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. Il existe aussi une acception non juridique de la notion de réfugié, qui désigne toute personne contrainte à quitter son pays d'origine et ne pouvant y rentrer47.

    45 La convention des Nations unies de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille définit le terme « travailleur migrant ». Voir aussi l'article 11 de la Convention de l'OIT de 1975 concernant les migrations dans des conditions abusives et la protection de l'égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants (n ° 143) et de la Convention de l'OIT sur les travailleurs migrants de 1979 (n ° 97) ; ainsi que l'article 1 de la Convention européenne de 1977 sur le statut juridique des travailleurs migrants.

    46 Le Monde Diplomatique 1990-2007 "Article du Monde Diplomatique

    47 Robert Fossaert 1996 "L'avenir du socialisme

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    Demandeur d'asile : Personne qui a quitté son pays d'origine et souhaite obtenir le statut de réfugié.

    Migrant environnemental : Il n'existe pas de définition figée de la migration environnementale. On peut cependant considérer la migration environnementale comme une migration causée, directement ou non, totalement ou en grande partie, par des phénomènes environnementaux, qu'ils soient multiples ou uniques, catastrophiques ou graduels, naturels ou anthropiques48.

    Déplacé interne : Personne forcée ou contrainte à fuir son lieu de résidence habituel, notamment en raison d'un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l'homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme et qui n'ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d'un État [ONU] 49.

    Clandestins ou sans-papiers : Le terme «clandestin», empreint d'un caractère péjoratif et criminalisant, est communément mais abusivement utilisé pour désigner des étrangers en situation irrégulière, et laisse penser que ces personnes ont volontairement franchi irrégulièrement la frontière du pays où elles se trouvent, pour y rester dans l'illégalité. En réalité, la plupart des étrangers en situation irrégulière sont entrés régulièrement sur le territoire européen : avec un visa de touriste, d'étudiant ou autre, ou encore en déposant une demande d'asile à leur arrivée. C'est le fait de demeurer dans le pays où ils se trouvent une fois leur visa expiré, parce qu'ils n'ont pas pu obtenir le droit d'y séjourner durablement, ou après le rejet de leur demande d'asile, qui les fait basculer dans la catégorie des «sans-papiers»50.

    48 Agence Télégraphique Suisse 1993-1995 "Dépêches de presse de l'agence SDA-ATS

    49 Le Monde 1994 "Extrait du Monde d'octobre 1994

    50 https://www.lacimade.org/faq/qu-est-ce-qu-un-migrant/

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    1.8 Méthodes utilisées

    Analyse des stocks de migrants à partir de données quantitatives et qualitatives tendance des migrations internes Caractérisation des profils des migrants Comparaison des types de déplacement suivant les dimensions des migrations

    Nous retenons, pour collecter les informations et les données, des méthodes et des techniques adaptées aux objectifs que nous poursuivons. Notre choix reflète aussi les ressources, le temps dont nous disposons ainsi que la globalité de la réalité á saisir.

    Nous optons pour la méthode descriptive qui nous permet de photographier le terrain et la méthode historique qui préconise l'observation et l'analyse de documents.

    Les techniques que nous privilégions sont la revue documentaire (écrits, documents, statistiques administratifs), l'entretien libre qui libère la conversation et permet d'entrer dans les détails d'un monde complexe et l'observation directe libre qui nous livre l'espace51.

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    51 https://www.memoireonline.com

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    Section II : Cadres Théoriques ou la littérature des auteurs

    Il existe une carence d'études en matière de la migration en Haïti, cependant quelques travaux ont été réalisés. À part les données consacrées à la migration internes des recensements de 1950, 1971, 1982 et 2003, nous utiliserons, tout aussi bien, les rapports et études traitant du phénomène. Au recensement de 1971, une étude a été réalisée en deux phases à la Division d'Analyse et de Recherches Démographiques de l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique, qui a porté respectivement sur la mesure et les déterminants des migrations internes.

    La première phase dressait un bilan des migrations internes en Haïti et faisait état des principales zones d'origine et de destination52. La deuxième phase identifiait, en premier lieu, les causes de la migration dans les lieux de départ et, en second lieu, mettait en corrélation les taux d'accroissement de la population avec une série d'indicateurs sociaux et économiques par commune. Cette dernière approche a permis de constater que les communes les plus urbanisées ont perdu moins de leur population par la migration tandis que celles qui ont des proportions très élevées de leur Population Économiquement Active (PEA) en agriculture ont connu de plus fortes émigrations de leurs populations53.

    Dans l'Enquête à Passages Répétés de 1971-73, une section du rapport global d'analyse a été consacrée à l'étude du phénomène. Au recensement de 1982, le professeur Raymond Gardiner, sur la base des données provenant d'un échantillon de 2,5 % extrapolé, a établi la matrice «origine - destination » qui a permis de constater que l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince représente le point de convergence des courants migratoires qui traversent le pays54.

    52 IHSI. 1981. Étude de la migration interne, cahier Nos 4, phase I : les données démographiques. Port -au - Prince, p 47.

    53 IHSI, avril 1983.Cahier # 4 : Étude de la Migration Interne, Phase II : Aspects Socio- économiques. Port-au- Prince, p 46

    54 Gardiner, Raymond. 1996. Détermination des flux migratoires internes d'Haïti à partir de la matrice `' origine destination de recensement général de la population et du logement de 1982. Port-au-Prince, pp 1516.

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    En 2002, l'enquête sur la migration vers les quartiers défavorisés de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, réalisée par l'Organisation Internationale pour la migration (OIM) et le Fonds des nations unies pour la population (FNUAP), dont le rapport d'analyse a été rédigé par le professeur Jacques Hendry Rousseau, a permis d'avancer les principales causes de départ des migrants de la zone ciblée. De plus, les principaux résultats de l'enquête ont été présentés suivant trois grands points à savoir : l'aspect quantitatif, les caractéristiques socio- démographique et économique des migrants et les motifs de la migration55.

    A) La migration selon la pensée de Frédéric Boyer : Migrants, mémoire du monde

    La littérature la plus ancienne, celle qui nous a formés et instruits depuis des millénaires, nous a décrit l'expérience déchirante et inestimable de celui qui quitte sa patrie et connaît l'exil. C'est à lui que nous devons notre monde et notre identité, racontent les Anciens. Son récit est devenu le nôtre. Sa migration est notre fondation. En témoigne déjà Salluste, au début de notre ère: La tradition m'a appris que Rome a été fondée initialement par des Troyens fugitifs qui, sous la conduite d'Énée, erraient au hasard56.

    La guerre totale, la destruction d'une ville, Troie. Ceux qui refusent d'endurer l'exil et meurent. Les vieillards poussant les plus jeunes à fuir, à inventer une nouvelle vie ailleurs. Énée qui décide de partir avec son tout petit garçon, Iule, sa femme qu'il perdra net son vieux père Anchise qui mourra. Le héros de Virgile fuit la nuit du monde qui était le sien, quand il n'y a plus rien à espérer. L'errance est longue et cruelle. Des femmes troyennes se lamentent avec des mots que nous pouvons entendre deux mille ans plus tard: Depuis la ruine de Troie, sept ans qu'on nous transporte, qu'on nous fait traverser les flots, toutes les terres, des rochers inhospitaliers, sous tous les cieux, roulées par les vagues de la grande mer, à la poursuite d'une Italie qui se dérobe57.

    55 Rousseau, Jacques Hendry. 2002. Enquête sur la migration vers les quartiers défavorisés de l'aire métropolitaine de Port - au- Prince, Organisation Internationale pour la migration (OIM) et Fonds des nations unis pour la population (FNUAP) : Port -au- Prince. pp 76-85p

    56 Salluste, Catilina -Jugurtha - Fragments des Histoires, éd., trad. A. Ernout, Paris, 1947

    57 Chant II de l'Énéide : La chute de Troie Virgile, traduit du latin par Dominique Buisset Dans Poésie 2014/1 (N° 147), pages 121 à 141

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    Ces grands récits rappellent ce que notre monde doit à l'expérience fondatrice du déchirement, du voyage, de l'exode. Énée fonde Lavinium, en mémoire de sa femme Lavinie, fiction littéraire d'une ville fondée par un migrant, célébrée comme modèle d'une Rome ouverte à tous les étrangers, selon les mots de Sénèque (Consolation à ma mère Helvia) qui, exilé en Corse par l'empereur Claude en 41, écrit: Nous sommes appelés à nous retourner vers l'exilé qui nous a fondés, qui en fuite, sa patrie tombée, traînant ses maigres reliques, dut chercher un lointain asile, et se réfugier en Italie. C'est lui qui détient notre identité. Chaque migrant emporte avec lui comme Énée ses Pénates, petite patrie errante. C'est aussi Ulysse, héros paradoxal, « aux mille tours », d'une épopée de la perte, et dont le voyage est la matrice narrative de l'expérience même du monde.

    C'est ce que rappellera Simone Weil en 1943 : les réfugiés sont l'avant-garde de la condition humaine ». Que sommes-nous en cette vie s'interrogeait déjà saint Augustin, dès ses premiers textes, sinon « des voyageurs désireux de mettre fin aux misères de l'exil 58?

    L'existence même est « ce lointain voyage qui nous éloigne de la patrie », alienare a patria, un éloignement qui est aliénation (De Doctrina christiana). Nous sommes des peregrini en cette vie, pèlerins, voyageurs, migrants. Tous des exilés. Qui est d'autre Abraham, dans la Bible, sinon celui qui reçoit la promesse d'une terre faisant de lui et de ses descendants un migrant, un ger en hébreu (Gn 15, 13), celui qui s'arrache de son lieu et séjourne en terre étrangère?

    La racine du mot hébreu signifiant bien chercher l'hospitalité. La promesse de Dieu à Abraham fait d'abord de lui un migrant qui réclame l'hospitalité. Expérience éthique fondatrice.

    Mais l'éthique n'a de valeur que si nous en éprouvons l'expérience, et ce que nous permet ici la littérature : partager le sentiment d'autrui, éprouver sa misère, découvrir qu'elle est peut-être fondatrice. « Le sentiment de la misère humaine est une condition de la justice 59», affirmait encore Simone Weil. Renoncer à éprouver ce sentiment c'est perdre toute justice.

    58 Catherine Millot, La passion de Simone Weil Dans La clinique lacanienne 2005/1 (no 8), pages 25 à 37

    59 Emmanuel Gabellieri, LE DONNÉ ET LE MYSTÈRE Notes sur phénoménologie, métaphysique et révélation chez S. Weil Centre Sèvres « Archives de Philosophie » 2009, 4 Tome 72, pages 627 à 644

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    Notre tâche, si nous voulons demeurer qui nous sommes, fidèles à notre mémoire du monde, c'est de nous porter au secours de l'altérité persécutée. Fugitifs, migrants, naufragés incarnent la figure la plus haute de notre humanité. Nos plus grands récits racontent que ce sont eux qui ont construit, imaginé, le monde dans lequel nous vivons60.

    B) La Migration d'après François Crépeau : Le danger, c'est l'immobilité.

    Le phénomène s'est accéléré parce que les moyens de communication le permettent. Mais la migration est l'état normal de fonctionnement de l'humanité. La sédentarité n'est que très récente et n'est même pas très fréquente: nous bougeons tout le temps. C'est dans notre ADN. Nous sommes une espèce migrante, et ce n'est pas 400 ans de théorie de la souveraineté territoriale qui vont changer cela. Il y a en ce moment sur la planète plus de 250 millions de migrants.

    Ce nombre devrait atteindre les 400 millions vers 2050. En proportion, on reste à 3%, 3,5% de la population mondiale, comme c'est le cas aujourd'hui61. La réduction de la population active, notamment en Europe, va être un facteur majeur dans la transformation des migrations. Il y a des tas de choses que nous faisions dans nos sociétés que nous ne ferons plus. On aura besoin de migrants, mais il faudra que cela se passe dans des contextes qui ne soient pas ceux de l'exploitation. À cause de la globalisation, il y a un blocage autour des migrations qu'il faudra dénouer, et cela prendra au moins une génération. Ce blocage, c'est celui de la délocalisation.

    On a délocalisé vers le sud tout le secteur manufacturier, mais au même moment, on a délocalisé vers le nord les conditions de travail du Sud dans bien des secteurs de nos économies, en ayant des migrants en situation irrégulière ou des travailleurs étrangers avec des contrats très précaires.

    60 Frédéric Boyer, Migrants, mémoire du monde le 17/09/2015

    https://www.la-croix.com/Culture/Livres-Idees/Livres/Migrants-memoire-du-monde-2015-09-17-

    61 Cf. wwww. worldpopclock. com. Nombre de pays ne disposant pas d'un système censitaire fiable, ou ayant des données trop anciennes, on peut considérer que l'incertitude concernant les effectifs de population mondiale est approximativement de 2 à 3%.

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    Il s'agit de quelque chose de très structurel dans nos sociétés: il y a toujours eu une main-d'oeuvre docile, flexible pour faire des boulots terribles comme les esclaves, les serfs au Moyen Âge ou les ouvriers du XIXe siècle, et aujourd'hui, ce sont les travailleurs migrants qui occupent cette fonction. Cette précarité est connue de tous, surtout de nos dirigeants, mais ils ne font rien parce que c'est la condition de survie, dans la situation actuelle, de toute une série de secteurs de l'économie.

    a) Le droit pourrait-il régler cette situation?

    Le droit n'a jamais changé la vie des gens tout seul. C'est un outil: il y a régulièrement des jugements de la Cour européenne des droits de l'homme, de tribunaux partout en Europe qui disent aux gouvernements ce qu'ils n'ont pas le droit de faire avec ces populations. Le droit sert à quelque chose, mais par rapport aux millions de migrants dont les droits sont bafoués, on n'a que quelques dizaines de décisions.

    Pour une raison assez simple: le migrant ne se plaint pas, ne va pas devant les tribunaux. Il a investi énormément d'argent pour venir dans nos pays. Il a aussi passé des mois qui peuvent avoir été extrêmement durs avec de la torture, de l'extorsion, avant d'arriver dans le pays où il travaille. Il porte entre ses mains l'espoir de sa famille qui attend de l'argent en retour, qui attend qu'il réussisse, qu'il puisse s'établir, se marier, avoir des enfants.

    b) Comment en est-on arrivé là?

    Parce qu'il n'y a pas, sur cette question, d'opposition dans les systèmes dans lesquels nous sommes. Les personnels politiques fonctionnent à l'incitatif électoral, et comme les migrants n'ont pas de droit de vote, ils sont sans capacité de punir ou de récompenser les politiciens. On ne connaît pas de politiciens, sauf dans des partis marginaux, qui ont un discours pro-immigration, demandant des chiffres supplémentaires d'immigration ou une bien meilleure protection des travailleurs migrants... Il n'y en a pas.

    Dans les faits, l'évaluation de l'insertion de ces personnes est généralement celle d'un déclassement: des personnes qui étaient ingénieurs chez eux deviennent simples

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    techniciens dans le meilleur des cas. Après des années d'attente, la personne a changé totalement de projet de vie. Le danger, ce n'est pas la mobilité, c'est l'immobilité62.

    C) La migration selon L'archéologue Jean-Paul Démoule : De tout temps, l'homme s'est déplacé

    Revient sur les vagues migratoires qui ont fait la France depuis que le premier «Homo Erectus» a posé le pied dans l'Hexagone, il y a 1,5 million d'années, jusqu'à l'aube du XXe siècle.

    Vous avez organisé à la Cité de l'immigration un colloque intitulé « Archéologie des migrations » Pourquoi ne pas l'avoir intitulé « Histoire des migrations63» ? Parce que l'histoire, qui repose sur les écrits produits par les hommes, n'est pas suffisante pour retracer les mouvements de notre humanité : elle couvre seulement les 5 000 dernières années, quand les migrations des humains remontent à plusieurs centaines de milliers d'années. Seule l'archéologie est à même de retracer les mouvements de populations antérieurs, grâce aux traces de peuplement retrouvées partout dans le monde.

    a) De quand datent les premières migrations dans l'Hexagone ?

    L'homme s'est toujours déplacé. La première grande vague migratoire à toucher l'Europe et la France est celle d'Homo erectus64, l'ancêtre de Néandertal, arrivé d'Afrique il y a... 1,5 million d'années de cela. La vague suivante, aussi appelée deuxième sortie d'Afrique, correspond au déplacement d'Homo sapiens, notre ancêtre direct : parti d'Afrique il y a environ 100 000 ans, il mettra près de 60 000 ans avant d'atteindre le territoire correspondant à la France actuelle, 40 000 avant notre ère donc. Les migrations de l'époque n'ont pas grand-chose à voir avec les déplacements de population plus récents : elles se font de proche en proche, génération après génération, sur des périodes de temps beaucoup plus longues donc, c'est la vague migratoire massive qui « suit » celle de Sapiens en Europe, si l'on peut s'exprimer ainsi concernant des plages de temps aussi longues. Elle

    62François Crépeau, Le danger, c'est l'immobilité» https://www.laicite.be/magazine-article le-danger-cest-limmobilite

    63 Dominique Garcia et Hervé Le Bras, Archéologie des migrations, Collection : Recherches/INRAP, Éditeur : La Découverte. Année : 2017, France, Pages : 392

    64 Claude-Louis Gallien, Les archanthropiens : Homo erectus Dans Homo, Presses Universitaires de France, 2002, pages 280 à 314

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    part du Proche-Orient, où naît l'agriculture, il y a 10 000 ans environ et arrive en Europe de l'Ouest il y a 7 000 à 8 000 ans. Avec la sédentarisation et le développement de l'agriculture, on assiste en effet à un boom démographique dans les régions du Proche-Orient qui pousse une partie des populations d'agriculteurs à la migration, les terres arables n'étant pas extensibles à l'infini : des flux se créent vers l'Europe, via l'Europe centrale et le Bassin méditerranéen, mais aussi vers l'Asie centrale à l'est, et vers l'Égypte et l'Afrique du Nord. Cette expansion très progressive des agriculteurs 20 kilomètres par génération environ finit par submerger les populations « indigènes » européennes de chasseurs-cueilleurs, comme le confirment les études génétiques les plus récentes65.

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    Critique de la pensée de Frédéric Boyer

    L'écrivain, nous invite à retrouver la figure du réfugié dans Homère, saint Augustin, la Bible ou Simone Weil, montrant que les migrations ont été fondatrices de nos civilisations, il nous montre la valeur et la capacité des travailleurs migrants, celui qui a fui la guerre, la misère et la faim mais, peuvent donner l'espoir dans un autre environnement de paix.

    65 https://lejournal.cnrs.fr/articles/de-tout-temps-lhomme-s'est-deplace

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    C'est une réflexion sur l'identité comme possibles, une invitation à ne pas voir celui qui voudrait nous rejoindre comme « le nouveau venu de trop, la goutte qui ferait tout déborder, tout basculer ». C'est, pour considérer la page 36 du livre comme son centre névralgique, une invitation à en finir avec « la peur de disparaître » qui pollue tant de discours sur l'identité, les civilisations, la nation, le fantasme puant du « grand remplacement 66».

    Cependant, nous pouvons constater que l'auteur n'a pas mis accent sur le droit des migrants, comme victime de toute stéréotypes comment les migrants devons protéger leurs droits?

    Critique la thèse de François Crépeau

    L'auteur nous d'écrire la migration depuis la genèse de l'humanité, la migration c'est notre ADN, pour lui l'homme et la femme sont nés migrants, Pour lui les politiques migratoires sont fondées sur des fantasmes, très souvent sur des discours de fantasmes, de stéréotypes, de peurs et de menaces. Et il va falloir que nous changions ça, il va falloir que les migrants, que la voix des migrants, soit entendue, de manière à ce qu'on puisse faire diminuer ces fantasmes, ces peurs, ces stéréotypes et qu'on puisse commencer à réfléchir à des politiques migratoires qui répondent aux push factors et aux pull factors, et qui donc s'appuient sur une réalité économique, sociale, politique et non pas sur les fantasmes dont sont nourris les électoraux.

    Nous pouvons constater, il a été trop direct dans son texte, il s'est fait passer comme un défenseur de gauche en prenant la défense des migrants, nous pensons qu'il allait utiliser un style indirect pour faire valoir le droit des travailleurs migrants en outre l'auteur était trop centré sur le cas des migrants mais il n'a pas tenu compte la misère des refugies et les demandeurs d'asiles67.

    Critique la pensée de Jean-Paul Démoule

    66 https://la-philosophie.com/prologue-ainsi-parlait-zarathoustra

    67 PARKINS N. (2010). Push and Pull factors of Migration, American Review of Political Economy, vol. 8, n°2, 6-24.

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    L'auteur a fait un travail colossale afin qu'il puise retracer l'histoire de la migration, il nous donne quelques idées reçues sur notre histoire et nos origines. Le travail de cet archéologue gagne, de fait, à être mieux connu. C'est un travail qui mérite d'être apprécié mais qui ne traite pas la question sur le plan globalisation de la migration, il ne traite pas les questions d'ordre juridique, le vécu des migrants, la vie des refugies

    Prises de positions

    Notre tour d'horizon permet d'identifier les principales propositions théoriques issues de c'est trois littératures scientifiques pour comprendre la thématique de la migration. Au fil des trois travaux étudient leurs littératures nous aide à mieux cerner le concept de la migration sur plusieurs angles : Frédéric Boyer : Migration, mémoire du monde. (Anthropologie de la migration) François Crépeau : Le danger, c'est l'immobilité (Droit et Migration) et Jean-Paul Démoule : De tout temps, l'homme s'est déplacé (Archéologie de la migration) mettre en avant le caractère multidimensionnel du phénomène migratoire.

    Donc, après avoir analysé et synthétisé les trois textes, nous avons choisi le texte de François Crépeau pour voir mener à bien notre travail car nous avons trouvé comment il a pu traiter cette thématique avec rigueur et une littérature scientifique capable de nous aider à mieux comprendre le champ de notre travail scientifique.

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    Chapitre II : Valeurs institutionnelles juridiques de la recherche

    Section I : Cadres institutionnels de la recherche

    Dans notre pays, le contrôle et la gestion de la migration sont attribués à diverses instances qui se manifestent généralement par l'offre de certains services et de prestations sociales. Le Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales assure les fonctions régaliennes, la défense nationale; il contrôle, entre autres, le service de l'immigration qui délivre les passeports. Le ministère de la justice analyse les dossiers qui se rapportent à la justice; le ministère des haïtiens vivant á l'étranger intervient dans les relations nationales et celles des pays étrangers, il se préoccupe des haïtiens de l'extérieur. Le Ministère des Affaires Étrangères, auquel est confié le rôle d'officier d'état civil, crée un cadre propice pour les Haïtiens résidant à l'étranger et octroie les visas d'entrées. En dernier lieu, le Ministère des Affaires Sociales qui se charge des problèmes de la société joue un rôle très actif dans la distribution des dons aux rapatriés.

    Par ailleurs, le gouvernement de l'époque a créé deux autres institutions après la conférence mondiale du CIPD en 1994 tenue à Mexico.

    Le premier est le Ministère des Haïtiens vivant à l'Étranger. Il est créé par un décret en janvier 1995 et a une triple mission :

    a) Conduire la politique du pouvoir exécutif en matière de coopération entre les haïtiens de l'extérieur et ceux de l'intérieur.

    b) Faciliter, au besoin, la concertation entre les différentes communautés haïtiennes en ce qui a trait à leur coopération avec Haïti.

    c) Participer à la commission mixte haïtiano - dominicaine.68

    Le second, l'Office National de la Migration (ONM) qui fonctionne sur la tutelle du Ministère des Affaires Sociales. Le décret du 27 mars 1995 lui donne naissance. Sa mission est d'accueillir et d'insérer les rapatriés, les déplacés internes; et ensuite de proposer une politique migratoire.

    68 Office nationale de la migration (ONM). 2000. Projet de politique migratoire, document préliminaire. Port-au-Prince, p 48.

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    Le Ministère des Haïtiens vivant à l'étranger est prévu comme structure institutionnelle lors de l'exécution du décret de janvier 1995, cependant l'ambiguïté se manifeste lors de la prise de décision. La situation n'est pas différente de celle de l'ONM, le décret créant l'institution n'est pas publié. Il n'existe pas de loi qui énonce clairement ses objectifs et ses critères. Le contrôle et la gestion du phénomène migratoire haïtien ne sont pas bien définis. Les déplacements à l'intérieur du pays se font sans la moindre intervention de l'État, les décisions pénales ne sont pas prises et ni exécutées par le tribunal correctionnel.

    1.1Impact des travailleurs migrant sur le plan social

    Il visait à examiner l'attitude du ministère du Travail face à la couverture sociale des travailleurs migrants dans l'entre-deux-guerres. Cet angle d'analyse engageait plusieurs processus historiques de portée large et requérait de reconstituer le tissu d'institutions, tant nationales qu'internationales, qui fixait l'horizon d'action et de réflexion du ministère du Travail.

    En effet, l'intérêt de l'entre-deux-guerres pour les droits sociaux des migrants ne peut être compris à l'échelle nationale. Il est partagé par toutes les nations du monde industrialisé, depuis qu'elles ont entrepris de développer des systèmes nationaux de protection sociale : le franchissement des frontières nationales pose désormais la question des droits à conférer aux étrangers, processus dans lequel chaque État, un peu à la manière d'un vaste système de compensation à l'échelle mondiale, est engagé.

    Dès la fin du XIXe siècle, des conférences internationales se consacrent spécifiquement à la question. Dans les années vingt, elles sont relayées par les grandes organisations internationales nées au lendemain de la Première Guerre mondiale. Plusieurs solutions sont adoptées et, parfois, se combattent pour réglementer le statut des migrants, des conventions internationales patronnées par le Bureau international du Travail, aux traités bilatéraux entre pays émetteurs et récepteurs.

    Dans ce processus, le ministère du Travail joue, dans chaque pays, un rôle majeur, qui ne peut être compris qu'en adoptant une perspective « relationnelle ». À travers la question « stratégique » des droits sociaux des migrants, on peut reconstituer l'univers des contraintes

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    qui pèsent sur le ministère, circonscrire son périmètre d'action et son efficacité propre, étudier sa réaction aux pressions politiques et institutionnelles qui s'exercent sur lui, et enfin examiner sa façon d'utiliser et de s'approprier des propositions et des projets conçus par des experts dans des instances qui échappent à son contrôle direct.

    La démarche permet également de franchir les frontières nationales. Partir d'un objet circonscrit mais sensible permet en effet d'inclure dans l'analyse les connexions internationales qui font partie prenante de l'horizon du ministère du Travail. Nous avons suivi ses représentants dans les grandes instances consacrées aux migrations de travail : les conférences internationales tout d'abord, qu'elles soient administratives, savantes, ou suscitées par des associations de défense des migrants ; mais aussi les organismes internationaux. Nous avons prêté une attention particulière au Bureau international du Travail, et aux pressions de divers types qu'il a exercées sur le ministère du Travail. Le cas des migrations de travail nous a permis de mieux mesurer les modalités et l'efficacité relative de ces pressions extérieures, et du même coup les limites de l'autonomie du ministère du Travail69.

    Notons au passage que ces divergences ou incohérences, qui peuvent affaiblir la maîtrise étatique des migrations, ne minimisent en rien les inconforts de la condition des immigrants ni les pratiques discrétionnaires dont ils sont l'objet, car elles se traduisent par des changements d'attitude souvent brusques de la part des institutions qui déterminent leur sort dans le pays d'accueil70.

    69 Premières publications issues du rapport de recherche : Caroline Douki, David Feldman et Paul-André Rosental, « Pour une histoire relationnelle du ministère du Travail en France, en Italie et au Royaume-Uni dans l'entre-deux-guerres : le transnational, le bilatéral et l'interministériel en matière de politique migratoire », in Alain Chatriot, Odile Join-Lambert et Vincent Viet (ed.), Les politiques du travail (1906-2006). Acteurs, institutions, réseaux, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 143-159.

    Paul-André Rosental, « Géopolitique et État providence : le BIT et la politique mondiale des migrations dans l'entre-deux-guerres », Annales. Histoire, sciences sociales, 61, 1, 2006, numéro thématique « Histoire politique des populations », p. 99-134.

    70 Caroline Douki, David Feldman et Paul-André Rosental, La protection sociale des travailleurs migrants dans l'entre-deux-guerres : le rôle du ministère du Travail dans son environnement national et international (France, Italie, Royaume-Uni) Note de synthèse du rapport de recherche. Dans Revue française des affaires sociales 2007/2, pages 167 à 171. https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2007-2-page-167.

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    1.2 Impact des travailleurs migrants sur le plan politique :

    La migration sur le territoire d'un autre pays non seulement facilite l'engagement dans la politique du pays d'origine, mais est également source d'une influence inédite. Premièrement, l'installation sur le territoire d'un État démocratique entraîne l'accès aux droits, même si ces derniers sont variables et contestés. À long terme, le matériel et le politique sont complémentaires.

    La même logique encourageant l'économie familiale Trans-étatique appuie les projets poursuivis par les migrants qui s'engagent dans la politique à longue distance : puisqu'ils réunissent des fonds dans un pays où les salaires sont élevés d'aider la mobilisation politique dans les pays ou le coût de la vie est moindre, de petites contributions venant des ouvriers immigrés travaillant dans les situations les plus défavorables fournissent aux exilés les ressources qu'ils requièrent d'exercer de l'influence dans le pays d'origine.

    De plus, même parmi les plus défavorisés des migrants, il y en a toujours qui progressent bien au-delà des positions désavantageuses qu'ils ont initialement occupées. Certains d'entre ces derniers sont prêts à mettre leurs ressources et leurs contacts trans-étatiques. Que les migrants puissent se mobiliser dans un pays plus puissant, jouissant de la capacité d'agir d'une manière qui pourrait aider ou nuire aux régimes des pays d'émigration, ajoute à l'influence que peuvent exercer les expatriés.

    De plus, le blocage qu'ils auraient éprouvé s'ils étaient restés chez eux, se trouve dépassé dans le pays d'accueil, où ils arrivent à ériger des alliances avec des acteurs détenant de l'influence dans un pays puissant, ce qui oblige les dirigeants du pays d'émigration à prêter attention à ceux qu'ils ont antérieurement négligés. Bien entendu, cette possibilité ne fait pas l'objet de la préférence des États émetteurs. Puisque les États d'émigration peuvent se servir d'amis bien placés, ils préfèrent plutôt que la politique des émigrants se transforme en politique des immigrants, ce qui permettrait aux immigrants de se convertir en lobbyistes ethniques71.

    71 Roger Waldinger is Distinguished Professor of Sociology at UCLA, where he served as Interim Associate Vice-Provost for International Studies from 2010-2012, Chair of the Department of Sociology from 1999 to 2004 and Director of the Lewis Center for Regional Policy from 1995 to 1998

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    L'espoir partagé par tous est d'imiter ce qu'on perçoit être la réussite du lobby juif, comme l'a indiqué Jean-Baptiste Aristide il y a trente ans quand, en tant que chef de la révolte populaire contre la dictature Haïtienne au début des années 90, il a fait appel aux Haïtiens résidant aux États-Unis pour les encourager à imiter les Juifs Américains. Malgré des divergences de contexte et d'expérience assez marquées, l'idée n'est pas seulement partagée parmi les États émetteurs des pays américains, mais se répand bien plus largement.

    Pour donner un exemple, nous citons le travail de la sociologue Eva Ostergaard-Nielsen (2003 : 90), spécialiste de la migration turque qui raconte qu'un membre de l'Assemblée turque lui a dit que « tout le monde veut un lobby juif »

    Mais le mariage entre politique des émigrants et politique des immigrants n'est pas si facile à arranger. Puisque les émigrants se sont soustraits au contrôle de l'État émetteur, ils peuvent poursuivre la politique en tant qu'immigrants de mettre en place une politique à l'opposée de celle préconisée par l'élite dans le pays d'origine72.

    L'exemple des Cubains illustre ce modèle. Dès qu'ils touchent le sol américain, les Cubains reçoivent la résidence permanente ; ils procèdent rapidement à la démarche suivante, obtenir la citoyenneté aussi vite que possible ; s'étant munis de la citoyenneté, ils votent, et à un haut pourcentage ; ils se concentrent dans les États de Floride et du New Jersey où le résultat des élections présidentielles est souvent décisif ; Enfin, ils votent en bloc, ce qui les rend irrésistibles aux candidats en quête de votes. Par conséquent, les deux partis s'efforcent de soutenir le programme mis en avant par les exilés et qui visent à accroître la pression subie par le régime cubain73.

    72 Roger Waldinger, « La politique au-delà des frontières : la sociologie politique de l'émigration », Revue européenne des migrations internationales [En ligne], vol. 32 - n°3 et 4 | 2016, mis en ligne le 01 décembre 2018, consulté le 07 juillet 2019.

    73 Arthur M. Eckstein is Professor of History at the University of Maryland, College Park, and the author of Moral Vision in the Histories of Polybius and Senate and General: Individual Decision Making and Roman Foreign Relations, 264-194 B.C., both from UC Press.

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    1.3 Impact des travailleurs migrants sur le plan économique :

    L'accélération de la mondialisation de l'économie a créé plus de travailleurs migrants que jamais auparavant. Le chômage et la pauvreté croissante ont amené de nombreux travailleurs dans les pays en développement à rechercher du travail ailleurs. Dans les pays industrialisés, la demande de main-d'oeuvre, en particulier de main-d'oeuvre non qualifiée, a augmenté. C'est pourquoi, des millions de travailleurs et leur famille émigrent pour trouver du travail. Il y aurait 232 millions de migrants dans le monde aujourd'hui, soit 3.1 %de la population mondiale. Près de la moitié des migrants sont des femmes. Il n'est estimé par ailleurs qu'un migrant sur huit est âgé de 15 à 24 ans.

    Les travailleurs migrants contribuent à l'économie du pays d'accueil et les fonds qu'ils envoient chez eux aident à dynamiser l'économie de leur pays d'origine. Pourtant, ils bénéficient souvent d'une protection sociale insuffisante et sont à la merci de l'exploitation et de la traite. Si les risques d'exploitation sont moindres pour les travailleurs migrants qualifiés, leur départ prive certains pays en développement d'une main-d'oeuvre précieuse nécessaire à leur économie. Les normes de l'OIT sur la migration donnent les moyens aux pays qui envoient des migrants ou les accueillent de gérer les flux migratoires et d'assurer une protection adéquate à cette catégorie vulnérable de travailleurs74.

    1.4 Impact des travailleurs migrants sur le plan culturel :

    Le contexte mondial actuel se caractérise par une accélération de la circulation des capitaux, des biens et des services, créant des pressions sur les mouvements migratoires internationaux. Depuis les dix dernières années, on assiste effectivement à une augmentation de la migration internationale, en particulier dans les pays développés qui deviennent par le fait même de plus en plus multi-ethniques et multiculturels. La diversité culturelle qui en découle engendre de nouveaux défis de «gestion» pour les États et les organisations internationales.

    74 https://www.ilo.org/global/docs/WCMS_306655/lang--en/index.htm

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    Les réponses politiques à ces défis se situent à la fois au niveau international, par l'augmentation du multilatéralisme en matière de migrations internationales, et au niveau national, par l'adoption de solutions qui empruntent soit la voie législative (e.g. interdiction des symboles religieux à la française), soit la voie légale (e.g. jugements des cours de justice basés sur la notion d'accommodement raisonnable à la canadienne). Même si la voie de l'accommodement semble davantage appropriée aux sociétés multiculturelles, elle n'est pas exempte de dérives comme pourrait l'être l'introduction de la charia dans les médiations conjugales et familiales75.

    De par la multitude des définitions - elles sont plus de deux cents - consacrées au terme « culture », il est plus pertinent de parler d'un concept que d'un simple mot de langue. Au-delà des croyances et des pratiques, une culture se caractérise par ses manières de penser le monde, les individus, la famille, etc., à partir des mythes fondateurs et des interdits fondamentaux. Les rencontres cliniques avec les familles migrantes mettent le clinicien face aux difficultés du « travail de la culture » comme processus d'élaboration intrapsychique et « Trans individuel » de l'expérience de vie (Zaltmann, 2007). Ces difficultés constituent le socle du « travail de la migration » (Truffaut, 2006) qui s'ajoute au « travail de deux ou plusieurs cultures » et permettent d'apprécier la créativité des familles migrantes, celle des professionnels.

    Le problème ne réside donc ni dans les cultures d'origine des familles migrantes, ni dans celle du pays d'accueil ; il réside dans l'absence de cadres et de dispositifs susceptibles de contenir les métissages culturels et les dynamiques de transition initiées par l'ensemble des mutations individuelles, familiales et sociales à l'oeuvre au sein de la société française. Si la migration provoque inéluctablement des mutations dans les familles migrantes, le travail de la culture apparaît de manière plus intense chez leurs enfants à la période de l'adolescence76.

    75 Piché, V. (2005). Immigration, mondialisation et diversité culturelle : comment « gérer » les défis ? Les Cahiers du Grès, 5 (1), 7-28. https://doi.org/10.7202/010877ar

    76 Isam Idris, Cultures, migration et sociétés : destin des loyautés familiales et culturelles chez les enfants de migrants : Dans Dialogue 2009/2 (n° 184), pages 131 à 140. https://www.cairn.info/revue-dialogue-2009-2-page-131.htm#pa

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    1.5 Impact des travailleurs migrants sur le plan juridique :

    Les débats sur les politiques migratoires ne se déroulent pas dans un vide juridique, dans un espace de non-droit où règnerait la raison d'État. Des principes, des textes et des outils existent, notamment pour un internationaliste. Certes l'audace de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 est toute relative lorsqu'elle proclame à l'article 13, alinéa 2, que « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays »77. Cette liberté d'aller et venir n'implique pas une obligation pour les pays tiers, en dehors de l'hypothèse du droit d'asile, qui est prévue à l'article 14, alinéa 1 : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays78 » Tout au plus doit-on relever que ce droit de bénéficier de l'asile n'a pas pour contrepartie une obligation incombant à un État déterminé, même si la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, consacrant le principe de non-refoulement, fait peser ce poids sur le pays de premier asile.

    Les politiques d'harmonisation européenne n'ont que trop tendance à aborder en même temps les questions d'asile et d'immigration en voyant dans les demandeurs d'asile des immigrants clandestins pour qu'il soit nécessaire de souligner qu'il s'agit là de deux problématiques différentes et de deux régimes juridiques distincts. Dans notre contribution, nous nous en tiendrons à la question générale des droits de l'homme des étrangers et notamment des migrants.

    Rares sont les travaux consacrés à la question migratoire en Méditerranée sous un angle juridique qui tiennent compte de l'influence normative européenne sans la survaloriser. D'autres, plus nombreux, répondent à des commandes institutionnelles et relèguent au second plan la problématique de la convergence normative pour porter leur attention sur la description des dispositifs législatifs et réglementaires à l'oeuvre dans les différents foyers migratoires nationaux. Il nous semble, malgré des différences de fond certaines, que les premiers comme les seconds s'appuient sur des présupposés théoriques qui considèrent le droit, au mieux comme un reflet du politique, au pire comme un instrument à son service.

    77 Emmanuel Decaux, Droits des travailleurs migrants et droit international des droits de l'Homme Dans Migrations Société 2008/3-4 (N° 117-118), pages 185 à 198. http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm

    78 Ibidem

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    Cette politique est, en l'occurrence, dicté par un acteur puissant en Méditerranée : l'Union européenne.

    De ce fait, la marge de manoeuvre des États du littoral sud de Méditerranée occidentale se trouverait réduite à néant et, par suite, le législateur aurait, dans ces pays, une sorte de compétence liée ou, pour utiliser le vocabulaire idoine, une souveraineté limitée. S'il convient de leur donner raison quant à l'intérêt soudain manifesté, nolens volens, par les États du Maghreb pour la « chose juridique » en matière migratoire, on ne saurait suivre plus avant leur raisonnement sauf, d'une part, à escamoter la dimension géopolitique qui imprègne fortement les relations Euro-méditerranéennes et, d'autre part, à nier toute autonomie normative aux systèmes juridiques autochtones et, au-delà, à la règle juridique en général79 .

    La production de la norme juridique en matière migratoire en Méditerranée met à nu plusieurs réalités. Tout d'abord, celle de la communautarisation des politiques d'immigration et d'asile soumise, non pas comme c'était l'objectif tracé à Tampere à des standards élevés en matière de protection des droits de l'homme mais à des standards a minima imposés par les États. L'harmonisation normative qui en était attendue est ainsi distillée dans une politique « utilitariste » conduite par les États réduisant l'asile à l'immigration et celle-ci à l'illégalité.

    Ensuite, elle montre la complexité du processus « d'exportation » de la norme juridique et des limites de son « implantation » dans des environnements politiques et institutionnels nationaux différents, particulièrement dans le domaine sensible de la « surveillance et du contrôle » des étrangers, domaine toujours corrélé à la souveraineté nationale qui, dans bien des cas, est mâtinée d'autoritarisme80.

    79 Hocine Zeghbib, « Normativité juridique et géopolitique des migrations en Méditerranée », Méditerranée, 113 | 2009, 93-104.

    80Hocine Zeghbib, Normativité juridique et géopolitique des migrations en Méditerranée , Méditerranée [En ligne], 113 | 2009, mis en ligne le 31 décembre 2011, consulté le 08 juillet 2019. URL : http://journals.openedition.org/mediterranee/3741

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    Critiques de la prise de position.

    Sur le plan socioéconomique, d'anciens émigrés aspirent à rentrer (définitivement ou périodiquement) en Haïti, mais les conditions de la concurrence sont faussées. Les règles éthiques de compétition loyale non seulement font défaut dans le système économique traditionnel haïtien, mais surtout les structures familiales archaïques sont entretenues par des groupes hégémoniques qui profitent de la grave fracture socioéconomique du pays. Des banques commerciales haïtiennes liées principalement au secteur de l'importation (et moins à l'investissement productif) trouvent leur compte dans les transferts financiers des émigrés et utilisent ces devises pour compenser le déficit presque constant de la balance commerciale d'Haïti. Selon la Banque inter-américaine de développement (BID), en 2006 les émigrés haïtiens ont transféré la somme de 1,65 milliard de dollars américains vers leurs familles restées en Haïti.

    Dans cette perspective, la crise haïtienne c'est aussi le retour (périodique) potentiel de nouveaux acteurs «rémigrés» exigeant une démocratisation du champ économique et la peur des tenants d'un système mercantile mafieux (centralisé principalement à Port-au-Prince) qui ne jurent que par la franchise douanière, l'argent rapide et le financement des troubles sociopolitiques. La décennie 1990 a montré qu'un embryon de groupes d'acteurs économiques transnationaux haïtiens émerge et manifeste sa volonté d'être actif entre les sociétés de départ et d'arrivée. Cela engendre des changements sociaux profonds dans le mode de consommation, d'habillement, etc., par l'accès aux liquidités monétaires et les transferts de nourriture des membres d'une famille, installés en Floride par exemple, vers le reste de la famille habitant les zones rurales en Haïti. Les mouvements de population ont non seulement largement «dédensifié» les campagnes, mais surtout beaucoup de ceux qui y habitent sont, en matière d'habitat et de nouvelles pratiques socioéconomiques, touchés par les rémigrations. Ainsi, les transferts financiers de l'étranger vers les zones rurales haïtiennes rendent le paysan tributaire de ces transferts d'argent. Pour vivre, il est obligé de suivre de manière périodique les fluctuations des devises américaine, canadienne (le dollar de Miami et de Montréal) et européenne (l'euro de Cayenne) par rapport à la monnaie haïtienne (la gourde) pour dégager des marges de manoeuvre financières et réaliser ses projets individuels , dans un va-et-vient identitaire entre les campagnes et les

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    bidonvilles en Haïti. Les transferts financiers transnationaux et leurs conséquences socioéconomiques détruisent donc le sens du « pays en dehors », puisque le paysan haïtien malgré lui et à cause de l'émigration familiale au cours de plusieurs décennies est connecté au jeu spéculatif du marché financier international, même si c'est par le bas.

    En Méditerranée, plus particulièrement dans sa partie occidentale, se joue, pour le contrôle des mouvements migratoires, une partie d'échec à double entrée : verticalement entre les États littoraux du nord et ceux du sud, horizontalement entre les membres de chacun de ces deux sous-ensembles étatiques ce qui n'est pas sans incidence sur les politiques migratoires de ces États pris séparément et sur leur traduction législative et réglementaire81.

    En tous temps et en tous lieux, les migrations entraînent l'extension des réseaux de populations, d'informations, et de biens au-delà du territoire de l'État. En partant d'un pays pour un autre, les migrants se déplacent d'une société au territoire d'un autre État, ce qui produit une convergence des sociétés. La manière de comprendre ce déplacement dépend du lieu depuis lequel on l'observe. Du point de vue des États récepteurs et de leurs peuples, la migration entraîne l'arrivée ici, de personnes étrangères qui auraient dû rester là-bas, dans les terres étrangères.

    Les migrants, en revanche, se trouvent entre les deux rives, une situation qui leur fournit des ressources qui comptent dans les relations avec les parents, les communautés, et l'État du lieu d'origine. Cependant, bien que dans les relations avec ceux qui restent là-bas les migrants tirent des avantages de leur mouvement d'un pays à l'autre, la condition d'étranger soit dans le sens social, soit dans le sens juridique les laisses vulnérables82.

    81 Cf. Hocine Zeghbib, « Normativité juridique et géopolitique des migrations en Méditerranée », Méditerranée, 113 | 2009, 93-104.

    82 Roger Waldinger, La politique au-delà des frontières : la sociologie politique de l'émigration, FMSHWP-2012-20, septembre 2012.

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    Section II : Cadre juridique

    2.1 La Constitution Haïtienne

    L'adoption de la constitution du 29 mars 1987 rend caduques toutes lois qui lui sont contraires. Elle risque de contrarier les prévisions établies antérieurement. Ainsi, se présente le problème de l'étendue de l'application des lois anciennes. D'après le code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir, elle ne peut rétroagir.

    La législation haïtienne sur les migrations internes est contenue dans le code civil et autres recueils de lois en vigueur. En effet, la loi # 4 ayant pour titre déterminant le domicile (article 91 à 97) et dans le code rural François Duvalier en vigueur Loi III et VIII concernant respectivement les paysans et les citadins (articles 17 à 18) ; et la police rurale (article 330 à 347) 83.

    Des décrets ont été pris ; des accords et conventions ont été signés. Le 14 mars 1977 un décret autorise le laisser passer pour se rendre en République Dominicaine.

    Le décret du 26 septembre 1978 se préoccupe de la réglementation de l'immigration. Plus récemment, un projet de loi visant à lever une série de barrières relatives à l'intégration des

    D'après le décret du 25 mars 1995, l'Office national de la migration (ONM), est chargé de l'élaboration du projet de la politique migratoire, mais sa mise en oeuvre concerne les ministères, particulièrement le Ministère des Haïtiens vivant à l'étranger qui devient l'organisme central, chargé de la gestion du phénomène migratoire haïtien, si l'on se réfère à l'une des missions de cette instance exécutoire84.

    83 https://www.memoireonline.com/07/17/9983/m_Le-projet-de-politique-de-la-migration-de-l-ONM-contraintes-et-perspectives17

    84 Office nationale de la migration (ONM). 2000. Projet de politique migratoire, document préliminaire. Port-au-Prince, p 59

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    2.2 La réglementation internationale actuelle sur les travailleurs migrants

    A) Instruments élaborés par l'ONU

    Instrument concernant spécifiquement les travailleurs migrants.

    En 1990, les Nations Unies ont adopté un instrument d'ensemble réglementant la plupart des aspects des migrations internationales: la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles («La convention des Nations Unies»)85. Les instruments de l'OIT et la convention des Nations Unies ont des objectifs similaires: promouvoir les droits et la protection des personnes qui émigrent en vue d'obtenir un emploi, décourager et éliminer progressivement les migrations irrégulières. La convention des Nations Unies donne une définition plus large du «travailleur migrant» que les conventions de l'OIT puisqu'elle inclut les travailleurs frontaliers, les gens de mer et les travailleurs indépendants; cela vaut aussi pour la définition de la «famille».

    La Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée en 1948, par l'Assemblée générale des Nations Unies, proclame que tous êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Plusieurs autres instruments de l'ONU prévoient la protection des travailleurs migrants contre la discrimination et l'exploitation pour des motifs autres que leur statut de non-nationaux, y compris la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965). C'est l'une des conventions des Nations Unies sur les droits de l'homme la plus largement ratifiée86 et, s'il est vrai qu'elle oblige les États parties à bannir la discrimination fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique à l'encontre de toutes les personnes relevant de leur juridiction et à appliquer des sanctions pour les activités procédant d'une telle discrimination, elle ne s'applique pas à la discrimination fondée sur la nationalité, à laquelle les migrants sont par définition très exposés.

    85 Entrée en vigueur le 1er juillet 2003, elle totalisait 25 ratifications au 12 février 2004.

    86 169 ratifications au 1er février 2004.

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    B) Instruments élaborés par l'OIT

    Parmi les instruments relatifs aux travailleurs migrants, on peut citer les conventions spécifiques nos 97 et 143 et les recommandations qui les accompagnent, les instruments sur les principes et droits fondamentaux et, en principe, toutes les autres normes de l'OIT. Conformément à la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, adoptée en 1998, tous les États Membres de l'OIT ont l'obligation, du seul fait de leur appartenance à l'Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, quatre catégories de principes et droits au travail, même lorsqu'ils n'ont pas ratifié les conventions en question: la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective; l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire; l'abolition effective du travail des enfants; l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession. Les principes et droits fondamentaux au travail sont universels et applicables à tous les individus dans tous les États, quel que soit le niveau de développement économique. Ils s'appliquent donc à tous les travailleurs migrants sans distinction, que leur séjour soit temporaire ou permanent, qu'ils soient en situation régulière ou irrégulière. En outre, la Déclaration de 1998 fait expressément référence aux groupes ayant des besoins particuliers, y compris les travailleurs migrants87.

    Au cours des dix à quinze dernières années, le statut spécial reconnu à ces principes et droits fondamentaux a évolué; ils constituent l'essence des huit conventions «fondamentales» de l'OIT, qui définissent plus en détail et dans un cadre juridique formel leur portée et leur contenu. La campagne en faveur de la ratification universelle de ces instruments a été couronnée de succès. Le nombre de ratifications a fait un bond au cours de la dernière décennie. Toutes ces normes, qui visent les travailleurs migrants au même titre que tous les autres travailleurs, sont donc contraignantes pour une grande majorité d'États Membres88.

    87 Conférence internationale du Travail, 92e session, 2004 Rapport VI, Une approche équitable pour les travailleurs migrants dans une économie mondialisée, Sixième question à l'ordre du jour Bureau international du Travail Genève, Première édition 2004 p- 84.

    88 BIT, Bureau international du Travail, CH-1211 Genève 22, Suisse, ou par e-mail: pubvente@ilo.org ou par notre site web: www.ilo.org/pblns.

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    La Convention exige des États parties, entre autres, de maintenir ou de faciliter un service raisonnable et libre afin d'aider les travailleurs migrants et de leur fournir des informations adéquates ; de prendre toutes mesures nécessaires contre la propagande trompeuse concernant l'immigration et l'émigration ; et d'assurer l'égalité juridique en matière de travail (égalité de chances et de traitement) entre migrants avec papier et ressortissants. La Convention n'aborde pas particulièrement la question des travailleurs sans papier ou illégaux, hormis en exigeant des États qu'ils imposent « des peines appropriées » à ceux qui encouragent la migration illégale ou clandestine.

    En 1975, l'OIT adopte la Convention concernant les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l'égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants89. La Convention oblige les États parties à respecter les principaux droits de l'homme de tous les travailleurs migrants90 indépendamment de leur situation légale dans le pays de l'emploi. Cependant, comme pour la Convention de 1949 sur les travailleurs migrants, cette obligation ne s'étend pas au droit d'égalité des chances et de traitement avec les ressortissants91.

    a) Principes et droits fondamentaux au travail

    Liberté syndicale et négociation collective

    La convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical,

    194892, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective,

    89 Convention concernant les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l'égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants, 1975, OIT n° 143, entrée en vigueur le 9 décembre 1978 [Ci-après : Convention de l'OIT sur les travailleurs migrants (Dispositions complémentaires)].

    90 Ryszard Cholewinski cite un Comité d'experts de l'OIT pour soutenir la thèse que la référence aux principaux droits de l'homme est en fait extrêmement limitée et devrait être comprise comme se référant aux droits de l'homme les plus fondamentaux, notamment le droit à la vie, l'interdiction de la torture et le droit à un procès équitable ; elle n'engloberait pas le droit à l'égalité des chances et à l'égalité de traitement avec les ressortissants : Migrant Workers in International Human Rights Law: Their Protection in Countries of Employment (1997), p. 103 et 133.

    91 Dans les deux conventions, le droit à l'égalité des chances et à l'égalité de traitement avec les ressortissants est étendu seulement aux migrants « en situation régulière » sur le territoire du pays de l'emploi : Convention de l'OIT sur les travailleurs migrants (révisée), article 6 ; Convention de l'OIT sur les travailleurs migrants (Dispositions complémentaires), Partie II.

    92 142 ratifications au 12 février 2004.

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    194993, sont les deux conventions fondamentales qui traitent de la liberté syndicale. La convention no 87 garantit le droit, librement exercé, des travailleurs et employeurs, sans distinction, de s'organiser pour poursuivre et défendre leurs intérêts. La convention no 98 protège les travailleurs et les employeurs qui exercent le droit de s'organiser, interdit les actes d'ingérence dans les activités des organisations de travailleurs et d'employeurs et encourage la négociation collective volontaire. La représentation et la possibilité de faire entendre sa voix au travail sont des moyens importants par lesquels les travailleurs migrants peuvent obtenir d'autres droits et améliorer leurs conditions de travail.

    b) Élimination du travail des enfants

    L'élimination du travail des enfants est visée par la convention (no 138) sur l'âge minimum, 197394, et la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 199995. La convention no 138 fixe des limites d'âge pour l'admission des enfants au travail et interdit les travaux dangereux pour les enfants de moins de 18 ans. La convention no 182 appelle à prendre «des mesures immédiates et efficaces pour assurer l'interdiction et l'élimination des pires formes de travail des enfants, et ce de toute urgence», et désigne ainsi les pires formes de travail des enfants: a) l'esclavage et le travail forcé, y compris la traite des enfants et leur recrutement forcé en vue de leur utilisation dans des conflits armés; b) la prostitution des enfants et leur utilisation à des fins de pornographie; c) la production et le trafic de stupéfiants; et d) les travaux susceptibles de nuire à la santé, la sécurité ou à la moralité des enfants.

    c) Égalité de chances et de traitement

    La convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 195896, exige des États qui la ratifient qu'ils formulent et appliquent une politique nationale visant à promouvoir l'égalité de chances et de traitement et à éliminer toutes formes de discrimination dans l'emploi et la profession fondées sur la race, la couleur, le sexe, la

    93 154 ratifications au 12 février 2004.

    94 131 ratifications au 12 février 2004.

    95 147 ratifications au 12 février 2004. Adoptée récemment, la convention no 182 a fait l'objet d'un grand nombre de ratifications ces dernières années, tout comme la convention no 138. Le système en est donc aux premiers stades du contrôle de l'application de ces instruments dans beaucoup de pays du monde.

    96 159 ratifications au 12 février 2004.

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    religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale. En outre, les États parties à la convention (n° 100) sur l'égalité de rémunération, 195197, ont accepté de poursuivre une politique d'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale.

    Les conventions s'appliquent pareillement aux nationaux et aux non-nationaux sans distinction fondée sur leur statut. La nationalité ne figure pas parmi les motifs de discrimination formellement prohibés par la convention no 111. Cependant, les organes de contrôle ont fréquemment réaffirmé98 que les travailleurs migrants sont protégés par cet instrument dans la mesure où ils sont victimes d'actes de discrimination dans l'emploi ou la profession sur la base de l'un quelconque des motifs de discrimination susmentionnés99. En ce qui concerne la convention no 100, les études et les statistiques nationales sur les migrations font état de disparités salariales entre les migrants et les migrantes, quel que soit leur statut juridique100.

    d) Sécurité sociale

    Les travailleurs migrants sont confrontés à des difficultés particulières dans le domaine de la sécurité sociale, car les droits en la matière sont habituellement liés à des périodes d'emploi, de cotisation, ou de résidence. Ils courent le risque de perdre leurs droits aux prestations de sécurité sociale dans leur pays d'origine du fait de leur absence, et de ne bénéficier que d'une couverture restreinte dans le pays d'accueil. Trois aspects de la question sont pour eux particulièrement importants: 1) accéder à la même couverture, aux

    97 161 ratifications au 12 février 2004.

    98 Voir, notamment, le rapport de la commission d'experts, op. cit., 2001, observations particulières concernant les conventions nos 97 et 111, pp. 395-400 et 513-515.

    99 Le Conseil d'administration a été saisi d'une proposition visant à adopter un protocole relatif à la convention no 111, lequel permettrait aux Etats Membres d'accepter formellement des motifs additionnels d'interdiction de la discrimination, qui compléteraient la protection contre la discrimination accordée par l'OIT. Parmi ces motifs figurent la nationalité et l'état de santé. L'inclusion d'une disposition interdisant la discrimination pour raison de santé, y compris le VIH/SIDA, donnerait une force supplémentaire au Recueil de directives pratiques sur le

    VIH/SIDA et le monde du travail. Voir Conseil d'administration, 289e session, Genève, document GB.289/2, paragr. 8-15.

    100 P. Wickramasekara et M. Abella: «Protection of migrant workers in Asia: Issues and policies», Labour migration in Asia: Trends, challenges and responses in countries of origin (Genève, Organisation international pour les migrations, 2003).

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    mêmes prestations que les nationaux; 2) conserver les droits acquis lorsqu'ils quittent le pays (y compris l'exportation des prestations); 3) bénéficier du cumul des droits acquis dans différents pays101.

    Toutes les normes actuelles de sécurité sociale définissent le champ personnel de la couverture sans tenir compte de la nationalité102 et presque toutes contiennent des clauses similaires sur l'égalité de traitement avec les nationaux dans le pays d'accueil. Toutefois, la convention (no 19) sur l'égalité de traitement (accidents du travail), 1925103, établit expressément le droit à l'égalité de traitement des ressortissants de tout autre État ayant ratifié la convention, en ce qui concerne l'indemnisation des accidents du travail. La convention (n° 118) sur l'égalité de traitement (sécurité sociale), 1962104 prévoit l'égalité de traitement en ce qui concerne l'ensemble des neuf branches de sécurité sociale. Pour chacune des neuf branches qu'il accepte, un État partie à la convention s'engage à accorder, sur son territoire, aux ressortissants de tout autre État qui a ratifié la convention l'égalité de traitement avec ses propres ressortissants. Les dispositions des deux conventions dépendent donc de la réciprocité.

    D) Instruments élaborés par l'OMC

    L'OMC a aussi élaboré un ensemble important de dispositions internationales, qui comportent certaines prescriptions auxquelles les individus doivent satisfaire pour aller travailler à l'étranger. Bien qu'elle ne représente qu'un peu plus de 1% du commerce mondial des services jusqu'à présent, la présence des personnes physiques, qui correspond à ce qu'on appelle le mode quatre, est l'une des quatre formes possibles de fourniture de

    101 Les prestations de sécurité sociale sont habituellement divisées en neuf branches: soins médicaux, indemnités de maladie, indemnités de chômage, prestations de vieillesse, prestations d'accidents du travail, allocations familiales, prestations de maternité, prestations de survivants. Pour une présentation détaillée des instruments de l'OIT sur la sécurité sociale, voir M. Humblet et R. Silva: Sécurité sociale - Des normes pour le XXe siècle,

    Genève, BIT, 2002, pp. 43-47.

    102 Leur applicabilité aux travailleurs migrants est démontrée, entre autres choses, par le fait que les organes de contrôle du BIT ont fait expressément référence à cette catégorie de travailleurs dans le contexte du suivi périodique: par exemple, concernant l'application de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, et la convention (no 130) concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie, 1969.

    103 33 120 ratifications au 12 février 2004.

    104 38 ratifications au 12 février 2004.

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    services dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS). Les engagements des Membres à ce titre concernent l'admission temporaire de personnes physiques étrangères en tant que fournisseurs de services sur leur territoire (comptables, médecins, infirmières, enseignants par exemple). La migration permanente n'est pas visée par le mode quatre105.

    2.3 Convention Européenne relative au statut juridique du travailleur migrant La Convention vise à éliminer les discriminations basées sur les législations nationales et à garantir l'égalité de traitement entre les nationaux et les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

    La Convention couvre les principaux aspects de la situation juridique des travailleurs migrants, en particulier le recrutement, les examens médicaux et professionnels, les voyages, le permis de séjour, le permis de travail, le regroupement familial, les conditions de travail, le transfert des économies, ainsi que la sécurité sociale, l'assistance sociale et médicale, l'expiration des contrats de travail, le licenciement, le réemploi et le droit de recours devant une autorité judiciaire ou administrative de l'État d'accueil106.

    2.4 Droits de l'Homme relatifs aux migrants et aux travailleurs migrants Outre leur situation de non-ressortissant les victimes de la traite en-dehors de leur pays peuvent aussi entrer dans des catégories juridiques connexes, notamment celles de migrant ou de « travailleur migrant ». C'est un point important dans la mesure où cette classification fournit des moyens supplémentaires ou autres d'assurer protection et soutien107.

    Les États et le système international relatif aux droits de l'homme ont affirmé à diverses reprises les vulnérabilités particulières auxquelles sont confrontés les migrants et la nature

    105 Selon des estimations récentes communiquées par le secrétariat de l'OMC (Symposium conjoint OMC-Banque mondiale sur le mouvement des personnes physiques (mode 4)) dans le cadre de l'AGCS, OMC, Genève,

    11-12 avril 2002).

    106 https://www.coe.int/t/dg3/migration/archives/Documentation/Default_conv_fr.asp

    107 Pour plus d'informations sur les victimes de la traite en tant que migrants et travailleurs migrants, voir Gallagher, International Law of Human Trafficking, chap. 3.

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    particulière des violations auxquelles ils sont soumis108. Cependant, le droit international relatif aux droits de l'homme n'offre pas de protections élargies aux migrants ou aux travailleurs migrants au-delà de celles qui ont été identifiées ci-dessus comme étant applicables à tous les non-ressortissants.

    Les obligations des États envers les victimes de la traite en tant que migrants ou travailleurs migrants découlent généralement des clauses de non-discrimination qui sont présentes dans les principaux traités des droits de l'homme et des règles juridiques internationales qui ne permettent pas une différence de traitement entre ressortissants et non-ressortissants dans le domaine des droits de l'homme fondamentaux. Il arrive que ceci ne suffise pas à garantir les droits de ce groupe en particulier de ses membres les plus vulnérables : les travailleurs migrants qui sont entrés et ou qui résident de façon illégale dans un État d'accueil et qui sont, peut-être, victimes de la traite. Plusieurs traités internationaux offrent d'importantes protections supplémentaires qui sont identifiées ci-dessous.

    2.5 Droits de l'Homme relatifs aux refugies, aux demandeurs d'asile et aux personnes déplacées internes

    Les victimes de la traite peuvent aussi être réfugié, demandeurs d'asile ou personnes déplacées internes (PDI). Les réfugiés, les demandeurs d'asile et les PDI ont tous droit à la protection des principaux droits de l'homme ainsi qu'à des protections supplémentaires en relation avec leur statut, comme nous le verrons brièvement ci-dessous. Nous examinerons séparément, lors du débat dans le Principe 3 et directives y relatives ci-dessous, la question

    108 Voir, par exemple, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs famille ; la résolution 54/166 de l'Assemblée générale sur la protection des migrants ; la résolution 11/9 du Conseil des droits de l'homme sur les droits de l'homme des migrants dans les centres de rétention ; la résolution 9/5 du Conseil des droits de l'homme sur les droits de l'homme des migrants ; la résolution 8/10 du Conseil des droits de l'homme sur les droits de l'homme des migrants : Mandat du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants ; Commission des droits de l'homme, résolutions 2004/53 et 2005/47 sur les droits des migrants ; Commission des droits de l'homme, résolution 2004/49 sur la violence à l'égard des travailleuses migrantes ; Commission des droits de l'homme résolution 2002/59 sur les protections des migrants et de leur famille ; Comité pour l'élimination de la discrimination raciale recommandation générale n° 30 : discrimination contre les non-ressortissants ; Rapport de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, Vienne, 14 à 25 juin 1993 (A/CONF.157/24, Chapitre III, Programme d'action, Partie 1, par. 24 ; partie II, par. 33 à 35) ; Déclaration sur les droits de l'homme des personnes qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent.

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    juridique technique de savoir si la traite peut à elle-seule constituer la base d'une demande de statut de réfugié (comme la question connexe du non-refoulement qui concerne la réponse de l'État à la traite)109.

    Le droit international, quand il s'attache aux réfugiés, cherche à offrir certaines mesures de protection juridique pour des personnes qui sont contraintes de fuir leur pays d'origine pour des raisons de race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social particulier ou opinion politique110. Dans le cas de la traite, une demande de protection internationale peut survenir dans des cas divers.

    La traite au sein des frontières d'un pays partage de nombreuses caractéristiques avec le déplacement interne. C'est pourquoi il existe une thèse qui soutient que les personnes qui ont été victimes de la traite interne devraient être considérées comme PDI111.

    L'introduction des Principes directeurs sur le déplacement interne112 définit les PDI comme « des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel... et qui n'ont pas franchi les frontières internationalement ».

    Le Manuel d'application des Principes directeurs confirme que « le déplacement interne est avant tout un mouvement forcé ou involontaire qui a lieu à l'intérieur des frontières du territoire national. Les raisons en sont diverses et tiennent soit à des conflits armés, soit à

    109 Pour un examen plus détaillé des questions relatives à la traite et à l'asile, voir Gallagher, International Law of Human Trafficking, chap. 3.

    110 La Convention relative au statut des réfugiés, amendée par

    le Protocole relatif au statut des réfugiés, définit réfugié à l'article 1A (2) comme une personne qui : « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

    111Susan Martin, « Internal trafficking », Forced Migration Review, n°. 25 (mai 2006) p 12.

    112 Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes (E/CN.4/1998/53/Add.2, annexe). Les Principes directeurs, qui « se fondent sur le droit international humanitaire existant et sur les instruments des droits de l'homme », ont été développés pour : « servir comme norme international afin de guider les gouvernements ainsi que les ONG internationales humanitaires et de développement pour offrir assistance et protection aux PDI ». Déclaration du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Sergio Vieira de Mello dans Walter Kälin, Guiding Principles on Internal Displacement: Annotations (American Society of International Law and Brookings Institution Project on Internal Displacement, 2000).

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    des situations de violence généralisée, à des violations des droits de l'homme ou à des catastrophes naturelles ou d'origine humaine »113. Les éléments de contrainte et de circulation involontaire entrent dans la définition de la traite et il est partout reconnu que les conflits, les catastrophes et les violations des droits de l'homme augmentent la vulnérabilité des personnes et des groupes à la traite et aux formes d'exploitation qui en résultent.

    2.6 Le droit de demander et de recevoir l'Asile

    Quant à la question de savoir si une victime de la traite a le droit de demander et de recevoir l'asile, le droit international est clair sur ce point en statuant que les demandes d'asile doivent être considérées sur le fond et non en fonction des modalités d'entrée du demandeur1114. En d'autres termes, une personne peut se voir refuser le statut de réfugié ou la possibilité de revendiquer ce statut simplement parce que cette personne était victime de la traite ou encore transportée illégalement vers le pays de destination. Cette règle a une signification pratique de prime importance. De nombreux États imposent des sanctions pour entrer illégale, usage de faux documents de voyage, etc. Il a été constaté que ces sanctions consistent de plus en plus en un refus de droits dans le cadre des procédures de décision du statut de réfugié115. La possibilité d'accorder la protection internationale de réfugié à certaines victimes avérées ou potentielles de la traite est explicitement reconnue à l'article 14 du Protocole relatif à la traite et à l'article 40 de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

    113 Projet de l'Institut Brookings sur le déplacement interne et le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, Manuel d'application des Principes directeurs relatifs aux déplacements internes (1999) [Ci-après : Manuel PDI].

    114 Voir la Convention relative au statut des réfugiés, art.

    31 ; voir aussi Guy S. Goodwin-Gill, « Article 31 of the 1951 Convention Relating to the Status of Refugees: Nonpenalization, detention, and protection » in Erika Feller, Volker Türk et Frances Nicholson (éd.), La Protection des réfugiés en droit international : Consultations mondiales sur la protection internationale HCR (2003), p. 183.

    115 Hathaway, The Rights of Refugees..., p. 408.

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    a) Le Rapport explicatif sur ce dernier instrument confirme que :

    Le fait d'être victime de la traite des êtres humains ne peut porter préjudice aux droits de rechercher et de bénéficier de l'asile. Les Parties doivent s'assurer que les victimes de la traite disposent d'un accès approprié à des procédures d'asile équitables et efficaces.

    Il faudrait examiner les demandes d'asile sur le fond et non en fonction des modalités d'entrée du demandeur. Concrètement, cela signifie que toutes les personnes, y compris les migrants entrés clandestinement, ainsi que les victimes de la traite, devraient avoir l'entière possibilité (notamment par la mise à disposition d'informations appropriées) de déposer une demande d'asile ou de présenter toute autre justification qui motive le maintien dans le pays de destination.

    b) Protection de l'État

    Le droit international sur les réfugiés prévoit une alternative à la protection de l'État, lorsque cette protection n'est pas disponible ou encore accessible à la personne qui la nécessite. Savoir si l'État remplit ou non les critères requis est par conséquent un aspect essentiel de la procédure de détermination du statut de réfugié. Savoir si l'État est capable de protéger les victimes dépend d'un grand nombre de facteurs, et plus encore de savoir si les mécanismes sont en place pour prévenir et combattre la traite et si ces mécanismes sont appliqués efficacement116.

    Les Principes directeurs du HCR concernant la traite sont clairs sur ce point : « Lorsqu'un État ne prend pas les mesures raisonnables qui relèvent de sa compétence pour lutter contre la traite et fournir une protection et une assistance efficaces aux victimes, la crainte de persécution que nourrit une personne a des chances d'être fondée » (par. 23).

    Toutefois, l'évolution du droit et de la politique internationale décrite dans le présent Commentaire permet de confirmer une vision commune croissante sur ce qu'il convient de faire pour combattre efficacement la traite. Les droits et obligations qui sont établis dans le Protocole relatif à la traite, ainsi que ceux qui découlent du droit international relatif aux

    116 Voir aussi le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Principes directeurs sur la protection internationale : « L'appartenance à un certain groupe social » dans le cadre de l'article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatif au Statut des réfugiés (HCR/GIP/02/02, par. 18

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    droits de l'homme prévoient en particulier des orientations importantes en vue d'évaluer l'opportunité de la protection et de l'assistance117.

    Prise de position

    L'Office National de la Migration (ONM) et le ministère des haïtiens à l'étranger ont été créés par deux décrets émis respectivement en janvier et en mars 1995. Ces textes n'ont pas la force exécutoire puisqu'ils n'ont pas été publiés. Or, ils devraient être portés à la connaissance des citoyens. Comme, la publication de ces décrets ne s'est opéré au journal officiel le moniteur, ils ne sont pas rentrés en vigueur, car les sujets de droit ne prennent pas conscience de ces textes.

    On sait qu'il existe dans L'État plusieurs législateurs qui sont les trois pouvoirs (pouvoir constituant, pouvoir législatif et réglementaire). Chacun de ces pouvoirs fait des lois et a un domaine où il est particulièrement compétent. Considérés comme une fonction de l'État, les pouvoirs sont des éléments de la souveraineté, délégués à autant d'organes. Toutefois, on parle de la hiérarchie des pouvoirs comme on parle de la hiérarchie des lois.

    Toutefois, en ses articles 276.1, 276.2, la constitution de 1987 relate les attributions de l'assemblée nationale quant à l'approbation et le rejet des traités et les conventions, l'article 271 « la ratification des traités , conventions et des accords internationaux sont donnés sous forme de décret; » et l'article 276.2 « les traités ou accords internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la Constitution font partie de la législation du pays et abrogent toutes lois qui leur sont contraires ».

    En réalité, ces décrets devraient être en vigueur dès le surlendemain à zéro heure et pour les provinces un jour franc après l'arrivée au journal officiel au chef-lieu du département. Le délai impartie aux dits décrets, est donc suspendu selon la présomption bien connue du dicton " nul n'est censé ignorer la loi" c'est à dire nul ne saurait échapper à l'application de

    117 Voir aussi le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Principes directeurs sur la protection internationale : « L'appartenance à un certain groupe social » dans le cadre de l'article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatif au Statut des réfugiés (HCR/GIP/02/02, par. 19- [ci-après : Principes directeurs du HCR sur le groupe social].

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    la loi sous prétexte de son ignorance. Cependant un grand nombre d'haïtiens n'ont pas les moyens d'accéder à la connaissance des lois118.

    Le but de la Convention est de protéger les travailleurs migrants et les membres de leur famille. De par son existence, elle constitue un standard moral, servant de guide et de tremplin pour la promotion des droits des travailleurs migrants dans tous les pays.

    Il est temps de se pencher attentivement sur les multiples dimensions de l'enjeu que représentent les migrations, qui concernent aujourd'hui des centaines de millions de personnes et ont une incidence sur les pays d'origine, de transit et de destination. Il nous est nécessaire de mieux comprendre les causes des flux internationaux humains et leurs relations complexes avec le développement119.

    La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a été adoptée en 1990 par l'Assemblée générale. Comme il est déclaré dans le préambule, la Convention entend étendre plutôt que remplacer ou modifier les droits existants. Elle adopte une définition de « travailleur migrant »120

    118 Le projet de politique de la migration de l'ONM ... - Mémoire Online

    119 Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) : http://www.iom.int

    120 « L'expression « travailleurs migrants » désigne les personnes qui vont exercer, exercent ou ont exercé une activité rémunérée dans un État dont elles ne sont pas ressortissantes ». La Convention définit aussi les termes suivants : « travailleurs frontaliers », « travailleurs saisonniers », « gens de mer », « travailleurs d'une installation en mer », « travailleurs itinérants », « travailleurs employés au titre de projets », « travailleurs admis pour un emploi spécifique » et « travailleur indépendant » (tous dans l'article 2).

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    Deuxième :

    Cadres Opérationnels

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    Chapitre I: Cadre Historique de la migration

    Section I : Histoire de la migration

    La Bible abonde en récits de migrations. Le mot « Hébreu » a des liens avec la racine « abar » qui signifie « passer, traverser ». Il a des liens également avec un terme signifiant « poussière » : poussière des chemins.

    L'Orient ancien est un territoire sans cesse balayé par des déplacements de populations : déplacements contraints, quand le pouvoir dominant déportait une partie d'un peuple, déplacements volontaires, quand il s'agissait de transhumance, de la recherche d'une terre fertile, d'un appel de Dieu121.

    Nous savons qu'il y a environ 60 000 ans, un petit groupe d'« homo sapiens » émigra d'Afrique, accompagné de ses troupeaux, vers le Moyen-Orient, à cause de la sécheresse. Nous le savons grâce à l'analyse de l'ADN d'êtres humains de différentes parties du monde. Ce premier voyage allait entraîner le peuplement de la planète entière.

    Ces hommes sont partis avec le même désir fondamental que celui qui anime les migrants d'aujourd'hui : survivre et mener une vie meilleure.

    Les mouvements de population furent terrestres, fluviaux et maritimes. Au Ve siècle avant J.-C., les tribus celtes, qui ont remonté le Danube, ont conquis des terres par les armes ; à l'ouest, elles ont pénétré en Gaule : les Romains nommaient les Celtes « Galli » qui donnera Gaulois. Aux IVe et Ve siècles après J.-C, la ruée vers l'ouest des peuples barbares (Francs, Burgondes...) a contribué à la chute de l'Empire romain. Du IXe siècle au XIe siècle, les Vikings ont mené leurs incursions maritimes et fluviales du Groenland jusqu'en Méditerranée. Il y eut aussi les migrations provoquées par l'installation d'un Empire mongol en Asie au XIIIe siècle. On mettra l'accent sur les autres mouvements de population de cette période, concernant la Méditerranée, l'Afrique, les migrations forcées et l'émigration des Européens au XIXe siècle122.

    121 HORS SÉRIE LA VIE, De la Préhistoire à aujourd'hui. Migrations une aventure humaine, 2016, page 82

    122 HORS SÉRIE LA VIE, Migrations une aventure humaine, page 88

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    1.1 Antiquité et Moyen-Âge

    Pour l'Antiquité, l'historiographie s'est longtemps représenté les migrations de façon très globale, comme des migrations de peuplement, en les reliant souvent aux conflits militaires, faute de pouvoir en cerner finement les contours. En revanche, à partir du Moyen-Âge, l'historien est capable d'individualiser les flux migratoires avec une relative précision qui bien sûr va croissante à mesure que l'on se rapproche de la période actuelle123.

    L'essentiel de la population résidant dans les campagnes, on pense volontiers de nos jours que la mobilité y était réduite. En réalité, les recherches historiques montrent que le principe de mobilité est au coeur du fonctionnement des sociétés anciennes. Beaucoup de villages de l'Europe moderne ont des ressources insuffisantes. Parmi les manières d'y remédier figurent les migrations, généralement temporaires. Elles s'effectuent selon de véritables « canaux de mobilité » entretenus à l'échelle du village ou des groupes familiaux. Pour ajuster le nombre de bouches à nourrir à la taille des exploitations, il est par ailleurs fréquent que les jeunes aient à circuler jusqu'à leur mariage, notamment dans l'Europe du Nord-Ouest. Ils se font d'abord domestiques d'où leur surnom de « domestiques de cycle de vie » avant d'accéder à la propriété d'une exploitation agricole et de former un couple124.

    Les migrations du Moyen-Âge et de l'époque moderne peuvent aussi être le fait de professions très spécialisées, organisées sous forme de corporations : les verriers, les mineurs, etc., qui opèrent sur des « niches » recherchées. Dans toute l'Europe, les apprentis circulent pour parfaire leur formation on connaît dans notre pays le fameux « Tour de France ». Les migrants qui ne peuvent pas se réclamer d'une spécialisation professionnelle aussi poussée mettent souvent en oeuvre des stratégies collectives, à l'image des migrations « clef en main » des maçons limousins ou auvergnats vers Paris ou Lyon qui intègrent à la fois le trajet, le logement en chambrées et le placement. Une autre ressource qui leur est

    123 Paul-André Rosental Une histoire longue des migrations Dans Regards croisés sur l'économie 2010/2 (n° 8), pages 74 à 80

    124 Assemblée Nationale - Question de B. Carayon à V. Pécresse, publiée au J.O. le : 24/11/2009 p. 11066. Réponse publiée au J.O. le : 02/02/2010 p. 1158.

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    offerte est l'encadrement par les familles, qui non sans contraintes permet par exemple aux colporteurs dans les régions montagneuses de trouver le financement nécessaire à leur activité125.

    Les migrations antiques : des régions distinctes qui entrent en contact

    La mobilité est un phénomène intrinsèquement lié à l'humanité. Elle permet dans un premier temps de peupler les espaces terrestres selon des routes difficiles à reconstituer. Homo sapiens126, apparu vers 200 000 ans avant notre ère, s'impose partout aux autres hominidés à partir de son berceau africain. Le mode de vie des premiers hommes, fondé sur la cueillette et la chasse, favorise cette mobilité, qui ne cesse pas avec l'apparition de l'agriculture voici 15 000 ans.

    Dans l'Antiquité, la perception d'une étrangeté irréductible est à l'origine du terme « barbare », que les Grecs attribuent à quiconque parle une langue incompréhensible par eux idée reprise par les Romains. Ces derniers, bâtissant un empire autour de la Méditerranée, facilitent les migrations dans cet espace, que ce soit parmi les élites aspirant à la citoyenneté romaine ou les esclaves venus de tout l'Empire et au-delà. Mais, dans le même temps, ils cherchent à limiter les intrusions extérieures des peuples qu'ils ne sont pas parvenus à dominer (Germains, Pictes, Maures, Parthes...) par la construction d'une barrière plus ou moins fortifiée : le limes. Les notions de confins et de frontières comme espaces intermédiaires se développent donc aux marges des empires127.

    125 Assemblée Nationale - Question de B. Carayon à V. Pécresse, publiée au J.O. le : 24/11/2009 p. 11066. Réponse publiée au J.O. le : 02/02/2010 p. 1158.

    126 Anne-Marie Tillier : directrice de recherche au cnrs (Département des Sciences de l'Homme et de la Société), elle assure la direction du Laboratoire d'Anthropologie des Populations du Passé à l'Université Bordeaux 1 (umr 5199 pacea).

    127 Patrick Manning, professeur d'histoire globale à l'université de Pittsburgh (Etats-Unis). Auteur de Migration in World History (Routledge, 2005

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    1.2 Temps Modernes

    La mondialisation du monde moderne a entraîné une hausse importante de la migration dans des lieux à la fois proches et éloignés, soutenue par de nombreux facteurs. Par exemple, le développement des systèmes de transport modernes sophistiqués et de réseaux a rendu les déplacements plus faciles, moins chers et plus rapides qu'à aucun moment de l'histoire. Néanmoins, les attitudes sociales et culturelles envers les migrants et les relations entre les populations locales et les nouveaux arrivants ne sont pas toujours aisées ni harmonieuses.

    Nos sociétés et nos économies post-industrielles requièrent la mobilité et le transfert des compétences, de l'expertise et de l'expérience dans divers lieux géographiques, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des États. Selon les estimations du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la planète compte 200 millions de migrants internationaux et 740 millions de migrants internes. L'innovation et la concurrence ainsi que le développement rapide des technologies de l'information et de la communication et des nouveaux médias exigent le recrutement, le déploiement et le redéploiement rapides de talents dans des lieux spécifiques du monde, parfois imprévisibles.

    Les cultures nomadiques, contrairement aux communautés sédentaires dans les ères préindustrielle et industrielle, ont été constamment confrontées à la migration. Par exemple, les nomades du Kazakhstan ont dû traiter les questions économiques, culturelles et sociales relatives au déplacement des populations. Les sociétés nomadiques, cependant, ont eu tendance à gérer les priorités de façons très différentes. Contrairement aux sociétés modernes industrielles et post- industrielles, où les considérations économiques dominent, les sociétés nomades privilégient souvent les dimensions culturelles et sociales et intègrent ensuite les aspects économiques128.

    128 Programme des Nations Unies sur le développement, Rapport mondial sur le développement humain 2009: Lever les barrières : mobilité et développement humains (Basingstoke, United Kingdom, Palgrave MacMillan, 2009), p.2.

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    1.3 Les migrations contemporaines au prisme des droits de l'homme

    Lorsqu'il migre, un individu dissocie la nationalité dont il est titulaire de son cadre naturel d'exercice. Si cette dissociation est au centre des préoccupations modernes relatives aux phénomènes migratoires à travers, précisément, les discussions relatives à l'étendue des droits du migrant sur un territoire distinct de son territoire d'origine, c'est parce qu'elle s'inscrit dans un contexte fortement marqué par les droits de l'homme. Après avoir exposé ce contexte, nous nous demanderons si, paradoxalement, il n'érige pas la religion en élément central et transnational de l'identité du migrant129.

    Le fait que les premières Déclarations des droits de l'homme datent de plus de deux cents ans ne signifie pas que ceux-ci aient été dès cette époque consacrés, ni, non plus, que l'identité des termes entre les déclarations implique une identité de sens. Sous ces deux aspects, il y a une spécificité contemporaine du cadre juridique dans lequel s'exercent à notre époque les phénomènes migratoires, spécificité accentuée par l'adoption de la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille en date du 18 décembre 1990 et entrée en vigueur le 1er juillet 2003130.

    C'est l'une des grandes caractéristiques de ces trente dernières années : la référence aux droits de l'homme innerve non plus seulement la sphère du discours politique mais également l'ensemble des contentieux et surtout le contentieux pénal, domaine traditionnel du champ d'application des droits de l'homme à travers la référence à la présomption d'innocence. Ce phénomène apparaît très clairement à travers les statistiques élaborées par la Cour européenne des droits de l'homme pour mesurer l'évolution des contentieux : entre 1998 et 2008, quatre fois plus d'affaires ont été soumises que durant la période s'étendant de 1959 à 1998131.

    129 Maurice Halbwachs, La Morphologie religieuse, 1935, p. 5 [en ligne], disponible sur le site de l'Uqac : http://classiques.uqac.ca.

    130 Pour un exposé plus complet sur le plan méthodologique, Jacques Amar, Les Identités religieuses contemporaines dans le miroir des droits de l'homme, contribution à une sociologie des droits de l'homme, Paris, Presses académiques francophones, 2013.

    131 Sabine Corneloup, «Réflexion sur l'émergence d'un droit de l'Union européenne en matière de nationalité», in Journal du droit international (Clunet), juillet 2011, p. 15.

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    Le phénomène se retrouve à l'identique en droit interne à partir des années 1990 à travers l'invocation des droits de l'homme comme moyen de droit par les requérants devant les cours suprêmes françaises : Conseil d'État ou Cour de cassation2. Comparativement, sur la période 1970-1980, alors même que se succèdent d'importants flux migratoires, les droits de l'homme sont absents des contentieux.

    Autrement dit, il y a bien une imprégnation des contentieux par les droits de l'homme qui déborde le contentieux pénal. L'expression des prétentions change de forme, voire de nature. Les individus, et notamment les migrants, prennent en quelque sorte possession des règles et modifient progressivement la consistance des relations sociales132.

    Car, et c'est le changement majeur, le droit d'agir en justice ne concerne plus uniquement les nationaux. La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, texte dont la Convention européenne des droits de l'homme constitue un dérivé, diffère de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elle rompt le lien classique entre nationalité et citoyenneté et érige pour cela le principe de nondiscrimination en règle cardinale. Elle rend ainsi illégitimes les distinctions entre deux situations identiques fondées sur un critère de nationalité.

    Dans ce cadre, les processus d'intégration des vagues d'immigration intervenues avant et après la Seconde Guerre mondiale ne sont en rien comparables. Les immigrés arrivés avant la Première Guerre mondiale ne disposaient ni de droits, ni de textes, ni d'exemples susceptibles de légitimer leurs revendications. À l'inverse, ceux de l'après-Seconde Guerre mondiale structurent de plus en plus leurs actions et comportements à partir des textes133. Il s'opère ici un renversement des perspectives : les individus sont les destinataires des droits par-delà les prérogatives étatiques. La dynamique juridique disqualifie la distinction entre national et étranger et remet en cause les équilibres territoriaux reposant sur les frontières. Ainsi, le droit de l'étranger s'apprécie à compter des années 1990-2000 à l'aune des valeurs d'une «société démocratique» et non plus de celles de l'État-nation134.

    132 Discours du président du Conseil de l'Europe, 9 novembre 2010, PCE 256/10.

    133 Abadelmalek Sayad, «Y a-t-il une sociologie du droit de l'immigration ?», in Le Droit et les Immigrés, Aix-en-Provence, Édisud, janvier 1983, pp. 98-104.

    134 Voir la conception de la communauté proposée par Zygmunt Bauman comme étant «le principal cadre de référence de l'analyse sociale». «Soil, blood and identity», in The Sociological Review, vol. 40, n° 4, novembre 1992, pp. 675-701.

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    a) Historicité de la migration haïtienne

    On ne peut pas comprendre l'ampleur phénoménale de l'émigration haïtienne, sa remarquable dispersion au cours du temps et ses conséquences de plus en plus incontournables sur le destin d'Haïti, si on ne se replonge pas au préalable dans l'histoire tourmentée du pays. Dans ce tiers d'île au coeur du système d'exploitation capitaliste esclavagiste moderne, les hommes et la nature ont été traités sans ménagement. Par les « anomalies » historiques qu'ils ont constitués dans le cadre de l'économie transatlantique moderne, les luttes pour la liberté des années 1790, l'indépendance de 1804 et les développements ultérieurs du XIXe siècle ont fourni un contexte singulier à la mise en place d'une culture du marronnage, de la mobilité et de la migration.

    Au sein de la société haïtienne en formation, cette culture de la migration interne dans un premier temps s'est construite en écho à la quête d'une liberté dont les fondements n'ont cessé d'être remis en cause de l'intérieur par les élites dirigeantes et de l'extérieur par l'ostracisme de puissances coloniales longtemps restées sous le choc de la rupture historique de 1804. Après une période de relatif repli sur soi, l'entrée dans le XXe siècle a été pour Haïti celle de l'inauguration d'une émigration régionale d'une intensité sans précédent, liée à la pénétration croissante du capital états-unien.135

    b) Aux origines de l'émigration haïtienne

    La Révolution française de 1789 mettant fin à l'ancien régime aboutit à Saint-Domingue à la revendication de droits politiques par les affranchis, puis à une agitation sociale plus générale. L'insurrection générale ultérieure des esclaves suivie de leur affranchissement en 1793 eut pour conséquence l'institution d'un régime d'autonomie interne dirigé par Toussaint Louverture mais aussi l'occupation de parties du territoire par l'Espagne et l'Angleterre. La tentative de rétablissement de l'esclavage par une expédition napoléonienne déclencha un nouveau soulèvement des anciens esclaves appuyés par les affranchis et se solda par la première défaite coloniale de la France.

    135 Audebert, Cédric (2012) La diaspora haïtienne. Territoires migratoires et réseaux transnationaux, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 198 p. (Géographie sociale)

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    La brutale interruption du système esclavagiste sur lequel était fondée l'économie de plantation et qui restait à l'origine de l'immigration de grande ampleur qu'avait connu la colonie jusqu'ici introduisit une nouvelle donne dans l'histoire migratoire du pays. Dès lors, l'évolution postcoloniale de Saint-Domingue, devenue Haïti, se singularisa grandement de celle des autres territoires de la Caraïbe, restés sous domination coloniale.136

    c) L'impact de l'occupation Etats-Unienne (1915-1934)

    La fonction de pourvoyeur de main-d'oeuvre d'Haïti pour les pays de la région était ancienne, et que les flux vers Cuba et la République dominicaine avaient déjà concerné plusieurs centaines de milliers de travailleurs agricoles haïtiens au début du XXe siècle. Les conditions dans lesquelles s'étaient développés ces courants initiaux étaient directement liées au contexte de la présence croissante de l'armée et des investissements états-uniens dans la région, s'incarnant en Haïti dans une occupation militaire et la mise sous tutelle du gouvernement local. Suite aux expropriations massives de paysans locaux, à leur mise au travail forcé et à l'échec du projet nord-américain de développement à grande échelle des plantations dans le pays, des flux saisonniers de travailleurs agricoles furent organisés vers les plantations de sucre nord-américaines des pays voisins en dépit des protestations des autorités haïtiennes. Ces courants migratoires se sont inscrits sur plusieurs décennies et ont contribué à construire et reproduire dans le temps la représentation réductrice d'un travailleur migrant haïtien « taillable et corvéable »137.

    De fait, lorsque les flux ont repris à destination de la République dominicaine, et ont été amplifiés à destination des Turks et Caïques et des Bahamas dans les années 1950, de la Guyane dans les années 1960 et d'autres territoires caribéens la décennie suivante, l'insertion des immigrés haïtiens s'est partout opérée au bas de l'échelle socio-économique des sociétés d'installation. Aux antipodes de la réalité de l'émigration haïtienne qualifiée (médecins, professeurs, cadres techniques) vers l'Afrique francophone répondant aux besoins en encadrement au moment des indépendances ou vers l'Amérique du Nord sous

    136 Annuaires statistiques des Services fédéraux de l'immigration et de la naturalisation (1960-1971).

    137 AUDEBERT, Cédric. Chapitre 2. Le traitement politique de la migration Haïtienne In : La diaspora haïtienne : Territoires migratoires et réseaux [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2012 (généré le 29 août 2019). Disponible sur Internet : < http://books.openedition.org/pur/26974>. ISBN : 9782753536784. DOI : 10.4000/books.pur.26974.

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    la dictature de Duvalier, l'imaginaire des sociétés caribéennes et nord-américaines notamment celui des gouvernements et des employeurs associe l'immigration haïtienne à une main-d'oeuvre peu qualifiée, peu instruite, laborieuse, peu regardante sur les conditions de travail et d'emploi et peu onéreuse.

    Dans ce contexte, les secteurs de l'économie caribéenne reposant sur le recrutement informel et l'exploitation d'une main-d'oeuvre peu qualifiée tels que le tourisme, la construction et l'agriculture ont été les principales niches de l'emploi haïtien. Certains types de territoires se sont alors révélés plus attractifs que d'autres : les pays fondant une partie substantielle de leur économie sur les grandes plantations de l'agriculture commerciale (République dominicaine), les territoires micro-insulaires à forte attractivité touristique (Bahamas, Turks et Caïques, les Antilles néerlandaises ou les Îles Vierges britanniques et états-uniennes), et les territoires dépendants économiquement de leur métropole ayant vu leur niveau de vie dopé par une économie de transfert et constituant un marché important pour le commerce informel transnational haïtien (Guyane et Antilles françaises notamment) 138.Depuis près d'un siècle, la main-d'oeuvre haïtienne joue un rôle essentiel dans l'agriculture dominicaine, et en particulier dans l'industrie du sucre qui grâce à elle a pu traverser les crises économiques les plus aigües. Alors que la crise des années 1930 a freiné un peu partout les migrations de travail, elle a contribué à amplifier la migration haïtienne en République dominicaine : face à la chute des cours du sucre, la substitution partielle des Haïtiens aux coupeurs de canne anglo-caribéens a permis de sauver la production en réduisant drastiquement le coût du travail. Un premier accord bilatéral haïtiano-dominicain a organisé la migration annuelle de 16 500 travailleurs haïtiens dans l'industrie sucrière du pays voisin, accord qui a été reconduit de 1966 au milieu des années 1980 et a concerné 20 000 migrants par an.

    138 INSEE, Recensement général de la population 1999.

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    Critiques et prise de position

    Dans chaque généalogie, il peut y avoir une histoire d'immigration, cela concerne chaque continent, avec des règles particulières pour chaque pays, d'où la difficulté de trouver la trace, l'histoire de cette migration. L'ancêtre partait vers de nouveaux horizons pour des raisons diverses : économique, la misère, le chômage, politique : guerre dans son pays, discrimination raciale ou politique. Familiale rejoindre des membres de la famille déjà installée un pays.

    De tout temps l'immigration a existé, l'histoire est mêlée de peuple qui partait pour découvrir et peupler de nouveau monde. Qui ne connaît pas l'exode des juifs avec moïse vers la terre promise ; de l'épopée des '''celtes''' qui traversent l'Europe d'est en ouest et dans le sud de l'Europe en Espagne et en Afrique du nord ; de ces grands marins les '''vikings''' qui partirent explorer le monde pour commercer et fonder de nouveaux états ; des '''Conquistadores''' partit découvrir et coloniser l'Amérique.139

    L'immigration a joué un rôle capital dans l'économie des pays, tous les pays ont fait appel à une main d'oeuvre étrangère qui manquait pour reconstruire leurs infrastructures après les guerres, pour développer leurs industries, leurs axes routiers...

    Cette migration a permis à de nombreux étrangers de fuir les persécutions, religieuses (Cathares, protestants, juifs), politiques (Espagnols au 19ème siècle, kurdes et Arméniens, Communistes, Argentins, répressions artistiques...)140

    Pour l'Antiquité, l'historiographie s'est longtemps représenté les migrations de façon très globale, comme des migrations de peuplement, en les reliant souvent aux conflits militaires, faute de pouvoir en cerner finement les contours. En revanche, à partir du Moyen-Âge, l'historien est capable d'individualiser les flux migratoires avec une relative précision qui bien sûr va croissante à mesure que l'on se rapproche de la période actuelle.

    139 Marie Christine, Les phases de l'immigration portugaise, des années vingt aux années soixante-dix - Volovitch-Tavarès - Mars 2001

    140 http://www.histoire-immigration.fr/

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    Le Moyen-Âge et l'époque moderne partagent certains traits caractéristiques. L'essentiel de la population résidant dans les campagnes, on pense volontiers de nos jours que la mobilité y était réduite. En réalité, les recherches historiques montrent que le principe de mobilité est au coeur du fonctionnement des sociétés anciennes. Beaucoup de villages de l'Europe moderne ont des ressources insuffisantes. Parmi les manières d'y remédier figurent les migrations, généralement temporaires.

    Elles s'effectuent selon de véritables « canaux de mobilité » entretenus à l'échelle du village ou des groupes familiaux. Pour ajuster le nombre de bouches à nourrir à la taille des exploitations, il est par ailleurs fréquent que les jeunes aient à circuler jusqu'à leur mariage, notamment dans l'Europe du Nord-Ouest. Ils se font d'abord domestiques d'où leur surnom de « domestiques de cycle de vie » avant d'accéder à la propriété d'une exploitation agricole et de former un couple.

    Les migrations du Moyen-Âge et de l'époque moderne peuvent aussi être le fait de professions très spécialisées, organisées sous forme de corporations : les verriers, les mineurs, etc., qui opèrent sur des « niches » recherchées. Dans toute l'Europe, les apprentis circulent pour parfaire leur formation on connaît dans notre pays le fameux « Tour de France ».

    Les migrants qui ne peuvent pas se réclamer d'une spécialisation professionnelle aussi poussée mettent souvent en oeuvre des stratégies collectives, à l'image des migrations « clef en main » des maçons limousins ou auvergnats vers Paris ou Lyon qui intègrent à la fois le trajet, le logement en chambrées et le placement. Une autre ressource qui leur est offerte est l'encadrement par les familles, qui non sans contraintes permet par exemple aux colporteurs dans les régions montagneuses de trouver le financement nécessaire à leur activité.141

    141 Paul-André Rosental, Une histoire longue des migrations. Dans Regards croisés sur l'économie 2010/2 (n° 8), pages 74 à 80

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    Section II : Cadre international de la migration

    Les migrations internationales concernent directement la discipline de l'économie, et plus encore l'économie du développement. Mais le regard de la science politique, pour peu qu'il prenne en compte les contributions connexes de l'histoire, de la démographie, de l'anthropologie, de la sociologie, de la géographie, bref des autres sciences sociales et humaines, peut fournir un éclairage complémentaire en réintroduisant dans le débat la prise en considération des pratiques sociales effectives et des rapports de pouvoir dont elles sont les véhicules142.

    Il existe un corpus de normes internationales conférant des droits et des protections aux travailleurs migrants durant l'ensemble du processus migratoire, auquel les pays peuvent se référer pour élaborer et mettre en oeuvre leur législation et leurs politiques nationales. Elles sont contenues dans les conventions internationales et celles de l'OIT, et dans d'autres instruments internationaux, tels ceux sur les droits de l'homme. Les pays peuvent décider de ratifier ces instruments internationaux au bénéfice des travailleurs migrants, le jeu devenant plus égal lorsque tous les pays obéissent aux mêmes règles. L'application des mécanismes de contrôle prévus par les instruments en matière de droits de l'homme et les conventions internationales contribue à faire progresser les droits des travailleurs migrants. Même s'ils n'ont pas ratifié les instruments internationaux favorables aux travailleurs migrants, les pays ont la faculté d'en appliquer les dispositions.

    La législation internationale sur les droits de l'homme intègre les droits humains fondamentaux, comme la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948143, qui énonce les droits reconnus à toute personne «sans distinction aucune», le Pacte

    142 En l'occurrence mon propos s'appuie sur deux programmes de recherche du FASOPO qui ont reçu le concours de la Direction de la recherche de l'Agence Française de Développement : « Migrations internationales et anthropologie du voyage » (sous la direction de F. Adelkhah et J.-F. Bayart, avec la participation de C. Autant-Dorier, M. L. Berg, A. Battegay, J.-F. Havard, V. Manry, R. Marchal, M. Peraldi, J. Schmitz, S. de Tapia) et « Migration in post-apartheid South Africa. Challenges and questions to policymakers » (sous la direction de A. Wa Kabwe-Segatti, avec la participation de S. Ellis, L. B. Landau, D. Vigneswaran).

    143 http://www.un.org/fr/documents/udhr/.

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    international de 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels144, et le Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques145.

    Trois conventions internationales, dont deux sont des conventions de l'OIT, traitent spécifiquement des droits des travailleurs migrants: la convention (n° 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949146, et la convention (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975147, chacune d'elles étant complétée par une recommandation148.

    La convention no 97 s'applique aux travailleurs migrants réguliers et couvre des sujets tels que le départ du pays d'origine, le voyage, l'accueil dans le pays de destination et les virements des fonds. Deux annexes traitent du recrutement, du placement et des conditions de travail. Cette convention stipule que les travailleurs migrants réguliers ne doivent pas être traités moins favorablement que les travailleurs nationaux en ce qui concerne certaines questions d'emploi.

    La convention no 143 vise plutôt les abus survenant lors des migrations de main-d'oeuvre et les questions relatives à l'égalité des chances et de traitement. Elle invoque la nécessité de supprimer les mouvements migratoires clandestins et l'emploi irrégulier des travailleurs migrants, en ciblant les organisateurs du trafic et les employeurs plutôt que les travailleurs eux-mêmes. Cet instrument donne également aux travailleurs migrants irréguliers certains droits découlant de leur emploi.

    144www.ohchr.org/french/law/cesr.htm.

    145www.ohchr.org/french/law/ccpr.htm. L'application de ces instruments, et des quatre autres traités internationaux sur les droits de l'homme, est supervisée par les Organes conventionnels, qui peuvent faire

    observer les droits des travailleurs migrants, http://www.ohchr.org/
    FR/HRBodies/Pages/HumanRightsBodies.aspx. Il s'agit des traités suivants: convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 1965, http://www.oh chr.org/french/law/cerd.htm; Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, 1979, http://www2.ohchr.org/french/law/cedaw.htm; Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1984, http://

    www.ohchr.org/french/law/cat.htm; Convention relative aux droits de l'enfant, 1989, http:// www.ohchr.org/french/law/crc.htm.

    146 http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convde.pl?C097.

    147 http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convde.pl?C143.

    148 http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convde.pl?R086; http://www.ilo.org/ilolex/cgilex/conv de.pl?R151.

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    2.1 Un regard sur la migration des États-Unis

    Une nation d'immigrants, ainsi parlait des États-Unis le président John Fitzgerald Kennedy afin de rappeler leur tradition d'accueil des étrangers issus de tous les continents. Mais l'immigration n'est pas seulement un fait du passé. Après une période de restriction, des années 1920 aux années 1960, les États-Unis sont redevenus aujourd'hui un grand pays d'immigration : en 2000, près de 30 millions d'Américains d'origine étrangère étaient recensés, soit 10,4 % de la population totale ; chaque année, environ 1 million de visas de résidents sont délivrés. En chiffres absolus, les États-Unis sont le premier pays d'accueil au monde149.

    Les raisons de cette générosité sont multiples : elles sont non seulement liées aux idéaux américains, mais aussi à des intérêts nationaux et internationaux, le fonctionnement des institutions fédérales jouant également en faveur d'une politique d'ouverture. Alors que l'hostilité envers l'immigration a resurgi au sein de la population américaine et dans les milieux politiques, la législation actuelle, qui autorise la délivrance annuelle de 675 000 visas de résidents et permet l'admission supplémentaire de certaines catégories d'immigrants, est en place depuis bientôt quarante ans et a résisté aux pressions politiques. La législation contemporaine trouve ses origines dans une loi d'immigration votée en 1965. Avant cette date régnait le régime des quotas fondés sur l'origine nationale, mis en place en 1921 et en 1924.

    Ce régime imposait une limite annuelle de 150 000 visas à l'immigration européenne, interdisait l'immigration asiatique et établissait des quotas nationaux destinés à favoriser l'admission d'étrangers provenant d'Europe de l'Ouest et du Nord. Après la Seconde Guerre mondiale, et en particulier dans les années 1950, une telle discrimination devint difficile à maintenir150.

    Ce contexte permet de comprendre l'esprit de la loi de 1965. La réforme des quotas avait sa place dans le cadre du chantier législatif sur les droits civiques.

    149 D. M. Reimers, op. cit., 1985, p. 92.

    150 Dominique Daniel, L'immigration aux États-Unis (1965-1995) : le poids de la réunification familiale, Paris, L'Harmattan, coll. « Le monde nord-américain », 1996 ; David M. Reimers, « An Unintended Reform : The 1965 Immigration Act and Third World Immigration to the United States », Journal of American Ethnic History, vol. 3, no 1, automne 1983, p. 9-28; David M. Reimers, Still the Golden Door: The Third World Comes to America, New York, Columbia University Press, 1985.

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    Avant son assassinat, le président J. F. Kennedy avait annoncé son souhait de remodeler complètement la politique des quotas. Son successeur, Lyndon B. Johnson, hérita des conseillers de J. F. Kennedy en matière d'immigration et reprit le flambeau de la réforme dans son discours sur l'état de l'Union en 1964.

    La loi qui fut adoptée en 1965 remplaça le régime des quotas nationaux par un système où les étrangers pouvaient être admis en fonction de leur caractère propre, et non de leur origine nationale ou raciale151.

    Insistant surtout sur la nécessité d'abolir un régime dépassé et discrédité, les partisans de la réforme affirmèrent que le nouveau système n'allait pas augmenter les flux ou modifier leur composition. Tromperie délibérée dans le souci de rallier à la réforme les sceptiques et les conservateurs ou simple erreur sur les conséquences pratiques de leur projet, cette affirmation allait en tout cas s'avérer profondément erronée : sous le régime mis en place en 1965, le nombre total d'admissions a plus que triplé et l'origine nationale des nouveaux venus a radicalement changé, l'Asie et l'Amérique latine remplaçant l'Europe comme source principale de l'immigration152.

    a) L'administration d'Obama et Trump : une alternance politique pour un changement de politique migratoire ?

    La politique migratoire aux États-Unis est une politique protéiforme avec autour d'elle, des acteurs publics et privés que l'on peut, de manière peut-être caricaturale, classés comme pro ou anti immigration. Ces acteurs portent en eux des représentations multiples et divergentes, qui peuvent influencer les politiques publiques. Ces représentations sociales sont composées d'éléments divers qui ont longtemps été étudiés de façon isolée : des attitudes, des opinions, des croyances, des valeurs et des idéologies. Elles ont une influence sur les prises de décision des acteurs qui fabriquent les politiques. Partant de cette complexité, quel peut être l'effet des représentations de l'immigration, exprimées par les deux derniers présidents des États-Unis sur la conception des politiques migratoires ?

    151 HORS SÉRIE LA VIE, De la Préhistoire à aujourd'hui. Migrations une aventure humaine, 2016, 82 p.

    152 D. M. Reimers, op. cit., 1985, p. 157-206.

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    A représentation opposée de l'immigration, réponse politique différente ?

    Pour B.Obama, les États-Unis se sont construits avec l'arrivée de migrants : « nous sommes et nous serons toujours une nation d'immigrants. Nous avons tous été un jour des étrangers ». Il pense que la migration a beaucoup apporté à la société américaine puisqu'elle « nous a maintenu jeunes, dynamiques et entreprenants » (Obama 2014). Cette vision de l'immigration illustre la volonté du Président Obama de réformer la politique migratoire afin de régulariser certaines catégories de migrants. En 2012 il met ainsi en place le DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) qui permet de régulariser de manière temporaire les jeunes majeurs étrangers qui ont fait leur scolarité aux États-Unis153.

    En 2013 une proposition de réforme globale de la politique migratoire a été proposée visant à régulariser de manière temporaire 11 millions de migrants. Obama a soutenu cette initiative et a promis d'émettre son propre projet de réforme si le Congrès temporise. La réforme a été rejetée par la Chambre des représentants à majorité républicaine et Obama a décidé de régulariser plus de cinq millions d'immigrés par décret154.

    Le président Donald Trump a exprimé une vision nettement plus négative de l'immigration. Il a dénoncé les immigrants clandestins mexicains comme étant de « mauvais gens » : « Quand le Mexique nous envoie ses gens, ils n'envoient pas les meilleurs éléments. Ils envoient ceux qui posent problèmes. Ils apportent avec eux la drogue. Ils apportent le crime. Ce sont des violeurs». (Trump 2016)

    La politique migratoire de Trump semble en cohérence avec cette vision de la migration. En effet, il a annoncé la suppression du programme DACA mis en place par Obama, a émis un décret présidentiel qui vise à interdire l'entrée aux ressortissants de 7 pays majoritairement musulmans et enfin, il a retiré les États-Unis du pacte mondial des Nations Unies permettant d'améliorer la gestion internationale des migrants et des réfugiés.

    153Sauviat Catherine. « Obama et les immigrés : les illusions perdues ». Plein droit, 2015/3 (n° 106). P 2427.

    154Ibid.

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    Comme le dit Pierre Muller, « les politiques publiques sont des espaces où les différents acteurs concernés vont construire et exprimer un rapport au monde qui renvoie à la manière dont ils perçoivent le réel, leur place dans le monde et ce que le monde devrait être155». On peut alors admettre que la politique migratoire soit le résultat des représentations des décideurs sur la migration. Pour autant, l'expression de ces représentations ne peut être isolée du contexte dans lequel elles sont exprimées. Les politiques migratoires ne sont pas détachées du contexte dans lequel elles sont conçues.

    c) L'effet des attentats terroristes sur les représentations de l'immigration

    Les attentats du 11 septembre 2001 font des migrants une menace pour la sécurité nationale. A la suite de cet évènement, selon Catherine Sauviat « les initiatives législatives et exécutives de lutte anti-terroriste intègrent une dimension sécuritaire et répressive au contrôle intensif et minutieux des migrants »156.

    La réforme migratoire d'Obama témoigne de l'intégration de ce volet sécuritaire. Le budget de la sécurité nationale et de la police des frontières a augmenté considérablement (de 47,4 à 60,4 milliards de dollars entre 2008 et 2014), les frontières ont été renforcées et de nombreux migrants clandestins ont été expulsés157. Le contexte post-attentats a cadré le choix des possibles en politique migratoire. Obama a été contraint de montrer sa volonté d'agir pour garantir la sécurité des citoyens états-uniens.

    Pour Donald Trump, dont l'immigration a été un point important de son programme présidentiel et l'est aussi de sa politique actuelle, le contexte d'attentats terroristes fait figure de « fenêtre d'opportunité politique » pour mettre en place et légitimer des politiques anti-migratoires au nom de la sécurité nationale.

    Les attentats terroristes de 2001 et ceux qui se sont déroulés plus récemment ont servi de cadre à la construction d'une représentation négative de l'immigration. La prise en compte de cette représentation dominante dans l'étude des politiques migratoires d'Obama et

    155 Muller Pierre. « L'analyse cognitive des politiques publiques : vers une sociologie politique de l'action publique », Revue française de science politique, 2000/2 (Vol. 50).P 189-208

    156 Sauviat Catherine. « Obama et les immigrés : les illusions perdues ». Plein droit, 2015/3 (n° 106). P 2427.

    157 Catherine Sauviat, op. cit.

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    Trump nous permet de comprendre l'existence de similitudes dans ces politiques malgré l'alternance politique. Les mesures sécuritaires visant à limiter la migration, que ce soit par l'expulsion des migrants ou par l'interdiction d'entrée de ces derniers, ont été présentes dans les mandats des deux présidents. Pour autant, ce contexte n'est pas qu'un environnement avec lequel il faut faire, il est travaillé, utilisé par les acteurs de la mise en oeuvre des politiques migratoires.

    d) La justice, la rue et les groupes d'intérêt

    Les politiques migratoires d'Obama et Trump ont été confrontées aux pressions et oppositions issues des institutions judiciaires, des mouvements sociaux et de groupes d'intérêts. Malgré l'existence d'une représentation dominante de la migration, ce sujet fait débat au sein de la société américaine. De nombreuses organisations et acteurs sociaux mènent des actions visant à influencer et orienter les politiques migratoires. Par exemple, les organisations de défense des droits des migrants ont fait pression sur le gouvernement Obama afin qu'il tienne sa promesse de campagne et régularise une partie des migrants. Cependant, les mesures de régularisation mises en place par Obama se sont heurtées aux oppositions de 26 États gouvernés par des républicains et finalement un juge fédéral s'est saisi de la question et a ordonné un gel durable de ce programme158.

    Le décret anti-migration de Trump a quant à lui provoqué des contestations de la part d'associations en défense des droits civiques. De nombreux activistes se sont rassemblés dans les aéroports afin de demander la libération des personnes retenues par les services migratoires à cause du décret. Les associations de défense des droits civiques ont saisi une juge fédérale qui a provisoirement interdit l'expulsion des migrants retenus dans les aéroports et leur a permis d'entrer sur le territoire.

    En réponse à cette décision D. Trump a proposé un nouveau décret interdisant de manière permanente l'entrée aux ressortissants de sept pays et aux fonctionnaires Vénézuéliens. Les organisations de défense des migrants, à l'exemple du National Immigration Law Center, ont dénoncé l'intention de porter atteinte aux musulmans. Aussi, le dernier décret a été

    158 Catherine Sauviat, op. cit.

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    bloqué par un magistrat de Hawaï affirmant que le texte « effectue à l'évidence une discrimination fondée sur une nationalité » et ne peut pas démontrer en quoi le permis d'entrer sur le territoire à plus de 150 millions de ressortissants des pays visés « « nuirait aux intérêts des États-Unis ». (Juge Watson 2017) Cependant, malgré les oppositions des juges fédéraux au décret, la Cour suprême a autorisé son application interdisant ainsi l'entrée aux ressortissants de 6 pays musulmans, le Venezuela et la Corée du Nord. Bien qu'il s'agisse d'une victoire pour Trump, ce sujet doit encore être traité par des tribunaux fédéraux. La bataille judiciaire continue.

    De plus, certains groupes d'intérêts économiques s'opposent à la politique migratoire de Trump notamment à la suppression du programme de protection des jeunes sans papiers. En effet, le secteur agricole, l'hôtellerie et le bâtiment sont très dépendants de la main d'oeuvre immigrée. Ces tâches ne sont pas accomplies par les américains qui, de plus en plus diplômés, aspirent à des emplois plus qualifiés. Ainsi, Trump mais également Obama ont dû faire face à des pressions de la part des groupes patronaux qui les encouragent à régulariser les travailleurs clandestins afin de servir l'économie américaine. Ces intérêts sont également défendus par la plupart des démocrates et quelques républicains qui cherchent à influencer les décisions de Trump. Récemment, deux représentants démocrates de la chambre des représentants et du sénat ont rencontré Trump pour trouver un compromis sur la situation des « dreamers » et celui-ci souhaite désormais protéger les jeunes étrangers d'expulsion tout en renforçant la sécurité des frontières.

    e) Changement de ton, continuité dans les faits

    Les représentations d'Obama et Trump sur la question migratoire jouent un rôle important dans la conception des politiques car la manière dont ils perçoivent cette problématique détermine les réponses politiques qui sont apportées. Pour autant, les politiques migratoires sont également le résultat d'une multitude de facteurs qui contribuent à les façonner et les transformer et limitent ainsi le volontarisme politique.

    La représentation dominante de l'immigration dans un contexte d'attentats terroristes délimite le choix des possibles en politique. Cela dit, les politiques migratoires sont également l'objet d'actions de la part d'acteurs sociaux qui souhaitent imposer leur vision

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    de l'immigration et influencer la conception des politiques. Les oppositions aux politiques migratoires peuvent prendre la forme de blocages juridiques qui limitent concrètement la portée et la mise en oeuvre des politiques.

    Ainsi, la politique migratoire est le fruit d'un compromis visant à prendre en compte deux représentations opposées de l'immigration afin de contourner les barrières institutionnelles et les oppositions sociales. Ceci nous permet d'expliquer les contradictions de la politique d'Obama (régulariser des migrants en même temps qu'il en expulse) et les inflexions de la politique de Trump (protéger les « dreamers » en contrepartie d'un renforcement des frontières). Il est encore tôt pour savoir si les autres politiques anti-migratoires de Trump pourront aboutir, mais du fait des contraintes institutionnelles et sociales, l'alternance politique Obama-Trump représente un changement radical dans le discours mais pas vraiment dans les faits159.

    159 Mandeville Laure. 29/01/2014. Barack Obama dévoile sa réforme de l'immigration. [En ligne]. Consulté le 10/12/2017

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    2.2 Migration en République Dominicaine

    Historiquement, la République Dominicaine a été un pays d'accueil pour les travailleurs étrangers. À partir de la seconde moitié du 19e siècle, des travailleurs (principalement originaires de Haïti et des pays anglophones des Caraïbes) sont recrutés pour travailler dans les plantations de canne à sucre. L'immigration de travailleurs haïtiens a été activement encouragée durant l'occupation américaine de la République Dominicaine (1916-24), en raison de l'expansion de l'industrie du sucre sous la présence américaine160.

    Suite à des tensions de plus en plus vives concernant la définition des frontières entre les deux pays (entamée en 1937), les autorités dominicaines ont mis en place une régulation des flux d'immigrants haïtiens. En raison des pénuries de main d'oeuvre et de l'intérêt grandissant des autorités pour les plantations de canne à sucre, une série d'accords bilatéraux (convenios) furent signés entre Haïti et la République Dominicaine, autorisant l'entrée sur le territoire dominicain de Haïtiens pour des périodes définies. C'est ainsi que les campements permanents de Haïtiens autour des plantations sucrières (connus sous le nom de bateys) se sont multipliés.

    Durant les années 1960, des bouleversements économiques et politiques ont conduit à une augmentation de l'émigration au départ de la République Dominicaine, à destination principalement des États-Unis. Au cours de cette période, les Dominicains ont émigré à travers différents canaux, bénéficiant de l'assouplissement de l'attribution des visas et des restrictions d'immigration de la loi américaine sur l'immigration de 1965, et de politiques d'asile et de protection des réfugiés favorables. Une forte proportion de cette migration était néanmoins clandestine161.

    Ces trois dernières décennies ont ainsi vu la République Dominicaine changer radicalement de position migratoire, et devenir un pays de départ. L'émigration dominicaine s'est accélérée depuis 1980 en réponse aux crises économiques.

    160 SEGUY, Franck. A catástrofe de janeiro de 2010, a «Internacional Comunitária» e a recolonização do Haiti. Dissertação (Doutorado em Sociologia). Instituto de Filosofia e Ciências Huamnas, Universidade Estadual de Campinas, 2014.

    161 OCDE (2008), A Profile of Immigrant Populations in the 21st Century: Data from OECD Countries, OCDE, Paris

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    La décennie 1980 a connu par ailleurs une importante réduction de la production de sucre dans l'économie dominicaine, encourageant de nombreux immigrants haïtiens à se reconvertir dans d'autres secteurs comme le bâtiment, le commerce, l'industrie manufacturière et les services domestiques. Bien que la République Dominicaine ait connu, au cours de la dernière décennie, une croissance soutenue et une grande stabilité politique, l'émigration n'a pas diminué162.

    Les recensements des années 2000 permettent d'estimer que 716 586 Dominicains vivent à l'étranger (13 % de la population), dont 633 000 aux États-Unis. Une estimation plus récente (2008) de l'Enquête de la Communauté Américaine évoque un chiffre supérieur à 1.3 million (en incluant les Dominicains nés aux États-Unis). D'importantes communautés de Dominicains se sont ainsi établies en Espagne, en Italie et à Porto Rico163.

    Le gouvernement dominicain a mis en place des initiatives pour renforcer ses liens avec la diaspora. Parmi ces initiatives, on compte l'amendement constitutionnel reconnaissant la double nationalité (1994), l'extension du droit de vote aux Dominicains installés à l'étranger (1997), et le projet de loi constitutionnelle instaurant des sièges de sénateurs et de députés pour représenter les Dominicains expatriés.

    Sur le territoire national, les conditions précaires subies par les Haïtiens ont suscité une préoccupation croissante de la part des pouvoirs publics, amenant les autorités des deux pays à signer une déclaration contre le recrutement de clandestins et l'immigration illégale en 2000. De plus, la Loi générale sur les migrations de 2004 (Acte n° 285) et le Plan national de régularisation en cours mettent l'accent sur la régulation des immigrés sans papiers présents dans le pays164.

    162 WARGNY, Christophe. Haïti n'existe pas 1804-2004: deux cents ans de solitude. Paris: Éditions Autrement Frontières, 2008.

    163 BARUDY, J., 1981, Integracion critica: meta de una terapia liberadora en el exilio latino-americano, Asi Buscamos Rehacernos, Éd. Colat-Celadec, Peru, 225-240.

    164 OCDE (2009), Perspectives économiques de l'OCDE 2009, n° 85, OCDE, Paris

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    a) Le marché du travail

    Les émigrants dominicains dans les pays de l'OCDE et les autochtones de ces pays présentent des caractéristiques similaires en termes de taux de participation au marché du travail.

    À titre d'exemple, 68.1 % des Dominicains résidant aux États-Unis sont employés ou en recherche active d'emploi, un taux très proche des 65.4 % d'Américains dans la même situation.

    Malgré une intégration effective dans le marché du travail américain, certains objectifs ne sont pas encore atteints. En effet, la concentration des immigrés dominicains dans les emplois peu qualifiés demeure plus élevée que celle de leurs homologues autochtones.

    La répartition des Dominicains et des autochtones aux États-Unis en fonction de leurs catégories occupationnelles. Plus de 76 % des Dominicains occupent des emplois non qualifiés contre seulement 61 % des travailleurs autochtones. Les immigrés dominicains se concentrent dans les secteurs de la vente, des soins à la personne et des transports.

    Cette segmentation du marché du travail et le niveau d'éducation plus faible observé chez les immigrés dominicains en comparaison avec la population native peuvent expliquer les différences de revenus observées entre les travailleurs dominicains et américains par la littérature165.

    Malgré le fait que la plupart des immigrés dominicains aux États-Unis occupent des postes peu qualifiés, on observe un nombre de plus en plus important de migrants hautement qualifiés. L'enquête de la Communauté Américaine de 2008 révèle que près de 90 000 Dominicains ont le baccalauréat ou un diplôme universitaire ou technique.

    b) Relation avec le pays d'origine et intégration dans le pays d'accueil

    À partir des années 1990, la République Dominicaine a connu une croissance significative des entrées de transferts privés, reflétant l'augmentation de l'émigration dominicaine. Ces transferts privés sont ainsi passés de 0.8 milliard USD en 1995 à 3.1 milliard USD en 2008 (représentant respectivement 5 et 6.8 % du PIB dominicain). Néanmoins, la progression de

    165 Hernández, Ramona and Rivera-Batiz, Francisco L., "Dominicans in the United States: A Socioeconomic Profile, 2000" (2003). CUNY Academic Works.

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    ces apports de capitaux privés s'est ralentie à partir de 2007, et les transferts sont mêmes en déclin depuis le premier trimestre 2009.

    L'étude nationale des ménages de 2007 (ENHOGAR) a révélé que les transferts privés sont une source de revenus importante. Près de 17 % des familles dominicaines bénéficient de transferts monétaires sous une forme ou une autrre. Le transfert mensuel moyen s'élevait à 100 USD, soir 16 % du revenu d'un ménage dominicain moyen166.

    En 2004, la BID a réalisé une enquête sur l'emploi des transferts privés par les familles bénéficiaires en République Dominicaine (BID/MIF, 2004b). Comme l'illustre la figure 3, l'argent des transferts est principalement affecté aux biens de consommation (60 %). Dans une moindre mesure mais qui reste néanmoins importante, les fonds sont alloués à l'éducation (17 %) ou investis dans un commerce (5 %).

    La bancarisation des transferts monétaires en République Dominicaine demeure faible. Selon les données de l'enquête ENHOGAR, 92 % des ménages bénéficiaires utilisent des compagnies privées de transferts de fonds pour recevoir l'argent, tandis que seul 1 % le font au travers de banques commerciales.

    Les transferts privés en République Dominicaine sont réglementés par la loi Monétaire et de Finance n° 183 (2002) qui régule les opérations des compagnies de bureaux de change et de transferts de fonds167.

    Après trois ans d'émigration à grande échelle vers les États-Unis, les liens transnationaux (transferts privés compris) ont conforté le sentiment d'appartenance communautaire entre les Dominicains168.

    Les dimensions politiques, culturelles et sociales de ces liens se reflètent dans la mise en place de branches américaines par les principaux partis politiques dominicains, dans la participation des Dominicains aux campagnes politiques aux États-Unis, dans l'augmentation de la participation des communautés dominicaines aux élections de leurs pays d'accueil, ainsi que dans l'existence d'associations civiques et sociales à l'étranger169.

    166 Wang Meiyan. L'impact des envois de fonds des migrants sur la réduction de la pauvreté et sur les dépenses deconsommation des ménages en milieu rural . In: Perspectives chinoises, n°113, 2010. pp. 64-75;

    167 https://www.oecd.org/fr/dev/ameriques

    168 BID/MIF, 2004b.

    169 UNIVERSIDADE FEDERAL DA INTEGRAÇO LATINO-AMERICANA. Conselho Universitário. Edital n° 004/2014/ PROINT-UNILA, de 17 de dezembro de 2014.

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    c) La République Dominicaine change de politique migratoire

    Dans son arrêt 168-13 rendu en septembre 2013, la Cour constitutionnelle dominicaine a estimé que les enfants nés en République dominicaine de parents étrangers en situation irrégulière n'avaient pas le droit de recevoir la nationalité dominicaine. L'arrêt a été appliqué à titre rétroactif aux personnes nées après 1929 ; il a touché de manière disproportionnée les Dominicains d'origine haïtienne. Il constitue une privation rétroactive, arbitraire et discriminatoire de nationalité170

    Entre autres mesures, l'arrêt ordonnait au Conseil national des migrations de préparer un « plan national de régularisation des étrangers en situation irrégulière vivant dans le pays », prévu de longue date. Le 29 novembre 2013, le président de la République a signé le décret 327-13 instaurant un plan de régularisation de 18 mois171. Le texte déclarait un moratoire sur les expulsions de migrants en situation irrégulière, valable pendant la durée du plan172. Dans les semaines précédant la date limite de dépôt des demandes de régularisation, qui avait été fixée au 17 juin 2015, les autorités dominicaines ont annoncé que les renvois de migrants en situation irrégulière reprendraient à compter du 18 juin.

    La République dominicaine a procédé dans le passé à des expulsions collectives menées dans le cadre d'opérations dans des quartiers où vivent les immigrés haïtiens et leurs descendants. La plupart du temps, ces expulsions ne respectaient pas les dispositifs de

    170 Pour une analyse de la décision et de ses implications sous l'angle des droits humains, ainsi qu'une analyse des mesures adoptées par les autorités dominicaines pour atténuer ses effets, voir Amnesty

    International, « Sans papiers, je ne suis personne ». Les personnes apatrides en République dominicaine (AMR 27/2755/2015), novembre 2015, disponible sur https://www.amnesty.org/fr/documents/ amr27/2755/2015/fr/.

    171 Le plan s'adressait à tous les étrangers en situation irrégulière arrivés en République dominicaine avant le 19 octobre 2011 (date d'entrée en vigueur de la réglementation d'application de la loi sur l'immigration de 2004). Après une étape préparatoire, la deuxième phase du plan a débuté le 1er juin 2014 ce qui laissait 12 mois aux migrants pour demander leur régularisation. Les personnes déposant une demande devaient présenter un document d'identité de leur pays d'origine, ainsi que des documents attestant de la durée de leur séjour en République dominicaine, de leurs liens avec la société dominicaine et de leur situation socioéconomique et professionnelle.

    172 Malgré le moratoire, des organisations dominicaines et haïtiennes de défense des droits humains ont recensé un certain nombre d'expulsions, y compris de personnes pouvant prétendre au plan de régularisation et d'autres ayant vocation à bénéficier de la nationalité dominicaine.

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    protection prévus par le droit international, notamment le droit à un examen individualisé, les garanties pour une procédure légale et le droit de recours173.

    Dans les semaines précédant l'expiration du plan de régularisation, la crainte a grandi chez les migrants haïtiens et leurs descendants, en proie à la peur d'être expulsés en grand nombre et soumis à toutes sortes d'abus, comme cela avait été le cas dans le passé. Des organisations de la société civile dominicaines, haïtiennes et internationales, dont Amnesty International, se sont en outre déclarées préoccupées par le fait que des personnes sans papiers nées en République dominicaine et pouvant légitiment prétendre à la nationalité dominicaine pourraient se retrouver prises dans des opérations de renvoi et être expulsées de leur propre pays174.

    Le risque d'expulsions massives de migrants haïtiens, mais aussi de Dominicains d'origine haïtienne, a suscité l'attention de la presse internationale et créé des tensions entre Haïti et la République dominicaine. En juillet 2015, l'Organisation des États américains (OEA) a dépêché une mission dans les deux pays afin d'évaluer la situation à la frontière et de formuler des recommandations à leurs gouvernements respectifs.

    Les autorités haïtiennes ont reconnu que la République dominicaine avait le droit d'expulser des migrants en situation irrégulière sur son territoire, mais demandé qu'un protocole soit négocié entre les deux pays de manière à garantir le respect et la protection des droits des migrants et à empêcher l'expulsion de personnes ayant vocation à bénéficier de la nationalité dominicaine. L'OEA a formulé une recommandation similaire175.

    173 Voir, par exemple, Amnesty International, Une vie en transit. La situation tragique des migrants haïtiens et des Dominicains d'origine haïtienne (AMR 27/001/2007), 2007. En août 2014, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a rendu un arrêt dans l'affaire Personas dominicanas y haitianas

    expulsadas vs República dominicana. Elle a estimé que la République dominicaine avait violé plusieurs droits fondamentaux en expulsant collectivement et de manière arbitraire plusieurs migrants haïtiens et Dominicains d'origine haïtienne entre 1999 et 2000. L'arrêt est disponible sur http://corteidh.or.cr/docs/ casos/articulos/seriec_282_esp.pdf.

    174 Amnesty International, Un avenir incertain. Des Dominicains d'origine haïtienne menacés d'expulsion en République dominicaine (AMR 27/1830/2015), juin 2015.

    175 Organisation des États américains, Rapport de la mission technique chargée d'examiner la situation dans la zone frontalière entre la République dominicaine et Haïti, 29 juillet 2015, disponible sur https:// www.oas.org/fr/centre_medias/communique_presse.asp?sCodigo=F-030/15.

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    Les autorités dominicaines sont toutefois restées campées dans leur refus de négocier un tel protocole, considérant que la politique migratoire et ses mécanismes de mise en oeuvre étaient du seul ressort de l'État dominicain176.

    Les expulsions n'ont pas officiellement repris avant le 14 août 2015, mais peu après la fin du programme de régularisation (17 juin), la presse et les autorités dominicaines ont indiqué qu'un grand nombre de familles haïtiennes qui se trouvaient en situation irrégulière en République dominicaine rentraient « spontanément » en Haïti.

    Après que le plan de régularisation eut expiré, les pouvoirs publics dominicains se sont engagés expressément à ne pas expulser les personnes à même de prouver qu'elles étaient nées sur le territoire dominicain. Ils ont également promis d'évaluer chaque cas individuellement, dans le respect des procédures légales, d'identifier les personnes nées dans le pays et de les protéger contre toute expulsion177.

    2.3 Migration au chili

    La préhistoire du continent montre que des migrations internes existent depuis longtemps. Celle qui touche de plus près la population originaire du Chili est le déplacement et la colonisation forcés du territoire du Tihuantinsuyo opérés par l'Empire inca pendant le XVe siècle. Afin d'organiser l'administration et l'exploitation de ses vastes possessions, la monarchie impériale de Cusco arrachait certaines populations à leurs régions d'origine en les installant sur des territoires qu'elle voulait coloniser et contrôler. Ces colonisateurs forcés étaient appelés «mitimaës» et le Chili en a reçu un certain nombre.

    Avant la conquête espagnole, les territoires des actuels Équateur, Pérou et Bolivie, ainsi que le Sud colombien et le Nord argentin et chilien appartenaient à l'Empire inca. L'arrivée des Européens est venue se superposer aux migrations commandées juste quelques décennies plus tôt par le gouvernement impérial178.

    176 Al Momento, «Gobierno RD cuestiona informe OEA ; rechaza su intermediación en conflicto», 29 juillet 2015, disponible sur http://almomento.net/gobierno-dominicano-rechaza-informe-oea-y-suoferta- de-mediar-en-conflicto-con-haiti/122493.

    177 Entretiens d'Amnesty International avec le directeur des Migrations et avec le vice-ministre de la Présidence, juin 2015.

    178 Ricardo Parvex, « Le Chili et les mouvements migratoires », Hommes & migrations, 1305 | 2014, 71-76.

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    a) Le Chili, pays d'accueil de migrants

    Comme tous les pays du Cône sud de l'Amérique latine, le Chili a accueilli depuis des migrants venus de divers horizons, notamment des Européens du Sud. C'est une évidence que la plus importante population immigrante dans le pays a été espagnole. En ne prenant en considération que les immigrants d'origine européenne, nous devons ajouter les Italiens, 600 000 Chiliens étant de cette origine selon les estimations actuelles ; les Grecs, avec plus de 100 000 descendants directs, en particulier à l'extrême nord (Antofagasta) et à l'extrême austral (Punta Arenas). Comparativement, cela fait du Chili l'un des cinq pays ayant le plus grand nombre de descendants de Grecs au monde. On estime, par ailleurs, à environ 400500 000 le nombre de Chiliens descendant de Croates, ce qui fait du Chili l'un des plus importants centre d'accueil de Croates du monde179.

    8L'importance de l'immigration française n'apparaît pas liée à une activité, à une époque ou à une région particulière, c'est pourquoi elle est moins visible. Cependant, le Chili est peut-être le pays latino-américain où l'influence française se fait sentir de la manière la plus claire. On estime qu'environ 800 000 Chiliens seraient d'ascendance française.

    a) Immigration au Chili : ce que dit le décret du Président Sebastian Piñera

    En parallèle de cette annonce, le Président chilien a déclaré prendre un décret, à effet immédiat, ne nécessitant pas l'accord du Parlement pour être appliqué.

    Ainsi, à partir du 23 avril 2018, il n'est plus possible de solliciter et obtenir un visa pour motifs professionnels. Par conséquent, à partir du 1er août 2018, trois nouveaux visas seront disponibles : un visa temporaire d'opportunités : accessible pour tout migrant qui souhaiterait venir travailler au Chili pour une période de douze mois, renouvelable une fois pour douze mois supplémentaires, avec la possibilité ensuite de demander la résidence permanente. un visa temporaire d'orientation international : accessible pour tout professionnel étranger en possession d'un diplôme d'enseignement supérieur issu d'une université prestigieuse, qui souhaiterait venir au Chili pour une période de douze mois, renouvelable une fois pour douze mois supplémentaires, avec la possibilité ensuite de

    179 Rosenfeld Martin, Gois Pedro, Rea Andrea, Lenz Annika et Reyntjens Pascal (2009) Immigration brésilienne en Europe. Dimension transnationale, Hommes et Migrations, 1281, pp. 54-63.

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    demander la résidence permanente. un visa temporaire d'orientation national : accessible pour tout professionnel étranger en possession d'un diplôme d'enseignement supérieur issu d'une université chilienne, qui souhaiterait revenir au Chili pour une période de douze mois, renouvelable une fois pour douze mois supplémentaires, avec la possibilité ensuite de demander la résidence permanente180.

    b) Le cas chilien

    Au Chili, outre la discrimination et la stigmatisation, la grande difficulté à laquelle sont confrontés les migrants haïtiens est l'obtention de leur permis de résidence. Pour régulariser leur situation migratoire, ils n'ont guère d'autres choix que de demander à l'État chilien un visa de résidence sujet à contrat de travail. Malheureusement, le peu d'employeurs qui acceptent de leur donner du travail le font de manière informelle sans contrat de travail, et ce, en vue de se soustraire au respect des droits des travailleurs. La chaîne de télévision chilienne Chilevisión a réalisé.

    Les autorités chiliennes ont finalement découvert et démantelé ces réseaux. Ainsi, les migrants ayant présenté de faux contrats de travail pour leur demande de résidence ont reçu l'ordre de quitter le pays dans un délai de 15 jours. Beaucoup d'Haïtiens concernés par cet ordre d'expulsion ne savent que faire. Certains d'entre eux ont quitté le Chili le plus rapidement possible pour se rendre au Brésil ou en Guyane Française afin d'éviter le rapatriement vers Haïti181.

    180 Lepetitjournal Santiago | Publié le 08/05/2018 à 22:30 | Mis à jour le 14/05/2018 à 23:48

    181 L'Équateur et le Chili figurent parmi les rares pays qui n'exigent pas de visas de tourisme aux Haïtiens comme obligation pour entrer sur leur territoire.

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    Chapitre II: Vers une politique publique internationale de la migration

    Section I: Politique publique et regard d'action

    Les migrations internationales sont aujourd'hui un des enjeux majeurs de la gouvernance globale. Elles restent pourtant l'objet de politiques régaliennes où dominent les accords bilatéraux sans que s'impose un régime de gestion multilatéral. Les migrations sont une des pierres d'achoppement du multilatéralisme et leur gestion est revendiquée par les États comme une dimension inaliénable de leur souveraineté (économique, territoriale...). Les institutions multilatérales tentent de proposer des modalités de gouvernance multilatérale des migrations comme phénomène social global. À l'Onu, le Haut-commissariat aux réfugiés (Hcr) s'occupe des réfugiés et l'Organisation internationale du travail (Oit) des migrants en leur qualité de travailleurs. La Banque mondiale et le Fmi sont particulièrement actifs sur la question des migrations et des transferts financiers qui les accompagnent alors que l'Unicef s'intéresse aux conséquences sociales de la mobilité sur les familles dans les pays d'origine ou d'accueil182.

    L'Organisation internationale des migrations travaille quant à elle en marge de l'Onu. L'Onu n'est pas parvenue à imposer la Convention sur les droits des migrants de 1990 et ne parvient pas à faire émerger une ligne d'action collective dans l'arène multilatérale sur la question migratoire. Pourtant, dans la sphère onusienne et au-delà, les organisations internationales négocient l'émergence d'une agence spécialisée dans les migrations. À partir de la stratégie historique du HCR dans le champ multilatéral et d'une innovation juridique récente le concept de « migrations mixtes », on décrit une des tentatives de gestion juridique de la mobilité forcée et volontaire. En 2006, le concept émerge avec l'expérience des migrations sub-sahariennes à travers la Méditerranée. On s'intéresse ici à son utilisation dans le cas de migrations depuis la corne de l'Afrique vers le Yémen.

    182 Marx Ive, Rea Andrea, Verbist Gerlinde, Godin Marie et Corluy Vincent (2008) L'intégration sociale et économique des personnes ayant bénéficié de la procédure de régularisation en 2000 (loi de 1999), Bruxelles, Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, 175 p., [en ligne]. URL : http://germe.ulb.ac.be/uploads/pdf/articles%20online/anciens/BeforeAfter-rapport.pdf

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    a) Les champs migratoires internationaux : nécessité d'une vision globale du phénomène migratoire

    Le champ migratoire ou les diasporas représentent plus une perception nouvelle du processus migratoire qu'une nouvelle réalité. Mondialisation des échanges économiques comme fluidité et rapidité des flux de transports, informations et communications facilitent et accélèrent les processus d'échanges généralisés. Ainsi, le projet individuel ou la trajectoire migratoire ne sont plus conçus comme des actes isolés ou des allers simples sans retour coupant définitivement le migrant de ses origines, de sa famille, de sa culture, mais comme des actes réfléchis et responsables, à tout moment susceptibles d'inflexions nouvelles. Même en cas de retour, volontaire ou non, l'émigration n'est pas non plus une coupure définitive avec le pays d'accueil du fait du maintien de liens facilités par les nouvelles technologies d'information et de communication ainsi que par les nouvelles technologies et organisations de transports internationaux et l'abaissement de leurs coûts respectifs. On assiste de plus en plus à l'émergence d'espaces migratoires transnationaux (champs migratoires) animés par des échanges culturels, d'idées et informations, commerciaux et sociaux, des relations touristiques internationales (circulations migratoires)183.

    La notion de champ migratoire est conçue pour relier les éléments à première vue épars du fait migratoire contemporain, inclure les traits nouveaux et contribuer à concevoir le phénomène dans sa globalité, à la fois dans son interactivité et son dynamisme. Le champ migratoire est une construction permettant, d'une part, de prendre conscience du continuum de divers processus migratoires dans l'espace géographique et le temps, d'autre part, de concevoir le migrant dans son individualité, où trajectoire et projet migratoire font partie intégrante du développement personnel. Cette approche insiste également sur le droit de circulation du migrant, entre pays d'origine et pays d'immigration, sans nécessairement se couper de sa société d'origine : culture lato sensu, famille, patrimoine économique (circulation migratoire) ; capital social (éducation, formation, socialisation, appartenance à des réseaux sociaux) ; capital économique acquis en émigration.

    183 Les principales définitions de la terminologie employée dans ce texte sont données en annexe 3

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    Elle met enfin en relief les interdépendances existant de facto entre tous les pays concernés (origine, transit, immigration) et rendant plus que jamais nécessaires les impératifs d'une coopération multilatérale pour la gestion de la migration internationale.

    Le champ migratoire permet surtout de « dégager la globalité d'une migration internationale en associant, dans une même vision, comme le fait le migrant lui-même, l'espace transnational qu'il pratique »184. Ce faisant, cette définition, pertinente pour la réalité sociale contemporaine, peut à tout le moins indisposer les gestionnaires des territoires politiques. Elle a toutefois l'avantage d'insister sur les effets d'interaction et d'interdépendance existant entre pays / sociétés / économies des pays d'émigration, d'immigration et de transit et de considérer le fait migratoire comme un phénomène global, complexe, interactif, essentiellement dynamique et potentiellement positif en termes de développement humain.

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    184 Réf : Simon 1995 : 16

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    2.1 Essence d'une politique publique de la migration

    À l'aube du XXIe siècle, l'incapacité d'Haïti à contrôler sa propre population tant dans sa quantité (croissance démographique) que dans ses caractéristiques économiques (faible ou forte valeur ajoutée) ouvre le débat sur la continuation de l'exercice plein et entier de sa souveraineté, puisque les vagues migratoires multipolaires et incontrôlées d'Haïtiens dans l'espace interaméricain185 sont dans leurs causes et leurs effets internes et externes des facteurs de fragilisation de l'État, qui dans les conditions actuelles de déprises institutionnelles et d'effondrement socioéconomique ne peut rendre viable un accord (bilatéral ou multilatéral) sur les flux migratoires haïtiens. Certes, il existe de faibles actions ponctuelles en ce sens, mais ne s'inscrivant pas dans la durée.

    Par-delà les déterminants structurels de l'échec en matière de gestion de l'immigration en Haïti, il y a aussi un énorme retard à la fois pratique et théorique par rapport à l'importance de la question dans les relations internationales. Cela explique en partie que les mesures prises par Haïti et liées aux accords internationaux sur cette question tiennent souvent plus de déclarations de bonnes intentions que d'une efficacité politique à la fois sur les flux et les stocks de départ et de retour.

    En d'autres termes, par-delà l'aptitude et l'attitude d'une certaine élite à financer des troubles politiques pour garder la haute main sur un certain monopole commercial, l'instabilité de l'État haïtien vient de l'immixtion d'États limitrophes dans les affaires haïtiennes destinée à obliger le pays à prendre en charge sa population (pour plusieurs raisons, y compris dans le cadre de la «lutte contre le terrorisme»...). La politique de soustraction et de substitution186 de population menée dans les années 60 par l'État en Haïti187, conjuguée à une déprise publique des gouvernements de l'après-Duvalier en 1986 en matière de démographie, a placé la question de la population haïtienne et des risques d'une émigration incontrôlée au centre des divers enjeux des relations internationales

    185Ibidem, p. 136.

    186Cf. WEINER, Myron; TEITELBAUM, Michael S., Political demography: demographic engineering, New York: Berghahn Books, 2001, 148 p.

    187Cf. ZÉPHIRIN, Romanovski, Le champ migratoire haïtiano-guyanais, op. cit., p. 134.

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    interaméricaines188. C'est l'exclusion sociale d'une partie de la population haïtienne exclue pendant près de deux siècles de toute modernité (éducation et cadre de vie), ajoutée à l'émigration massive et à la rémigration (ou un désir de rémigration), qui pose au début du XXIe siècle la question du maintien de la stabilité institutionnelle de l'État. Ce n'est pas, comme le considère Gérard Barthélémy, une conséquence du refus ontologique de l'État par le « pays en dehors », dominé par la dualité Créoles/Bossales189.

    Tout compte fait, quatre types de réalités sociodémographique, socioéconomique, spatiale et politique émergent et expliquent les mutations sociétales rapides du monde rural haïtien. Les quatre décennies d'émigration et de rémigration des familles haïtiennes dans l'espace interaméricain ont révélé non seulement une crise grave dans l'organisation sociospatiale d'Haïti, mais aussi par son ampleur, l'incapacité de l'État et des «classes dominantes traditionnelles» à esquisser un compromis pour moderniser le territoire. L'émigration-rémigration détruit les catégories des espaces traditionnels et leurs hiérarchies. L'émigration et la rémigration ont dans leurs causes et effets conjugués déstructuré le territoire par un morcellement accéléré des parcelles, alors que la rémigration et ses conséquences spatiales en termes de production urbaine et rurale sauvage ne suscitent pas encore de réelles perspectives institutionnelles modernistes de restructuration. Et cela, en dépit des flux financiers conséquents résultant des transferts effectués par les émigrés.

    L'émigration-rémigration et ses pratiques sociales transnationales actuelles dans le domaine de l'habitat urbain/rural en Haïti ont largement réduit et éclaté le fort dualisme spatial ville-campagne. Ainsi, il est clair que les pertinences dépassent les permanences et qu'Haïti est devenue une société d'émigration-rémigration. Et elle le sera pour au moins deux décennies encore. Donc, poser les termes de la problématique de développement liée à la stabilité institutionnelle en Haïti actuellement revient à prendre en compte, par exemple, la transnationalisation des familles, le poids des transferts financiers des migrants dans l'économie du pays d'origine, la sous-bancarisation des flux monétaires transférés et le potentiel d'investissements productifs des migrants de longue durée pour refonder et

    188 Ibidem, p. 132.

    189 Cf. BARTHÉLÉMY, Gérard, «Haïti, l'ordre sous le chaos apparent», art. cité.

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    décentraliser des territoires éclatés par la mobilité transnationale. En d'autres termes, il convient de repenser le développement et les possibilités de bonne gouvernance en recherchant la population haïtienne là où elle s'est principalement redéployée/réorganisée, avec ses acteurs, ses pratiques et ses enjeux dans des hiérarchies de lieux interaméricains transnationalisés, reconfigurés ou en reconfiguration, et non dans un « pays en dehors » isolé, devenu un paradigme dépassé.

    Finalement, cette nouvelle donne résultant des mouvements de population dans l'espace ouvre une nouvelle piste de recherche pour recadrer le pays rural profond haïtien par rapport aux nouvelles mutations sociodémographiques et environnementales.

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    2.2 Quid de la politique publique de la migration?

    De nombreux travaux menés au sein du laboratoire ont abordé la question des politiques des migrations, sans que ces dernières ne fassent cependant l'objet de recherches spécifiques. Les approches en termes de transnationalisme, de diaspora et de circulations migratoires ont cependant montré un renforcement du rôle des États, dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud.

    Dès lors, la gestion des migrations par les États, mais aussi par les organisations internationales et intergouvernementales en devenant un des enjeux majeurs des relations interétatiques nécessite de construire de nouvelles problématiques qui tiennent compte de la diversification croissante des mouvements migratoires, des processus d'externalisation des contrôles et du développement d'instruments de gestion des flux de population encore inédits jusqu'à une période récente190.

    Ainsi, les frontières extérieures de l'Union européenne se matérialisent désormais par des contrôles qui se font de plus en plus le long des routes migratoires, incluant de fait les pays de départ et ceux dits de » transit «. Ces derniers sont confrontés à la présence et/ou à l'installation plus ou moins longue de migrants » en attente «, qui se retrouvent dans des situations précaires, voire dans l'illégalité.

    Dans les quatre années à venir, l'intérêt se portera sur les politiques des migrations, entendues comme l'action de la puissance publique dans la gestion du fait migratoire et des populations migrantes. Dans la continuité des travaux menés sur les réfugiés, les demandeurs d'asile et les politiques migratoires les recherches mettront plus directement l'accent sur l'articulation entre politiques migratoires et politiques publiques en mobilisant les approches géographiques, sociologiques et historiques sur différents terrains d'enquêtes.

    190 Décision n° 93-325 DC, 13 août 1993 : JO 18 août 1993 ; JCP 1993, G, III, 66372.

    L. FAVOREU, « Commentaire de la décision n° 93-325 du 13 août 1993, Maîtrise de l'immigration », RFD const.1993, 599 ; H. LABAYLE, « Le droit de l'étranger à mener une vie familiale normale, lecture nationale et exigences européennes », RFD adm. 1993, p. 511 ;

    B. GENEVOIS, « Un statut constitutionnel pour les étrangers, À propos de la décision du Conseil constitutionnel n° 93-325 DC du 13 août 1993 », RFD adm. 1993, p. 871.

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    Une première orientation de recherche traitera de la gestion des populations et des frontières. L'étude des différentes formes et applications des politiques de migrations aborde les migrations » contraintes «, de réfugiés, de demandeurs d'asile, de rapatriés, et de façon générale, de personnes déplacées. Les recherches menées par Véronique Lassailly-Jacob et Yann Scioldo-Zürcher s'intéresseront tout d'abord aux multiples composants du concept de rapatriement. Les » terrains d'analyse » incluent à la fois des situations » de retour » de populations vers les pays du Nord, anciennement colonisateurs, mais aussi des situations particulières au contexte géopolitique propre aux pays du Sud, où les rapatriements prennent le plus souvent la forme d'un refuge frontalier191.

    Ces travaux incluront l'étude des constructions juridiques des rapatriements pour chacun des pays concernés et l'analyse des pratiques administratives mises en place par les différentes instances internationales, institutions onusiennes (HCR) et ONG, et leurs répercussions sur les populations concernées192.

    191 Deng, F. « Les réfugiés de l'intérieur. Un défi pour la communauté internationale », The Brookings Institution, 1993, p.166.

    192 https://migrinter.hypotheses.org/axes-de-recherche/axe-1

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    a) Regard migratoire sur la politique extérieure de l'État

    Le spécialiste argentin des migrations internationales, Lelio Mamora dans Las políticas de migraciones internationales (2002), considère généralement que quatre stratégies sont susceptibles d'influencer une politique migratoire:

    a) Les stratégies de pression d'un État sur un autre pour obtenir des avantages;

    b) Les stratégies de rétribution qui consistent à accorder un privilège à un autre État en fonction, par exemple, de la configuration de leurs rapports historiques (rapports privilégiés entre ancienne puissance coloniale et ancienne colonie);

    c) Les stratégies de représailles qui, dans certaines conjonctures, prennent forme de politiques d'expulsions ou de rapatriements et;

    d) Les stratégies de négociations qui dominent particulièrement dans les dynamiques d'intégration régionale. Dans trois cas sur quatre, Marmora se réfère à Haïti comme un cas type pour son illustration193.

    Entre autres, d'autres pays peuvent utiliser l'arme de rapatriement des migrants irréguliers comme stratégie de représailles pour obtenir des avantages. Dans d'autres, migrations peuvent jouer un rôle éminemment important dans les stratégies de négociations régionales. Dans le cas d'Haïti, il importe de souligner le fait que les deux principaux pays récepteurs de migrants haïtiens, respectivement les États-Unis et la République Dominicaine, sont ainsi ses principaux partenaires économiques et commerciaux avec lesquels Haïti enregistre un grave déficit chronique de sa balance commerciale194.

    193 Marmorá Lelio, Les politiques de migrations internationales, préface H. Doménách, Paris, L'Harmattan (Coll. Populations), 2002, 276 p.

    194 Depuis le mouvement des boat people haïtiens au cours de la deuxième moitié des années 1970 et des années 1980, l'émigration clandestine, les tentatives d'entrées irrégulières dans un autre pays, à partir d'embarcations de fortune ouà l'aide de passeurs, parfois sans documents d'identité et de voyage, rapidement devenu un cas classique des migrations internationales, a constitué un enjeu international majeur. Cela avait pris de l'ampleur quand, dans les années 1990-1994, des dizaines de milliers de boat people haïtiens ont été interceptés en mer et retenus sur la base militaire de Guantanamo. Alors qu'ils demandaient le statut de réfugiés (politiques), les États-Unis les ont considérés plutôt comme des réfugiés économiques et ont refusé leur demande bien qu'ils fussent tenus moralement à ne pas les refouler immédiatement en Haïti. Cela se pose autant avec d'autres petits États de la Caraïbe, ce qui donne une portée globale à la question et en fait une question diplomatique de premier plan.

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    Section II : Les principes d'application de la politique migratoire des travailleurs migrants haïtiens.

    La disposition naturelle des hommes à migrer vers des territoires abondant en ressources est sans nul doute considérée dans le circuit économique comme un phénomène traditionnel.

    Au XXIème siècle, les migrations sont généralement ordonnées par l'existence de facteurs économiques, politiques ou encore sociaux. Les mouvements migratoires de la diaspora caribéenne s'inscrivent dans ce contexte. Loin d'être une exception notable, elle présente un échantillon du monde mettant en exergue l'existence des multiples causes de départs des flux de migrants. Analysé en détail, un point témoigne avec acuité d'une caractéristique commune : une tendance forte au départ de la main-d'oeuvre qualifiée. L'ensemble des îles de la Caraïbe insulaire, de Cuba à Trinidad sont enclines à ce qui est communément appelé la fuite des cerveaux. Selon Ratha et Xu (2008), quatre des îles appartenant à l'arc caribéen sont dénombrées dans les dix premiers pays ayant un taux d'émigration qualifiée élevé en 2005. À titre d'illustration, la Jamaïque enregistre un taux d'émigration qualifiée de près de 82,5 %, Haïti de 81,6 %. Trinidad et Tobago et Grenade enregistrent respectivement des taux de 78,6 % et 66,7 %195.

    a) Migration, droit et institution

    La migration est également une question de droit : droit de l'immigration, du séjour et de l'asile politique, droit des immigrés à vivre en famille, droit de la nationalité pour ce qui est de la procédure de naturalisation, droits à prestations (droits sociaux)... Le droit de la famille est sans cesse sollicité en matière de migration. En ce qui concerne l'union par exemple, il est question de regroupement familial ou de mariage « mixte ». Par ailleurs, le législateur, puis les autorités judiciaires peuvent vouloir empêcher les mariages dits « de complaisance » ou mariages « blancs ». En matière de filiation, il est possible d'évoquer le regroupement familial, l'adoption, la kafala... En dehors de toute union ou de filiation, nous

    195 Beine, M., F. Docquier and H. Rapoport (2001). «Brain drain and economic growth: Theory and evidence», Journal of Development Economics, 64 (1): 276-289.

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    pouvons également citer la situation des mineurs isolés étrangers qui arrivent sur le territoire national, sans qu'aucun détenteur de l'autorité parentale n'y soit présent196.

    Certes, il n'y aucune obligation à « franciser » et l'on peut garder une référence à ses origines via son nom. Toutefois, que l'on fasse ou non la démarche, l'acte dénote une « projection identitaire », liée à la migration. Ainsi, la migration, pratique sociale de mobilité, question socio-anthropologique en lien avec la construction identitaire, est souvent aussi, en complément, une question juridique ou judiciaire197.

    b) Dialogue social

    Le dialogue social est au coeur du mandat de l'OIT; il est considéré comme essentiel pour l'élaboration de législations et de politiques sur les migrations de main-d'oeuvre, qui soient fondées sur les droits, cohérents et transparents et qui tiennent compte des besoins du marché du travail198. Dans son étude d'ensemble de 2016, la CEACR souligne le «rôle fondamental» des partenaires sociaux dans une gouvernance efficace des migrations de main-d'oeuvre et notamment dans «l'élaboration, la mise en oeuvre et l'adaptation en permanence d'une législation et d'une politique relatives à la réglementation des migrations de main-d'oeuvre et à la promotion de l'égalité de chances et de traitement en faveur des travailleurs migrants»199. Elle cite des cas dans lesquels les organisations d'employeurs et de travailleurs sont présentes dans des forums tripartites nationaux, des organismes gouvernementaux et des comités consultatifs sur les migrations de main-d'oeuvre et participent à des procédures et mécanismes de consultation traitant de sujets

    196 PORTES Alejandro and ZHOU Min (1993) The New Second Generation: Segmented Assimilation and Its Variants Among Post-1965 Immigrant Youth, Annals of the American Academy of Political and Social Sciences, 530.

    197 ROGERS Reuel (2006) Afro-Caribbean Immigrants and the Politics of Incorporation: Ethnicity, Exception, or Exit, Cambridge, Cambridge University Press.

    198 BIT: Conclusions, Réunion technique tripartite sur les migrations de main-d'oeuvre, Genève, 4-8 nov. 2013, paragr. 8. Voir aussi BIT: Cadre multilatéral de l'OIT pour les migrations de main-d'oeuvre. Principes et lignes directrices non contraignants pour une approche des migrations de main-d'oeuvre fondée sur les droits (Genève, 2006), p. 16, principe 6: «Le dialogue social est essentiel pour élaborer une politique relative aux migrations de main-d'oeuvre bien conçue et devrait être encouragé et mis en oeuvre».

    199 BIT: Promouvoir une migration équitable, op. cit. paragr. 131 et 189, respectivement.

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    tels que la réforme de la législation et des politiques concernant les migrations, l'intégration des travailleurs migrants et l'emploi non autorisé de ressortissants étrangers200.

    c) Coopération internationale

    Si, au regard du droit international, les États sont responsables de la protection de toutes les personnes qui relèvent de leur juridiction, y compris les travailleurs migrants, aucun pays ne peut, à lui seul, gérer efficacement les migrations. Une coopération internationale dans ce domaine est indispensable nécessité qui est reconnue dans les normes et cadres d'action pertinents de l'OIT et soulignée dans les discussions internationales relatives aux migrations. Malgré cet appel à une meilleure coopération en matière de migrations internationales, la situation politique et économique nationale et l'état du marché du travail peuvent constituer autant d'obstacles à une véritable coopération.

    Le fait que leur contexte politique et économique pousse de nombreux pays à faible revenu à envoyer leurs ressortissants chercher un emploi à l'étranger engendre une concurrence malsaine entre les pays d'origine qui, en conséquence, ferment les yeux sur la manière dont sont traités les travailleurs migrants dans les pays de destination. De plus, la coopération bilatérale et multilatérale entre pays de destination à revenu élevé ou intermédiaire et pays d'origine à faible revenu se déroule rarement sur un pied d'égalité, les premiers étant en position de force dans la négociation pour l'accès à leurs marchés du travail.

    d) Importance de la coopération internationale dans le domaine des migrations Outre les dispositions traitant spécifiquement de la coopération bilatérale, la convention (no 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et la convention (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975, ainsi que les recommandations correspondantes, contiennent des dispositions qui soulignent l'importance de la coopération internationale, s'agissant par exemple de prévenir la propagande trompeuse, d'établir des services publics de l'emploi, de lutter contre la migration irrégulière et de garantir les droits à la sécurité sociale201.

    200 Ibid., paragr. 133-136

    201 1 Convention no 97, articles 3 et 7; convention no 143, Partie I; recommandation no 151, paragr. 34(1) (c)(ii).

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    Le Cadre multilatéral de 2006 pour les migrations de main-d'oeuvre préconise la promotion, le cas échéant, « d'accords bilatéraux et multilatéraux entre les pays de destination et les pays d'origine qui visent différents aspects des migrations de main-d'oeuvre, tels que les procédures d'admission, les flux, les possibilités de regroupement familial, la politique d'intégration et le retour, y compris en particulier les tendances propres à chaque sexe»202. La Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2016, rappelle la nécessité d'une meilleure coopération internationale à tous les niveaux en matière de migrations.

    Les États membres se sont engagés à s'appuyer sur les mécanismes de coopération et de partenariat bilatéraux, régionaux et mondiaux existants, dans le respect du droit international, pour faciliter les migrations conformément au Programme 2030, et ont reconnu l'importance de cette coopération pour que les migrations puissent se dérouler en toute régularité, dans la sécurité et en bon ordre, dans le plein respect des droits fondamentaux des migrants203.

    e) Inspection du travail et accès à la justice

    Les services d'inspection du travail et les mécanismes de plainte sont d'une importance cruciale. Des services d'inspection du travail qui procèdent à des inspections régulières, conseillent les employeurs et les travailleurs, y compris les travailleurs migrants, et font véritablement appliquer la loi contribuent de façon déterminante à la réduction des déficits de travail décent. La CEACR a attiré l'attention sur la vulnérabilité particulière des travailleurs migrants en situation irrégulière, qui ne sont pas toujours disposés à coopérer avec les services d'inspection du travail, parce qu'ils craignent des conséquences négatives pour eux perdre leur emploi ou être expulsés du pays, par exemple. Elle a rappelé à ce sujet que l'objectif premier de l'inspection du travail était de protéger les droits et intérêts de tous les travailleurs et d'améliorer leurs conditions de travail, et non pas de faire appliquer la législation relative à l'immigration, et que par conséquent toute coopération entre les

    202 Cadre multilatéral de l'OIT pour les migrations de main-d'oeuvre, op. cit. p. 9, ligne directrice 2.3.

    203 Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, op. cit. paragr. 54 et appendice II, paragr. 5.

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    services de l'inspection du travail et ceux de l'immigration devrait être gérée avec discernement204. Les travailleurs migrants doivent pouvoir déposer des réclamations auprès du ministère du travail, par exemple pour recouvrer les salaires qui leur sont dus et les frais de recrutement qu'ils ont payés, sans craindre de manoeuvres d'intimidation ni de représailles et en ayant l'assurance que des mesures seront rapidement prises pour que les faits soient vérifiés grâce à une enquête sérieuse205.

    f) Diaspora haïtienne et l'essence de son identité

    Pour bien comprendre l'expression identitaire dans la diaspora, il y a lieu de distinguer les deux générations actrices de cette expression. À l'intérieur même du phénomène de diaspora on distingue, d'un côté, les primo-arrivants, qui cultivent une certaine nostalgie du pays et le revisitent en pèlerinage ; de l'autre côté, il y a la jeune génération pour qui le territoire d'origine s'est éloigné. Cette génération ne cultive ni nostalgie ni espoir de retour206. Elle vit alors, selon Elbaz (2010a), une sorte d'hybridation. En d'autres termes, il n'y a pas d'oubli de la culture d'origine, mais une forte intégration dans un mouvement identificatoire qui prend en compte la culture d'accueil.

    Selon Elbaz (2010b), parler de «dédiasporisation» serait une erreur, car dépendamment de la raison et des conditions de l'émigration, les liens avec le pays d'origine sont maintenus plus ou moins fortement. Dans le cas d'Haïti, où l'émigration politique fut progressivement remplacée par l'émigration économique207, la conservation des liens avec le territoire d'origine se manifeste à travers la construction et le développement de communautés (Dufoix, 2003). Ces dernières sont créatrices sinon conservatrices de liens entre une population sur plus d'un territoire. Ainsi, dans une recherche sur l'identité haïtienne

    204BIT: Promouvoir une migration équitable, étude d'ensemble concernant les instruments relatifs aux travailleurs migrants, rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 105e session (Genève, 2016), paragr. 482.

    205 BIT: Employer-migrant worker relationships in the Middle East: Exploring scope for internal labour market mobility and fair migration, Bureau régional de l'OIT pour les Etats arabes, Livre blanc, à paraître en 2017.

    206 Chantal Bordes-Benayoun, «Les diasporas, dispersion spatiale, expérience sociale», Autrepart, n° 22, 2002

    207 Bénédique Paul, «Migration et pauvreté en Haïti : impacts économiques et sociaux des envois de fonds sur l'inégalité et la pauvreté ?», communication à la journée thématique Envois de fonds, inégalité et pauvreté dans les pays en développement (16 octobre 2008, université Bordeaux 4), 2008.

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    publiée en 2009 par Bénédique Paul, il a été souligné le fait que l'haïtianité est très fortement exprimée dans les communautés haïtiennes de la diaspora208.

    Pour l'anthropologue Maud Laëthier qui analyse la diaspora haïtienne de la Guyane française, l'expression identitaire apparaît sous trois configurations : une première configuration liée à des stigmatisations, une deuxième qui montre une unité communautaire et une troisième visant l'intégration209.

    Qualifie cette expression identitaire d'«haïtianité». Cette dernière a pris un sens très fort au sein de la diaspora haïtienne tantôt comme nécessité d'être soi-même dans un contexte d'exclusion, tantôt comme besoin de nourrir les liens avec le pays.

    En effet, la diaspora est impliquée, pour des raisons de mémoire210 et d'insertion211, dans le façonnement de deux territoires (d'origine et d'accueil). L'analyse menée ici relève, selon Denis-Constant Martin et le groupe IPI (Identité, pouvoirs et identifications), d'une approche peu documentée qui considère le rôle économique de l'identité, notamment en matière de formes du développement économique territorial212.

    L'expression identitaire dans la diaspora haïtienne, comme dans d'autres diasporas, s'est progressivement structurée autour d'une motivation économique et dépasse les stéréotypes traditionnels. Loin d'être une expression de simple patriotisme ou de nationalisme, elle est devenue une volonté et la traduction concrète de celle-ci en des termes économiques dont les retombées sont désormais visibles à travers la réussite professionnelle, notamment dans le cas de la diaspora haïtienne des États-Unis et du Canada ; à travers les nombreux petits projets sur le territoire haïtien qui ont été mis en oeuvre à l'initiative des individus ou des organisations de la diaspora. Ces projets sont d'envergure soit collective (école, route, centre de santé, etc.), soit individuelle (construction de maisons, création de micro-

    208 Bénédique Paul, L'Haïtianité. Institutions et identité en Haïti, TheBookEdition.com, 2009.

    209 Maud Laëthier, Être haïtien et migrant en Guyane française, thèse de doctorat en anthropologie sociale et ethnologie, EHESS Paris, 2007.

    210 Laëthier Maud (2011) Être migrant et Haïtien en Guyane (Préface de Marie-José Jolivet), Paris, Éditions du CTHS, 319 p

    211 AUDEBERT Cédric (2006), L'insertion socio-spatiale des Haïtiens à Miami,Paris, L'Harmattan, collection Populations, 297 p.

    212 Denis-Constant Martin (dir.), L'Identité en jeux. Pouvoirs, identifications, mobilisation, Karthala, 2010.

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    entreprises dans le domaine du tourisme : hôtels, cafés, restaurants, services connexes et annexes). Ils semblent contribuer, dans une certaine mesure, à refaçonner le territoire d'origine qui devient de plus en plus un mélange entre l'autochtone et l'importation culturelle diasporique213.

    g) La diaspora haïtienne au Chili, deuxième plus grand fournisseur de transferts après celle des États-Unis

    Selon économiste Ezer Émile l'année 2017, les migrants haïtiens vivant au Chili ont envoyé à leurs proches en Haïti des transferts de l'ordre de 7,5 millions de dollars américains. Ce qui fait du Chili désormais la deuxième principale source d'envois de fonds vers Haïti en mai 2017, après les États-Unis qui, eux, ont atteint 126 millions de dollars. En troisième et quatrième position, on retrouve le Canada et la France qui ont tous deux contribué à hauteur de 7,42 millions, suivis de la République dominicaine et du Brésil qui ont contribué respectivement à hauteur de 5,5 millions et 4,8 millions de dollars sur la même période. Y a-t-il lieu de dire que les Haïtiens au Chili, moins nombreux d'ailleurs, sont plus généreux que ceux qui vivent au Canada, en France ou en République dominicaine ?

    Peut-être faut-il chercher la cause ailleurs. À noter que le flux de 7,5 millions de dollars de transferts en provenance du Chili enregistré uniquement pour le mois de mai 2017 est supérieur au total des envois de fonds en provenance de ce pays sur les douze mois de l'année 2015. 2016 a été une année exceptionnelle marquant le début d'une nouvelle configuration au niveau du marché des transferts d'argent en Haïti.

    Au total, les immigrants haïtiens au Chili ont envoyé 36 millions de dollars en 2016, soit une augmentation de 386,48% par rapport aux 7,4 millions de l'année précédente. En ce qui a trait aux sorties de fonds, le Chili est le troisième pays récepteur des transferts en provenance d'Haïti avec 2,04 millions de dollars en mai 2017 après les États-Unis (12.46 millions) et la République dominicaine (3.75 millions). Bref ! En si peu de temps, Haïti est donc devenue la cinquième plus importante destination du monde des envois de fonds partant du Chili avec une part de 5,9%, devant des pays comme la République dominicaine

    213 Marjolein C. Groot et Patt Gibbons, «Diasporas as `agents of development': Transforming brain drain into brain gain? The Dutch example», Development in Practice, vol. 17, n° 3, 2007.

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    (4,9%), États-Unis (4,5%) et l'Équateur (4,2%). À rappeler qu'en 2015, Haïti n'a été que dixième dans ce classement. Les données ont complètement changé depuis le déplacement massif des Haïtiens vers le Chili214.

    La banque centrale chilienne estime en effet qu'environ 300 Haïtiens débarquent au Chili chaque jour, ce qui donnerait un total de près de 110 000 seulement en 2016. À noter qu'en 2006, selon les statistiques migratoires du Departamento de Extranjería y Migración du Chili, le nombre d'entrées d'Haïtiens au Chili était seulement de 56. Ce chiffre est passé de 113 en 2007 à 304 en 2009 et 917 en 2011. Jusqu'en 2013, le nombre d'Haïtiens arrivés au Chili était de 2577. Aujourd'hui, la croissance est exponentielle. À ce rythme de 300 arrivées par jour, on risque d'avoir un total supérieur à 200 000 migrants haïtiens au Chili à la fin de l'année. On se rappelle qu'entre 2011 et 2014, la destination de choix était le Brésil pour les Haïtiens en quête de mieux-être. À cette époque, les préparatifs pour la Coupe du monde de football en termes de construction d'infrastructures offraient d'énormes opportunités d'emploi. En plus, l'économie brésilienne était plutôt stable. Depuis plus de deux ans, la crise politique, sociale et économique qui ravage ce géant latino-américain pousse nos compatriotes à revoir leurs plans215.

    Le Chili, l'une des économies les plus stables en Amérique latine, ayant l'un des meilleurs niveaux de vie de la zone est sans contexte la meilleure option pour les Haïtiens. Ici, nous parlons du Chili comme étant la 38e économie mondiale avec un PIB supérieur à 400 milliards de dollars américains pour un revenu par habitant en PPA supérieur à 23 000 dollars américains et un taux de chômage autour de 6%. En attendant la relance économique en Haïti, une gouvernance plus intelligente et des emplois massifs que nous attendons tous, l'option pour ces Haïtiens d'aller s'établir là-bas est tout à fait logique. Ces milliers de personnes non seulement s'assurent de leur survie au Chili mais aussi prennent soin de leurs proches restés en Haïti avec ces flux de transferts d'argent qui ont été multipliés presque par cinq en seulement un an.

    214 https://www.latercera.com/pulso/noticia/remesas-al-exterior-alcanzan-record-2017-envios-haiti-crecen-mas-1-100-dos-anos/239876/

    215 SEN A. (2000) Un nouveau modèle économique. Développement, Justice, Liberté, Paris, Ed. Odile Jacob, pp- 57-68

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    Si l'économie du Chili devenait en crise ou saturée par rapport à la demande de main-d'oeuvre de migrants, il faudrait encore trouver un autre endroit pour accueillir nos frères et soeurs qui n'ont plus d'espoir qu'Haïti pourra être différent un jour. Aux autorités de prouver le contraire et de rendre Haïti un pays accueillant, attractif et vivable pour ses propres fils et filles216.

    h) Diaspora haïtienne et développement territorial

    Les Haïtiens ont reçu de leur diaspora, en 2012, quelque 1,988 milliard de dollars américains contre 2,057 milliards en 2011. En 2014, selon les données officielles de la Banque mondiale, le montant de ces transferts est aussi élevé. D'un point de vue micro-économique, et de manière générale, les transferts de fonds représentent une source importante de revenus pour des millions de familles qui les reçoivent, même dans les pays ayant un produit intérieur brut (PIB) élevé. En Haïti, ces transferts contribuent largement à lisser la consommation des bénéficiaires régulièrement touchés par des crises d'origine politique ou naturelle217. Ils représentent une part importante du PIB d'Haïti et dépassent parfois les investissements directs étrangers ou l'aide externe. Ce qui en fait un potentiel considérable de développement, notamment lors des périodes de crises.

    La diaspora haïtienne peut véritablement être considérée comme un lieu d'élaboration et de financement d'activités génératrices de fonds pour Haïti. Il a été argumenté que la contribution de la diaspora haïtienne, par ses caractéristiques anticycliques et non contractuelles (Paul, 2008), est une source financière particulièrement précieuse pour Haïti, qu'il convient de mobiliser de manière efficace et intelligente218. Par exemple, la crise économique de 2008-2009 avait réduit les flux de transferts effectués par la diaspora vers Haïti, mais la solidarité provoquée par le séisme du 12 janvier 2010 a permis d'accroître ces transferts à un rythme encore plus élevé pour atteindre presque 2 milliards de dollars

    216Etzer EMILE Economiste Publié le 2017-07-04 | Le Nouvelliste

    217 Manuel Orozco, Understanding the remittance economy in Haiti, World Bank, 2006.

    218 Marvel Dandin, «Pour une intégration efficace de la diaspora au développement d'Haïti», Rencontre, n° 24-25, 2012.

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    en 2014 selon les données officielles. Selon la Banque mondiale, ces transferts représentent 21,1 % du PIB d'Haït219.

    La diaspora constitue incontestablement une solution aux problèmes de pauvreté en Haïti. Le développement économique d'Haïti passe par une mobilisation de ses ressources propres. Parmi ces dernières, les plus précieuses sont ses ressources humaines qualifiées. Même si une grande majorité de celles-ci se trouvent en dehors du territoire national, pour peu que les liens soient conservés et traductibles en des opportunités, il y va de la stratégie de chercher à impliquer au mieux la diaspora dans le développement territorial. L'argumentation de Paul et Michel220, continuant Barré et al. (2003), sur la mobilisation de la diaspora académique haïtienne est un exemple de stratégie capable de transformer le brain drain en brain gain dans l'enseignement supérieur en Haïti.221

    i) Revue de la littérature sur les effets des transferts sur le développement des économies d'origine.

    En effet, bien que l'existence d'interactions fortes entre le développement et la migration internationale soit en général admise, la question des conséquences des flux migratoires et des flux financiers qui leur sont associés sur les économies d'origine demeure largement débattue222. La littérature démontre que les transferts financiers issus de l'émigration n'agissent pas de façon automatique comme des leviers déclencheurs d'un processus de développement223.

    a) Effets seconds ou « négatifs »

    Au niveau national, les envois de fonds des migrants peuvent provoquer une augmentation de la demande de biens d'importation au détriment des biens produits localement, et n'auraient pas d'effets multiplicateurs sur l'économie224. Les transferts de fonds seraient

    219 http://journals.openedition.org/tourisme/docannexe/image/990/img-1.jpg

    220 Michel Bruneau, «Les territoires de l'identité et la mémoire collective en diaspora», L'Espace géographique, vol. 35, n° 4, 2006.

    221 Gilbert Elbaz, «L'hybridation transnationale des diasporas», Études caribéennes, n° 16, 2010a [ http://etudescaribeennes.revues.org/4627]

    222 F. Gubert, OCDE, 2005, P. 50

    223 Op.cit.

    224 Dayton Johnston, OCDE 2007

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    également à l'origine d'inflation et donc d'appréciation du taux de change réel dans des pays caractérisés par la faible flexibilité de leur appareil productif225.

    Lorsqu'une grande partie de ces transferts est affectée à des achats de logement ou de terre, le taux de change réel a tendance à s'apprécier, rendant par conséquent les exportations moins compétitives. Les transferts de fonds peuvent également engendrer un autre effet négatif dans les cas où ils induisent une augmentation de la demande supérieure à la capacité de production de l'économie. Lorsque cette demande concerne des biens marchands, ils peuvent provoquer une appréciation du taux de change réel. Or, un taux de change surévalué réduit la compétitivité des entreprises du pays sur les marchés étrangers (parce que les exportations deviennent chères) et sur les marchés intérieurs (parce que les importations sont peu coûteuses), et redirige les ressources du secteur des biens marchands vers celui des biens non marchands, par un effet connu sous le nom de « syndrome hollandais ».

    Ce phénomène peut à son tour créer des pressions sur la balance des paiements, ralentir l'accroissement des opportunités d'emploi et, par conséquent, renforcer l'incitation à émigrer226.

    Enfin, les transferts de fonds sont aussi à l'origine de comportements rentiers. Au niveau local, les communautés qui reçoivent ces remises ont tendance à développer une culture de dépendance qui se traduit par une certaine vulnérabilité. Les jeunes ne veulent plus des emplois locaux, ils préfèrent tous « partir227».

    En effet, ce constat est confirmé par la volonté affirmée de la quasi-totalité des jeunes de partir du Sénégal par tous les moyens. La majeure partie des jeunes rencontrés lors des enquêtes de terrain pour cette étude pensent effectivement que le « salut » viendra de l'autre côté de l'Atlantique, c'est-à-dire partir du Sénégal et aller en Occident.

    225 Gubert, 2005

    226 Op.cit. Thomas Straubhaar et Florin P. Vcentsadean, 2005

    227 Pour plus d'informations sur le départ des jeunes migrants « clandestins » sénégalais, voir Cheikh Oumar Bâ 2008, OSIWA Publications

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    b) Effets positifs

    Les transferts de fonds contribuent aussi d'une manière ou d'une autre au développement des pays d'origine des migrants. Les transferts ont l'avantage d'être contra-cycliques : ils augmentent en cas de ralentissement économique ou en cas de chocs macroéconomiques dus par exemple à des crises financières. Les envois de fonds permettent d'éviter à la demande intérieure de chuter trop lourdement. En référence au double déficit dont souffriraient les PED (épargne et devises), les transferts constitueraient, au plan macroéconomique, une source significative de devises, augmentant le revenu national et finançant une partie des importations nécessaires à la croissance. De par leur ampleur, les seuls flux officiels peuvent avoir un impact considérable sur la balance des paiements des pays et contribuer à réduire leur déficit d'épargne intérieure228. En outre, les transferts constituent une source de devises beaucoup plus stable que les autres flux de capitaux privés et, dans certains pays, présentent un caractère conjoncturel.

    Les pays en développement et le monde développé se sont rendus compte de cet effet positif des transferts d'argent sur leur balance des paiements, et ont pris des mesures pour encourager et accroître cet afflux de devises. Mais ces mesures doivent être appliquées avec prudence parce que, mis à part leurs effets positifs sur la balance des paiements, les transferts influent sur l'activité économique du pays d'origine. Selon la manière dont cet argent est dépensé ou investi, il n'aura pas le même impact sur la production, l'inflation et les importations229. Sur le terrain, les remises constituent une source vitale de revenus pour une partie de la population et contribuent au financement de ses dépenses de santé et d'éducation. La stabilité de ces flux leur confère le caractère d'une épargne de précaution et permet de jouer un rôle efficace d'assurance en cas de choc externe. Au-delà de ces aspects relatifs à la consommation et à l'épargne, il faut mentionner l'utilisation de ces fonds pour l'équipement collectif de proximité.

    Certaines études évoquent également comme éléments positifs les effets induits de l'émigration sur certains secteurs de services utilisés par les migrants et leurs familles, en

    228 Op. Cit. Gubert, 2005

    229 Thomas Straubhaar et Florin P. Vcentsadean, Les transferts de fonds internationaux des émigrés et leur rôle dans le développement, OCDE, 2005.

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    particulier les télécommunications, le tourisme, les transports et le commerce. Ces effets, dénommés « 4 T » dans la littérature anglo-saxonne, ne relèvent toutefois pas toujours directement des remises230. La question de l'impact des transferts financiers sur le développement ne se résume pas au seul aspect économique. La transmission de savoir-faire, l'influence des idées en matière sociale et politique constituent autant de questions qui mériteraient à elles seules d'être analysées à part. De nombreuses études apportent des éclairages, au niveau de régions bien déterminées, et les conclusions auxquelles elles parviennent sont rarement généralisables.

    j) Migrations et l'exode des cerveaux

    Née de courants migratoires, la Caraïbe s'avère être une construction mosaïque où ces phénomènes multiples et diversifiés sont traditionnellement établis. Des premières périodes coloniales jusqu'à aujourd'hui, les économies insulaires caribéennes sont entièrement dynamisées par les déplacements internationaux de sa population (main d'oeuvre non qualifiée et qualifiée). La nature et les causes des fortes propensions à l'émigration de la main d'oeuvre dans ces territoires proviennent à la fois de leurs spécificités économiques liées à leur configuration territoriale, de leur insularité et de fondements historiques. La présente section expose successivement, les lignes historiques des migrations dans la Caraïbe insulaire. Puis, l'état de l'émigration qualifiée, phénomène particulièrement prégnant dans les économies insulaires caribéennes231.

    La fuite constante des cerveaux haïtiens est un déficit intellectuel considérable pour le pays qui vient d'enclencher un processus de reconstruction après la catastrophe de janvier 2010. Que faire afin de provoquer le retour de ces cerveaux qui ont leur part à jouer dans ce vaste projet qui a tant besoin de bras? Nombreux sont ceux qui affirment que le président François Duvalier était l'ennemi acharné des intellectuels et, c'est ce qui explique la fuite de beaucoup d'intellectuels du pays au cours des années 60 et 70 pour se réfugier dans certains pays d'Europe, d'Afrique et surtout en Amérique du Nord. La chute du régime

    230 Op.cit. Les notes du jeudi DGCID Numéro 54 16 Mars 2006 P. 3-5

    231 Fanny-Aude Bellemare, « Migrations et fuite des cerveaux dans les économies insulaires caribéennes : éléments de réflexion », Études caribéennes [Online], 16 | Août 2010, Online since 15 August 2010, connection on 04 August 2019.

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    duvaliériste en 1986, qui allait tourner une page d'histoire du pays a déclenché une autre forme de lutte et de revendication sociales, celle de la démocratie et de la liberté d'expression. Ceci étant dit, Haïti a connu sa deuxième indépendance après 29 ans de répression sous le régime des Tontons macoutes. Faute de vision et de leadership, qui d'ailleurs sont des faiblesses haïtiennes, la vague de violence due au laxisme des moins-disant révolutionnaires vient ajouter aux maux de cette population inoffensive. Depuis, on constate l'intensification de la fuite des cerveaux en raison de l'incertitude d'un changement tant attendu. Aujourd'hui, près de 70% des intellectuels formés en Haïti se retrouvent à l'étranger en quête d'un avenir meilleur. Que faut-il faire pour freiner ou ralentir ce phénomène? Il est pourtant clair que si ce phénomène continue encore à ce même rythme la rareté des ressources humaines en Haïti seront plutôt alarmante. Un pays en stade de reconstruction avec près de 70% de ses ressources à l'extérieur, ce projet, ne serait-il pas hypothétique232?

    k) L'exportation des cerveaux dans la Caraïbe

    Le tableau 1233 met en exergue la propension à l'émigration de la main d'oeuvre qualifiée (par niveau d'enseignement) dans la Caraïbe. La tendance à l'émigration est d'autant plus forte que les niveaux d'éducation sont élevés. La part des migrants ayant un niveau d'éducation primaire reste faible. Soit un taux d'émigration de la main d'oeuvre ayant atteint un niveau primaire d'éducation de 8 % contre un taux d'émigration qualifiée de 37 % (pour les migrants disposant d'un niveau secondaire). Parallèlement, le taux moyen d'émigrants qualifiés ayant un niveau d'éducation supérieur atteint en moyenne 63 % pour l'ensemble de la Caraïbe sur la période 1970-2000. Les îles de la Jamaïque, Haïti, sont les plus fortement enclines au départ de la main d'oeuvre qualifiée. Les taux d'émigration de la main d'oeuvre disposant d'un niveau d'éducation supérieur dans ces territoires, s'alignent autour de 80 %. Suivent les îles d'Antigua et Barbuda, Saint-Kitts et Nevis, Trinidad et Tobago et Grenade avec des taux de l'ordre de 70 %.

    232Wadner Isidor Publié le 2011-10-04 | Le Nouvelliste

    https://lenouvelliste.com/article/97077/la-fuite-constante-des-cerveaux-haitiens 233 Docquier. F, A. Marfouk, 2005.

    http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/4702/img-3.jpg

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    Primaire

    Secondaire

    Supérieur

    Antigua et Barbuda

    6

    36

    71

    Bahamas

    2

    12

    36

    Barbade

    10

    24

    61

    Dominique

    8

    61

    59

    Grenade

    10

    70

    67

    Haïti

    3

    28

    82

    Jamaïque

    8

    30

    83

    République Dominicaine

    6

    31

    22

    Saint-Kitts et Nevis

    10

    37

    22

    Sainte-Lucie

    3

    32

    36

    Saint-Vincent et les Grenadines

    6

    53

    57

    Trinidad et Tobago

    6

    21

    78

    Par ailleurs, l'analyse par région révèle sans nul doute le cas atypique de la Caraïbe en matière de migration de la main d'oeuvre qualifiée. L'évolution des seuls taux d'émigration qualifiée des plus de 25, soulignent indiscutablement la fuite des cerveaux dans la Caraïbe (figure1). Si dans les diverses régions du monde, les taux d'émigration des personnes hautement qualifiées suivent la même évolution, la figure 1 révèle a priori une évolution plus soutenue de l'évolution des taux d'émigration des personnes hautement qualifiée dans la Caraïbe comparativement aux autres régions.

    En procédant à l'analyse par région établit l'existence d'une relation décroissante entre la taille de la population et le taux d'émigration. Dans le cas de la Caraïbe, cette évidence ne semble pas vérifiée. Pour cause, d'autre déterminants des migrations dans la Caraïbe tels : l'instabilité politique, la conservation des liens coloniaux avec les anciennes métropoles, ou encore la proximité à certains pays développés, sont négligés234.

    234 Docquier, F. (2007). « Fuite des cerveaux et inégalités entre pays », Revue d'économie politique du développement, 21 (2) : 49-88.

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    En effet, notons parmi les îles les plus peuplées appartenant à la cohorte Grandes Antilles, certaines d'entre elles enregistrent de faible taux émigration qualifiée. A titre d'exemple, les îles de Cuba, la République Dominicaine présentent des taux relativement faibles soit respectivement 28,9 % alors que leur population approche les 10 millions d'habitants. À l'inverse, la Jamaïque et Haïti parmi les taux d'émigrants qualifiés les plus élevés, soit 82,5 % et 81,6 %, sont des pays à forte population235.

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    Conclusion

    À la lumière des obstacles relevés dans les diverses expériences mentionnées dans le présent travail, il convient de remarquer que les facteurs limitant sont multiples et relèvent à la fois du sous-développement institutionnel, des États mais aussi de l'inefficacité des politiques. Il est à souligner également que la plupart des initiatives en matière de protection des droits des travailleurs migrants sont le fait d'organisations internationales qui dans le cadre de programmes cherchent à impulser une dynamique au sein des organisations régionales, sous régionales voire nationales.

    Les conditions définies par les autorités administratives sont difficilement appliquées, pour ne pas dire jamais. Dans la plupart des pays d'accueil le nombre de clandestins dépasse celui des migrants réguliers du fait de la porosité du dispositif administratif et des

    235Docquier, F. and A. Marfouk (2005). «International migration by educational attainment (1990-2000)», in C. Ozden et M. Schiff (eds), International Migration, Remittances and the Brain Drain, Palgrave-Macmillan

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    complicités de tous ordres. Le cloisonnement de la citoyenneté uniquement au niveau régionale et national est une entrave à l'ouverture237236, parce qu'elle risque de contribuer à leur stigmatisation par l'introduction administrative de restrictions et le renforcement de l'amalgame, fait généralement entre migrants, faux demandeurs d'Asile, refugiés et délinquants. Elles verrouillent, en plus, le champ du travail légal et affectent les droits des travailleurs migrants qu'elles finissent par rejeter dans le secteur informel.

    Pour lever les obstacles et inciter à la ratification de la convention des travailleurs migrants et les membres de leur famille signée par l'État haïtien , il convient alors de développer des partenariats directs entre organisations internationales, organisations régionales et sous régionales dans le but de promouvoir, à travers des programmes communs, des initiatives visant à enraciner dans les pratiques institutionnelles le respect des droits des travailleurs migrants, de favoriser la formation des travailleurs migrants par rapport à leurs droits par le biais des associations de ressortissants, de mettre sur pied une instance de recours supranationale qui puisse permettre aux travailleurs migrants de se défendre en cas de violations de leurs droits dans les pays d'accueil, de développer des cadres d'échanges dans les pays d'accueil pour promouvoir le dialogue interculturel, d'harmoniser les législations au niveau national, régional et continental ainsi que les structures qui sont chargées de les mettre en oeuvre, de diffuser par divers supports pédagogiques la dimension protectrice de la loi, d'ouvrir au sein des institutions régionales des concertations entre États importateurs et exportateurs et enfin relancer la campagne de ratification auprès des États non encore signataires.

    Arrivé au terme de notre travail « Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants haïtiens et haïtienne : cas de la République Dominicaine, les États-Unis et le Chile de 2008 à 2018 », il nous revient de résumer les faits saillants auxquels son étude a conduit, tâche n'est aisé car comme le souligne Yves GUYON « toute conclusion est périlleuse et nécessairement partielle ou partiale »237. Toutes fois l'examen

    236 L'OIM communication sur « le droit international de la migration » l'enjeu Genève, le 13 avril 2004 p .213

    237 GUYON Y., Droit des affaires, Tome 1, 8ème éd. Economica, Paris, 1994, p.1987.

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    fourni nous pousse à croire que l'exposé qui suit est une vue quasi suffisante complète ; objective de l'ensemble de cette étude.

    La protection des travailleurs migrants réguliers, irréguliers, réfugiers et demandeurs d'asiles trouvent son fondement dans les normes à caractères régionales, sous régional et interne relatives aux droits de l'homme. Mais également et surtout dans les différents instruments et textes internationaux spécifiques comme la convention de 1990238.

    Pour l'application et le respect de ces normes, aux droits de l'homme en général et des migrants en particulier une série de mécanismes de contrôle a été instituée. Il s'agit de mécanismes qui cherchent en résumé l'efficacité requise pour une réelle protection de la personne quelle que soit son statut. Malgré tout ce dispositif de protection, on constate une violation récurrente des droits de l'homme et des droits des travailleurs migrants en particulier.

    Les rouages internationaux semblent impuissants à appréhender et à solutionner les situations des atteintes massives aux droits de l'homme239. Or pour que les mécanismes internationaux puissent effectivement être utiles240, il faudrait construire un double étage de la normalité (interne et internationale).

    En effet, comme le rappelle si bien le préambule de la déclaration universelle de 1948241, c'est l'institution d'un régime de droit sur le plan national qui est la meilleure garantie des droits fondamentaux. Si les systèmes juridiques nationaux ne deviennent pas performants sur le terrain des droits de l'homme, en vain s'échinera-t-on à sophistiquer les rouages internationaux ? Par son caractère supranational, la convention constitue une source d'enrichissement du droit interne en l'occurrence du Code du Travail au vu de la référence à des catégories juridiques jusqu'alors méconnues dans la législation actuellement en

    238 https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CMW.aspx

    239 AMNESTY INTERNATIONAL, Manuel relative à la surveillance et à la documentation des violations des droits humains en Afrique CODESRIA (2001), 88 pages.

    240 C ASTLES (Stephen) and MILLER, (Mark J). The Age of Migration, op. cit., p. 47.

    241 L'ensemble des archives sur la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme peut être consulté sur le site http://www.unog.ch/library.

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    vigueur: les « travailleurs frontaliers(art. 2 § 2, a)» ou les « travailleurs itinérants » (article 2, alinéa 2) Travailleurs employés au titre de projet (art. 2 § 2, f).

    De plus, à mesure que les avantages de la concertation régionale deviennent inéluctables, il s'avère de plus en plus évident qu'un dialogue interrégional sur la gestion des migrations est également nécessaire. Bien sûr, la multiplication des colloques, conférences242et des séminaires sur les questions de liberté de circulation est à encourager.

    En outre, même si une grande partie de la migration se produit à l'intérieur des régions, il est indéniable que d'importants flux migratoires se produisent aussi entre les régions243. Malgré tout, aujourd'hui, les États doivent se rendre à l'évidence : les migrations se font, à différents niveaux et sous différentes formes, parties intégrales de notre présent et de notre futur244. Dans cet ordre d'idées, la consécration de la liberté de circulation dans les espaces régionaux et sous régionaux est surtout synonyme d'espoir. Toutefois, pour que ces espérances ne restent pas vaines, il serait indiqué de faire la part des choses. Ou bien la communauté internationale accepte dans son ensemble d'intégrer sa stratégie globale de gestion du phénomène migratoire et de lutte contre l'immigration clandestine dans les limites de la Convention de 1990 et ainsi profite des effets bénéfiques de l'immigration ,ou bien elle se réfugie dans le nationalisme ou le régionalisme juridique avec ses contingences et ses complexités par des systèmes de quotas qu'il soit par pays, par filière économique ou encore par regroupement familial ou encore par d'autres initiatives unilatérales qui créent davantage de problèmes qu'ils n'en résolvent. Dans ce dernier cas, non seulement les retombées positives des flux migratoires lui échapperont mais également se créeront et couveront les germes d'une déstabilisation sociale sur le long terme.

    Dès lors, faire de la Convention un instrument universel par une adhésion massive devient plus qu'une nécessité mais un objectif à atteindre. Pour y parvenir, il faudrait joindre aux

    242 CONFERENCE PARLEMENTAIRE AFRICAINE « L'Afrique et les migrations : défis, problèmes et solutions » (Rabat, Royaume du Maroc, du 22 au 24 mai 2008) p.5-9. CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL, Etude d'ensemble sur les travailleurs migrants, Rapport III (Partie 1 B), Section II.B, 87e session, Genève, juin 1999 p.10-15.

    243 ORGANISATION INTERNATIONALE DES MIGRATIONS (OIM), Gestion des migrations au niveau régional : Stratégies de consultation, op. cit., p. 15.

    244 SPENCER (Sarah), the Politics of Migration, Grande-Bretagne, the Political Quarterly, 2003, p. 2.

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    actes concrets une diplomatie active. Faire tomber aussi des barrières Nord/Sud semble aussi indispensable. De surcroit, la mondialisation en cours met au centre de l'activité la circulation des biens et services au détriment de la promotion des droits des migrants. Un recadrage s'impose si le monde a encore un souci d'humanisme. Cela pose toute l'importance du respect et de la reconnaissance des droits des travailleurs migrants dans la société. C'est le gage d'une société où la justice, la dignité, le travail décent, la protection sociale, le dialogue social, la démocratie en sont les socles indestructibles. Car, en tant que consommateurs, il se peut que la nourriture que nous mangeons où les vêtements que nous portons soient le fruit de l'exploitation ou de la maltraitance d'un individu. Et en définitive, le XXIe siècle ne se fera pas sans la maîtrise des flux migratoires et la protection des travailleurs migrants. Et si les États ne prennent pas suffisamment la mesure du défi et des enjeux, la vague de l'immigration clandestine245 risque d'emporter sur son passage les efforts réalisés jusque-là.

    Recommandation

    Cette recommandation reconnaît la situation particulière dans laquelle se trouvent les migrants de la deuxième génération (les enfants qui sont nés dans le pays d'accueil de parents étrangers immigrés), où ils ont de nombreux liens avec la société d'accueil mais entretiennent des liens étroits avec les pays d'origine. Elle donne des recommandations sur la manière de les intégrer au mieux dans la société d'accueil, s'ils choisissent d'y rester tout en leur permettant de continuer à faire des contributions à la société d'origine. La recommandation souligne en particulier la nécessité de veiller à ce que les migrants de deuxième génération soient en situation régulière pour ce qui est de la nationalité et de la résidence; dans ce contexte, les recommandations portant sur la restriction des décisions d'expulsion et le maintien des droits acquis après une absence temporaire du pays ont suscité un grand nombre de réserves. En règle générale, les recommandations visent à aider les migrants de la deuxième génération à assurer la stabilité et le bien-être qui leur est

    245 BENSAAD (ALI) « Voyage au bout de la Peur avec les clandestins du Sahel » LE MONDE DIPLOMATIQUE | septembre 2001 | Pages 16 - 17

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    nécessaire pour apporter des contributions significatives à la fois aux pays d'accueil et pays d'origine246.

    De manière succincte, nous formulons les recommandations que voici :

    I. La publication les décrets créant l'ONM et le Ministère des Haïtiens vivant à l'étranger au journal officiel du Pays.

    II. Créer un cadre institutionnel et juridique pouvant conduire à l'élaboration et l'exécution de la politique migratoire haïtienne.

    III. La ratification de la convention des travailleurs migrants et les membres de leur famille.

    IV. Inventorier les obstacles à l'élaboration et à l'exécution de la politique nationale de la migration qui sera proposée.

    V. Octroyer un budget et faciliter des moyens qui permettront une meilleure gestion des migrations.

    VI. Sensibiliser le public en vue d'une parfaite collaboration avec les autorités locales.

    VII. Mettre sur pieds des priorités nationales de développement (quoique limitées) de manière á infléchir les décisions de dépense des ménages (rapatriement des salaires des migrants).

    VIII. Demander á l'Institut Haïtien de Statistique (IHSI) de faire des études plus
    régulières sur certains enjeux de la migration spécialement sur le nombre des travailleurs migrants haïtiens.

    IX. Encourager la production de rapports sur la migration en Haïti.

    X. Mesurer la capacité d'accueil de notre société

    246 https://www.coe.int/t/dg3/migration/archives/Documentation/Default_rec_fr.asp#Integration%20(general )AA

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    Hovanessian M. (1998). La notion de diaspora : usages et champs sémantiques. Journal des Anthropologues, n° 72-73.

    Hurbon L. (1987). Culture et dictature en Haïti : l'imaginaire sous contrôle. Port-au-Prince Deschamps, 207.

    WEINER, Myron; TEITELBAUM, Michael S., Political demography: demographic engineering, New York : Berghahn Books, 2001

    Références électroniques

    http://doc.rero.ch/record/258556/files/memoire_Genini_Laura.pdf https://www.memoireonline.com

    https://lenouvelliste.com/.../les-transferts-financiers-de-la-diaspora-et-le-financement-du-developpement Haïti

    http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/04/21/remittances-to-developing-countries-decline-for-second-consecutive-year

    http://journals.openedition.org/e-migrinter/511 http://journals.openedition.org/e-migrinter/747 http://journals.openedition.org/e-migrinter/686 http://journals.openedition.org/remi/4300 http://journals.openedition.org/remi/5137 https://www.un.org/fr/conf/migration/ https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CMW.aspx

    Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) http://www.iom.int Organisation Internationale du Travail (OIT) : http://www.ilo.org/migrant

    Page 127 of 127

    ROODLY RICHARD

    8/2/19

    « Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili »

    Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) : http://www.unesco.org/migration

    Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) : http://www.unhcr.org

    www.cic.gc.ca/francais/ministere/media/faits/travailleurs.asp






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote