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Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes. Cas du rapport avec la République Dominicaine, les Etats-Unis et le Chili.


par Roodly RICHARD
Ecole de Droit et des Sciences Economies des Gonaives (UEH)  - Licence 2015
  

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Section II : Cadre international de la migration

Les migrations internationales concernent directement la discipline de l'économie, et plus encore l'économie du développement. Mais le regard de la science politique, pour peu qu'il prenne en compte les contributions connexes de l'histoire, de la démographie, de l'anthropologie, de la sociologie, de la géographie, bref des autres sciences sociales et humaines, peut fournir un éclairage complémentaire en réintroduisant dans le débat la prise en considération des pratiques sociales effectives et des rapports de pouvoir dont elles sont les véhicules142.

Il existe un corpus de normes internationales conférant des droits et des protections aux travailleurs migrants durant l'ensemble du processus migratoire, auquel les pays peuvent se référer pour élaborer et mettre en oeuvre leur législation et leurs politiques nationales. Elles sont contenues dans les conventions internationales et celles de l'OIT, et dans d'autres instruments internationaux, tels ceux sur les droits de l'homme. Les pays peuvent décider de ratifier ces instruments internationaux au bénéfice des travailleurs migrants, le jeu devenant plus égal lorsque tous les pays obéissent aux mêmes règles. L'application des mécanismes de contrôle prévus par les instruments en matière de droits de l'homme et les conventions internationales contribue à faire progresser les droits des travailleurs migrants. Même s'ils n'ont pas ratifié les instruments internationaux favorables aux travailleurs migrants, les pays ont la faculté d'en appliquer les dispositions.

La législation internationale sur les droits de l'homme intègre les droits humains fondamentaux, comme la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948143, qui énonce les droits reconnus à toute personne «sans distinction aucune», le Pacte

142 En l'occurrence mon propos s'appuie sur deux programmes de recherche du FASOPO qui ont reçu le concours de la Direction de la recherche de l'Agence Française de Développement : « Migrations internationales et anthropologie du voyage » (sous la direction de F. Adelkhah et J.-F. Bayart, avec la participation de C. Autant-Dorier, M. L. Berg, A. Battegay, J.-F. Havard, V. Manry, R. Marchal, M. Peraldi, J. Schmitz, S. de Tapia) et « Migration in post-apartheid South Africa. Challenges and questions to policymakers » (sous la direction de A. Wa Kabwe-Segatti, avec la participation de S. Ellis, L. B. Landau, D. Vigneswaran).

143 http://www.un.org/fr/documents/udhr/.

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international de 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels144, et le Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques145.

Trois conventions internationales, dont deux sont des conventions de l'OIT, traitent spécifiquement des droits des travailleurs migrants: la convention (n° 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949146, et la convention (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975147, chacune d'elles étant complétée par une recommandation148.

La convention no 97 s'applique aux travailleurs migrants réguliers et couvre des sujets tels que le départ du pays d'origine, le voyage, l'accueil dans le pays de destination et les virements des fonds. Deux annexes traitent du recrutement, du placement et des conditions de travail. Cette convention stipule que les travailleurs migrants réguliers ne doivent pas être traités moins favorablement que les travailleurs nationaux en ce qui concerne certaines questions d'emploi.

La convention no 143 vise plutôt les abus survenant lors des migrations de main-d'oeuvre et les questions relatives à l'égalité des chances et de traitement. Elle invoque la nécessité de supprimer les mouvements migratoires clandestins et l'emploi irrégulier des travailleurs migrants, en ciblant les organisateurs du trafic et les employeurs plutôt que les travailleurs eux-mêmes. Cet instrument donne également aux travailleurs migrants irréguliers certains droits découlant de leur emploi.

144www.ohchr.org/french/law/cesr.htm.

145www.ohchr.org/french/law/ccpr.htm. L'application de ces instruments, et des quatre autres traités internationaux sur les droits de l'homme, est supervisée par les Organes conventionnels, qui peuvent faire

observer les droits des travailleurs migrants, http://www.ohchr.org/
FR/HRBodies/Pages/HumanRightsBodies.aspx. Il s'agit des traités suivants: convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 1965, http://www.oh chr.org/french/law/cerd.htm; Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, 1979, http://www2.ohchr.org/french/law/cedaw.htm; Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1984, http://

www.ohchr.org/french/law/cat.htm; Convention relative aux droits de l'enfant, 1989, http:// www.ohchr.org/french/law/crc.htm.

146 http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convde.pl?C097.

147 http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convde.pl?C143.

148 http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convde.pl?R086; http://www.ilo.org/ilolex/cgilex/conv de.pl?R151.

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« Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili »

2.1 Un regard sur la migration des États-Unis

Une nation d'immigrants, ainsi parlait des États-Unis le président John Fitzgerald Kennedy afin de rappeler leur tradition d'accueil des étrangers issus de tous les continents. Mais l'immigration n'est pas seulement un fait du passé. Après une période de restriction, des années 1920 aux années 1960, les États-Unis sont redevenus aujourd'hui un grand pays d'immigration : en 2000, près de 30 millions d'Américains d'origine étrangère étaient recensés, soit 10,4 % de la population totale ; chaque année, environ 1 million de visas de résidents sont délivrés. En chiffres absolus, les États-Unis sont le premier pays d'accueil au monde149.

Les raisons de cette générosité sont multiples : elles sont non seulement liées aux idéaux américains, mais aussi à des intérêts nationaux et internationaux, le fonctionnement des institutions fédérales jouant également en faveur d'une politique d'ouverture. Alors que l'hostilité envers l'immigration a resurgi au sein de la population américaine et dans les milieux politiques, la législation actuelle, qui autorise la délivrance annuelle de 675 000 visas de résidents et permet l'admission supplémentaire de certaines catégories d'immigrants, est en place depuis bientôt quarante ans et a résisté aux pressions politiques. La législation contemporaine trouve ses origines dans une loi d'immigration votée en 1965. Avant cette date régnait le régime des quotas fondés sur l'origine nationale, mis en place en 1921 et en 1924.

Ce régime imposait une limite annuelle de 150 000 visas à l'immigration européenne, interdisait l'immigration asiatique et établissait des quotas nationaux destinés à favoriser l'admission d'étrangers provenant d'Europe de l'Ouest et du Nord. Après la Seconde Guerre mondiale, et en particulier dans les années 1950, une telle discrimination devint difficile à maintenir150.

Ce contexte permet de comprendre l'esprit de la loi de 1965. La réforme des quotas avait sa place dans le cadre du chantier législatif sur les droits civiques.

149 D. M. Reimers, op. cit., 1985, p. 92.

150 Dominique Daniel, L'immigration aux États-Unis (1965-1995) : le poids de la réunification familiale, Paris, L'Harmattan, coll. « Le monde nord-américain », 1996 ; David M. Reimers, « An Unintended Reform : The 1965 Immigration Act and Third World Immigration to the United States », Journal of American Ethnic History, vol. 3, no 1, automne 1983, p. 9-28; David M. Reimers, Still the Golden Door: The Third World Comes to America, New York, Columbia University Press, 1985.

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« Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili »

Avant son assassinat, le président J. F. Kennedy avait annoncé son souhait de remodeler complètement la politique des quotas. Son successeur, Lyndon B. Johnson, hérita des conseillers de J. F. Kennedy en matière d'immigration et reprit le flambeau de la réforme dans son discours sur l'état de l'Union en 1964.

La loi qui fut adoptée en 1965 remplaça le régime des quotas nationaux par un système où les étrangers pouvaient être admis en fonction de leur caractère propre, et non de leur origine nationale ou raciale151.

Insistant surtout sur la nécessité d'abolir un régime dépassé et discrédité, les partisans de la réforme affirmèrent que le nouveau système n'allait pas augmenter les flux ou modifier leur composition. Tromperie délibérée dans le souci de rallier à la réforme les sceptiques et les conservateurs ou simple erreur sur les conséquences pratiques de leur projet, cette affirmation allait en tout cas s'avérer profondément erronée : sous le régime mis en place en 1965, le nombre total d'admissions a plus que triplé et l'origine nationale des nouveaux venus a radicalement changé, l'Asie et l'Amérique latine remplaçant l'Europe comme source principale de l'immigration152.

a) L'administration d'Obama et Trump : une alternance politique pour un changement de politique migratoire ?

La politique migratoire aux États-Unis est une politique protéiforme avec autour d'elle, des acteurs publics et privés que l'on peut, de manière peut-être caricaturale, classés comme pro ou anti immigration. Ces acteurs portent en eux des représentations multiples et divergentes, qui peuvent influencer les politiques publiques. Ces représentations sociales sont composées d'éléments divers qui ont longtemps été étudiés de façon isolée : des attitudes, des opinions, des croyances, des valeurs et des idéologies. Elles ont une influence sur les prises de décision des acteurs qui fabriquent les politiques. Partant de cette complexité, quel peut être l'effet des représentations de l'immigration, exprimées par les deux derniers présidents des États-Unis sur la conception des politiques migratoires ?

151 HORS SÉRIE LA VIE, De la Préhistoire à aujourd'hui. Migrations une aventure humaine, 2016, 82 p.

152 D. M. Reimers, op. cit., 1985, p. 157-206.

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« Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili »

A représentation opposée de l'immigration, réponse politique différente ?

Pour B.Obama, les États-Unis se sont construits avec l'arrivée de migrants : « nous sommes et nous serons toujours une nation d'immigrants. Nous avons tous été un jour des étrangers ». Il pense que la migration a beaucoup apporté à la société américaine puisqu'elle « nous a maintenu jeunes, dynamiques et entreprenants » (Obama 2014). Cette vision de l'immigration illustre la volonté du Président Obama de réformer la politique migratoire afin de régulariser certaines catégories de migrants. En 2012 il met ainsi en place le DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) qui permet de régulariser de manière temporaire les jeunes majeurs étrangers qui ont fait leur scolarité aux États-Unis153.

En 2013 une proposition de réforme globale de la politique migratoire a été proposée visant à régulariser de manière temporaire 11 millions de migrants. Obama a soutenu cette initiative et a promis d'émettre son propre projet de réforme si le Congrès temporise. La réforme a été rejetée par la Chambre des représentants à majorité républicaine et Obama a décidé de régulariser plus de cinq millions d'immigrés par décret154.

Le président Donald Trump a exprimé une vision nettement plus négative de l'immigration. Il a dénoncé les immigrants clandestins mexicains comme étant de « mauvais gens » : « Quand le Mexique nous envoie ses gens, ils n'envoient pas les meilleurs éléments. Ils envoient ceux qui posent problèmes. Ils apportent avec eux la drogue. Ils apportent le crime. Ce sont des violeurs». (Trump 2016)

La politique migratoire de Trump semble en cohérence avec cette vision de la migration. En effet, il a annoncé la suppression du programme DACA mis en place par Obama, a émis un décret présidentiel qui vise à interdire l'entrée aux ressortissants de 7 pays majoritairement musulmans et enfin, il a retiré les États-Unis du pacte mondial des Nations Unies permettant d'améliorer la gestion internationale des migrants et des réfugiés.

153Sauviat Catherine. « Obama et les immigrés : les illusions perdues ». Plein droit, 2015/3 (n° 106). P 2427.

154Ibid.

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« Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili »

Comme le dit Pierre Muller, « les politiques publiques sont des espaces où les différents acteurs concernés vont construire et exprimer un rapport au monde qui renvoie à la manière dont ils perçoivent le réel, leur place dans le monde et ce que le monde devrait être155». On peut alors admettre que la politique migratoire soit le résultat des représentations des décideurs sur la migration. Pour autant, l'expression de ces représentations ne peut être isolée du contexte dans lequel elles sont exprimées. Les politiques migratoires ne sont pas détachées du contexte dans lequel elles sont conçues.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984