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Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes. Cas du rapport avec la République Dominicaine, les Etats-Unis et le Chili.


par Roodly RICHARD
Ecole de Droit et des Sciences Economies des Gonaives (UEH)  - Licence 2015
  

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c) La République Dominicaine change de politique migratoire

Dans son arrêt 168-13 rendu en septembre 2013, la Cour constitutionnelle dominicaine a estimé que les enfants nés en République dominicaine de parents étrangers en situation irrégulière n'avaient pas le droit de recevoir la nationalité dominicaine. L'arrêt a été appliqué à titre rétroactif aux personnes nées après 1929 ; il a touché de manière disproportionnée les Dominicains d'origine haïtienne. Il constitue une privation rétroactive, arbitraire et discriminatoire de nationalité170

Entre autres mesures, l'arrêt ordonnait au Conseil national des migrations de préparer un « plan national de régularisation des étrangers en situation irrégulière vivant dans le pays », prévu de longue date. Le 29 novembre 2013, le président de la République a signé le décret 327-13 instaurant un plan de régularisation de 18 mois171. Le texte déclarait un moratoire sur les expulsions de migrants en situation irrégulière, valable pendant la durée du plan172. Dans les semaines précédent la date limite de dépôt des demandes de régularisation, qui avait été fixée au 17 juin 2015, les autorités dominicaines ont annoncé que les renvois de migrants en situation irrégulière reprendraient à compter du 18 juin.

La République dominicaine a procédé dans le passé à des expulsions collectives menées dans le cadre d'opérations dans des quartiers où vivent les immigrés haïtiens et leurs descendants. La plupart du temps, ces expulsions ne respectaient pas les dispositifs de

170 Pour une analyse de la décision et de ses implications sous l'angle des droits humains, ainsi qu'une analyse des mesures adoptées par les autorités dominicaines pour atténuer ses effets, voir Amnesty

International, « Sans papiers, je ne suis personne ». Les personnes apatrides en République dominicaine (AMR 27/2755/2015), novembre 2015, disponible sur https://www.amnesty.org/fr/documents/ amr27/2755/2015/fr/.

171 Le plan s'adressait à tous les étrangers en situation irrégulière arrivés en République dominicaine avant le 19 octobre 2011 (date d'entrée en vigueur de la réglementation d'application de la loi sur l'immigration de 2004). Après une étape préparatoire, la deuxième phase du plan a débuté le 1er juin 2014 ce qui laissait 12 mois aux migrants pour demander leur régularisation. Les personnes déposant une demande devaient présenter un document d'identité de leur pays d'origine, ainsi que des documents attestant de la durée de leur séjour en République dominicaine, de leurs liens avec la société dominicaine et de leur situation socioéconomique et professionnelle.

172 Malgré le moratoire, des organisations dominicaines et haïtiennes de défense des droits humains ont recensé un certain nombre d'expulsions, y compris de personnes pouvant prétendre au plan de régularisation et d'autres ayant vocation à bénéficier de la nationalité dominicaine.

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protection prévus par le droit international, notamment le droit à un examen individualisé, les garanties pour une procédure légale et le droit de recours173.

Dans les semaines précédent l'expiration du plan de régularisation, la crainte a grandi chez les migrants haïtiens et leurs descendants, en proie à la peur d'être expulsés en grand nombre et soumis à toutes sortes d'abus, comme cela avait été le cas dans le passé. Des organisations de la société civile dominicaines, haïtiennes et internationales, dont Amnesty International, se sont en outre déclarées préoccupées par le fait que des personnes sans papiers nées en République dominicaine et pouvant légitiment prétendre à la nationalité dominicaine pourraient se retrouver prises dans des opérations de renvoi et être expulsées de leur propre pays174.

Le risque d'expulsions massives de migrants haïtiens, mais aussi de Dominicains d'origine haïtienne, a suscité l'attention de la presse internationale et créé des tensions entre Haïti et la République dominicaine. En juillet 2015, l'Organisation des États américains (OEA) a dépêché une mission dans les deux pays afin d'évaluer la situation à la frontière et de formuler des recommandations à leurs gouvernements respectifs.

Les autorités haïtiennes ont reconnu que la République dominicaine avait le droit d'expulser des migrants en situation irrégulière sur son territoire, mais demandé qu'un protocole soit négocié entre les deux pays de manière à garantir le respect et la protection des droits des migrants et à empêcher l'expulsion de personnes ayant vocation à bénéficier de la nationalité dominicaine. L'OEA a formulé une recommandation similaire175.

173 Voir, par exemple, Amnesty International, Une vie en transit. La situation tragique des migrants haïtiens et des Dominicains d'origine haïtienne (AMR 27/001/2007), 2007. En août 2014, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a rendu un arrêt dans l'affaire Personas dominicanas y haitianas

expulsadas vs República dominicana. Elle a estimé que la République dominicaine avait violé plusieurs droits fondamentaux en expulsant collectivement et de manière arbitraire plusieurs migrants haïtiens et Dominicains d'origine haïtienne entre 1999 et 2000. L'arrêt est disponible sur http://corteidh.or.cr/docs/ casos/articulos/seriec_282_esp.pdf.

174 Amnesty International, Un avenir incertain. Des Dominicains d'origine haïtienne menacés d'expulsion en République dominicaine (AMR 27/1830/2015), juin 2015.

175 Organisation des États américains, Rapport de la mission technique chargée d'examiner la situation dans la zone frontalière entre la République dominicaine et Haïti, 29 juillet 2015, disponible sur https:// www.oas.org/fr/centre_medias/communique_presse.asp?sCodigo=F-030/15.

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Les autorités dominicaines sont toutefois restées campées dans leur refus de négocier un tel protocole, considérant que la politique migratoire et ses mécanismes de mise en oeuvre étaient du seul ressort de l'État dominicain176.

Les expulsions n'ont pas officiellement repris avant le 14 août 2015, mais peu après la fin du programme de régularisation (17 juin), la presse et les autorités dominicaines ont indiqué qu'un grand nombre de familles haïtiennes qui se trouvaient en situation irrégulière en République dominicaine rentraient « spontanément » en Haïti.

Après que le plan de régularisation eut expiré, les pouvoirs publics dominicains se sont engagés expressément à ne pas expulser les personnes à même de prouver qu'elles étaient nées sur le territoire dominicain. Ils ont également promis d'évaluer chaque cas individuellement, dans le respect des procédures légales, d'identifier les personnes nées dans le pays et de les protéger contre toute expulsion177.

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