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Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes. Cas du rapport avec la République Dominicaine, les Etats-Unis et le Chili.


par Roodly RICHARD
Ecole de Droit et des Sciences Economies des Gonaives (UEH)  - Licence 2015
  

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Chapitre II: Vers une politique publique internationale de la migration

Section I: Politique publique et regard d'action

Les migrations internationales sont aujourd'hui un des enjeux majeurs de la gouvernance globale. Elles restent pourtant l'objet de politiques régaliennes où dominent les accords bilatéraux sans que s'impose un régime de gestion multilatéral. Les migrations sont une des pierres d'achoppement du multilatéralisme et leur gestion est revendiquée par les États comme une dimension inaliénable de leur souveraineté (économique, territoriale...). Les institutions multilatérales tentent de proposer des modalités de gouvernance multilatérale des migrations comme phénomène social global. À l'Onu, le Haut-commissariat aux réfugiés (Hcr) s'occupe des réfugiés et l'Organisation internationale du travail (Oit) des migrants en leur qualité de travailleurs. La Banque mondiale et le Fmi sont particulièrement actifs sur la question des migrations et des transferts financiers qui les accompagnent alors que l'Unicef s'intéresse aux conséquences sociales de la mobilité sur les familles dans les pays d'origine ou d'accueil182.

L'Organisation internationale des migrations travaille quant à elle en marge de l'Onu. L'Onu n'est pas parvenue à imposer la Convention sur les droits des migrants de 1990 et ne parvient pas à faire émerger une ligne d'action collective dans l'arène multilatérale sur la question migratoire. Pourtant, dans la sphère onusienne et au-delà, les organisations internationales négocient l'émergence d'une agence spécialisée dans les migrations. À partir de la stratégie historique du HCR dans le champ multilatéral et d'une innovation juridique récente le concept de « migrations mixtes », on décrit une des tentatives de gestion juridique de la mobilité forcée et volontaire. En 2006, le concept émerge avec l'expérience des migrations sub-sahariennes à travers la Méditerranée. On s'intéresse ici à son utilisation dans le cas de migrations depuis la corne de l'Afrique vers le Yémen.

182 Marx Ive, Rea Andrea, Verbist Gerlinde, Godin Marie et Corluy Vincent (2008) L'intégration sociale et économique des personnes ayant bénéficié de la procédure de régularisation en 2000 (loi de 1999), Bruxelles, Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, 175 p., [en ligne]. URL : http://germe.ulb.ac.be/uploads/pdf/articles%20online/anciens/BeforeAfter-rapport.pdf

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a) Les champs migratoires internationaux : nécessité d'une vision globale du phénomène migratoire

Le champ migratoire ou les diasporas représentent plus une perception nouvelle du processus migratoire qu'une nouvelle réalité. Mondialisation des échanges économiques comme fluidité et rapidité des flux de transports, informations et communications facilitent et accélèrent les processus d'échanges généralisés. Ainsi, le projet individuel ou la trajectoire migratoire ne sont plus conçus comme des actes isolés ou des allers simples sans retour coupant définitivement le migrant de ses origines, de sa famille, de sa culture, mais comme des actes réfléchis et responsables, à tout moment susceptibles d'inflexions nouvelles. Même en cas de retour, volontaire ou non, l'émigration n'est pas non plus une coupure définitive avec le pays d'accueil du fait du maintien de liens facilités par les nouvelles technologies d'information et de communication ainsi que par les nouvelles technologies et organisations de transports internationaux et l'abaissement de leurs coûts respectifs. On assiste de plus en plus à l'émergence d'espaces migratoires transnationaux (champs migratoires) animés par des échanges culturels, d'idées et informations, commerciaux et sociaux, des relations touristiques internationales (circulations migratoires)183.

La notion de champ migratoire est conçue pour relier les éléments à première vue épars du fait migratoire contemporain, inclure les traits nouveaux et contribuer à concevoir le phénomène dans sa globalité, à la fois dans son interactivité et son dynamisme. Le champ migratoire est une construction permettant, d'une part, de prendre conscience du continuum de divers processus migratoires dans l'espace géographique et le temps, d'autre part, de concevoir le migrant dans son individualité, où trajectoire et projet migratoire font partie intégrante du développement personnel. Cette approche insiste également sur le droit de circulation du migrant, entre pays d'origine et pays d'immigration, sans nécessairement se couper de sa société d'origine : culture lato sensu, famille, patrimoine économique (circulation migratoire) ; capital social (éducation, formation, socialisation, appartenance à des réseaux sociaux) ; capital économique acquis en émigration.

183 Les principales définitions de la terminologie employée dans ce texte sont données en annexe 3

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Elle met enfin en relief les interdépendances existant de facto entre tous les pays concernés (origine, transit, immigration) et rendant plus que jamais nécessaires les impératifs d'une coopération multilatérale pour la gestion de la migration internationale.

Le champ migratoire permet surtout de « dégager la globalité d'une migration internationale en associant, dans une même vision, comme le fait le migrant lui-même, l'espace transnational qu'il pratique »184. Ce faisant, cette définition, pertinente pour la réalité sociale contemporaine, peut à tout le moins indisposer les gestionnaires des territoires politiques. Elle a toutefois l'avantage d'insister sur les effets d'interaction et d'interdépendance existant entre pays / sociétés / économies des pays d'émigration, d'immigration et de transit et de considérer le fait migratoire comme un phénomène global, complexe, interactif, essentiellement dynamique et potentiellement positif en termes de développement humain.

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184 Réf : Simon 1995 : 16

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2.1 Essence d'une politique publique de la migration

À l'aube du XXIe siècle, l'incapacité d'Haïti à contrôler sa propre population tant dans sa quantité (croissance démographique) que dans ses caractéristiques économiques (faible ou forte valeur ajoutée) ouvre le débat sur la continuation de l'exercice plein et entier de sa souveraineté, puisque les vagues migratoires multipolaires et incontrôlées d'Haïtiens dans l'espace interaméricain185 sont dans leurs causes et leurs effets internes et externes des facteurs de fragilisation de l'État, qui dans les conditions actuelles de déprises institutionnelles et d'effondrement socioéconomique ne peut rendre viable un accord (bilatéral ou multilatéral) sur les flux migratoires haïtiens. Certes, il existe de faibles actions ponctuelles en ce sens, mais ne s'inscrivant pas dans la durée.

Par-delà les déterminants structurels de l'échec en matière de gestion de l'immigration en Haïti, il y a aussi un énorme retard à la fois pratique et théorique par rapport à l'importance de la question dans les relations internationales. Cela explique en partie que les mesures prises par Haïti et liées aux accords internationaux sur cette question tiennent souvent plus de déclarations de bonnes intentions que d'une efficacité politique à la fois sur les flux et les stocks de départ et de retour.

En d'autres termes, par-delà l'aptitude et l'attitude d'une certaine élite à financer des troubles politiques pour garder la haute main sur un certain monopole commercial, l'instabilité de l'État haïtien vient de l'immixtion d'États limitrophes dans les affaires haïtiennes destinée à obliger le pays à prendre en charge sa population (pour plusieurs raisons, y compris dans le cadre de la «lutte contre le terrorisme»...). La politique de soustraction et de substitution186 de population menée dans les années 60 par l'État en Haïti187, conjuguée à une déprise publique des gouvernements de l'après-Duvalier en 1986 en matière de démographie, a placé la question de la population haïtienne et des risques d'une émigration incontrôlée au centre des divers enjeux des relations internationales

185Ibidem, p. 136.

186Cf. WEINER, Myron; TEITELBAUM, Michael S., Political demography: demographic engineering, New York: Berghahn Books, 2001, 148 p.

187Cf. ZÉPHIRIN, Romanovski, Le champ migratoire haïtiano-guyanais, op. cit., p. 134.

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interaméricaines188. C'est l'exclusion sociale d'une partie de la population haïtienne exclue pendant près de deux siècles de toute modernité (éducation et cadre de vie), ajoutée à l'émigration massive et à la rémigration (ou un désir de rémigration), qui pose au début du XXIe siècle la question du maintien de la stabilité institutionnelle de l'État. Ce n'est pas, comme le considère Gérard Barthélémy, une conséquence du refus ontologique de l'État par le « pays en dehors », dominé par la dualité Créoles/Bossales189.

Tout compte fait, quatre types de réalités sociodémographique, socioéconomique, spatiale et politique émergent et expliquent les mutations sociétales rapides du monde rural haïtien. Les quatre décennies d'émigration et de rémigration des familles haïtiennes dans l'espace interaméricain ont révélé non seulement une crise grave dans l'organisation sociospatiale d'Haïti, mais aussi par son ampleur, l'incapacité de l'État et des «classes dominantes traditionnelles» à esquisser un compromis pour moderniser le territoire. L'émigration-rémigration détruit les catégories des espaces traditionnels et leurs hiérarchies. L'émigration et la rémigration ont dans leurs causes et effets conjugués déstructuré le territoire par un morcellement accéléré des parcelles, alors que la rémigration et ses conséquences spatiales en termes de production urbaine et rurale sauvage ne suscitent pas encore de réelles perspectives institutionnelles modernistes de restructuration. Et cela, en dépit des flux financiers conséquents résultant des transferts effectués par les émigrés.

L'émigration-rémigration et ses pratiques sociales transnationales actuelles dans le domaine de l'habitat urbain/rural en Haïti ont largement réduit et éclaté le fort dualisme spatial ville-campagne. Ainsi, il est clair que les pertinences dépassent les permanences et qu'Haïti est devenue une société d'émigration-rémigration. Et elle le sera pour au moins deux décennies encore. Donc, poser les termes de la problématique de développement liée à la stabilité institutionnelle en Haïti actuellement revient à prendre en compte, par exemple, la transnationalisation des familles, le poids des transferts financiers des migrants dans l'économie du pays d'origine, la sous-bancarisation des flux monétaires transférés et le potentiel d'investissements productifs des migrants de longue durée pour refonder et

188 Ibidem, p. 132.

189 Cf. BARTHÉLÉMY, Gérard, «Haïti, l'ordre sous le chaos apparent», art. cité.

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décentraliser des territoires éclatés par la mobilité transnationale. En d'autres termes, il convient de repenser le développement et les possibilités de bonne gouvernance en recherchant la population haïtienne là où elle s'est principalement redéployée/réorganisée, avec ses acteurs, ses pratiques et ses enjeux dans des hiérarchies de lieux interaméricains transnationalisés, reconfigurés ou en reconfiguration, et non dans un « pays en dehors » isolé, devenu un paradigme dépassé.

Finalement, cette nouvelle donne résultant des mouvements de population dans l'espace ouvre une nouvelle piste de recherche pour recadrer le pays rural profond haïtien par rapport aux nouvelles mutations sociodémographiques et environnementales.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway