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Jouissance des terres et garantie


par Jules NDEODEME
Université de Yaoundé 2 - Master recherche en droit 2021
  

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CHAPITRE 1 : L'IDENTIFICATION DES DROITS REELS DE JOUISSANCE DES TERRES SUSCEPTIBLES DE GARANTIE

Un droit réel, jus in re en latin, est un droit qui porte directement sur une chose et procure à son titulaire tout ou partie de l'utilité économique de cette chose48. Le droit réel est très souvent opposé au droit de créance considéré comme un droit personnel en vertu duquel une personne nommée créancier peut exiger d'une autre nommée débiteur l'accomplissement d'une prestation de donner, de faire ou de ne pas faire49. Pourtant, il reste admis de nos jours que les frontières entre les deux notions deviennent de plus en plus floues du fait qu'il y a des droits mixtes comme les obligations dites réelles50. Et même, les droits réputés pour être personnels, comme les baux, empruntent plutôt beaucoup aux caractères des droits réels51, si certains ne sont pas expressément considérés comme tels52. La question qui se dégage en rapport avec la garantie est celle de savoir si tous les droits réels sont donc susceptibles de constituer garantie. Pour le droit réel par excellence qu'est le droit de propriété, la question ne se pose guère.53

S'agissant des autres droits réels qui procurent une utilité économique particulière à leurs titulaires, la question reste posée. Ceci dans la mesure où sur une seule et même chose, les droits appartiennent à deux ou plusieurs personnes. C'est dire qu'une seule chose se trouve dans des patrimoines distincts à travers le mécanisme de distribution des prérogatives de propriété, selon les proportions prévues par la loi, décidées en justice ou plutôt convenues entre les parties. Comme évoqué ci-haut, les droits sur la chose consistent soit dans le droit de jouir comme simple usage ou de percevoir les fruits, soit dans le droit de disposer.

48 G. CORNU (Sous la direction de), Vocabulaire Juridique, op. cit., p.873

49 Idem, p.285

50 SCAPEL, La notion d'obligation réelle, PUAM, 2002

51 J.-B. SEUBE, « Le droit des biens hors le Code civil », Les Petites Affiches, 15 juin 2005, n° 118.4.

52 Des auteurs français évoquent notamment à ce sujet ce qui suit : « certains textes confèrent expressément au preneur un droit réel : tel est le cas du bail emphytéotique, du bail à construction, du bail à réhabilitation, mais aussi du bail à domaine congéable, du bail à complant, de la concession d'exploitation d'une mine ou de la concession immobilière. » TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens, 9e éd, Paris, Dalloz, 2014, n°928

53 Non seulement la propriété elle-même peut être utilisée comme garantie à travers les mécanismes de réserve ou de cession de propriété mais également à travers celui du crédit-bail. Aussi, la chose sur laquelle porte le droit de propriété peut elle-même être objet de garantie (l'hypothèque porte sur l'immeuble, le gage sur les meubles corporels, le nantissement sur les meubles incorporels,...) et les formes variées de propriété comme la copropriété sont objet de garantie.

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Le titulaire du droit de disposer54 est propriétaire et dans ce cas, il est considéré que l'objet lui appartient et il le met en garantie comme tout propriétaire. Le titulaire du droit de jouir par contre tire simplement une utilité d'une chose appartenant à autrui. Cette utilité, et non pas des moindres, représente une valeur qui peut servir de base à la constitution d'une garantie, son droit ne pouvant être en concurrence avec celui du propriétaire. Mais les rapports entre les deux peuvent ne pas faire admettre la constitution des garanties, l'aliénabilité étant la condition des garanties. Les droits réels de jouissance des terres admis comme objet de garantie sont quelques démembrements du droit de propriété (Section 1) non frappés de condition d'inaliénabilité. Au Cameroun, une forme particulière de reconnaissance des droits réels sur les terres s'est développée, il s'agit des droits en vertu des concessions, autorisations et des baux sur les domaines. Ces droits réels de jouissance des terres peuvent également faire l'objet de garantie, ce sont des droits réels spéciaux (Section 2) quelques fois sujets à condition.

SECTION 1 : LES DEMEMBREMENTS DE LA PROPRIETE IMMOBILIERE CONFERANT JOUISSANCE ADMIS COMME OBJET DE GARANTIE

La jouissance des terres s'envisage dans le cadre de cette étude hors du cadre de jouissance propre à une personne sur des terres objet de son droit de propriété. Le propriétaire ne peut constituer en son nom un droit réel distinct de son droit de propriété et l'affecter exclusivement à la garantie sauf si cela est envisagé dans le cadre de création des sociétés avec apport en nature du droit de jouissance. Dans ce dernier cas, le droit réel de jouissance entre dans un patrimoine distinct, celui de la société en question, et il peut constituer un objet de garantie. Les droits réels sont donc réputés pour faire objet de garantie mais pas tous. La condition pour faire objet de garantie est que le droit réel doit être dans le commerce c'est-à-dire aliénable et saisissable55. Pourtant, tous les démembrements du droit de propriété accordant jouissance sur les terres ne sont pas aliénables ou plutôt ils ne sont aliénables que sous conditions. Il en est ainsi du droit d'usage et d'habitation56 et même de l'usufruit57 qui sont accordés en considération de la personne qui en bénéficie et de ses besoins. Les

54 Le nu-propriétaire, le tréfoncier ou le bailleur.

55 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les sûretés, op. cit , n°665

56 Articles 625 à 636 du code civil applicable au Cameroun.

57 Articles 578 à 624 du code civil applicable au Cameroun. Il est largement admis que l'usufruit des terres peut être susceptible d'hypothèque mais il s'agit de l'usufruit créé par la volonté de l'homme et non de l'usufruit légal parce que la loi confère ce droit simplement en considération des relations entre le propriétaire et l'usufruitier ce qui le rend insusceptible de passer d'une main déterminée à une autre.

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servitudes également ne sont pas susceptibles de garantie puisqu'elles sont des services fonciers conférés en fonction de la nature et des dispositions géographiques de certains fonds de terres desquels elles ne peuvent être séparées. A contrario, certains baux (Paragraphe 1) sont susceptibles de garantie à côté d'autres démembrements déterminés du droit de propriété (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les baux, droits réels susceptibles de garantie

Le bail est un contrat de louage par lequel l'une des parties appelée bailleur s'engage, moyennant un prix que l'autre partie appelée preneur s'oblige à payer, à procurer à celle-ci, pendant un certain temps, la jouissance d'une chose mobilière ou immobilière58. A partir de cette définition, il s'évince que le bail est considéré plus comme un droit personnel qu'un droit réel. La question de l'admission du bail comme droit réel se trouve donc âprement discuté et fait l'objet de beaucoup d'écrits59. La relation qu'il implique semble être double.

La première relation est celle du preneur et du bailleur, entre les deux il y a obligation de l'un envers l'autre, il s'agit là d'un droit personnel. La seconde relation est toute autre, c'est celle du preneur avec la chose louée. Le preneur a sur la chose qui lui est louée un droit réel. Portant sur les terres, la valeur économique de ce droit peut ne pas être suffisante pour constituer garantie si ledit bail est de très courte durée et fondé sur un système de loyers qui rémunère exactement la valeur de la jouissance. Ceci pour la raison que ce bail ne peut pas susciter la confiance d'un prêteur encore que le montant des loyers à payer ne permettra pas forcément de procurer au créancier la valeur dont il entend recouvrer. Mais il y a des baux donnant droit réel de jouissance sur les terres pendant de très longue durée en plus de représenter une valeur économique forte, ils ne sont pas dépouillés de la temporalité mais ils en viennent à pouvoir susciter confiance de la part du créancier bénéficiaire. Il s'agit du bail emphytéotique (A) et du bail à construction (B), qu'ils soient des baux civils ou à usage professionnel60.

58 Cette définition tirée du vocabulaire juridique est empruntée à l'article 1709 du code civil applicable au Cameroun.

59 Le bail est au coeur de la distinction entre droit réel et droit personnel mais en réalité il a plutôt plus contribué à les rapprocher. M. PLANIOL, Traité de droit civil, 1e éd, t 1, n°2158 et s. MICHAS, Le droit réel considéré comme une obligation passive universelle, thèse, Paris, 1990. F. HAGE-CHAHINE, in Essai d'une nouvelle classification des droits privés, RTD Civ. 1982, pp. 705 s.

60 Le bail à usage professionnel est substitué à l'ancien bail commercial. Il est organisé aux articles 101 et suivants de l'AUDCG révisé le 15 décembre 2010. La qualification de bail commercial ou désormais de bail à usage professionnel ne fait pas de cette convention une à distinguer du bail emphytéotique et du bail à construction qui peuvent être tous deux commerciaux et civils. A. FOKO, « Bail commercial / Bail à usage professionnel », in Encyclopédie du droit OHADA, Porto - Novo, Lamy, 2011, pp. 400-439

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A. Le bail emphytéotique

Le bail emphytéotique61 est un bail par lequel un propriétaire concède la jouissance d'un immeuble pour une durée de 18 à 99 ans, moyennant une redevance annuelle modique appelée canon emphytéotique et sous l'obligation de planter ou d'améliorer l'immeuble loué, à un preneur nommé emphytéote qui acquiert le droit réel d'emphytéose62.

Il est clair à partir de cette définition que le droit reconnu à l'emphytéote est un droit réel63, conféré à une personne par le propriétaire sur ses terres. La particularité de ce droit est qu'il est toujours de longue durée, ce qui a l'avantage de constituer pour un prêteur, même pour celui qui a consenti un prêt à long terme à l'emphytéote, un droit qu'il pourra réaliser en cas de défaillance de celui-ci, le débiteur de sa créance ou la caution, à l'exigibilité de la créance et ainsi se faire payer par préférence.

Il y a à distinguer le bail emphytéotique du bail ordinaire puisque ce dernier est conclu pour une durée plus courte avec des loyers de valeur élevée64. Le bénéfice est pourtant le même, il s'agit de la jouissance des terres. En effet, les deux défauts, relevés ci-avant, à mettre au passif du bail ordinaire fait qu'il soit difficile de l'admettre comme droit réel susceptible de garantie65. Dans certains cas, les baux ordinaires sont intransmissibles et conclus avec la condition de ne pas pouvoir faire l'objet de garantie. Ils n'autorisent pas la conclusion des baux par le preneur à d'autres personnes sur les mêmes terres. C'est l'interdiction de la sous-location. Contrairement aux baux ordinaires, les baux emphytéotiques sont naturellement admis pour faire l'objet de garantie66.

L'usufruit présente quelques caractères semblables avec le bail emphytéotique, la réelle distinction étant sur le point de ce que l'usufruit n'est pas toujours transmissible et donc ne peut pas toujours faire l'objet de garantie. Les deux droits confèrent le droit d'usage et le droit de percevoir les fruits des terres, qu'ils soient naturels, civils ou même industriels. L'usufruit résulte très souvent d'un contrat conclu intuitu personae ou même plutôt d'une

61 C'est un mécanisme consacré par une loi du 25 juin 1902.

62 G. CORNU (Sous la direction de), Vocabulaire Juridique, op. cit. pp.118 et 396

63 Sa nature de droit réel ne fait l'objet d'aucune spéculation. V. B. BOCCARA, Du bail emphytéotique, REDI 1964, p. 448

64 VIATTE, « Du bail emphytéotique et de sa distinction du bail ordinaire à longue durée », Rev. Loyers, 1973, p. 302.

65 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens, 9e éd, Paris, Dalloz, 2014, n°928

66 Article 1er de la loi du 25 juin 1902 sus-évoqué.

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disposition légale67. A son sujet, la doctrine admet volontiers qu'elle est « peu pratiquée à cause de la fragilité du gage qui s'éteint avec ce droit temporaire. »68 L'usufruit est un droit réel de jouissance à caractère viager et il reste admis que le simple fait de voir ce droit disparaître aussitôt après le décès du débiteur, jamais prévisible, n'est d'aucun secours à un créancier qui croyait s'en prévaloir pour le paiement de sa créance, même après le décès du débiteur.

Le bail emphytéotique fort de sa longue durée69 et de sa valeur économique considérable se place donc comme un droit réel de jouissance des terres pouvant incontestablement faire l'objet de garantie70. Cette forme de droit réel était à ses origines considérée comme spécifique au domaine de l'agriculture, c'est pour cela que s'est développée le mécanisme de bail à construction qui a les mêmes caractères.

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