B. Les baux sur les terres domaniales susceptibles de
garantie
L'une des modalités phares de gestion du domaine
privé de l'Etat ainsi que du domaine privé des autres personnes
morales publiques (collectivités territoriales
décentralisées, établissements publics, entreprises
publiques,...) est le bail emphytéotique99 calqué sur
le modèle envisagé en droit privé et donc contenu dans la
loi de 1902 évoqué plus haut. Le bail emphytéotique
constitue également une modalité de gestion du domaine
national100. En effet, la conclusion du bail emphytéotique
est de droit lorsque le bénéficiaire d'une concession provisoire
arrivée à terme est un étranger. Il n'est pas exclu que
même pour un national
TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens, op. cit.
n°954
96 Articles 10 et suivants du décret du 11 aout
2015 sus évoqué.
97 Article 13 et 14 du décret ci-avant.
L'article 14 énonce notamment ce qui suit : « Les droits,
ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier ne
peuvent être cédés ou transmis dans le cadre des mutations
entre vifs ou de fusion, absorption ou de scission de société,
pour la durée de validité du titre restant à courir, y
compris dans le cas de réalisation de la sûreté portant sur
lesdits droits et biens dans les cas prévus aux troisième et
quatrième alinéas du présent article, qu'a une personne
agréée par l'autorité compétente, en vue d'une
utilisation compatible avec l'affectation du domaine public occupe.
»
98 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°954
99 M. H. PERO, AUGUEREAU HUE et B. DELORME, «
Le bail emphytéotique des personnes publiques : clauses et
conséquences », JCP N 2013, p. 1119.
100 Article 17 de l'ordonnance fixant le régime
foncier.
26
Jouissance des terres et garantie
l'option de transformer la concession provisoire en concession
définitive soit rejetée pour être substituée par
celle de la transformation en bail emphytéotique.
La concession définitive mène à la
délivrance d'un titre foncier qui consacre le droit de
propriété définitif de son bénéficiaire. Par
contre, le bail emphytéotique représente un simple droit
réel de jouissance sur des terres déterminées avec parfois
de larges prérogatives101. Il s'agit d'un droit
aliénable et saisissable comme déjà
démontré, ceci permet à l'emphytéote de mettre le
en garantie102. La durée du bail emphytéotique sur les
domaines est comprise entre 18 et 99 ans. Il s'agit d'une durée
relativement longue qui peut donc inspirer la confiance du prêteur et
servir de garantie au remboursement de son crédit.
Le décret n°3450/PM du 11 août 2015
introduit une disposition contradictoire avec une disposition du décret
fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'Etat. La
disposition est la suivante : « le bail sur un terrain domanial
confère au preneur un droit réel notamment susceptible
d'hypothèque. » Le décret fixant les modalités
de gestion du domaine privé de l'Etat exclut la possibilité
d'utiliser le bail ordinaire sur le domaine privé de l'Etat comme objet
de garantie103. La première disposition évoquée
étant récente et spécialement consacrée à
l'organisation des garanties sur les droits de jouissance des terres
domaniales, il pourrait être admis que le bail ordinaire est un droit
susceptible d'être cédé et donc de faire l'objet d'une
garantie. La question est donc entière de savoir si une jouissance
conférée par un bail ordinaire même sur des terres
domaniales peut être valablement utilisée comme objet de garantie.
Il serait difficile pour la raison qu'il est trop précaire et trop
temporaire. L'argument favorable à telle possibilité est le fait
que les loyers des terres domaniales sont très souvent des sommes
modiques et le preneur a la possibilité de sous-louer et donc de
spéculer. C'est sur la plus-value ainsi réalisable que peut se
justifier le recours à la garantie au moyen de la jouissance
conférée par le bail ordinaire sur des terres domaniales.
En bref, il faut conclure que l'autorisation d'occupation ou
d'exploitation temporaire du domaine public déclassé et les baux
domaniaux sont des droits réels de jouissance des terres susceptibles de
garantie parce qu'ils sont, d'une part, des droits réels, et d'autre
part, parce
101« La doctrine administrative en France
reconnaît aux titulaires du droit réel en vertu du bail
emphytéotique la qualité de propriétaires des
constructions ou installations par eux réalisés, de sorte que ce
droit réel doit être assimilé au droit de superficie.
» F. TERRE et Ph. SIMLER, Droit civil. Les biens, op. cit.
p.846
102 Article 23 du décret fixant les modalités de
gestion du domaine privé de l'Etat.
103 Article 20 du décret du 27 avril 1976.
27
Jouissance des terres et garantie
qu'il s'agit des droits procurant une utilité
économique considérable à leur titulaire, ce qui permet
notamment à leurs créanciers d'y fonder confiance et de faire
constituer leur droit de préférence sur leur valeur pour se faire
payer, en cas de défaillance du débiteur au moment de
l'exigibilité de la créance.
L'admission de la possibilité de constituer ce droit de
préférence sur les prérogatives de jouissance des terres
des domaines témoigne d'une certaine volonté d'élargir la
catégorie des biens constituant l'assiette des garanties. En
conséquence, c'est aussi la volonté de favoriser le recours au
crédit et de faire de chaque valeur économique admise dans le
patrimoine du débiteur, un bien qui pourra servir son
intérêt puisque le crédit qu'il est amené à
bénéficier est de son intérêt puis de celui de la
société toute entière. Il a de ce fait été
constaté aussi que la jouissance accordée à certaines
personnes sur le domaine national constitue également une valeur
économique incontestablement considérable dans le patrimoine de
son bénéficiaire, c'est la raison pour laquelle des droits
réels sont conférés sur cette jouissance en vue de
constituer assiette aux garanties.
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