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Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en afrique centrale


par JERVE SIGNI TSAGHO
Institut Des Relations Internationales du Cameroun  - Master 2 en Relations Internationales  0000
  

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    6

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    SOMMAIRE

    i

    DEDICACE

    REMERCIEMENTS .ii

    RESUME ....iii

    ABSTRACTS ..iv

    SIGLES ET ABREVIATIONS .v

    INTRODUCTION GENERALE .1

    PREMIERE PARTIE: CONTEXTE ET DISPOSITIF JURIDICO-INSTITUTIONNEL DE LA GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE CENTRALE

    39
    CHAPITRE 1: CONTEXTE ET ENJEUX DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LES PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE

    CENTRALE 41
    Section 1: Les champs et les répertoires de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    .42
    Section 2: Les enjeux de la diversité culturelle dans l'exacerbation de la conflictualité

    52

    CHAPITRE 2: LE DISPOSITIF JURIDICO-INSTITUTIONNEL DES POLITIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE CENTRALE

    .63

    Section 1: Le cadre normatif de la gestion de la diversité culturelle en Afrique

    centrale 64
    Section 2 : Le dispositif institutionnel de la gestion de la diversité

    culturelle 73

    DEUXIEME PARTIE: IMPLEMENTATION ET LIMITES DES POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE

    CENTRALE 81

    CHAPITRE 3: LES MECANISMES ET STRATEGIES D'IMPLEMENTATION DES POLITIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE

    CENTRALE 83
    Section 1: Les mécanismes politico-administratifs de la gestion de la diversité culturelle

    84
    Section 2 : Les stratégies d'implémentation de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    90

    CHAPITRE 4: LES LIMITES À L'IMPLEMENTATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LA

    CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE.

    ..98
    Section 1: Les limites liées au cadre juridique et institutionnel

    ..99
    Section 2: Les obstacles à l'implémentation des politiques de gestion de la diversité

    culturelle en Afrique Centrale ...107

    CONCLUSION GENERALE 119

    7

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    DEDICACE

    À la mémoire de mon père, TSAGHO Etienne

    8

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    REMERCIEMENTS

    La réalisation de ce travail a bénéficié du soutien de plusieurs personnes à qui nous souhaitons témoigner notre profonde gratitude et reconnaissance.

    Nous pensons particulièrement au Professeur Ibrahim MOUICHE qui nous a fait l'honneur d'accepter la direction de ce mémoire malgré ses occupations et charges académiques. Ses orientations, critiques, instructions et encouragements nous ont permis d'effectuer ces recherches de manière adéquate. Puisse-t-il trouver ici l'expression de notre sincère gratitude ;

    Nous pensons également à tous les enseignants et l'administration de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC), en particulier ceux de la Chaire ISESCO/FUMI pour la qualité des enseignements et l'encadrement reçus ;

    Aux Dr MANGA EDIMO, Dr KENHOUNG YANIC, Dr TSAFACK Delmas et M. TSADJIA Célestin pour la qualité de nos échanges qui ont grandement contribué à l'amélioration de ce travail ;

    À nos amis et camarades de promotion, notamment WEKETIA Herman, DJEINABOU ISSA, MALANGA Omer, TSALA Théodore, KAKMENI Raphael, FACHIKAIN AWA et ETEME Martial pour l'excellence de nos relations ;

    À ma mère Madame TSAGHO Florence qui porte depuis plusieurs années le poids du sacrifice pour notre éducation et instruction ;

    À la grande famille TEDEMO, particulièrement M. et Mme TEDEMO Pierrette pour leur précieux conseil et leur incommensurable soutien. Daignez trouver ici l'expression de ma profonde reconnaissance ;

    À SAFIATOU ABBA pour son amour inconditionnel et son soutien multiforme ;

    À mes frères et soeurs MENKEM T. Narcisse, TSAGHO Jodel, KENGNI T. Irène, NGUEMO T. Carelle, LEMOFOUET T. Mariette et MAKEUTSA Odrice pour leur sens élevé des responsabilités et de la famille ;

    À M. FOUELEFACK Eric, KENFACK Arthur pour leur précieux soutien et encouragement durant toutes ces années ;

    À tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ces travaux, et dont nous avons involontairement omis de mentionner les noms, nous témoignons notre profonde et sincère reconnaissance.

    9

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    RESUME

    La présente recherche porte sur les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale. Elle questionne ces politiques publiques dans leur capacité à assurer la paix et un vivre-ensemble inclusif et partagé de tous au sein des sociétés devenues plurales et multiculturelles. En effet, depuis les mouvements de démocratisation des années 1990, les sociétés d'Afrique Centrale sont soumises à des phénomènes de pressions, tensions, crises ou conflits découlant peu ou prou de la diversité culturelle et de sa gestion très souvent problématique. Niée, reconnue ou acceptée, la diversité culturelle impose aux Etats de la sous-région de procéder à une redéfinition des mécanismes et des pratiques censés définir les rapports entre les différents segments sociaux. Afin de les rendre plus harmonieux, et davantage pacifiques, il devient nécessaire de procéder à une redéfinition des programmes d'actions qui peuvent se nicher dans les pratiques politico-administratives, ou la pluralité de dispositifs juridiques et institutionnels encadrant la diversité culturelle. Au démeurant, quoique soumis à de variables lourdes et obstacles qui entravent leur mise en oeuvre, les processus de construction de la paix et du vivre-ensemble déplacent la gestion démocratique de la diversité culturelle pour l'intégrer au coeur des débats actuels sur l'identité nationale et l'éventail de différence admissible et tolérable dans nos sociétés.

    10

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    ABSTRACTS

    This research focuses on public policies for managing cultural diversity in peacebuilding processes in central Africa. It questions public policies for the management of cultural diversity in their capacity to ensure the construction of peace and an inclusive and shared life of all in societies that have become plural and multicultural. Indeed, since the democratization movements of the 1990s, societies in Central Africa have been subject to pressures, tensions, crises or conflicts stemming more or less from cultural diversity and its often problematic management. Denied, recognized or accepted, cultural diversity requires the States of the subregion to redefine the mechanisms and practices supposed to define the relationship between the different social segments. In order to make them more harmonious and more peaceful, it becomes necessary to redefine the action programs that can be found in politico-administrative practices, or the plurality of legal and institutional mechanisms governing cultural diversity. At the dismantling, though subject to heavy variables and obstacles that impede their implementation, the processes of building peace and living together move the democratic management of cultural diversity to integrate it into the current debates on identity. national, and the range of permissible and tolerable difference in our societies.

    11

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    SIGLES ET ABREVIATIONS

    APSA : Architecture africaine de paix et de sécurité

    BAD : Banque africaine de développement

    CEA : Communauté économique africaine

    CEEAC : Communauté économique des Etats de l'Afrique Centrale

    CEMAC: Communauté économique et monétaire de l'Afrique Centrale

    COPAX : Conseil de paix et de sécurité de l'Afrique Centrale

    FMI : Fonds monétaire international

    HCR : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

    IDH : Indicateur de développement humain

    NU : Nations Unies

    OCDE : Organisation de coopération et de développement économique

    OIF : Organisation internationale de la Francophonie

    ODD : Objectifs de développement durable

    OMD : Objectifs du Millénaire pour le développement

    ONG : Organisation non gouvernementale

    ONU : Organisation des Nations Unies

    OSC : Organisation de la société civile

    PAS : Programme d'ajustement structurel

    PIB : Produit intérieur brut

    PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement

    RCA : République Centrafricaine

    RDC : République Démocratique du Congo

    UA : Union africaine

    UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'éducation, les sciences et la culture

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    12

    INTRODUCTION GENERALE

    13

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    Les sociétés d'Afrique Centrale sont comme celles du monde confrontées aux défis des relations interculturelles qu'entrainent avec plus d'acuité la mondialisation, les nombreux échanges internationaux et les déplacements migratoires des peuples1. Par le jeu du «déplacement de l'espace et du lieu»2 que décrit GIDDENS, on y entend de plus en plus parler de diversité et de relations interculturelles visant à parvenir à des sociétés sûres et pacifiées.

    Dans une configuration sous-régionale considérée comme un «ensemble de tensions»3, figurent parmi les vecteurs de troubles et de violences, la relative accalmie autour de la propagation du conflit avec Boko Haram, la fragilité constante au lendemain de la crise en République centrafricaine, la résurgence des troubles en raison des élections et les tensions anticipées par d'autres scrutins récents ou à venir dans la sous- région, l'insécurité maritime dans le Golfe de Guinée, et l'instabilité persistante dans la région des Grands Lacs devenue «l'Afrique Centrale de la communauté diplomatique et des médias » etc. Dans le même temps, ces crises et tensions découlent d'un climat mondial d'insécurité transnationale marqué par la recrudescence de l'extrémisme violent et de l'intolérance, mais aussi des crises humanitaires persistantes et accentuées ayant entrainé des milliers de déplacés, réfugiés et migrants tant aux frontières qu'à l'interieur des Etats.

    Cette «crise multidimensionnelle des civilités»4 a des répercussions profondes sur les trajectoires socio-politiques des Etats qui, pour la plupart sont résolumment et inextricablement engagés dans des processus de développement avec un succès mitigé plusieurs dizaines d'années après les indépendances. Faisant suite à une gouvernance déficitaire et en crise depuis lors, les sociétés de la sous-région n'affichent que d'une manière mollusque et frêle le sentiment d'une identité commune et partagée en termes d'initiatives de construction de la paix au sens d'une véritable «Pax Africana»5. Chaque situation de conflit présente en effet, une forte

    1 Jean KARINA, La gestion de la diversité : Caractéristiques et implantation, Université de Sherbrooke, Volume 4, N°2, Automne 2000, P 2.

    2 GIDDENS définit la mondialisation comme « une intensification des relations sociales mondiales qui relient des lieux éloignés d'une telle façon que ce qui se passe en un lieu porte l'empreinte de ce qui se passe dans un autre lieu éloigné de nombreux kilomètres, et inversement» (GIDDENS 1999: 85)

    3 Mwayila TSHIYEMBE, « Les principaux déterminants de la conflictualité », in Paul ANGO ELA, La Prévention des conflits en Afrique centrale. Prospective pour une culture de paix. Paris, Karthala, 2001, P.14.

    4 Sébastien ROCHE, « Les incivilités, défi à l'ordre social », Projet n°238,1994, PP.37-42.

    5 Ali MAZRUI, Towards a Pax Africana, Chicago: Imprimerie de l'Université de Chicago, 1967, P.158. Ali Mazrui, le tout premier prophète de la «Pax Africana», fut l'un des plus anciens analystes à articuler la

    14

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    dimension d'exclusion sociale des groupes socio-culturels ou politiques qui, longtemps marginalisés reclament de plus en plus une place importante dans le vaste chantier de la démocratisation des sociétés en Afrique6.

    Pourtant à proprement parler, la diversité n'est pas un phénomène nouveau en Afrique Centrale, même si l'on a pas toujours employé les mêmes termes pour décrire des sociétés qui renferment à l'intérieur de leurs frontières des groupes sociaux divers. Historiquement, la sous-region garde dans son tissu des traces multiples de migrations intracontinentales, et de redécoupage des frontières ayant entrainé un vaste brassage des peuples et des communautés dans des relations pouvant justifier et expliquer l'apparition des conflits7.

    Comme une réponse et une adhésion formelle des dirigeants au processus total et irréversible qu'impose désormais la gestion des différences au sein des sociétés modernes, la diversité culturelle fait naître auprès des acteurs socio- politiques et économiques interessés par la stabilité de cette sphère géopolitique une nouvelle conceptualisation du vivre-ensemble conciliant à la fois les préoccupations sécuritaires et les programmes de développement déployés en faveur des peuples8. Cet état de faits laisse entrevoir la nécessité de s'interroger sur les processus de construction de la paix à l'épreuve de la diversité culturelle.

    Notre introduction générale s'articulera autour de la définition des concepts (1), la revue de littérature (2), la problématique de l'étude (3), le bloc des hypothèses (4), l'intérêt du sujet (5), la présentation du champ d'analyse (6), les considérations méthodologiques (7) et la structure de l'étude (8).

    nécessité pour les Africains de prendre en charge la responsabilité de garder, de construire et de consolider la paix sur leur propre continent.

    6 Ibrahim MOUICHE, « Démocratisation et intégration sociopolitique des minorités ethniques au Cameroun », Codesria Books Series, 2012.

    7 On considère que des groupements sociaux et des catégories socialement construites autour de certaines variables comme la langue, la religion, l'ethnie, l'identité nationale ou la couleur de la peau rendent compte de la manière dont l'existence des différences et de leur signification dans la société tendent à être fortement problématique et sont susceptibles de conduire à des troubles et conflits.

    8 Nations Unies, 2012, Manuel sur les affaires civiles du DOMP/DAM, chapitre 8 ; et SHAW T. M., 2003, « Regional Dimensions of Conflict and Peacebuilding in Contemporary Africa », in Journal of International Development, vol. 15.

    15

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    1- DEFINITION DES CONCEPTS

    À en croire DURKHEIM, « la première démarche du sociologue doit être de définir les choses dont il traite afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est question »9. C'est le préalable qui permet à tout chercheur d'établir les bornes de la question qu'il veut traiter, cela permettant de ne point embrasser tous les aspects du phénomène social que l'on a en présence de soi10. Pour éviter de se perdre dans le flou sémantique, l'imprécision ou l'arbitraire, le chercheur doit lever toute équivoque sur les concepts quant à certains termes et notions voisines, délimiter sa signification par rapport à ce qu'il est et ce qu'il n'est pas, afin d'éviter de graves méprises qui l'écarteraient de la voie tracée vers de grandes découvertes11. Dans le cadre de notre travail, seront l'objet d'un contenu définitionnel les concepts de « politiques publiques », de «gestion de la diversité culturelle», ainsi que ceux de « construction de la paix ».

    A-Les politiques publiques

    La définition conventionnelle généralement retenue veut qu'une « politique publique se présente sous la forme d'un programme d'action propre à une ou plusieurs autorités puliques ou gouvernementales »12. Selon une formule célèbre il s'agit de « ce que les gouvernements font, pourquoi ils le font, et ce que ça change »13. Pour JENKINS, « les politiques publiques refèrent non seulement à un ensemble de décisions interreliées, prises par un acteur politique ou un groupe d'acteurs politiques, mais aussi à la sélection des buts visés et des moyens pour les atteindre et donc à la recherche des solutions »14. Cette dernière définition insiste sur le caractère interdépendant et non pas isolé des décisions relatives aux politiques publiques d'un

    9 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, Paris, Coll. Champs, Flammarion, 1988, PP 27-28.

    10 Marc Adélard TREMBLAY, Initiation à la recherche dans les sciences humaines, Paris, Armand Colin, 2005, P70.

    11 Marcel MAUSS et Paul FAUCONNET, « La sociologie, objet et méthode », extrait de La Grande Encyclopédie, Vol. 30, Société anonyme de la Grande Encyclopédie, Paris, 1901, PP.19-20.

    12 Jean-Claude THOENIG, « Politique publique » in L. BOUSSAGUET (Dir) et autres, Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, P.326-333.

    13 Thomas DYE, « Understanding Public policy », Engelwood Cliffs, Prentice-Hall, 1972, P.1

    14 William Leuan JENKINS, Policy analysis : A political and organizational perspective, New-York, St-Martin Press, 1978.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    Etat comme étant le produit d'une serie de décisions supposant une coordination de l'ensemble des différents acteurs gouvernementaux impliqués.

    Historiquement construite comme une «analyse pour les politiques » au moment du New-Deal où elle émerge en 1930 aux Etats-Unis, l'analyse des politiques publiques est devenue principalement une « analyse des politiques », une sorte de « sociologie de l'action publique » attentive aux transformations des conditions d'exercice du pouvoir politique ainsi que de sa légitimation15. Cela correspond à une double fonction: Aider les décideurs à faire les bons choix politiques, et ensuite comprendre pour agir sur les interventions de l'État dans la société afin d'améliorer les interactions entre tous les acteurs qui ne peuvent pas s'organiser de la même manière dans la défense leurs intérêts, vu qu'ils ne disposent pas tous du même poids lorsqu'il s'agit de faire pression, voire d'influencer Ie processus decisionnel16.

    B- La gestion de la diversité culturelle

    La notion de diversité culturelle se révèle polysémique, notamment par l'indéfinition du terme « culture » auquel elle reste foncièrement liée. Thomas ELIOT écrivait à cet effet en 1948 que « l'intérêt porté au mot culture croît à mesure qu'augmente l'incertitude qui pèse sur sa signification véritable ».17

    À en croire les textes de l'UNESCO qui lors de sa Conférence générale en 2001 a adopté la Déclaration universelle sur la diversité culturelle18, celle-ci serait la résultante des différents flux transfrontaliers de populations tels que la migration qui amènent à davantage de diversité à l'intérieur des sociétés. Cette diversité est faite de traditions et de coutumes propres à chaque individu appelé à rentrer en contact avec « l'autre ». Cette Déclaration, la première du genre au

    15 Il faut toutefois noter que dans certains pays anglo-saxons notamment, l'analyse des politiques publiques continue de conserver une forte dimension prescriptive, une large part des recherches restant consacrée à l'évaluation et au diagnostic afin d'aider les décideurs politiques.

    16 Pour Charles GOFFIN, le processus décisionnel est une étape cruciale des politiques publiques. C'est le moment où tous les acteurs impliqués (responsables politiques, groupes de pression, société civile et associations...) vont se retrouver afin de dégager et imaginer les solutions au problème posé. L'unanimité n'étant pas toujours évidente à trouver, il faut pour chacun des acteurs faire des compromis afin d'aboutir à la définition des politiques publiques efficaces. Une fois que ce consensus est trouvé, ladite politique est adoptée et implémentée. Projet Interform, Séminaire des 3 et 4 Avril 2007, UFR pluridisciplinaire de Bayonne.

    17 Thomas Stearns ELIOT, « Notes towards the definition of culture ». Faber Paperback, 1962, P. 27.

    18 Déclaration Universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle adoptée à Paris le 02 Novembre 2001.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    sein de la communauté internationale élève la diversité culturelle au rang d'héritage commun de l'humanité et en fait du même coup un impératif éthique inséparable de la dignité humaine. Pour mieux comprendre la notion de diversité culturelle, il est important de se référer à la Déclaration dans ses articles 1,2,3, et 4.

    Tel que le note Ivan BERNIER, on peut s'y reférer soit en faisant un parrallèle avec la biodiversité, soit en la renvoyant à la diversité des expressions culturelles, ou encore en étendant la notion à celle de pluralisme culturel19. Utilisée pour décrire le fait de la multiplicité des cultures dans son sens premier, la diversité culturelle renvoie également à une finalité pragmatique orientée vers l'interaction des cultures, voire le dialogue des civilisations. Elle engage également la prise en considération des minorités nationales internes et externes dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques sociales. Elle se manifeste également par la reconnaissance des différentes langues, histoires, religions, traditions, modes de vie ainsi que toutes les particularités et sigularités attribuées à une culture. Pas toujours évidente en ce qui concerne son application sur le plan des faits, sa mise en oeuvre revèle une actualité réaffirmant la nécessité du dialogue et de l'échange interculturel comme facteurs de paix.

    La gestion de la diversité culturelle quant à elle répond à des préoccupations sociales, politiques, culturelles et économiques. Ce concept émergent dans les sciences sociales viserait de ce fait à apporter des outils et des méthodes permettant aux organisations tant publiques que privées concernées de mieux tirer profit des avantages des différences culturelles et de ses modèles de gestion20. COX Taylor la décrit alors comme étant «une façon de gérer les gens pour que les avantages potentiels de la diversité soient maximisés pendant que les désavantages potentiels sont minimisés»21, la diversité en elle même étant toujours définie en termes larges et inclusifs par un savant mélange de toutes les différences et des ressemblances22.

    19 Ivan BERNIER, « Préserver et développer la diversité culturelle : Nécessité et perspective d'action », document de travail présenté à la première rencontre internationale des associations professionnelles du milieu de la culture, Paris, Septembre 2001.

    20 Georges-Axelle BROUSSILLON, « Politiques et pratiques de gestion de la diversité, de la contrainte légale à l'opportunité: Un enjeu de management interculturel », Troisième Rencontres Internationales de la diversité, CORTE, 5-7 Octobre 2007.

    21 Taylor COX, « Cultural diversity in Organisations: Theory, research and practise », San-Francisco:Berret-Koehler Publishers, Chap.2, 1993, PP.45-58.

    22 Françoise BENDER, « La gestion internationale de la diversité: Etat des recherches », Congrès annuel de l'AGRH, Toulouse, 2009, PP.205-217.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    Au sens de notre analyse, les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle renvoient à un ensemble de mécanismes, pratiques et stratégies mises en oeuvre par les Etats et les structures gouvernantes en vue de garantir le respect, l'inclusion et le traitement de tous les groupes et individus susceptibles d'être l'objet de discriminations du seul fait de leurs différences par rapport à l'ensemble, ou la grande partie de leur communauté d'appartenance ou d'encrage. Il s'agit en quelque sorte de la réponse légale ou organisationnelle dont les Etats et les pouvoirs publics se pourvoient afin de permettre l'organisation de la cohabitation des différentes couches sociales. Cette nouvelle approche semble répondre avec efficacité et équité aux défis modernes des relations internationales qui se tournent de plus en plus vers une nouvelle façon d'aborder les différences, d'où sa place grandissante au sein du débat public relatif à l'intégration et à la lutte contre les discriminations et les différences 23.

    C-La construction de la paix

    Dans les relations internationales contemporaines, la littérature abondante sur la construction de la paix l'associe très souvent à la «deuxième génération» des missions internationales des Nations-Unies de l'ère post guerre-froide24. Au début des années 1990, la construction de la paix se veut un effort concentré de la part des Nations unies, et l'ensemble des acteurs de la communauté internationale qui entendent développer des infrastructures politiques, économiques et sécuritaires pour que les conflits puissent être jugulés ou résolus de manière durable. Avec la fin de la bipolarité et la construction d'un monde pacifié autour de l'idée d'un «nouvel ordre international », la transition effectuée entre l'état de «guerre» et celui de «paix» ne se joue plus seulement sur les champs de bataille ou le long des lignes de front, mais avant tout au coeur de l'articulation des rapports Etat-société dans la triple crise du lien politique (relation à l'Etat), social (lien à la communauté et à l'environnement le plus immédiat comme le quartier) et domestique (lien familial et inter-générationnel) que traduisent la plupart des guerres contemporaines une fois ces rapports rompus25.

    23 Jean KARINA, Idem, PP.233-235.

    24 Agenda pour la paix, DPI/1247, Nations Unies, New York, juin 1992. Rapport sur l'état de l'organisation préparé par le précédent Secrétaire Général, Javier Perez de CUELLAR, fut considéré par un certain nombre d'observateurs comme marquant le commencement d'une nouvelle époque dans les relations interétatiques et les efforts pour résoudre les conflits : cf. United Nations, Report of the Secretary General to the General Assembly, UN doc. A/43/1, United Nations, New York, septembre 1988.

    25 Idem.

    19

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    Aujourd'hui, de nombreux efforts ont été faits pour adapter la construction de la paix à une nouvelle approche holistique, lui consacrant désormais des dimensions plus techniques tout en la vidant de sa substance politique. Il semble de plus en plus difficile de réduire la paix à l'étude des causes apparentes de la violence et espérer la construire en supprimant ces seules causes26. La logique à l'oeuvre dans de nombreux coins du globe suppose désormais de concevoir des modalités pacifiques de gestion des contradictions et des différences, des rivalités d'intérêt et de pouvoir afin de voir cohabiter des systèmes de valeurs, des cultures et des peuples à l'histoire différente27.

    Pour la présente recherche, la construction de la paix vise donc à aboutir non pas uniquement à la paix politique, mais à la paix sociale par le redressement des inégalités socio-économiques et culturelles qui pourraient conduire à davantage de conflits. D'une manière générale, il est question d'empêcher les conflits armés ou d'y mettre fin, ainsi que d'en stabiliser la résolution pacifique après la fin des violences. Ce processus englobe toutes les mesures liées directement à ce but dans un délai bien déterminé. De telles tâches impliquent la prise en compte des aspects politiques, sociaux, économiques et culturels d'une société soumise à des crises et tensions afin de promouvoir la sécurité humaine, et partant tout processus de développement. Dans ces conditions, la paix ne peut se construire que via des mécansimes et stratégies visant à rendre intelligibles les nombreuses transformations qui la traversent dans ses structures comme dans ses règles, de façon à évaluer toutefois les bases sur lesquelles une reconstruction reste possible.

    Les défis que posent les relations interculturelles et la diversité se sont transposés dans les structures et les microsociétés d'Afrique Centrale où la question reste complexe. Dans sa mesure et son évaluation, cela ressort des politiques publiques plus ou moins approximativement ficelées.

    26Béatrice POULIGNY, in «La construction de la paix » http://www.afri-ct.org/wp-content/uploads/2007/12/Pouligny-2003.

    27 Idem

    20

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    2- REVUE DE LA LITTERATURE.

    Si les clarifications conceptuelles participent de la compréhension de la question de recherche, il va de soi que la revue de littérature permet de rendre compte des productions intellectuelles en vue de la rendre plus aisée. Encore appelée l'«état des connaissances sur le sujet»28, elle permet de jeter les bases d'une interrogation pertinente et susciter l'interrogation formulée sur le sujet porté à l'étude. La revue de littérature permet d' « identifier les acteurs, les ouvrages et les articles scientifiques qui ont façonné la connaissance dans la discipline donnée sur un sujet précis »29.

    Dans le cadre de notre étude, la revue de la littérature repose sur le débat théorique qui oppose deux courants dans la définition des politiques publiques spécifiques à la diversité comme réponses aux processus de construction de la paix d'une part, politiques publiques qui doivent nécessairement faire intervenir des critères complémentaires d'autre part.

    La première approche refute la prise en compte des composantes de la diversité au sein des Etats à configuration plurale et muticulturelle en vue de la construction du living together. Elle est défendue par des auteurs tels que Maurice KAMTO, Selim ABOU et Joseph MAILA, Léopold DONFACK SOKENG, Jean de Noël ATEMENGUE et François THUAL. Ce dernier s'intéresse à une typologie particulière des conflits liés à la diversité, les conflits dits identitaires.

    Pour Maurice KAMTO, le renouvellement de la forme de l'Etat en Afrique impose systématiquement un dépassement politique des particularismes et des singularités30. Selon cet auteur, la nation est un cadre d'homogénéité exalté par l'Etat-nation dans lequel les individus doivent perdre leurs identités locales ou paroissiales pour s'identifier à elle. Toute tentative de définition ou de représentation de composantes sociologiques tant au niveau local que national, en l'occurrence des groupes considérés comme minorités ethniques lui apparait périlleuse et hasardeuse comme aventure. L'amenagement d'un régime spécial en faveur des minorités

    28 Omar AKTOUF, Op. Cité.

    29 Guy BEDARD, Lawrence OLIVIER et Julie FERRON, L'élaboration d'une problématique de recherche, sources, outils et méthodes, L'Harmattan, 2005, P.10.

    30 Maurice KAMTO, « Crises de l'Etat et réinvention de l'Etat en Afrique » in l'Afrique dans un monde en mutation : Dynamiques internes et marginalisation internationale, Février 2010, P90.

    21

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    ethniques reviendrait à consacrer une « dictature de l'ethnie ». Il rajoute par ailleurs qu'« une telle dictature serait d'autant plus redoutable qu'elle se construirait autour d'un critère bio-culturel », car la « traduction politique des droits des minorités pourrait aboutir à une perversion de la démocratie». Dans son processus de défiguration et de démolition méthodique de ce que lui-même qualifie de « l'application du droit des peuples comme principe démocratique dans un Etat multiethnique »31, il semble urgent que le respect des individus et des peuples dans leur singularisme et particularisme ne puisse s'assimiler à la production des politiques publiques spécifiques à la différence sans baffouer la démocratie en ce qu'elle a de fondamentale.

    L'ouvrage collectif Dialogue des cultures et résolution des conflits: Les horizons de la paix32, paru sous la direction de Selim ABOU et Joseph MAÏLA relève que l'introduction brutale et hâtive de la notion de «minorité» au sein du corpus social des Etats africains et de l'Europe ex-communiste notamment traduit la crise du modèle classique d'intégration qui ne semblait souffrir d'aucune contestation jusqu'à lors. Or l'affirmation de la protection des minorités en tant que mode de gestion sociopolitique de la polis mène à des conséquences tant au plan politique qu'au plan juridique. Pour ces auteurs, la protection des groupes dits minorités ethniques aurait pu à l'avenir justifier un « droit à l'enfermement », un « droit à l'oppression », et un « droit à la mort », causes profondes des conflits et des luttes de pouvoir génératrices d'effets pervers et d'affrontements incivils qui remettent en question les bases de l'avènement d'une vie politique et sociétale pacifiée.

    S'interessant particulièrement aux enjeux de la diversité culturelle au Cameroun, Léopold DONFACK SOKENG présente l'ingénierie constitutionnelle de 1996 dans la protection et la prise en compte de toutes les composantes socio-ethniques au niveau local et national comme un fait original33. Si pour cet auteur le fait est original et innovateur, il serait aussi important de relever que par de telles dispositions, le pays semble avoir amorcé le virage

    31 Maurice KAMTO, « Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes : Entre fétichisme idéologique et glissements juridiques » in Annuaire africain de droit international, Vol. 14, n°1, PP.219-243.

    32 Selim ABOU et Joseph MAILA, Dialogue des cultures et résolution des conflits: Les horizons de la paix, Presses Université Saint-Joseph, Beyrouth, Octobre 2004.

    33 Léopold DONFACK SOKENG, « Le droit des minorités et des peuples autochtones », Thèse non publiée pour le doctorat en droit, Université de Nantes, 2001.

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    conduisant vers le ghetto des particularismes et des provincialismes culturels. Cela semble d'autant plus vrai lorsque l'on sait que ces derniers, quoiqu'ils soient bel et bien révélateurs de l'identité culturelle nationale, n'apparaissent pas moins comme des limites à l'expression de la démocratie libérale et pluraliste. Car, non seulement l'on ne voit pas clairement en quoi la présence des minorités constitue une garantie irréfutable de la préservation des droits ou de l'identité des populations, mais encore elle est porteuse de ségrégation et vise plutôt à aiguiser des sentiments d'égoïsme des groupes sociaux.

    De la même manière, Jean de Noël ATEMENGUE dans ses travaux esquisse une vision déplorable de la mise en oeuvre de la protection et la prise en compte de toutes les composantes socio-ethniques et culturelles particulièrement celles considérées comme groupes minoritaires34. Tout en stigmatisant cette pratique, cet auteur dénonce toutes les politiques ou mécanismes visant à assurer la promotion et la protection des groupes dits minoritaires. Selon lui, de telles politiques parce que porteuses de discrimination, d'exclusion et de cristallisation des replis identitaires au sein de l'espace national seraient susceptibles de troubles et conflits.

    Pour François THUAL, les tensions et les conflits reposent sur une dynamique psychologique des peuples et des communautés. Ces crises ne sont pas nécessairement ancestrales ou inévitables, car ces conflits résultent principalement des dicriminations et des blessures du « narcissisme collectif » liées à l'identité de certains segments sociaux35. Dans cette optique, on ne peut comprendre les «dynamiques nationalitaires» du vivre-ensemble qu'en les analysant à partir des significations majeures sociales renvoyant à la construction d'un équilibre excluant le modèle de la « paix par la force ». L'auteur préconise la mise en place de technologies pré-conflictuelles, conflictuelles ou post-conflictuelles au sein des Etats qui puissent prendre en considération une stratégie d'ensemble, à même d'intégrer des politiques toutes aussi efficaces sur la sécurité, l'économie, et le développement tout en tablant sur une instauration de la démocratie, les droits de l'homme, et la coopération juridique.

    34 Jean de Noel ATEMENGUE, «La protection des minorités et la préservation des droits des populations autochtones au Cameroun. Une analyse prospective», Revue de droit international et de Droit comparé, n°1, PP. 5-42, 2003.

    35 François THUAL, Les conflits identitaires, Paris, Ellipses, 1995, p. 6, et «Du national à l'identitaire. Une nouvelle race de conflits » (b), Le débat, n° 88, 1996, PP. 162-170

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    Au demeurant, les arguments évoqués par les tenants de la première approche témoignent à suffisance de leur volonté de combattre toute initiative sociopolitique de mise en oeuvre des politiques spécifiques à la diversité par la prise en compte de la citoyenneté multiculturelle ou multi-ethnique. De tels arguments sont plus révélateurs des préjugés qui hantent leurs analyses sur la question des minorités notamment. À ces positions tranchées des différents auteurs ainsi repertoriés, une seconde approche soutient que des politiques publiques spécifiques à la diversité constituent des réponses adaptées aux nombreuses crises et tensions qui traversent les sociétés plurales et multiculturelles. Cette approche beaucoup plus inclusive du vivre-ensemble va émerger de la posture de James MOUANGUE KOBILA, Luc SINDJOUN, Christine INGLIS, Sophie BESSIS, Sally HOLT, Carlos MILANI et Ali DEHLAVI, ou au sein des organisations internationales telles que l'UNESCO.

    James MOUANGUE KOBILA tout en se démarquant de l'approche libérale de la citoyenneté prend le contrepied des courants plus haut présentés. Dans son analyse, cet auteur pose les dangers auxquels s'exposerait toute société qui adopte des politiques uniformisatrices de gestion de la diversité, et de la prise en compte des minorités36. Prennant en exemple le cas du Cameroun, il entend apporter la preuve de « la réduction des tensions interehniques ou interraciales » du fait de la prise des différentes composantes socio-culturelles dans le dessein de la « construction d'un minimum de compréhension mutuelle et de coopération entre les minorités, les peuples autochtones et les groupes plus nombreux ou majoritaires ». Pour lui, « le danger le plus inquiétant qui subsiste est celui de l'éradication despotiques des groupes intermédiaires par une homogénéisation nationale à marche forcée».

    Luc SINDJOUN quant à lui pose qu'une bonne intégration et une bonne prise en compte de toutes les composantes socio-ethniques laissent entrevoir des implications telles que : La lutte contre les inégalités et la reconnaissance de l'égalité entre personnes d'une part, et d'autre part, le respect de l'appartenance des individus à des communautés. Pour l'éminent professeur camerounais, les sociétés marquées par le pluralisme ethnoculturel restent influencées par les interactions que se construisent les différentes communautés qui les constituent. Il fait remarquer que la gestion des affaires publiques et le déroulement du jeu politique local et national doivent se faire suivant un modèle consensuel et démocratique. Afin d'éviter toute

    36 James MOUANGUE KOBILA, « La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun », Danoia, 2009, P220.

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    politique à somme nulle, l'on devrait prendre en compte toutes les composantes socio-ethniques, aussi bien dans la gestion administrative que dans le jeu électoral. Par cette prise en considération des minorités ethniques dans la participation au gouvernement et au jeu politique, on aura une implication différentielle qui relève davantage de l'association au pouvoir que du partage du pouvoir comme étant au fondement de l'égalité politique réelle et de la loi de la majorité37.

    Christine INGLIS dans une réflexion intitulée « Multiculturalisme: Nouvelles réponses de poltiques publiques à la diversité »38 examine le fonctionnement des politiques multiculturelles et en évalue le potentiel pour les pouvoirs publics qui ont à gérer la diversité. L'auteure remarque que la « redécouverte » de l'ethnicité et des identités culturelles a fait prendre conscience de la nécessité de gérer la diversité ethnique et culturelle en mettant en oeuvre des politiques qui encouragent à la fois la contribution et l'accès des groupes ethniques et culturels minoritaires aux ressources de la société, tout en maintenant l'unité dans la grande majorité des sociétés modernes et contemporaines. Avec la fin de la guerre froide et la mise en oeuvre d'un nouvel ordre international, les revendications identitaires de nature ethnique, religieuse et culturelle sont des séries de faits susceptibles d'aboutir à des situations conflictuelles et à des tragédies comme celles qui ont eu cours au Rwanda. Pour l'auteure, le multicultiralisme loin de constituer une «exclusion active et indirecte» de quelques groupes et communautés sociaux, économiques et culturels permet d'apporter des solutions démocratiques aux problèmes que suscite la diversité de par les avantages et les mécanismes institutionnels spécifiques qu'il contient.

    Sophie BESSIS dans une analyse intitulée « de l'exclusion sociale à la cohésion sociale »39 soutient que les sociétés plurales sont celles où la dialectique de l'un et du multiple est instable et l'équilibre précaire. C'est la raison pour laquelle la violence entre les groupes est généralement une variable d'analyse de ce type de société. L'on doit cependant reléver que les

    37 Luc SINDJOUN, « La démocratie plurale est-elle soluble dans le pluralisme culturel? Eléments pour une discussion politiste de la démocratie dans les sociétés plurales », Afrique politique, 2000.

    38 Christine INGLIS, « Multiculturalisme: Nouvelles réponses de politiques publiques à la diversité, in La gestion des transformations sociales », Document de Politiques sociales du Most numéro 4, 1995.

    39 Sophie BESSIS, « De l'exclusion sociale à la cohésion sociale in La différenciation des régimes de croissance: Réseau, histoire et observation des transformations sociales », Presses Universitaires de Grenoble, 1995.

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    sociétés multiculturelles peuvent devenir pacifiques lorsque chaque groupe social se sent impliqué dans la gestion publique. Cela est d'autant plus vrai que dans ce contexte, la démocratie dans les sociétés plurales traduit une situation où les groupes sociaux en interaction jugent la coexistence moins coûteuse que la destruction mutuelle. Le multiculturalisme constituerait ainsi la recherche des solutions démocratiques de politiques publiques à la diversité culturelle et ethnique.

    Cette idée est ardemment reprise par Sally HOLT selon qui, « regardless of the level of a country's development, the nature of its political system or whether it is essentially peaceful or, on the brink of (or in the midst of) violent conflict, diversity issue requires proactive management in policy, legislation and practice for both principled and pragmatic reasons [...] A pattern of peaceful enforced domination of one group by another is particularly prone to breakdown»40.

    Pour Carlos MILANI et Ali DEHLAVI dans une reflexion intitulée La globalisation, les transformations sociales et les stratégies de gestion de la diversité »41, l'analyse profonde des interactions au niveau des individus dans ce monde sans frontières rend la gestion des problématiques interculturelles encore plus nécessaire et digne d'attention. Le domaine de la gestion des différences peut devenir un outil précieux pour aider à trouver la bonne mesure entre le « global » et le « local », tout en minimisant les risques. Etant une donnée aisément manipulable, la diversité selon ces auteurs renvoie à toutes sortes de reférents subjectifs et passionnels pouvant se prêter à la récupération dans une période de superposition des images, des mondes et des représentations, d'où la nécessité de lui assurer une gestion qui soit des plus démocratiques. C'est le prix à payer pour parvenir à des sociétés au sein desquelles règne une forme de cohésion et d'harmonie certaine.

    L'UNESCO concrétise cet idéal de concilier le respect de la diversité avec le souci de la cohésion sociale et la promotion des normes et valeurs universelles. Dans sa Déclaration universelle sur la diversité culturelle, l'UNESCO affirme sans détour en son article 2: «Dans nos sociétés de plus en plus diversifiées, il est indispensable d'assurer une interaction

    40 Sally HOLT, « Diversity management and conflict prevention » in Contemporary challenges in securing Human Rights.

    41 Carlos MILANI et Ali DEHLAVI, « La globalisation, les transformations sociales et les stratégies de gestion de la diversité » in Projets de recherche sur le Programme MOST, Document UNSECO, 1996.

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    harmonieuse et un vouloir vivre-ensemble de personnes et de groupes aux identités culturelles à la fois plurielles, variées et dynamiques. Des politiques favorisant l'intégration et la participation de tous les citoyens sont garantes de la cohésion sociale, de la vitalité de la société civile et de la paix ». Elle souligne dans son Acte constitutif le dessein de « féconde diversité » des cultures et en fait son principe le plus élevé dans la chaîne de la «solidarité intellectuelle et morale de l'humanité»42.

    Notre travail s'inscrit dans cette seconde approche qui vient d'être présentée. Plus concrète, elle rompt en effet avec la spéculation normative qui a longtemps existé autour de la gestion de la diversité culturelle au sein des sociétés africaines contemporaines. D'une valeur incontestable, elle nous permet de repenser et interpeller en de termes différents et inclusifs la gestion de la diversité comme panacée à des tensions et crises persistantes dans la sous-région Afrique Centrale. Les transformations récentes, l'évolution des idées et des mentalités en font un enjeu essentiel qui se greffe à un idéal de living together tant souhaité que désiré. Cela soutend que la diversité culturelle doit être gérée à l'intérieur de nos sociétés elle-mêmes, de sorte que des politiques publiques puissent soutenir de telles logiques.

    3- PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE

    La problématique renvoie à «l'ensemble construit autour de la question principale, des hypothèses de recherche et des lignes d'analyse qui permettront de traiter le sujet choisi»43. C'est en quelque sorte un écart ou un manque à combler dans le domaine de la connaissance entre ce que nous savons et ce que nous devrions ou désirons savoir sur le réel44. Il s'agit de l'approche ou de la perspective théorique que l'on décide d'adopter pour traiter le problème posé en vue d'obtenir de nouvelles informations45. Ervin GOFFMAN l'affirmait déjà de manière claire: « devenir sociologue, c'est poser des questions impertinentes, montrer ce qui se joue derrière la scène ; être au fait des ficelles de la vie sociale, bref dévoiler la face cachée des faits sociaux ». Partant de ces considérations, la problématique apparait comme une étape

    42 Acte constitutif de l'UNESCO adopté à Paris en 1945.

    43 Michel BEAUD, L'art de la thèse : Comment préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat ou tout autre travail universitaire à l'ère du net, Paris, La découverte, 2006, P.11.

    44 Madeleine GRAWITZ, Lexique des sciences sociales, me édition, Paris, Dalloz, 2004, P.47.

    45 Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUD, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, 1995, P85-86.

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    charnière de la recherche située entre la rupture et la construction du sujet46, car elle permet de constater et ainsi de combler l'écart entre une situation de départ insatisfaisante et une situation d'arrivée désirable47.

    Du Sahel aux localités menacées par Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, en passant par la corne de l'Afrique et l'est de la République Démocratique du Congo, les tensions, troubles et conflits en Afrique Centrale présentent tous sans exception une forte dimension de régime de violences dans des configurations de rapports Etats-sociétés tendant à évoluer des « logiques de paix » vers des « logiques de guerre »48. Le modèle de gouvernance de l'ère coloniale construit sur une infrastructure politique autoritaire y a pendant longtemps influencé les relations entre l'État et la société, conduisant à une crise d'identité et d'aliénation dont les séquelles demeurent aujourd'hui encore. Ce modèle voulu ou imposé aux dirigeants a eu comme conséquences immédiates la multiplication de longs conflits nationaux et internationaux, liés peu ou prou à la diversité dans près de la moitié des pays de la sous-région. Le génocide rwandais de 1994, les guerres civiles particulièrement violentes et meurtrières en Angola et au Burundi constituent des cas rappelant encore la large désarticulation entre les différentes régulations à l'oeuvre portées par certains groupes ou communautés, et la création d'un véritable vivre-ensemble pacifique et partagé de tous.

    L'histoire récente en République Centrafricaine qui se remet difficilement des cendres de la guerre civile de 2011, et l'actualité au Cameroun dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest avec l'enlisement des tensions et revendications ayant débouché sur la crise dite «anglophone», nous rappelle encore que ces conflits sont nourris et alimentés de façon contemporaine par « une combinaison de puissants facteurs identitaires et de perceptions plus larges de la justice économique et sociale »49 concernant la répartition des ressources

    46 Marie Fabienne FORTIN, Le processus de la recherche : De la conception à la réalisation, Québec, Edition Fortes, 1996, P.41.

    47 Gordon MACE et François PETRY, Méthodes en sciences humaines : Guide d'élaboration d'un projet de recherche en sciences sociales, Bruxelles, Université de Boeck, 2000, P.24.

    48 Mathias Eric OWONA NGUINI, « Les rapports Etat-société dans le processus politique en Afrique Centrale: Les montages civilisateurs et décivilisateurs du pouvoir et du droit », African journal of political sciences, Volume no2, 1999.P.143-180.

    49 Adele JINADU, « Explaining & Managing Ethnic Conflict in Africa: Towards a Cultural Theory of Democracy ». Claude AKE Memorial Paper No.1, Uppsala University, Department of Peace and Conflict Research, Nordica Africa Institute, Uppsala, 2007.

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    économiques, politiques et publiques par l'État. Au Tchad, l'actualité récente faisait encore état de « graves problèmes intercommunautaires», notamment dans l'Est du pays entre d'un côté les autochtones ouaddaiens agriculteurs, et de l'autre des tribus d'éleveurs arabes50. En République démocratique du Congo, la diversité relève aussi des problèmes de gouvernance politique et sociale dans une stratégie qui renvoie l'imaginaire collectif à une rupture de la gestion de la pluralité par les institutions de l'Etat. De ce fait, il faut interroger le «contrat social», notamment les différentes pratiques qui incarnent le vivre-ensemble garanti par des mécanismes et dispositifs spécifiques.

    Loin d'être un simple débat comme le relève fort à propos Christine INGLIS, la réalité en Afrique Centrale montre qu'il devient de plus en plus nécessaire de définir un modèle de paix qui incarne les sociétés dans leur diversité intrinsèque et mouvante. Dès lors, prévenir les troubles et les tensions ou résoudre les conflits y relève dorénavent de deux sources principales: La volonté de participation à la gouvernance émanant de groupes culturels, politiques, régionaux et socioéconomiques longtemps marginalisés ou exclus d'une part, ainsi que la (re)définition des questions de migration interne associées à la citoyenneté et à l'identité d'autre part.

    Dans ce contexte, il faut regarder les régulations existantes qui structurent la cohésion et le rapport à l'Etat des divers groupes sociaux, tant il est vrai que c'est au travers des politiques publiques qu'une société peut définir les principes d'interactions qui servent le mieux son vivre-ensemble. La question qui se pose est celle de savoir comment les Etats gèrent-ils la diversité culturelle dans la perspective de la construction de la paix en Afrique Centrale? À cette question principale, viennent s'agripper des problématiques d'ordre secondaire.

    Dans un contexte de féconde diversité culturelle, quels sont les mécanismes et les stratégies mobilisés à cet effet? Eu égard à la persistance des tensions et des crises au sein de la sous-région, quels sont les limites et les obstacles auxquels ils font face?

    50 Article à retrouver sur www.jeuneafrique.com, mis à jour le 14 Février 2019.

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    4- BLOC DES HYPOTHESES

    Dans tout travail de recherche, l'hypothèse est une proposition portant sur un rapport entre un ensemble de concepts particuliers dont on n'est pas sûr de la véracité ou de la faussété, mais au sujet de laquelle on croit que les faits pourront établir soit la vraisemblance, soit la tartuferie51. Il s'agit d'un mode de raisonnement qui part d'une affirmation, d'un à priori ou d'une proposition qu'il s'agira par la suite de confirmer ou d'infirmer expérimentalement ou empiriquement52. Selon Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUDT, « un travail ne peut être considéré comme véritable recherche que s'il se structure autour d'une ou de plusieurs hypothèses »53. Dans le cadre de notre travail d'analyse, le volet hypothétique se déclinera autour d'une hypothèse principale, et de deux hypothèses connexes.

    A-Hypothèse principale

    En Afrique Centrale, des politiques publiques favorables à la diversité culturelle orientent et structurent la cohésion et l'harmonie à l'intérieur des sociétés de plus en plus plurales et muticulturelles.

    B-Hypothèses connexes

    Une première hypothèse connexe démontre que ces politiques publiques sont principalement envisagées comme des réponses à de récentes transformations et dynamiques sociales qui ont cours dans la sous-région depuis quelques décennies. Cependant, une seconde hypothèse connexe ressort que lesdites politiques publiques sont en proie à de nombreuses limites, risques et obstacles dans leur formulation et/ou implémentation, ce qui les rend ipso facto inefficaces ou infécondes lorsqu'il s'agit d'influencer les formes contemporaines desdites transformations sociales.

    51 Benoit GAUTHIER, « Recherche sociale : De la problématique à la collecte des données », Bruxelles, Université De Boeck, 2009, P. 519.

    52 Didier COURBET, « Comment faire un projet de thèse ou de recherche de mémoire », Volume 2: Communication et expérimentation, Paris, Editions Hermès Lavoisier, 2010, P.9

    53 Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUD, Op. cité, 1995, P137.

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    5- INTERET DE L'ETUDE

    Tout travail de recherche doit exprimer clairement la portée scientifique du sujet en indiquant clairement en quoi ce dernier s'inscrit dans les préoccupations scientifiques, et le point par lequel il contribuera à l'évolution de la science sur le plan de l'avancement des connaissances, de même que son originalité et son actualité notamment du point de vue de l'angle abordé dans l'étude concernée54. Il va de soi s'agissant d'un travail mené sur la question sensible de l'action de l'Etat, l'intérêt que recèle notre sujet soit inscrit à double titre, scientifique et pratique.

    A-Intérêt scientifique

    Sur le plan scientifique, il s'agit de tirer profit de la question de la diversité culturelle qui est une actualité prégnante au sein de la plupart des sociétés modernes. Pour les Etats d'Afrique Centrale, il échoit d'envisager la diversité comme pouvant être y qualifiée et pensée différemment, l'enjeu et le défi en termes de gouvernance étant désormais clairement exprimé de manière assez consensuelle. Etant donné qu'il existe également très peu d'études de science politique portant sur une analyse des politiques publiques en rapport avec la diversité, la prise en compte de ses enjeux par les études internationales se trouve ainsi renforcée par la présente contribution. En suivant le chemin ouvert par des prédécesseurs, elle ouvre aussi de nouveaux horizons heuristiques. En termes de connaissance cumulative, notre travail entend illustrer au mieux l'idée suivant laquelle les logiques de paix en Afrique dénotent d'une perspective inséparable des constructions historique, socio-anthropoloqique et même politico-économique.

    B-Intérêt pratique

    Sur le plan pratique, il s'agit pour nous de structurer dans le champ des politiques publiques en sciences sociales, une «boite à outils»55 pour les dirigeants et décideurs politiques dans un contexte où, ceux-ci de plus en plus sont soumis à la recrudescence des conflits, tensions et revendications liés à la problématique de la diversité et de sa gestion. Il nous semble dès lors opportun et nécessaire de contribuer à la recherche de la paix et au développement de

    54 Guy Roger ASSIE et Roland Raoul KOUASSI, Cours d'initiation à la méthodologie de recherche, Ecole pratique de la chambre de commerce et d'industrie, Abidjan, 2008, P.20.

    55 Jean-Claude THOENIG, « la quête du second souffle», in Enjeux, controverses et tendances de l'analyse des politiques publiques, Revue française de Science politique, 1996, PP.102-107

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    la sous-région. Une analyse stratégique et apolitique des dynamiques de paix nous permettra de contextualiser la diversité comme mode de structuration des sociétés à l'intérieur de cet espace56. En cela, notre étude s'avère innovatrice car, elle devra sans doute appuyer l'interférence ou l'interdépendance entre la diversité culturelle et les différentes « écoles de la paix »57 jusqu'alors expérimentées dans la sous-région.

    6-PRESENTATION DU CHAMP D'ANALYSE

    Tout travail de recherche nécessite une délimitation du problème que l'on se propose d'étudier58. C'est l'opération qui permet de cerner le champ matériel d'investigation et qui peut s'entendre comme étant l'opération de délimitation du sujet dans le temps et l'espace.

    A-Délimitation temporelle

    Analyser la conduite d'une politique induit le choix d'une variable temporelle dont il convient de préciser les bornes. Dans le cadre de cette recherche, le début des années 1990 nous servira de référent temporel. Le contexte sociopolitique en Afrique est en effet favorable aux mouvements démocratiques et la montée des revendications liées à des segments sociaux qui, longtemps marginalisés réclament de plus en plus leur insertion et la prise en compte de leur spécificité au sein de l'espace public. À partir de cette période, l'univers socio-politique dans la plupart des Etats de l'Afrique Centrale laisse entrevoir un net encrage autour des discours et positions en faveur de la diversité comme panacée à des crises et tensions incessantes.

    B-Délimitation spatiale

    Sur le plan spatial, l'Union Africaine et les deux communautés économiques régionales (la Communauté économique des Etats de l'Afrique Centrale -CEEAC- et la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale -CEMAC-) ayant chacune une définition différente des Etats membres composant l'« Afrique centrale »59, les recherches aux fins de ce

    56 Patrick QUANTIN, « L'Afrique Centrale dans la guerre : Les Etats fantômes ne meurent jamais », African journal of political science, Vol.6, n°2, 1999, P34.

    57 Daniel COLARD, « De la paix par la force à la paix par la sécurité coopérative et démocratique », ARES n°45, Volume 18, Mai 2000, P.41-60.

    58 Jean-Louis LOUBET DEL BAYLE, Initiation aux méthodes des sciences sociales, Paris, l'Harmattan, 2000, P. 51.

    59 Les membres de la CEEAC sont l'Angola, le Burundi, le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la République du Congo, le Rwanda, Sao

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    travail ont globalement privilégié ceux faisant partie de la CEEAC, région médiane du continent qui part du Tchad au Nord au Sud de la RDC et du Burundi à l'Est du bouclier ouest-africain au Sao-Tomé et principe à l'Ouest de la vallée du grand rift60.

    En faisant preuve de souplesse, notre recherche s'inscrit nécessairement dans une perspective globale. Prenant en considération la sous-région dans son ensemble, les présents travaux évitent délibérément un encrage approfondi au cas spécifique et particulier d'un Etat, quoique ce rapprochement n'est pas à exclure. Sa valeur ajoutée réside dans le fait qu'ils illustrent un cadre de compréhension passant avant tout par la façon de percevoir les politiques publiques en tant qu'une « seule unité d'analyse »61. Par ailleurs, notre approche se justifie dans la construction de la sous-région sur une mosaïque d'identités plurales et variées. L'intérêt et le défi est donc de réussir à faire cohabiter à l'intérieur de cet espace les différentes communautés et les groupes sociaux, en vue de réduire à leur plus simple expression les tensions et les conflits qui y pullulent depuis plusieurs décennies. Au-delà de ces considérations, l'intérêt à travailler précisément sur les Etats membres de la CEEAC vient du sentiment assez répandu selon lequel cette organisation régionale à vocation économique n'aurait pas grand-chose à apporter sur les problèmes de paix et de sécurité que connaît la sous-région Afrique centrale.

    7- CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES

    En sciences sociales, une méthode est un ensemble de démarche que le chercheur suit pour découvrir et démontrer la vérité62. KAPLAN le relevait déjà, « le propre de la méthode est d'aider à comprendre au sens le plus large, non les résultats de la recherche scientifique, mais

    Tomé-et- Principe et le Tchad, sachant que le Rwanda a réintégré ses rangs en 2015 après un hiatus de huit ans.

    Les membres de la CEMAC sont le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine, la République du Congo et le Tchad.

    Selon la définition de l'Union africaine, l'Afrique centrale regroupe le Burundi, le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la République du Congo, Sao Tomé-et-Principe et le Tchad.

    60 Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale, Profil, www.ceeac-eccas.org.

    61 Louise HERVIER, « Le néo-institutionnalisme sociologique », Dictionnaire des politiques publiques, 2010, PP.374-383.

    62 Madeleine GRAWITZ, Méthodes de recherche en sciences sociales, me édition, Paris, Dalloz, 1986, P.446.

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    le processus de la recherche en question »63. La méthode renvoie ainsi à l'ensemble des opérations intellectuelles que le chercheur met en oeuvre pour démontrer, vérifier et établir les vérités qu'il poursuit, ainsi que l'attitude concrète qui dicte la manière d'organiser la recherche afin de parvenir à la connaissance scientifique64. Pour nos travaux, nous retiendrons deux volets méthodologiques qui intègrent de manière succincte les méthodes d'analyse d'une part, et les techniques de collecte des données d'autre part.

    A-Les méthodes d'analyse

    Dans ce cadre, il s'agit d'opérer des choix qui permettent de rendre compte de façon paradigmatique du comment la recherche procède afin d'analyser la question principale qu'elle s'est assignée65. Notre activité de sélection et de mise en ordre relève comme méthodes, l'analyse cognitive des politiques publiques, et celle relativement nouvelle de l'institutionnalisme sociologique.

    1-L'analyse cognitive des politiques publiques

    Selon Pierre MULLER, dans une société donnée, les politiques publiques viseraient principalement à « saisir l'Etat à partir de son action »66. Par conséquent, une politique publique n'existe que parce qu'il y'a un problème, et son élaboration apparait comme la réponse du pouvoir politique à ce problème67.

    Dans sa dimension cognitive, ce sont ces éléments qui permettent de rendre compréhensible l'analyse de la politique publique ainsi édictée. Ils constitueraient ainsi un niveau de compréhension spécifique de l'activité politique de l'Etat centré sur l'aptitude de ce dernier à «résoudre les problèmes»68 par la légitimation nécessaire des inputs (construction

    63 Abraham KAPLAN, 1964, The Conduct of Inquiry: Methodology for behavioral sciences, San Francisco, Chandler ed. P 428.

    64 Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUD, Idem.

    65 Gordon MACE et François PETRY, Méthodes en sciences humaines : Guide d'élaboration d'un projet:de recherche en sciences sociales, Bruxelles, Université de Boeck, 2000, P 37.

    66 Pierre MULLER, « Les politiques publiques », Presses Universitaires de France, 10ème édition, 2013, P.128.

    67 Pierre MULLER (Dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Presses de Sciences Po, 3ème édition, 2010, P.776.

    68 Pierre MULLER, « L'analyse cognitive des politiques publiques: Vers une sociologie politique de l'action publique », Revue française de science politique, 2000, PP.189-208.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    d'une identité collective avec d'autres acteurs sociaux), ainsi que des outcomes c'est-à-dire les résultats et les solutions recherchés. De visée essentiellement pragmatique, cette dimension perçoit la politique publique comme le produit des institutions politiques, des pratiques administratives, de traditions et cultures politico-administratives propres à chaque société. En d'autres termes, les politiques publiques sont des constructions sociales qui ressemblent à la société dans laquelle elles baignent. Dans cette approche, l'analyse des politiques publiques offre la possibilité de construire des cadres d'interprétation de la société en posant la question des rapports entre les activités politiques de l'Etat et la structuration de l'ordre social, tout en mettant principalement l'accent sur l'observation des résultats de cette action étatique.

    Dans le cadre de nos travaux, l'approche cognitive des politiques publiques nous a permis d'identifier et légitimer l'action de l'Etat dans la recherche des solutions au «problème social»69 que pose la diversité au sein des Etats de la sous-région Afrique centrale. De même, cette approche nous offre des outils d'analyse du cadre et de la pertinence des résultats obtenus de cette activité étatique.

    2- L'institutionnalisme sociologique

    Selon HALL Peter et Rosemary TAYLOR, l'institutionnalisme sociologique ou néo-institutionnalisme sociologique est une théorie qui émerge en réaction aux perspectives behavioristes des années 60 et 70 qui entendent « élucider le rôle joué par les institutions dans la détermination des résultats sociaux et politiques»70. Selon cette approche des courants néoinstitutionnalistes, les institutions par les codes culturels et cognitifs dessinent les frontières du politique en inculquant aux acteurs des idées précises quant à la légitimité de leur action et de leur comportement. L'institutionnalisme sociologique confère aux institutions une influence déterminante dans la constitution des préférences et des comportements sociaux acceptables, ainsi que l'interprétation des situations plutôt que leur évaluation. Cette variante de

    69 Howard BECKER, «Social Problems: A modern approach», New-York, John Wyler, 1966, P. 11.

    70 Peter HALL et Rosemary TAYLOR, « la science politique et les trois néo-institutionnalismes », Revue française de sciences politiques, 1997, 47, PP.469-482.

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    l'institutionnalisme est plus clairement associée avec la définition normative, où les normes sont comprises moins comme des règles, que des paramètres culturels et symboliques71.

    Dans le champ des politiques publiques, cette branche suggère que les institutions structurent le comportement des acteurs sociaux et les forcent ainsi à s'adapter à elles. C'est ce qui leur confère une légitimité qui s'accumule et s'accroit dans le temps, d'où la notion d'isomorphisme qui pose que la création de nouvelles institutions se fait dans une logique de compatibilité avec celles déjà existantes. Il s'agit là d'une variable indépendante qui façonne les acteurs, fait naître leurs intérêts et leurs préférences dans la «routinisation» des relations sociales, peu importe leur nature exacte72. Cela renvoie à une double réalité: D'une part, les politiques publiques apparaissent comme des facteurs d'ordre définissant les «règles de jeu», et les «cadres de signification» du comportement des acteurs sociaux. D'autre part, elles représentent l'ensemble des «règles, procédures ou mesures formelles, mais aussi les systèmes de symboles, les schémas cognitifs et les modèles moraux» dont se dotent les gouvernements dans la mise en oeuvre de leurs activités politiques73.

    La réalité des relations sociales en Afrique Centrale étant «construite» ou «coconstituée», selon l'expression de KATZENSTEIN, KEOHANE et KRASNER74, l'institutionnalisme sociologique nous permet de comprendre comment les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle en Afrique centrale sont élaborées, structurées et référencées à l'intérieur des relations de pouvoir dont les variables sont soumises à de nombreuses limites et obstacles.

    B-Les techniques de collecte de données

    Construit alternativement entre reflexion théorique et travail empirique, notre cheminement méthodologique consiste à axer notre analyse autour de la recherche documentaire qui servira de canevas pour le recensement des travaux précédents et actuels dans

    71 André LECOURS, « L'approche institutionnaliste en science politique: Unité ou diversité », Politiques et sociétés, Université Concordia, Vol.21, N03, 2002.

    72 Idem

    73 Louise HERVIER, Idem

    74 Peter KATZENSTEIN, Robert KEOHANE et Stephen KRASNER, « International Organization and the Study of World Politics », International Organization, n°52, 1998, PP. 645-685.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    le domaine. En outre les entretiens exploratoires, les sources électroniques, et Internet par des bases de données spécialisées nous seront d'un important usage.

    1-La recherche documentaire

    Dans les sciences sociales, la recherche scientifique nécessite un travail de documentation préalable à travers la lecture des livres, des archives ainsi que des comptes rendus et autres rapports de diverses natures.

    Tout au long de cette étude, nous avons utilisé les ouvrages généraux en sciences politiques, relations internationales, et sociologie politique. Dans cet ordre d'idées, nous avons fait usage des ouvrages spécialisés sur les processus de sortie de crise et de construction de la paix, les politiques publiques, la diversité et ses différentes problématiques que sont notamment le management et la gestion.

    Pour ce qui est des documents officiels, nous avons procédé à une exploitation munitieuse des « politiques publiques codifiées » que sont notamment les Constitutions écrites du Cameroun, Congo, Burundi, Rwanda, République Démocratique du Congo et République Centrafricaine, les textes et instruments juridiques nationaux et internationaux à l'instar des Lois No18/2008 du 23 Juillet 2008 portant répression du crime d'idéologie du génocide et No47/2001 sur la prévention, la répression et la punition des crimes de discrimination et pratique du sectarisme au Rwanda, les décrets No 2017/013 du 23 Janvier 2017 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, les Loi N02004/017 du 22 Juillet 2004 portant orientation de la décentralisation, Loi N02004/018 du 22 Juillet 2004 portant sur les règles applicables aux communes ; Loi N02004/019 fixant les règles applicables aux régions au Cameroun, etc.

    Par ailleurs, outre les travaux scientifiques et universitaires répertoriés (thèses, mémoires, articles...) nous avons exploité les rapports, périodiques, et autres revues issues des résolutions et recommandations adoptées par des organisations internationales au rang desquelles l'UNESCO, le PNUD, ainsi que les rapports sur la gouvernance et la gestion de la diversité en Afrique de la Communauté économique africaine (CEA), notamment ceux de 2010 et 2011, les éditions du Journal africain des Sciences politiques dont les thématiques sont spécifiques à la diversité des sociétés, les politiques publiques ou toutes autres questions relatives à la paix. Toute cette documentation a été consultée et obtenue auprès de la

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    bibliothèque de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun, la Fondation Paul ANGO ELA, et la bibliothèque du ministère de la recherche scientifique et de l'innovation, ou auprès des bureaux et représentations diplomatiques du PNUD et de l'UNESCO basés à Yaoundé.

    2-L'entretien

    L'entretien en sciences sociales est « un procédé d'investigation scientifique utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des informations en relation avec le but fixé »75. Il s'agit d'une technique exploratoire qui consiste en l'utilisation de questions plus ou moins directes, adressées à un interlocuteur rencontré fortuitement ou choisi en fonction des critères préalablement établis76. Nous l'avons utilisé sous sa forme semi-directive. L'approche par entretien a ainsi consisté à se rendre auprès des «personnes ressources», notamment les enseignants-chercheurs, et professionnels de terrain présents au Cameroun. Concernant les personnes interviewées, nous avons établi un échantillon représentatif des personnes aux profils suffisamment diversifiés pour obtenir un panorama global des réponses susceptibles d'intégrer notre problématique. Nous avons eu des échanges fructueux avec mesdames Manga EDIMO77 et NEKDEM Florentine78, ainsi que KENHOUNG Yanic79 et TSAFACK Delmas80, qui ont mis à notre disposition des informations précieuses sur les politiques publiques ou les questions de paix en Afrique.

    Dans le cadre de la présente analyse, ce choix méthodologique se justifie par sa grande flexibilité. L'entretien mené n'est ni entièrement ouvert, ni canalisé par un grand nombre de questions, mais il impose une série de questions relativement bien pensées afin de permettre à

    75 Madeleine GRAWITZ, Op cité.

    76 Marc Adélard TREMBLAY, Initiation à la recherche dans les sciences humaines, Paris, Armand Colin, 1968, P189.

    77 Manga EDIMO est enseignante-chercheuse à l'IRIC et à l'université de Yaoundé II à Soa. Son champ de recherche concerne les relations internationales et les politiques publiques.

    78 Florentine NEKDEM est la promotrice principale de l'ONG dénommée DUCA, active dans les domaines de la paix et l'intégration des catégories sociales défavorisées en Afrique. Elle a souvent officié dans de projets nombreux pour des organisations internationales telles que le PNUD ou l'UNICEF.

    79 Yanic KENHOUNG est docteur en sciences politiques de l'Université de Dschang, Il s'intéresse principalement aux questions d'intégration régionale et de paix en Afrique centrale.

    80 Delmas TSAFACK est docteur et chercheur en relations internationales.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    nos interlocuteurs de fournir des réponses impératives, et à même de nous aider à vérifier et confirmer les hypothèses que nous avons préalablement émises.

    8- STRUCTURE DE L'ETUDE

    Notre travail est structuré en deux grandes parties. La première partie présente le contexte et les enjeux, ainsi que le dispositif juridico-institutionnel de la gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale.

    Cette partie se subdivise en deux chapitres. Le premier chapitre analyse le contexte et les enjeux de la diversité culturelle comme instruments des processus de construction de la paix en Afrique Centrale. Il analyse les champs et les répertoires de la diversité culturelle au sein des Etats de l'Afrique centrale. Le deuxième chapitre quant à lui traite du dispositif juridico-institutionnel des politiques de gestion de la diversité culturelle.

    La deuxième partie de notre étude examine les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans leur capacité à assurer la réalisation des processus de construction de la paix. De ce fait, le troisième chapitre met en exergue les mécanismes et les stratégies mis sur pied pour la gestion de la diversité culturelle, tandis que le quatrième chapitre présente les limites, les risques et les obstacles liés à l'implémentation des politiques publiques de gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale.

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

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    PREMIERE PARTIE: CONTEXTE ET DISPOSITIF JURIDICO-INSTITUTIONNEL DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE POUR LA CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE

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    Au cours de ces dernières décennies, la dynamique socio-politique de l'Afrique Centrale est caractérisée par une prolifération des pressions, crises et tensions qui en font une importante « zone de concentration de conflits » 81. La sous-région affiche un bilan mitigé en termes de développement économique, mais aussi de stabilité politique. Etant un espace marqué par une pluralité de réalités, et une zone de grande concentration des identités ethniques, religieuses ou linguistiques, l'Afrique Centrale en contexte géopolitique reste difficile à cerner avec pertinence et intelligence.

    Pour la plupart, ces troubles, tensions et crises sont mus par la détermination des rapports qu'ont les différents groupes sociaux avec la gestion de la diversité culturelle au sein des Etats depuis les années des indépendances. Elles ont connu une accentuation avec les mouvements de libéralisation intervenus au début de la décennie 1990, sans que toutefois des réponses définitives y soient apportées. Aujourd'hui encore, la prise en compte de la diversité culturelle et les différentes interactions qu'elle est censée susciter devient un enjeu essentiel dans la prévention et l'apparition de nouveaux foyers de tensions, et crises dans une sous-région considérée plus ou moins à juste titre comme étant essentiellement «conflictogène»82.

    Dans ce chapitre, il est question d'examiner les conditions et les configurations par lesquelles l'Afrique Centrale intègre les nouveaux défis et enjeux de la diversité culturelle dans la recherche de la paix. À cet effet, il serait judicieux de faire de la diversité culturelle un instrument majeur des processus de construction de la paix en Afrique Centrale (Chapitre 1). Cela soutend que des politiques publiques soient favorablement édictées et implémentées par un cadre normatif et institutionnel soucieux de la préserver au mieux (Chapitre 2).

    81 Patrick QUANTIN, Idem

    82 Paul ANGO ELA, "La prévention des conflits en Afrique Centrale: Prospective pour une culture de la paix", Presses de la nouvelle imprimerie Laballery, 2001, PP. 23-27.

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    CHAPITRE 1: CONTEXTE ET ENJEUX DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LES PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE

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    L'Afrique Centrale apparaît comme une zone fragmentée et divisée, en proie à différentes communautés où les rivalités locales sont entremêlées de conflits géostratégiques, politiques et religieux. L'actualité récente et l'histoire de cette sous-région ne peuvent qu'attester de ce phénomène. Pourtant, la diversité culturelle y est presentée comme un construit social, un concept englobant et multiforme faisant appel à un ensemble d'hétérogénéité raciale, ethnique, religieuse, de genre, ou de pouvoir entre les différents groupes sociaux.

    Il convient toutefois pour garantir une lecture appropriée de la conflictualité en Afrique Centrale de ne pas occulter «l'obsolescence de la culture» comme source de paix ou de guerre entre les Etats83. En effet, l'enjeu que revêt la dimension culturelle des processus de construction de la paix est tributaire du fait que les tensions, crises et conflits sont le produit d'une exploitation considérable du capital culturel en Afrique. À côté des mécanismes traditionnels de résolutions des conflits et de sortie de crise, la dimension culturelle des processus de paix a été la marque d'une utilisation de la diversité culturelle dans de nombreux cas recensés dans la sous-région.

    Cette dimension des processus de construction de la paix laisse entrevoir une capitalisation des enjeux de la gestion de la diversité culturelle. Dans ce chapitre, il est question dans un premier temps de ressortir les champs et les répertoires de la diversité culturelle en Afrique Centrale comme outils de paix (Section 1), même si dans un second temps, la diversité culturelle peut être source d'exacerbation de la conflictualité (Section 2).

    Section 1: Les champs et les répertoires de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    En Afrique Centrale, la diversité désigne la pluralité de groupes d'identités qui habitent un pays. Aux plans ethnique, religieux et linguistique, très peu de pays ou de sociétés sont parfaitement homogènes. Leur diversité tient au large éventail de relations d'association ou de groupe qu'entretiennent les individus ou groupes à certains marqueurs d'identité, tels que l'appartenance ethnique, la langue, et la religion, selon lesquels ils sont classés84. Cette diversité

    83 Mwayila TSHIYEMBE, « Les principaux déterminants de la conflictualité », in Paul ANGO ELA, La Prévention des conflits en Afrique centrale. Prospective pour une culture de paix. Paris, Karthala, 2001, P.14.

    84 David BARRETT, Liste établie des groupes ethniques en Afrique par pays, rapport de mission publié dans the Africa Mission Resource Centre, 2003.

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    s'explique aussi à la fois par la multiplicité des milieux favorisant les processus d'individualisation culturelle par l'histoire du peuplement et des migrations d'une part, et par la complexité historique qui présente la sous-région comme l'un des espaces «carrefours» du continent d'autre part. Elle est à la fois d'ordre ethnique (Paragraphe 1), religieuse (Paragraphe 2) et linguistique (Paragraphe 3).

    Paragraphe 1: La diversité ethnique en Afrique Centrale

    La notion d'ethnie est controversée au sein de l'anthropologie contemporaine, notamment francophone. Pour Michel FOUCHER, l'ethnie est « un ensemble social composé d'individus qui se reconnaissent en commun un certain nombre de traits (origine,langue) et qui dispose d'un terme spécifique pour nommer ainsi le groupe formé »85. À en croire Eric HOBSBAWN, l'ethnie a deux caractéristiques: Soit le groupe ethnique se donne lui-même un nom qui lui permet de se distinguer par rapport à d'autres entités, soit les caractéristiques retenues pour définir un groupe proviennent de l'extérieur86. Il s'agit d'une variable qui pendant longtemps a permis de définir l'Afrique comme un continent aux identités plurielles.

    En termes d'analyse géopolitique, une double question se pose : la diversité ethnique est-elle un obstacle à la formation de l'unité nationale ? la présence de groupes ethniques en position transfrontalière est-elle un facteur d'instabilité régionale ? Pour mieux appréhender la question de la diversité ethnique en Afrique Centrale, il faut dans un premier temps analyser son aire ethnoculturelle originelle (A), et faire ressortir dans un second temps la diversification qu'a entrainé le fait de la colonisation (B).

    A- L'aire ethnoculturelle et la diversité originelle en Afrique Centrale

    L'étude des ensembles qui servent d'assise ethnoculturelle au sein des Etats de l'Afrique Centrale n'est pas dissociable des réalités sociopolitiques des études anthropologiques des sociétés africaines depuis les indépendances87. Les ensembles ethnoculturels sont pour la

    85 Michel FOUCHER, Fronts et frontières, un tour du monde géopolitique, Fayard, 1991, P.34.

    86 Eric HOBSBAWM, « Qu'est-ce qu'un conflit ethnique?, Actes de la recherche en Sciences sociales », Volume 100, Décembre1993, PP.52.

    87 Bruno MARTINELLI, « Diversité et convergence culturelle en Afrique Centrale », in Patrimoine esthétique et artistique Centrafricain, Revue Centre Africaine d'Anthropologie, No4, PP.3-33.

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    plupart issus des processus de décomposition et de recomposition historiques provoqués par la dynamique des sociétés et des Etats. Ils sont le produit des déplacements migratoires de plus ou moins grande envergure, plus ou moins volontaires, ainsi que des contacts interculturels qui résultent des situations de confrontation et de coexistence. L'Afrique centrale se caractérise par une extraordinaire diversité ethnique : Les ethnologues ne répertorient pas moins de 250 groupes différents pour la seule RDC et près de 300 pour le Cameroun. Ces dynamiques d'échanges posent des hypothèses de « parenté esthétique »88 entre les ensembles culturels du Cameroun oriental ou septentrional au nord de la République Centrafricaine, entre les hautes-terres du Cameroun et la République Démocratique du Congo, voire la région des Grands Lacs.

    Il existe certes plusieurs exemples d'espace culturel commun dans les différentes régions frontalières des territoires, notamment parmi les groupes ethniques Baka (Cameroun, Gabon, République du Congo), Béti-Pahouin (Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, République du Congo et Sao Tomé-et-Principe), Peul (peuple nomade vivant sur un vaste territoire qui englobe le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad et de nombreux autres pays hors Afrique centrale), Kanuri (Cameroun, et Tchad), Sara (Cameroun, République centrafricaine et Tchad) et Zande (République centrafricaine, République démocratique du Congo et Congo-Brazaville). Des groupes ethniques répartis sur plus d'un pays sont plus importants numériquement que la population de certains pays: Les Haoussas, près de 10 millions au Tchad, au Cameroun, et au Congo; les Ibos, 30 millions au Cameroun. La plupart des groupes ethniques ont été éclatés entre plusieurs pays. Au nombre des exemples figurent les Banyarwanda repartis entre le Rwanda, l'Ouganda, la République démocratique du Congo, le Burundi et bien d'autres. Les présumés Bantou occupent le Sud-Ouest de la sous-région au contact des Pygmées. Outre les Mbuti de la forêt de l'Ituri divisés en trois groupes dans l'Est de la République Démocratique du Congo, l'on recense les Aka et les Mbenzele en République Centrafricaine, le Babinga au Gabon et à l'ouest du Congo, les Twa au Burundi, au Rwanda, au Sud-Ouest et au centre-Ouest de la RDC89. Les Groupe Bantou (80 % de la population: Groupe soudanique central et ancienne population de Nubie Groupe nilotique : Alur, Kakwa, Bari ; Groupe chamite : Hima-Tutsi Groupe pygmée : Mbuti, Twa, Baka, Babinga.

    88 Jean Loup AMSELLE et Eliki'a MBOKOLO, Au coeur de l'ethnie: Ethnies, tribalisme et Etat en Afrique, Ed. La Découverte, Paris, 1985, P.34.

    89 Voir la liste de groupes ethniques en Afrique par pays établie par David BARRETT, rapport de mission publié dans the Africa Mission Resource Centre, 2003.

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    Toutefois, la question de savoir dans quelle mesure les liens ethniques peuvent déboucher sur une fusion plus large de normes, qui pourrait à son tour contribuer à constituer une identité sous régionale positive ou plurielle est un sujet complexe90. En effet, comme cela apparaît clairement, ces liens ethniques traversent également les frontières vers d'autres sous-régions et peuvent alimenter certains discours et tendances déjà longtemps entretenus par la colonisation.

    B- La colonisation et la diversification des groupes ethniques

    Au sein des sociétés, les ethnies sont originellement et essentiellement des catégories de désignation identitaire mises en oeuvre par les individus et les groupes communautaires à travers leurs interactions sociales. Cette catégorie dont la pertinence est limitée à des conjonctures d'interaction constitue les résultantes de processus historiques et de dynamiques sociales, dont l'une des expressions est l'identification d'espaces définis par des limites territoriales et spatiales. L'analyse ethnique est tronquée si on ne l'aborde qu'en termes de subdivision des populations et des territoires. Les appartenances ethniques participent en effet aux dynamiques linguistiques et culturelles qui transcendent les groupes et les frontières, constituant ainsi autant de strates pouvant entraver les processus d'intégration91.

    La période coloniale en Afrique a été marquée par la stratégie du «diviser pour régner». La notion de diversité liée à l'identité ethnique était extrêmement manipulée et systématisée dans les organes du pouvoir. Par des «théories colonialistes de l'origine ethnique», le divisionnisme et la discrimination devinrent même encore plus profondément ancrés au sein des sociétés africaines92. L'accès aux services publics, tels que l'éducation et la fonction publique, reposait sur un système de quotas ethniques. Les divisions ethniques faisaient partie des cours dispensés quotidiennement à l'école. Des dirigeants corrompus exploitaient le système à des fins politiques.

    La colonisation a donc accentué les diversités ainsi que la polarisation et les contradictions dans de nombreux pays de la sous-région, approfondissant les clivages ethniques, compliquant

    90 L'Afrique centrale, une région en retard ?, Premier rapport d'évaluation stratégique sous régionale du PNUD, Mars 2017.

    91 Idem

    92 Olivier MBODO, « Violences ethniques en Afrique », Revue N0715, Mars 2007.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    ainsi les questions de citoyenneté et empêchant la réalisation de la cohésion et l'identité nationale. Selon MOFFA C. « le pouvoir colonial avait institué un système de classification ethnique avec des cartes d'identité obligatoire spécifiant l'ethnie d'appartenance (...). Les préjugés et différents qui s'y rattachent avaient créé une division et un climat qui ont contribué à l'instabilité (...) » 93. À cet effet, les relations postcoloniales entre la RDC et le Rwanda comptent un nombre important de déplacés en territoire congolais. Cela a été un prétexte pour soutenir des groupes sociaux congolais, toute chose qui continue de durcir les rapports conflictuels entre les deux pays.

    Même si on considère que l'histoire coloniale n'a pas vraiment figé les ensembles ethniquement identifiables dans des limites intangibles, toute approche qui tiendrait à fixer des cadres géographiques trop précis relèvent à la fois leur profondeur historique et anthropologique. La multiplicité des ethnies n'est pas en soi un obstacle au fonctionnement de l'Etat : Les ethnies ne constituent qu'un cadre de référence identitaire parmi d'autres, à une échelle les situant entre le groupe familial de proximité et l'Etat. Ethnie et Etat cessent d'apparaître comme des catégories antagonistes dès lors qu'on raisonne en termes d'emboîtements et non d'exclusion. Les 38 groupes ethniques du Gabon n'altèrent pas la réalité d'une identité gabonaise. La RDC voisine du Rwanda, du Burundi et de l'Angola est composée d'une centaine de groupes ethniques partagés avec beaucoup de pays de la sous-région. De même, l'existence des plus de 250 ethnies répertoriées en RDC n'est pas incompatible avec le sentiment d'appartenir à une entité congolaise englobant. Mais le paradoxe n'est qu'apparent, plus il y a d'ethnies et moins il y a de problème ethnique à l'intérieur d'un Etat, aucune n'étant en mesure de revendiquer un quelconque leadership94.

    Paragraphe 2: La diversité religieuse en Afrique Centrale

    La diversité religieuse fait maintenant partie de la trame sociale de toutes les sociétés contemporaines. À des degrés divers, tous les États doivent composer avec cette réalité qui prend d'ailleurs de multiples visages. L'Afrique Centrale n'échappe pas à cette réalité inscrite d'ailleurs au creux de son histoire. Aujourd'hui, cette diversité prend des visages plus variés

    93 Claudio MOFFA, « L'ethnicité en Afrique, l'implosion de la question nationale après la décolonisation », Publications de l'Université de Teramo, P15.

    94 Claudio MOFFA, idem

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    que par le passé. La diversité religieuse s'y manifeste de diverses manières. Son portrait se veut d'ailleurs nuancé et complexe. Il convient de l'analyser sous le double angle de la trame du pluralisme religieux d'une part (A), ainsi que la cohabitation religieuse qu'elle entraine d'autre part (B).

    A-La trame du pluralisme religieux

    Dans le contexte de crise généralisée de l'Afrique centrale, les religions jouent un rôle décisif dans les processus de socialisation. Elles doivent donc être pleinement prises en compte dans l'étude des dynamiques socio-culturelles régionales. Par ailleurs, la sous-région est écartelée entre son affiliation à la religion musulmane et son appartenance à la religion chrétienne. La concurrence qu'elles se livrent souligne aussi leur investissement idéologique, qu'il s'agisse de l'église catholique latine, des églises protestantes anglo-saxonnes, des nouvelles églises et sectes au succès grandissant (églises de réveil, pentecôtismes etc.) ou de l'islam. Les conversions sont de plus en plus nombreuses et rapidement, la présence sur un même territoire de sujets professant des convictions religieuses différentes pose de nouveaux défis aux autorités royales et religieuses. Ce n'est qu'après plusieurs affrontements marqués par de sanglants épisodes que s'instaureront les modalités d'une certaine tolérance religieuse. L'émergence du protestantisme, puis l'avènement de l'anglicanisme va venir briser l'hégémonie catholique Parallèlement, l'islam, née au VIIe va rapidement se diffuser en Afrique Centrale. Confronté à la diversité des croyances dans les régions où il prend pied, cet islam conquérant, après une période de domination reposant sur les armes saura s'implanter en démontrant une relative tolérance et permettant ainsi un certain syncrétisme. Le contact direct entre Dieu et le croyant ainsi que l'absence de clergé favorise cette souplesse.

    L'écho du pluralisme religieux joue ainsi un rôle irremplaçable dans le fonctionnement des communautés. Avec l'effacement de l'Etat, les institutions religieuses sont de plus en plus présentes dans l'économie. Tel évêque se fait entrepreneur pour améliorer l'état des routes et permettre l'approvisionnement des marchés urbains. L' « archipellisation » du territoire a favorisé toutes sortes d'initiatives locales95. Par l'action des églises, les groupes sociaux religieux s'insèrent ainsi dans des réseaux régionaux et internationaux qui sont autant de facteurs d'ouvertures et de rapprochements possibles.

    95 Lasseur MAUD, « Cameroun: Les nouveaux territoires de Dieu », in Afrique contemporaine, 2005/3, Numéro 215, P.12.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    Malgré un discours parfois simpliste et variable selon les États, l'évocation du nettoyage ethnique et religieux durant la récente crise centrafricaine ainsi que l'extrémisme violent qui se manifeste à l'échelle sous régionale, soulignent également l'importance accordée aux aspects religieux de la construction d'une cohabitation soignée et harmonieuse entre les peuples et les communautés.

    B-De la cohabitation religieuse en Afrique Centrale

    Dans de nombreux pays africains, la religion est la « ligne de fracture »96 qui a fragilisé la transition. Même si elle ne représente pas un facteur décisif dans la politique de beaucoup de pays d'Afrique sub-saharienne, elle peut provoquer des tensions et même conduire à des troubles et des conflits. Le caractère de la mosaïque religieuse y est souvent considéré comme source de conflits, pourtant la plupart des religions qui sont recensées se sont juste incrustées dans l'imaginaire des africains au point d'être un référent de la cohabitation religieuse.

    Dans la plupart des Etats, aux Églises chrétiennes présentes depuis les débuts de la colonie, plusieurs autres religions et mouvances religieuses diverses sont venues s'ajouter, dans une société où les personnes déclarant n'avoir aucune affiliation religieuse constituent maintenant le second groupe en importance De plus, avec la montée de courants fondamentalistes au sein des diverses religions, tant chrétiennes que non-chrétiennes, le dialogue est d'autant plus important que depuis une vingtaine d'années, la présence de groupes religieux minoritaires au sein des grands groupes religieux (islam, sikhisme, bouddhisme) soulève de nouvelles interrogations et interpelle97.

    Dans un contexte où la diversité religieuse fait partie du tissu social, la séparation entre l'État et les religions permet d'assurer à chaque individu un traitement équitable. Elle contribuera par exemple, à garantir l'impartialité religieuse des institutions étatiques dans le sillage de la laïcité. La notion de laïcité fait partie de la théorie de la démocratie, la laïcité de l'État et des institutions communes d'une société démocratique étant le garant du traitement

    96 Samuel HUNTINGTON, Le choc des civilisations, Flammarion, Paris, 1992.

    97 En effet, de tels courants existent dans toutes les religions : le protestantisme compte les adventistes du 7e jour, les témoins de Jéhovah et les « Born Again Christians », les catholiques ont l'Armée de Marie et l'Opus Dei, l'islam, le sunnisme et le chiisme. Aucun grand groupe religieux n'échappe à cette tendance qui se caractérise généralement par une interprétation très littérale des textes sacrés.

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    pluraliste de la diversité religieuse (potentiellement vulnérable à la discrimination) en son sein. Un principe qui doit nécessairement s'appuyer sur les droits individuels.98

    La laïcité constitue en effet un corollaire des droits et libertés. Elle ne signifie donc pas que les diverses religions et croyances n'ont plus de place dans l'espace public civique, ni que les manifestations de croyances dans l'espace public pourraient être interdites. Les individus, en tant que porteurs de croyances et de convictions ont le droit reconnu d'exercer leur liberté de conscience et de religion, et de l'exprimer dans l'espace public. La laïcité s'impose donc aux institutions afin que les individus puissent jouir pleinement de leurs droits et de leurs libertés. De manière générale, il s'agit en contexte par une stratégie globale de prise en compte de la diversité visant à éviter toute forme de discrimination ou d'exclusion ainsi que par une approche de l'intégration qui veut éviter à la fois le repli identitaire et l'anomie.

    La liberté de religion est un droit individuel qui se traduit collectivement par le droit pour les membres d'une même religion de se réunir et de manifester leur foi. La liberté de religion comprend le droit de la professer, de l'enseigner et de la propager, donc par voie de conséquence, le droit du fidèle de fréquenter un lieu de culte et sur le plan collectif, le droit pour la communauté religieuse de construire et de posséder un lieu de culte pour se réunir et pratiquer les rites de ses croyances religieuses99.

    La prise en compte de la diversité religieuse fait partie d'une saine gestion des rapports sociaux. Il faut d'une part éviter que la croyance ne devienne un prétexte d'exclusion, et d'autre part, créer les conditions pour favoriser la pleine participation des personnes de toutes confessions afin d'éviter l'auto-exclusion. Or, c'est bien au gouvernement qu'incombe la responsabilité de s'assurer que toutes les conditions sont réunies pour que tous les citoyens quelles que soient leurs convictions religieuses ou leur origine ethnique entretiennent entre eux des relations marquées par le respect, la tolérance et l'ouverture. À partir de ce cadre où l'expression de la religion dans la sphère publique est acceptée comme une réalité sociale, comme l'expression des droits reconnus à tous par les lois et les règlements en vigueur, et

    98 Guy BOURGEAULT, « L'espace public et la dimension politique de l'expression religieuse », in Les relations ethniques en question : Ce qui a changé depuis le 11 septembre, sous la direction de J RENAUD, L. PIETRANTONIO et G. BOURGEAULT, Presses de l'Université de Montréal, Montréal, 2002, PP. 213-227.

    99 José WOEHRLING, « L'accommodement raisonnable et l'adaptation de la société à la diversité religieuse », in Revue de droit de McGill (1998) 43, 325, PP. 401-473.

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    comme une modalité du vivre-ensemble, découlent pour les institutions publiques certaines responsabilités: Développement, formation, et adaptation des services à la diversité religieuse.

    Ces adaptations sont alors consenties non pas au nom d'une tolérance mal définie ressemblant à une démission, mais au nom de la laïcité des institutions au sein de l'Etat. L'accommodement raisonnable, est une obligation juridique qui se traduit par une attitude de négociation où chaque partie se doit de reconnaître l'Autre dans sa spécificité au nom du vivre-ensemble. Cependant, parce qu'il a une dimension strictement individuelle, l'accommodement raisonnable ne peut à lui seul suffire pour assurer une saine gestion de la diversité religieuse. L'identité religieuse n'a pas seulement besoin d'être accommodée, elle a aussi besoin d'être reconnue comme une part de l'identité des citoyens, une part qui ne nuit en rien au vivre-ensemble100.

    Paragraphe 3: La diversité linguistique en Afrique Centrale

    Le concept de diversité linguistique, l'une des composantes de la diversité culturelle décrit une situation dans laquelle plusieurs langues ou plusieurs groupes linguistiques sont nécessairement en interaction. Il invoque donc l'ensemble des rapports entre les langues et se démarque des concepts qui décrivent seulement les aires de développement d'une langue particulière. Ensuite, il opère à partir d'un point de vue qui valorise implicitement la différence plutôt que de la considérer comme un problème, d'où la nécessité d'en faire un outil de gestion. Au sein des Etats d'Afrique Centrale, il est fait état d'une mosaïque de langues (A), mosaïque à laquelle vient se superposer une forte cohabitation linguistique (B).

    A-La mosaïque et les assises linguistiques

    La diversité linguistique dans la sous-région Afrique Centrale s'explique à la fois par l'histoire du peuplement et des migrations dans la sous-région. L»offre linguistique actuelle de la sous-région est composée des langues africaines et des langues occidentales héritées de la colonisation.

    La sous-région compte près de 750 langues vivantes, soit plus de 30 % du total du continent. Quelques grandes langues remplissent une fonction fédératrice tant à l'intérieur du territoire, qu'à l'échelle régionale. A titre illustratif, le tshiluba, langue des Luba en RDC, ne déborde des

    100 Idem

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    frontières nationales que sur une étroite frange du nord de l'Angola. De même le mongo reste circonscrit à la cuvette congolaise. Le ngbandi parlé au nord de la province de l'Equateur trouve son prolongement en RCA sous le nom de sango. Le tchokwé est parlé sur les frontières méridionales de RDC, en Angola et en RCA. Mais trois langues se distinguent par leur caractère largement international. Le kikongo est parlé au-delà de l'espace Kongo proprement dit, jusque dans le Bandundu.

    La communauté de langue favorise naturellement les échanges économiques ou les mouvements de population. Au plus fort de la guerre civile en Angola, le Bas-Congo a accueilli sans problème majeur des centaines de milliers de réfugiés angolais. Plus récemment, près de 50 000 personnes d'origine Kongo fuyant la guerre civile au Congo Brazzaville ont trouvé refuge dans les régions de Mbanza Ngungu et de Luozi. Le lingala est devenu la grande langue véhiculaire de la moitié occidentale de la RDC ; il est parlé dans une partie du Congo Brazzaville. Le Lingala a par ailleurs acquis un statut de langue culturelle comme véhicule de la musique congolaise dont l'influence dépasse largement les limites des deux Congo. La moitié orientale de RDC est au contraire intégrée au grand ensemble swahili. Mélange de langues bantoues et arabes, le swahili a été diffusé à partir des côtes de l'Océan Indien par les marchands arabes, y compris les esclavagistes qui comme Tippo Tib, le dernier d'entre eux, avaient étendu leurs réseaux jusqu'à Kisangani.

    Ces langues internationales constituent des instruments de rapprochement transfrontalier. Elles constituent des vecteurs culturels qui prennent place au côté des langues maternelles et des langues européennes que sont notamment le français parlé dans la presque tous les Etats de la sous-région, l'anglais, l'espagnol ou le portugais en Angola usité particulièrement.

    B-De la coexistence à la cohabitation linguistique

    Comme pour la plupart des sociétés modernes, l'offre linguistique en Afrique Centrale est prise dans l'étau de la problématique individu-communauté (principe individuel et principe communautaire) propre à la logique et à la rhétorique de la modernité. Selon Angeline MARTEL, la diversité linguistique est contraire à la logique classique de l'Etat-nation qui «historiquement par des politiques linguistiques de monolinguisme explicites ou implicites a tenté de diminuer, d'éclipser ou de détourner la diversité linguistique». Selon cette auteure, «les fondements mêmes de l'Etat-nation moderne ne sont pas pluralistes ni diversifiés». Pourtant, il faut réussir à faire coexister la demande sociale quant à ce qu'elle exprime dans les langues et les besoins en connaissances universelles ou particulières. Cette réalité n'échappe

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    pas au destin des Etats de L'Afrique centrale qui, avec la mondialisation voit sa généralisation accentuée.

    La cohabitation linguistique est donc le dispositif politique qui permet de gérer pacifiquement les relations jadis conflictuelles entre l'identité langagière et la communication. Il s'agit d'abord de respecter la diversité linguistique notamment pour les langues maternelles, condition sine qua non de toute diversité, et d'être ensuite sensible aux grandes aires linguistiques dérivées des langues coloniales. Une des fonctions importantes des langues est de servir de support à la diffusion des religions. Au Cameroun par exemple, le clivage linguistique anglophone/francophone est le référent le plus utilisé dans le paysage camerounais. Dérivée du double héritage colonial, cette diversité linguistique n'a pas toujours été bien gérée par les pouvoirs politiques. A bien des égards, cette forme de mis management a fortement contribué au déclenchement des revendications ayant abouti à la crise dite anglophone et à son enlisement, ce qui laisse penser que la diversité culturelle peut également être source d'exacerbation de la conflictualité en Afrique Centrale.

    Section 2: Les enjeux de la diversité culturelle dans l'exacerbation de la conflictualité en Afrique Centrale

    L'ancien Secrétaire Général des Nations-Unies Ban KI-MOON en 2011 relevait déjà que « si la diversité peut être source de créativité et de croissance, il n'en reste pas moins qu'elle donne souvent lieu, faute d'une gestion appropriée, à une concurrence malsaine, des conflits et de l'instabilité ». Il en est ainsi notamment lorsqu'elle est source d'incompréhensions et d'erreurs d'interprétations.

    En Afrique, la gestion de la diversité sociale et politique s'est révélée être un défi colossal que les États nouvellement indépendants étaient mal préparés à affronter. Il n'est donc pas étonnant que la plupart des Etats de la sous-région ait souffert de conflits, notamment la République Centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Burundi et le Rwanda101. Faut-il parler d'ethnie, de statut religieux dans le déclenchement et l'implosion de ces conflits? Sans entrer dans le détail d'un débat extrêmement complexe, on peut cependant considérer que la posture qui consiste à nier les différences entre communautés conduit à une

    101 CEA, Elections et gestion de la diversité en Afrique, note conceptuelle de la Commission économique pour l'Afrique, Addis-Abeba, 2010, PP 34-52.

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    impasse et à un report ou engrenage des cycles de violences. Il ne nous semble point abusif d'aborder les enjeux de la diversité culturelle susceptibles de provoquer des crises et conflits en Afrique Centrale (Paragraphe 1). De ce fait, la diversité culturelle peut légitimement être pensée comme une entorse à la paix et au vivre-ensemble en Afrique Centrale (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1: La diversité culturelle comme source des tensions et de crises en Afrique Centrale

    Dans la sous-région Afrique Centrale, la culture a très souvent été à l'origine d'innombrables conflits. Dans la région des Grands lacs, BEDOUM remarque que « la crise rwandaise, par le nombre de victimes qui en a résulté, a fait des rapports entre Tutsi et Hutu, une référence sur la question des conflits ethniques en Afrique ». L'origine des conflits ethniques dans cette région est liée à l'instrumentalisation des ethnies à des fins de domination politique. Ainsi la diversité culturelle peut être source d'exclusion et de désintégration (A), notamment lorsqu'elle fait l'objet d'une instrumentalisation accrue dans le déclenchement des conflits (B).

    A-La diversité culturelle, facteur d'exclusion et de désintégration: Dichotomie
    autochtones, étrangers et allogènes

    Si la culture est porteuse de valeurs et de croyances, elle peut également constituer un cadre de référence pour interpréter une situation susceptible de malentendus pouvant rapidement déboucher sur des tensions, voire des conflits. Selon DUPRIEZ, ignorer la diversité culturelle et ses enjeux comme une représentation dans un système social peut conduire à des « mis management », c'est-à-dire des erreurs de gestion lorsqu'elle s'accompagne d'une faible intégration de certaines composantes. La situation actuelle de la République centrafricaine avec la dernière décennie des tensions et des crises s'exprime par une forte aspiration d'identité commune s'appuyant sur une multiplicité de références ethniques et religieuses plutôt que d'appartenance.

    La question des autochtones et étrangers ou halogènes se veut dès lors très cruciale dans la prise en compte de la diversité culturelle comme source d'exclusion et de désintégration. Elle pose des problèmes d'une extrême complexité concernant les relations entre autochtones et étrangers, sitôt que le statut de la terre et l'exercice du pouvoir sont en cause. Ces questions ne

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    sont pas nouvelles en Afrique Centrale: Dans les années 1990, des violences récurrentes jalonnent l'histoire du Kivu depuis la fin de la période coloniale. Les migrants Banyamulengue et Banyarwanda, qu'ils soient Hutu ou Tutsi, sont restés des «étrangers» pour les groupes ethniques qui se considèrent comme autochtones : Nande, Tembo, Hunde, Havu, Shi, Bavira, Bembe etc. L'Etat lui-même a entretenu la confusion en modifiant la législation sur la nationalité avec pour effet de retirer la nationalité à de nombreux résidents originaires du Rwanda. La Conférence nationale a encore envenimé les relations intercommunautaires en privant de représentativité des populations du Kivu présumées de « nationalité douteuse ». Les massacres interethniques au Masisi en 1993 ont montré à quelles violences les conflits entre autochtones et étrangers pouvaient conduire102.

    L'afflux de réfugiés hutus en 1994, puis les opérations militaires de l'AFDL ont aggravé l'insécurité régionale et rendu la situation plus confuse que jamais. Aujourd'hui, des bandes armées hutues, constituées d'anciens militaires rwandais et de miliciens interahamwé qui ont survécu en se dissimulant dans les forêts après la destruction des camps de réfugiés, entretiennent un climat de violence. Les combattants Maï Maï n'ont rien perdu de leur ardeur combattive ; ils prennent les armes dès que leur prééminence et leurs droits sur leurs terroirs sont menacés. Leur « patriotisme local » les dresse contre toute forme d'occupation étrangère, actuellement contre les forces rwandaises et leurs alliés du RDC Goma103.

    Au-delà de l'imbroglio politique et militaire et de la confusion qui règne dans l'est du Congo, aucun règlement pacifique durable n'est envisageable sans un éclaircissement du statut des personnes vis-à-vis de la nationalité, du droit au sol, de la citoyenneté. Le défi est énorme car les strates successives de migrations ont rendu le panorama particulièrement embrouillé. C'est dans cet espace frontalier que s'est noué le noeud gordien de la crise politique dans laquelle cette partie de l'Afrique centrale est plongée depuis de longues décennies104.

    102 Mwamba SINONDA, « Situations conflictuelles et instabilité politique en RD Congo », in Conflit et violence dans l'histoire contemporaine de l'Afrique Centrale, Presses universitaires de Lubumbashi, Lubumbashi, 2006, P.270.

    103 Idem

    104 Paul MATHIEU, MAFIKIRI TSONGO et autres, « Cohabitations imposées et tensions politiques et guerres au Kivu et dans les régions des Grands Lacs », in P. MATHIEU et J. WILLAME (dir), « Conflits et guerres au Kivu et dans la région des Grands Lacs », Cahiers africains et Afrika Studies, N0 39-40, 1999.

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    B- L'instrumentalisation de la diversité culturelle dans le déclenchement des tensions et des conflits en Afrique Centrale

    L'approche instrumentaliste a fortement marqué la science politique africaniste où l'utilisation des variables manipulables atteste du fait que, l'identité naturelle qui s'imposerait par la force des choses ressort d'une véritable illusion105. Après les indépendances, la plupart des États multiethniques d'Afrique Centrale affichaient des diversités qui constituaient un défi pour la construction de l'unité nationale. Dans cet ordre d'idées, il n'existait que des stratégies d'instrumentalisation rationnellement conduites par des acteurs identifiables. Très souvent, la question de l'ethnicité a été évoquée comme une donnée structurelle des causes principales des conflits africains. C'est justement l'occasion d'esquisser une réflexion sur le vécu démocratique des pays africains à travers quelques questionnements pour essayer de comprendre pourquoi le processus de démocratisation relève-t-il ce rapport de forces? À bien des égards, nous conviendrons avec MAALOUF que les relations conflictuelles même les plus meurtrières, sont souvent précédées de relations pacifiques d'échanges et de commerce, les conflits ou les guerres ne survenant que lorsqu'un élément perturbateur s'est glissé dans le règne de l'équilibre, transformant ainsi les identités conviviales en « identités meurtrières».106

    Dans la plupart des crises et des tensions, la diversité culturelle en elle-même ne semble pas être souvent le problème, mais le prétexte pour des manipulations exacerbées sur les sensibilités ethniques, religieuses ou linguistiques des groupes et des communautés. Ainsi, la plupart des guerres civiles qui ont eu ou continuent d'avoir cours dans la sous-région peuvent résulter de l'instrumentalisation de ces fibres par des acteurs rationnels en quête des intérêts et bénéfices particuliers et égoïstes107.

    Il ne fait l'objet d'aucun doute que le fait ethnique est une réalité de l'Afrique Centrale et que les causes qui essaiment les conflits politiques et les guerres civiles ont pour beaucoup une implication ethnique, plus ou moins forte ici ou là. En dépit de cela, la thèse selon laquelle la

    105 Jean François BAYART, L'illusion identitaire, Fayard, 1996, Paris, P.45.

    106 MAALOUF, cité par Ernest MBONDA, « La justice ethnique comme fondement de la paix dans les sociétés pluriethniques, Le cas de l'Afrique in Souveraineté en crise », Québec, L'Harmattan et Presses universitaires de Laval, PP.451-500.

    107 David KEEN, « The economic functions of violence in civil wars », Oxford University Press, Oxford, 1998, P.34.

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    conflictualité est un phénomène structurel de l'ethnicité nous semble très limitée. Et pourtant la question continue de se poser. Pourquoi alors l'ethnicité est-elle un facteur récurrent, voire central des conflits ? Encore une fois, la « balkanisation ethnique » est le fait des élites qui, dans leur ensemble exploitent la sensibilité de cette réalité comme un fonds de commerce au centre de leurs stratégies de conquête et de conservation des fiefs électoraux. La défaillance de l'État (donc de l'élément fusionnel) du fait de son pillage par les gouvernants, ne laisse pas autre choix que le recours à la solidarité familiale (élément discriminant), comme seule voie de survie dans un contexte de pauvreté absolue108.

    Plus que la diversité ethnique, religieuse et linguistique en définitive, c'est l'instrumentalisation qui en est faite dans un contexte de frustrations accumulées qui est le déclencheur des conflits. La polarisation ethnique est en Afrique Centrale apparue comme un outil de contrôle des masses utilisé par les différents protagonistes. Dans ce contexte, dont la clef est la pauvreté, aucun des acteurs n'a finalement intérêt à oeuvrer pour l'intégration et l'unité nationale. Les élites au pouvoir cherchent à corrompre les ethnies proches et les dressent les unes contre les autres pour renforcer leur position dominante et éviter tout partage du pouvoir, tandis que les forces d'opposition mobilisent les ethnies « opprimées » pour affaiblir le pouvoir en place109.

    À titre d'illustration, même l'exemple paroxystique du Rwanda semble bien indiquer que le génocide des Tutsis en 1994 ne fut pas une violence fondamentalement ethnique, mais une violence de masse de nature politique inhérente à la lutte pour le pouvoir d'État. Le génocide n'était pas le fait de l'identité Hutu ou de toute autre ethnie, ces réflexions étant aussi valables dans d'autres cas de génocides ayant eu lieu en dehors de la sous-région (ex-Yougoslavie notamment).

    Paragraphe 2: La diversité culturelle comme une entorse à la paix et au vivre-ensemble en Afrique Centrale

    Au lendemain des indépendances africaines, la construction de l'unité nationale a pris les allures d'une nécessité impérieuse. L'objectif des pouvoirs en place était la construction d'une superstructure étatique, faisant abstraction des solidarités tribales, ethniques ou

    108 René OTAYEK, « Démocratie, culture politique, sociétés plurales. Une approche comparative à partir des situations africaines », Revue française de sciences politiques, numéro 47,1997, PP.798-822.

    109 Idem

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    classiques qui elles n'avaient guère disparues. Cette escalade a laissé entrevoir la diversité culturelle des peuples comme un obstacle à ce qui s'apparentait alors à un idéal de la construction de l'Etat-nation. Cet état de fait qui a perduré pendant de longues décennies a laissé entrevoir la diversité comme un élément catalyseur des tensions (A), même si plus loin, elle prend les allures d'un handicap pour la paix (B).

    A-La diversité culturelle comme catalyseur des tensions et des inégalités sociales

    Presque tous les Etats de la sous-région sont confrontés au problème de l'hétérogénéité de la population et de la lente maturation d'une véritable nation. Bien plus, la sous-région est considérée comme le terreau fertile des identités et des appartenances. De ce fait, l'attachement à l'identité culturelle devient un facteur de division potentielle de la nation.

    Au lieu de maîtriser les diverses ressources humaines et spatiales du pays, le traitement politique de la question de la gestion de la diversité culturelle se réduit généralement à une lutte pour le pouvoir et les ressources, ce qui accroît l'exclusion, attise la discorde sociale et favorise les conflits politiques. Aussi, pour tout conflit à connotation religieuse, ethnique ou linguistique qui dégénère en violence communautaire, rappelle Gareth EVANS «d'innombrables personnes ou groupes de cultures et milieux différents vivent harmonieusement côte à côte dans le monde. Pour chaque groupe dont les doléances économiques dégénèrent en violence catastrophique, nombre d'autres n'atteignent pas cette extrémité ; Pour chaque prédation économique qui cherche à contrôler des ressources ou des leviers du pouvoir et provoque ou attise ainsi les conflits, d'autres n'ont pas ce résultat »110.

    Outre le politico-institutionnel, la diversité culturelle dans la plupart des sociétés de cette région accroît les sentiments d'insatisfaction et catalyse les tensions sociales. Selon un rapport du PNUD de 2012 sur le développement mondial, l'Afrique centrale est classée deuxième après l'Amérique du Sud en tant que contributrice socio-économique aux crimes. Au Gabon par exemple, la mauvaise répartition des richesses a de tout temps été décriée non seulement par la population elle-même, mais aussi par la communauté internationale notamment les organisations non-gouvernementales. Le même constat est valable pour le Tchad et la Guinée-Équatoriale où des 10 % les plus riches gagnent 31 fois plus que les 10 % des plus pauvres.

    110 Gareth EVANS, « Prévenir les conflits: un guide pratique », ICG, Politique étrangère n° 1-2006 printemps, 2 janvier 2006.

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    Longtemps, on a décrit le génocide du Rwanda comme le fruit d'une fureur spontanée, incompréhensible, inattendu. En vérité, le racisme inter-ethnique dans lequel le Rwanda s'était construit depuis deux siècles et dans lequel il a sombré en 1994 explique ce génocide. Mais tout de même avant la colonisation, le Rwanda avait une population homogène (même langue, culture, religion). Il n'existait pas de groupes ethniques et si les rwandais se reconnaissaient Hutu ou Tutsi, cette appellation n'était pas fondamentale dans l'identité sociale du rwandais et était mouvante (un Hutu pouvait devenir Tutsi...). La colonisation allemande, puis belge (mandat de la Société des Nations en 1919) induit le passage d'une identité sociale à une identité ethnique en transposant un schéma de pensée étranger qui va être à la base du dualisme identitaire Hutu / Tutsi avec le mythe d'une ancienne migration de Blancs en Afrique Noire. Les Tutsi ayant majoritairement la peau claire, ce devaient être des « nègres blancs » appartenant à une race supérieure.

    En 1961, le parti du mouvement de l'émancipation hutu accède au pouvoir, ce qui marque le début du pouvoir hutu. Ce gouvernement cherche à se débarrasser de la minorité Tutsi. En 1962, le pays accède à l'indépendance et les élites Tutsi sont chassées du pouvoir. C'est le début du génocide qui entraîne un exode massif des Tutsis vers l'Ouganda. On assiste dans ce contexte à une inversion du racisme des nobles Tutsi contre les Hutu, mais ce racisme s'étend à l'ensemble des Tutsis et notamment les Tutsis du Nord qui avaient autant souffert de la domination des nobles Tutsis. L'idée que les Hutus et les Tutsis sont deux races en guerre est diffusée par les dirigeants rwandais et cela leur permis d'unir la nation autour d'un chef d'Etat contre un ennemi commun sur le thème « massacrer avant d'être massacré ». L' « ethnicisation » de la société rwandaise est donc le fruit d'une construction politique et institutionnelle élaborée par la puissance coloniale et intériorisée par les rwandais.

    En RDC, les franges orientale et septentrionale de ce pays sont traitées par l'Ouganda, et plus encore par le Rwanda, comme un hinterland dont il s'agit d'exploiter les ressources minières. Non seulement les bénéfices assurent le financement de la guerre, mais ils permettent également aux élites au pouvoir de maintenir un niveau de vie privilégié. C'est ainsi que des comptoirs d'or et de diamants se sont ouverts au Rwanda, alors que le sous-sol de ce pays est dépourvu de ces gemmes. Parallèlement, le café de la province congolaise du Nord-Kivu est exporté via l'Ouganda et le Rwanda. Les ambitions économiques de ces deux États ne se limitent pas à la prédation de richesses facilement accessibles et commercialisables (diamant, or) ; elles concernent également des minerais tels que le niobium et le tantale, qui sont utilisés

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    dans l'industrie de pointe (électronique, aéronautique, médecine de pointe. De ce fait, l'exploitation et la commercialisation de ces minerais sont le monopole des Rwandais, protégés par des militaires et plusieurs compagnies internationales sont représentées à Kigali.

    D'une manière générale, le conflit que connaît la Centrafrique laisse penser que ce pays connaît également la diversité comme une source d'exacerbation de la conflictualité. En effet, outre des affrontements interreligieux qui caractérisent ce conflit, des groupes rebelles militarisés contrôlent aussi une part importante des sites de production de diamant.

    Ce panorama de la conflictualité montre que l'Afrique centrale est une région dans laquelle ont proliféré les conflits armés même si certains sont anciens et ont débuté pendant la guerre froide. Ces conflits sont pour l'essentiel des guerres civiles qui débordent de la sphère interne en ayant des répercussions importantes à l'échelle régionale à savoir, des catastrophes humanitaires liées à la détresse des personnes déplacées et des réfugiées qui, souvent errent des mois durant dans la forêt, tenaillés par la faim, la soif et les maladies en fuyant les zones de combats. Qu'ils soient plus ou moins anciens comme en Angola et en RDC, ou plus ou moins récents comme en RCA, la plupart des conflits que connaissent les États de l'Afrique centrale paraissent avoir un dénominateur commun : La diversité en parallèle. En effet, la déliquescence du pouvoir des États observée en Afrique centrale s'accompagne d'une forme d'organisation économique et politico-territoriale parallèle111.

    B - Les enjeux de la diversité culturelle liés à la question des réfugiés et aux migrations

    À bien des égards, l'appartenance à un groupe considéré comme minorité est une condition naturelle et une « pathologie sociale » des communautés humaines. Elle peut procurer un sentiment de solidarité communautaire face à la mondialisation des marchés. Cependant, elle devient néanmoins un obstacle entravant l'harmonie sociétale quand elle est mobilisée dans des hostilités contre «l'autre ». En cas de tensions ou de crises, la conscience minoritaire a alors tendance à déshumaniser l'autre en prenant des voies menant à des conflits et violences d'une intensité singulière112.

    111 Philippe HUGON, « L'économie des conflits en Afrique », in Revue internationale et stratégique, n° 43, 2001, p. 152-169.

    112 UNRISD (Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social), « Diversité ethnique et politiques publiques: Aperçu », Genève, 1994.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    L'Afrique centrale sensu lato a son lot de réfugiés. Les besoins et les impacts socio-économiques de ces populations sont immenses, et la menace de nouveaux épisodes d'insécurité est présente dans chaque camp. L'escalade du conflit en République centrafricaine depuis décembre 2013 a entraîné le déplacement de 930 000 personnes en 2014, tandis que 250 000 Centrafricains ont fui vers le Cameroun, 22 000 vers la République démocratique du Congo, 20 000 vers le Tchad et quelque 10 000 vers la République du Congo76. En 2012, les activités de la LRA avaient contraint 20 269 Centrafricains et 347 360 Congolais à se déplacer, et 6 034 Congolais à fuir leur pays pour se réfugier en République centrafricaine, sans compter les milliers de morts et d'enlèvements (qui ont également touché le Soudan du Sud). La situation en République centrafricaine a également entraîné la fuite de dizaines de milliers d'étrangers résidents dans le pays, originaires principalement du Tchad et du Cameroun. En particulier, la situation des ressortissants du Tchad a constitué un problème humanitaire dans la mesure où la plupart étaient des immigrés de la deuxième ou troisième génération qui résidaient en République centrafricaine depuis de nombreuses années et avaient peu, voire aucun lien avec leur pays d'origine113.

    Dans l'est de la République démocratique du Congo, la situation sécuritaire demeure instable et imprévisible, freinant les interventions humanitaires et empêchant le retour de quelque 429 000 réfugiés installés pour la plupart au Burundi, au Rwanda, en Tanzanie et en Ouganda. La République démocratique du Congo compte actuellement plus de 2,6 millions de déplacés. La République du Congo accueille toujours près de 23 200 réfugiés originaires de la République démocratique du Congo, auxquels s'ajoutent plus de 10 000 nouveaux arrivants de la République centrafricaine. Les réfugiés venus de République démocratique du Congo sont également nombreux au Burundi respectivement de 57 700, et au Rwanda 74 000 environs114.

    La présence massive des étrangers africains dans les secteurs de la petite activité marchande les rend indispensables au fonctionnement de l'économie urbaine, mais les expose à des accès périodiques de xénophobie dont ont été victimes à tour de rôle Congolais de Brazzaville, Tchadiens, et Camerounais. Ces migrants temporaires tissent des réseaux transnationaux, contribuent à une redistribution régionale des ressources monétaires, diffusent des pratiques religieuses et culturelles, des modes vestimentaires etc. participant ainsi à la

    113 HCR, Aperçu opérationnel sous régional 2015, zone Afrique centrale et Grands Lacs, disponible à l'adresse : http://www.unhcr.fr/pages/4aae621d541.html

    114 Idem

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    formation d'une urbanité africaine. Si en période de crise politique ils sont exposés à la vindicte populaire et aux pillages, et doivent parfois se résoudre à un rapatriement prématuré, ils ne posent pas de problèmes aussi complexes que les migrants ruraux car, le plus souvent résidents temporaires, ils gardent un statut d'étranger et ne sont pas impliqués dans les confuses questions foncières.

    Pour ce qui est des migrations, celles-ci créent des conditions de vie très artificielles, plus ou moins éphémères, généralement dans des camps gérés par le HCR, signe tangible de leur non-intégration dans le pays d'accueil. Une réflexion d'ensemble sur l'Afrique centrale ne peut éluder un questionnement sur l'avenir des populations réfugiées et sur les possibilités de résorption des camps soit par des politiques de retour, soit par des politiques d'intégration : Tous les pays de la sous-région sont concernés car, ils ont tous été affectés à des degrés divers par ces chassés croisés transfrontaliers de populations en fuite. Les étrangers comptent pour le quart de la population de la capitale gabonaise. Ils sont originaires d'Afrique centrale (Cameroun, Guinée équatoriale, les deux Congo) ou d'Afrique de l'Ouest (Mali, Sénégal, Togo et Bénin, Nigeria) ; ceux qu'on désigne du terme générique de « Haoussa » jouent depuis quelques décennies un rôle important dans la diffusion de l'islam.

    La question des réfugiés n'est pas seulement humanitaire, elle est aussi politique : les réfugiés représentent en effet un potentiel d'instabilité régionale. La reconquête du pouvoir au Rwanda par les Tutsis réfugiés en Ouganda au début des années 1990 en est la meilleure illustration. L'APR, Armée Patriotique Rwandaise, s'est forgée en Ouganda en s'engageant au côté de Yoweri MUSEVENI. Elle y a acquis une efficacité qui fait d'elle une des meilleures armées d'Afrique subsaharienne. C'est la crainte de voir les Hutus se réorganiser dans les camps de réfugiés du Kivu pour tenter de reconquérir le pouvoir qui est à l'origine de la grande offensive lancée à l'automne 1996 par les nouveaux maîtres de Kigali, offensive d'où sont sortis l'AFDL et Laurent-Désiré KABILA. Depuis la débâcle des forces armées hutues en 1996, quelques milliers de rescapés, anciens militaires et miliciens, ont réussi à gagner les pays voisins après avoir traversé le Zaïre. Au Congo Brazzaville, pour quelques dollars par jour, ils se mirent au service de SASSOU NGUESSO. Cette catégorie de réfugiés-mercenaires, constitue un facteur de déstabilisation et d'insécurité à l'échelle régionale.

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    CONCLUSION

    L'objectif de ce chapitre était de montrer d'une manière générale la pertinence des enjeux de la prise en compte de la diversité dans la conception actuelle de la paix en Afrique Centrale. En somme, le caractère multiculturel de la plupart de ses sociétés pose le problème de la pacification des relations intercommunautaires entre les différents groupes sociaux. Dans les processus de construction de la paix, la diversité culturelle reconnait d'une part les identités primaires des individus, même si dans certains cas de figure elle peut donner lieu à des manifestations de tensions ou des crises, voire des conflits d'autre part.

    D'une façon générale, parler des crises ou des tensions intercommunautaires dans la sous-région Afrique Centrale consiste donc à rendre compte des difficultés de coexistence et de cohabitation entre les différentes catégories sociales et ethniques. Si elles sont des indicateurs d'un déficit d'intégration des groupes reconnus comme appartenant à des minorités, les fondements peuvent avoir des relents dans la nature des rapports politiques, sociaux, religieux ou tribaux, ainsi que les enjeux des migrations. Il faut donc mettre en place des mécanismes et des procédés censés régir la qualité de ces rapports. La politique publique peut être considérée comme une action ou un ensemble d'actions menées par les pouvoirs publics dans l'encadrement d'un problème public. Cela ne peut se faire qu'au travers de la définition d'un cadre normatif et institutionnel et des stratégies d'action qui y soient méthodiquement adaptés.

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

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    CHAPITRE 2: LE DISPOSITIF JURIDICO-INSTITUTIONNEL DE LA GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE CENTRALE

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    La question de la gestion de la diversité culturelle trouve ses éléments essentiels dans la formulation des théories politiques et des normes juridiques censées la régir. La radioscopie des options développées dans ce sens laisse entrevoir que ces théories et modèles juridiques ou institutionnels se cristallisent autour de deux axes majeurs: Le souci qu'ont les Etats ou les sociétés multiculturelles de construire des modèles de citoyenneté multiculturelle d'une part, et la reconnaissance des identités primaires ou communautaires d'autre part. Si le débat reste loin d'être tranché au sein des Etats d'Afrique Centrale, la solution toute trouvée reste l'aménagement d'un cadre normatif conciliant à la fois un modèle de rechange de l»Etat jacobin ou républicain, qui subsisterait à côté de la reconnaissance des identités communautaires, ceci en tentant de préserver les différences culturelles dans la construction de la paix et du vivre-ensemble.

    Tel que défini, il nous paraît nécessaire d'établir le cadre normatif capable de soutenir la réflexion et l'action en vue de la prise en compte de la diversité culturelle, tant il est vrai que les politiques publiques doivent faire de la diversité culturelle un outil de paix et de cohésion sociale. Il nous semble donc opportun de présenter le cadre normatif des politiques de gestion de la diversité en Afrique Centrale d'une part (Section 1), avant d'analyser les dispositifs institutionnels d'autre part (Section 2).

    Section 1: Le cadre normatif des politiques de gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    Les conflits de classes, d'intérêts et d'ethnies sont des éléments naturels de la vie sociale. Ce qui importe à la réalité, c'est qu'ils soient gérés selon des procédures civiles, des règles équitables, le dialogue et la négociation dans un cadre de gouvernance facilitant la coopération et la réconciliation. Tout ceci doit être précédé en amont par un cadre normatif qui lui soit des plus favorables. Ce dernier intègre à la fois le droit international (Paragraphe 1), et le droit interne ou national dans la prise en compte de la diversité culturelle au sein des Etats (Paragraphe 2).

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    Paragraphe 1: Le droit international, la reconnaissance et la protection des groupes socio-culturels spécifiques

    En droit international, la question du droit des minorités et des groupes sociaux reconnus comme tels est évoquée dans le cadre de la lutte contre toute forme de discrimination, d'exclusion ou de traitement de ces dernières. Il s'agit d'un droit qui vise la reconnaissance et la protection des groupes dits minoritaires. L'on peut toutefois remarquer que, le droit international de protection des minorités et des peuples autochtones a fortement évolué, s'est diversifié et s'est épaissi avec le temps. Il prend en considération les textes généraux sur les droits de l'Homme (A), et ceux portant sur la diversité culturelle proprement dite (B).

    A- Les textes généraux sur les Droits de l'Homme

    Bon nombre d'instruments internationaux pertinents ont été adoptés sur le plan universel en considération de ce que la promotion et la protection des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques contribuent à la stabilité politique et sociale des Etats dans lesquels elles vivent. Les Etats protègent l'existence et l'identité nationale ou ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique des minorités, sur leurs territoires respectifs, et favorisent l'instauration des conditions propres à promouvoir cette identité. Plus directement, les droits de l'homme facilitent le respect et la protection de la diversité dans les instruments du droit international s'y rapportant. Ces instruments internationaux englobent principalement la Déclaration universelle des droits de l'homme, et ses pactes subséquents notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi que la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques de 1992.

    Adoptée en 1948, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme n'impose pas une norme culturelle, mais elle fixe néanmoins un cadre juridique définissant un seuil minimal en-dessous duquel la dignité humaine est bafouée. Cette référence à la protection de la dignité humaine est proclamée par la communauté internationale, et par l'ensemble des pays quel que soit la culture ou la religion pratiquée. Après avoir voté la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'Assemblée générale de l'ONU a souhaité une Charte des droits de l'homme qui aurait force obligatoire. Après la création d'une Commission des droits de l'homme chargée de la rédiger, le projet a abouti après de longues négociations dans le contexte de la guerre froide

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    à deux textes complémentaires: Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

    L'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose ce qui suit: « Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue »115. La question de l'existence de minorités est abordée par le Comité des droits de l'homme en 1994 dans son Observation générale sur les droits des minorités, qui énonce que «l'existence dans un État partie donné d'une minorité ethnique, religieuse ou linguistique ne doit pas être tributaire d'une décision de celui-ci, mais doit être établie à l'aide de critères objectifs».

    Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est entré en vigueur en 1976 et compte actuellement 156 États parties. Les droits de l'homme promus et protégés par ce Pacte comprennent notamment le droit à l'éducation et le droit de participer à la vie culturelle et au progrès scientifique de tous les membres d'un groupe social. Cet accord prévoit l'exercice de ces droits, sans discrimination d'aucune sorte. En 1985, le Conseil économique et social a créé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et l'a chargé de suivre l'application du Pacte par les États parties.

    La Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques du 18 Décembre 1992 procède de la réflexion du groupe de travail mis en place en 1978 par la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU. Elle rompt avec la pratique antérieure des Nations-Unies et innove comme étant la force normative dans la pratique de la protection des personnes appartenant à des minorités. Son article premier dispose: « Les Etats protègent l'existence de l'identité nationale ou ethnique, culturelle, religieuse et linguistique des minorités sur leurs territoires respectifs et favorisent les conditions propices à promouvoir cette identité »116. Le texte réaffirme le droit pour les personnes appartenant aux minorités le droit de participer aux décisions nationales ou locales intéressant la vie du groupe et leur survie.

    115 Voir notamment l'Art. 27 du Pacte II de l'ONU sur les droits civils et politiques.

    116 Voir la Déclaration des Nations-Unies sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques du 18 Décembre 1992.

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    B- Les textes et déclarations sur la diversité culturelle

    Depuis longtemps, la communauté internationale est soucieuse des questions relatives à la diversité culturelle. Cette préoccupation remonte à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et à la formation de l'Organisation des Nations unies. Cette dernière a créé une agence spécialisée chargée des questions culturelles, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Depuis sa création, l'UNESCO a pour objectif principal la garantie et la promotion de la culture des différences. Pourtant, ce ne serait qu'en 2001 que l'UNESCO a adopté le tout premier instrument contenant des principes destinés spécifiquement à régir la question de la diversité culturelle : La Déclaration universelle de l"UNESCO sur la diversité culturelle, qui plus tard a été suivie par la Déclaration Islamique sur la Diversité Culturelle. .

    La gestion de la diversité culturelle ainsi trouve son fondement normatif dans la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle adoptée le 02 Novembre 2001 au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001. Cette déclaration est un instrument normatif reconnaissant, pour la première fois, la diversité culturelle comme « héritage commun de l'humanité », et considérant sa sauvegarde comme étant un impératif concret et éthique inséparable du respect de la dignité humaine.

    Dans son introduction, la Déclaration islamique sur la Diversité Culturelle affirme avec vigueur « la reconnaissance solennelle du principe de la diversité culturelle ». Sous la plume de ses rédacteurs, son premier contenu informationnel reste l'appel au dialogue des cultures, des civilisations, et des religions étant entendu qu'«...il n'existe pas de culture ennemie et encore moins de nation ennemis, contrairement à ce que peuvent laisser entendre les stéréotypes fallacieux qui brouillent l'image authentique des cultures, des civilisations et des peuples ».

    C- Au niveau continental et communautaire

    Au niveau continental l'on peut citer entre autres, la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG), la Charte africaine sur les valeurs et les principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local, et la Charte culturelle africaine.

    Entrée en vigueur le 21 Octobre 1986, la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples affirme en son article 2 : « Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés fondamentales reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune de race,

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance, ou de toute autre situation»117. Plus loin, elle reconnait que, « tous les peuples sont égaux ; Ils jouissent de la même dignité et ont les mêmes droits. Rien ne peut justifier la domination d'un peuple par un autre ». Dans son article 20, alinéa 1 le texte consacre: « Tout peuple a droit à l'existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à l'autodétermination. Il détermine librement son statut politique et assure son développement économique et social selon la voie qu'il a librement choisie»118. Cette disposition est complétée à l'article 22, alinéa 1: «Tous les peuples ont droit à leur développement économique, social et culturel, dans le respect strict de leur liberté et de leur identité, et à la jouissance égale du patrimoine commun de l'humanité »119. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, à sa trente-quatrième session ordinaire tenue en novembre 2003 a rappelé «l'importance accordée par le droit international à l'auto-identification en tant que principal critère déterminant de ce qui caractérise une minorité ou une personne autochtone»120.

    La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG) dispose en son article 2 : « les Etats parties adoptent des mesures législatives et administratives pour garantir les droits des femmes, des minorités ethniques, des migrants et des personnes vivant avec un handicap, des refugiés et de tout autre groupe social, marginalisé et vulnérable»121. La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance fait de la gestion de la diversité culturelle un instrument essentiel pour le renforcement de la démocratie. Elle dispose que « Les Etats parties respectent la diversité ethnique, culturelle et religieuse qui contribue au renforcement de la démocratie de la participation des citoyens».

    La Charte africaine sur les valeurs et les principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local a été adoptée en Juin 2011 à Malabo en Guinée Equatoriale. Cette Charte innovatrice dans le genre en Afrique souligne un certain nombre de

    117 Article 2 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

    118 Idem, art.20

    119 Idem, art. 22

    120 Résolution ACHPR/Res.65 (XXXIV) 03 sur l'adoption du rapport du Groupe de travail de la Commission africaine sur les populations ou communautés autochtones.

    121 Article 8, al. 2 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

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    dimensions et de réformes qui devraient être intégrées dans cette nouvelle approche de la définition des relations entre les gouvernants et les gouvernés. Elle appelle à la mobilisation et au renforcement de l'architecture des institutions sur le continent africain en mettant l'accent sur des questions essentielles identifiées comme « priorités communes du développement ». En outre, elle enjoint aux Etats des efforts concertés pour faire avancer les processus de décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local en vue de faire participer toutes les composantes sociales au développement national des Etats. La Charte dispose à l'article 6, alinéa 1 que « le gouvernement central crée les conditions propices à la prise de décisions, à l'élaboration, à l'adoption et à la mise en oeuvre des programmes et des politiques aux niveaux inférieurs du gouvernement où les gouvernements locaux ou les autorités locales offrent une meilleure garantie de pertinence et d'efficacité ».

    La Charte Culturelle Africaine a été adoptée le 05 Juillet 1970. Un de ses objectifs fondamentaux vis-à-vis des peuples africains est de « préserver les communautés dont la diversité constitue une richesse incontestable pour l'Afrique ». Elle assure la protection des minorités nationales, des groupes et individus qui les composent dans les aspects culturels et historiques, notamment leur existence physique et leur droit à la survie122.

    Paragraphe 2- Le droit interne des Etats et l'aménagement des normes en faveur des groupes minoritaires

    Au sortir des indépendances, les Etats africains se sont livrés à l'inhibition des particularismes socioculturels, socioreligieux et sociolinguistiques qui jadis caractérisaient les sociétés précoloniales. Pour la plupart, les législations nationales étaient muettes quant à la mise sur pied des outils de promotion et d'encadrement de la diversité culturelle. Il a fallu attendre les mouvements démocratiques des années 1990 avec la poussée des revendications identitaires pour que des politiques favorables à la diversité culturelle soient envisagées comme panacée aux différentes crises socio-politiques qui bâillonnaient le développement au sein de la sous-région. Si le débats ont continué sur la question de son opérationnalisation ou son opportunité,

    122 Son contenu a un champ d'application plus vaste que celui de la seule protection des minorités nationales.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    le droit interne des Etats s'est enrichi par l'aménagement des normes constitutionnelles d'une part (A), et législatives et règlementaires d'autre part (B).

    A- Les dispositions constitutionnelles et l'encrage des groupes minoritaires

    Le constitutionnalisme multiculturel, ou encore la gestion multiculturelle de la diversité a été la voie dans laquelle se sont engagés de nombreux pays d'Afrique Centrale à partir des années 1990123. Ce type de gestion cherche à faire cohabiter dans un même cadre juridico-institutionnel une diversité de régulations, en octroyant des droits de citoyenneté revendiqués comme des droits historiques et originaux aux groupes minoritaires et marginaux, notamment les peuples autochtones.

    Solution identifiée comme nécessaire à un moment donné face à une crise ou situation particulière, l'ingénierie constitutionnelle de la prise en compte de la diversité permet d'ouvrir le statu quo et d'éviter un déphasage avec les évolutions politique, sociale et démographique du pays. Si l'outil ingénierie institutionnelle ne peut être une fin en soi en termes de gestion de la diversité, il constitue un moyen incontournable à intégrer dans une stratégie réfléchie sur le temps long. Cela est d'autant plus vrai que la question ethnique est concernée. Autour de la question de la diversité culturelle et des risques d'explosion d'un pays qu'elle peut entraîner si elle n'est pas prise en compte, il apparaît que la consécration d'un système constitutionnel apporte une réponse ouvrant la pacification de la société par la prise en compte ou la reconnaissance des groupes sociaux spécifiques. Le cas du Cameroun et du Burundi sont forts intéressants de ce point de vue.

    Dans la perspective de l'inclusion sociale, la libéralisation politique des années 1990 au Cameroun s'est singularisée par une réforme constitutionnelle en date du 18 janvier 1996 qui institue un Etat unitaire décentralisé, reconnaît les droits des autochtones et protège les minorités. Cette garantie des droits des minorités et des populations autochtones figure explicitement dans le préambule de la constitution124. En plus, dans le titre X consacré aux

    123 Léopold DONFACK SOKENG, « Le droit des minorités et des peuples autochtones », Thèse non publiée pour le doctorat en droit, Université de Nantes, 2001.

    124 Ibrahim MOUICHE, Version provisoire du document intitulé « Les minorités ethniques et les défis de la représentation politique au Cameroun» présenté lors de la 13ème Assemblée générale du CODESRIA sous le thème l'Afrique et les défis du XXème Siècle, Rabat-Maroc, 2011.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    collectivités territoriales décentralisées, l'article 57 (2) dispose en effet que le Conseil régional qui est l'organe délibérant de la région « doit refléter les différentes composantes sociologiques de la région ». Avant cette réforme constitutionnelle, les lois portant organisation des élections municipales et législatives votées dans les années 1990 avaient déjà institué cette exigence de respect des « différentes composantes sociologiques » dans les circonscriptions électorales: L'article 5 alinéa 4 de la loi no 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale et l'article 3 alinéa 2 de la loi no 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élections des conseillers municipaux.

    Cette notion de « composantes sociologiques » se ramène essentiellement aux «différentes composantes ethniques de la population ». C'est d'ailleurs le sens que lui attribuent les justiciables camerounais dans le cadre des recours contentieux relatifs aux élections municipales depuis 1996. Dans son préambule la Constitution camerounaise du 18 Janvier 1996 dispose que: «L'Etat assure la protection des minorités et préserve leurs droits des populations autochtones conformément à la loi ». Malgré de telles avancées, une incertitude plane aujourd'hui sur le sort des minorités ethniques au Cameroun car avec le renouveau législatif et constitutionnel des années 1990, cette interrogation lancinante demeure: Le multipartisme et la démocratisation constituent-ils une ouverture ou un prétexte de subversion de la position des minorités ethniques ? On peut juste remarquer que qu'au-delà les dosages sociologiques et nonobstant ces dispositions législatives et constitutionnelles, la condition sociopolitique des minorités ethniques demeure préoccupante au Cameroun125.

    Suite à plus de treize ans de guerre civile particulièrement violente et meurtrière, et sous haute pression extérieure, un processus de transition a été entamé au Burundi avec la signature des accords d'Arusha en août 2001, puis en août 2005. Ces accords sont un exemple type d'ingénierie constitutionnelle mise en place dans le but précis d'apporter une solution à un problème bien déterminé : La représentativité des différents groupes ethniques au sein des institutions de l'État (Présidence, gouvernement, administration, parlement, ou encore armée et police). Les négociations qui ont permis à ces accords de mettre en place un système spécifique et adapté de gestion de la pluralité ethnique. Elles avaient comme objectif une reconnaissance concrète de la diversité, garantie par des mécanismes et des dispositifs institutionnels spécifiques.

    125 Idem

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    La Constitution burundaise permet d'envisager l'adoption de mesures positives, mais pas expressément fondées sur l'origine ethnique. Elle dispose en son article 22 que « Nul ne peut être l'objet de discrimination du fait de son origine, de sa race, de son ethnie, de son sexe, de sa couleur, de sa langue, de sa situation sociale, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ou du fait d'un handicap physique que mental ou du fait d'être porteur du VIH/SIDA ou toute autre maladie incurable»126. Plus loin, il est dit que « l'État, dans les limites de ses capacités, prend des mesures spéciales pour le bien-être des rescapés des personnes handicapées, des personnes sans ressources, des personnes âgées ainsi que d'autres personnes vulnérables»127.

    Aux termes de l'article 9 de la Constitution, l'État rwandais «s'engage à lutter contre l'idéologie du génocide et toutes ses manifestations, à éradiquer les divisions ethniques, régionales et autres et à promouvoir l'unité nationale », tandis que la Constitution de la République d'Angola établit le principe d'égalité et de non-discrimination dans son article 23 comme l'un de ses droits fondamentaux. Cet article établit en outre que tous sont égaux devant la Constitution et la loi. Nul ne peut être lésé, privilégié, privé de tout droit ou exempté de toute obligation en raison de la descendance, le sexe, la race, l'ethnie, la couleur, le handicap, la langue, le lieu de naissance, la religion, les convictions politiques, idéologiques ou philosophiques, la condition économique ou sociale ou la profession.

    B- Les normes législatives et règlementaires relatives à l'encadrement et la protection des groupes socio-culturels spécifiques

    Elles sont le fait à la fois des textes et des normes juridiques régissant et encadrant des droits et des libertés particuliers pour des groupes sociaux notamment considérés comme minorités ethniques, religieuses ou linguistiques. Le droit des individus de s'identifier librement comme appartenant à un groupe ethnique, religieux ou linguistique est bien établi en droit interne de la plupart des Etats d'Afrique Centrale. Dépassant le seul souci de conformité à une norme internationale, la reconnaissance et la prise en compte des différentes régulations sont devenues des enjeux majeurs de la gestion publique de la diversité et de la création d'un vivre-ensemble inclusif dans le corpus législatif et règlementaire.

    126 Article 22, Loi N01/018 du 18 Mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi.

    127 Idem, Art.64

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    La législation interne relative à l'origine ethnique, à l'identité, au statut des minorités, à l'égalité et à la non-discrimination au sein des Etats d'Afrique Centrale reconnaît ce droit et veille à ce qu'aucun individu ou groupe ne se trouve désavantagé ou traité avec discrimination de quelque façon que ce soit parce qu'il aurait choisi librement de s'identifier comme appartenant ou n'appartenant pas à tel ou tel groupe ethnique, religieux, linguistique ou autre. Dans une manière plus radicale d'aborder les questions de diversité, le Rwanda a interdit l'utilisation des identités Hutu, Tutsi et Twa. Le Gouvernement de l'après-génocide a mis en place des mécanismes visant à préserver l'identité et la citoyenneté nationale en abolissant les anciennes identités ethniques. Il reste encore à déterminer si cet objectif sera atteint, mais ces efforts montrent combien le Rwanda tente de bâtir une société post-génocide où la diversité ne déchirera plus jamais le régime. Il s'agit entre autres de la loi no 47/2001 sur la prévention, la répression et la punition des crimes de discrimination et pratique du sectarisme, la Loi organique N0 20 /2003 sur l'éducation au Rwanda et dans la législation relative au secteur de la justice,

    Au Rwanda par exemple, le Code pénal punit les propos haineux, les actes discriminatoires des représentants des pouvoirs publics, la discrimination dans la fourniture de biens et de services publics, la discrimination dans l'emploi, et les agressions physiques. Des dispositions antidiscriminatoires figurent également dans le Code du travail, dans le Statut général de la fonction publique, dans la loi organique no 20/2003 sur l'éducation au Rwanda et dans la législation relative au secteur de la justice, y compris la police. En outre, d'après le Gouvernement, la loi no 47/2001 sur la prévention, la répression et la punition des crimes de discrimination et pratique du sectarisme a joué un rôle important dans la lutte contre la discrimination après le génocide rwandais. La loi no18/2008 du 23 juillet 2008 portant répression du crime d'idéologie du génocide a été promulguée en octobre 2008128.

    Section 2 : Le dispositif institutionnel de la gestion de la diversité culturelle en Afrique centrale

    Le dispositif juridico-institutionnel de la gestion de la diversité culturelle fera l'objet d'une analyse succincte qui ressort d'une part les mesures institutionnelles à l'intérieur des Etats

    128 Minority Rights Group International, Communication au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale - Rwanda (2011).

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    d'une part (Paragraphe 1), et les outils du dispositif communautaire ou un plaidoyer est de plus en plus fait en faveur des stratégies et l'implémentation de la diversité culturelle d'autre part (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Le dispositif institutionnel de la gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    Les mesures institutionnelles mises sur pied en vue d'assurer une saine gestion des politiques de la diversité culturelle concernent aussi bien celles qui sont édictées à l'intérieur des Etats de la sous-région (A), qu'au niveau communautaire de la CEEAC où des outils de gestion commencent à prendre forme (B).

    A- Le dispositif institutionnel à l'intérieur des Etats

    Au Cameroun, la mise sur pied d'une Commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme (CNPBM), a été la réponse institutionnelle faite par le Chef de l'Etat camerounais aux revendications sur la diglossie linguistique et la marginalisation subie par la minorité anglophone. Dans le paysage socio-culturel camerounais, la création d'une telle commission est une reconnaissance tacite du malaise longtemps clamé par les ressortissants originaires de ces deux régions. Selon le décret qui la crée et l'organise, elle en charge entre autres la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, la dénonciation de toutes discriminations fondées dur l'irrespect des dispositions constitutionnelles relatives au bilinguisme et au multiculturalisme, et en rendre compte au Président de la République129.

    Au Rwanda, la Commission nationale de la lutte contre le génocide a été établie en application de la Constitution de 2003. Elle n'a commencé ses travaux qu'en 2008. Conformément à son mandat, la Commission est chargée notamment de concevoir et de mettre en oeuvre des stratégies de lutte contre le génocide et l'idéologie du génocide, de coordonner les activités de commémoration et de préserver les sites de mémoire, et d'apporter une assistance aux survivants du génocide. Elle est également habilitée à entreprendre des activités éducatives en milieu scolaire et à oeuvrer à la préservation de la mémoire du génocide parmi les

    129 Décret n02017/013 du 23 Janvier 2017 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    nouvelles générations. La Commission nationale pour l'unité et la réconciliation a officiellement réintroduit ce système afin de favoriser la coexistence pacifique des différentes communautés après le génocide130.

    La Commission nationale des droits de la personne a été établie en application de la Constitution avec pour mission, notamment, d'examiner les violations des droits de l'homme commises par toute personne sur le territoire national au Rwanda et au Cameroun. La Commission est chargée de sensibiliser la population aux droits de l'homme et d'organiser des programmes de formation dans ce sens, de préparer et diffuser des rapports annuels relatifs aux droits de l'homme ou autres, et d'engager des procédures judiciaires à l'encontre de tout auteur de violations de ces droits. Les rapports sont transmis au Parlement au Rwanda, et au Président de la République au Cameroun, ainsi qu'à d'autres organes de l'État et sont rendus publics. La même mission a été confiée par la Commission intersectorielle d'élaboration des rapports nationaux sur les droits de l'homme (CIERNDH) en Angola131.

    Le Bureau de l'Ombudsman132 au Rwanda également a pour mandat de lutter contre les injustices et la corruption, ce qui recouvre les obligations imposées au titre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Pendant ce temps, en Angola il y a le médiateur, entité publique et indépendante dont l'objectif est de défendre les droits, les libertés, et les garanties des citoyens en garantissant par des moyens informels la justice et la légalité de l'administration publique. En termes généraux, le statut du Médiateur de l'Angola est conforme aux principes de Paris sur les compétences, les responsabilités et la disposition constitutionnelle. Comme dans d'autres pays, le Médiateur angolais joue le rôle d'Institution Nationale des Droits de l'homme133.

    Un type d'organisme indépendant généralement mis en place de façon exceptionnelle est la Commission Vérité et réconciliation. Elle vise à offrir une tribune publique inhabituelle pour

    130 Commission nationale pour l'unité et la réconciliation, Rwanda Reconciliation Barometer.

    131 CIERDH -Commission intersectorielle pour la préparation des rapports sur les droits de l'homme créée par la Résolution n° 121/09 du 22 décembre 2011, coordonnée par le Ministère des Affaires Étrangères et assistée par le Ministère de la Justice, actuellement coordonnée par le Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme, conformément à l'arrêté présidentiel n° 29/14 du 26 mars 2017.

    132 Établi en application de l'article 182 de la Constitution de 2003 et par la loi no 25/2003 du 15 août 2003.

    133 Sixième et septième rapport sur la mise en oeuvre de la charte africaine sur les droits de l'homme et des peuples et le rapport initial du protocole sur les droits de la femme en Afrique 2011-2017, Luanda, République d'Angola, janvier 2017.

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    exposer les griefs et faire connaître les allégations d'abus antérieurs et en cours ainsi que des cas de discrimination de groupe et de violations des droits de l'homme. Il s'agit généralement d'offrir ainsi l'occasion d'une gestion constructive et démocratique de la diversité par le biais de la réconciliation et de la restitution. Ces commissions ont été mises en place en République démocratique du Congo, en République centrafricaine et au Tchad134.

    B- Le chevauchement institutionnel dans la gestion de la diversité culturelle

    La littérature analytique pointe aussi les difficultés de mise en oeuvre des politiques de gestion de la diversité dans les services publics comme la difficulté de disposer d'indicateurs chiffrés qui permettent de dresser un diagnostic et des objectifs, le manque d'adhésion et de compréhension des objectifs recherchés et manque de moyens financiers et de ressources, la rigidité du cadre légal et administratif. Pour la plupart, ces institutions horizontales sont encore fragiles et éprouvent souvent des difficultés à s'acquitter de leurs mandats du fait d'une série de problèmes d'ordre culturel, financier et logistique et de ressources humaines. Cet état de fait peut trouver explication dans le sous-développement économique et les tendances politiques antidémocratiques observables au niveau de l'élite politique.

    Une autre contrainte découle des faiblesses et de l'ambiguïté des textes portant création de ces institutions et du chevauchement des compétences, entre ces institutions, et avec d'autres organismes publics. Les statistiques sont aussi très peu fiables et rarement le reflet de la situation vécue dans la réalité. La plupart des administrations ont élaboré un plan d'action car cela correspondait à une demande des autorités politiques et administratives. Plusieurs soulignent toutefois que ce plan d'action, faute de moyens suffisants et de réelle implication des directions, reste parfois au stade de la déclaration d'intention, avec des actions ponctuelles, sans réelle évaluation et suivi.

    Paragraphe 2 : Les outils du dispositif communautaire de la gestion de la diversité culturelle dans l'espace CEEAC

    La sous-région CEEAC affiche de façon timide la prise en compte de la problématique de la gestion de la diversité culturelle. Contrairement à l'espace CEDEAO, la diversité culturelle

    134 CEA, Diversity Management in Africa: Findings from the Mécanisme africain d'évaluation par les pairs and a Framework for Analysis and Policy-Making. Addis-Abeba, 2011.

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    et ses enjeux y connaissent encore des balbutiements. On peut donc analyser ces outils en les classant sous l'angle d'une timide reconnaissance communautaire des enjeux de la diversité culturelle (A), à côté des droits et libertés reconnus aux minorités (B).

    A- Les initiatives et le plaidoyer communautaires en faveur de la diversité culturelle

    Au niveau communautaire proprement dit, la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC), l'OIF et l'UNESCO ont conjointement organisé le Forum des partenaires de la CEEAC pour la valorisation de la culture au service de l'intégration et du développement, du 21 au 23 novembre 2012 à Yaoundé (Cameroun). Il s'agissait au cours de ce forum d'appuyer les efforts visant à améliorer la pertinence de l'identité sous régionale de la CEEAC dans le domaine socioculturel par un certain nombre d'actions au rang desquels:

    n Soutenir les initiatives visant à faire connaître la diversité culturelle dans la sous-région CEEAC, et au sein des réseaux de la société civile, des groupes de réflexion, des réseaux du secteur privé, etc.

    n Soutenir les « relais » (responsables interconfessionnels, femmes, jeunes, entreprises ou autres) capables de susciter un élan en faveur de changements positifs à l'intérieur et à l'extérieur des frontières nationales

    n Instaurer des programmes qui oeuvrent pour la défense d'une identité sous régionale positive et pluraliste célébrant la diversité des identités et des nations, et recenser les mécanismes favorisant l'échange et la confiance mutuels à l'instar des programmes d'échange de volontaires, etc.

    Pour passer des intentions aux actes, la CEEAC veut se focaliser sur un objectif donc un besoin partagé par toutes ses populations. Il est évident que tout progrès en matière d'intégration économique au niveau sous régional aura des incidences positives sur la recherche de la paix et du développement. De la même manière, la logique qui sous-tend cette diversification économique consiste précisément à élargir à d'autres couches de la société les opportunités de création de richesses et d'amélioration des moyens de subsistance jusque-là réservées aux élites.

    Dans un premier temps, il s'agit de dégager des outils possibles et concrets pour porter la diversité culturelle au service du dialogue et du développement bénéficiant à l'ensemble des populations de la sous-région. Une réponse qui se base sur le principe du bon usage des industries culturelles et de leur diversité, portées par le pouvoir de transformer favorablement les sociétés humaines. En pratique, il est question de créer des outils interculturels, notamment

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    des comités interculturels et des semaines interculturelles pour l'ouverture d'esprit et la découverte d'autres cultures du monde. Cette mission incombe aux institutions étatiques certes, mais également aux hommes et femmes qui, dans le monde l'exercent déjà si bien en étant les personnes au contact des valeurs humaines universelles favorisent le mieux-vivre ensemble.

    Dans un second temps, il s'agit de développer un réseau mondial de compétences et d'outils pour promouvoir le mieux vivre-ensemble de l'Afrique Centrale et de ses populations par la promotion du développement, en particulier économique, des peuples de la sous-région. Une des voies pour y parvenir est de contribuer à aménager une meilleure place pour l'Afrique Centrale dans les échanges et les liens sur le continent, mais également avec le monde dans les domaines les plus variés dont politiques, économiques, scientifiques, technologiques et techniques, sociaux et culturels135.

    B- Les droits et libertés consacrés en faveur des groupes minoritaires

    Dans le contexte des Nations-Unies, les droits culturels des minorités sont généralement garantis par la prise en compte des droits et libertés consacrés en faveur de la diversité. Les droits de l'homme et libertés relatifs à la diversité culturelle englobent un large éventail de concepts à savoir :

    1. Les personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques ont le droit de jouir de leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion et d'utiliser leur propre langue, en privé et en public, librement et sans ingérence ni discrimination quelconque.

    2. Les personnes appartenant à des minorités ont le droit de participer pleinement à la vie culturelle, religieuse, sociale, économique et publique de leur pays.

    3. Les personnes appartenant à des minorités ont le droit de prendre une part effective, au niveau national et, le cas échéant, au niveau régional, aux décisions qui concernent la minorité à laquelle elles appartiennent ou les régions dans lesquelles elles vivent, selon des modalités qui ne soient pas incompatibles avec la législation nationale.

    4. Les personnes appartenant à des minorités ont le droit de créer et de gérer leurs propres associations.

    135 Le lien entre le sous-développement et la prévalence de la violence est bien documenté. Voir notamment Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde: Conflits, sécurité et développement, Washington, Banque mondiale, 2011.

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    5. Les personnes appartenant à des minorités ont le droit d'établir et de maintenir, sans aucune discrimination, des contacts libres et pacifiques avec d'autres membres de leur groupe et avec des personnes appartenant à d'autres minorités, ainsi que des contacts au-delà des frontières avec des citoyens d'autres Etats auxquels elles sont liées par leur origine nationale ou ethnique ou par leur appartenance religieuse ou linguistique136.

    136 Article 2, Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, O.N.U. A.G. 47/135, annexe, 47 U.N. Doc. A/47/49, 1993.

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    CONCLUSION PARTIELLE

    En conclusion, cette première partie nous a permis de comprendre que les questions relatives aux dimensions socioculturelles de l'intégration et de la participation des groupes minoritaires sont sous-traitées et pourraient tirer parti d'un examen plus approfondi en Afrique Centrale. Outre l'engagement touchant à la gouvernance nationale, aux communautés locales et, en soi au projet global d'intégration et de participation des groupes sociaux minoritaires, il convient de se demander dans quelle mesure les citoyens et les communautés de la sous-région partagent des normes, des valeurs ou des identités fédératrices. En s'appuyant sur les politiques publiques définies et implémentées jusqu'alors, de nombreux Etats de la sous-région ont au fil du temps pris en compte de manière directe les enjeux de la diversité culturelle dans la matérialisation de la paix et du vivre ensemble. Cependant, lesdites politiques publiques ne sont pas toujours à même d'influencer de manière durable les dynamiques de rapports qu'auraient les différents groupes sociaux. Un tableau évaluatif montre que ces politiques publiques sont en proie à de nombreuses limites et obstacles qui entravent leur saine implémentation au sein de la plupart des Etats de la sous-région.

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

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    DEUXIEME PARTIE: IMPLEMENTATION ET LIMITES DES POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LES PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    Mesurer l'impact d'un dispositif ou d'une politique publique n'a rien d'évident. Dès lors qu'il est ainsi reconnu, la nécessité de leur évaluation apparaît beaucoup plus nettement. En effet, réussir une politique publique c'est aussi l'évaluer, mais aussi et surtout utiliser les résultats de l'évaluation pour l'améliorer137. L'objectif est donc de permettre la compréhension des mécanismes sur lesquels l'action publique cherche à peser et d'identifier les interventions les plus efficaces au vu des objectifs souhaités138.

    De manière spécifique, une politique de gestion de la diversité est un projet de changement organisationnel. On y retrouve ainsi plusieurs facteurs de succès liés au suivi des rapports qu'entretiennent les groupes sociaux et les communautés. Au niveau national, les politiques publiques sont « la boîte à outils » qui traduit la volonté des autorités et des pouvoirs politiques de satisfaire les populations considérées comme minoritaires. Cela suppose que les objectifs et les activités liés à la diversité culturelle soient inclus dans les stratégies d'action et les contrats de société avec l'Etat. En Afrique Centrale, malgré l'élan entrevu dès les lendemains des décennies de démocratisation dans les années 1990, la prise en compte des groupes minoritaires par les politiques publiques ne semble pas toujours à même d'influencer les dynamiques sociales d'uniformisation des sociétés contemporaines. Il semble désormais impératif d'imposer des stratégies de gestion et les mécanismes d'implémentation des politiques publiques favorables à la diversité culturelle (Chapitre 3), quoiqu'en proie à un certain nombre de limites et insuffisances, obstacles et clivages qui entravent leur implémentation (Chapitre 4).

    137 Harold Dwight LASSWELL, The policy orientation in the policy sciences: Recent developments in scope and method, Standford University Press, 1951, P.71.

    138 Antoine BOZIO, « L'évaluation des politiques publiques : Enjeux, méthodes et institutions », Revue française d'économie 2014/4 (Volume XXIX), PP.59 - 85.

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    CHAPITRE 3: LES STRATEGIES ET MECANISMES D'IMPLEMENTATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE CENTRALE

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    Pour s'assurer de l'intégration et de la prise en compte des communautés spécifiques dans la structure politique des Etats d'Afrique Centrale, des stratégies et des répertoires d'action vont être élaborés. Afin d'éviter que la très grande diversité culturelle des sociétés ne porte un coup au modèle de l'équilibre sociétal, ces stratégies seront perçues comme des réponses apportées pour garantir à tous les membres de la communauté l'accès à la construction de la justice sociale. Ces stratégies d'action englobent tout aussi bien des mécanismes politico-administratifs (Section 1), et les stratégies d'implémentation de la diversité culturelle (Section 2).

    Section 1: Les mécanismes et procédés politico-administratifs de la gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    Parler de la prise en compte de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix c'est faire allusion aux mécanismes culturels de transformation des conflits. Jadis, il était question des démarches traditionnelles de négociation et de médiation, des mécanismes de justice participative, de justice populaire ou d'institutions judiciaires auxiliaires139. De plus en plus, dans la définition des politiques publiques, l'aménagement d'un cadre politique et juridique se veut propice à l'expression des différences culturelles. Ceci impose l'utilisation des mécanismes politico-administratifs (Paragraphe 1) et la mise en oeuvre d'un certain nombre de stratégies d'implémentation nécessaires pour répondre à cette fonction (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Les mesures politico-administratives de la gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    La constitution des sociétés démocratiques en Afrique se veut un processus lent et évolutif dont la trajectoire historique a été marquée par des déterminants endogènes et exogènes140. De ce fait, parler des mesures formelles de gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale consiste à aborder des stratégies d'action mises sur pied par les différents Etats comme des

    139 Filip REYNTJENS et Stef VANDEGINSTE, « Démarches traditionnelles de négociation et de médiation au Burundi, Rwanda et Congo » in Construire la paix sur le terrain, mode d'emploi, Editions GRIP, FID et Complexe, 2000. P.152.

    140 Ibrahim MOUICHE, « Mutations sociopolitiques et replis identitaires en Afrique: Le cas du Cameroun », Revue Africaine de Sciences politiques, African Journal of Political Sciences, Vol.1, N02, Décembre 1996.

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    systèmes de gouvernance des sociétés. Le régime juridique laisse entrevoir les stratégies de gouvernance locale, adossées à la décentralisation et au développement local d'une part (A), ainsi que les techniques de discrimination positive et les politiques de quota d'autre part (B).

    A-La gouvernance locale

    À ce niveau, il faut relever avec Ibrahim MOUICHE que « le départ de l'administration coloniale a posé avec acuité le problème de l'intégration politique des pays africains qui dès leur berceau portaient déjà les stigmates de l'Etat segmentaire ; Etat où généralement le pouvoir central coexiste avec les unités périphériques et centrifuges de pouvoir sur lesquelles il n'exerce qu'un contrôle relatif »141. Cette tendance tend de plus en plus à s'inverser avec la politique de la gouvernance locale. La gouvernance locale est devenue en effet le versant pratique de la démocratie qui est susceptible de permettre à un échelon plus bas la participation des communautés locales dans la gestion de la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays. Elle suppose le respect de la diversité culturelle des sociétés, et de sa prise en compte dans la définition et l'implémentation des projets et programmes des pouvoirs politiques. La tâche ardue pour les pouvoirs publics consiste donc à ne pas opposer unité de l'Etat et diversité des groupes sociaux, mais de réussir à les articuler pour parvenir à une société équilibrée et exempte de conflits. La gouvernance locale apparait dès lors comme un outil approprié dans les stratégies d''action de la gestion des différences.

    Cela dit, le niveau local est un axe stratégique dans la prévention des tensions, troubles et conflits que l'on connait aujourd'hui concernant les groupes sociaux minoritaires au sein des Etats de l'Afrique Centrale, tant il est vrai que la majorité des conflits concernent différentes communautés dans l'Etat142. Pour être une politique publique véritablement opérationnelle, la gouvernance locale pose comme postulat de base une véritable décentralisation du pouvoir au niveau des communautés locales, et pour aller plus loin une véritable autonomie reconnue aux

    141 Ibrahim MOUICHE, « La question nationale, l'ethnicité et l'Etat en Afrique: Le cas du Cameroun », Verfassung und Recht in Ubersee / Law and Politics in Africa, Asia and Latin America, Vol.33, N0 2, 2000, P.212.

    142 Hugues François ONANA, Pratique de la gouvernance au Cameroun, entre désétatisation et démocratisation, L'Harmattan, Yaoundé, Février 2012, P114.

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    institutions à l'échelon régional143. Elle cumule avec la décentralisation pour être un véritable outil d'intégration de l'ensemble des couches sociales et des populations qui naguère n'avaient pas accès aux centres de pouvoir et de prise de décisions visant à améliorer leurs conditions de vie et ainsi lutter contre la pauvreté de manière plus directe.

    B- La décentralisation et le développement local

    Selon Pascal TOUOYE, la décentralisation est le « premier facteur de réduction des tensions spatiales »144. En droit administratif autant qu'en management, la décentralisation est un mode d'organisation de l'Etat qui constitue une solution aux problèmes de diffusion du pouvoir et de prise de décision organisationnelle. Il s'agit d'un mécanisme d'équilibre des relations et des pouvoirs entre gouvernants et gouvernés dans la conception de la structure organisationnelle de la société. Du point de vue de la doctrine du droit administratif, la décentralisation consiste en une répartition verticale du pouvoir et du partage des compétences entre l'Etat central et les entités décentralisées. Elle engage la création des régions et territoires autonomes, fondés sur des institutions démocratiques et administrées par des autorités légitimes que les populations locales se sont elles-mêmes choisies. D'un point de vue pratique, la décentralisation permet la participation de l'ensemble des composantes sociales à la gestion des affaires publiques, par le recentrage de l'action publique sur les aspirations des communautés qui de fait se sentent «propriétaires» de leurs projets et initiatives de développement. Elle favorise auprès des groupes la culture de la tolérance et du respect de la différence en élevant en chaque citoyen le sentiment d'appartenance à une seule communauté de vie et de destin avec les autres groupes sociaux.

    Au Cameroun par exemple, la Loi N0 96/06 du 18 Janvier 1996 a donné une nouvelle impulsion et un rôle accru aux entités décentralisées pour améliorer et dynamiser le développement politique, économique et social des communautés locales à la base. Elle dispose à son article premier, alinéa 2 : «La République du Cameroun est un Etat unitaire décentralisé». Le dispositif institutionnel de mise en oeuvre de la décentralisation est constitué des collectivités

    143 International Social Science Journal, UNESCO, Gouvernance, administration publique et globalisation, Paris, Blackwell Publishers, N0 155, Mars 1998.

    144 Pascal TOUOYE, « Dynamiques de l'ethnicité en Afrique, Eléments pour une théorie de l'Etat multinational », Langaa et Centre d'Etudes Africaines, 2014, P.91.

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    territoriales décentralisées que sont respectivement les communes et les régions, des organes consultatifs et des organes opérationnels145. En favorisant l'implication et la prise en compte des acteurs locaux dans les politiques gouvernementales, la politique publique de décentralisation permet de contenir les revendications et les frustrations des franges de citoyens qui se considèrent de « seconde zone»146, et ainsi prévenir les tensions et les conflits de divers ordres. Cela déborde sur le concept non moins englobant du développement local. Dans cette recherche, le recours à un autre principe s'est avéré nécessaire. Il s'agit du principe de la subsidiarité qui est un concept totalisant et essentiellement politique dans la répartition des pouvoirs qui consiste à « privilégier le citoyen d'abord, puis à défaut, les différentes communautés qu'il constitue »147. À cet égard, le principe de subsidiarité renforce beaucoup plus celui de la décentralisation en lui donnant un sens et un contenu plus larges.

    L'économiste Bernard PECQUEUR analysant le développement local définit la gouvernance locale comme étant « un processus institutionnel et organisationnel et organisationnel de construction d'une mise en comptabilité des différents modes de coordination entre acteurs géographiquement proches, en vue de résoudre les problèmes productifs inédits posés aux territoires »148. À ce projet d''essence néolibéral, est venu se greffer l'adjectif «bonne», pour désormais faire place au concept de bonne gouvernance qui entend instituer un Etat souple, régulateur du système et très peu interventionniste. Ce dernier existerait alors à côte des autres acteurs tels que la société civile149.

    145 Loi N02004/017 du 22 Juillet 2004 portant orientation de la décentralisation, Loi N02004/018 du 22 Juillet 2004 portant sur les règles applicables aux communes ; Loi N02004/019 fixant les règles applicables aux régions. Voir aussi le Décret N2008/013 du 14 Janvier 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil National de la Décentralisation ; Décret N0 2008/014 du 14 Janvier 2008 portant organisation et fonctionnement du Comité Interministériel des Services locaux ; Décret N0 200/0365 du 11 Décembre 2000 modifié par le Décret N0 2006/182 du 31 Mai 2006 portant réorganisation du Fonds Spécial d'Equipement et d'Intervention communale (FEICOM) ; Décret N0 77/494 du 07 Décembre 1977 portant création et organisation du Centre de Formation pour l'Administration Municipale (CEFAM).

    146 Manassé ABOYA ENDONG, « Menaces sécessionnistes sur l'Etat camerounais », Journal le Monde diplomatique, Décembre 2002, N0385.

    147 Antoine DELCAMP, « Les problèmes de la déconcentration dans les pays européens, Revue française de droit administratif », Juillet-Aout 1995, PP.730-740.

    148 Bernard PECQUEUR, Le développement local, Syros, 2ème édition revue et complétée, 2000.

    149 Catherine BARON, « La gouvernance, débats autour d'un concept polysémique », Droit et sociétés, numéro 54, 2003, P. 330.

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    Paragraphe 2 : Les techniques de discrimination positive et les politiques de quota

    Pour les pouvoirs publics, il est tout aussi important de garantir le droit des individus et des communautés à exprimer librement leur identité et leur culture ethnique. En vue de garantir son effectivité, des politiques favorables ont été conçues à cette fin. Elles englobent aussi bien les techniques de discrimination positive (A), de même que des politiques de quota (B).

    A- Les techniques de discrimination positive

    La gestion de la diversité culturelle regroupe en son sein des politiques et pratiques qui visent pour certains à lutter contre les discriminations et les stéréotypes, pour d'autres, à créer de la valeur ajoutée en utilisant au mieux les différences et compétences individuelles. Les publics-cibles sont généralement les femmes, les jeunes et les personnes handicapées. Certains Etats y ajoutent des actions ciblées sur l'âge le plus souvent, et des actions de lutte contre l'homophobie. La gestion de la diversité culturelle s'inscrit aussi dans les principes d'égalité des chances, de traitement et de lutte contre toutes les formes de discrimination. Elle vise à offrir à chacun et chacune des opportunités d'emploi, de carrière et de vie en lien avec ses compétences et aspirations en dehors de ses origines ethniques, religieuses ou linguistiques. Elle s'articule aussi autour de valeurs susceptibles d'affecter la culture organisationnelle: Respect des différences et rejet de tout comportement d'exclusion, de repli et de jugement.

    En outre, les services publics posent des actions visant leur environnement local afin de permettre une meilleure insertion non seulement professionnelle, mais aussi sociale de certains groupes-cibles. Ces objectifs semblent à priori fortement en phase avec l'éthique des services publics, à savoir le bien commun et la volonté d'assurer à tous les citoyens une égalité de service et de traitement, dans un souci de neutralité de l'administration. Cela ressort des bonnes pratiques des services publics en matière de gestion de la diversité, ces politiques étant le plus souvent liées à des objectifs sociaux tels que l'inclusion professionnelle de différents groupes minoritaires (minorités ethniques, personnes handicapées, femmes et jeunes) dans l'emploi public, la volonté de mieux représenter la population environnante, la volonté comme service public d'être un lieu d'inclusion sociale basé sur l'égalité de traitement et le refus de toute forme de discrimination directe, le respect des lois et l'exemplarité des services publics avec une plus grande efficacité et efficience: «Valuing and using people's competences, experience, and

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    perspectives to improve government efficiency and effectiveness, and to meet public servants' professional expectations»150.

    Au Cameroun, l'un des mécanismes consacrés est l'institution de la politique dite de l'«équilibre régional ». Cette politique s'insère dans un ensemble de règles juridiques et de mesures politiques qui visent en la diversification dans le recrutement au sein des instances politiques et dans les administrations publiques, la répartition territoriale équitable des investissements publics et la reconnaissance d'avantages particuliers dans certains domaines tels que l'éducation ou la santé pour les ressortissants de certaines régions reconnues comme «défavorisées». Il s'agit comme l'affirme Guy Landry HAZOUME, d'une variante originale de la démocratie, une sorte d' « ethnocratie » reposant sur le postulat suivant lequel la représentation de toutes les ethnies ou régions du pays aux postes de direction de l'appareil d'Etat serait le seul modèle capable d'assurer la participation universelle des citoyens aux tâches d'administration de l'Etat151. La politique de l'équilibre régional entend donc concilier les différences, remettre l'équité comme principe de régulation et de représentation politique au sein des instances nationales, envisager la décentralisation comme étant une dimension complémentaire du principe de la répartition des pouvoirs au sein de l'Etat, et en faire un facteur d'épanouissement de l'individu comme fondement de la démocratie et de la justice sociale152.

    B- Les politiques de quota

    En Afrique Centrale, le terrain est favorable à la mise en oeuvre des politiques et des pratiques de gestion de la diversité, au regard de ses préoccupations sociales et de ses principes de base qui s'appuient notamment sur l'égalité de droit et de traitement et sur la nécessaire représentativité de la population dans le personnel de la fonction publique153. Une analyse des

    150 Institut de la gestion publique et du développement économique, « Diversité : un enjeu de performance dans les services publics », Perspectives- Gestion Publique, IGPDE, 22 Février 2007.

    151 Guy-Landry HAZOUME, 1986, Idéologies tribalistes et nation en Afrique : le cas dahoméen, Paris, L'Harmattan, 1986.

    152 Luc SINDJOUN, Notes de synthèse de l'ensemble des travaux du Colloque Francophonie-Commonwealth-Cameroun sur le thème « Démocraties et sociétés plurielles», Yaoundé, Mars 1999.

    153 Hubert MONO NDZANA, « Le rôle des quotas dans la gestion d'une société multiethnique », Impact Tribune 16, 2001.

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    pratiques montre de fait une préoccupation d'égalité des chances et de lutte contre les discriminations. La plupart des pays africains ont pris des dispositions en vue d'intégrer des mesures spéciales dans leur constitution, y compris des quotas. Pour les pays qui appliquent la politique des quotas comme le Burundi, l'Angola, le Rwanda et le Cameroun, il est tout aussi important que les individus qui s'identifient comme appartenant à tel ou tel groupe ethnique se sentent également bien représentés dans les administrations nationales et locales et aux postes de responsabilité de la fonction publique.

    Il importe de veiller à ce que l'appareil judiciaire et la fonction publique, y compris la police et l'armée reflètent toute la diversité de la société. Visant à assurer «l'égalité réelle», il s'agit pour VERSINI de «...diversifier la fonction publique pour qu'elle soit plus représentative de la nation qu'elle sert », et rendre de ce fait les viviers de recrutement plus représentatifs des minorités visibles au sein de l'Etat. La gestion de la diversité peut s'appuyer sur les valeurs de base des services publics comme l'égalité de traitement, la justice et l'équité mais doit aussi s'appuyer sur des arguments d'efficience (mieux utiliser les compétences et ressources existantes) et d'efficacité (meilleure satisfaction des usagers des services publics).

    Plusieurs pays en Afrique Centrale ont mis au point des cadres politiques en vue d'intégrer les groupes marginalisés, en particulier les femmes. Dans de nombreux autres pays tels que le Cameroun et le Gabon, même si le système politique a été réformé, le contenu de la réforme et ses effets concrets sur la situation des femmes restent modestes, et sont de surcroit contestés par les forces patriarcales. La pratique semble frappée par la lente marche qui empêche toute évolution vers un système de gouvernement incluant un nombre important de femmes. Contrairement à ces Etats, le Rwanda a réussi à placer des femmes à des postes de responsabilité politique aux niveaux national et local154. Par exemple en 2003, le Rwanda a adopté l'égalité des sexes dans son système de gouvernance, et les femmes occupaient 56 % des sièges de la chambre des députés, 35 % du Sénat et 27 % du gouvernement. Les femmes représentent aussi 35 % des secrétaires permanents, 61 % des juges des cours suprêmes et 32 % des maires et maires adjoints, ce qui montre les avancées en matière d'égalité des sexes155.

    154 CEA, Elections et gestion de la diversité en Afrique, note conceptuelle de la Commission économique pour l'Afrique, Addis-Abeba, 2010, P75.

    155 Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et Commission économique pour l'Afrique (CEA), Actes du huitième Forum sur « La gouvernance en Afrique: égalité des sexes, élections et gestion de la diversité en Afrique », Huitième Forum sur la gouvernance en Afrique, Kigali, 1-2 novembre 2011.

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    L'exemple du Burundi illustre cette nécessité de définir des modalités d'interaction qui répondent à des enjeux spécifiques. Les accords d'Arusha, négociés à la sortie de la guerre civile du Burundi, avaient pour objectif de pacifier une situation vectrice de haine et de ressentiments. Il s'agissait alors de trouver une réponse aux revendications et demandes de représentation de toutes les franges de la société burundaise qui ne puisse générer un sentiment d'inégalité. Pour cela, un modèle institutionnel inclusif fut négocié, passant notamment par la mise en oeuvre de quotas dans l'intégralité des institutions de l'État burundais. Cette étape était indispensable pour que chaque composante de la société burundaise puisse se sentir représentée et se projeter dans un avenir commun. Il est stipulé par exemple au paragraphe 4 de l'article 9 de la Constitution qu'au moins 30 % des postes sont attribués aux femmes dans les instances de prise de décisions.

    Au chapitre de la participation des femmes à la vie publique en Angola, des résultats ont montré qu'en 2016, le pourcentage de femmes par rapport aux hommes était de 36,8% au Parlement, avec une représentation dans le gouvernement central

    et local de 19,5% des ministres femmes, 16,4% des secrétaires d'État, 11,1% des
    gouverneures, 19,5% des vice-gouverneures, et dans la représentation diplomatique 29,9%, dans la magistrature publique 34,4%, dans la Magistrature judiciaire 31,0%, dans la haute fonction publique 30,5%. Dans le cadre de la politique de promotion du genre, le gouvernement angolais a développé des actions qui ont permis une représentation considérable des femmes dans diverses positions de l'État et du gouvernement156. Ces mesures formelles sont renforcées par des stratégies d'action visant une meilleure implémentation de la diversité culturelle.

    Paragraphe 2: Les stratégies d'implémentation de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    Le débat sur la question identitaire s'est abondamment renouvelé en Afrique Centrale. Avec la poussée des revendications et l'accentuation des particularismes, les mécanismes de se sont décuplés autour de deux approches distinctes dans l'implémentation des politiques publiques de gestion de la diversité culturelle. Il s'agit du multiculturalisme et de l'inter culturalisme. Le

    156 Sixième et septième rapport sur la mise en oeuvre de la charte africaine sur les droits de l'homme et des peuples et le rapport initial du protocole sur les droits de la femme en Afrique 2011-2017, Luanda, République d'Angola, janvier 2017.

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    multiculturalisme, entendu comme reconnaissance et revalorisation par les pouvoirs publics de la diversité culturelle renvoie à ce qui relève de la coexistence de plusieurs cultures différentes (A), tandis que l'inter culturalisme renvoie aux différents échanges et contacts entre les cultures en vue d'une meilleure valorisation des différences (B).

    A- Le multiculturalisme comme nouvelle réponse des politiques publiques de gestion de la diversité en Afrique Centrale

    Le multiculturalisme de la vie sociale est un fait en Afrique Centrale. Les Etats-nations sont formés de populations diverses par leur culture, leur milieu social, leur religion, leur origine régionale ou nationale. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les politiques engagées privilégient des outils multiples dont certains visent explicitement des groupes minoritaires en façonnant des politiques d'intégration qui s'appuient largement sur des dynamiques communautaires des minorités et la préservation de leurs identités. Un des aspects de ces politiques d'intégration est la préservation de l'identité culturelle des minorités ethniques. Il existe depuis cette période des débats sur la question de savoir si cette préservation facilite ou entrave l'intégration des minorités.

    Selon Charles TAYLOR, le multiculturalisme est un « mélange des horizons »157. Il est fondé sur le double respect de la diversité des cultures d'une part, et de l'éthique du vivre-ensemble d'autre part. Perçu comme le modèle libéral le plus favorable à l'expression des demandes de groupes minoritaires, le multiculturalisme démocratique est utilisé pour caractériser des accommodements mis en oeuvre par les Etats en vue de permettre la reconnaissance et la protection d'identités culturelles différentes de la culture dominante. La question de la représentation étant sous-jacente, l'enjeu ici est de faire accéder les « minorités visibles » à une représentation économique, politique et sociale de la vie de leur nation.

    Will KYMLICKA dans son ouvrage Multicultural Citizenship, développe sa proposition de gestion politique de la différence culturelle. L'auteur canadien y distingue deux types de sociétés : les sociétés multinationales et les sociétés multiethniques. Au sein des premières, existent des minorités nationales, à savoir des populations autochtones dont les sociétés postcoloniales (Etats-Unis, Canada, Australie et d'autres) servent d'exemple. Ces minorités

    157 Charles TAYLOR, Multiculturalisme. Différence et démocratie, Paris, Flammarion, 1994.

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    méritent selon KYMLICKA des droits particuliers parce qu'elles sont territorialement concentrées, elles ont une culture plus ou moins structurée et elles sont souvent protégées par des traités internationaux. Le second type de sociétés est celles qui « accueillent » des immigrés. Pour ces derniers KYMLICKA suggère qu'ils ont abandonné volontairement leurs pays et par conséquent le droit à leurs cultures. Donc, il reconnaît à la société libérale le droit de « forcer » les immigrés de respecter la culture de la société d'accueil (to compel respect)158.

    Le contenu du concept de multiculturalisme se réduit donc à la reconnaissance ou non de la différence culturelle dans la sphère publique à la suite de la problématique formulée par Charles TAYLOR. Il s'agit d'une caractéristique fondamentale qui distingue le multiculturalisme moderne des cas traditionnels de coexistence plus ou moins conflictuelle entre différentes communautés ethniques, religieuses et linguistiques. Le multiculturalisme est un moyen de relever le défi que constitue l'aggravation des conflits et de la violence associée aux différences. Pour d'autres, il constitue les dangers inhérents à la division et la diversité culturelle, et des résultats auxquels cette stratégie a abouti. La promotion du multiculturalisme s'accomplit via les institutions universalistes. L'UNESCO a par exemple lancé, depuis des années, une campagne pour la diversité culturelle. L'ONU a proclamé 1993 « Année des peuples indigènes ».

    La nécessité de définir un socle commun du fait de la diversité des États d'Afrique Centrale ont conduit à penser un système de protection des droits de l'homme basés sur les principes du multiculturalisme qui permettraient d'isoler l'effet ethnique de l'effet social en vue d'« appréhender concrètement la différence visible »159. Il ne s'agit plus du métissage et du cosmopolitisme d'antan au sein des sociétés fermées, il s'agit de penser les conditions du dialogue entre les cultures et des sociétés ouvertes les unes sur les autres, ce qui n'est ni abandon des identités, ni un mélange uniformisant des cultures. L'émergence d'une culture inclusive demande au préalable une base morale établissant quelques principes du vivre-ensemble

    Dorénavant, la structuration des sociétés du monde n'est plus déterminée par les rapports de production, mais par les rapports culturels, entendus par la plupart des chercheurs multi

    158 Will KYMLICKA, Multicultural Citizenship. A liberal theory of minority rights, Oxford, Clarendon Press, 1995.

    159 GRAVEL S., GERMAIN A. et LECLERC E. (2010), « Les données ethniques dans les services publics: Dilemmes de gestion de la diversité et protection » in I. BARTH and C. FALCOZ, Nouvelles perspectives en management de la diversité: Egalité, Discrimination et diversité dans l'emploi, Paris: EMS, Management et société, PP. 119-138.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    culturalistes comme ethniques. Le poids des facteurs socioculturels s'accroît dans la définition de l'espace social. Ainsi: « D'un discours où une notion de classe même contestée était centrale, on passe à un discours davantage ethnicisé. Au fur et à mesure que le concept de classe s'émiette, on cherche ailleurs les identités sociales »160. En apprenant à se connaître, en dialoguant, les individus prennent conscience de l'apport de chacun et des ressources disponibles au sein de la société. Ceci conduit Claude KARNOOUH à conclure ainsi: « Multiculturalism offers only impotent responses to this social-political crisis created by capitalism, because its elaboration is no way lessens, through an ever stronger social atomization, what the real tragedy of late modernism reveals: A growing disjunction between wealth and poverty »161.

    B- L'interculturalisme comme stratégie de valorisation de la différence en Afrique Centrale

    L'espace culturel local, celui qui détermine l'identité culturelle des groupes sociaux est beaucoup plus restreint que celui de l'Etat-Nation. De ce fait l'identité culturelle se rattache davantage à des entités plus petites que l'espace national. Très souvent, celles-ci prennent le nom non moins expressif d'ethnies ou de populations autochtones. De plus, la diversité a un caractère subjectif. Elle peut se définir par une catégorisation des individus selon leurs caractéristiques objectives, mais elle peut aussi se fonder sur le sentiment d'appartenance des individus à une ou plusieurs catégories spécifiques. Dans ce dernier cas, les catégories sont interdépendantes, l'individu peut appartenir à plusieurs catégories, et la définition de la diversité peut évoluer au cours du temps. Les politiques de gestion de la diversité doivent donc prendre en compte la multiplicité des appartenances en ayant conscience des combinaisons des différentes caractéristiques des individus. Tout état de choses qui a véritablement lieu de citer au sein de la plupart des Etats de l'Afrique Centrale.

    Au sein de ces sociétés, une conséquence directe de ces déplacements est le remplacement de la notion d'inégalité par la notion de différence. Par conséquent, ce qui divise les groupes conçus comme des groupes culturels et non plus comme groupes sociaux, c'est la

    160 Nancy GREEN. « Classe et ethnicité, des catégories caduques de l'histoire sociale ? » in B. LEPETIT (éd.), Les formes de l'expérience : une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, p. 176.

    161 Claude KARNOOUH, « Logos without Ethos: On Interculturalism and Multiculturalism », Telos, 110, winter, Presses universitaires de Montréal, 1998, P. 133.

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    différence entre eux. Sous le prisme d'un pluralisme culturel abstrait basé sur la tolérance mutuelle, celle-ci à son extension logique qui implique la tolérance des groupes opprimés face aux points de vue dominants. L'inégalité et la hiérarchisation qui régissent les rapports sociaux s'effacent progressivement en vertu de l'utilisation du concept de culture.

    La culture, au sens des théories de l'interculturalisme constitue un construit évolutif. Elle renvoie à l'ensemble plus ou moins cohérent des sens produits durablement par les membres d'un groupe qui, du fait même de leur appartenance à ce groupe sont incités à donner une lecture partagée de leurs productions, pratiques, langage, d'où l'homogénéisation des représentations et des attitudes. La notion d'interculturalisme est le plus souvent employée pour désigner l'ensemble des processus psychiques, relationnels, groupaux, ou institutionnels générés par les interactions de cultures dans un rapport d'échanges réciproques, et dans une perspective de sauvegarde d'une relative identité culturelle des partenaires en relation.

    L'interculturalisme c'est-à-dire en général la communication interculturelle implique la prise en compte de la disparité des codes culturels et la conscience des attitudes et mécanismes psychologiques suscités par l'altérité. Elle permet ou vise le respect des différences. Ces différences ne sont pas pensées en termes d'inégalité et de hiérarchie des cultures. L'interculturel vise également à connaître et comprendre ce que les hommes ont de semblable. Certains auteurs distinguent inter culturalisme et multiculturalisme sur ce point : Là où l'interculturalisme souligne la notion de partage, le multiculturalisme n'implique pas nécessairement partage. L'interculturalisme se définit selon Antoine de SAINT- EXUPERY, comme « se savoir différent et s'accepter complémentaire »162.

    L'approche ou les projets interculturels poursuivent plusieurs types d'objectifs : Acquérir une flexibilité cognitive, affective et comportementale pour pouvoir s'ajuster à des cultures nouvelles ; minimiser les conflits qui résultent de la confrontation de cultures et de religions ; rechercher des solutions à la coexistence de populations d'origines différentes ; permettre le dialogue, le partage d'expériences et le travail en commun. L'éducation interculturelle vise une instruction à l'altérité, à la diversité et à la communication dans un contexte caractérisé par le pluralisme.

    162 Antoine de SAINT- EXUPERY, cité par Boniface KIZOBO O'BWENG-OKWESS, « L'interculturalité en République Démocratique du Congo : un facteur de paix et de cohésion sociale », http://www.actionsud.placet.be/index.php/interculturalite/l-interculturalite-en-rdc-un-facteur-de-paix-et-de-cohesion-sociale.

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    Si la non-discrimination constitue un préalable à la véritable mise à contribution de la diversité, elle n'est pas une garantie de la valeur ajoutée de la paix et de l'équilibre sociétal. L'inter culturalisme tente d'articuler une prise en compte de la diversité culturelle, religieuse, linguistique plus ou moins poussée, avec le respect du principe d'égalité entre les individus (égalité formelle, égalité de traitement et égalité des chances), et le maintien de la cohésion de l'ensemble national.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    CONCLUSION

    Au terme de ce chapitre, il ressort que la construction de la paix et la sécurité en Afrique centrale demeure une préoccupation majeure pour les États de cette région. Celle-ci a été le théâtre d'une très forte conflictualité au cours de la décennie écoulée. Les contrecoups de cette situation sont encore sensibles et plusieurs pays de la région sont toujours dans une phase de transition vers la paix dont le résultat final demeure incertain. Cependant, la mise en oeuvre des politiques publiques visant la construction de la paix a connu beaucoup d'obstacles et de difficultés d'implémentation. Autant la dimension culturelle doit être prise en compte, autant il est difficile de l'appliquer d'une communauté à une autre, tant les modes de représentation sociale varient les uns aux autres.

    A la réalité, ce qui transforme les équilibres et les rend précaires, c'est la défaillance des politiques publiques qui sont pour la plupart édictées en dehors de toute opportunité de la vie collective au sein de l''Etat. Cela a comme conséquence principale la détérioration du vivre-ensemble, et est en même temps susceptible d'induire des déplacements plus ou moins massifs des populations. Il faut donc analyser ce qui est susceptible d'entraver l'implémentation des politiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de paix en Afrique centrale.

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

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    CHAPITRE 4: LES LIMITES À L'IMPLEMENTATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LA CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE.

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    L'action visant à la construction de la paix et du vivre-ensemble renvoie à un ensemble de mesures instituées en vue d'éviter tout éclatement des pressions, tensions et crises susceptibles de mettre à mal la cohésion sociale et l'équilibre sociétal. Elle sous-entend une corrélation étroite entre les divers segments sociaux qui ont en charge la définition et l'implémentation des politiques publiques au sein de l'appareil étatique. Malgré la volonté des pouvoirs publics de mettre en place des outils et des mécanismes de gestion de la diversité culturelle, il demeure que certains comportements sociaux, administratifs ou politiques entravent davantage l'implémentation des politiques publiques favorables à cette dernière. L'on peut relever ces facteurs aussi bien dans les faiblesses et les insuffisances liées au cadre juridique et institutionnel d'une part (Section 1), et les clivages, risques et obstacles aux politiques de gestion de la diversité en Afrique Centrale (Section 2).

    Section 1: Les faiblesses et les insuffisances liées au cadre juridique et institutionnel

    Elles peuvent se retrouver à la fois au sein des politiques nationales de gestion de la diversité culturelle (Paragraphe 1), que dans l'inefficacité des bases juridiques et institutionnelles (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1: Les limites liées aux politiques nationales de gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    Ces limites et insuffisances engagent aussi bien la désarticulation des politiques publiques de gestion de la diversité culturelle au sein des environnements socio-culturels complexes (A), suivie en aval par l'indifférence et la non prise en compte des politiques sectorielles relatives à la diversité culturelle au sein des Etats (B).

    A- La désarticulation des politiques publiques au sein des environnements socioculturels complexes

    Une bonne politique publique est celle qui est négociée et qui prend en compte les spécificités du milieu, afin d'assurer une germination endogène avec les groupes sociaux auprès desquels elle est implémentée. C'est en effet par le biais des politiques publiques que l'Etat peut offrir à une minorité un capital influent et lui permettre de s'affirmer tant au niveau local, que national. Or pour la plupart des cas, dans l'espace public des États en Afrique Centrale, la

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    transition démocratique ne s'est pas toujours accompagnée d'une réforme adéquate des forces institutionnelles longtemps accolées au modèle jacobin-libéral de la forme de l'Etat dans un contexte de dictature monopartite.

    Dans la plupart de ces pays, il n'existe pas de législation sur l'environnement socio-culturel qui soit à même de décider de l'édiction de la politique publique appropriée à la gestion de la différence. Des institutions sensibles dans la mise en oeuvre des politiques publiques sont sujettes à de nombreuses frustrations, ce qui traduit l'état de délabrement de l'unité nationale et focalise les fléaux du clientélisme et de l'impunité. Très souvent, ce qu'on appelle souvent dans la sous-région la « géopolitique » consiste en une répartition des pouvoirs entre groupes ethno-régionaux, condition sine qua non du fonctionnement pacifique de l'Etat. L'habileté des gouvernants réside dans leur capacité à satisfaire les représentants issus de chaque groupe, chefs traditionnels, notables, élites formées à la modernité par l'école. Mais aucun pays de la sous-région n'est véritablement à l'abri de revendications pouvant dégénérer en violences lorsque les responsables politiques mobilisent leurs forces pour un combat où les affrontements interethniques se substituent à la négociation.

    Analysant les conflits liés à la gestion des ressources par une partie de la population, sorte d'élites prévaricatrices, Côme Damien Georges AWOUMOU souligne le risque de conflits dits de « localisation » ou d'« expropriation »163. À juste titre, il fait remarquer que dans la mesure où la qualité de la gouvernance n'est pas de nature à améliorer les conditions de vie de la population, il survient des mouvements de revendications liés au sentiment d'expropriation et de spoliation d'une richesse puisée sur leur territoire. À titre d'illustration, il évoque les affrontements intercommunautaires dans la région pétrolifère du sud du Tchad ; la guérilla cabindaise en Angola ; les violentes manifestations des populations de Ndolou au sud-est du Gabon ; les revendications de l'ethnie Bubi en Guinée-Équatoriale et la plainte déposée par les ressortissants Bakweri contre l'État du Cameroun auprès de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

    Ainsi, comme l'explique le juriste historien et spécialiste des Relations internationales français Charles ZORGBIBE une certaine légitimité s'inscrit au coeur du conflit et, il s'installe

    163 Damien Georges AWOUMOU, cité par le Premier rapport d'évaluation stratégique sous régionale du PNUD, Mars 2017

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    progressivement un état de « guerre civile froide »164, c'est-à-dire un climat de guerre civile larvée entre les gouvernants, le système politique et le peuple. Dans son analyse opérationnelle de la violence, le spécialiste des relations internationales français Loup FRANCART relève que: « Dans certains cas, c'est la disparition de l'État qui crée une nouvelle fracture entre communautés qui auparavant arrivaient à vivre ensemble. La violence engagée est souvent le fait d'organisations politiques progressivement constituées en milices, en groupes paramilitaires ou en mouvements de guérilla. La motivation la plus fréquente est l'affirmation identitaire. Mais celle-ci peut facilement dégénérer en course au pouvoir ou en recherche de la richesse »165. L'économie de ces pays est basée essentiellement sur un modèle rentier: Les ressources tirées de l'exportation des matières premières et de l'aide au développement. Ce qui est naturellement source et objet de toutes sortes de convoitises: qui tient l'État, tient les richesses.

    Le contrôle de l'appareil de l'État est un enjeu capital dans certains États de l'Afrique centrale. En effet, l'exercice de responsabilités dans l'administration publique, de très loin principal employeur au Gabon et au Cameroun par exemple est souvent une solution toute trouvée en termes de recrutement et de promotion pour des proches, le mérite y étant rarement la condition de la réussite sociale. Cette dimension explique l'importance de la famille, mais aussi de l'ethnie, la dérive identitaire faisant de l'appartenance au même groupe la clef de l'ascension sociale. Dès lors, le conflit politique devient aussi conflit entre familles et ethnies. L'État et la chose publique sont gérés de façon patrimoniale, il en résulte une rupture du lien entre État et Nation, en tout cas, un rejet plus ou moins violent du modèle étatique par une bonne partie de la population. Les groupes qui ne profitent par des prébendes du système s'estiment léser par un pouvoir assimilé à des familles, ethnies ou à une région.

    B- L'indifférence et la non prise en compte des politiques sectorielles relatives à la diversité culturelle

    Tout d'abord, les Etats de la sous-région sont confrontés à la difficulté de pouvoir évaluer les résultats des politiques publiques menées en faveur de la diversité culturelle. À titre

    164 Charles ZORGBIBE, Paix et guerres en Afrique, un continent en dehors de l'histoire ? Tome 1, Bourrin Editeur, 2009, P.146.

    165 Loup FRANCART, Maitriser la violence, une option stratégique, Deuxième édition, Paris, Economica, 1999, P.195.

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    illustratif pour de nombreuses sources non gouvernementales, il ressort des recherches indépendantes et de données qualitatives que les personnes appartenant à certains groupes identifiables sont défavorisées ou font face à des inégalités. Faute de statistiques ventilées, les difficultés rencontrées par les groupes minoritaires, notamment leur précarité socioéconomique, et leur déclin démographique n'apparaissent pas dans les données officielles. La politique du gouvernement au Rwanda refusant de reconnaître les catégories ethniques fait qu'on ne dispose pas de données officielles provenant d'enquêtes démographiques, de recensements ou d'autres études ventilées par origine ethnique.

    Quand bien même cela serait fait, les autres difficultés se trouvent aussi au niveau du management qui, malgré la multiplication des accords et des chartes pour promouvoir les politiques de la diversité culturelle restent souvent démunis d'application dans la plupart des Etats. Cela montre qu'une fracture peut naître entre les gouvernements qui initient des politiques de la diversité, et les différents segments sociaux censés les recevoir et les mettre en oeuvre. Ces difficultés liées à la concrétisation des politiques de diversité montrent que les politiques de gestion de la diversité dans les Etats sont souvent superficielles et ne touchent pas l'ensemble de l'organisation sociale.

    L'interprétation des dispositifs politico-ethniques est en outre rendue compliquée parce qu'ils sont à géométrie variable. Ils constituent pourtant une grille d'analyse obligée pour la compréhension du jeu politique. Plusieurs initiatives locales sont lancées en vue de la promotion de la diversité culturelle, le plus souvent portées par l'une ou l'autre personne convaincue que l'égalité et la diversité sont des valeurs importantes pour l'administration. Le problème est que ces initiatives restent souvent assez confidentielles. En effet, les acteurs impliqués travaillent souvent seul sans beaucoup de reconnaissance en interne, même si ils ont de la visibilité en externe. Il a peu de valorisation interne de ces initiatives et expertises, peu de partage d'expériences hormis parfois des réseaux de responsables de la diversité ou d'égalité. L'investissement consenti sur ces projets est rarement intégré dans les évaluations annuelles et dans les objectifs mis en place dans le cadre des nouveaux modes de management des services publics. Les lenteurs administratives dans la mise en place de certaines actions, comme les aménagements pour les personnes handicapées, constituent également un frein à la mobilisation et à l'action.

    En sus, il se note une certaine réticence face à ces pratiques d'actions et de discriminations positives. Certains pensent que c'est contraire au principe d'égalité et de reconnaissance des

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    compétences, d'autres pensent que cela peut stigmatiser les membres de ces groupes-cibles, voir les instrumentaliser. Certains pointent aussi que la gestion de la diversité passe par une forme d'individualisation des pratiques, ce qui rentre parfois en conflit avec le modèle de gestion des ressources publiques dominant en contexte démocratique.

    Au Rwanda par exemple, la Constitution prévoit un système décentralisé qui donne une autonomie aux administrations locales élues pour la planification et la mise en oeuvre des programmes. Si cette politique de décentralisation administrative permet aux localités de mieux répondre aux conditions locales, elle ne tient pas compte des besoins de certains groupes exclus, tels que les Batwas qui sont mal représentés et participent insuffisamment à la vie politique, même locale166. L'ethnie des Batwa présente à la fois au Rwanda et au Burundi représente typiquement un angle mort du champ politique consacrant la mise en oeuvre des politiques sectorielles relatives à la diversité culturelle. Malgré les tentatives raisonnées des représentants de cette minorité pour se faire entendre, le gouvernement demeure impassible face à leurs multiples revendications. De ce fait, l'ethnie demeure invisible sur la scène politique et médiatique. Cette réticence persistante du gouvernement à donner une voix aux Batwas a des conséquences importantes, au-delà de la simple absence de représentation au gouvernement. En effet, c'est tout le futur des jeunes Batwas qui est remis en question car ces enfants de l'Afrique "oubliée" ont très peu accès à l'éducation et aux soins de base, sur lesquels repose pourtant l'avenir de cette minorité. Le récit de ce peuple opprimé est loin d'être un cas isolé et soulève la question de l'avenir de ces populations censurées par leur propre gouvernement. Ceci rend très difficile toute mesure de la diversité culturelle au sein de l'Etat167.

    Paragraphe 2: Les limites liées à l'ineffectivité des textes juridiques et des bases institutionnelles

    La gouvernance en Afrique se veut le reflet de la démocratie telle que conçue et développée dans les sociétés occidentales. Ce mimétisme aveugle n'a jusqu'à présent pas permis au continent d'être à l'abri d'un « Etat importé » qui a du mal à trouver ses repères, et un système

    166 Rapport de l'experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, Gay MC DOUGALL présenté au Conseil des droits de l'homme sur l'ordre du jour Promotion et protection de tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement, Dix-neuvième session 31 janvier-7 février 2011.

    167 Idem

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    autocratique qui le plonge dans la léthargie et des guerres incessantes. C'est ce qui explique selon Jean François BAYART les revendications qui se sont exprimées dans certains Etats sous la bannière identitaire168. La principale conséquence qui en découle est l'inadaptation de la personnalité des sociétés que traduit l'affaiblissement des bases juridiques et institutionnelles (A) et la participation des populations à sa construction, ce qui rend la gouvernance et la gestion de la différence très difficile en contexte multiculturel (B).

    A- L'ineffectivité des textes juridiques et des bases institutionnelles

    Dans une monographie stimulante intitulée «Les droits fondamentaux dans un conflit culturel », le Pr. Walter KÄLIN appelle de ses voeux une discussion de fond sur les questions de désarticulation des bases juridiques et institutionnelles de première importance pour des sociétés plurales, c'est-à-dire celles dont « les membres sont divisés en catégories ou groupes en fonction de facteurs tels que la langue, la race, l'appartenance ethnique, la communauté de départ ou d'origine, la religion, les institutions sociales spécifiques ou la culture »169. KÄLIN différencie entre les sphères étatique, publique et privée, qui pré structurent de manière différente la discussion autour des droits culturels. Dans la sphère étatique, où les individus sont soumis à l'influence directe de l'autorité de l'Etat, il s''en suit en première ligne l'égalité de droit. Concrètement, cela signifie l'interdiction stricte de la discrimination des membres d'une minorité culturelle et une jouissance égale des droits culturels telle qu'accordée aux membres de la majorité.

    Dans la sphère privée, les interventions de l'Etat sont normalement proscrites. Toutefois, même dans une société libérale, la tolérance doit être limitée. Certaines normes du droit font notamment partie de ces critères délimitant les interventions légitimes de l'Etat dans une pratique culturelle. D'après KÄLIN, c'est la question de la sphère publique qui pose le plus de difficultés, une sphère où sont notamment évoquées les problématiques liées à la prise en compte des particularismes et des individualismes. La pesée d'intérêts entre une intégration structurelle réussie et le respect de l'autonomie des différentes cultures représente le coeur d'un difficile débat.

    168 Jean François BAYART, L'Etat en Afrique, la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, P.23.

    169 SMITH M. G., « Pluralisme, violence et l'Etat moderne : Une typologie », in Ali KAZANCIGIL, L'Etat au pluriel, Paris, ECONOMICA, 1985, PP. 207- 228.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    Analysant le cas du Cameroun, Louis-Marie NKOUM pense que le « message identitaire anglophone semble s'articuler autour de l'auto-identification et du positionnement dans l'arène politique ou en dehors de celle-ci...»170. En effet, l'expression de ce ressentiment est marquée par des crises mineures avant de connaitre une certaine escalade sous fond de processus de libéralisation politique. À ce stade, une partie de l'élite anglophone s'organise pour protester contre sa position dans l'espace public notamment le pouvoir politique, avant d'adopter des positions sécessionnistes devant le refus du gouvernement d'une réforme des politiques publiques et de la constitution de la forme de l'Etat. Les lois et les politiques aménagées sur le processus de la décentralisation sont restées jusqu'à cette date lettre morte et ineffectives depuis leur entrée en vigueur. Ainsi, sur le double plan politique et social, ce qu'il est convenu d'appeler le « problème anglophone » au Cameroun, serait d'abord fondé sur des raisons historiques, même si à côté, il pourrait être avantageusement prévenu par une articulation profonde des structures gouvernantes administrées de façon autonome sous le contrôle de l'Etat tel que prévus par les textes sur une décentralisation territoriale effective, le principe de la proportionnalité, la protection des minorités et autres mécanismes tels que la décentralisation ou le fédéralisme.

    Dans l'espace communautaire d'une manière générale, les questions relatives aux dimensions socioculturelles sont sous-traitées. L'on note un engagement de la part des Etats membres de la CEEAC de s'intéresser davantage au projet global d'intégration et de construction d'un marché au détriment d'un espace culturel commun. Contrairement à l'Afrique de l'Ouest, la CEEAC ne dispose pas encore de bases institutionnelles suffisamment encrées dans les problématiques de la diversité culturelle. En s'appuyant sur la perspective de la construction de la paix, il convient de s'interroger dans quelle mesure les citoyens de la sous-région partagent des normes, des valeurs et des identités fédératrices en vue de contribuer de manière directe à l'intégration sous régionale? Cette question mérite d'être posée si l'on s'en tient au fait qu'elle illustre l'effritement de la conscience collective et la méconnaissance des enjeux que la diversité culturelle recèle dans le mouvement d'uniformisation des sociétés avec la mondialisation.

    170 Louis-Marie NKOUM-ME-NTSENY, « Les anglophones et le processus d'élaboration de la Constitution du 18 Janvier 1996, Aspects juridiques et politiques », Fondation Friedrich Ebert AASP/GRAP, Yaoundé, 1996, P.16.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    B. L'effritement de la conscience collective et la méconnaissance des enjeux de la diversité culturelle en contexte multiculturel et pluriel

    Le colonialisme a réifié les identités ethniques et fabriqué des « citoyens ethniques »171. Il a en outre aiguisé la concurrence et les rivalités ethniques dans de nombreux pays de la sous-région. Au lieu d'encourager l'émergence d'une nouvelle génération de « citoyens multiculturels »172 conscients à la fois de leur culture civique aux plan local, national, sous régional et sensibles aux problématiques de la différence dans les nouvelles formes de vie commune, la gestion de la diversité culturelle a plutôt servi de justificatifs pour amener les différentes entités à épouser la citoyenneté commune de l'État-nation.

    Par cette approche, on a tenté de résoudre la question des diversités en la dissolvant dans le mythe de la citoyenneté commune et des droits individuels. Avec la montée en puissance des revendications identitaires en Afrique Centrale, il devient difficile de réaliser une véritable synthèse nationaliste ou de réaliser « l'unité de l'appartenance culturelle et du cadre politique»173 pour reprendre GELLNER. En effet, le sentiment d'appartenance au groupe ethnique, religieux ou linguistique semble être plus sacré, plus légitime que celui d'appartenir à l'Etat qui confère la nationalité. La violence d'appartenance interethnique, la véhémence religieuse est davantage renforcée par les clivages ethnoculturels, tandis que, la conjugaison de tous ces facteurs aboutit à une sorte « d'empêchement national ». Ainsi, plusieurs valeurs communes dont l'Etat prétendait être l'expression sont rejetées, et les règles et les politiques publiques qu'il édicte ne sont plus respectées.

    L'appartenance au groupe social minoritaire détermine l'identité et l'essence des individus,

    leurs préférences et leurs choix. Etant donné que le groupe est généralement plus étroit que
    l'ensemble politique auquel les individus appartiennent, l'attention qu'ils portent aux intérêts particuliers les détourne de l'intérêt général et affaiblit la construction d'une conscience collective nécessaire au fonctionnement harmonieux de la collectivité-nation174. Ce phénomène

    171 J.L. AMSELLE, et E. MBOKOLO, Op. Cité P.34-38.

    172 Miche! WIEVIORKA et a!, Une société fragmentée ? Le multiculturalisme en débat, Paris, La Découverte, 1996, P. 35.

    173 Ernest GELLNER, Nation et nationalisme, Paris, Ed. Payot, 1989, P.11.

    174 Jean NJOYA, « Identités et minorités : Vivre et agir ensemb!e dans !a diversité », 4ème forum des droits de l'Homme Nantes-France, 2010.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    se caractérise par une perte de légitimité de l'Etat et des politiques publiques qu'il met en place dans la gestion de la diversité aussi bien dans la sphère juridique, que socio-politique. Le respect de ces politiques publiques n'est plus observable et la revendication identitaire devient la phase transitoire entre la violence et la non-violence. C'est dans cette situation que se trouvent aujourd'hui confrontées les régions du Nord-ouest et du Sud-Ouest au Cameroun où les revendications socio-politiques ayant débouché sur la crise dite «anglophone » traduisent davantage une remise en cause de la prise en compte de la réalité sociologique, ainsi que l'effritement des politiques publiques censées la régir. La conséquence majeure est une volonté manifeste pour les dissidents de déstructurer l'ordre étatique aussi bien dans son versant fonctionnel que juridique, voire politique. Cela traduit l'idée suivant laquelle non seulement le droit et l'ordre politique se sont émiettés, mais aussi et surtout, ont besoin d'être recomposés175.

    Section 2: Les clivages et obstacles aux politiques de gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    Les théories de l'unité et de l'intégration nationale en Afrique Centrale se sont mises en place à partir du modèle jacobin-libéral de l'Etat. Ce modèle hérité de la colonisation considère l'individu-citoyen, abstraction faite des particularismes et des appartenances ethniques, religieuses, linguistiques ou socio-culturelles176. Jusqu'ici, ce modus operandi n'a réussi ni à réconcilier la plupart des entités étatiques de la sous-région, ni réussi à les placer mettre sur le chemin de la paix et du développement. La montée des revendications, les crises et les tensions incessantes observées de part et d'autre dans la sous-région dénotent d'une intégration poreuse et insuffisante des « cadets sociaux » et des groupes minoritaires dans le débat public sur la démocratisation des sociétés africaines177. À côté, les autres clivages et autres risques sont tout

    175 William ZARTMAN cité par Béatrice POULIGNY, « Ils nous avaient promis la paix: Opérations de l'ONU et populations locales », Paris, Presses des Sciences politiques, 2004, P50.

    176 James MOUANGUE KOBILA, « Le droit de la participation politique des minorités et des peuples autochtones : l'application de l'exigence de la prise en compte de toutes les composantes sociologiques de la circonscription dans la constitution des listes de candidats aux élections au Cameroun », Revue française de droit constitutionnel, n°75, 2008, PP. 629-664.

    177 Ibrahim MOUICHE, « Démocratisation et intégration sociopolitique des minorités ethniques au Cameroun », Codesria Book series, 2012, P.212.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    aussi nombreux (Paragraphe 1), tandis que les obstacles et les entraves existent également (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1: Les clivages liés à l'implémentation des politiques de gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    Toute société humaine porte en elle des données centrifuges. Très souvent, celles-ci restent à l'état latent tant qu'elles ne font pas l'objet d'une récupération par les différents acteurs sociaux qui mettent au-devant des outils de mobilisation basés sur l'appartenance ethnique, religieuse ou linguistique. La gestion de la diversité culturelle forte de cette dynamique est susceptible de donner lieu à des clivages et des risques de divers ordres. Il en est ainsi des risques d'accentuation des particularismes (A), et de la mondialisation et des mouvements migratoires (B).

    A- Les risques liés à l'accentuation des particularismes

    La gestion des pressions sectaires (ethniques, raciales ou religieuses) pose un problème difficile à de nombreux pays en transition vers la démocratie. Elle représente un aspect important des difficultés que les forces sociales doivent résoudre pour influer sur le cours et la forme du régime politique en pleine évolution. De ce fait, la gestion de la diversité culturelle pourrait ainsi donner lieu à des problèmes graves et déboucher sur la fracture et la fragmentation des couches sociales au travers les risques d'accentuation des particularismes. Très souvent présenté plus ou moins à juste titre comme des signes de faiblesse des politiques d'intégration et de participation des couches sociales dites vulnérables, les politiques publiques au sein des Etats de la sous-région doivent se construire en dépassant les revendications croissantes d'expression identitaire. Ces risques concernent aussi bien le sectarisme, le communautarisme et l'individualisme, l'ethnocentrisme et le tribalisme, ainsi que Le népotisme, le clientélisme et la corruption ou le repli identitaire.

    La pratique du sectarisme consiste en «toute expression orale, écrite ou tout acte de division, pouvant générer des conflits au sein de la population, ou susciter des querelles fondées sur la discrimination». Selon Amnesty International, les termes ainsi employés sont généraux et mal définis car, «la formulation vague des lois est délibérément utilisée pour violer les

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    droits de l'homme»178. La réalité au sein de la plupart des Etats de la sous-région Afrique Centrale laisse entrevoir que l'implémentation des politiques publiques favorables à la diversité culturelle est susceptible de mener au sectarisme, et donc déboucher sur la fracture et la fragmentation des couches sociales.

    Le communautarisme, quant à lui est très souvent présenté comme étant le «cauchemar» de la diversité culturelle. Il permet de rendre compte aujourd'hui du rapport des « individus » aux communautés, et à l'individualisme, cette « part la plus individuelle de l'individu » dans les sociétés contemporaines d'Afrique centrale.

    Selon les termes de Pierre André TAGUIEFF, l'ethnocentrisme signifie «voir le monde et sa diversité à travers le seul prisme privilégié et plus ou moins excessif des ides, des intérêts et des archétypes de notre communauté d'origine, sans regard critique sur celle-ci»179. Une autre définition fait du concept «un comportement social et une attitude inconsciemment motivée », qui amène en particulier à «surestimer le groupe racial, géographique ou national auquel on appartient, aboutissant parfois à des préjugés en ce qui concerne les autres peuples»180 .

    L'instrumentation de l'ethnie par les politiques en Afrique Centrale a fait naître le tribalisme qui apparaît de nos jours comme étant une source potentielle des guerres civiles et ethniques. Cela interroge la dimension philosophique du tribalisme comme négation d'autrui et parvient à soulever des problématiques fortes autour de la question de l'autre et de la capacité de ces ethnies à vivre ensemble en paix et en harmonie. La sociologie l'explique par l'auto-affirmation d'un groupe ou individu comme étant « supérieur » ou « meilleur » dans un environnement socioculturel partagé avec les autres groupes, ou par des représentations sociales particulières qui influencent activement la production et la consommation des idées motivées par des élites représentatives ou constructrices des réalités sociopolitiques. Les cas du Rwanda, du Congo-Brazzaville et de la RDC montrent que le tribalisme fait partie de ces nombreux maux qui minent les Etats de la sous-région dans sa longue marche vers l'unité sociétale. Au Cameroun, les appels à la pénalisation du tribalisme se font de plus en plus entendre, au regard de nombreuses dérives auxquels les débats sur l'évolution politique, socio-économique et

    178 Rapport de l'ONG Amnesty International, Il est plus prudent de garder le silence: Les conséquences effrayantes des lois rwandaises sur l'«idéologie du génocide» et le «sectarisme», Londres, 2010, P. 7.

    179 Pierre André TAGUIEFF, (Dir.), Dictionnaire historique et critique du racisme, PUF, 2013.

    180 Dictionnaire, Le trésor de la langue française, Troisième édition, 2012.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    culturelle du pays donnent très souvent lieu, notamment dans les réseaux sociaux ou sur les plateaux des chaines de radio ou de télévision.

    Dans la plupart des Etats de la sous-région Afrique Centrale, les risques majeurs encourus par l'implémentation des politiques publiques de gestion de la diversité culturelle se trouvent être le népotisme, le clientélisme ou encore la corruption. Cela se traduit dans la répartition des postes, les responsabilités publiques, les avantages politiques et matériels y afférents qui se font non pas sur la base de la compétence ou du mérite républicain, mais plutôt sur celle de parenté ou de la récompense à une certaine « fidélité »181. Ces pratiques antirépublicaines trouvent leur terreau fertile au sein de l'appareil bureaucratique de l'Etat, ou dans celui des entreprises publiques, parapubliques ou privées dans lesquels les recrutements et les promotions se font en privilégiant les « frères » ou les «soeurs» du village ou de la tribu, de la famille, ou des réseaux, et ce en dehors de toute objectivité182. Il s'agit d'une entorse au principe républicain de la justice, l'équité ou l'égalité des chances dans l'accès aux charges publiques et l'exercice du pouvoir politique au sein de l'Etat.

    Le repli identitaire est aussi un moyen de se prémunir contre les risques et aléas, face à l'absence de la protection de l'État. Ces modes de représentation et de mobilisation sociale se développent d'autant plus que les acteurs sont en situation de forte vulnérabilité. Il s'agit d'une expression donnée par une victime de discrimination, y compris de diffamation face à la singularité ou au caractère unique de sa propre expérience. Elle se traduit par des conflits, mais aussi et surtout par des pratiques discriminatoires visant l'exclusion ou le renfermement des communautés, des ethnies, des religions et autres traditions spirituelles. Avec le mouvement de mondialisation, la dynamique du repli identitaire entraine le rejet du non national, de l'immigré et du refugié, mais également des groupes ethniques, culturels ou religieux nationaux qui seraient différents ou minoritaires, ainsi que la discrimination à leur regard.

    181 Diallo AMADOU, « L'Afrique ne produit pas assez pour sérieusement faire face aux grandes problématiques auxquelles elle est soumise », in Contrepoint pauvreté et mal gouvernance en Afrique, 02 Juillet 2014.

    182 Jean François BAYART, Op. Cité

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    B- Les clivages liés à la mondialisation, les mouvements et les flux migratoires

    Dans son ouvrage Dialogue des cultures, le premier président du Sénégal indépendant Léopold SEDAR SENGHOR écrit : «Toutes les cultures de tous les continents, races et nations sont, aujourd'hui, des cultures de symbiose où les quatre facteurs fondamentaux que sont la sensibilité et la volonté, l'intuition et la discussion jouent, de plus en plus, des rôles équilibrés». La mondialisation ouvre une nouvelle séquence marquée par des brassages et des ponts entre les différentes cultures décloisonnées, et par conséquent de plus en plus en position d'échange, de dialogue et d'appropriation des éléments des unes et des autres. Cependant, il faut redouter des tendances hégémoniques de cette formidable ouverture des marchés, ponctuée par la libre circulation des biens et des services et y faire face. Cette tendance est mise à rude épreuve par la nouvelle quête hégémonique qui, parce qu'ayant un versant culturel manifeste, risque d'être à l'origine des conflits les plus sanglants, les plus longs et donc les plus coûteux. Les Etats de la sous-région doivent se prémunir de tels clivages dans la gestion de la diversité culturelle.

    Dans la plupart des Etats de l'Afrique Centrale, l'immensité des territoires n'offre pas plus d'exutoire intérieur pour une fraction de la paysannerie condamnée dans un proche avenir à quitter la terre. Les dynamiques qui ont permis un délestage des espaces surpeuplés comme dans le cas de la transmigration ne pourraient jouer ici que dans le cadre d'espaces transfrontaliers. Dans ce cadre, les adeptes du présidentialisme triomphant qui s'affrontent au niveau macro politique ont privilégié les discours xénophobes et anxiogènes sur les migrations et les étrangers, empêchant ainsi la création d'une identité sous régionale plurielle183.

    Les migrations sous contrainte créent des conditions de vie très artificielles, plus ou moins éphémères, généralement dans des camps gérés par le HCR, signe tangible de leur non-intégration dans le pays d'accueil. Une réflexion d'ensemble sur l'Afrique centrale ne peut éluder un questionnement sur l'avenir des populations réfugiées, et sur les possibilités de résorption des camps, soit par des politiques de retour, soit par des politiques d'intégration. Tous les pays de la sous-région sont concernés car ils ont tous été affectés, à des degrés divers, par ces chassés croisés transfrontaliers de populations en fuite. Les migrations lointaines, en direction des pays riches, concernent plutôt la frange aisée de la population, issue de la classe politique, du monde des affaires, des milieux intellectuels. Les diasporas sont constituées de

    183 Chrysantus AYANGAFAC, 2008, « The Political Economy of Regionalisation in Central Africa », cité par le Premier rapport d'évaluation stratégique sous régionale du PNUD, Mars 2017.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    populations disposant d'un capital culturel sans commune mesure avec les migrants restés dans la région184. Les migrations régionales, conséquences de la pauvreté et des conflits, impliquent surtout les petites gens, paysans, soldats et autres mercenaires qui dans leur diffèrent déplacements peuvent contribuer à rendre instables les sociétés qui les accueillent.

    Paragraphe 2: Les obstacles aux politiques publiques de gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    Dans tout Etat, et pas seulement en Afrique, l'enjeu central de la compétition politique reste « le partage du gâteau national ». La différence avec les systèmes politiques occidentaux, c'est qu'en raison de la patrimonialisation de l'Etat africain, la compétition pour les ressources est beaucoup plus immédiate et directe185. Les sociétés africaines étant foncièrement plurielles, la diversité pose des problèmes de gouvernance politique et de gestion sociale dans tous les domaines. N'étant pas homogènes, elles produisent certes des idées progressistes, mais aussi des tendances régressives186. Les interactions entre l'État d'un côté, et la société et les différents groupes qui la composent de l'autre deviennent de ce fait essentielles pour gérer la diversité. Cela ne va pas sans toutefois rencontrer des obstacles qu'il convient de relever. Ceux-ci peuvent être de nature politique(A), économique(B), ou socio-culturel (C).

    A- Les obstacles politiques à la gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    La décolonisation en Afrique a produit des régimes et des systèmes politiques à la fois faibles et très centralisés, peu désireux ou incapables de remporter le soutien d'une population politiquement, socialement et culturellement peu soudée par le projet de construction d'un État-nation. L'Afrique cultive depuis longtemps le présidentialisme, un système de pouvoir

    184 Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Département pour le développement international, Institut pour la justice et la réconciliation (IJR) et Institut de recherche et de dialogue pour la paix, Kigali, 2010.

    185 Jean-François MEDARD, « Autoritarismes et démocraties en Afrique noire » in Politique Africaine no 43, 1991, P. 92-104.

    186 Maurice KAMTO, « Le droit des peuples à disposer d'eux même : entre fétichisme idéologique et glissements juridiques », Annuaire Africain de droit international, vol 14, n°1, 2006, PP.219-243.

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    fortement personnalisé, qui trouve nombre de ses célèbres représentants en Afrique centrale187. Dans ces États où les pouvoirs économiques et politiques se concentrent dans les mains de la minorité dirigeante, la rébellion devient le moyen de revendication le plus efficace. Celles-ci se traduisent le plus souvent par des guerres civiles ou par des conflits opposant des gouvernements à des groupes rebelles dont l'unique ambition est le contrôle du pouvoir politique188.

    La mauvaise gouvernance semble laisser passer l'État comme un acteur d'insécurité pour la population civile jugée indésirable, nuisible ou dangereuse.189. En effet, l'organisation de l'État en Afrique Centrale est un enjeu politique, et une sorte de marchandise autour de laquelle gravitent les gouvernants et les fonctionnaires exploitant la faiblesse du système à leur propre profit. Comme partout en Afrique, l'État en Afrique centrale a été bâti sur un modèle d'administration très centralisé à la tête de l'État avec une concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif, le chef de celui-ci étant par ailleurs chef du parti au pouvoir. Malgré des textes et des discours prônant la décentralisation, l'autonomisation des collectivités territoriales et des organisations politiques est perçue comme un risque d'affaiblissement du pouvoir central avec comme conséquence majeure la perte de ses « rentes » et autres avantages au profit des « autres ».

    L'Afrique centrale presque dans son entièreté s'était plongée après les indépendances dans une forme de compétition politique entre les partis politiques ou les classes sociales qui privilégiaient la force comme principal moyen opératoire. Ainsi, plusieurs foyers de tensions se sont déclarés : Il s'agit de l'Angola, du Burundi, de la Centrafrique, du Congo Brazzaville, de la RDC, du Tchad ou de la RCA. Ces changements sont aussi bien l'oeuvre des militaires que des civils. La récurrence des conflits due à la course au pouvoir peut s'expliquer à travers les propos de l'ancien Secrétaire général des Nations-Unies, Kofi ANNAN: « L'État postcolonial, n'a pas renoncé aux mécanismes d'asservissement mis en place par l'État

    187 Francis IKOME, Personnalisation of power, postregimes instability and human insecurity in Central Africa, Institute of insecurity studies of South Africa, cité par le Rapport du PNUD, L'Afrique Centrale, une région en retard,; Mars 2017.

    188 Jean-François BAYART, Idem.

    189 Alain DUBRESSON et Jean-Pierre RAISON, L'Afrique subsaharienne : une géographie du changement, Armand Colin, Paris, 1998. p. 32-37.

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    colonial, mise en place de classes prédatrices qui aggravent la lutte pour le contrôle des moyens de l'État »190.

    Le sentiment selon lequel le pouvoir politique est dominé par les membres d'un seul groupe peut être facteur de tensions et d'instabilité. Or l'on sait depuis ARISTOTE que les lois fortes protègent les plus faibles, que l'affaiblissement du règne de la loi favorise les plus puissants, et que les sociétés où le contrôle social est défaillant fragilisent les plus vulnérables. Ceci est particulièrement important dans les sociétés qui sont soumises à des tensions et revendications, ou qui sortent d'un conflit ou d'une crise, car cela montre que tous les groupes de la société, aussi bien ceux qui détenaient auparavant le pouvoir que ceux qui ont pu se trouver exclus des structures politiques sont représentés et peuvent jouer pleinement leur rôle dans l'élaboration des décisions les concernant. La participation effective et véritable de tous les groupes à la vie politique peut être un élément déterminant pour éviter les conflits violents.

    Les turbulences et violences politiques qui affectent cycliquement une partie de l'Afrique Centrale sont aussi un symptôme des mutations et ajustements qui traversent les sociétés africaines confrontées à diverses contraintes internes aux cours de ces dernières décennies: Aspirations démocratiques, demandes d'autonomie politique pour motifs identitaires ou pour un meilleur partage des ressources, défis d'une adaptation au contexte de la mondialisation (dérégulation, questionnement et redéfinition du rôle de l'État). Ce schéma confrontant les acteurs locaux à l'État national en crise se trouve également travaillé par la montée de réseaux transnationaux (diasporas, entreprises multinationales notamment minières et pétrolières, puissances régionales ou internationales) organisés dans un jeu complexe d'alliances ou d'allégeance en tensions pour la conquête de ressources ou la redéfinition des rapports d'influence.

    Les institutions étatiques dont les actions devraient être impartiales pour garantir l'égalité de tous devant la loi sont dès lors occultées. Elles perdent leur rôle d'équilibre des pouvoirs pour servir le monarque. Le contrôle de l'appareil de l'État est pour les forces politiques un enjeu stratégique de lutte pour le pouvoir dans la mesure où l'État est un acteur économique

    190 Koffi ANNAN, « Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durable en Afrique », Rapport ONU, New York, mai 1998.

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    prépondérant, créant des monopoles dans des secteurs économiques clés dont les entreprises publiques entretiennent le mythe de l'État providence191.

    B- Les obstacles économiques à la gestion de la diversité culturelle

    De nombreuses études révèlent que l'Afrique centrale enregistre la plus forte population vivant sous le seuil de pauvreté de toutes les sous-régions africaines. Les conséquences tragiques de ces taux de pauvreté élevés sur le développement humain apparaissent également dans les données disponibles. En Afrique centrale, et comme souvent ailleurs, l'extrême pauvreté et le sous-développement voisinent avec des ressources naturelles abondantes192. Les pays d'Afrique centrale obtiennent également de très mauvais résultats en ce qui concerne les indicateurs de gouvernance et de fragilité: La corruption, le contrôle des richesses nationales par les acteurs politiques, les faveurs politiques et la cooptation sont fréquents dans nombre de ces pays, entraînant une mauvaise répartition du pouvoir et de fortes inégalités, qui à leur tour empêchent la population de tirer parti des possibilités du progrès économique et de renforcement de leurs capacités humaines. La plupart des pays de la région sont toutefois tributaires des secteurs minier et pétrolier, qui tirent parti de l'abondance des ressources minérales et des réserves d'hydrocarbures. Le Cameroun, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la République du Congo et le Tchad figurent au bas du classement des indices de gouvernance de Transparency International et de la fondation Mo Ibrahim. L'espace politique fermé et la tendance à la corruption du secteur public sont notamment dans le viseur de ces indices193.

    En outre, la redistribution des ressources économiques entre les différents groupes sociaux en Afrique Centrale est susceptible d'entrainer des tensions, troubles et/ou conflits. En effet, la mauvaise répartition des richesses nationales est à l'origine d'un sentiment de frustration et d'exclusion que peuvent ressentir les groupes sociaux dits minoritaires. Les demandes

    191 Jean François MEDARD, États d'Afrique noire : Formation, mécanisme et crise, Paris, L'Harmattan, 1990, P. 405.

    192 L'Afrique centrale, une région en retard ?, Premier rapport d'évaluation stratégique sous régionale du PNUD, Mars 2017.

    193 PNUD, 2013, Rapport intitué « Strategy for Supporting Sustainable and Equitable Management of the Extractive Sector for Human Development ». Disponible en anglais à l'adresse : http://www.undp.org/ content/undp/en/home/librarypage/poverty-reduction/inclusive development.

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    démocratiques exacerbées notamment par la crise des ajustements au début des années 1990 n'ont pas contribué partout à la pérennisation d'une gouvernance au service des populations.

    La fragilité de l'État a notamment été accentuée par les politiques d'ajustements structurels imposées par le FMI et la Banque mondiale au cours des années 1980. Ces mesures d'austérité et de rigueur comptable, en recommandant notamment une baisse drastique des dépenses publiques ont retiré à la plupart des appareils gouvernementaux les moyens de mener de véritables politiques publiques ainsi que leur capacité de redistribution. Cette carence dans la gestion politique et socio-économique du territoire est une source d'instabilité et un facteur de fragmentation de l'espace national. Il en résulte dans bien des cas une rupture du monopole de la violence légitime, alimentée par une démultiplication d'acteurs concurrents à l'État : Groupes armés, milices, réseaux criminels nationaux, régionaux ou internationaux, etc194.

    A n'en point douter, le faible niveau économique des Etats de la sous-région Afrique Centrale constitue un obstacle majeur à l'implémentation des politiques publiques de gestion de la diversité culturelle. Dans la majorité des cas, ce faible niveau économique déstabilise l'équilibre sociétal en construisant auprès des groupes sociaux l'idée suivant laquelle la pauvreté et le chômage des jeunes est dû à l'inégale répartition des richesses nationales entre le centre et la périphérie. Celles-ci seraient l'objet d'un accaparement par une sorte d'« élites prévaricatrices » peu soucieuses des populations paupérisées et laissées pour compte195. Ces distorsions observées dans l'inégale répartition du « gâteau national » est très souvent source de frustration, susceptible d'entraîner des revendications politiques et sociales auprès des jeunes qui pour la plupart, sont en proie à un chômage diachronique quoique très souvent diplômés de l'enseignement supérieur. Un tel climat social ne saurait être favorable à faire place à une implémentation sereine des politiques publiques favorables à la diversité culturelle.

    En sus, ces tensions latentes sont portées en substrat par des revendications bien plus orientées vers des considérations d'ordre ethnique, religieux, ou culturel, comme c'est actuellement le cas en République Centrafricaine avec l'accord de paix torpillé par les différents groupes et chefs rebelles qui refusent de l'appliquer sous prétexte de ce qu'il ne serait pas assez

    194 Ibrahima GASSAMA, « Les politiques d'ajustement structurel et leurs conséquences sur les crises sociales en Afrique », Center blog, 4 avril 2008.

    195 Jean François BAYART, Idem.

    117

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    représentatif des différents intérêts de l'ensemble des communautés socio-culturelles ou religieuses de l'Etat.

    C- Les obstacles socio-culturels à la gestion de la diversité culturelle

    Les sociétés d'Afrique Centrale se caractérisent notamment par une forte croissance démographique et une population majoritairement jeune. 45% de la population a moins de 15 ans, et 75 % a moins de 30 ans. La pauvreté touche près de 50% de cette population. Cependant, l'exercice du pouvoir reste principalement aux mains des aînés et le leadership tarde à se renouveler, entrainant un déséquilibre générationnel196.

    Sur le plan socioculturel, l'évolution de certains conflits en Afrique Centrale pourrait être abordée sous l'angle du conflit générationnel et celui de la rupture du contrat social entre les «cadets sociaux » et les aînés197. L'effondrement du système éducatif et des institutions publiques dans nombre de pays laisse sans perspective d'avenir une majeure partie de la jeunesse et favorise la montée d'une culture politique intolérante en rupture avec les modes de lutte civique pacifiques. Une incapacité à assurer ces besoins crée dans le pays un « écart d'aptitude » ou « écart de capacité »198. Confrontés aux inégalités croissantes du fonctionnement de l'État et de la société, une partie de la jeunesse remet radicalement en question la légitimité des institutions étatiques et se tournent vers l'idéal « égalitariste » et l'espoir d'un « autre avenir » incarnés par les bandes armées et les mouvements religieux sectaires qui écument les territoires étatiques199.

    Les systèmes de conflits en Afrique Centrale s'appuient également sur un contexte de pauvreté et de chômage de masse, notamment de la catégorie des jeunes, ce qui favorise

    196 Selon le descriptif de programme de pays du PNUD pour la RDC, le chômage concerne les deux tiers de la population en âge de travailler, principalement les jeunes, alimentant les fortes inégalités dans le pays. La baisse du taux de chômage des jeunes constitue l'un des trois facteurs déterminants pour l'avenir de la RDC. Le descriptif de programme de pays pour le Cameroun précise que le sous-emploi chronique touche 76 % de la population. En République du Congo, le taux de chômage des moins de 30 ans atteint 42,2 %. Enfin, les descriptifs des programmes de pays pour la République centrafricaine, le Tchad et la Guinée équatoriale mentionnent tous la nécessité de faire de la création d'emplois une priorité.

    197 Philippe HUGON, « L'économie des conflits en Afrique », in Revue internationale et stratégique, n° 43, 2001, p. 152-169.

    198 Ibrahima GASSAMA, idem

    199 Alain DUBRESSON et Jean-Pierre RAISON, Op. Cité.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    l'enrôlement dans les milices, groupes armés et autres réseaux criminels. Ce contexte est marqué par la résurgence ou l'instrumentalisation des référents identitaires, communautaires porteurs d'un risque supplémentaire de fractionnement et de tensions sociales. La montée des nouvelles religiosités et des radicalismes des mouvements tels que Boko Haram au Tchad et au Cameroun s'inscrit dans ce contexte de crise des « encadrements »200.

    Les sociétés de la sous-région sont fortement inégalitaires dans l'accumulation du capital social, ce qui accentue la division entre les pauvres peu éduqués et riches fortement éduqués. La pauvreté y est légion, et se transmet de génération en génération selon un cercle vicieux d'inégalités persistances et d'exclusion sociale qui finissent par exacerber les tensions et les crises dans l'exploitation, la gestion et la redistribution des fruits de la croissance. Cette fracture sociale devient de ce fait source d'inégalités, car elle provoque des tensions politiques entre les groupes, les groupes les plus influents conservant alors toutes les chances de l'emporter.

    200 Selon A. DUBRESSON et J.-P. RAISON, les encadrements sont d'ordre divers : système de parenté, structures politiques, religion, les langues, l'écriture ou la culture au sens large. « La crise des institutions modernes provoque soit un retour aux sources soit une adhésion à des encadrements nouveaux, de la bande guerrière à la secte religieuse ou à l'association des originaires ». Op. Cité, P. 132.

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    119

    CONCLUSION GENERALE

    120

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    L'objectif de ce travail a consisté à répondre à la question de savoir comment les Etats d'Afrique Centrale gèrent la diversité culturelle dans la perspective de la construction de la paix. En mettant en avant les instruments de politiques publiques qui sont mobilisés à cette fin, nous avons essayé d'illustrer l'idée suivant laquelle la construction d'une véritable paix durable reste liée à la rapidité avec laquelle ces différentes politiques publiques mettent au-devant de la scène les groupes sociaux considérés comme minoritaires, ainsi que leur insertion au sein du débat public sur la démocratisation des sociétés dans lesquelles ils s'insèrent.

    Sous ces auspices, s'il est une leçon à tirer des crises politiques et des mouvements sociaux de ces dernières années, c'est que les États en Afrique Centrale et leurs sociétés doivent se rencontrer à nouveau autour de la définition d'un vivre-ensemble partagé, inclusif et dynamique. Au bout du compte, le défi majeur de la paix en Afrique centrale est la construction de l'État et le renforcement de la démocratie intégrative et participative, ainsi que l'invention d'un nouveau pacte républicain débarrassé de tout stéréotype fondé sur la prise en compte de la diversité culturelle et des avatars du sous-développement. Pour ce faire, il importe de partir du caractère intrinsèquement pluriel de toute société où cohabitent des acteurs, aux besoins et aux conceptions du monde variés. Dans cette diversité se définit l'adhésion à l'État, et se construit sa légitimité. Ce qui revient à considérer la bonne gouvernance comme un élément central de la stabilité et de l'équilibre sociétal.

    Les débats sur la gouvernance au sein de nos sociétés africaines continueront donc d'approfondir notre analyse, et surtout élaborer des propositions pour une approche plurielle des politiques publiques qui constituent un enjeu majeur de la gouvernance démocratique dans les décennies à venir. On le sait avec Guy HERMET qui nous le révèle assez clairement dans son ouvrage Culture et développement, une politique publique inadaptée peut aboutir à des effets de nuisance: « Développement et changement sont synonymes, tous deux risquant d'échouer ou de briser le ressort du milieu touché s'ils ne s'intègrent pas dans son univers mental et social (...) Les bienfaits non négociés et mal adaptés risquent d'être mal reçus, voire d'apparaître comme des nuisances aux yeux de ceux qui sont censés en bénéficier ».

    Ouvrant à la prise en compte de la complexité des sociétés dans ce qu'elles ont de plus intime, la conception du vivre ensemble partagé par cette réflexion dans une dynamique interculturelle peut donc porter à bien des raccourcis théoriques, philosophiques, politiques et techniques conduisant aux mêmes impasses que celles dont elles sont censées sortir. Cette place prééminente accordée à l'État ne peut néanmoins être légitime que dans le contexte d'un État

    121

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    qui autorise, favorise voire incarne la prise en compte de la diversité culturelle dans son action politique. La nécessité de ne pas tomber dans la conception d'un modèle prédéfini en opérationnalisant «l'État pluriel» doit s'effectuer dans un souci de pragmatisme et d'adaptation aux contextes particuliers de la diversité, et ce de manière évolutive. C'est là une condition pour que l'action publique menée dans ce sens ne se retrouve pas en décalage avec les réalités sociales. Chaque État doit dès lors être à l'écoute de la diversité de sa société, et réévaluer en permanence la forme et les modalités de son interaction avec les différentes régulations qui la composent. C'est en cela aussi qu'il conserve sa légitimité de garant de l'intérêt général. Les Etats d'Afrique Centrale gagneraient bien à s'en souvenir.

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    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

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    Eléments pour une discussion politiste de la démocratie dans les sociétés plurales », Afrique politique, Colloque International Francophonie-démocratie et sociétés plurielles, Yaoundé 2426 janvier 2000.

    - THUAL (F), Les conflits identitaires, Paris, Ellipses, 1995.

    - THUAL (F), « Du national à l'identitaire. Une nouvelle race de conflits» (b), Le débat,

    n° 88, 1996.

    - VINSONNEAU (G), « Psychologie sociale et conflit interethnique », Migrants-
    formation, 80, 1990.

    III- THESES ET MEMOIRES

    - DONFACK SOCKENG (L), Le droit des minorités et des peuples autochtones,

    Thèse non publiée pour le doctorat en Droit, Université de Nantes, 2001.

    - AKONO EVANG (S), Partis politiques, ethnies et politiques d'affection dans la démocratisation au Cameroun (1990-2004) : Contribution à l'élaboration d'une sociologie de la politisation de l'ethnicité, Thèse de Doctorat d'Etat en Sciences politiques, Université de Yaoundé, 2004-2005.

    - DJIWA NZEYE (F), Les logiques identitaires dans l'environnement sécuritaire en Afrique subsaharienne : Cas du Cameroun et du Sénégal, Mémoire de Master en Relations internationales, IRIC, 2016-2017.

    - NGALLE MBILLI (N), Management de la diversité culturelle et prévention des conflits en Afrique : Cas du Cameroun et de la Côte-d'Ivoire, Mémoire de Master en Relations internationales, IRIC, 2016-2017.

    IV- RAPPORTS, REVUES ET PERIODIQUES

    - CEA, Elections et gestion de la diversité en Afrique, note conceptuelle de la

    Commission économique pour l'Afrique, Addis-Abeba, 2009.

    130

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    - CEA, Elections et gestion de la diversité en Afrique, note conceptuelle de la

    Commission économique pour l'Afrique, Addis-Abeba, 2011.

    - CEA, Commission économique pour l'Afrique et Programme des Nations Unies pour
    le développement (PNUD), Actes du huitième Forum sur la gouvernance en Afrique: égalité des sexes, élections et gestion de la diversité en Afrique, Kigali-Rwanda, 1-2 novembre 20

    - CEEAC, Déclaration de Yaoundé sur la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique
    Centrale, Sommet de la CEEAC, 1999.

    -

    OCDE, Revue de l'OCDE sur le développement 2008/4, n°9, Chapitre 3.

    - ONU, Guide pratique des mécanismes endogènes de prévention, de gestion et de

    résolution des conflits en Afrique Centrale, 2013.

    - ONU, La prévention des conflits et la consolidation de la paix : Renforcement du rôle
    essentiel des Nations-Unies, Audition parlementaire aux Nations-Unies, New-York, 13-14 novembre 2006.

    - PNUD, L'Afrique centrale, une région en retard ?, Premier rapport d'évaluation
    stratégique sous régionale du PNUD, Mars 2017.

    - PNUD, Strategy for Supporting Sustainable and Equitable Management of the
    Extractive Sector for Human Development. Disponible en anglais à l'adresse : http://www.undp.org/content/undp/en/home/librarypage/poverty-reduction/inclusive development, 2013.

    - PNUD, Rapport mondial sur le développement humain Chap. 2 « les nouvelles
    dimensions de la sécurité humaines, 1994.

    - PNUD, La liberté culturelle dans un monde diversifié, 2004,

    - L'UNESCO et la question de la diversité culturelle : Bilan et stratégies, 1946-2004.

    - UNESCO, OIF, Comment manager la diversité culturelle ?, Institut du management de

    la diversité culturelle, Formation du 19 mars 2016.

    - UNESCO, International social science journal UNESCO, Governance, n°155, Paris,
    Blackwell Publishers, Mars 1998.

    - UNESCO, La gestion de la diversité culturelle, une tendance confirmée au 21ème
    Siècle.

    - UNESCO, Les fondements endogènes d'une culture de la paix en Afrique, mécanismes
    traditionnels de prévention et de résolution des conflits (lectures critiques), Revues françaises de sciences politiques, Vol.n°48, N° 3-4, Juin-août 1998.

    131

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    - UPA, Stratégies de prévention et de résolution des conflits et d'établissement de la paix

    de l'Union Parlementaire Africaine sur « le rôle des Parlements africains dans la mobilisation des efforts des gouvernements et des peuples en vue de mettre fin à toutes les formes de violences et des conflits armés sur le continent africain », 36ème Conférence de l'UPA réunie à Libreville du 7 au 8 Novembre 2013.

    V-TEXTES JURIDIQUES ET CONVENTIONS DES ORGANISATIONS
    INTERNATIONALES

    -

    Charte culturelle de l'Afrique (1981), adoptée en Juin 1981.

    - Déclaration islamique sur la diversité culturelle, (2004), adoptée par la 4ème

    Conférence islamique des Ministres de la culture réunie à Alger.

    - Organisation internationale de la Francophonie, (2014), Mécanismes des Systèmes
    d'alerte : Contribution à une Comparaison Internationale, Centre de Recherche sur la Paix, Institut Catholique de Paris.

    - UNESCO, (1946), Acte constitutif

    - UNESCO, (2002), Déclaration universelle sur la diversité culturelle.

    - UNESCO, (2010), Investir dans la diversité culturelle et le dialogue interculturel.

    132

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    Table des matières

    DEDICACE Erreur ! Signet non défini.

    REMERCIEMENTS Erreur ! Signet non défini.

    RESUME Erreur ! Signet non défini.

    ABSTRACTS Erreur ! Signet non défini.

    SIGLES ET ABREVIATIONS Erreur ! Signet non défini.

    INTRODUCTION GENERALE Erreur ! Signet non défini.

    1- DEFINITION DES CONCEPTS Erreur ! Signet non défini.

    A-Les politiques publiques Erreur ! Signet non défini.

    B- La gestion de la diversité culturelle Erreur ! Signet non défini.

    C-La construction de la paix Erreur ! Signet non défini.

    2- REVUE DE LA LITTERATURE. Erreur ! Signet non défini.

    3- PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE Erreur ! Signet non défini.

    4- BLOC DES HYPOTHESES Erreur ! Signet non défini.

    A-Hypothèse principale Erreur ! Signet non défini.

    B-Hypothèses connexes Erreur ! Signet non défini.

    5- INTERET DE L'ETUDE Erreur ! Signet non défini.

    A-Intérêt scientifique Erreur ! Signet non défini.

    B-Intérêt pratique Erreur ! Signet non défini.

    6-PRESENTATION DU CHAMP D'ANALYSE Erreur ! Signet non défini.

    A-Délimitation temporelle Erreur ! Signet non défini.

    B-Délimitation spatiale Erreur ! Signet non défini.

    7- CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES Erreur ! Signet non défini.

    A-Les méthodes d'analyse Erreur ! Signet non défini.

    1-L'analyse cognitive des politiques publiques Erreur ! Signet non défini.

    2- L'institutionnalisme sociologique Erreur ! Signet non défini.

    B-Les techniques de collecte de données Erreur ! Signet non défini.

    1-La recherche documentaire Erreur ! Signet non défini.

    2-L'entretien Erreur ! Signet non défini.

    PREMIERE PARTIE: CONTEXTE, ET DISPOSITIF JURIDICO-INSTITUTIONNEL DE LA GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE CENTRALE .... Erreur ! Signet non défini.

    CHAPITRE 1: CONTEXTE ET ENJEUX DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LES

    PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE Erreur !
    Signet non défini.

    133

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    Section 1: Les champs et les répertoires de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 1: La diversité ethnique en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A-L'aire ethnoculturelle et la diversité originelle en Afrique Centrale Erreur ! Signet

    non défini.

    B-La colonisation et la diversification des groupes ethniques Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 2: La diversité religieuse en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A-La trame du pluralisme religieux Erreur ! Signet non défini.

    B-De la cohabitation religieuse en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 3: La diversité linguistique en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A-La mosaïque et les assises linguistiques Erreur ! Signet non défini.

    B-De la coexistence à la cohabitation linguistique Erreur ! Signet non défini.

    Section 2: Les enjeux de la diversité culturelle dans l'exacerbation de la conflictualité en

    Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 1: La diversité culturelle comme source des tensions et des crises en

    Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A-La diversité culturelle, source d'exclusion et de désintégration: La dichotomie entre

    autochtones, étrangers et halogènes Erreur ! Signet non défini.

    B- L'instrumentalisation de la diversité culturelle dans le déclenchement des tensions et

    des conflits en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 2: La diversité culturelle comme une entorse à la paix et au vivre-ensemble

    en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A-La diversité culturelle comme catalyseur des tensions et des inégalités sociales

    Erreur ! Signet non défini.

    B - La diversité culturelle, un handicap plutôt qu'un atout pour la paix en Afrique

    Centrale Erreur ! Signet non défini.

    CHAPITRE 2: LE DISPOSITIF JURIDICO-INSTITUTIONNEL DE LA GESTION DE LA

    DIVERSITE CULTURELLE EN AFRIQUE CENTRALE Erreur ! Signet non défini.

    Section 1: Le cadre normatif des politiques de gestion de la diversité culturelle en Afrique

    Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A-Les textes généraux sur les Droits de l'Homme Erreur ! Signet non défini.

    B-Les textes et déclarations sur la diversité culturelle Erreur ! Signet non défini.

    C- Au niveau continental et communautaire Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 2- Le droit interne des Etats et l'aménagement des normes en faveur des

    groupes minoritaires Erreur ! Signet non défini.

    A-Les dispositions constitutionnelles et l'encrage des groupes minoritaires Erreur !

    Signet non défini.

    Le préambule constitutionnel et la consécration des groupes et composantes socio-

    culturels spécifiques Erreur ! Signet non défini.

    134

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    La prise en compte de la diversité culturelle dans le corpus constitutionnel des Etats de la

    sous-région Erreur ! Signet non défini.

    B- Les normes législatives et règlementaires relatives à l'encadrement et la protection des

    groupes socio-culturels spécifiques Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 1 : Le dispositif institutionnel de la gestion de la diversité culturelle à

    l'intérieur des Etats Erreur ! Signet non défini.

    A-Le dispositif institutionnel à l'intérieur des Etats Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 2 : Les outils du dispositif communautaire de la gestion de la diversité

    culturelle dans l'espace CEEAC Erreur ! Signet non défini.

    A-Les initiatives et le plaidoyer communautaires en faveur de la diversité culturelle

    Erreur ! Signet non défini.

    B- Les droits et libertés consacrés en faveur des groupes minoritaires Erreur ! Signet

    non défini.

    DEUXIEME PARTIE: IMPLEMENTATION ET LIMITES DES POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LES PROCESSUS

    DE CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE Erreur ! Signet non
    défini.

    CHAPITRE 3: LES STRATEGIES ET MECANISMES D'IMPLEMENTATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE EN

    AFRIQUE CENTRALE Erreur ! Signet non défini.

    Section 1: Les mécanismes et procédés politico-administratifs de la gestion de la diversité

    culturelle en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 1 : Les mesures politico-administratives de la gestion de la diversité

    culturelle en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A-La gouvernance locale Erreur ! Signet non défini.

    B. La décentralisation et le développement local 87

    Paragraphe 2 : Les techniques de discrimination positive et les politiques de quota 88

    A- Les techniques de discrimination positive .88

    B- Les politiques de quota 89

    Paragraphe 2: Les stratégies d'implémentation de la diversité culturelle en Afrique

    Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A-Le multiculturalisme comme nouvelle réponse des politiques publiques de gestion de

    la diversité en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    B- L'interculturalisme comme stratégie de valorisation de la différence en Afrique

    Centrale Erreur ! Signet non défini.

    CHAPITRE 4: LES LIMITES ET OBSTACLES À L'IMPLEMENTATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DE GESTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE DANS LA

    CONSTRUCTION DE LA PAIX EN AFRIQUE CENTRALE. Erreur ! Signet non défini.

    Section 1: Les limites liées au cadre juridique et institutionnel Erreur ! Signet non défini.

    135

    Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

    Paragraphe 1: Les limites et les insuffisances des politiques nationales de gestion de la

    diversité culturelle en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A-La désarticulation des politiques publiques au sein des environnements socio-

    culturels complexes Erreur ! Signet non défini.

    B-L'indifférence et la non prise en compte des politiques sectorielles relatives à la

    diversité culturelle Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 2: Les limites liées à l'ineffectivité des textes juridiques et des bases

    institutionnelles Erreur ! Signet non défini.

    A-L'ineffectivité des textes juridiques et des bases institutionnelles Erreur ! Signet non défini.

    B. L'effritement de la conscience collective et la méconnaissance des enjeux de la

    diversité culturelle en contexte multiculturel et pluriel Erreur ! Signet non défini.

    Section 2: Les clivages et obstacles aux politiques de gestion de la diversité culturelle en

    Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 1: Les clivages et les risques liés à l'implémentation des politiques de

    gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A-Les risques liés à l'accentuation des particularismes Erreur ! Signet non défini.

    B-Les clivages liés à la mondialisation, les mouvements et les flux migratoires . Erreur ! Signet non défini.

    Paragraphe 2: Les obstacles aux politiques publiques de gestion de la diversité en

    Afrique Centrale Erreur ! Signet non défini.

    A- Les obstacles politiques à la gestion de la diversité culturelle en Afrique Centrale

    Erreur ! Signet non défini.

    B-Les obstacles économiques à la gestion de la diversité culturelle ... Erreur ! Signet non défini.

    C-Les obstacles socio-culturels à la gestion de la diversité culturelle Erreur ! Signet non défini.

    CONCLUSION GENERALE Erreur ! Signet non défini.

    BIBLIOGRAPHIE Erreur ! Signet non défini.






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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein