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Processus d'autonomisation des jeunes pris en charge au titre de l'ase et accès aux droits


par Clément Reussard
Askoria (Rennes) - Diplôme d'Etat d'Educateur Spécialisé 2014
  

Disponible en mode multipage

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Clément REUSSARD

Diplôme d'Etat d'Educateur Spécialisé

DC 2 : Conception et conduite de projet éducatif spécialisé

Session de juin 2014

Mémoire professionnel

Processus d'autonomisation des jeunes pris en

charge au titre de l'ASE et accès aux droits

Sommaire

Remerciements

Introduction 1

Caractéristiques de la structure 3

1. L'association : les Pupilles de l'Enseignement Public 3

2. L'institution : la Maison du Couesnon 4

3. Les missions 4

4. L'équipe 5

5. Le cadre juridique d'intervention 5

6. La population accueillie 7

Situations observées et questionnements 11

a) Situation de Yasmine : 11

b) Situation de Gaëlle : 12

c) Situation d'Abu : 14

d) Situation d'Ajmal 16

Problème professionnel 18

Apports théoriques 21

1. Contexte : 21

a) Evolution de la jeunesse d'hier à aujourd'hui 21

b) Les politiques sociales à destination des jeunes pris en charge au titre de l'ASE 27

c) Quelques constats actuels à l'échelle du département 30

2. Soutien à l'autonomie et accès aux droits : une contradiction ? 35

a) L'autonomie : éléments de définitions 35

b) Un constat : l'injonction (paradoxale) à l'autonomie (financière) des jeunes majeurs 37

c) Accompagner vers l'autonomie et l'accès aux droits : la prise en compte du sujet 38

d) Les préconisations de l'ONED... qui coïncident avec mes observations de terrain 42

Projet 43

1. Qu'est-ce qu'un projet éducatif spécialisé ? 43

2. Diagnostic 43

3. Axes de travail 45

4. Actions éducatives 45

a) Permettre au jeune d'intégrer la temporalité de son accompagnement éducatif. 47

b) Permettre au jeune de mieux situer les lieux ressources du territoire 51

Conclusion 54

Bibliographie 56

Glossaire 59

Annexes 60

Remerciements

J'aimerai remercier tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à l'élaboration de ce mémoire professionnel.

Je souhaite remercier Géraldine Berthelot, ma formatrice de terrain, pour tout ce qu'elle m'a apporté durant mon stage à la Maison du Couesnon et toutes les réflexions qu'elle a su susciter en moi.

J'en profite pour remercier tous les professionnels de la Maison du Couesnon qui se sont toujours montré bienveillants et disponibles à mon égard.

Je remercie également Stéphane Le Creurer, mon intervenant d'atelier mémoire, qui aura toujours su me renvoyer des questionnements pertinents me permettant d'aller plus loin dans ma réflexion et de ne pas me perdre en chemin.

Je remercie mon frère pour son laborieux et minutieux travail de relecture.

Je remercie Alexandre M'Bodje, mon conseiller pédagogique, pour sa grande disponibilité, et ce, durant toute la formation.

Je remercie les collègues de promotion, les amis, qui m'ont apporté une aide ou un soutien dans les différents moments de blocage. Ils se reconnaitront.

Je remercie mes parents pour tous les sacrifices qu'ils ont consentis et pour le soutien financier qu'ils m'ont toujours apporté dans la réalisation de mes études.

Enfin, je souhaite profiter de cet espace pour remercier tous les jeunes, du service extérieur et de l'internat, que j'ai eu la chance de connaître à la Maison du Couesnon. Ils m'auront tous apporté quelque chose, consciemment ou non.

« L'objectif de toute éducation devrait être de projeter chacun dans
l'aventure d'une vie à découvrir, à orienter, à construire. 1 »

(Albert Jacquard)

1 Jacquard A., Abécédaire de l'ambiguïté, de Z à A des mots des choses et des concepts, Points, 1989.

1

Introduction

Durant ma formation, j'ai effectué mon stage de première année au sein d'un Institut Médico-Educatif auprès de jeunes âgés de 13 à 15 ans présentant une déficience et/ou un retard mental léger ou moyen, avec ou sans troubles associés. Cette expérience m'aura permis de découvrir le fonctionnement d'une structure médico-sociale mais aussi de mieux appréhender le handicap, notamment psychique.

Mon stage de deuxième année s'est déroulé au sein d'un foyer d'accueil d'urgence à São Paulo au Brésil auprès d'enfants et adolescents âgés de 0 à 18 ans en situation de risque social, de rue ou d'abandon. Ce stage m'aura permis de découvrir une autre réalité du travail social, ainsi que d'autres manières de travailler.

Pour mon stage de troisième année d'éducateur spécialisé, je souhaitais travailler auprès de jeunes majeurs pris en charge au titre de l'Aide Sociale à l'Enfance. Non seulement, je voulais découvrir la protection de l'enfance en France, mais c'est aussi une tranche d'âge et un public avec lequel je n'avais jamais eu l'occasion de travailler auparavant. De plus, je voulais expérimenter l'accompagnement éducatif et auprès d'un public qui ne me semblait a priori aucunement contraint de recevoir une aide éducative dans la mesure où c'est au jeune d'en faire la demande auprès d'un Centre Départemental d'Action Social à partir du moment où il est majeur. Nous le verrons, la réalité est un peu plus complexe que la vision des choses que j'avais alors.

En effet, cette réalité s'inscrit dans un contexte qu'il nous faut discerner avec attention pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de l'accompagnement destiné à ce public. Ce processus de décryptage du contexte a fait écho chez moi à une précédente recherche que j'avais menée à l'université sur une action d'insertion par le sport destinée aux personnes éloignées de l'emploi. Pour comprendre véritablement la philosophie politique qui gouvernait une telle proposition, il fallait la resituer dans un contexte plus global, de politiques d'activation, de contractualisation et de responsabilisation2.

Il est important de relever également que les jeunes de cette tranche d'âge sont confrontés à un contexte économique peu favorable pour s'insérer sereinement dans la société. Une société qui considère par ailleurs que, durant cette période de la vie, le soutien doit reposer principalement sur la famille. Qu'en est-il des jeunes en difficulté ou en rupture avec leur famille ? Quelles sont les politiques sociales proposées pour cette catégorie ? Quelles sont les conséquences, à terme, de ces politiques sociales sur leurs parcours de vie ?

Cette période de la vie est, en plus, déterminante à bien des égards car elle est à la croisée des chemins entre l'adolescence et l'âge adulte. C'est une période où l'on fait l'apprentissage de

2 Le Yondre F., Vrais chômeurs et vrais sportifs. Le sport face au chômage comme instrument disciplinaire ou support de tactiques identitaires : des catégories sociales en jeu, 2009.

2

l'autonomie et où l'on est confronté à des choix cruciaux, scolaires et professionnels, mais aussi tout simplement des choix de vie qui viennent impacter durablement celle-ci.

Ce sont tous ces questionnements qui viendront nourrir ma réflexion tout au long du stage que j'ai effectué d'avril 2013 à mars 2014 au sein de la Maison du Couesnon, principalement auprès de jeunes âgés de 16 à 21 ans accueillis dans le cadre du service extérieur.

Pour développer ma réflexion, je présenterai tout d'abord les caractéristiques de la Maison du Couesnon. Ce détour me semble essentiel pour situer mon contexte d'intervention.

Puis, je m'appuierai sur mes observations et mes questionnements pour élaborer un diagnostic de terrain qui me permettra de faire certains constats et de soulever un problème professionnel.

Par la suite, en lien avec ces premiers éléments, je développerai des apports théoriques qui me permettront de mieux comprendre les phénomènes actuels qui touchent la jeunesse, et de mieux appréhender les politiques sociales destinées aux jeunes pris en charge au sein de la protection de l'enfance. Je viendrais ensuite interroger le concept d'autonomie pour le mettre en lien avec l'accès aux droits.

Enfin, pour répondre aux besoins de ce public, je proposerai un projet d'actions éducatives qui s'appuiera sur des moyens de réalisation et d'évaluation.

3

Caractéristiques de la structure

1. L'association : les Pupilles de l'Enseignement Public

Les Pupilles de l'Enseignement Public (PEP) sont un mouvement laïc intervenant auprès des personnes victimes de pauvreté, d'exclusion sociale ou en situation de handicap.

Depuis 1917, l'association continue son action de solidarité et d'éducation pour répondre aux besoins des enfants, des adolescents, des jeunes majeurs, et des familles en difficulté.

L'association fournit un cadre légal et logistique, apporte ses compétences et son expérience au bénéfice d'actions partenariales en réponse aux appels d'offre des pouvoirs publics dans le respect des réglementations en vigueur, qu'elles soient nationales ou européennes.

Le projet d'établissement souligne que l'association travaille au nom des valeurs de laïcité, de solidarité, d'éducation, et d'humanisme. Pour elle, ces valeurs sont :

-Facteur de paix et fondement d'une société respectueuse d'autrui, des libertés individuelles et collectives ;

-Le fondement d'une citoyenneté responsable ;

-Facteur de liberté et d'épanouissement de l'Homme, rejetant toutes formes de ségrégation ;

-Elle rejette également la marchandisation de l'éducation et des loisirs.

L'association s'engage à :

-Affirmer, vivre et réaliser en toute indépendance sa complémentarité avec les services

publics ;

-Maintenir ses liens privilégiés avec l'Ecole ;

-Reconnaitre chaque personne dans le respect de son individualité, de son unicité et du

principe d'une égale dignité ;

-Favoriser l'accès à l'autonomie de l'enfant, de l'adolescent, du jeune majeur avec la

participation des familles ;

-Eduquer au civisme et à la responsabilité.

L'association gère quinze établissements ou services médico-sociaux permanents en Ille et Vilaine dont quatre Maison d'Enfants à Caractère Sociale. La Maison du Couesnon est l'un de ces établissements.

4

2. L'institution : la Maison du Couesnon

La Maison du Couesnon (MDC) est une Maison d'Enfant à Caractère Social (MECS) créée entre 2006 et 2007 suite à des études soulignant un déficit de places d'accueil pour les jeunes confiés au département ainsi qu'à la Direction Départementale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (DDPJJ). Elle est financée par ces deux institutions.

La MDC inscrit ses compétences et ses savoirs-faires dans l'action politique définie par l'Association Des Pupilles de l'Enseignement Public (ADPEP 35), en mettant en pratique les valeurs de l'association et en inscrivant sa démarche professionnelle au service d'une mission publique.

La MDC dispose de ses actuels locaux sur Fougères depuis juin 2011. Elle s'organise en deux services éducatifs :

1- Le service internat qui propose trois formes d'hébergement pouvant accueillir jusqu'à :

 

Nombre de places

Tranche d'âge

Internat

Collectif et mixte (chambres
individuelles)

8

+ 1 chambre de repli/DAP

0 à 18 ans

Studios individuels internes

2

15 à 18 ans

Appartements de proximité3
(service extérieur)

5 places en appartements
+ 1 jeune hébergé en FJT ou
dans son propre logement

16 à 21 ans

2- Le service Dispositif Alternatif au Placement (DAP) qui accompagne 11 jeunes au domicile familial.

3. Les missions

La MDC a pour mission d'accueillir des jeunes enfants, adolescents et jeunes majeurs de 0 à 21 ans, conformément aux principes fondamentaux de : droit à la protection des enfants ; maintien des liens avec la famille ; droit des parents à mettre en oeuvre leurs responsabilités notamment en matière d'autorité parentale.

Elle a pour volonté de proposer un lieu d'accueil adapté à la problématique des jeunes, afin qu'ils puissent trouver une protection morale et physique, une sécurité matérielle et un lieu d'écoute. Elle propose une prise en charge éducative quotidienne et prépare les éventuels retours au domicile naturel de l'enfant.

Pour le moment, il n'y a pas de projets de service qui viendraient définir les missions des différents services.

3 Les appartements du service extérieur sont tous situés dans le centre-ville de Fougères. Il s'agit de T1 individuels d'environ 25m2.

4. L'équipe

Service internat

+ service extérieur** 7 ETP

Organigramme de la Maison du Couesnon

Directeur 0,5 ETP*

Chef de service
1 ETP

Psychologue
0,8 ETP

Service éducatif

Service généraux

Administratif et gestion

Service DAP
7 ETP

Familles d'accueil
2 ETP

Surveillants de nuit
2 ETP

Agent d'entretien
0,4 ETP

Maîtresse de maison
1 ETP

Ouvrier d'entretien
0,8 ETP

Secrétaire-comptable
1 ETP

Comptable
0,3 ETP

5

*ETP : Equivalent Temps Plein

** Le service extérieur est intégré au service internat. En effet, une seule éducatrice spécialisée (1 ETP) travaille sur le service extérieur. De fait, il a été décidé cette intégration afin que le service extérieur ne soit pas isolé. Les réunions éducatives se tiennent donc en présence des éducateurs du service internat et l'éducatrice du service extérieur. Les éducateurs de l'internat assument également la co-référence (environ une chacun) des jeunes du service extérieur.

5. Le cadre juridique d'intervention

La Maison du Couesnon intervient auprès d'enfants, adolescents et jeunes majeurs dans le cadre de :

- L'accueil provisoire, définit par l'article 222-5 du Code de l'Action Sociale et des Familles comme suit : « Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil général : 1° (L. n° 2007-293 du 5 mars 2007, art. 22) « les mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel, modulable selon leurs besoins en particulier de stabilité affective, ainsi que les mineurs rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement ou dans un service (...) » 4..

4 Code de l'Action Sociale et des Familles, Dalloz, 2010, p.181.

6

- L'accueil provisoire jeune majeur (A.P.J.M) régit par l'article L.222-5 qui énonce que « peuvent être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants »5. Cet accueil prend la forme d'un contrat établit entre le jeune majeur, et le département. Il est signé pour une durée d'un ou plusieurs mois et renouvelable jusqu'aux 21 ans de l'usager. C'est ce dernier qui est à l'origine de la demande d'A.P.J.M, dont l'accompagnement est d'ordre à la fois social, professionnel et éducatif. Tout d'abord destiné aux adolescents pris en charge par l'ASE à leur minorité, l'A.P.J.M. peut être aujourd'hui demandé par tout majeur en difficulté âgé entre 18 et 21 ans.

- Mesure d'assistance éducative : l'article 375 du code civil énonce que « si la santé, la sécurité, ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux [...]de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié [...]du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. »

Cet article est applicable « sur le territoire français à tous les mineurs qui s'y trouvent, quelle que soit leur nationalité ou celle de leurs parents. [...]. Un mineur, non autorisé à résider en France, retenu en zone d'attente peut faire l'objet d'une mesure de protection, une zone d'attente se trouvant sous contrôle administratif et juridictionnel national »6.

- Placement protection de la jeunesse : selon l'article 1er de l'ordonnance du 2 février 1945 « les mineurs auxquels est imputés une infraction qualifiée de crime ou délit ne seront pas déférés aux juridictions pénales de droit commun et ne seront justiciables que des tribunaux pour enfants ». L'article 2 rajoute que « le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs prononceront, suivant les cas, les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui sembleront appropriées »7.

5 Code de l'Action Sociale et des Familles, Dalloz, 2010, p.181.

6 Code Civil, Dalloz, 2009, p.606.

7 Code Pénal, Dalloz, 2009, p.2069.

7

6. La population accueillie

Sur l'internat :

L'établissement accueille pour des durées variables des enfants et adolescents dont les familles se trouvent en difficulté momentanée ou durable, et ne peuvent, seules ou avec le recours de proches, assumer la charge et l'éducation de leurs enfants. Les jeunes sont placés à la MDC suite à une décision judiciaire ou administrative.

Depuis 2007, l'établissement constate que les problématiques rencontrées par les jeunes accueillis à la MDC sont souvent les suivantes8 :

- « Jeunes avec troubles du comportement (exemples : instabilité, agressivité, agitation) ;

- Victime de maltraitance physique ou morale par un membre de la famille ;

- Avec des conduites addictives (aux jeux vidéo, à l'ordinateur, à la cigarette) ;

- Ayant connu des échecs scolaires (déscolarisation, absence de projet scolaire, redoublement) ;

- Victimes de violences, principalement des agressions sexuelles ;

- Auteurs d'agressions sexuelles ;

- Ayant un suivi psychologique important, et des traitements médicaux lourds. »

On pourrait ajouter que ces jeunes ont pour la plupart connus des carences affectives et éducatives pendant leur enfance, troublant ainsi leur développement psychoaffectif. Une autre raison de leur placement est également souvent le fait d'une conduite addictive des parents, bien souvent l'addiction à l'alcool. Des conflits ont souvent été repéré au sein de leur famille : avec leur propres parents ou au sein de la fratrie. Enfin, une grande majorité d'entre eux ont connu d'autres formes et lieux de placements (familles d'accueil, autres foyers).

En mars 2014, à la fin de mon stage, l'internat (studios compris) comptait 10 jeunes. Voici leur répartition selon les critères de genre, d'âge, de scolarité et de forme d'hébergement :

Genre

Age

Scolarité

Hébergement

F

11 ans

CM2

Collectif

F

11 ans

6ème

Collectif

H

12 ans

6ème

Collectif

F

12 ans

5ème

Collectif

F

15 ans

3ème

Collectif

H

15 ans

Seconde

Collectif

H

16 ans

Seconde

Collectif

F

16 ans

Seconde

Collectif

H

15 ans

Seconde

Studio interne

H

16 ans

Apprentissage

Studio interne

8 Cf. le projet d'établissement de la Maison du Couesnon

8

Sur le service extérieur :

Note importante : Mon stage s'étant principalement réalisé sur le service extérieur de la MDC, la suite de ce mémoire professionnel se focalisera exclusivement sur les jeunes accueillis sur ce service.

Le service extérieur est habilité à accueillir des jeunes de 16 à 21 ans hébergés en appartement de proximité. Le service peut parfois accompagner des jeunes vivant dans des logements ne dépendant pas de l'association. Ainsi, selon leur projet, des jeunes résidant en Foyer de Jeunes Travailleurs (FJT), ou en logement privé peuvent également bénéficier d'un suivi éducatif.

Les jeunes mineurs et majeurs, garçons et filles, sont accueillis au service dans le cadre de mesures de garde, d'Accueils Provisoires (AP), d'Accueils Provisoires Jeunes Majeurs (APJM). Même si cela se fait de plus en plus rare, le service peut également accueillir des jeunes issus de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) dans le cadre de l'ordonnance de 1945.

Les jeunes sont la plupart du temps scolarisés ou en formation. Parfois, ils arrivent sur le service après un échec scolaire ou une déscolarisation. Le suivi éducatif intègre très souvent un objectif d'insertion professionnel dans le cadre de la prise en charge.

La majorité des jeunes mineurs et majeurs, garçons et filles, ont un passé institutionnel (foyer, famille d'accueil, assistance éducative...).

Les jeunes accompagnées par le service ont entre 16 et 21 ans. Autrement dit, ils vont entrer ou commencent leur vie d'adulte et doivent ainsi être accompagné dans l'autonomisation que cela induit.

Comme sur l'internat, beaucoup de ces jeunes ont connus durant leur enfance et adolescence des carences affectives et/ou éducatives troublant ainsi leur développement psychoaffectif. Il s'agit souvent de jeunes en situation d'isolement social qui ont peu de personnes ressources sur lesquelles s'appuyer.

Le service accueille également des jeunes migrants : Mineurs Isolés Etrangers (MIE) ou Majeurs Etrangers (ME). Par définition, ceux-ci n'ont pas de famille sur le territoire Français et doivent surmonter l'obstacle de la différence culturelle, et bien souvent de la barrière de la langue. Un accompagnement plus soutenu leur est proposé dans le cadre de la régularisation de leur situation administrative.

Malgré une population assez polymorphe, j'ai pu identifier durant mon stage deux grands types de profil sur le service extérieur :

-Une partie des jeunes sont accompagnés puisqu'en difficulté vis-à-vis de leur environnement familial (rupture familiale totale ou partielle à la suite de conflits, ou parents en difficulté).

-Une autre partie des jeunes concerne les Mineurs Isolés Etrangers et les Majeurs Etrangers (suivi à partir de leur majorité dans le cadre d'un APJM).

9

En mars 2014, le service extérieur accompagnait quatre jeunes âgés entre 17 et 20 ans :

Sexe

Age

Scolarité

Hébergement

Mesure

Origine

Admission

F

17

Terminale
CAPA
« Service en
Milieu Rural »

Appartement MDC

Garde ASE

France

02/13

H

17

1ere générale

Appartement MDC
(auparavant internat puis
studio)

OPP

Cameroun

01/12

F

17

Déscolarisée
CLPS

Appartement MDC

Accueil
Provisoire

France

01/14

H

20

CAP 2e année
« Travaux
Paysagers »

Foyer Jeune Travailleur

APJM
(ME)

Congo

08/11

Voici les profils des six autres jeunes que j'ai pu accompagner mais qui n'étaient plus pris en charge à la MDC à la fin de mon stage qui s'est tenu d'avril 2013 à mars 2014 :

Sexe

Age

Scolarité

Hébergement

Mesure

Origine

Admission

Fin de
PEC

 
 

Term. Pro

Appartement

 

France

 
 

H

20

 
 

APJM

 

01/13

09/13

 
 

Gestion Admin.

MDC

 

(Mayotte)

 
 
 

17

MGI puis CAP

Appartement

 
 
 
 

H

 
 
 

(MIE)

Albanie

04/13

12/13

 

(15)9

Peinture

MDC

 
 
 
 
 
 
 

Famille

 
 

12/11

 

H

17

CAP Boucherie

 

OPP

France

 

12/13

 
 
 

d'accueil

 
 

(DAP)

 
 
 
 

Appartement

APJM

 
 
 

H

19

CAP Maçonnerie

 
 

Afghanistan

02/11

12/13

 
 
 

MDC

(ME)

 
 
 
 
 
 
 

Garde

 
 
 
 
 

1ere Pro Gestion

Appartement

 
 
 
 

F

18

administration

MDC

ASE puis

France

01/13

01/14

 
 
 
 

APJM

 
 
 
 
 

Esthétique puis

Logement

Garde

 
 
 

F

17

CLPS

personnel

ASE

France

12/13

03/14

9 Le jeune a d'abord été accueilli dans un appartement MDC. Puis il a confessé n'avoir que 15 ans et non pas 17 ans. Il a par la suite été accueilli sur l'internat de la MDC.

10

Sur la base de ce tableau et d'autres informations en ma possession, sur les dix jeunes accueillis sur le service extérieur durant mon stage, on peut observer, que :

4 La moyenne d'âge est de 18 ans.

4 6 garçons et 4 filles ont été accompagnés sur le service extérieur pendant mon stage, soit une répartition assez équilibrée des sexes.

4 Sur les 10 jeunes : 7 étaient logés dans un appartement de la MDC, 1 dans un FJT, 1 dans une famille d'accueil, 1 dans son logement personnel.

4 8 jeunes sur 10 étaient connus de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) avant d'être accueilli sur le service extérieur.

4 Pour les 5 jeunes qui ne sont plus pris en charge à la MDC, mais qui l'ont été pendant mon stage, la durée moyenne du temps de prise en charge (PEC) a été de 10 mois et demi, avec des écarts qui vont de 3 à 22 mois. On peut remarquer que les PEC MIE/ME donnent généralement lieux à des accueils plus longs.

4 8 des 10 jeunes accueillis étaient scolarisés durant la majeure partie de leur temps de PEC.

4 7 de ces 8 jeunes scolarisés, étaient scolarisés dans des filières professionnalisantes, de courte durée, de type Certificat d'Aptitude Professionnelle (CAP) ou Bac PRO.

4 4 des 10 jeunes accueillis sont nés en dehors du territoire français.

4 3 des 10 jeunes devaient faire face à des difficultés liées à l'apprentissage de la langue ou d'ordre culturelles, en plus des démarches auxquels ils sont tenus pour régulariser leurs situations administratives car il s'agit de MIE ou de ME.

4 1 des 10 jeunes est en situation de handicap. Il est sourd, c'est pourquoi il est logé en FJT, lieu plus sécurisant pour lui.

4 Enfin, du fait des tranches d'âges accueillies et des temps de prise en charge, on observe que la grande majorité des jeunes vivent leur passage à la majorité (18 ans) en étant pris en charge sur le service extérieur.

Nous verrons, à travers les observations que j'ai pu mener durant mon stage, que ce changement de statut, acquis à la majorité, peut constituer un moment déterminant de la prise en charge.

11

Situations observées et questionnements

Plusieurs situations m'ont particulièrement interrogé pendant mon stage. J'ai choisi d'en isoler quatre et de les questionner à partir de mes réflexions qui me sont venues sur le moment ou un peu plus tard dans l'accompagnement. Je suggérerai quelques hypothèses personnelles permettant d'éclairer la situation, parfois associées à des constats.

Tous les prénoms ont été changés de façon à conserver l'anonymat des personnes.

a) Situation de Yasmine :

Yasmine a été accueillie à la MDC à 17 ans et 8 mois. Elle a auparavant connu une mesure d'AEMO de plus d'un an à partir de 2008. Les problèmes d'alcools de ses parents, séparés, en sont à l'origine. A partir de novembre 2009, le juge décide le placement de Yasmine en famille d'accueil puis, à partir d'août 2012, dans un foyer sur Rennes. Elle fait la demande de venir habiter sur Fougères à partir de décembre 2013 avant tout pour se rapprocher de sa mère.

La jeune s'installe dans son propre logement dans le centre de Fougères car tous les appartements de la MDC étaient occupés au moment de son admission. Confrontée à un problème de voisinage, Yasmine déménage dans une commune située à 10 km de Fougères et nous met devant le fait accompli. En effet, Yasmine dit pouvoir tout gérer toute seule, sauf qu'elle fait rapidement face à des problèmes financiers (pour payer son loyer, ses factures d'électricité, etc.). Elle met rapidement fin à sa formation en esthétique (pour des problèmes relationnels) puis s'inscrira un temps au CLPS de Fougères, formation qu'elle abandonnera très vite également. La jeune est dépendante de sa famille, de ses amis, ou des éducateurs de la MDC pour tous ses déplacements. De plus, elle reconnaît subir pas mal d'envahissement à son domicile du fait d'un large réseau d'amis. L'équipe constate le peu de « prise » sur la jeune et le fait qu'il est difficile de faire appliquer un règlement à quelqu'un qui est dans son propre appartement. Pendant cette période, les éducateurs de la MDC renvoient également qu'il n'est pas possible de travailler avec elle dans ces conditions, bien que Yasmine reste en lien avec notre service. Il faut qu'elle vienne habiter dans un de nos appartements sur Fougères (qui s'est depuis libéré). La jeune refuse catégoriquement cette éventualité pour plusieurs raisons : perte de libertés et peur d'un envahissement encore plus conséquent.

Une Commission Enfance Famille (CEF) se tient un mois avant sa majorité : le service exprime que dans ces conditions (« on ne maîtrise pas, elle décide tout »), on ne peut pas l'accompagner dans un APJM. Les représentants du Centre Département d'Action Sociale (CDAS) partagent cet avis. Il est alors suggéré durant cette CEF de plutôt lui proposer une Action Educative à Domicile Jeune Majeur (AED JM), voire il a même été question à un moment d'une Allocation Mensuelle Jeune Majeur (AM JM). Cette dernière possibilité sera écartée d'emblée par la psychologue présente : « Pas d'allocation mensuelle sans AED Jeune Majeur, sinon ça devient un droit ! ».

12

Finalement, une lettre doit lui être envoyée pour lui présenter les dispositifs auxquels elle peut prétendre (APJM/AED JM) ainsi qu'un rendez-vous auprès d'une assistante sociale de secteur accompagnée de son éducatrice ASE. Finalement le courrier ne sera envoyé que deux semaines plus tard. Il sera très peu explicite10. Aucun rendez-vous avec une AS ni de rencontre avec la jeune ne sera pris par son éducatrice ASE, et ce, malgré nos sollicitations. Yasmine finira par écrire toute seule sa lettre de demande AED jeune majeur la veille de ses 18 ans.

Questionnements :

1) Quelle idée Yasmine se fait-elle d'un APJM ?

2) Quelle représentation Yasmine a-t-elle de l'AED Jeune Majeur ? Est-elle suffisamment renseignée ?

3) Ce passage à la majorité a t-il été suffisamment préparé et anticipé ?

Hypothèses et constats :

1) Il semble que Yasmine se sent suffisamment autonome pour mener sa vie toute seule. Peut-être qu'elle souhaite prendre de la distance avec la protection de l'enfance, milieu dans lequel elle a grandi, dans la contrainte, depuis qu'elle a 12 ans. En en rediscutant avec elle, une semaine avant sa majorité, ce qui revient le plus dans son discours est la perte de libertés. Dans son logement personnel, Yasmine pouvait y faire dormir son copain et pouvait avoir un chat, ce qui ne serait plus le cas dans un appartement de la MDC. De plus, elle ne voit pas tellement ce que peut lui apporter un APJM : elle pense que le service extérieur de la MDC est là uniquement pour l'aider financièrement et établir un travail de médiation familiale avec ses parents. Elle semble ne pas avoir intégré qu'on peut lui apporter une aide, par exemple, au niveau de ses recherches de formation, de ses démarches administratives, dans lesquelles elle m'avouera pourtant être en difficulté.

2) Yasmine se dira perdue ne sachant pas ce dont elle pouvait bénéficier avec une AED Jeune Majeur. Très clairement, nous, éducateurs de la MDC, n'étions pas en mesure de répondre à ces questions car nous ne connaissons pas le dispositif de l'AED Jeune Majeur. Yasmine s'est alors tournée vers ses anciens éducateurs du foyer de Rennes pour obtenir des informations, pendant que nous sollicitions sa référente ASE pour lui présenter ce dispositif, en vain. Il n'existe d'ailleurs pas de plaquette de présentation des dispositifs à destination des jeunes majeurs.

3) Même si le fait qu'elle soit arrivée quatre mois avant ses 18 ans nous laissait peu de temps, il aurait fallu anticiper et échanger en amont avec Yasmine, sur ses besoins, et sa projection à la majorité. Elle a dû faire des choix importants (bien que non définitifs) sans être réellement au clair sur les possibilités qui s'offraient à elle.

b) Situation de Gaëlle :

Gaëlle est accueillie depuis ses 16 ans et demi à la MDC dans un de nos appartements de proximité. Elle aussi a connu une mesure AEMO à partir de juin 2011, puis une Aide Educative

10 Voir Annexes

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Renforcée (AER). Il a été constaté un rôle inadapté de Gaëlle au sein du système familial puisqu'elle y occupait une place parentifiée et avait une relation trop fusionnelle avec sa mère, cette dernière n'ayant que peu d'autorité sur sa fille. Le juge décidera un placement de Gaëlle à l'ASE à partir de décembre 2012 jusqu'à sa majorité, qu'elle obtiendra en septembre 2014.

Je suis co-référent de sa situation. Environ 6 mois avant ses 18 ans, je suis chargé d'écrire son projet personnalisé. Il y a un encart « attentes de la jeune par rapport à son placement ». Je l'interroge donc à ce sujet durant un trajet en voiture. Au fil de la conversation, la jeune me dit alors « De toute façon à mes 18 ans, je pars de la Maison du Couesnon, comme ça j'serais tranquille, j'aurai plus besoin de supporter les éducateurs. De toute façon j'sais me débrouiller toute seule, je n'ai pas besoin de vous. Et puis comme ça, je ne vous aurai pas sur le dos tout le temps, je pourrais faire ce que je veux ! » Sur le moment, je suis un peu surpris de sa réponse car Gaëlle est une jeune qui est dans le lien avec les éducateurs de la MDC, y compris avec moi. De plus, j'ai en tête que la jeune souhaite entrer en formation d'Auxiliaire de Vie Sociale (1 an) à partir de septembre prochain. Je décide de la questionner un peu : « D'accord. Et tu habiteras où du coup ? », « Bah en appart ! » « Ok, et tu payes comment ton loyer, tes dépenses alimentaires, d'électricité, etc ? » « Bah, chépas, au pire j'retourne chez ma mère je m'en fous ! » « Tu en as parlé avec ta mère ? » « Non ». Je l'invite à en discuter avec elle. La discussion en restera là, je lui dirai qu'elle a « encore le temps pour bien y réfléchir » et que « cette décision [lui] appartient de toute façon ».

Questionnements :

1) Gaëlle s'était-elle déjà projetée après sa majorité ? La jeune a-t-elle conscience de ses besoins actuels et futurs ?

2) Pourquoi la jeune a-t-elle l'impression d'avoir les éducateurs « tout le temps sur le dos » ?

3) Pourquoi envisage-t-elle un retour au domicile de sa mère ?

4) Quel est l'intérêt d'avoir cette discussion si longtemps avant sa majorité (6 mois) ?

Hypothèses et constats :

1) Je m'aperçois, grâce à cette conversation, que Gaëlle a de réelles difficultés à se projeter après sa majorité. Elle ne réalise pas tellement les enjeux pour elle (en termes éducatifs, financiers ou d'insertion socioprofessionnelle). Elle sait qu'elle sera libre de prendre son envol toute seule si elle le souhaite, mais ne semble pas avoir vraiment conscience des besoins qui sont les siens.

2) Cette impression relève sans doute de son passé avec la protection de l'enfance. Elle aussi a vécu une aide contrainte depuis de nombreuses années. De plus, elle doit se plier aux règles des appartements de la MDC, qu'elle respecte scrupuleusement bien qu'elles soient probablement sources de frustration pour la jeune puisque, par exemple, elle ne peut faire dormir son copain dans son appartement. C'est ce qu'elle mettra en avant dans la conversation.

3) Gaëlle a peut-être besoin d'aller vérifier certaines choses au domicile de sa mère. Elle reproche très souvent à sa mère d'accorder plus d'attention et d'accepter plus souvent les requêtes de son frère qui

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est schizophrène. Toutefois, pour en avoir échangé avec sa mère, cette dernière ne souhaite pas que sa fille revienne au domicile, puisqu'elle est en difficulté avec elle et n'arrive pas à faire valoir son autorité sur elle. Elle préférerait que la situation reste ainsi, à savoir que sa fille continue de vivre dans un logement autonome.

4) Ce n'était pas tellement volontaire de ma part d'aborder ce sujet si longtemps avant sa majorité. Toutefois, cela m'a permis de comprendre que la jeune a du mal à se projeter de façon réaliste au-delà de ses 18 ans. Cela permet d'anticiper les échéances et de l'y préparer au mieux, de lui faire prendre conscience de ses besoins, de lui présenter les différentes possibilités qui s'offrent à elle, de façon à ce que la jeune puisse être à même de choisir d'elle-même ce qu'elle considère être la meilleure solution. C'est ce que nous ferons dans les semaines qui suivirent.

Les situations de Yasmine et Gaëlle sont venues me poser la question de la présentation qui doit être faite aux jeunes des dispositifs de l'ASE dont ils peuvent bénéficier après avoir acquis leur majorité. De même, elles m'ont fait réfléchir au travail qui doit être fait avec eux quant à l'évaluation qu'ils peuvent faire eux-mêmes de leurs besoins pour mieux anticiper les échéances et seuils de passage.

c) Situation d'Abu :

Abu est originaire de Mayotte et est arrivé à Fougères en septembre 2010 à l'âge de 17 ans. Hébergé à Fougères chez une tante pendant un an, puis chez une cousine pendant la même durée, il est mis à la porte par le mari de cette dernière en novembre 2012 suite à des conflits. Scolarisé en 1ère Bac Pro « gestion et administration », il intègre alors l'internat de son lycée et passe les week-ends au FJT tout en bénéficiant d'un suivi éducatif par le service extérieur de la MDC dans le cadre d'un APJM sollicité par Abu à ses 19 ans en mai 2012, qui sera ensuite prolongé en septembre 2012. Les raisons de cet APJM sont qu'Abu a besoin de soutien et de repères éducatifs. Il a besoin de guidance dans le quotidien (scolarité, budget, démarches administratives). En janvier 2013, Abu intègre un appartement de proximité du service extérieur.

Le jeune continue d'avoir des mauvais résultats (7,6 de moyenne générale) au lycée malgré le redoublement de sa 1ère, certains professeurs y voient un manque d'investissement. Un point est fait sur la situation d'Abu au CDAS en mai 2013, peu après le début de mon stage. Malgré le respect du contrat signé, l'accent est mis sur les difficultés scolaires d'Abu. La commission met en avant qu'il aura 21 ans en mai 2014, synonyme de fin de PEC, et cela avant la fin de son année scolaire en Terminale, alors même qu'il n'aura aucune source de revenu et qu'il a peu de chance d'obtenir le bac compte tenu de ses résultats. Les représentants du CDAS présents lors de cette CEF considèrent que le projet d'Abu n'est pas « ancré dans la réalité ». Ils lui proposent de se réorienter et de s'inscrire à la Mission Locale pour trouver une source de revenu s'il veut que son APJM soit prolongé. Ils lui

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laissent l'été pour y réfléchir. Abu refusera et préfèrera continuer sa scolarité en Terminale même s'il doit aller vivre chez son grand-frère (23 ans) qui, lui, travaille, à l'usine, et s'occupe déjà de sa petite soeur (18 ans). L'APJM ne sera donc pas prolongé et prendra fin en septembre 2013.

Questionnements :

Arrivé depuis peu sur mon lieu de stage, j'ai été franchement surpris par cette injonction du CDAS. Cela a soulevé chez moi de nombreuses interrogations :

1) Pourquoi la situation d'Abu aboutit sur la non-prolongation de son APJM ?

2) Pourquoi Abu est-il en difficulté scolairement ? Est-ce uniquement par « manque d'investissement » ?

3) Est-ce qu'Abu a suffisamment réfléchit sa décision ?

4) Quels autres dispositifs et lieux ressources peut-il solliciter pour lui venir en aide ? Comment l'accompagner au mieux dans la fin de sa prise en charge ?

Hypothèses et constats :

1) Dans un premier temps, j'ai pensé que l'attitude que renvoie le jeune notamment au lycée où beaucoup notent « peu d'investissement » lui avait porté préjudice. Plus tard, je trouverai de nombreux éléments de réponse au gré des lectures qui viendront m'apporter un éclairage théorique sur les dispositifs d'assistance aux jeunes majeurs et des logiques intégrées par les travailleurs sociaux. Ils seront abordés dans la partie « apports théoriques ».

2) Abu s'investit scolairement puisqu'il se rend chaque soir à des heures de permanence pour faire ses devoirs et travailler ses cours. Il n'empêche qu'il est réellement en difficulté au lycée dans la plupart des matières. Une autre lecture que son supposé « peu d'investissement » serait de se poser la question du niveau de capital scolaire dont a hérité Abu de par son milieu familial, de savoir quel est le niveau scolaire des jeunes scolarisés en Mayotte et quelles sont les ressources dont Abu dispose à Fougères pour parvenir à combler ses lacunes.

3) Abu m'a paru déterminé et convaincu par son choix qu'il a eu le temps de mûrir pendant l'été. Il a ainsi pu en échanger avec son frère, avec les éducateurs de la MDC, avec des personnes ressources de son lycée (proviseur, conseiller d'orientation, professeurs). Je pense qu'il accordait beaucoup d'importance au fait d'obtenir un diplôme en comptabilité avant de rentrer à Mayotte et que toute autre orientation aurait vécue par lui comme un échec.

4) J'ai été assez étonné à l'époque que rien ne lui soit proposé en contrepartie de sa non-prolongation d'APJM bien que ce n'est que bien plus tard que j'ai appris l'existence d'autres dispositifs. A posteriori, et étant donné la précarité vers laquelle Abu s'orientait, je reste surpris qu'il ne lui ait pas été proposé de se rendre par exemple à la Mission Locale (qui peut octroyer, sous certaines conditions des aides alimentaires et des aides à la mobilité) ou de prendre rendez-vous avec une assistante sociale de secteur (pour obtenir éventuellement une Allocation Mensuelle Jeune Majeur ou une AED Jeune Majeur).

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d) Situation d'Ajmal

Originaire d'Afghanistan, Ajmal est arrivé à Rennes en janvier 2011 à l'âge de 16 ans et demi. Il a fuit son pays car sa vie était en danger, c'est pourquoi il bénéficie aujourd'hui de la protection subsidiaire. Depuis février 2011, il est accueilli à la MDC sur le service extérieur, dans un premier temps en tant que Mineur Isolé Etranger (MIE). À ses 18 ans en juillet 2012, il signe son premier contrat APJM. En septembre 2012, Ajmal intègre un CAP en maçonnerie. Ses revenus d'apprentissage lui permettent de toucher environ 800€ par mois et de pouvoir mettre de côté. Son APJM a pris fin en décembre 2013 car le jeune était jugé suffisamment autonome dans son quotidien et surtout suffisamment établi dans un parcours d'insertion professionnelle lui assurant une autonomie financière.

Nous l'avons préparé à la fin de sa prise en charge. Je me suis notamment occupé de l'accompagner dans la recherche d'un appartement à Fougères et dans les démarches administratives qui y sont liées. À la fin de sa prise en charge, nous lui avons signifié, avec l'accord de la chef de service, qu'en cas de problème, il pourrait nous solliciter.

Dans les trois mois qui suivirent la fin de sa PEC, Ajmal m'a sollicité personnellement à deux reprises. La première fois pour me demander par téléphone s'il était normal qu'il n'avait pas encore touché ses aides au logement de la part de la CAF, et pour me demander où se trouvait « Inicial » à Fougères, à qui il doit rapporter un document pour toucher ses aides mobili-jeune11. J'ai répondu à ses questions par téléphone. La deuxième fois qu'il m'a sollicité, c'était à l'occasion d'un match de foot que j'avais organisé à la fin de mon stage avec tous les jeunes de la MDC plus ceux qui ne sont plus pris en charge mais que j'ai connus pendant mon stage. Il en a profité pour me montrer un courrier qu'il avait reçu de l'assurance maladie concernant l'obtention de la CMU-C. Je lui ai dis d'aller se renseigner directement à la CPAM, en lui rappelant où c'était, et de bien insister pour qu'ils lui expliquent clairement les choses.

Questionnements :

1) Est-ce que le fait d'avoir été trop soutenant dans son accompagnement n'implique t'il pas un relatif manque d'autonomie dans la résolution de certaines de ses difficultés ?

2) Est-il trop peu informé ou a-t-il besoin de se réassurer en sollicitant mon avis ?

3) Est-ce que le fait qu'il soit étranger lui pose t-il des difficultés dans la résolution de certains de ses problèmes quotidiens ?

Hypothèses et constats :

1) Il est vrai que nous avons été très soutenant dans la PEC d'Ajmal du fait qu'il soit étranger puisqu'il est souvent mis en difficulté par la barrière de la langue et qu'il n'a aucunes ressources sur lesquelles il pourrait s'appuyer dans la mesure où il est isolé, de sa famille notamment. De plus, il manque de temps en raison de ses horaires de travail en apprentissage (7h-19h tous les jours de la semaine).

11 Ce sont des aides au logement à destination des jeunes en apprentissage.

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Quand je l'ai accompagné à trouver un logement, j'ai moi-même chercher les annonces que je lui ai soumises pour qu'il choisisse (le jeune n'a pas d'ordinateur ni internet), je l'ai accompagné lors des différentes visites d'appartements (généralement dans le but de rassurer les propriétaires), je l'ai accompagné à remplir les dossiers, etc. Cette posture ne permet pas vraiment de développer l'autonomie maximale du jeune et c'est pourquoi peut-être il peut se retrouver en difficulté à la fin de sa PEC.

2) En fait, je pense qu'il s'agit un peu des deux. Il lui manquait probablement des informations, comme par exemple où se situe le local d'Inicial à Fougères. Je m'y étais en effet rendu seul pour demander le dossier mobili-jeune et obtenir quelques informations, car il ne pouvait s'y rendre pendant ses semaines d'apprentissage en raison de ses horaires. Je lui avais expliqué ce qu'était cette aide et il avait rempli le dossier avec mon soutien. Il ne savait donc pas où cela se situait bien qu'il aurait pu trouver la réponse seul en regardant sur internet (depuis la médiathèque par exemple). Pour le reste des démarches, je crois qu'il savait où se situait la CAF et la CPAM, mais qu'il avait sans doute besoin de se réassurer que c'était bien là qu'il pourrait trouver l'information avant de s'y rendre.

3) Ajmal est souvent mis en difficulté par la barrière de la langue. Je l'ai en effet accompagné à plusieurs types de rendez-vous où Ajmal acquiesçait à son interlocuteur pour lui signifier qu'il comprenait, mais une fois dans la voiture, il me confiait qu'il n'avait pas tout compris et je devais alors lui réexpliquer. Il est vrai que beaucoup de personnes s'adressent à lui comme s'il était en capacité de tout comprendre, alors qu'en réalité, son vocabulaire est assez limité. Ayant vécu moi-même à l'étranger, je suis capable de simplifier mon discours avec des mots simples pour le rendre intelligible et compréhensible. Ce qui n'est pas le cas de beaucoup de personnes, y compris chez les professionnels travaillant dans des institutions telles que la CAF, la CPAM, etc.

Les situations d'Abu et Ajmal soulèvent la question du niveau d'autonomie acquis avant la fin de la prise en charge, et ce qui est justement fait en ce sens durant l'accompagnement pour que les jeunes puissent être à même de résoudre leurs difficultés seuls, pendant et après celle-ci, en étant capable de situer et solliciter les différents lieux et institutions ressources.

Nous verrons, à travers l'exposé du problème professionnel, en quoi les situations de Yasmine et Gaëlle d'une part et d'Abu et Ajmal d'autre part se rejoignent et viennent questionner les pratiques d'accompagnement et leurs incidences sur le processus d'autonomisation des jeunes pris en charge. Nous viendrons plus précisément questionner la présentation qui leur est faite des différents dispositifs spécifiques ou de droit commun qu'ils peuvent être amenés à solliciter, et réfléchirons à comment travailler à mieux mobiliser les jeunes sur leurs besoins actuels et futurs, leur faisant prendre conscience de la temporalité de l'accompagnement et aussi de leur permettre de mieux identifier ce qui peut faire ressource dans leur parcours d'insertion.

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Problème professionnel

Pour faire émerger le problème professionnel en lien avec les situations observées sur le terrain, il convient de se demander tout d'abord quelles sont les missions des professionnels de la MDC qui accompagnent ces jeunes de 16 à 21 ans pris en charge au titre de l'ASE.

Un objectif d'autonomie prégnant...

Il n'existe pas, pour le moment, de projet de service concernant le service extérieur, ni même pour les autres services de la MDC. Les objectifs de l'accompagnement du service extérieur ne sont pas non plus déclinés précisément au sein du projet d'établissement.

Sur le site internet de la Maison du Couesnon12, une présentation identifie tout de même quelques grands axes de l'accompagnement sur le service extérieur :

« Le jeune devient acteur de son projet

Par un suivi de proximité, l'éducateur lui permet de :

se préparer à l'autonomie,

s'intégrer socialement par la scolarité, l'apprentissage ou le travail,

gérer un budget,

organiser son quotidien,

préserver son espace. »

Le règlement de fonctionnement des appartements de proximité, que le jeune doit lire et signer avant qu'on ne lui remette les clés de son appartement, présente ainsi les objectifs de l'accompagnement :

Nous mettons à ta disposition, un lieu (studio, appartement collectif) meublé, nous te demandons de respecter ce lieu et le règlement du service.

Pendant ton accueil, tu dois tenir tes projets professionnels ou scolaires, tu dois te rendre aux rendez-vous posés par ton éducateur référent et gérer tes démarches (médicales, administratives, ...) en étant accompagné.

L'objectif de cet accompagnement avec toi est de développer ton autonomie et de t'amener à réaliser ces différentes démarches seul.

Le travail du service extérieur est de t'amener à une certaine autonomie afin de t'aider à te construire en tant que jeune adulte, vers une indépendance (logement personnel). »

En résumé, comme l'indiquent ces différents éléments, l'accompagnement proposé accorde une grande importance à la préparation à l'autonomie. La finalité recherchée est que ces jeunes puissent développer « une certaine autonomie » pour se « construire en tant que jeune adulte », dans le but les « amener à réaliser diverses démarches seuls ». D'ailleurs, le préambule le rappelle bien : « Le jeune devient acteur de son projet ».

12 http://www.pep35.org/Maison-du-Couesnon-Fougeres.html

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Au-delà des documents internes, l'objectif d'autonomisation est très prégnant dans les discours professionnels, que ce soit chez les éducateurs de service, ou les éducateurs de l'ASE tout comme chez tous les professionnels travaillant au CDAS amenés à travailler avec ces jeunes.

Il est aussi inscrit dans les valeurs défendues par les PEP 35 que l'association s'engage à « favoriser l'accès à l'autonomie de l'enfant, de l'adolescent, du jeune majeur ».

.... à mettre en lien avec la tranche d'âge accueillie...

Cet objectif d'autonomie est bien sûr à mettre en lien avec la tranche d'âge accueillie sur le service, à savoir les 16-21 ans, car il s'agit d'une période charnière avant le passage à l'âge adulte. Une période durant laquelle se jouent beaucoup de choses en termes d'insertion sociale et professionnelle, surtout pour des jeunes qui disposent de peu de soutien familial.

De plus, le « service extérieur », appelé aussi dans d'autres endroits Services d'Accompagnement Progressif (SAP), est bien souvent la dernière étape de prise en charge d'une protection ASE pour des jeunes qui sont suivis depuis plusieurs années par les services de la protection de l'enfance.

Cette période est également bien souvent marquée par le passage à la majorité. En plus de tout ce que cela suppose pour le jeune (en terme légal, de responsabilité, de droits et de devoirs), cela implique une différence majeure dans le cadre de son accompagnement : le jeune n'est plus contraint d'être placé dans un service de la protection de l'enfance. C'est à lui de faire la demande auprès d'un Centre Départemental d'Action Sociale (CDAS) pour continuer de bénéficier, s'il le souhaite, et si le CDAS accepte sa demande, de cet accompagnement « service extérieur » dans le cadre d'un Accueil Provisoire Jeune Majeur (APJM). D'autres dispositifs existent également, mais sont sous-utilisés comme nous le verrons.

La prise en charge APJM, contractualisée avec le jeune et soumise à évaluation, peut être reconduite sur des périodes plus ou moins longues. Elle peut s'interrompre à tout moment, si le jeune le souhaite ou si le CDAS ne l'estime plus pertinente. Elle prendra fin dans tous les cas aux 21 ans du jeune. Ce type de prise en charge induit donc une forte incitation à l'autonomisation des usagers.

De plus, les jeunes expriment bien souvent l'envie d'une plus grande autonomie, de se « débrouiller seul », de « bien s'en sortir » par l'aboutissement d'un projet professionnel, par l'acquisition d'une autonomie financière, par l'entrée dans un logement personnel, etc.

... et l'orientation des politiques sociales...

Cette logique d'autonomisation s'inscrit pleinement dans ce que met en avant la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale. En effet, l'article L. 311-3 stipule que, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, l'usager doit être assuré d'« une prise en charge et [d']un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son

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consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision13 ».

Nous le verrons, pour bien comprendre ce qui se joue sur le terrain, il convient de resituer les politiques à destination des jeunes majeurs dans des processus historiques, politiques et économiques des politiques sociales.

...qui contraste malgré tout avec certaines situations observées.

Les situations de Yasmine, Abu et Ajmal viennent pourtant questionner ce qui vient d'être dit plus haut concernant l'objectif d'autonomisation. En effet, si le but de l'accompagnement est bien de favoriser chez ces jeunes « une certaine autonomie » pour se « construire en tant que jeune adulte », dans le but de les « amener à réaliser diverses démarches seuls » et de « devenir acteurs de leurs projets », comment peut-on expliquer que la fin de leur prise en charge à la MDC ait révélé, d'une part, que Yasmine s'est retrouvée en manque d'informations claires sur les dispositifs post-majorité de l'ASE et, d'autre part, qu'Abu et Ajmal ne paraissaient pas vraiment à même de solliciter seuls les dispositifs de droit commun et les différents lieux ressources sur Fougères malgré la fin de leur prise en charge ?

A contrario, la situation de Gaëlle aura permis de montrer l'importance d'anticiper et de questionner la jeune quant à ces besoins, dans le but de mieux se projeter et anticiper le seuil fatidique du passage à la majorité.

Tout ceci vient poser le problème professionnel suivant :

? Comment, un éducateur spécialisé travaillant dans un service qui accompagne des jeunes de 16 à 21 ans pris en charge au titre de l'ASE doit-il préparer avec le jeune son passage à la majorité et à la fin de sa prise en charge ?

Nous tâcherons d'apporter des éléments de réponses à ce problème. Tout d'abord en faisant des détours théoriques nous permettant de mieux cerner le contexte de notre questionnement : que signifie être « jeune » aujourd'hui ? Quelles sont les réponses spécifiques apportées aux jeunes majeurs accueillis au titre de l'ASE ? Puis, nous creuserons le concept d'autonomie et nous tenterons de voir comment est-il possible de favoriser l'autonomie en tenant compte des besoins et des ressources du jeune et notamment à travers l'accès aux droits spécifiques et aux droits communs, considérant le jeune comme un acteur actif de sa prise en charge.

Enfin, nous formulerons dans la partie projet des actions éducatives qui nous semblent pertinentes auxquelles nous joindront des méthodes d'évaluation.

13 Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

< http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000215460&categorieLien=id >

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Apports théoriques

1. Contexte :

a) Evolution de la jeunesse d'hier à aujourd'hui

Quelques constats actuels

Une catégorie difficile à identifier

Qu'est-ce qu'un jeune ? La « jeunesse », ou « les jeunes » sont « des catégories complexes à définir, l'abondance de la littérature sur la question en témoigne14 ». En France, traditionnellement, les instituts de statistiques utilisaient la tranche d'âge 16-24 ans pour identifier « les jeunes » dans leurs enquêtes. Pourtant, on peut observer que l'homogénéité des nomenclatures statistiques se fissure puisque l'INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) a introduit récemment via ses enquêtes une nouvelle variable « jeune » qu'il définit par la tranche d'âge des 16-29 ans15. Il est possible également de rencontrer la tranche d'âge « jeune adulte » qui s'étend cette fois de 18 à 29 ans. Il apparaît donc difficile de poser des limites d'âge sur la « jeunesse ». Toutefois, ce qui est communément admis, c'est que la jeunesse est la période de la vie entre l'adolescence et l'âge adulte.

Une catégorie d'âge qui tend à s'allonger

Cet élargissement de la catégorie « jeune » reflète la difficulté de plus en plus accrue pour accéder à l'âge adulte ces dernières années. Déjà, en 2000, le rapport Charvet16 a permis de mettre en évidence une réalité commune à bon nombre de jeunes : « l'allongement de la période de la jeunesse, la prolongation des études et les difficultés d'accès à l'emploi et au logement ». Un rapport de l'Observatoire Nationale de l'Enfance en Danger (ONED) datant de 200917 souligne que la crise économique actuelle n'a fait qu'accentuer cette tendance.

Les causes de cet allongement : de plus longues études et l'instabilité du marché du travail

Pour Céline Jung, sociologue, la question de l'allongement de la jeunesse s'explique par une « plus longue dépendance familiale due à l'allongement des études et une vie active stable plus tardive due aux difficultés d'accès au marché du travail18 ». Les sociologues Nathalie Guimard et Juliette Petit-Gats notent quant à elles que cette difficulté d'accès au marché du travail est « la conséquence de la crise de la société salariale » qui a pour effet de « reporter l'indépendance financière et résidentielle » des jeunes puisque celle-ci est fortement liée à leur stabilisation sur le marché du

14 Nicole-Drancourt C., Roulleau-Berger L., L'insertion des jeunes en France, PUF, 2006, p.3-6.

15 Ibid., p.3-6.

16 Charvet D., Jeunesse, le devoir d'avenir, Rapport pour la commission jeunes et politiques publiques, 2000.

17 Rapport ONED, Entrer dans l'âge adulte. La préparation et l'accompagnement des jeunes en fin de mesure de protection, 2009, p.10-11.

18 Jung C., L'aide Sociale à l'Enfance et les jeunes majeurs. Comment concilier protection et pratique contractuelle ?, L'Harmattan, 2010, p.48-49.

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travail19. Céline Jung note à cet égard que les jeunes sont actuellement les « premiers concernés par l'effritement de la norme du contrat à durée indéterminée et de certaines protections statutaires20 ».

Pour traduire ce changement de contexte de l'emploi, Olivier Galland observe qu'il paraît « aussi normal à un jeune aujourd'hui de commencer sa vie post-scolaire par un stage qu'il apparaissait normal il y a 20 ans [...] de se faire embaucher dans l'entreprise où travaillait son père21 ». En effet, aujourd'hui, l'accès des jeunes à l'emploi est souvent marqué par « une période transitoire plus ou moins longue où alternent des périodes de chômage, des petits boulots, ou des statuts intermédiaires. Une situation en quelque sorte entérinée par la politique pour l'emploi des jeunes [...]22. » Cette multiplication des statuts intermédiaires est aussi le fruit d'une modification des politiques d'embauche des entreprises, qui « cherchent dorénavant à tester les compétences des jeunes qu'elles recrutent durant des périodes d'essai ou des phases probatoires qui ont [elles aussi] tendance à s'allonger »23.

Les conséquences

Dans ce contexte de crise, où il devient de plus en plus difficile d'accéder à un emploi stable sur le marché du travail, il semble que les jeunes soient, avec les séniors, les premiers à être touchés par des phénomènes de pauvreté. En effet, entre 2004 et 2009, la pauvreté (au seuil de 50 %) pour l'ensemble de la population a subi une augmentation de 16 %, passant de 3,9 millions de personnes à 4,5 millions. Sur la même période, celui des jeunes adultes (18-29 ans) a subi une augmentation impressionnante de 40 %: leur taux de pauvreté est passé de 7,9 % à 10,9 %, faisant passer le nombre de jeunes adultes sous le seuil de pauvreté de 670 000 à 941 00024. Comme le montre le rapport Charvet, ces évolutions ont aussi contribué à favoriser « l'association, dans les représentations collectives, entre jeunesse et problèmes ». Or, comme le souligne et le rappelle à juste titre ce rapport, « loin de démontrer l'existence d'un problème jeune, les transformations de la période de la jeunesse apparaissent à bien des égards comme un effet et un aspect de ces mutations économiques, sociales et culturelles » et renvoient avant tout à des choix collectifs25. Pour illustrer ce propos, il était d'ailleurs assez amusant, au moment où j'écrivais ces lignes, de lire Pierre Gattaz, à la tête du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF), proposer la création « d'un smic intermédiaire », inférieur au smic, « pour un jeune ou quelqu'un qui ne trouve pas de travail26 ». Une tentative de précariser encore davantage la jeunesse, comme le fut en 2006 le Contrat Première Embauche.

19 Guimard N., Petit-Gats J., Le contrat jeune majeur. Un temps négocié., L'Harmattan, 2011, p.21.

20 Jung C., Op. Cit., p.54.

21 Galland O., Sociologie de la jeunesse, Armand Colin, 2007, p.91.

22 Jung C., Op.Cit., p.54.

23 Galland O., Op. Cit., p.165.

24 « La pauvreté augmente chez les jeunes mais aussi chez les séniors », Inégalités.fr, publié le 23 février 2012 : < http://www.inegalites.fr/spip.php?article373>

25 Rapport ONED, Op. Cit., p.11.

26« Le Medef s'empare de l'idée d'un salaire minimum « transitoire » », Le Monde.fr, publié le 15 avril 2014 : < http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/04/15/pierre-gattaz-souhaite-l-instauration-d-un-smic-transitoire.html >

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Eclairage historique : du sujet jeune à la catégorisation sociale du jeune majeur

L'émergence du sujet jeune

Céline Jung rappelle que « si l'Ancien Régime voyait le jeune sous l'angle de la filiation, l'esprit des Lumières introduit une dimension éducative : le jeune est celui qui apprend27 ». Le 19ème siècle met quant à lui l'accent sur le rapport des générations. Pendant le 20ème siècle, avec le développement de la psychologie, on pense la jeunesse comme un « processus de maturation28 » ou comme une période de crise, « un moment d'adaptation fonctionnelle29. » Enfin, à partir des années 60, c'est la sociologie qui va s'intéresser au sujet jeune en retenant davantage l'idée de passage et de transition, que proposait déjà la psychologie, mais en y incluant d'autres paramètres. Elle invite à regarder la jeunesse comme un « processus de socialisation », « une phase de préparation aux rôles adultes30 ». Depuis les années 1980, des évolutions majeures sont à prendre en considération, comme on l'a vu plus haut du fait de l'allongement de la jeunesse avec « des seuils qui l'encadrent qui se sont désynchronisés31 » et qui ne sont plus franchis de façon irréversible, que ce soit sur « l'axe scolaire-professionnel [ou] l'axe familal-matrimonial32 »

L'émergence du sujet jeune adulte

Comme le souligne Vincenzo Ciccheli, sociologue, l'expression « jeune adulte » unit deux éléments apparemment contradictoires et permet de « classer idéalement les jugements portés sur l'allongement de la dépendance entre les parents et les jeunes, en saisissant ce qu'ils partagent »33. Le « jeune adulte » renvoie donc tant à une position de manque qu'à une notion d'acquis, au moins partiels, nouvelle donne dans les rapports intergénérationnels34. Selon lui, « le rapprochement permet de juger le jeune pour ce qu'il n'est pas encore, mais qu'il aurait déjà dû être : mûr, indépendant, responsable, bref, tous les mots associés au champ sémantique du mot adulte35 ».

Cette analyse semble transposable à l'expression « jeunes majeurs », même si dans ce cas de figure, la dépendance de ce public est moins familiale qu'institutionnelle36, dans la mesure où la prise en charge du jeune majeur relève d'une collectivité territoriale : le département.

L'émergence du sujet jeune majeur

Depuis quand utilise-t-on l'expression « jeunes majeurs » ? Historiquement, il faut tenir compte de l'importance de la loi du 05 juillet 1974 qui a abaissé l'âge de la majorité de 21 à 18 ans. Avec

27 Jung C., Op.Cit., p.45.

28 Galland O., Op. Cit., p.56.

29 Ibid.

30 Ibid., p.127.

31 Galland O., Ciccheli V., « Les nouvelles jeunesses », La Documentation Française, n°955, déc. 2008, p.8.

32 Ibid.

33 Ciccheli V., « Les jeunes adultes comme objet théorique », Recherche et Prévisions, n°65, septembre 2001, p.40.

34 Jung C., Op.Cit., p .49.

35 Ibid.

36 Kunhapfel R., Le dispositif du contrat jeune majeur comme d'accompagnement et de prise en charge après le placement. Comment fabrique-t-on l'autonomie des jeunes ?, 2012, p.12.

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l'abaissement de la majorité, la question s'est posée des jeunes de toute cette classe d'âge devenus majeurs et qui bénéficiaient jusque là de l'assistance de l'Etat. C'est afin de s'adapter à cette nouvelle situation que des textes sont apparus permettant de prolonger la prise en charge jusque 21 ans :

« - un décret de février 1975 instaurant une mesure judiciaire d'aide aux jeunes majeurs, (mesure PJM, protection jeune majeur). Il s'agit d'un public relevant essentiellement de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) ;

- un décret de décembre 1975 instaurant une mesure administrative concernant le public relevant de l'ASE. C'est ainsi que l'on assiste à la construction d'une nouvelle catégorie sociale, les « jeunes majeurs». Il semble donc que dans le champ de la protection de l'enfance, l'expression « jeune majeur » correspond à une catégorie bien définie : les jeunes de 18 à 21 ans sans ressources ou soutien familial suffisants qui bénéficient d'une mesure d'aide37. »

Le seuil de la majorité introduit en 1974 découpe clairement la population jeune en deux. « Elle établit un statut de majeur, opposé à celui de minorité. Aux premiers se rattachent automatiquement tous les attributs de l'adulte : autonomie et responsabilité. Le mineur, considéré comme vulnérable, doit être protégé, d'abord par son milieu ; mais éventuellement de ce milieu, c'est ce qui fonde l'assistance éducative. Toutefois ce passage d'un statut à l'autre est organisé par une acquisition progressive de certains droits. Pour F. Labadie, « cette situation induit des incertitudes concernant le statut de mineur et de majeur, et en conséquence créé des tensions entre les démarches à visée de protection et d'autres à visée de responsabilisation38 », qui ne peuvent pas se régler d'elles-mêmes à la date des 18 ans, et doit sans doute perdurer au-delà de la minorité. »39

La jeunesse comme temps d'expérimentation

Selon Olivier Galland, « la jeunesse peut être définie sociologiquement comme la phase de préparation à l'exercice de ces rôles d'adultes, ce que les sociologues appellent la socialisation40 ». Sans s'y réduire complètement, il semble que l'entrée dans la vie d'adulte peut, en partie, être perçue comme le moment où certains marqueurs ou seuils de transition ont été atteints (comme le départ de sa famille d'origine, le premier logement, l'indépendance financière etc.). Pourtant, on l'a vu, avec les évolutions sociétales (telles que l'allongement de la durée des études, l'évolution du contexte socio économique, des moeurs et de la structure familiale) toutes les études insistent sur le déclin de la fonction intégrative tenue par certaines institutions comme l'école, la famille, le mariage, le service militaire. Les conditions d'entrée dans la vie d'adulte semblent donc se modifier41. Ainsi, comme le résume Olivier Galland, le modèle actuel se caractérise par « deux traits majeurs : un retard de plus en plus marqué de franchissement des principales étapes qui permettent d'accéder au statut adulte et une

37 Kunhapfel R., Op. Cit., p.12.

38 Labadie F., « L'évolution de la catégorie jeune dans l'action publique depuis 25 ans », Recherche et Prévisions, n°65, 2001, p.22.

39 Jung C., Op. Cit., p.45.

40 Galland O., Op. Cit.., p.127.

41 Kunhapfel R., Op. Cit., p.3-4.

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désynchronisation de ces seuils42». Ce dernier évoque par ailleurs l'apparition d'une nouvelle forme de socialisation avec le passage « d'un modèle de l'identification à un modèle de l'expérimentation43 ». Il ressort que la référence au modèle identificatoire de ses parents ou référents éducatifs ne suffit plus pour se construire en tant qu'adulte, cela sous-entend que la socialisation « se fait par des temps d'expériences constitués d'essais, de succès ou d'échec jusqu'à parvenir à une définition de soi satisfaisante sur le plan de la self-esteem et crédible aux yeux des acteurs institutionnels 44». Ce temps d'expérimentation tendrait lui aussi à s'allonger. La jeunesse prend donc aujourd'hui la forme d'un passage marqué par la préparation et la mobilisation de soi pour acquérir une position de moins en moins programmée et prévisible puisque « le changement est devenu la règle45». Dubet parle lui

d' « épreuve de la jeunesse » qui s'impose comme « l'expérience moderne par excellence quand rien n'est donné et que tout est acquis par les acteurs eux-mêmes46 ».

Une jeunesse ou des jeunesses ?

Enfin, il convient de prendre en compte que la jeunesse n'est pas un ensemble homogène et qu'elle peut être plurielle. Pierre Bourdieu fut d'ailleurs le premier à nous mettre en garde par sa célèbre expression « la jeunesse n'est qu'un mot »47. Pour lui, le concept de jeunesse constitue ainsi un abus de langage sous lequel on peut dissimuler des univers sociaux qui peuvent être très différents. Il parle même d'un enjeu de manipulations : « Il n'y a rien là que de très banal, mais qui fait voir que l'âge est une donnée biologique socialement manipulée et manipulable ; et que le fait de parler des jeunes comme d'une unité sociale, d'un groupe constitué, doté d'intérêts communs, et de rapporter ces intérêts à un âge défini biologiquement, constitue déjà une manipulation évidente. Il faudrait au moins analyser les différences entre les jeunesses, ou, pour aller vite, entre les deux jeunesses48». Bourdieu induit ici l'existence de différentes conditions d'existence au sein de la jeunesse française.

C'est aussi l'occasion de rappeler que les grandes évolutions évoquées plus hauts impactent de façon différenciée les différentes catégories de jeunes, et plus particulièrement, les jeunes pris en charge par les services de la protection de l'enfance. Natalie Guimard et Juliette Petit-Gats notent à ce titre que l'indépendance de plus en plus tardive et l'incertitude qu'elle génère « ne s'effectuent pas avec les mêmes modalités pour tous les jeunes, et renforcent des inégalités déjà persistantes49 », citant Marc Bessin : « le brouillage des étapes du cours de vie n'accompagne pas un brouillage des classes : cette faculté de faire face aux incertitudes restant déterminée socialement, ces dérégulations accentuent

42 Galland O., Op. Cit., p.133.

43 Ibid., p.165.

44 Ibid.

45 Recherche-action effectuée avec la DDCS du Maine et Loire et quatre opérateurs du dispositif, Accompagner les jeunes vers l'autonomie dans le dispositif ville-vie-vacances, Résovilles, 2012, p.20.

46 Dubet F., « La jeunesse est une épreuve », in Comprendre, n°5, PUF, 2004, p.280.

47 Bourdieu P., Questions de sociologie, Éditions de Minuit, 1992, p.143-154.

48 Ibid.

49 Guimard N.,et Petit-Gats J., Op. Cit., p.21-22.

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les inégalités50 ». Elles rappellent à ce titre que « les événements précarisants au sein de la cellule familiale (baisse de revenus, divorce, décès d'un parent, problème de santé) » auxquels sont plus souvent exposés les jeunes pris en charge par l'ASE, peuvent aussi « avoir des conséquences néfastes sur l'insertion professionnelle des enfants51 ». A titre d'exemple, « être orphelin à moins de vingt ans d'un ou de ses deux parents rend plus difficile l'accès à un diplôme, influençant alors le parcours professionnel52. Lorsque le jeune cumule plus de trois facteurs de précarité (problème de santé des parents, baisse de revenu des parents, éclatement familial durant l'enfance), le risque de rester à l'écart de l'emploi pendant les cinq premières années de la vie active est deux fois plus élevé.53 » Elles notent également54 l'impact du processus d'inflation des diplômes55 qui « affecte également les parcours scolaires et professionnels. Un jeune sortant du système éducatif sans diplôme a 26% de chances de rencontrer un parcours professionnel dominé par le sous-emploi contrairement à un jeune sortant avec un diplôme (2% de chances)56 »

L'accession différée à l'âge adulte dans la population générale résulte de mutations familiales, sociales et économiques profondes et renvoie à la manière dont la société articule les responsabilités entre la famille, l'Etat et l'individu dans la transition vers l'âge adulte. Comme le pointe le rapport de l'ONED, ces mutations sont lourdes de conséquences pour le public spécifique de la protection de l'enfance, puisque déjà « fragilisé et disposant de moins de ressources familiales et sociales57 ». Les pouvoirs publics, qui ont été amenés à jouer un rôle de suppléance familiale vis-à-vis de ces enfants, ont donc, à ce titre, « une responsabilité particulière à leur égard58 ».

Le chercheur québécois Martin Goyette a d'ailleurs travaillé sur le passage à la vie autonome pour les jeunes sortants des dispositifs de protection de l'enfance, qu'il qualifie de « rapide et brutal ». Pour lui, ces jeunes sont « confrontés à des injonctions paradoxales et leurs trajectoires sont des suites d'avancées et de reculs59 ». Contrairement aux jeunes de la population générale, ces jeunes là « doivent faire face à toutes les transitions en même temps plutôt que graduellement60 », et ce, alors même qu'ils y sont peu préparés et « qu'ils disposent de moins de supports et de compétences sociales

50 Bessin M., « La compression du temps : une déritualisation des parcours de vie ? », Education permanente, n°138, « les âges de la vie », 1999, p.75-85, p.4.

51 Lopez A., Thomas G., « l'insertion des jeunes sur le marché du travail, le poids des origines socioculturelles », Données Sociales, La Société Française, 2006.

52 Blanaïn N., « perdre un parent pendant l'enfance : les effets sur le parcours scolaires, professionnel, familial et sur la santé à l'âge adulte ? », Etudes et résultats, n°668, DRESS, oct. 2008.

53 Lopez A., Thomas G., Op. Cit.

54 Guimard N., Petit-Gats J., Op. Cit., p.22.

55 Passeron J-C., « L'inflation des diplômes », Revue française de sociologie, 23 (4), 1982.

56 Gasquet C., Roux V., « les sept premières années de vie active des jeunes non-diplômés : la place des mesures publiques pour l'emploi », Economie et Statistique, n°400, 2006.

57 Rapport ONED, Op. Cit., p.6.

58 Ibid., p.5

59 Goyette M., Projet d'intervention en vue de préparer le passage à la vie autonome et d'assurer la qualification des jeunes des centres jeunesse du Québec, Rapport final d'évaluation, 2007.

60 Stein M., Munro E.R, Young People's Transitions from Care to Audulthood, International Research and Practice, Child Welfare Outcomes, Jessica Kingsley Publishers, 2008.

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que les jeunes de la population générale61 ». Emilie Potin, sociologue, explique dans ses travaux que « les inégalités de passage à la vie adulte sont autant dues au réseau social qu'à des critères plus visibles comme le logement ou l'emploi62 ».

Céline Jung observe également que, arrivés à leurs 18 ans, « les jeunes sont rarement en mesure de quitter l'ASE. Les rares qui décident de se passer de l'aide éducative semblent voués à des parcours difficiles63 ». Elle rapporte les observations des partenaires qui les rencontrent dans des services sociaux du droit commun ou d'urgence : « ils ont d'abord eu recours au réseau familial, ce qui s'est rapidement montré inefficace, puis ont sollicité des aides amicales ; quand ce réseau arrive à épuisement, les jeunes se présentent dans ces services avec des besoins vitaux qui rendent le projet d'insertion prématuré : déscolarisation, addiction, prostitution, mauvaise santé physique et psychique, qui s'ajoute aux difficultés particulières liées aux changements induits par cet âge de la vie64 ».

b) Les politiques sociales à destination des jeunes pris en charge au titre de l'ASE

Un dispositif législatif à destination des mineurs :

On l'a vu, pendant leur minorité, les jeunes sont situés dans le cadre de l'assistance éducative qui, rappelons le, énonce via l'article 375 du code civil que des mesures peuvent être ordonnées « si la santé, la sécurité, ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ». Article qui s'applique « sur le territoire français à tous les mineurs qui s'y trouvent, quelle que soit leur nationalité ou celle de leurs parents65 ». Il peut s'agir également d'un accueil provisoire définit par l'article 222-5 du Code de l'Action Sociale et des Familles concernant « les mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel, modulable selon leurs besoins en particulier de stabilité affective, ainsi que les mineurs rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement ou dans un service (...)66 ».

Un dispositif législatif à destination des jeunes majeurs :

La France fait partie des rares pays, avec la Norvège, la Suède, la Finlande, les Etats-Unis et l'Angleterre, qui ont une législation spécifique en direction des jeunes majeurs dans le cadre de la Protection de l'Enfance (contrairement à l'Allemagne, l'Espagne et la Suisse notamment) 67. On l'a vu, cette législation repose historiquement sur le décret n° 75-96 du 18 février 1975 créant la mesure judiciaire d'aide au jeune majeur (PJM) suite à l'abaissement de l'âge de la majorité.

61 Goyette M., Op. Cit., 2007.

62 Potin E., Enfants placés, déplacés, replacés : parcours en protection de l'enfance, Erès, coll. « Pratiques du champ social », 2012.

63 Jung C., Op. Cit., p.142.

64 Ibid.

65 Code Civil, Dalloz, 2009, p.606.

66 Code de l'Action Sociale et des Familles, Dalloz, 2010, p.181.

67 Rapport ONED, Op. Cit., p.14.

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C'est à peu près au même moment que la protection administrative pour les jeunes majeurs est instaurée sur les fondements du décret n° 75-1118, du 2 décembre 1975, relatif à la protection sociale de l'enfance en danger, qui permet de demander au département un placement approprié ou une action éducative, en cas « de graves difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisant ». L'aide administrative, mobilisée en cas de graves difficultés d'insertion, peut prendre la forme d'une aide éducative, d'un placement, du versement d'une aide financière ponctuelle ou d'une allocation mensuelle.

Pendant longtemps ces deux types de mesures ont cohabité. En effet, avec les lois de décentralisation de 1982 et 1986, le département prend en charge les jeunes majeurs au titre de l'ASE alors que l'Etat prenait lui en charge les jeunes majeurs de la PJJ Mais depuis 2008, ce dernier s'est désengagé progressivement des mesures de Protection Jeune Majeur (PJM)68, afin de centrer son action exclusivement sur les mineurs délinquants. « Cela a pour conséquence un transfert de charge vers les départements qui peinent actuellement à absorber toutes les mesures (les jeunes issus de la PJJ sollicitant aujourd'hui l'ASE) d'autant que ce retrait de l'Etat ne s'étant accompagné d'aucun transfert financier. Ce cas qui n'est pas propre aux jeunes majeurs s'inscrit dans un contexte plus général de tensions entre l'Etat et les départements concernant la répartition de la dépense sociale69 » comme le souligne Régis Kunhapfel.

Dans le même temps, la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance est venue confirmer la possibilité de poursuivre dans le champ administratif la mesure de protection pour les jeunes de moins de 21 ans « connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ». En France, en 2007, 21 565 jeunes âgés entre 18 et 21 ans sont pris en charge ou accompagnés par l'ASE. Ils représentent 0,84% de la population de cet âge70.

Constat : de nombreux paradoxes

Nombreux sont les ouvrages ou rapports qui relèvent les nombreux paradoxes de l'aide aux jeunes majeurs en France.

Le caractère facultatif de l'aide aux jeunes majeurs

L'ONED considère que si la loi réformant la protection de l'enfance de 2007 a confirmé le principe d'un soutien aux jeunes majeurs qui incombent aux départements, le caractère obligatoire n'a pas été affirmé et les conditions de mise en oeuvre suscitent le débat dans la mesure où « l'article L222-5 du code de l'action sociale et des familles relatif aux prestations de l'Aide Sociale à l'Enfance prévoit la prise en charge des jeunes majeurs comme une possibilité, mais laisse imprécis les critères d'attributions du Contrat Jeune Majeur avec notamment un flou autour de la notion « en difficulté »... 71» L'aide aux jeunes majeurs est donc bien une « possibilité » et « en aucun cas une

68 Helfter C., « Quel devenir pour les jeunes adultes », ASH, n°8690, avril 2010, p.25.

69 Kunhapfel R., Op Cit., p.12.

70 Rapport annuel de l'ONED, avril 2010.

71 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p.13.

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obligation72 ». Cette mesure ne s'inscrit pas sur un mode binaire, « c'est-à-dire celui ou la demande de l'usager est satisfaite ou non en référence strictement aux conditions prévues par les textes73 ». De ce fait, « l'interprétation de l'agent prend une place importante et prend le risque d'un arbitraire74 ». La mise en oeuvre du CJM pose donc la question du positionnement des départements puisque le législateur met à leur disposition une mesure inscrite dans la loi, mais à « inventer dans la pratique.75 »

La contractualisation : un processus de sélection

Une autre évolution marquante du dispositif d'aide aux jeunes majeurs, probablement en lien avec le développement des politiques d'activation et marquant « le passage d'un modèle solidariste du risque à un modèle responsabiliste du risque76 », est le recours systématique à la contractualisation. En effet, d'après Petit-Gats et Guimard77, avant on ne parlait pas de « contrat », mais uniquement « d'aide aux jeunes majeurs », il s'agissait d'un droit quasi-automatique sans une formalisation d'exigences en contrepartie. Désormais, le jeune doit s'engager par l'intermédiaire d'un contrat avant d'obtenir un APJM, ce qui pose la question : quid des jeunes « en difficulté » mais incapables de contractualiser ?

Effectivement, comment atteindre les jeunes les plus en difficulté avec des dispositifs qui ont tendance à s'adresser aux jeunes les plus à même de construire et de porter des projets cohérents et à laisser de côté les jeunes les plus en difficulté ?. Le recours aux contrats jeunes majeurs semble ainsi « partiellement déterminé par la manière dont le professionnel perçoit la situation autour de deux axes : la capacité d'insertion du jeune, et la qualité de la relation éducative. Se dégage notamment une situation que les qualifiée « d'idéale » où le processus d'insertion semble déjà engagé et où la relation éducative est jugée « satisfaisante ». Bref, il s'agit d'une situation au sein de laquelle le jeune est perçu comme un adulte responsable ayant déjà fait l'acquisition d'une forme d'autonomie... Le recours au dispositif paraît alors être proposé prioritairement aux jeunes qui sont les moins en difficulté78. » Pourtant, le rapport de l'ONED souligne que, « face à une contractualisation de la vie du jeune adulte souvent pensée comme « devant être un parcours sans fautes », le « droit à l'erreur doit rester possible comme pour tout autre jeune citoyen »79.

L'incohérence des limites d'âge

Enfin, c'est aussi l'incohérence des âges du passage à l'âge adulte et d'entrée et sortie dans les dispositifs d'aide qui est pointée avec une fin de scolarité obligatoire à 16 ans, une majorité civile à 18 ans, une fin de prise en charge officielle à 21 ans et des démarrages des minimas sociaux à 25 ans, auxquels « s'ajoutent des âges et des conditions spécifiques d'entrée dans les dispositifs d'aide à la

72 Jung C., Op. Cit., p.73.

73 Commaille J., Martin C., Les enjeux politiques de la famille, Bayard, 1998, p.113.

74 Jung C., Op. Cit., p.75.

75 Ibid., p.69.

76 Soulet M-H., « une solidarité de responsabilisation », in Le travail social en débat, sous la direction de Ion J., La Découverte, 2005, p.86-103.

77 Petit Gats J., Guimard N., « Ecrit de jeune en quête de statuts », Recherche familiale, n° 7, 2010, p.120.

78 Guimard N., Petit-Gats J., Op. Cit., p.9.

79 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p14.

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formation ou l'insertion qui engendrent des effets de seuil et de frontière préjudiciables pour les jeunes.» 80

Comme le souligne Régis Kunhapfel81, on peut légitimement « se demander en quoi et dans quelle mesure, l'âge seuil des dispositifs de protection de l'enfance peut contribuer à conditionner leur « devenir adulte » voire les conduire à être adulte beaucoup plus tôt ? ». De plus, cadrer cet accompagnement en termes de limite d'âge présuppose que chaque jeune acquiert une maturité et une autonomie selon la même temporalité alors que chaque individu se construit à son rythme et selon les ressources qui sont les siennes. Céline Jung regrette d'ailleurs que « la dimension symbolique liée au passage à l'adulte soit éludée dans le discours et la pratique du CJM82 ».

Hétérogénéité des pratiques selon les territoires

On observe une forte hétérogénéité des pratiques selon les territoires comme le souligne en 2007 Jean Michel Rapinat, directeur à l'Assemblée des Départements de France (ADF)83. Pour ce dernier, cela génère des inégalités entre les départements, qui ont tendance par ailleurs à limiter le nombre de Contrats jeunes majeurs même si les publics qui ont connu une mesure de protection durant leur minorité demeurent prioritaires. Pour les autres, décrocher une mesure de prise en charge par le département devient encore plus difficile. Face aux limites du dispositif, à l'hétérogénéité des pratiques territoriales, au désengagement de l'Etat sur des mesures de prise en charge et en l'absence ces dernières années de politiques publiques générales concernant les jeunes majeurs, les associations et professionnels de terrains manifestent une certaine inquiétude.

L'hétérogénéité des pratiques est même constatable au sein d'un même département...

c) Quelques constats actuels à l'échelle du département

80 Ibid.

81 Kunhapfel R., Op. Cit., p.5.

Dans le but de mieux m'imprégner du contexte territorial, à l'échelle du CDAS de Fougères et à l'échelle du département, j'ai rencontré la Responsable Enfance-Famille du CDAS de Fougères, ainsi qu'une chargée de mission à la protection de l'enfance, en charge de la réflexion sur l'aide aux jeunes majeurs. Ces rencontres se sont tenues fin mars 2014 et m'auront permis, d'une part, de consolider les constats que j'avais pu faire à une plus petite échelle, et, d'autre part, d'enfin avoir accès à des documents expliquant les différents dispositifs spécifiques jeunes majeurs et de pouvoir en échanger avec des responsables de l'ASE. L'étude84 réalisée par Pauline Girardot à l'échelle du département constitue d'ailleurs un document riche d'informations.

82 Jung C., Op. Cit., p.150-151.

83 Dihl M., « Quel avenir pour le Contrat Jeune Majeur ? », Lien social, n°853, septembre 2007, p.8.

84 Girardot P., Processus d'autonomisation des jeunes pris en charge au titre de l'ASE : étude de parcours, 2013

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Une préoccupation départementale

Considérant que « tous les jeunes ne disposent pas de soutiens familiaux pour les guider et les soutenir dans un processus d'accès à l'autonomie85 », le département, semble s'interroger actuellement sur l'efficience des accompagnements proposés. En outre, il se questionne sur la portée des actions qu'il mène en direction des jeunes « dans une volonté de s'assurer de l'accès à ses services par les jeunes en situation de vulnérabilité86». Cette préoccupation « s'inscrit dans le cadre de travaux engagés par la collectivité et ses partenaires autour de l'élaboration du schéma départemental de protection de l'enfance 2013/2017. Elle prend place dans le volet : « le renforcement de la place et l'implication des enfants et des familles dans les accompagnements » au sein duquel se décline l'objectif opérationnel « Favoriser l'accès aux dispositifs de droit commun en tant qu'alternative ou en complémentarité avec une mesure ASE87. »

Un recours massif à l'APJM, au détriment d'autres dispositifs existants

Quelques données statistiques

L'aide accordée aux jeunes majeurs au titre de l'ASE peut s'effectuer sous différentes formes : une prise en charge physique (APJM), une action à domicile (AED, TISF, accompagnement budgétaire) ou encore une aide financière.88

Au 31 mars 2013, « le département comptait 392 jeunes bénéficiant d'une mesure APJM, soit 14% du nombre total des prises en charges physiques. Ces jeunes sont accueillis pour 30% en famille d'accueil, 60% en établissement89, et 10% en FJT, chez un tiers, ou en logement autonome. À cette même date, le nombre de mesures d'Aides Educatives à Domicile (AED) jeunes majeurs était, quant à lui de 51, soit moins de 5% du nombre total des mesures d'action éducative à domicile. Concernant les allocations mensuelles, le département comptait 68 bénéficiaires sur les six derniers mois de 2012. Enfin, aucune mesure de Technicienne en Intervention Sociale et Familiale (TISF) et d'accompagnement budgétaire n'ont été mis en place sur ces mêmes périodes90 ».

En outre, il est constaté une utilisation hétérogène des dispositifs selon les territoires. Par exemple, « la part des APJM peut représenter de 5 à 34% des prises en charges totales en fonction des CDAS91. »

L'APJM

Sur le territoire de l'Ille-et-Vilaine, il est constaté une « augmentation notable du nombre de prises en charge des jeunes majeurs dans le cadre de l'APJM92 ». Plusieurs raisons viennent éclairer ce

85 Ibid., p.1.

86 Ibid., p.2.

87 Ibid.

88 Ibid., p.26.

89 La part des jeunes majeurs accueillis en établissement est variable d'un CDAS à l'autre : de 14 à 86%. Cf. Innover pour l'autonomie des jeunes majeurs, Conseil Général 35, 2013.

90 Girardot P., Op. Cit., p.7.

91 Ibid., p.1.

92 Ibid.

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recours massif à l'APJM, notamment « l'aspect sécurisant de cette mesure au travers des garanties qu'elle donne et de son cadre légal bien défini, ainsi qu'une certaine méconnaissance des autres dispositifs93 ».

L'AED Jeune Majeur

La mesure d'Action Educative à Domicile (AED) constitue une réponse à des difficultés d'ordre éducatif. Cette mesure vise à proposer à un jeune majeur un accompagnement éducatif à partir de son domicile et/ou de son environnement, qu'il vive dans sa famille ou qu'il soit déjà en logement autonome, y compris en foyer de jeunes travailleurs94.

« La mesure d'AED peut être accordée aux mineurs anticipés et aux majeurs âgés de moins de vingt et un ans confronté à des difficultés sociales. Elle peut venir prolonger une mesure décidée pendant la minorité ou répondre à une situation de jeune majeur en difficultés. La mesure d'AED peut également venir soutenir un jeune après un contrat jeune majeur particulièrement lorsque le besoin d'une aide financière n'est plus que ponctuel. Le jeune majeur est signataire de cette mesure. »95

Pauline Girardot note que « cette mesure semble permettre aux professionnels de bénéficier de marges de manoeuvre sur les modalités de sa mise en oeuvre (fréquence des rencontres) ».

Elle reste pourtant sous-utilisée dans le département puisque seulement 51 mesures étaient exercées au 31 mars 201396. Ce non-recours peut s'expliquer par un « manque de visibilité sur la mesure mais aussi par un manque d'automatisme de la part des professionnels à passer d'une mesure à une autre97 ».

L'allocation mensuelle Jeune Majeur

« Les aides financières au titre de l'ASE représentent aussi une possibilité offerte aux jeunes majeurs qui rencontrent des difficultés. Elles répondent à la nécessité d'une aide matérielle et ne constituent pas une intervention éducative. Ainsi, une allocation mensuelle peut être attribuée à un jeune majeur autonome. Est considéré comme jeune majeur autonome tout jeune répondant aux critères cumulatifs suivants:

- Tout jeune qui réside à titre principal dans un logement indépendant tel que chambre, appartement, FJT, cité universitaire. Ne sont pas concernés les jeunes qui suivent une scolarité en internat ; - Tout jeune indépendant financièrement

L'allocation versée est destinée à couvrir les frais à l'entretien, aux transports, aux loisirs, à l'habillement, à la scolarité, au logement du jeune98 ».

93 Ibid., p.26.

94 Ibid., p.31.

95 Extrait du Cahier technique de la vie sociale, « l'action éducative à domicile », n°207, novembre 2011, Conseil Général Ille et Vilaine.

96 Girardot P., Op. Cit., p.32.

97 Ibid.

98 Extrait du Cahier technique de la vie sociale, « L'accompagnement des jeunes majeurs de moins de 21 ans au titre de l'Aide Sociale à l'Enfance ».

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Les allocations mensuelles sont « sous-utilisées, et lorsqu'elles sont utilisées il s'agit d'aides ponctuelles. Or, cette mesure prévoit la possibilité d'un accompagnement de plus longue durée, au travers de contrats d'accompagnement99 ».

Les mesures de TISF ou AESF

« Parmi les actions à domicile il existe également dans le département les interventions des Techniciennes en Intervention Sociale et Familiale (TISF) et les accompagnements budgétaires (AESF). Un des objectifs suivis par l'intervention d'un TISF est de favoriser l'insertion sociale ou l'intégration des personnes dans leur environnement (faciliter la mise en relation avec les institutions, favoriser l'insertion sociale - transports en commun, ...) sous formes d'actions individuelles ou collectives. Ces mesures qui pourraient être mises en place pour des jeunes majeurs ne sont pas ou peu actionnées dans le département. »100

Un faible accès aux dispositifs de droit commun

Les réflexions départementales ont mis en évidence le fait qu'à partir du moment où les jeunes entreraient dans un dispositif spécifique, « ils bénéficieraient très peu ou pas des dispositifs de droit commun ». Le risque serait donc « d'enfermer » ces jeunes dans un système spécifique qui ne peut être que provisoire. L'étude propose d'interroger « dans quelle mesure les professionnels amènent les jeunes à bénéficier des dispositifs de droit commun, et si oui, par quel(s) moyen(s) et à quel(s) moment(s) de leur accompagnement101 ».

Des réflexes et postures professionnels qui ne favoriseraient pas toujours l'autonomie

Pauline Girardot estime qu'on peut en effet « s'interroger sur l'influence des pratiques professionnelles sur le processus d'autonomisation102. » Elle relève à travers son étude « un manque de connaissance et aussi de visibilité autour des autres mesures hors APJM, mais également des représentations quelques fois erronées de l'usage de ces mesures, ce qui ne permet pas une réelle adaptation des dispositifs et outils par les professionnels qui se les approprient peu103. » De même, elle interroge également des comportements de protection de la part des éducateurs de service pour appuyer une demande d'APJM d'un jeune, par exemple au moment de la majorité : « le professionnel qui exerçait dans le cadre d'une mesure de protection pendant la minorité du jeune, se doit désormais d'exercer dans le cadre d'une mesure d'aide éducative et considérer le jeune comme un jeune adulte. Lorsque l'accompagnement est installé dans la durée, ce changement peut s'avérer plus compliqué, et parfois, certains professionnels peuvent continuer à protéger le jeune, rendant alors plus difficile son accès à l'autonomie. Cette transition devrait alors se faire de façon lente et anticipée avant la majorité

99 Girardot P., Op. Cit., p.33.

100 Ibid., p.32.

101 Ibid., p.34.

102 Ibid.

103 Ibid., p.33.

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du jeune afin d'amener la relation de protection vers une relation qui relève davantage du soutien et de l'accompagnement104. »

Une nuance à apporter : la contrainte budgétaire

Le département semble vouloir développer une diversification des dispositifs d'aide à l'attention des jeunes majeurs. Bien que la plupart des propositions préconisées semblent assez louables, il convient toutefois, à mon avis, de se rappeler que nous sommes dans un contexte de maîtrise de la dépense publique qui s'impose aux départements. Une AED Jeune Majeur ou une Allocation Mensuelle Jeune Majeur coûte en effet moins cher qu'un APJM. C'est ce que j'ai pu questionner durant mon échange avec la chargée de mission à la protection de l'enfance, qui reconnaîtra que le département a, dans un premier temps, interrogé très fortement le coût de la prise en charge jeune majeur, c'est pourquoi il a impulsé une étude sur cette aide départementale. En fait, il est apparu au cours de cette étude que les dispositifs mis en place par le département ne sont pas exploitées de façon optimales, du fait entre autre d'un manque de visibilité par les travailleurs sociaux et de postures professionnelles ne favorisant pas toujours l'autonomisation des jeunes. Je partage ce constat à certains égards, et pense également que de nombreuses améliorations sont possibles. Mais, il faut rester vigilant sur la forme que va prendre l'aide aux jeunes majeurs dans le cadre du nouveau schéma départemental dans les années à venir en l'absence d'un véritable dispositif de droit commun, tel qu'un revenu universel, ou un Revenu de Solidarité Active 105 garantie à cette tranche d'âge pourtant durement touchée par la crise économique.

Ayant posé le contexte sociétal, législatif, institutionnel et territorial de notre intervention en tant qu'éducateur spécialisé auprès de ce public spécifique, il convient maintenant de se demander comment répondre à la commande de la prise en charge, à savoir : comment favoriser l'autonomie des jeunes pris en charge physiquement par l'ASE au sein d'un service d'accompagnement progressif tel que le service extérieur ?

On commencera par interroger ce que signifie le terme « autonomie » avant de se poser la question plus spécifique de ce mémoire, à savoir : comment aider le jeune à mobiliser des ressources afin de favoriser son autonomie et son accès aux droits ?

104 Girardot P., Op. Cit., p.30.

105 Pour l'instant accessible presque qu'aux plus de 25 ans au vu des conditions d'accès (très restrictives) du « RSA-Jeune ».

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2. Soutien à l'autonomie et accès aux droits : une contradiction ?

a) L'autonomie : éléments de définitions

Etymologie

L'autonomie du grec auto, soi-même, et nomos, pourrait être définie d'un point de vue étymologique et juridique comme la capacité à se forger ses propres lois, ses propres règles, ses propres valeurs106. C'est également de cette façon que François de Singly définit cette notion puisque, pour lui, il s'agit de la « capacité d'un individu de se donner lui-même sa propre loi, ses propres règles de conduites107 ».

L'autonomie relève donc d'une « liberté intérieure qui est mobilisée dans une capacité à choisir sans se laisser dominer par certaines tendances naturelles ou collectives, ni se laisser dominer de façon servile par une autorité extérieure108 ». Ainsi, l'autonomie renvoie à l'idée que l'individu se donne lui-même ses propres règles, elle est considérée comme une perception positive de soi vers laquelle l'individu tend. C'est une catégorie de l'identité qui implique que l'individu doit participer le plus possible dans l'élaboration de « son monde », de l'univers dans lequel il vit109.

Dans cette conception, l'autonomie n'est pas naturellement acquise : elle se construit dans l'éducation, d'où le terme d'autonomisation qui en souligne la dynamique.

Un processus dynamique

Cela induit selon moi le principe d'un processus que l'on acquiert tout au long de la vie. A ce titre, Edouard Durand souligne que cette acquisition de l'autonomie s'opère parallèlement au développement de l'être humain : « L'étymologie du mot enfant (infans : celui qui ne parle pas) ne laisse place à une quelconque autonomie. En revanche, celle du mot adolescent (adolescere : grandir) signale davantage le processus de construction de la personnalité auquel l'accès à l'autonomie semble pouvoir prendre part110 ». Irène Théry, sociologue, considère quant à elle que si « l'homme est par essence un être libre, il ne le devient véritablement qu'en accomplissant le processus éducatif qui le fait accéder à l'autonomie et à la responsabilité111. »

L'autonomie via autrui

L'autonomie ne se construit pas toute seule dans son coin. L'être humain, être social par excellence, a toujours besoin d'autrui pour s'exprimer, se réaliser, se comparer, se comprendre,

106 Picard A., « Le concept d'autonomie et l'épreuve des décisions de santé relatives aux mineurs » in Les paradoxes de l'autonomie sous la direction de Guillaume Nemer, Le sociographe, hors-série n°6, 2013.

107 De Singly F., « penser autrement la jeunesse », Lien social et Politique, n°43 83, 2000, p.13.

108 Ramos E., « Autonomie, indépendance et entrée dans l'âge adulte », in Accompagner les jeunes vers l'autonomie dans le dispositif ville, vie, vacances, Recherche-action effectuée avec la DDCS du Maine et Loire et quatre opérateurs du dispositif Résovilles, 2012, p.33-34.

109 Ibid., p.24

110 Durand E., « L'autonomie de l'enfant. Construire un passé positif », in Les paradoxes de l'autonomie sous la direction de Guillaume Nemer, Le sociographe, hors-série n°6, 2013, p.83.

111 Théry I., Le démariage, Odile Jacob, 1989, p.342.

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s'identifier. C'est pourquoi Elsa Ramos, sociologue, dit du concept d'autonomie qu'il semble donc « être de nature à rendre compte de la capacité, théorique et pratique, de l'homme à prendre une décision responsable, sans pour autant faire abstraction de l'autre112 ».

François de Singly dit d'ailleurs que « c'est par la médiation d'autrui que l'individu peut être, peut avoir la sensation d'être lui-même113 ». Ainsi, pour devenir lui-même, le jeune a besoin du regard de personnes à qui il accorde de l'importance et du sens, ce que Mead appelle les « autrui significatifs ». Mead définit un autrui significatif comme « une personne qui entoure concrètement, spatialement, et affectivement, l'enfant ; il est celui par qui passe une part de sa définition propre et qui se trouve, pour cette raison, investi d'une importance singulière, celle d'un autrui qui compte dans le processus de socialisation114. » Acquérir la validation des « autrui significatifs » permet de « grandir » au sens d'affirmer sa réalité même si celle-ci n'est pas toujours semblable à celle des proches auxquels les jeunes vouent leur confiance. Ainsi, « ils acquièrent progressivement une définition de partenaires et d'égaux, et c'est à travers cette redéfinition que les jeunes pourront tendre à se définir eux-mêmes en tant que personne et à se définir comme responsables de leur propre vie115 ».

La distinction entre autonomie et dépendance

Elsa Ramos rappelle l'importance de distinguer les notions de dépendance et d'autonomie. « L'indépendance se définit à partir de catégories objectives : c'est un état dans lequel se trouve l'individu lorsqu'il dispose de ressources suffisantes pour gérer sa vie sans le soutien financier et matériel parental. D'une certaine façon, c'est une définition statutaire que le jeune acquiert : être indépendant de ses parents, avoir un travail, avoir une famille. Cependant, on ne peut réduire l'autonomie à l'indépendance : les adolescents, les jeunes adultes chez leurs parents malgré la cohabitation et un degré plus ou moins fort de dépendance avec leurs parents peuvent se déclarer adulte et/ou autonome, et il s'agit aussi de comprendre ces déclarations. « Etre dépendant » ne signifie pas nécessairement ne pas être autonome, ne pas être adulte116. » Les jeunes pris en charge au titre de l'ASE sont parfois relativement indépendants de leurs parents, mais pas de l'institution. Notons donc que leur situation d'indépendance relative vis-à-vis de leurs parents n'en fait pas forcément des individus autonomes.

112 Ramos E., Op. Cit., p.24.

113 De Singly F., Sociologie de la famille contemporaine, Nathan, 1993.

114 Mead G. H., L'esprit, le soi et la société, PUF, 2006.

115 Ramos E., Op. Cit., p.27.

116 Ibid., p.24.

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b) Un constat : l'injonction (paradoxale) à l'autonomie (financière) des jeunes majeurs

Une injonction paradoxale...

Pauline Girardot le souligne bien, « l'APJM conduit à une réelle injonction à devenir rapidement autonome117 ». Cette injonction à l'autonomie relève pourtant un caractère paradoxal, à deux niveaux. D'une part, « Les professionnels ont conscience de la pression exercée sur les jeunes et du cadre contradictoire dans lequel ils se trouvent : rendre le jeune autonome plus rapidement que d'autres jeunes alors même qu'il est pris en charge par l'ASE.118 » D'autre part, ce cadre est particulièrement contradictoire jusque dans sa nature même, puisqu'il relève d'une pratique contractuelle. Or, comme le souligne Pauline Girardot, « le contrat inhérent à la mesure ne permet pas cette autonomie puisqu'il introduit nécessairement une dépendance institutionnelle119 ». Guy Hardy, thérapeute familiale, reprend la notion de double-lien pour comprendre l'injonction paradoxale120, c'est-à-dire une injonction qui contient deux affirmations qui se contredisent (exemple : « sois spontané ! »). « Exiger des jeunes d'être autonome, au travers d'un contrat de prise en charge physique constitue une injonction paradoxale. L'injonction est « je veux que tu veuilles être autonome ». Demander à quelqu'un qu'il devienne ce qu'on souhaiterait qu'il devienne est d'emblée voué à l'échec.121. » C'est un peu ce que dit en d'autres termes Paul Fustier, qui relève un caractère paradoxal à la pratique éducative. « On pourrait la formuler ainsi : pour qu'il y ait effet de changement, ou effet thérapeutique, il faut qu'il n'y ai pas de thérapie. C'est à la condition que celle-ci soit absente qu'elle peut manifester sa présence122. » Pour lui, « On ne rééduque que celui dont on pense qu'il n'a pas besoin de l'être123 ».

...à une autonomie préconstruite et avant tout financière

Comme le souligne Céline Jung, « l'objectif affiché par les professionnels de la protection de l'enfance est l'accession à l'autonomie. En réalité cette autonomie fait partie des compétences pré-requises, et l'objectif à atteindre est une autonomie financière vis-à-vis des services sociaux124. » En effet, Juliette Petit-Gats observe quant à elle que le CJM se situe « entre le danger encouru en cas d'arrêt de la prise en charge et les injonctions à l'autonomie125. » Les projets des jeunes sont donc centrés sur cette question, « sur les moyens les plus rapides pour stabiliser la situation financière

117 Girardot P., Op. Cit., p.34.

118 Ibid.

119 Ibid., p.29.

120 Hardy G., S'il te plait ne m'aide pas I L'aide sous injonction administrative ou judiciaire, Ed. Erès, 2012.

121 Girardot P., Op. Cit., p.29.

122 Fustier P., L'enfance inadaptée, repères pour des pratiques, presses universitaires de Lyon, 1983, p.19.

123 Ibid., p.20.

124 Jung C., Op. Cit., p.151.

125 Guimard N., Petit-Gats J., « Ecrits de jeunes en quête de statut », Recherches familales, 2010/1, n°7, p.115125.

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(formation courtes) sans poser la question du projet de manière plus générale126. » Au final, ce « projet qui doit permettre au jeune de décider pour lui, d'être acteur, d'être au centre de la relation, semble prédéfini, et laisse peu de place aux aspirations personnelles. [...] Ce projet clé en main laisse peu de place à l'expérimentation et à une évolution, et semble favoriser une certaine reproduction sociale127. » Celine Jung regrette que « le principe de réalité est imposé sans que les jeunes puissent en faire leur propre apprentissage128 » et que « souvent cantonnés dans des trajectoires prédéterminées, une partie des jeunes est confrontée à des échecs menant à une fin de mesure129 ». Finalement, il semble que l'enjeu soit moins de réussir un « projet » que de s'affranchir de l'aide sociale facultative.

c) Accompagner vers l'autonomie et l'accès aux droits : la prise en compte du sujet

On l'a vu, être autonome, c'est être capable de décider seul, face à une situation donnée. Mais cette aptitude à prendre des décisions ne signifie pas la négation de l'autre. Pour Maëla Paul, docteure en science de l'éducation, « l'essentiel est que la personne concernée ait le sentiment que c'est elle, et pas une autre, qui se détermine, même si le choix qu'elle adopte consiste à suivre une obligation, dont on dira alors qu'elle est assumée. Être autonome, c'est alors être capable d'analyser la situation, d'inventorier les obstacles, d'envisager des solutions, de repérer des moyens et de faire des choix d'action, avec et en présence d'un autre.130 »

Dans le même temps, on peut considérer comme contraire à l'autonomie « le fait de suivre des modèles tout faits, d'obéir sans réflexion à des injonctions ». Il en résulte que « l'autonomie des jeunes ne peut trouver de seule réponse dans la simple qualification professionnelle mais réside plus largement dans celle de la participation citoyenne, autrement dit le pouvoir d'agir dans un environnement donné131 ». Selon cette conception, « la tâche d'un accompagnant serait de faciliter la distanciation : car, en créant de l'extériorité, il aide une personne à « sortir » de la situation dans laquelle elle est prise. Plus on diversifie les modalités de décentration et d'aide à la prise de conscience, plus on facilite l'intégration d'une posture intérieure de prise de recul et d'analyse de son propre fonctionnement, à la base de l'autodétermination (capacité à prendre librement ses propres décisions), l'autoréférenciation et l'autorégulation (capacité à utiliser et adapter ses ressources en cours d'expérience) 132 ».

Maëla Paul insiste donc sur le rôle à jouer des professionnels censés soutenir les jeunes dans leur accès à l'autonomie : « On ne saurait concevoir que les professionnels accompagnant, quelles que soient leurs structures, puissent exercer leur fonction sans développer un regard critique sur ce qu'ils

126 Jung C., Op. Cit., p.84.

127 Ibid., p.96.

128 Ibid., p.151.

129 Ibid.

130 Paul M., « Ce qu'accompagner veut dire », in Accompagner les jeunes vers l'autonomie dans le dispositif ville, vie, vacances, Recherche-action effectuée avec la DDCS du Maine et Loire et quatre opérateurs du dispositif Résovilles, 2012., p.34.

131 Ibid., p.34.

132 Ibid.

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font quand ils disent « accompagner les jeunes », au regard de la commande inscrite dans des dispositifs d'accompagnement. Car c'est cette dimension de réflexivité et de critique qui est éminemment émancipatoire. Elle soulève avec elle les insatisfactions et les préoccupations des acteurs, contribue à ce qu'ils en rendent compte et, par là, modifie leur rapport à la réalité sociale en même temps qu'elle les inscrit dans le monde. [...] C'est qu'on ne saurait accompagner des jeunes pour devenir acteur sans se positionner soi-même en tant que professionnel dans un monde social, en s'y adaptant mais aussi en le modifiant133 ». Rolland Janvier dit d'ailleurs qu'il « en va aussi de notre engagement d'acteurs sociaux à développer, auprès des personnes accompagnées, la connaissance du droit, la reconnaissance des capacités propres à chacun et la mise en oeuvre démocratique des lieux d'accueil où espace public et espace privé cohabitent134. »

L'accès aux droits comme soutien au processus d'autonomisation

Un accès aux droits nécessaire et légitime :

Rappelons le, la situation des jeunes sortants de la Protection de l'Enfance est spécifique à bien des égards du fait du peu de soutien familial et amical dont ils disposent souvent et d'une histoire familiale qui les a fragilisés. L'histoire institutionnelle des jeunes dans leur parcours de prise en charge n'est également pas neutre pour leur trajectoire d'insertion. Les pouvoirs publics qui ont assumé les actions de suppléance familiale à leur égard ont bel et bien une responsabilité particulière envers eux pour préparer et accompagner leur départ.

La question du soutien au passage à l'âge adulte des jeunes sortants interroge à ce titre la relation entre droit commun et droit spécifique. Elle « met en tension le risque d'aboutir à des réponses insuffisantes et partielles ou au contraire le risque d'aboutir à des pratiques d'aide massives qui peuvent se révéler stigmatisantes. Pour résoudre cette tension, on peut concevoir ce soutien spécifique pour les jeunes issus de dispositifs de protection de l'enfance, ou accueillis dans ce cadre à leur majorité, comme transitoire, palliatif à une évolution du droit commun en direction de l'ensemble des jeunes en difficultés135, tout en s'assurant que les difficultés spécifiques des jeunes issus de dispositifs de protection de l'enfance soient adéquatement prises en compte dans le droit commun. En effet, si les besoins des jeunes issus des dispositifs de protection de l'enfance ne trouvent pas de réponses suffisantes dans le droit commun, ils doivent pouvoir bénéficier d'une aide spécifique, sans pour autant être stigmatisés136 ».

133 Paul M., Op. Cit., p.36.

134 Janvier R., Matho Y., Mettre en oeuvre le droit des usagers dans les établissements d'action sociale, Dunod, 2002, p.21.

135 La proposition 16 du Livre Vert de la commission de concertation sur la politique de la jeunesse parle de « refonder les mesures existantes et de créer une mesure de protection dont le pilotage pourrait être assurée par le Conseil général et la responsabilité partagée entre le Conseil général et l'Etat. [...] Cette mesure serait accessible à tous les jeunes sans ressource et sans soutien familial, qu'ils aient ou non fait l'objet d'une mesure éducative ou de protection judiciaire ou administrative pendant la minorité

136 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p.12.

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Tant que le droit commun ne répondra pas dans une optique d'aide universelle à l'ensemble des besoins des jeunes sortants des dispositifs de protection de l'enfance, le maintien d'un dispositif transitoire et palliatif est plus que nécessaire. En attendant, l'ONED rapporte qu' il est « important de renforcer le droit commun en faveur des jeunes de moins de 25 ans sans soutien familial et en situation de grande précarité, dans l'intérêt de tous, y compris dans celui des jeunes sortants de la protection de l'enfance137. »

Le savoir est un droit, leur droit est de savoir...

Pour aider les jeunes à prendre connaissance des droits qu'ils peuvent solliciter, je recommande l'ouvrage d'Hélène Dubouis, Les jeunes dans la société138. L'éditeur de l'ouvrage fait remarquer à juste titre dans son introduction que « Du couple droits-obligations, ce sont souvent les obligations des citoyens vis-à-vis de la Nation qui sont mis en avant. Les droits des citoyens doivent être également connus et respectés. [...] La loi est devenue complexe et sa connaissance monopolisée par les « professionnels du droit ». Cette distance oblige les citoyens à toujours se placer en « demandeurs » de leurs droits. Le fossé s'est creusé entre les principes fondamentaux de la solidarité nationale, toujours affirmés par le monde politique, et la réalité de la vie des citoyens. Or, si la solidarité nationale s'est réduite au fil des aléas politiques, les droits continuent de devoir être honorés. »

L'ouvrage explique en des termes simples, les différents dispositifs et les différentes aides de droit commun, auxquels les jeunes peuvent avoir recours en termes de logement, de santé, d'emploi, etc. pour pallier aux difficultés qu'ils peuvent rencontrer. Des dispositifs qui peuvent être des appuis provisoires dans leur processus d'autonomisation en l'absence de soutien familial.

Un accès au droit qui n'est pas une fin en soi :

Toutefois, l'accès aux droits des jeunes majeurs pris en charge par l'ASE n'est pas une fin en soi. Certes, elle est souvent nécessaire et légitime, pour autant, il convient de ne pas enfermer ces usagers dans une situation d'assistance et de dépendance qui ne permet pas la mobilité sociale. Comme le remarque Rolland Janvier, « ce serait tomber dans le piège de créer une catégorie à part de citoyens susceptible de réclamer des droits particuliers du fait de leurs difficultés. Cette logique serait à l'encontre de tout projet d'intégration sociale des personnes marginalisées, en rupture sociale, ou en voie de l'être139. » C'est pourquoi il faut réfléchir à comment mobiliser l'usager. Rolland Janvier croit à la transformation de l'usager-roi en l'usager-sujet : « L'usager-roi, c'est l'individu-problème déguisé en citoyen, c'est une parodie d'égalité de droits qui cache une discrimination. C'est la négation de la dimension politique de tout acteur social et, dans ce cas, de la dimension politique des personnes en difficultés. L'usager-sujet c'est la combinaison de l'autonomie de l'individu et de sa transcendance citoyenne. L'individu est une entité originale, jouissant d'une capacité créatrice singulière. Cependant,

137 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p.35.

138 Dubouis H., Les jeunes dans la société, Edition des citoyens, 2011.

139 Janvier R., Matho Y., Mettre en oeuvre le droit des usagers dans les établissements d'action sociale, Dunod, 2002, p.23.

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il ne peut être réduit à cette seule dimension. La dimension citoyenne vient traverser la particularité individuelle en la reliant à ce qu'il y a de commun entre les hommes, à ce qui fait sens dans une vie en société. Nous jouissons également d'une capacité créative collective. Refuser de chosifier l'usager par l'artifice de droits réducteurs, c'est faire le pari qu'il est possible de combiner l'individuel et le collectif c'est restaurer une dimension politique.140 »

La place du jeune dans la quête de sa propre autonomie

Rolland Janvier clame qu'il faut que les institutions « cherchent à se définir non plus par le plein mais par le vide, c'est-à-dire aux espaces qu'elles laissent ouverts afin de donner une chance aux usagers de conserver, voire de conquérir, les places qu'ils peuvent occuper dans leur fonction sociale. Dans cette démarche, le cadre institutionnel est un atout car il structure la prise en charge et permet de repérer ce qui est possible ou non141. » Il s'agit bien là de mobiliser les ressources de l'usager pour qu'il soit l'acteur de son accès à l'autonomie. Toutefois, il convient au préalable de réfléchir à mettre en place des conditions qui peuvent permettre cela. Il faut notamment penser à : comment informer le jeune, et quels supports lui donner pour qu'il puisse être capable de se mobiliser seul à la fin de sa prise en charge qui, rappelons-le, intervient au plus tard à ses 21 ans. D'après Reynald Brizais, « une des conditions pour être autonome est d'identifier le pourvoyeur potentiel qui peut répondre à son besoin. La condition suivante sera d'être capable d'entrer en contact avec celui-ci142 ». C'est pourquoi il faut que les jeunes soient capables de pouvoir situer les ressources dont ils peuvent se saisir sur leur territoire. C'est quelque chose qui doit être travaillé durant leur prise en charge.

Pour résumer, c'est bien l'avenir d'un individu inscrit dans la société qui se pose. Or Guimard et Petit-Gats soulignent que « pour pouvoir maîtriser son avenir, se projeter, anticiper, prévoir, il faut avoir une certaine maîtrise du temps et ne pas être dans l'urgence d'un besoin143 ». De plus, l'individu doit pour cela avoir suffisamment de supports, définit par Castel et Haroche comme « la capacité de disposer de réserves qui peuvent être de type relationnel, culturel, économique, etc. et qui sont les assises sur lesquelles peut s'appuyer la possibilité de développer des stratégies individuelles »144. Pour ces auteurs les supports permettent ainsi à l'individu de « développer des stratégies personnelles, de disposer d'une certaine liberté de choix, dans la conduite de sa vie parce que l'on n'est pas dans la dépendance d'autrui »145.

140 Ibid., p.174.

141 Ibid., p.167.

142 Brizais R., « l'Autonomie en question », intervention à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) de Loire-Atlantique,

2003.

143 Guimard N., Petit-Gats J., Op. Cit., p.14.

144 Castel R., Haroche C., Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi : entretiens sur la construction de l'individu moderne, Fayard, 2001.

145 Ibid.

d) Les préconisations de l'ONED... qui coïncident avec mes observations de terrain L'ONED établit plusieurs recommandations dans son rapport sur les jeunes majeurs146. Ces recommandations coïncident très fortement avec les questionnements qu'avaient suscités les situations de Yasmine, Gaëlle, Abu et Ajmal.

Les préconisations générales de l'ONED :

? Concevoir le passage à l'âge adulte comme un parcours marqué par la date symbolique et juridique des 18 ans mais qui se prépare en amont dès 16 ans et peut s'échelonner au-delà de 21 ans.

Ceci afin d'éviter dans les dispositifs les effets de seuils et d'évictions ainsi que les ruptures brutales de prise en charge et de permettre une plus grande cohérence et continuité des parcours en laissant plus de temps aux jeunes pour construire leurs trajectoires d'insertion. Cette préconisation est largement partagée par les jeunes interrogés qui regrettent d'avoir été peu préparés à la vie d'adulte et d'avoir effectué des choix à court terme, notamment concernant la formation, faute d'aides au-delà de 21 ans. ? Etablir des passerelles entre droit commun et droit spécifique tout en maintenant un accent

éducatif spécifique pour les jeunes sortants de la protection de l'enfance et en adaptant les

dispositifs de droit commun aux besoins spécifiques des jeunes sortants.

Toujours dans un souci de cohérence, le groupe de travail recommande de fédérer les ressources sur un territoire en direction des jeunes en articulant les dispositifs de droit commun et les dispositifs de droits spécifiques, le dispositif de droit commun étant conçu comme premier et celui de droit spécifique comme subsidiaire ou complémentaire au droit commun quand celui-ci se révèle insuffisant. Par cette articulation, il s'agit de rendre disponibles les ressources à l'ensemble des jeunes sur le territoire, de garantir la lisibilité des dispositifs et de proposer une approche globale.

A mon grand étonnement, ces recommandations font échos à ce que j'avais pu observer sur le terrain, et répondent presque point par point aux pistes d'action que j'avais en tête quant au projet que je souhaiterais impulser sur le service extérieur.

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146 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p.16-19.

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Projet

1. Qu'est-ce qu'un projet éducatif spécialisé ?

Définitions

Le projet est une projection dans l'avenir rendue possible par nos connaissances, nos observations et nos analyses de situations passées. Jacques Papay définit le projet comme « une représentation construite de quelque chose que l'on veut faire, sur la base de données multiples concourant à l'évaluation des situations considérées et proposant des hypothèses de compréhension et d'action pour atteindre des objectifs préalablement définis147 ». De plus, il a une finalité qui est d'impacter positivement les personnes qu'ils ciblent. C'est pourquoi, « un projet doit prendre appui sur l'expérience de l'individu qui apprend à mobiliser ses savoirs, ses émotions, ses croyances, et ses valeurs dans un objectif favorable à l'accomplissement de lui-même148. ».

Méthodologie

Le projet représente un processus, une démarche méthodologique, organisé généralement en quatre étapes. Dans un premier temps, un diagnostic est réalisé de manière à pointer la finalité de celui-ci. Dans un deuxième temps, il s'agira de proposer des axes de travail à partir d'objectifs généraux puis opérationnels. La troisième étape décrit la mise en place des actions éducatives. Enfin la dernière étape correspond à évaluer le projet de manière à pouvoir réajuster les actions réalisées.

2. Diagnostic

Il s'agit de synthétiser ici ce qui a été évoqué plus haut dans notre travail d'analyse.

Cadre législatif

La loi du 2 janvier 2002 indique que « l'action sociale et médico-sociale repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux [...]. L'action sociale et médico-sociale est conduite dans le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains avec l'objectif de répondre de façon adaptée aux besoins de chacun d'entre eux et en leur garantissant un accès équitable sur l'ensemble du territoire149 ».

Ainsi, pour Papay, les lois témoignent de nouvelles orientations législatives qui « ont pour objectifs l'intégration et l'inclusion sociale avec comme finalité ultime la participation au monde social150 ». Le projet éducatif doit alors contribuer à atteindre ces finalités.

147 Papay J., DC 2 Conception et conduite de projet éducatif spécialisé, Dunod, 2010, p. 2.

148 Bernatet C., Oser réussir l'insertion, Les Editions de l'atelier, 2005, p.135.

149 Code de l'Action Sociale et des Familles, Dalloz, 2010.

150 Papay J., Op. Cit., Dunod, 2010, p.8.

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Objectifs du service

La mise en place d'un projet ne peut être développée sans la prise en compte des objectifs que se donne le service auprès des jeunes accueillis. Ils sont résolument tournés vers l'accès à l'autonomie. Ainsi, le projet d'établissement de la MDC résume que « le passage en appartement de proximité est une étape importante de la préparation à la vie autonome. Cette forme de suivi a comme objectif de poser des apprentissages sociaux151 ». Toutefois, les méthodes d'accompagnement pour y parvenir sont peu étayées du fait de l'absence d'un projet de service.

Le désir des usagers

De ce que j'ai pu observer pendant mon stage, c'est que les jeunes accueillis sur le service expriment pour la plupart ce désir d'autonomie. Ils souhaiteraient ne plus dépendre de la MDC, ou comme le dit Gaëlle : « ne plus avoir d'éducateurs sur le dos ». Ils sont souvent pressés de prendre leur envol dès que les conditions de cet envol deviennent favorables.

Un contexte social difficile

Les conditions de passage à la vie adulte sont rendues difficiles par les conditions d'accès au marché de l'emploi. Elles le sont d'autant plus difficiles pour les jeunes accueillis au titre de l'ASE, car ils possèdent moins de ressources et de réseaux pour surmonter les difficultés qui peuvent survenir, et peuvent donc rapidement se retrouver en situation de vulnérabilité.

Des dysfonctionnements institutionnels

Parallèlement à cela, comme le rapporte des études départementales ainsi que mes propres observations, les jeunes majeurs pris en charge au titre de l'ASE, tout comme l'ensemble des professionnels qui les accompagnent, disposent de peu de visibilité concernant les différents dispositifs spécifiques ou de droits communs qu'ils pourraient solliciter pendant ou après leur prise en charge. De plus, la prise en charge est soumise à un certain nombre de paradoxes, comme la contractualisation ou encore les limites d'âge qui font qu'à 21 ans tout juste atteint, le jeune ne sera plus accompagné au titre de l'ASE alors même qu'on constate un allongement de la jeunesse.

Des forces en présence

Il faut également tenir compte des forces en présence lorsque l'on souhaite impulser un projet. Tout d'abord, notons que malgré les dysfonctionnements mis en évidence dans ce mémoire, les accompagnements éducatifs proposés aux jeunes majeurs démontrent dans bien des cas la pertinence et l'efficacité des pratiques professionnelles. Toutefois, les professionnels qui accompagnent ces jeunes sont généralement conscients des limites qu'induisent ce type de prise en charge, quelque soit la place qu'ils y occupent. Ils sont pour la plupart ouverts à la remise en question. C'est d'ailleurs bien l'orientation que souhaite impulser le département en voulant « innover pour l'autonomie des jeunes majeurs ».

151 Projet d'établissement de la Maison du Couesnon.

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3. Axes de travail

Le diagnostic, qui s'appuie sur une analyse de terrain éclairée par des apports théoriques, indique, selon moi, qu'il faut travailler prioritairement sur deux dimensions pour favoriser le processus d'autonomisation des jeunes accueillis à la MDC qui est la finalité de l'accompagnement. Nous l'avons vu, être autonome va au-delà d'une autonomie financière vis-à-vis des services de l'ASE. Il faudrait davantage se baser sur cette définition : « être capable d'analyser la situation, d'inventorier les obstacles, d'envisager des solutions, de repérer des moyens et de faire des choix d'action, avec et en présence d'un autre152 ». C'est en favorisant cette autonomie-là que ces jeunes seront capables, selon moi, de surmonter au mieux les difficultés qui se dresseront devant eux dans leur accès à l'âge adulte.

 
 

Finalité : l'autonomie des jeunes

Pour favoriser ce processus d'autonomisation des jeunes accueillis, il faut pour moi proposer des réponses concrètes et éducatives aux questions ci-dessous :

- Comment mieux baliser dans le temps l'accompagnement éducatif de façon à anticiper les seuils importants (majorité, fin de prise en charge) tout en évaluant avec le jeune ses besoins et ses désirs ?

- Comment mieux informer les jeunes sur les lieux ressources et dispositifs qu'ils peuvent solliciter pendant et après leur prise en charge ?

Objectifs généraux :

Depuis le point de vue du jeune, les objectifs généraux du projet sont les suivants :

a) Permettre au jeune d'intégrer la temporalité de son accompagnement éducatif.

b) Permettre au jeune d'être informer sur les lieux et les dispositifs ressources.

4. Actions éducatives

L'accompagnement proposé par le service extérieur de la MDC repose fortement sur la qualité de la relation éducative instaurée avec les jeunes accueillis. Il convient toutefois de définir dans un premier temps qu'elle est la finalité et le sens de cette relation éducative, pour ensuite voir quels outils éducatifs peuvent permettre de la nourrir. A partir de là, nous réfléchirons à comment mieux prendre

152 Paul M., « Ce qu'accompagner veut dire », in Accompagner les jeunes vers l'autonomie dans le dispositif ville, vie, vacances, Recherche-action effectuée avec la DDCS du Maine et Loire et quatre opérateurs du dispositif Résovilles, 2012., p.34.

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en compte la temporalité dans l'accompagnement du jeune accueilli, en proposant une méthode pour mieux évaluer les besoins du jeune avant les échéances et seuils de passage qui s'imposent à lui. Puis, nous verrons comment favoriser l'information des jeunes concernant les ressources et dispositifs qu'ils peuvent solliciter pendant et après leur prise en charge.

La relation éducative comme point de départ

Comme Philippe Gabéran, je considère que la « la finalité de la relation éducative n'est pas de normaliser la personne [...] elle est de l'aider à devenir actrice de sa vie en favorisant le passage du vivre à l'exister153. » Selon moi, pour que les personnes accompagnées puissent « exister » au sein de la société, j'estime, à l'instar de Paulo Freire, pédagogue brésilien, que les personnes accompagnées doivent percevoir « en termes critiques, la violence et la profonde injustice qui caractérisent leur situation concrète. Plus encore, qu'ils prennent conscience que leur situation concrète [...] n'est pas le résultat de quelque chose qui ne peut pas être changé154. » L'éducateur spécialisé qui accompagne les jeunes a donc une lourde responsabilité à cet égard car, comme le souligne Joseph Rouzel, la relation éducative est un « moyen d'agir dans le sens d'un changement des personnes en vue d'une meilleure insertion pour elles dans la communauté des citoyens155. »

Toutefois, la position de l'éducateur n'est pas simple à trouver vis-à-vis du jeune. Il doit à la fois être présent et significatif pour le jeune, mais dans le même temps, il doit pouvoir laisser au jeune un espace pour lui permettre d'exister, d'être lui-même, et ainsi de favoriser son autonomie. En

résumé, comme le décrivent très bien Capul et Lemay, l'éducateur spécialisé « tente de se situer comme une sorte de médiateur entre le sujet et son environnement. Dans le respect et l'écoute de l'autre et tout en sachant qu'il doit parfois poser des limites, il veut à la fois être suffisamment présent - utile - pour devenir significatif et suffisamment distancié pour ne pas imposer sa direction156. »

Mon rôle, en tant qu'éducateur spécialisé sur le service extérieur, sera alors d'accompagner le jeune dans l'émergence, la construction et la réalisation de son propre projet tout en prenant en considération la réalité de l'environnement dans lequel il évolue.

Un outil éducatif essentiel : l'entretien

L'entretien éducatif est pour Capul et Lemay « un lieu précis où le jeune peut se permettre d'exprimer ses difficultés ou ses tourments157 ». Pour Roger Mucchielli, « le bon entretien a pour objectif la compréhension exacte de ce qui se passe pour l'autre, la découverte de la manière dont il éprouve la situation, la clarification progressive de son vécu158. »

L'entretien d'aide, défini par Carl Rogers propose une vision que je trouve intéressante de l'entretien : « J'entends par ce terme de relation d'aide, des relations dans lesquelles l'un au moins des

153 Gaberan P., La relation éducative, Erès, 2003, p.139.

154 Freire P., Pédagogie de l'autonomie, Erès, 2013., p.94.

155 Rouzel J., Le travail de l'éducateur spécialisé, Dunod, 2000, p.10.

156 Capul M., Lemay M., De l'éducation spécialisée, Eres, 2011, p.125.

157 Ibid., p.213.

158 Mucchielli R., L'entretien de face à face, ESF, 2009, p.12.

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deux protagonistes cherche à favoriser chez l'autre, la croissance, le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement et une meilleure capacité d'affronter la vie. L'autre dans ce cas, peut être soit un individu, soit groupe. On pourrait encore définir la relation d'aide comme une situation dans laquelle l'un des participants cherche à favoriser chez l'une ou chez l'autre des parties, ou chez les deux, une appréciation plus grande des ressources latentes internes de l'individu, ainsi qu'une plus grande possibilité d'expression et un meilleur usage fonctionnel de ses ressources159. » Ainsi, l'entretien peut être un moyen pertinent de mesurer les besoins et les ressources du jeune.

Toutefois, Mucchielli précise : « L'intention de bien conduire un entretien ne suffit pas. Il faut une méthode160. » La technique de reformulation est une technique d'entretien que j'utilise beaucoup. Il s'agit de « redire en d'autres termes et d'une manière plus concise ou plus explicite161 » les paroles du jeune afin de s'assurer du sens que le jeune a voulu exprimer, tout en le poussant à se positionner davantage.

Je m'appuierai donc sur l'outil de l'entretien pour mesurer les besoins et les désirs du jeune. Il convient toutefois de mesurer cela en respectant la temporalité de la prise en charge.

a) Permettre au jeune d'intégrer la temporalité de son accompagnement éducatif.

Rappel : « Pour pouvoir maîtriser son avenir, se projeter, anticiper, prévoir, il faut avoir une certaine maîtrise du temps et ne pas être dans l'urgence d'un besoin162 ».

La prise en compte de la temporalité et des seuils de passage

Le suivi éducatif se veut être un processus dynamique dans le parcours du jeune pour qui, généralement le service extérieur est très souvent la dernière étape de l'aide apportée par l'ASE.

La notion de temps est donc centrale dans l'organisation de la prise en charge qui va s'inscrire dans la temporalité du jeune : partir de là où il en est pour lui permettre d'atteindre, à son rythme, l'objectif général de ne plus avoir besoin de soutien éducatif pour mener sa vie.

Pour cela, il est essentiel de tenir compte de la temporalité de la prise en charge que le cadre législatif nous impose : le temps de la minorité, la durée de l'APJM, les 21 ans, etc.

D'autant que pour nombre de ces adolescents et jeunes adultes, les repères temporels sont altérés, voir perdus parce qu'ils peuvent être dans l'inactivité ou l'hyperactivité, voire dans l'instabilité. Il est alors nécessaire de structurer la prise en charge afin qu'ils puissent se réinscrire dans un déroulement de leur vie en terme de progression. Pour certains, la séparation peut parfois être source d'angoisse en réactivant un sentiment d'abandon. C'est pourquoi le départ doit également être

159 Rogers C., Le développement de la personne, Dunod, 1967, p.29.

160 Mucchielli R., L'entretien de face à face, ESF, 2009, p.12.

161 Ibid., p.53.

162 Guimard N., Petit-Gats J., Op. Cit., p.14.

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préparé afin de minimiser ses effets déstabilisants et d'assurer la mise en place de relais possible dans les dispositifs de droit commun.

Un moyen pour mieux mesurer et anticiper les besoins et désirs du jeune : les bilans

Pour mieux visualiser le déroulement, anticiper les échéances et mieux situer les besoins du jeune ainsi que les points qu'il reste à travailler, la formalisation de la prise en charge se doit d'être rigoureuse. Rappelons ici succinctement, les grands seuils que peut être amené à franchir un jeune durant sa prise en charge à la MDC, bien que comme nous l'avons vu, peu de jeunes sont pris en charge de leurs 16 à21 ans. Néanmoins, ils sont nombreux à connaître ces franchissements de seuils.

16 ans

18 ans

21 ans (ou avant)

Minorité

· Assistance éducative

· Travail avec la famille

· Recensement/JAPD

· Scolarité/orientation

· Code de la route

· Majorité

· APJM

· Travail avec la famille (si nécessaire)

· Carte électorale

· Scolarité/Formation

· Permis de conduire

· Fin de PEC

· Autonomie

· Logement autonome (inscription CAF, etc)

· Revenus

· Connaît ses droits

· Sait identifier les lieux ressources

Il faudrait selon moi que chaque étape importante de l'accompagnement donne lieu, en amont, à un temps d'arrêt que l'on pourrait appeler « bilan ». C'est quelque chose qui n'existe pas actuellement de façon formalisé sur le service extérieur mais qu'il faudrait mettre en place selon moi.

Modalités :

Les modalités sont à déterminer au cas par cas. Toutefois je suggère que ces « bilans » prennent la forme d'un entretien formel dans un bureau de la MDC. Ils peuvent toutefois être conviviaux en proposant un goûter au jeune par exemple, pour ne pas qu'il soit trop stressé ou tendu. Il n'est jamais aisé de parler devant des adultes et professionnels. Ces temps de bilan seraient préparés à l'avance avec les éducateurs référents du jeune lors d'entretien à la MDC ou lors de temps moins formels (repas extérieur). Ils dureront en moyenne entre trente minutes et une heure selon là aussi les situations des jeunes.

Professionnels présents :

Ces bilans se feraient en présence des deux éducateurs référents, du psychologue et de la chef de service. Cela peut paraître beaucoup, mais cela permettrait selon moi d'inviter à une multiplicité des regards. De plus, cela nuancerait la place de l'affect dans les postures professionnelles et dans les ressentis du jeune. Cette rencontre permet au jeune de resituer son suivi dans un travail d'équipe et d'introduire du tiers dans la relation éducative avec ses référents. J'ai remarqué en effet à plusieurs reprises que les jeunes avaient le sentiment qu'une décision les concernant était le fait d'une seule

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personne, or la très grande majorité des décisions sont prises en concertation, en réunion d'équipe ou avec l'aval de la chef de service.

Fréquence :

La fréquence de ces bilans pourrait être modulable en fonction de la situation particulière de chaque jeune, mais il me semble qu'un minimum de deux bilans par an soit nécessaire mais cela dépend de nombreux facteurs à commencer par la durée de la PEC.

Chaque jeune devrait connaître au minimum trois bilans : un au début, un pendant, et un avant la fin de sa PEC. Surtout, il faut que ces bilans aient lieu à des moments importants de la prise en charge et qu'ils coïncident avec les besoins du jeune à l'approche d'échéances importantes.

Ainsi, je propose que les temps de bilan soient découpés ainsi sur la prise en charge :

Premier bilan

Bilans intermédiaires

Bilan de fin de PEC

· A l'approche des 18 ans

· A l'approche d'une fin d'APJM

· En cas de besoin

Premier bilan :

Lors de ce bilan qui aurait lieu environ un mois après le début de sa prise en charge, le jeune serait invité à exprimer ses impressions, son vécu, ses premières expériences concernant les différents aspects de son quotidien, qu'il s'agisse de son logement, de suivi éducatif, de son projet scolaire ou professionnel, de ses relations familiales...

C'est avant tout un premier temps d'échanges dont la finalité est de favoriser l'expression du jeune et d'élaborer ensemble ses objectifs à venir.

Ces temps de bilan seraient des moments privilégiés d'échange où la confrontation d'idées, le dialogue, les conseils doivent lui permettre de faire des choix. Ces entretiens s'enracinent dans l'élaboration du projet individualisé (insertion professionnelle, logement, budget...) ainsi que dans le quotidien (courses, repas ménages). Ils sont aussi l'occasion d'aborder les difficultés relationnelles et d'aider le jeune à trouver sa place.

Bilan intermédiaires lié aux échéances de PEC :

Ce sont les bilans qui doivent se tenir en amont des seuils de passages importants, avant la majorité par exemple. En fonction des jeunes et des délais impartis, je crois qu'il serait judicieux que ces bilans intermédiaires aient lieux environ 6 mois avant les 18 ans. Ils seront le moment d'échanger avec le jeune sur les apprentissages effectués, et les différents points de son accompagnement qu'il reste à travailler. Ils permettront de repérer quels sont les besoins du jeune, et quels sont ses désirs et ses envies. Une présentation pourra être faite aux jeunes des différents dispositifs qui existent après la majorité (APJM, AED JM, AMJM, etc.), les modalités de ces dispositifs, les avantages et les

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inconvénients de chacun. Le jeune devra disposer du maximum d'information pour être à même de faire un choix qu'il jugera pertinent pour lui. Il pourra tout même être éclairé par les professionnels de la MDC sur les possibles conséquences de ses choix.

Les bilans intermédiaires à l'approche d'une fin d'APJM (qui sera renouvelé ou non) se tiendront selon des modalités similaires. Ces bilans intermédiaires peuvent être des supports intéressants pour l'écriture de rapport transmissibles aux CDAS ou au juge.

Bilan de fin de PEC :

Enfin, un bilan de fin de PEC doit selon moi être systématiquement proposé au jeune : formaliser son départ, évoquer la poursuite de ses projets de vie. Le service a été une étape nécessaire dans son parcours, il n'est pas question de rupture mais d'un processus logique de poursuite de sa vie adulte. Ce bilan permet au jeune d'évaluer le chemin parcouru, les différentes expériences vécues, les moments difficiles, les échecs, les réussites. Il peut, avec un certain recul, renvoyer à l'équipe le bien-fondé des choix éducatifs ou au contraire, y porter un regard critique qui viendra interroger le sens de notre démarche éducative et contribuera à faire évoluer le projet du service extérieur.

Evaluation :

Une évaluation globale du projet pourra être menée, conjointement à la mise en place de celui-ci de façon à pouvoir le réajuster. Elle portera sur ce qu'a permis la mise en place de ces bilans. Elle viendra porter une attention particulière sur différents points :

'3 La capacité des jeunes à pouvoir s'exprimer sur leurs ressentis (désirs, besoins, sources de frustration, etc.) lors de ces temps de bilan.

Le jeune est en capacité d'exprimer des désirs à l'approche des échéances le concernant. Il est aussi capable de nommer ses besoins et les points qui lui restent encore à travailler.

'3 L'intégration par le jeune des temporalités de l'accompagnement.

Le jeune est capable de nommer les différents seuils de passage auquel il va être exposé durant sa prise en charge et a conscience de ce qu'ils impliquent.

'3 La compréhension qu'ont les jeunes des différents dispositifs existants (APJM, AED JM, AM JM, aides de la Mission Locale, voire la possibilité de ne demander aucune aide)

Le jeune est capable de nommer et expliquer les différents dispositifs qu'il peut solliciter à sa majorité. Il a conscience des modalités qu'impliquent ces derniers (contrats, objectifs à tenir, niveau de soutien éducatif, financier, etc.) et sait à quoi il s'expose s'il ne demande aucune aide.

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b) Permettre au jeune de mieux situer les lieux ressources du territoire

Rappel : « une des conditions pour être autonome est d'identifier le pourvoyeur potentiel qui peut répondre à son besoin. La condition suivante sera d'être capable d'entrer en contact avec celui-ci163 ».

L'accès aux droits et le réseau

L'un des objectifs du service extérieur est de les aider à sortir de leur isolement et à tisser autour d'eux un réseau d'aide qui perdurera au-delà de leur prise en charge. Il s'agit également de favoriser la participation citoyenne, autrement dit le « pouvoir d'agir dans un environnement donné164 ».

Pour cela, il nous faut faire du lien, ce qui suppose que nous ne soyons pas nous même isolés, mais intégrés dans un tissu professionnel et social vivant et réactif. Il faut faire le lien entre les jeunes et les différents dispositifs de droit commun, relayer leur demande auprès de lieux ou de personnes-ressources, coordonner les interventions pour que chacun reste à sa place et soit complémentaire : toutes ces actions demandent une bonne connaissance et reconnaissance réciproque des professionnels de la formation, du logement, de la santé, etc. Le partenariat est donc un aspect particulièrement important dans la vie du service extérieur.

La nécessité d'un travail en partenariat

Pour Fabrice Dhume, le partenariat est « une méthode d'action coopérative fondée sur un engagement libre, mutuel et contractuel d'acteurs différents mais égaux, qui constituent un acteur collectif dans la perspective d'un changement des modalités de l'action - faire autrement ou faire mieux - sur un objet commun - de par sa complexité et/ou le fait qu'il transcende le cadre d'action de chacun des acteurs -, et élaborent à cette fin un cadre d'action adapté au projet qui les rassemble, pour agir ensemble à partir de ce cadre165».

Durant mon stage, j'ai repéré la nécessité de renforcer le travail en partenariat avec certains acteurs importants de Fougères et même souhaité impulser un partenariat entre différents acteurs que j'avais rencontré au préalable : la Mission Locale et le CDAS. J'avais en effet repéré que ces acteurs gravitent autours des jeunes accueillis sur le service extérieur de la MDC mais ne sont pourtant pas au clair sur les dispositifs que chacun proposent. Il me semble pertinent de renforcer un partenariat entre ces acteurs dans le but de mieux coordonner l'action en faveur des jeunes en difficulté sur le territoire fougerais. Toutefois, je n'ai pas eu le temps d'organiser une telle rencontre dans les délais impartis du fait de la complexité de concilier les disponibilités des différentes personnes-ressources, qui ont pourtant toutes exprimé le souhait qu'une rencontre ait lieu ultérieurement.

163 Brizais R., « l'Autonomie en question », intervention à l'ASE de Loire-Atlantique, 2003.

164 Paul M., Op. Cit., p.34.

165 Dhume, F., Du travail social au travail ensemble. Le partenariat dans le champ des politiques sociales, ASH éditions, 2001.

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Un support à mettre en place : le « guide de la vie en autonomie »

Dans le cadre d'un accompagnement vers l'autonomie des jeunes pris en charge sur le service extérieur, il me semble essentiel que ces derniers soient en capacité de pouvoir situer les ressources dont ils peuvent se saisir sur le territoire pendant et même au-delà de la prise en charge. On l'a vu, dans l'analyse, il est essentiel que ces jeunes sachent leurs droits et soient en mesure de savoir vers où se tourner en cas de difficultés - difficultés qui sont le lot de beaucoup de jeunes issus des services de l'ASE à la fin de leur prise en charge compte tenu du contexte difficile.

C'est pourquoi j'ai pensé à rédiger un support que j'ai nommé le « Guide de la vie en autonomie » afin de permettre aux jeunes pris en charge d'identifier et de repérer les lieux ressources de Fougères. Je l'ai conçu et réalisé principalement seul, mais j'ai tenté autant que possible d'y intégrer les suggestions et remarques des collègues de l'équipe. Surtout, et c'est à mon sens très important, j'ai laissé une version numérique du document pour qu'il puisse être modifié, et renforcé, progressivement au fil des retours que les jeunes pourront formuler. Il se présente dans sa version normale comme un petit livret.

Voir document complet en annexes au format A4.

Contenu :

L'introduction rappelle aux jeunes les objectifs de l'accompagnement du service extérieur :

« Ton accueil en appartement dans le cadre de ta prise en charge à la Maison du Couesnon doit être envisagé comme une courte étape de ta vie qui te servira de tremplin vers la vie en autonomie. Tu dois déjà anticiper la sortie et te préparer à « l'après-Maison du Couesnon ». Ce type d'accompagnement va justement te permettre de t'y préparer au mieux.

Tu vas devoir apprendre rapidement à : faire tes courses seul, te nourrir correctement (de façon saine et variée), prendre soin de toi, réaliser un certain nombre de démarches auxquelles tu ne t'es jamais confronté.

Pour bon nombre de ces démarches (administratives, médicales, etc.) tu pourras solliciter de l'aide auprès de l'équipe éducative. L'objectif de cet accompagnement avec toi est de développer ton autonomie et de t'amener à réaliser progressivement ces différentes démarches tout(e) seul(e). »

Il explique l'objectif du document :

Ce petit « guide de la vie en autonomie » a pour but de te présenter les lieux sur Fougères (ou sur Rennes) qui peuvent être ressources pour toi, tout en t'expliquant quelques unes des démarches auxquelles tu peux être confronté afin que tu saches comment y remédier par toi-même dans la mesure du possible. »

Il présente de façon claire les différents lieux ressources que le jeune peut être amené à solliciter à Fougères ou à Rennes, et les démarches auxquels le jeune peut être confronté.

Il contient dix items différents : commerces, transport, laverie, administratif (CDAS, Mairie, Préfecture, SAMIE, CADA), orientation scolaire et professionnelle (CIO, Mission Locale), mobilité,

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santé, culture, loisirs/sports, logement. La liste est non-exhaustive et pourra être consolidée au fil du temps (j'ai par exemple oublié de mentionner le service de prévention spécialisé de Fougères vers lequel ils pourraient éventuellement se tourner après la fin de leur PEC). Ces différents lieux ressources sont situés sur une carte afin de pouvoir s'y rendre plus facilement.

Le choix d'un vocabulaire simple, clair et intelligible a été fait dans la mesure où de nombreux jeunes accueillis sont des MIE ou des ME. C'est pourquoi le document a également été illustré par des images, le rendant accessible à quelqu'un qui ne maîtrise pas bien la langue française.

Des numéros de téléphone utiles sont joints en cas de soucis.

Surtout, ce guide a été pensé comme un document qui leur sera donné dès le début de la prise en charge, mais qu'ils pourront garder auprès d'eux après la fin de celle-ci. Il pourra alors favoriser l'accès aux droits communs, et donc l'autonomie du jeune.

Le document a été distribué aux jeunes du service extérieur lors de ma dernière journée de stage. C'est pourquoi il m'est impossible d'en faire une évaluation pour l'instant, ni même de pouvoir relater des retours de jeunes. Je l'ai également présenté à la REF du CDAS de Fougères lors de notre rencontre. Elle se sera montrée très intéressée par la démarche, d'autant plus que le CDAS travaille actuellement à l'élaboration d'un document un peu similaire.

Evaluation :

Une évaluation globale du projet pourra être menée, conjointement à la mise en place de celui-ci de façon à pouvoir le réajuster. Il faudra être attentif aux retours que peuvent en faire les jeunes. Les bilans pourraient d'ailleurs constituer un moyen de venir interroger le jeune sur l'utilité du document.

A partir de l'expression du jeune, l'évaluation viendra porter une attention particulière sur différents points :

'3 Repérer les différents lieux ressources de son territoire.

Le jeune est capable d'identifier, de nommer et de situer les différents lieux ressources qu'il peut solliciter.

'3 Être capable d'expliquer ce qu'il peut trouver dans ces différents lieux ressources.

Le jeune est à même de pouvoir expliquer les aides qu'il peut obtenir dans les différents lieux ressources indiqués dans le document et d'identifier le rôle des professionnels qu'il peut y rencontrer.

'3 Se rendre seul dans ces différents lieux pour y effectuer ses démarches

Le jeune peut se rendre seul dans ces différents endroits sans avoir besoin d'être accompagné par un éducateur. Il est également capable de s'y rendre après la fin de sa prise en charge.

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Conclusion

L'expérience constituée tout au long de ce stage à responsabilité au sein de la Maison du Couesnon a été enrichissante à de multiples égards. L'internat m'aura permis de me confronter au quotidien de jeunes placés en foyer, d'observer le travail qui est mené avec les familles, ou encore de découvrir le fonctionnement relativement complexe de la protection de l'enfance. Le service extérieur, de par sa spécificité et la diversité du public accueilli, m'aura permis de découvrir un champ d'intervention assez large en me permettant de travailler auprès de partenaires issus de divers horizons et de différents secteurs. Il m'aura permis d'élargir considérablement mes connaissances concernant les lieux ressources qu'il est possible de solliciter en fonction des situations (scolarité, formation professionnelle, accompagnement administratif des étrangers, logement, santé, etc.).

De plus, cette expérience m'aura permis de me confronter avec un concept, largement utilisé dans le secteur médico-social, et cela, quelque soit le public : l'autonomie. Cet objectif d'autonomie est encore plus prégnant sur le service extérieur compte tenu de la tranche d'âge qu'il accueille et des enjeux liés à celle-ci. En réalité, sur le terrain, on a parfois l'impression il ne s'agit même plus d'une finalité, d'un objectif, mais bien d'une injonction institutionnelle liée aux politiques sociales, voire dans certains cas, d'une condition de départ à l'obtention d'une aide.

Mes différentes lectures m'ont permis de voir à quel point les politiques sociales qui sont menées en direction des jeunes majeurs pris en charge au titre de l'ASE laissent apparaître un certain nombre de paradoxes et de dysfonctionnements. Il ne nous appartient pas, en tant qu'éducateurs spécialisés ou futurs éducateurs spécialisés, de changer ce cadre, mais il nous faut réfléchir à l'accompagnement que l'on peut proposer à l'intérieur du cadre qui nous est imposé. Car au bout de la chaîne, c'est bien les personnes accompagnées qui en subissent directement les conséquences et qui se retrouvent parfois en situation de vulnérabilité à la fin de leur prise en charge. Nous avons une responsabilité importante vis-à-vis des usagers que l'on accompagne.

Rolland Janvier dit par ailleurs à ce propos qu'« intervenir auprès d'une personne en difficulté est un acte politique et participe à la construction de la société. Il est donc nécessaire d'interroger à tout instant notre fonction politique. Ne pas le faire, c'est se priver d'un regard lucide sur nos pratiques professionnelles et risquer de cautionner, à notre insu, des dérives utilitaristes166 ». Car comme Maëla Paul, déjà citée précédemment, le souligne bien : dans l'accompagnement « c'est cette dimension de réflexivité et de critique qui est éminemment émancipatoire. Elle soulève avec elle les insatisfactions

166 Janvier R., Matho Y., Mettre en oeuvre le droit des usagers dans les établissements d'action sociale, Dunod, 2002, p.175.

et les préoccupations des acteurs, contribue à ce qu'ils en rendent compte et, par là, modifie leur rapport à la réalité sociale en même temps qu'elle les inscrit dans le monde. 167 »

Enfin, au-delà du renforcement de mon positionnement professionnel, ce travail m'aura permis de prendre la mesure que chaque personne accompagnée est en capacité de devenir autonome. Pour cela, il faut partir de la prise en compte des besoins et des désirs de la personne, tout en tenant compte des temporalités. Toutefois, compte tenu parfois du peu de ressources de départ, il faut l'accompagner à trouver de nouvelles ressources, de nouveaux supports pour s'émanciper de l'aide sociale.

Le rôle de l'éducateur spécialisé est alors de faciliter la compréhension, la distanciation et l'extériorisation, car, rappelons-le, en citant de nouveau Maëla Paul : « plus on diversifie les modalités de décentration et d'aide à la prise de conscience, plus on facilite l'intégration d'une posture intérieure de prise de recul et d'analyse de son propre fonctionnement, à la base de l'autodétermination (capacité à prendre librement ses propres décisions), l'autoréférenciation et l'autorégulation (capacité à utiliser et adapter ses ressources en cours d'expérience) 168».

La personne doit être suffisamment éclairée pour opérer individuellement les bons choix stratégiques qui lui permettront d'éviter les difficultés qui peuvent se dresser devant elle. C'est ce que peut permettre notamment l'identification des différents lieux ressources, ainsi que la connaissance des dispositifs spécifiques ou de droits communs. À condition que cet accès aux droits ne soit pas vu comme une finalité mais bien comme un moyen.

55

167 Paul M., Op. Cit., p.36.

168 Ibid.

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Bibliographie

Ouvrages

ü Capul M., Lemay M., De l'éducation spécialisée, Eres, 2011

ü Dhume, F., Du travail social au travail ensemble. Le partenariat dans le champ des politiques sociales, ASH éditions, 2001

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ü Freire P., Pédagogie de l'autonomie, Erès, 2013

ü Fustier P., L'enfance inadaptée, repères pour des pratiques, Presses universitaires de Lyon, 1983

ü Gaberan P., La relation éducative, Erès, 2003

ü Guimard N., Petit-Gats J., Le contrat jeune majeur. Un temps négocié., L'Harmattan, 2011

ü Janvier R., Matho Y., Mettre en oeuvre le droit des usagers dans les établissements d'action sociale, Dunod, 2002

ü Jung C., L'aide Sociale à l'Enfance et les jeunes majeurs. Comment concilier protection et pratique contractuelle ?, L'Harmattan, 2010

ü Hardy G., S'il te plait ne m'aide pas ! L'aide sous injonction administrative ou judiciaire, Erès,

2012.

ü Mucchielli R., L'entretien de face à face, ESF, 2009

Ouvrages également cités :

· Bourdieu P., Questions de sociologie, Éditions de Minuit, 1992

· Bernatet C., Oser réussir l'insertion, Les Editions de l'atelier, 2005

· Castel R., et Haroche C., Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi : entretiens sur la construction de l'individu moderne, Fayard, 2001

· Commaille J., Martin C., Les enjeux politiques de la famille, Bayard, 1998

· De Singly F., Sociologie de la famille contemporaine, Nathan, 1993

· Gaberan P., La relation éducative, Erès, 2003

· Jacquard A., Abécédaire de l'ambiguïté , de Z à A des mots des choses et des concepts, Points, 1989

· Galland O., Sociologie de la jeunesse, Armand Colin, 2007

· Mead G. H., L'esprit, le soi et la société, PUF, 2006.

· Nicole-Drancourt C., Roulleau-Berger L., L'insertion des jeunes en France, PUF, 2006

· Papay J., DC 2 Conception et conduite de projet éducatif spécialisé, Dunod, 2010

· Potin E., Enfants placés, déplacés, replacés : parcours en protection de l'enfance, Erès, 2012

· Rogers C., Le développement de la personne, Dunod, 1967

·

57

Rouzel J., Le travail de l'éducateur spécialisé, Dunod, 2000

· Soulet M-H., « une solidarité de responsabilisation », in Le travail social en débat, sous la direction de Ion J., La Découverte, 2005

· Théry I., Le démariage, Odile Jacob, 1989

Rapports

V' Conseil Général 35, Innover pour l'autonomie des jeunes majeurs, 2013

V' Girardot P., Processus d'autonomisation des jeunes pris en charge au titre de l'ASE : étude de parcours, 2013

V' Kunhapfel R., Le dispositif du contrat jeune majeur comme d'accompagnement et de prise en charge après le placement. Comment fabrique-t-on l'autonomie des jeunes ?, 2012

V' Le Yondre F., Vrais chômeurs et vrais sportifs. Le sport face au chômage comme instrument disciplinaire ou support de tactiques identitaires : des catégories sociales en jeu, 2009.

V' Rapport ONED, Entrer dans l'âge adulte. La préparation et l'accompagnement des jeunes en fin de mesure de protection, 2009

V' Recherche-action effectuée avec la DDCS du Maine et Loire et quatre opérateurs du dispositif, Accompagner les jeunes vers l'autonomie dans le dispositif ville-vie-vacances, Résovilles, 2012

Rapports également cités :

· Charvet D., Jeunesse, le devoir d'avenir, Rapport pour la commission « jeunes et politiques publiques », 2000

· Goyette M., Projet d'intervention en vue de préparer le passage à la vie autonome et d'assurer la qualification des jeunes des centres jeunesse du Québec, Rapport final d'évaluation, 2007

· Lopez A., Thomas G., « l'insertion des jeunes sur le marché du travail, le poids des origines socioculturelles », Données Sociales, La Société Française, 2006

· Stein M., Munro E.R, Young People's Transitions from Care to Audulthood, International Research and Practice, Child Welfare Outcomes, Jessica Kingsley Publishers, 2008

Articles

V' Ciccheli V., « Les jeunes adultes comme objet théorique », Recherche et Prévisions, n°65, septembre 2001

V' Durand E., « L'autonomie de l'enfant. Construire un passé positif », in Les paradoxes de l'autonomie sous la direction de Guillaume Nemer, Le sociographe, hors-série n°6, 2013

V' Grondin B., Pichon I ., « L'autonomie et ses paradoxes intrinsèques. Une oppression éducative ? » in Les paradoxes de l'autonomie sous la direction de Guillaume Nemer, Le sociographe, hors-série n°6, 2013

58

V' Picard A., « Le concept d'autonomie et l'épreuve des décisions de santé relatives aux mineurs » in Les paradoxes de l'autonomie sous la direction de Guillaume Nemer, Le sociographe, hors-série n°6, 2013

Articles également cités :

· Bessin M., « La compression du temps : une déritualisation des parcours de vie ? », Education permanente, n°138, « les âges de la vie », 1999

· Blanaïn N., « perdre un parent pendant l'enfance : les effets sur le parcours scolaires, professionnel, familial et sur la santé à l'âge adulte ? », Etudes et résultats, n°668, DRESS, oct. 2008.

· Conseil Général Ille et Vilaine., « l'action éducative à domicile », Cahier technique de la vie sociale, n°207, novembre 2011

· De Singly F., « penser autrement la jeunesse », Lien social et Politique, n°43 83, 2000,

· Dihl M., « Quel avenir pour le Contrat Jeune Majeur ? », Lien social, n°853, septembre 2007,

· Dubet F., « La jeunesse est une épreuve », in Comprendre, n°5, PUF, 2004

· Helfter C., « Quel devenir pour les jeunes adultes », ASH, n°8690, avril 2010, p.25.

· Galland O., Ciccheli V., « Les nouvelles jeunesses », La Documentation Française, n°955, déc. 2008

· Gasquet C., Roux V., « les sept premières années de vie active des jeunes non-diplômés : la place des mesures publiques pour l'emploi », Economie et Statistique, n°400, 2006

· Labadie F., « L'évolution de la catégorie jeune dans l'action publique depuis 25 ans », Recherche et Prévisions, n°65, 2001

· Passeron J-C., « L'inflation des diplômes », Revue française de sociologie, 23 (4), 1982

· Petit Gats J., Guimard N., « Ecrit de jeune en quête de statuts », Recherche familiale, n° 7, 2010

Codes juridiques

V' Code de l'Action Sociale et des Familles, Dalloz, 2010

V' Code Civil, Dalloz, 2009 V' Code Pénal, Dalloz, 2009

Documents internes

V' Projet d'établissement de la Maison du Couesnon

V' Règlement de fonctionnement des appartements de proximité

Sites internet consultés

http://www.pep35.org/Maison-du-Couesnon-Fougeres.html

http://www.legifrance.gouv.fr/ http://www.inegalites.fr/

59

Glossaire

ADF : Assemblée des Départements de France

ADPEP 35 : Association Départementale des Pupilles de l'Enseignement Public d'Ille et Vilaine

AE : Assistance Educative

AED JM : Assistance Educative à Domicile Jeune Majeur

AEMO : Action Educative en Milieu Ouvert

AER : Action Educative Renforcée

APJM : Accompagnement Provisoire Jeune Majeur

AMJM : Allocation Mensuelle Jeune Majeur

AP : Accueil Provisoire

ASE : Aide Sociale à l'Enfance

CADA : Centre d'Accueil pour Demandeurs d'Asiles

CAF : Caisse d'Allocations Familiales

CAP : Certificat d'Aptitude Professionnelle

CAPA : Certificat d'Aptitude Professionnelle Agricole

CEF : Commission Enfance-Famille

CIO : Centre d'Information et d'Orientation

CLPS : Organisme de formation

CMU-C : Couverture Mutuelle Universelle Complémentaire

CPAM : Caisse Primaire d'Assurance Maladie

DAP : Dispositif Alternatif au Placement

DDPJJ : Direction Départementale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse

FJT : Foyer de Jeunes Travailleurs

FSL : Fonds de Solidarité Logement

INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

MDC : Maison du Couesnon

ME : Majeur Etranger

MECS : Maison d'Enfants à Caractère Social

MEDEF : Mouvement des Entreprises de France

MIE : Mineur Isolé Etranger

OPP : Ordonnance Provisoire de Placement

PEC : Prise en charge

PJM : Protection Jeune Majeur (judiciaire)

REF : Responsable Enfance Famille

SAMIE : Service d'Accompagnement pour Mineurs Isolés Etrangers

Annexes

- Lettre du CDAS envoyée à « Yasmine » à deux semaines de sa majorité pour lui présenter les dispositifs qu'elle peut solliciter après ses 18 ans.

60

- « Guide de la vie en autonomie » (format A4)






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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King