WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Processus d'autonomisation des jeunes pris en charge au titre de l'ase et accès aux droits


par Clément Reussard
Askoria (Rennes) - Diplôme d'Etat d'Educateur Spécialisé 2014
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

6. La population accueillie

Sur l'internat :

L'établissement accueille pour des durées variables des enfants et adolescents dont les familles se trouvent en difficulté momentanée ou durable, et ne peuvent, seules ou avec le recours de proches, assumer la charge et l'éducation de leurs enfants. Les jeunes sont placés à la MDC suite à une décision judiciaire ou administrative.

Depuis 2007, l'établissement constate que les problématiques rencontrées par les jeunes accueillis à la MDC sont souvent les suivantes8 :

- « Jeunes avec troubles du comportement (exemples : instabilité, agressivité, agitation) ;

- Victime de maltraitance physique ou morale par un membre de la famille ;

- Avec des conduites addictives (aux jeux vidéo, à l'ordinateur, à la cigarette) ;

- Ayant connu des échecs scolaires (déscolarisation, absence de projet scolaire, redoublement) ;

- Victimes de violences, principalement des agressions sexuelles ;

- Auteurs d'agressions sexuelles ;

- Ayant un suivi psychologique important, et des traitements médicaux lourds. »

On pourrait ajouter que ces jeunes ont pour la plupart connus des carences affectives et éducatives pendant leur enfance, troublant ainsi leur développement psychoaffectif. Une autre raison de leur placement est également souvent le fait d'une conduite addictive des parents, bien souvent l'addiction à l'alcool. Des conflits ont souvent été repéré au sein de leur famille : avec leur propres parents ou au sein de la fratrie. Enfin, une grande majorité d'entre eux ont connu d'autres formes et lieux de placements (familles d'accueil, autres foyers).

En mars 2014, à la fin de mon stage, l'internat (studios compris) comptait 10 jeunes. Voici leur répartition selon les critères de genre, d'âge, de scolarité et de forme d'hébergement :

Genre

Age

Scolarité

Hébergement

F

11 ans

CM2

Collectif

F

11 ans

6ème

Collectif

H

12 ans

6ème

Collectif

F

12 ans

5ème

Collectif

F

15 ans

3ème

Collectif

H

15 ans

Seconde

Collectif

H

16 ans

Seconde

Collectif

F

16 ans

Seconde

Collectif

H

15 ans

Seconde

Studio interne

H

16 ans

Apprentissage

Studio interne

8 Cf. le projet d'établissement de la Maison du Couesnon

8

Sur le service extérieur :

Note importante : Mon stage s'étant principalement réalisé sur le service extérieur de la MDC, la suite de ce mémoire professionnel se focalisera exclusivement sur les jeunes accueillis sur ce service.

Le service extérieur est habilité à accueillir des jeunes de 16 à 21 ans hébergés en appartement de proximité. Le service peut parfois accompagner des jeunes vivant dans des logements ne dépendant pas de l'association. Ainsi, selon leur projet, des jeunes résidant en Foyer de Jeunes Travailleurs (FJT), ou en logement privé peuvent également bénéficier d'un suivi éducatif.

Les jeunes mineurs et majeurs, garçons et filles, sont accueillis au service dans le cadre de mesures de garde, d'Accueils Provisoires (AP), d'Accueils Provisoires Jeunes Majeurs (APJM). Même si cela se fait de plus en plus rare, le service peut également accueillir des jeunes issus de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) dans le cadre de l'ordonnance de 1945.

Les jeunes sont la plupart du temps scolarisés ou en formation. Parfois, ils arrivent sur le service après un échec scolaire ou une déscolarisation. Le suivi éducatif intègre très souvent un objectif d'insertion professionnel dans le cadre de la prise en charge.

La majorité des jeunes mineurs et majeurs, garçons et filles, ont un passé institutionnel (foyer, famille d'accueil, assistance éducative...).

Les jeunes accompagnées par le service ont entre 16 et 21 ans. Autrement dit, ils vont entrer ou commencent leur vie d'adulte et doivent ainsi être accompagné dans l'autonomisation que cela induit.

Comme sur l'internat, beaucoup de ces jeunes ont connus durant leur enfance et adolescence des carences affectives et/ou éducatives troublant ainsi leur développement psychoaffectif. Il s'agit souvent de jeunes en situation d'isolement social qui ont peu de personnes ressources sur lesquelles s'appuyer.

Le service accueille également des jeunes migrants : Mineurs Isolés Etrangers (MIE) ou Majeurs Etrangers (ME). Par définition, ceux-ci n'ont pas de famille sur le territoire Français et doivent surmonter l'obstacle de la différence culturelle, et bien souvent de la barrière de la langue. Un accompagnement plus soutenu leur est proposé dans le cadre de la régularisation de leur situation administrative.

Malgré une population assez polymorphe, j'ai pu identifier durant mon stage deux grands types de profil sur le service extérieur :

-Une partie des jeunes sont accompagnés puisqu'en difficulté vis-à-vis de leur environnement familial (rupture familiale totale ou partielle à la suite de conflits, ou parents en difficulté).

-Une autre partie des jeunes concerne les Mineurs Isolés Etrangers et les Majeurs Etrangers (suivi à partir de leur majorité dans le cadre d'un APJM).

9

En mars 2014, le service extérieur accompagnait quatre jeunes âgés entre 17 et 20 ans :

Sexe

Age

Scolarité

Hébergement

Mesure

Origine

Admission

F

17

Terminale
CAPA
« Service en
Milieu Rural »

Appartement MDC

Garde ASE

France

02/13

H

17

1ere générale

Appartement MDC
(auparavant internat puis
studio)

OPP

Cameroun

01/12

F

17

Déscolarisée
CLPS

Appartement MDC

Accueil
Provisoire

France

01/14

H

20

CAP 2e année
« Travaux
Paysagers »

Foyer Jeune Travailleur

APJM
(ME)

Congo

08/11

Voici les profils des six autres jeunes que j'ai pu accompagner mais qui n'étaient plus pris en charge à la MDC à la fin de mon stage qui s'est tenu d'avril 2013 à mars 2014 :

Sexe

Age

Scolarité

Hébergement

Mesure

Origine

Admission

Fin de
PEC

 
 

Term. Pro

Appartement

 

France

 
 

H

20

 
 

APJM

 

01/13

09/13

 
 

Gestion Admin.

MDC

 

(Mayotte)

 
 
 

17

MGI puis CAP

Appartement

 
 
 
 

H

 
 
 

(MIE)

Albanie

04/13

12/13

 

(15)9

Peinture

MDC

 
 
 
 
 
 
 

Famille

 
 

12/11

 

H

17

CAP Boucherie

 

OPP

France

 

12/13

 
 
 

d'accueil

 
 

(DAP)

 
 
 
 

Appartement

APJM

 
 
 

H

19

CAP Maçonnerie

 
 

Afghanistan

02/11

12/13

 
 
 

MDC

(ME)

 
 
 
 
 
 
 

Garde

 
 
 
 
 

1ere Pro Gestion

Appartement

 
 
 
 

F

18

administration

MDC

ASE puis

France

01/13

01/14

 
 
 
 

APJM

 
 
 
 
 

Esthétique puis

Logement

Garde

 
 
 

F

17

CLPS

personnel

ASE

France

12/13

03/14

9 Le jeune a d'abord été accueilli dans un appartement MDC. Puis il a confessé n'avoir que 15 ans et non pas 17 ans. Il a par la suite été accueilli sur l'internat de la MDC.

10

Sur la base de ce tableau et d'autres informations en ma possession, sur les dix jeunes accueillis sur le service extérieur durant mon stage, on peut observer, que :

4 La moyenne d'âge est de 18 ans.

4 6 garçons et 4 filles ont été accompagnés sur le service extérieur pendant mon stage, soit une répartition assez équilibrée des sexes.

4 Sur les 10 jeunes : 7 étaient logés dans un appartement de la MDC, 1 dans un FJT, 1 dans une famille d'accueil, 1 dans son logement personnel.

4 8 jeunes sur 10 étaient connus de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) avant d'être accueilli sur le service extérieur.

4 Pour les 5 jeunes qui ne sont plus pris en charge à la MDC, mais qui l'ont été pendant mon stage, la durée moyenne du temps de prise en charge (PEC) a été de 10 mois et demi, avec des écarts qui vont de 3 à 22 mois. On peut remarquer que les PEC MIE/ME donnent généralement lieux à des accueils plus longs.

4 8 des 10 jeunes accueillis étaient scolarisés durant la majeure partie de leur temps de PEC.

4 7 de ces 8 jeunes scolarisés, étaient scolarisés dans des filières professionnalisantes, de courte durée, de type Certificat d'Aptitude Professionnelle (CAP) ou Bac PRO.

4 4 des 10 jeunes accueillis sont nés en dehors du territoire français.

4 3 des 10 jeunes devaient faire face à des difficultés liées à l'apprentissage de la langue ou d'ordre culturelles, en plus des démarches auxquels ils sont tenus pour régulariser leurs situations administratives car il s'agit de MIE ou de ME.

4 1 des 10 jeunes est en situation de handicap. Il est sourd, c'est pourquoi il est logé en FJT, lieu plus sécurisant pour lui.

4 Enfin, du fait des tranches d'âges accueillies et des temps de prise en charge, on observe que la grande majorité des jeunes vivent leur passage à la majorité (18 ans) en étant pris en charge sur le service extérieur.

Nous verrons, à travers les observations que j'ai pu mener durant mon stage, que ce changement de statut, acquis à la majorité, peut constituer un moment déterminant de la prise en charge.

11

Situations observées et questionnements

Plusieurs situations m'ont particulièrement interrogé pendant mon stage. J'ai choisi d'en isoler quatre et de les questionner à partir de mes réflexions qui me sont venues sur le moment ou un peu plus tard dans l'accompagnement. Je suggérerai quelques hypothèses personnelles permettant d'éclairer la situation, parfois associées à des constats.

Tous les prénoms ont été changés de façon à conserver l'anonymat des personnes.

a) Situation de Yasmine :

Yasmine a été accueillie à la MDC à 17 ans et 8 mois. Elle a auparavant connu une mesure d'AEMO de plus d'un an à partir de 2008. Les problèmes d'alcools de ses parents, séparés, en sont à l'origine. A partir de novembre 2009, le juge décide le placement de Yasmine en famille d'accueil puis, à partir d'août 2012, dans un foyer sur Rennes. Elle fait la demande de venir habiter sur Fougères à partir de décembre 2013 avant tout pour se rapprocher de sa mère.

La jeune s'installe dans son propre logement dans le centre de Fougères car tous les appartements de la MDC étaient occupés au moment de son admission. Confrontée à un problème de voisinage, Yasmine déménage dans une commune située à 10 km de Fougères et nous met devant le fait accompli. En effet, Yasmine dit pouvoir tout gérer toute seule, sauf qu'elle fait rapidement face à des problèmes financiers (pour payer son loyer, ses factures d'électricité, etc.). Elle met rapidement fin à sa formation en esthétique (pour des problèmes relationnels) puis s'inscrira un temps au CLPS de Fougères, formation qu'elle abandonnera très vite également. La jeune est dépendante de sa famille, de ses amis, ou des éducateurs de la MDC pour tous ses déplacements. De plus, elle reconnaît subir pas mal d'envahissement à son domicile du fait d'un large réseau d'amis. L'équipe constate le peu de « prise » sur la jeune et le fait qu'il est difficile de faire appliquer un règlement à quelqu'un qui est dans son propre appartement. Pendant cette période, les éducateurs de la MDC renvoient également qu'il n'est pas possible de travailler avec elle dans ces conditions, bien que Yasmine reste en lien avec notre service. Il faut qu'elle vienne habiter dans un de nos appartements sur Fougères (qui s'est depuis libéré). La jeune refuse catégoriquement cette éventualité pour plusieurs raisons : perte de libertés et peur d'un envahissement encore plus conséquent.

Une Commission Enfance Famille (CEF) se tient un mois avant sa majorité : le service exprime que dans ces conditions (« on ne maîtrise pas, elle décide tout »), on ne peut pas l'accompagner dans un APJM. Les représentants du Centre Département d'Action Sociale (CDAS) partagent cet avis. Il est alors suggéré durant cette CEF de plutôt lui proposer une Action Educative à Domicile Jeune Majeur (AED JM), voire il a même été question à un moment d'une Allocation Mensuelle Jeune Majeur (AM JM). Cette dernière possibilité sera écartée d'emblée par la psychologue présente : « Pas d'allocation mensuelle sans AED Jeune Majeur, sinon ça devient un droit ! ».

12

Finalement, une lettre doit lui être envoyée pour lui présenter les dispositifs auxquels elle peut prétendre (APJM/AED JM) ainsi qu'un rendez-vous auprès d'une assistante sociale de secteur accompagnée de son éducatrice ASE. Finalement le courrier ne sera envoyé que deux semaines plus tard. Il sera très peu explicite10. Aucun rendez-vous avec une AS ni de rencontre avec la jeune ne sera pris par son éducatrice ASE, et ce, malgré nos sollicitations. Yasmine finira par écrire toute seule sa lettre de demande AED jeune majeur la veille de ses 18 ans.

Questionnements :

1) Quelle idée Yasmine se fait-elle d'un APJM ?

2) Quelle représentation Yasmine a-t-elle de l'AED Jeune Majeur ? Est-elle suffisamment renseignée ?

3) Ce passage à la majorité a t-il été suffisamment préparé et anticipé ?

Hypothèses et constats :

1) Il semble que Yasmine se sent suffisamment autonome pour mener sa vie toute seule. Peut-être qu'elle souhaite prendre de la distance avec la protection de l'enfance, milieu dans lequel elle a grandi, dans la contrainte, depuis qu'elle a 12 ans. En en rediscutant avec elle, une semaine avant sa majorité, ce qui revient le plus dans son discours est la perte de libertés. Dans son logement personnel, Yasmine pouvait y faire dormir son copain et pouvait avoir un chat, ce qui ne serait plus le cas dans un appartement de la MDC. De plus, elle ne voit pas tellement ce que peut lui apporter un APJM : elle pense que le service extérieur de la MDC est là uniquement pour l'aider financièrement et établir un travail de médiation familiale avec ses parents. Elle semble ne pas avoir intégré qu'on peut lui apporter une aide, par exemple, au niveau de ses recherches de formation, de ses démarches administratives, dans lesquelles elle m'avouera pourtant être en difficulté.

2) Yasmine se dira perdue ne sachant pas ce dont elle pouvait bénéficier avec une AED Jeune Majeur. Très clairement, nous, éducateurs de la MDC, n'étions pas en mesure de répondre à ces questions car nous ne connaissons pas le dispositif de l'AED Jeune Majeur. Yasmine s'est alors tournée vers ses anciens éducateurs du foyer de Rennes pour obtenir des informations, pendant que nous sollicitions sa référente ASE pour lui présenter ce dispositif, en vain. Il n'existe d'ailleurs pas de plaquette de présentation des dispositifs à destination des jeunes majeurs.

3) Même si le fait qu'elle soit arrivée quatre mois avant ses 18 ans nous laissait peu de temps, il aurait fallu anticiper et échanger en amont avec Yasmine, sur ses besoins, et sa projection à la majorité. Elle a dû faire des choix importants (bien que non définitifs) sans être réellement au clair sur les possibilités qui s'offraient à elle.

b) Situation de Gaëlle :

Gaëlle est accueillie depuis ses 16 ans et demi à la MDC dans un de nos appartements de proximité. Elle aussi a connu une mesure AEMO à partir de juin 2011, puis une Aide Educative

10 Voir Annexes

13

Renforcée (AER). Il a été constaté un rôle inadapté de Gaëlle au sein du système familial puisqu'elle y occupait une place parentifiée et avait une relation trop fusionnelle avec sa mère, cette dernière n'ayant que peu d'autorité sur sa fille. Le juge décidera un placement de Gaëlle à l'ASE à partir de décembre 2012 jusqu'à sa majorité, qu'elle obtiendra en septembre 2014.

Je suis co-référent de sa situation. Environ 6 mois avant ses 18 ans, je suis chargé d'écrire son projet personnalisé. Il y a un encart « attentes de la jeune par rapport à son placement ». Je l'interroge donc à ce sujet durant un trajet en voiture. Au fil de la conversation, la jeune me dit alors « De toute façon à mes 18 ans, je pars de la Maison du Couesnon, comme ça j'serais tranquille, j'aurai plus besoin de supporter les éducateurs. De toute façon j'sais me débrouiller toute seule, je n'ai pas besoin de vous. Et puis comme ça, je ne vous aurai pas sur le dos tout le temps, je pourrais faire ce que je veux ! » Sur le moment, je suis un peu surpris de sa réponse car Gaëlle est une jeune qui est dans le lien avec les éducateurs de la MDC, y compris avec moi. De plus, j'ai en tête que la jeune souhaite entrer en formation d'Auxiliaire de Vie Sociale (1 an) à partir de septembre prochain. Je décide de la questionner un peu : « D'accord. Et tu habiteras où du coup ? », « Bah en appart ! » « Ok, et tu payes comment ton loyer, tes dépenses alimentaires, d'électricité, etc ? » « Bah, chépas, au pire j'retourne chez ma mère je m'en fous ! » « Tu en as parlé avec ta mère ? » « Non ». Je l'invite à en discuter avec elle. La discussion en restera là, je lui dirai qu'elle a « encore le temps pour bien y réfléchir » et que « cette décision [lui] appartient de toute façon ».

Questionnements :

1) Gaëlle s'était-elle déjà projetée après sa majorité ? La jeune a-t-elle conscience de ses besoins actuels et futurs ?

2) Pourquoi la jeune a-t-elle l'impression d'avoir les éducateurs « tout le temps sur le dos » ?

3) Pourquoi envisage-t-elle un retour au domicile de sa mère ?

4) Quel est l'intérêt d'avoir cette discussion si longtemps avant sa majorité (6 mois) ?

Hypothèses et constats :

1) Je m'aperçois, grâce à cette conversation, que Gaëlle a de réelles difficultés à se projeter après sa majorité. Elle ne réalise pas tellement les enjeux pour elle (en termes éducatifs, financiers ou d'insertion socioprofessionnelle). Elle sait qu'elle sera libre de prendre son envol toute seule si elle le souhaite, mais ne semble pas avoir vraiment conscience des besoins qui sont les siens.

2) Cette impression relève sans doute de son passé avec la protection de l'enfance. Elle aussi a vécu une aide contrainte depuis de nombreuses années. De plus, elle doit se plier aux règles des appartements de la MDC, qu'elle respecte scrupuleusement bien qu'elles soient probablement sources de frustration pour la jeune puisque, par exemple, elle ne peut faire dormir son copain dans son appartement. C'est ce qu'elle mettra en avant dans la conversation.

3) Gaëlle a peut-être besoin d'aller vérifier certaines choses au domicile de sa mère. Elle reproche très souvent à sa mère d'accorder plus d'attention et d'accepter plus souvent les requêtes de son frère qui

14

est schizophrène. Toutefois, pour en avoir échangé avec sa mère, cette dernière ne souhaite pas que sa fille revienne au domicile, puisqu'elle est en difficulté avec elle et n'arrive pas à faire valoir son autorité sur elle. Elle préférerait que la situation reste ainsi, à savoir que sa fille continue de vivre dans un logement autonome.

4) Ce n'était pas tellement volontaire de ma part d'aborder ce sujet si longtemps avant sa majorité. Toutefois, cela m'a permis de comprendre que la jeune a du mal à se projeter de façon réaliste au-delà de ses 18 ans. Cela permet d'anticiper les échéances et de l'y préparer au mieux, de lui faire prendre conscience de ses besoins, de lui présenter les différentes possibilités qui s'offrent à elle, de façon à ce que la jeune puisse être à même de choisir d'elle-même ce qu'elle considère être la meilleure solution. C'est ce que nous ferons dans les semaines qui suivirent.

Les situations de Yasmine et Gaëlle sont venues me poser la question de la présentation qui doit être faite aux jeunes des dispositifs de l'ASE dont ils peuvent bénéficier après avoir acquis leur majorité. De même, elles m'ont fait réfléchir au travail qui doit être fait avec eux quant à l'évaluation qu'ils peuvent faire eux-mêmes de leurs besoins pour mieux anticiper les échéances et seuils de passage.

c) Situation d'Abu :

Abu est originaire de Mayotte et est arrivé à Fougères en septembre 2010 à l'âge de 17 ans. Hébergé à Fougères chez une tante pendant un an, puis chez une cousine pendant la même durée, il est mis à la porte par le mari de cette dernière en novembre 2012 suite à des conflits. Scolarisé en 1ère Bac Pro « gestion et administration », il intègre alors l'internat de son lycée et passe les week-ends au FJT tout en bénéficiant d'un suivi éducatif par le service extérieur de la MDC dans le cadre d'un APJM sollicité par Abu à ses 19 ans en mai 2012, qui sera ensuite prolongé en septembre 2012. Les raisons de cet APJM sont qu'Abu a besoin de soutien et de repères éducatifs. Il a besoin de guidance dans le quotidien (scolarité, budget, démarches administratives). En janvier 2013, Abu intègre un appartement de proximité du service extérieur.

Le jeune continue d'avoir des mauvais résultats (7,6 de moyenne générale) au lycée malgré le redoublement de sa 1ère, certains professeurs y voient un manque d'investissement. Un point est fait sur la situation d'Abu au CDAS en mai 2013, peu après le début de mon stage. Malgré le respect du contrat signé, l'accent est mis sur les difficultés scolaires d'Abu. La commission met en avant qu'il aura 21 ans en mai 2014, synonyme de fin de PEC, et cela avant la fin de son année scolaire en Terminale, alors même qu'il n'aura aucune source de revenu et qu'il a peu de chance d'obtenir le bac compte tenu de ses résultats. Les représentants du CDAS présents lors de cette CEF considèrent que le projet d'Abu n'est pas « ancré dans la réalité ». Ils lui proposent de se réorienter et de s'inscrire à la Mission Locale pour trouver une source de revenu s'il veut que son APJM soit prolongé. Ils lui

15

laissent l'été pour y réfléchir. Abu refusera et préfèrera continuer sa scolarité en Terminale même s'il doit aller vivre chez son grand-frère (23 ans) qui, lui, travaille, à l'usine, et s'occupe déjà de sa petite soeur (18 ans). L'APJM ne sera donc pas prolongé et prendra fin en septembre 2013.

Questionnements :

Arrivé depuis peu sur mon lieu de stage, j'ai été franchement surpris par cette injonction du CDAS. Cela a soulevé chez moi de nombreuses interrogations :

1) Pourquoi la situation d'Abu aboutit sur la non-prolongation de son APJM ?

2) Pourquoi Abu est-il en difficulté scolairement ? Est-ce uniquement par « manque d'investissement » ?

3) Est-ce qu'Abu a suffisamment réfléchit sa décision ?

4) Quels autres dispositifs et lieux ressources peut-il solliciter pour lui venir en aide ? Comment l'accompagner au mieux dans la fin de sa prise en charge ?

Hypothèses et constats :

1) Dans un premier temps, j'ai pensé que l'attitude que renvoie le jeune notamment au lycée où beaucoup notent « peu d'investissement » lui avait porté préjudice. Plus tard, je trouverai de nombreux éléments de réponse au gré des lectures qui viendront m'apporter un éclairage théorique sur les dispositifs d'assistance aux jeunes majeurs et des logiques intégrées par les travailleurs sociaux. Ils seront abordés dans la partie « apports théoriques ».

2) Abu s'investit scolairement puisqu'il se rend chaque soir à des heures de permanence pour faire ses devoirs et travailler ses cours. Il n'empêche qu'il est réellement en difficulté au lycée dans la plupart des matières. Une autre lecture que son supposé « peu d'investissement » serait de se poser la question du niveau de capital scolaire dont a hérité Abu de par son milieu familial, de savoir quel est le niveau scolaire des jeunes scolarisés en Mayotte et quelles sont les ressources dont Abu dispose à Fougères pour parvenir à combler ses lacunes.

3) Abu m'a paru déterminé et convaincu par son choix qu'il a eu le temps de mûrir pendant l'été. Il a ainsi pu en échanger avec son frère, avec les éducateurs de la MDC, avec des personnes ressources de son lycée (proviseur, conseiller d'orientation, professeurs). Je pense qu'il accordait beaucoup d'importance au fait d'obtenir un diplôme en comptabilité avant de rentrer à Mayotte et que toute autre orientation aurait vécue par lui comme un échec.

4) J'ai été assez étonné à l'époque que rien ne lui soit proposé en contrepartie de sa non-prolongation d'APJM bien que ce n'est que bien plus tard que j'ai appris l'existence d'autres dispositifs. A posteriori, et étant donné la précarité vers laquelle Abu s'orientait, je reste surpris qu'il ne lui ait pas été proposé de se rendre par exemple à la Mission Locale (qui peut octroyer, sous certaines conditions des aides alimentaires et des aides à la mobilité) ou de prendre rendez-vous avec une assistante sociale de secteur (pour obtenir éventuellement une Allocation Mensuelle Jeune Majeur ou une AED Jeune Majeur).

16

d) Situation d'Ajmal

Originaire d'Afghanistan, Ajmal est arrivé à Rennes en janvier 2011 à l'âge de 16 ans et demi. Il a fuit son pays car sa vie était en danger, c'est pourquoi il bénéficie aujourd'hui de la protection subsidiaire. Depuis février 2011, il est accueilli à la MDC sur le service extérieur, dans un premier temps en tant que Mineur Isolé Etranger (MIE). À ses 18 ans en juillet 2012, il signe son premier contrat APJM. En septembre 2012, Ajmal intègre un CAP en maçonnerie. Ses revenus d'apprentissage lui permettent de toucher environ 800€ par mois et de pouvoir mettre de côté. Son APJM a pris fin en décembre 2013 car le jeune était jugé suffisamment autonome dans son quotidien et surtout suffisamment établi dans un parcours d'insertion professionnelle lui assurant une autonomie financière.

Nous l'avons préparé à la fin de sa prise en charge. Je me suis notamment occupé de l'accompagner dans la recherche d'un appartement à Fougères et dans les démarches administratives qui y sont liées. À la fin de sa prise en charge, nous lui avons signifié, avec l'accord de la chef de service, qu'en cas de problème, il pourrait nous solliciter.

Dans les trois mois qui suivirent la fin de sa PEC, Ajmal m'a sollicité personnellement à deux reprises. La première fois pour me demander par téléphone s'il était normal qu'il n'avait pas encore touché ses aides au logement de la part de la CAF, et pour me demander où se trouvait « Inicial » à Fougères, à qui il doit rapporter un document pour toucher ses aides mobili-jeune11. J'ai répondu à ses questions par téléphone. La deuxième fois qu'il m'a sollicité, c'était à l'occasion d'un match de foot que j'avais organisé à la fin de mon stage avec tous les jeunes de la MDC plus ceux qui ne sont plus pris en charge mais que j'ai connus pendant mon stage. Il en a profité pour me montrer un courrier qu'il avait reçu de l'assurance maladie concernant l'obtention de la CMU-C. Je lui ai dis d'aller se renseigner directement à la CPAM, en lui rappelant où c'était, et de bien insister pour qu'ils lui expliquent clairement les choses.

Questionnements :

1) Est-ce que le fait d'avoir été trop soutenant dans son accompagnement n'implique t'il pas un relatif manque d'autonomie dans la résolution de certaines de ses difficultés ?

2) Est-il trop peu informé ou a-t-il besoin de se réassurer en sollicitant mon avis ?

3) Est-ce que le fait qu'il soit étranger lui pose t-il des difficultés dans la résolution de certains de ses problèmes quotidiens ?

Hypothèses et constats :

1) Il est vrai que nous avons été très soutenant dans la PEC d'Ajmal du fait qu'il soit étranger puisqu'il est souvent mis en difficulté par la barrière de la langue et qu'il n'a aucunes ressources sur lesquelles il pourrait s'appuyer dans la mesure où il est isolé, de sa famille notamment. De plus, il manque de temps en raison de ses horaires de travail en apprentissage (7h-19h tous les jours de la semaine).

11 Ce sont des aides au logement à destination des jeunes en apprentissage.

17

Quand je l'ai accompagné à trouver un logement, j'ai moi-même chercher les annonces que je lui ai soumises pour qu'il choisisse (le jeune n'a pas d'ordinateur ni internet), je l'ai accompagné lors des différentes visites d'appartements (généralement dans le but de rassurer les propriétaires), je l'ai accompagné à remplir les dossiers, etc. Cette posture ne permet pas vraiment de développer l'autonomie maximale du jeune et c'est pourquoi peut-être il peut se retrouver en difficulté à la fin de sa PEC.

2) En fait, je pense qu'il s'agit un peu des deux. Il lui manquait probablement des informations, comme par exemple où se situe le local d'Inicial à Fougères. Je m'y étais en effet rendu seul pour demander le dossier mobili-jeune et obtenir quelques informations, car il ne pouvait s'y rendre pendant ses semaines d'apprentissage en raison de ses horaires. Je lui avais expliqué ce qu'était cette aide et il avait rempli le dossier avec mon soutien. Il ne savait donc pas où cela se situait bien qu'il aurait pu trouver la réponse seul en regardant sur internet (depuis la médiathèque par exemple). Pour le reste des démarches, je crois qu'il savait où se situait la CAF et la CPAM, mais qu'il avait sans doute besoin de se réassurer que c'était bien là qu'il pourrait trouver l'information avant de s'y rendre.

3) Ajmal est souvent mis en difficulté par la barrière de la langue. Je l'ai en effet accompagné à plusieurs types de rendez-vous où Ajmal acquiesçait à son interlocuteur pour lui signifier qu'il comprenait, mais une fois dans la voiture, il me confiait qu'il n'avait pas tout compris et je devais alors lui réexpliquer. Il est vrai que beaucoup de personnes s'adressent à lui comme s'il était en capacité de tout comprendre, alors qu'en réalité, son vocabulaire est assez limité. Ayant vécu moi-même à l'étranger, je suis capable de simplifier mon discours avec des mots simples pour le rendre intelligible et compréhensible. Ce qui n'est pas le cas de beaucoup de personnes, y compris chez les professionnels travaillant dans des institutions telles que la CAF, la CPAM, etc.

Les situations d'Abu et Ajmal soulèvent la question du niveau d'autonomie acquis avant la fin de la prise en charge, et ce qui est justement fait en ce sens durant l'accompagnement pour que les jeunes puissent être à même de résoudre leurs difficultés seuls, pendant et après celle-ci, en étant capable de situer et solliciter les différents lieux et institutions ressources.

Nous verrons, à travers l'exposé du problème professionnel, en quoi les situations de Yasmine et Gaëlle d'une part et d'Abu et Ajmal d'autre part se rejoignent et viennent questionner les pratiques d'accompagnement et leurs incidences sur le processus d'autonomisation des jeunes pris en charge. Nous viendrons plus précisément questionner la présentation qui leur est faite des différents dispositifs spécifiques ou de droit commun qu'ils peuvent être amenés à solliciter, et réfléchirons à comment travailler à mieux mobiliser les jeunes sur leurs besoins actuels et futurs, leur faisant prendre conscience de la temporalité de l'accompagnement et aussi de leur permettre de mieux identifier ce qui peut faire ressource dans leur parcours d'insertion.

18

Problème professionnel

Pour faire émerger le problème professionnel en lien avec les situations observées sur le terrain, il convient de se demander tout d'abord quelles sont les missions des professionnels de la MDC qui accompagnent ces jeunes de 16 à 21 ans pris en charge au titre de l'ASE.

Un objectif d'autonomie prégnant...

Il n'existe pas, pour le moment, de projet de service concernant le service extérieur, ni même pour les autres services de la MDC. Les objectifs de l'accompagnement du service extérieur ne sont pas non plus déclinés précisément au sein du projet d'établissement.

Sur le site internet de la Maison du Couesnon12, une présentation identifie tout de même quelques grands axes de l'accompagnement sur le service extérieur :

« Le jeune devient acteur de son projet

Par un suivi de proximité, l'éducateur lui permet de :

se préparer à l'autonomie,

s'intégrer socialement par la scolarité, l'apprentissage ou le travail,

gérer un budget,

organiser son quotidien,

préserver son espace. »

Le règlement de fonctionnement des appartements de proximité, que le jeune doit lire et signer avant qu'on ne lui remette les clés de son appartement, présente ainsi les objectifs de l'accompagnement :

Nous mettons à ta disposition, un lieu (studio, appartement collectif) meublé, nous te demandons de respecter ce lieu et le règlement du service.

Pendant ton accueil, tu dois tenir tes projets professionnels ou scolaires, tu dois te rendre aux rendez-vous posés par ton éducateur référent et gérer tes démarches (médicales, administratives, ...) en étant accompagné.

L'objectif de cet accompagnement avec toi est de développer ton autonomie et de t'amener à réaliser ces différentes démarches seul.

Le travail du service extérieur est de t'amener à une certaine autonomie afin de t'aider à te construire en tant que jeune adulte, vers une indépendance (logement personnel). »

En résumé, comme l'indiquent ces différents éléments, l'accompagnement proposé accorde une grande importance à la préparation à l'autonomie. La finalité recherchée est que ces jeunes puissent développer « une certaine autonomie » pour se « construire en tant que jeune adulte », dans le but les « amener à réaliser diverses démarches seuls ». D'ailleurs, le préambule le rappelle bien : « Le jeune devient acteur de son projet ».

12 http://www.pep35.org/Maison-du-Couesnon-Fougeres.html

19

Au-delà des documents internes, l'objectif d'autonomisation est très prégnant dans les discours professionnels, que ce soit chez les éducateurs de service, ou les éducateurs de l'ASE tout comme chez tous les professionnels travaillant au CDAS amenés à travailler avec ces jeunes.

Il est aussi inscrit dans les valeurs défendues par les PEP 35 que l'association s'engage à « favoriser l'accès à l'autonomie de l'enfant, de l'adolescent, du jeune majeur ».

.... à mettre en lien avec la tranche d'âge accueillie...

Cet objectif d'autonomie est bien sûr à mettre en lien avec la tranche d'âge accueillie sur le service, à savoir les 16-21 ans, car il s'agit d'une période charnière avant le passage à l'âge adulte. Une période durant laquelle se jouent beaucoup de choses en termes d'insertion sociale et professionnelle, surtout pour des jeunes qui disposent de peu de soutien familial.

De plus, le « service extérieur », appelé aussi dans d'autres endroits Services d'Accompagnement Progressif (SAP), est bien souvent la dernière étape de prise en charge d'une protection ASE pour des jeunes qui sont suivis depuis plusieurs années par les services de la protection de l'enfance.

Cette période est également bien souvent marquée par le passage à la majorité. En plus de tout ce que cela suppose pour le jeune (en terme légal, de responsabilité, de droits et de devoirs), cela implique une différence majeure dans le cadre de son accompagnement : le jeune n'est plus contraint d'être placé dans un service de la protection de l'enfance. C'est à lui de faire la demande auprès d'un Centre Départemental d'Action Sociale (CDAS) pour continuer de bénéficier, s'il le souhaite, et si le CDAS accepte sa demande, de cet accompagnement « service extérieur » dans le cadre d'un Accueil Provisoire Jeune Majeur (APJM). D'autres dispositifs existent également, mais sont sous-utilisés comme nous le verrons.

La prise en charge APJM, contractualisée avec le jeune et soumise à évaluation, peut être reconduite sur des périodes plus ou moins longues. Elle peut s'interrompre à tout moment, si le jeune le souhaite ou si le CDAS ne l'estime plus pertinente. Elle prendra fin dans tous les cas aux 21 ans du jeune. Ce type de prise en charge induit donc une forte incitation à l'autonomisation des usagers.

De plus, les jeunes expriment bien souvent l'envie d'une plus grande autonomie, de se « débrouiller seul », de « bien s'en sortir » par l'aboutissement d'un projet professionnel, par l'acquisition d'une autonomie financière, par l'entrée dans un logement personnel, etc.

... et l'orientation des politiques sociales...

Cette logique d'autonomisation s'inscrit pleinement dans ce que met en avant la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale. En effet, l'article L. 311-3 stipule que, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, l'usager doit être assuré d'« une prise en charge et [d']un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son

20

consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision13 ».

Nous le verrons, pour bien comprendre ce qui se joue sur le terrain, il convient de resituer les politiques à destination des jeunes majeurs dans des processus historiques, politiques et économiques des politiques sociales.

...qui contraste malgré tout avec certaines situations observées.

Les situations de Yasmine, Abu et Ajmal viennent pourtant questionner ce qui vient d'être dit plus haut concernant l'objectif d'autonomisation. En effet, si le but de l'accompagnement est bien de favoriser chez ces jeunes « une certaine autonomie » pour se « construire en tant que jeune adulte », dans le but de les « amener à réaliser diverses démarches seuls » et de « devenir acteurs de leurs projets », comment peut-on expliquer que la fin de leur prise en charge à la MDC ait révélé, d'une part, que Yasmine s'est retrouvée en manque d'informations claires sur les dispositifs post-majorité de l'ASE et, d'autre part, qu'Abu et Ajmal ne paraissaient pas vraiment à même de solliciter seuls les dispositifs de droit commun et les différents lieux ressources sur Fougères malgré la fin de leur prise en charge ?

A contrario, la situation de Gaëlle aura permis de montrer l'importance d'anticiper et de questionner la jeune quant à ces besoins, dans le but de mieux se projeter et anticiper le seuil fatidique du passage à la majorité.

Tout ceci vient poser le problème professionnel suivant :

? Comment, un éducateur spécialisé travaillant dans un service qui accompagne des jeunes de 16 à 21 ans pris en charge au titre de l'ASE doit-il préparer avec le jeune son passage à la majorité et à la fin de sa prise en charge ?

Nous tâcherons d'apporter des éléments de réponses à ce problème. Tout d'abord en faisant des détours théoriques nous permettant de mieux cerner le contexte de notre questionnement : que signifie être « jeune » aujourd'hui ? Quelles sont les réponses spécifiques apportées aux jeunes majeurs accueillis au titre de l'ASE ? Puis, nous creuserons le concept d'autonomie et nous tenterons de voir comment est-il possible de favoriser l'autonomie en tenant compte des besoins et des ressources du jeune et notamment à travers l'accès aux droits spécifiques et aux droits communs, considérant le jeune comme un acteur actif de sa prise en charge.

Enfin, nous formulerons dans la partie projet des actions éducatives qui nous semblent pertinentes auxquelles nous joindront des méthodes d'évaluation.

13 Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

< http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000215460&categorieLien=id >

21

Apports théoriques

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault