Les stratégies camerounaises de gestion des conflits en Afrique centrale. Enjeux et défis.par Ghislain Marceau BANGA Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2015 |
CHAPITRE IVANALYSE DES STRATEGIES CAMEROUNAISES DE GESTION DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALELa position géographique du Cameroun le place dans une configuration qui le rend vulnérable aux dégradations sécuritaires venant des pays voisins, au vu du caractère transnational de l'insécurité dans la sous-région Afrique centrale. La stabilité politique et institutionnelle observée au Cameroun, lui confère une place singulière que le pays veut conserver en essayant de contenir hors de ses frontières, les soubresauts de la violence générée dans les pays voisins. Cette volonté a gagné en intensité et s'est notamment manifestée par le déploiement international de l'armée camerounaise, des contingents constitués dans les OMP depuis 2008. L'armée camerounaise ainsi, pour faire face aux nombreuses menaces sous régionales, a basculé son dispositif d'armée de garde pour adopter une posture d'avant-garde, tel que le conceptualise si bien Ernest Claude MESSINGA136(*). Il s'agit ici de questionner l'efficacité de cette action de gestion des conflits et des stratégies pour la rendre meilleure au sein de la sous-région, ce qui nous donne en (Section I) le titre suivant : examen des capacités camerounaises de gestion des conflits en Afrique centrale CEEAC ; il est aussi intéressant de voir si cette action permet de façon durable, l'endiguement des conflits ; mais aussi de plancher sur les perspectives de rationalisation et de coordination avec les Etats de la sous-région (Section II). SECTION I : EXAMEN DES CAPACITES CAMEROUNAISES DE GESTION DES CONFLITS EN AFRIQUE CENTRALE CEEACIl s'agit dans cette section, de voir quelles sont les capacités du Cameroun en ce qui est de la gestion des conflits en Afrique centrale. Cet examen va se décliner en deux mouvements à savoir : l'attitude du Cameroun face aux menaces éventuelles (B), ce qui permettra de voir exactement les différentes mesures prises par le Cameroun pour parer aux différentes menaces et les juguler durablement. La deuxième partie quant à elle va présenter la gestion des personnes qui subissent les affres des conflits. En gros, nous parlerons de l'approche camerounaise de gestion des conflits (B). A - L'ATTITUDE CAMEROUNAISE FACE AUX MENACES SUSCEPTIBLES DE COMPROMETTRE LA PAIX SOUS-REGIONALELe redimensionnement stratégique du Cameroun ne s'est pas seulement opéré sur le plan international, il s'est également fait sur le plan interne pour mieux faire face aux nouvelles formes de menaces. Parmi ces menaces, il y a le phénomène des coupeurs de route, la piraterie maritime et le terrorisme internationale qui connait depuis les attentats de septembre 2011, une croissance exponentielle. C'est à l'aune de ces nouvelles menaces que les Etats repensent leur sécurité. Les nouvelles formes de menaces remettent en cause la dichotomie classique entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, remettant au goût du jour, la dynamique du « dedans » et du « dehors ». Face donc à ces différentes menaces, le Cameroun a apporté un certain nombre d'ajustements pour mieux les combattre, préserver ses intérêts nationaux et assurer par la même occasion la paix sous-régionale. Il s'agit entre autre de la modification de sa carte militaireet les facilitations liées à l'utilisation de son territoire (1), et l'organisation des colloques et des conférences (2) pendant lesquelles doivent être arrêtées des stratégies communes de lutte contre toutes les formes de menaces et pendant lesquelles il faut mettre sur pieds des perspectives d'avenir attirantes pour essayer d'atteindre une « paix durable », ou construire une « communauté de sécurité ».Le terme « communauté de sécurité » fait référence à un groupe de pays qui ont sans doute des conflits, mais qui n'imaginent pas utiliser la violence, ou l'utiliser comme menace pour régler leurs conflits. L'utilisation de la violence y est devenue impensable. Dans un tel environnement, il est caractéristique que les conflits ont une chance de se transformer d'une manière constructive137(*). Le défi de la construction de la sécurité s'impose ainsi au Cameroun. 1 - La modification de sa carte militaire et les facilitations liées à l'utilisation du territoire camerounaisLa modification de la carte militaire du Cameroun est intervenue dans un contexte bien particulier. Cet acte correspond à la montée en puissance de la secte islamique « BokoHaram, » qui a fait plusieurs incursions dans la partie septentrionale du Cameroun, menaçant ainsi la sécurité et l'intégrité du territoire. En effet, la création de la 4ème région militaire a pour objectif de répondre efficacement et durablement à une menace bien réelle qui de plus en plus gagne en importance. Il était donc nécessaire et urgent de renforcer et d'améliorer le dispositif déjà en place. Jusqu'à la moitié du mois d'août 2014, le Cameroun comptait 3 régions militaires. La RMIA4, ou 4ème région militaire a vu le jour après la signature le 14 août 2014 par le chef de l'Etat, d'un texte qui éclate la RMIA3 en deux régions militaires. La RMIA3 couvre le territoire des régions administratives du Nord et de l'Adamaoua, avec poste de commandement à Garoua, le département du Mayo-Louti dans la région du Nord quant à lui dépend de la RMIA4. Selon le Lieutenant-Colonel Didier BADJECK, « la 3ème région militaire interarmées était très grande et compte tenu de la réalité géostratégique actuelle, il était difficile de pouvoir assurer une fluidité des ordres entre le chef-lieu de région alors que certaines opérations se déroulaient au niveau de l'Extrême-Nord »138(*). La Gendarmerie Nationale est également organisée en quatre commandements territoriaux dénommés régions de gendarmerie. Chaque région de gendarmerie a le même ressort territorial que la région militaire interarmées. Tous les secteurs militaires terrestres sont désormais transformés en secteurs militaires interarmées qui englobent la marine nationale, l'armée de l'air, l'armée de terre et les soldats du feu. Cet ensemble de mesures prises à travers la signature du Décret N° 2014/308 du 14 août 2014 portant modification du décret n° 2001/108 du 25 juillet 2001 portant réorganisation du commandement militaire territorial, montre que l'Etat du Cameroun tente d'adapter son déploiement pour répondre efficacement aux nouvelles formes de menaces. * 136 Ernest Claude MESSINGA, Op. cit. * 137 Luc REYCHLER, « Les conflits en Afrique : comment les prévenir ? » in Conflits en Afrique Analyse des crises et pistes pour la prévention, Bruxelles, coédition Grip-Editions Complexe, 1997, p.36. * 138 Lieutenant-Colonel Didier BADJECK, chef de division de la communication au ministère de la Défense, www.cameroun-tribune.cm, consulté le 27 novembre 2014. |
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