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La colonie saxonne du boulonnais


par Claude MASSET
Université Lyon 2 - Diplôme d'Etudes Sup&ecute;rieures 1946
  

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Conclusion.

Si nous essayons de faire l'inventaire de cette étude, nous compterons peu de certitudes historiques. Il n'y en a qu'une en réalité : on a parlé un proche ancêtre du vieil-anglais, 1' "englisc", dans la région de Boulogne au début du Moyen-Age.

Allant plus loin, nous ne rencontrons plus que des hypothèses. Voici celles qui me paraissent les plus plausibles. Au cours du IVème siècle de notre ère, avec ou sans l'accord des autorités romaines, quelques pirates saxons ont commencé à installer sur les côtes de la Gaule des sortes de repaires, peut-être des bases pour une piraterie laquelle est bien attestée. Dès cette époque, sans doute, ils se sont fixés d'une manière plus ou moins définitive dans le pays morin. On sait qu'alors y vivaient déjà des gens parlant une langue germanique, dans laquelle on est tenté de voir l'englisc.

Mais il fallut sans doute attendre le Vème siècle et le début du Vème, pour que l'immigration des Anglo-Saxons s'accélère. C'est à peu près à cette époque, ou peu après, qu'ils commencent à envahir sérieusement l'Angleterre. Dans le Boulonnais, leur maximum d'expansion pourrait se placer au Vlème siède ; elle fut bientôt contenue par l'arrivée des Francs Saliens, dont ils paraissent avoir subi de plein fouet l'expansion. Sur leurs compatriotes de Bayeux et de Nantes, ils avaient pourtant l'avantage de la proximité de la grande île, avec laquelle les rapports étaient restés, semble-t-il, assez serrés, si l'on en juge par l'orfèvrerie et plus encore par l'évolution phonétique. En effet, si je ne me trompe pas, la métaphonie en i s'est manifestée de part et d'autre du détroit, cela certainement à la même époque. Elle vient dater l'apparition des toponymes en -incthun : soit vers la fin du Vlème siècle. Plus réduite que l'aire couverte par les noms de lieux en -inghem, celle des noms en -thun pourrait signaler un début de repli de la colonie saxonne, devant une probable offensive des Francs. Ces derniers, si l'on en croit la répartition des toponymes en -zelle, auraient eu soin de couper les communications de nos Anglo-Saxons avec ceux de la grande île.

Sur le plan linguistique, cette victoire fut éphémère : l'extinction de l'englisc fut suivie de près par celle du francique, l'un et l'autre remplacés par l'héritier local du latin : le picard. Il ne restait de leur règne que des noms de lieux.

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Epilogue

A la conclusion qui précède, écrite en 1946, je n'ai pas changé grand-chose. Il existe pourtant un important fait nouveau.

Dans sa thèse soutenue en 1988, mon ami Joël Blondiaux présentait une demi-douzaine de cimetières fouillés dans ce qui fut le Nord de la Gaulel27. Ces séries anthropologiques sont, cela va sans dire, étudiées au moyen d'un appareil statistique bien plus élaboré qu'à l'époque du cimetière d'Hardenthun. L'auteur fait ainsi apparaître qu'une nécropole du Bas-Empire dans les environs d'Abbeville, celle de Vron, s'écarte des autres cimetière gallo-romains de la région, et se rapproche de séries de squelettes nettement plus septentrionaux, notamment de celle de Haithabu, site du Jutland (dans ce qui aujourd'hui le Danemark). Comme écrit J. Blondiaux "On peut donc, avec l'approximation grossière que permettent les écarts-réduits, rapprocher le site de Vron des Germains occidentaux, et plus particulièrement des Germains habitant un quadrilatère situé entre la côte de la Mer du Nord, les rives occidentales de la Baltique et le Rhin moyen". Nous avons donc là, selon toute apparence, un spécimen d'une population anglo-saxonne installée dès le IVème siècle sur le continent, dans ce que les Romains appelaient le "littus saxonicum".

Vron (dépt. Somme, arrdt. d'Abbeville, canton de Rue), à quelque vingt kilomètres au nord d'Abbeville est aux confins de la Somme et du Pas-de-Calais. Elle est donc en dehors de la zone qui fournit des toponymes anglo-saxons, mais elle est proche de la côte, à une dizaine de kilomètres de celle-ci ; elle est donc bien dans un "littus" : le "littus saxonicum". Datant du Bas-Empire, le cimetière de Vron vient donc préciser la traduction de cette expression latine qui posait problème (ci-dessus, p. 4 et suivantes) : il s'agit donc bien d'une zone où existèrent dès le IVème siècle, des établissement saxons. J'écrivais plus haut, p. 9 : "Qui dira le nombre des colonies saxonnes dont aucun écrivain mérovingien n'a parlé et qui ont sombré dans l'oubli ?" Vron était sans doute l'une d'elles. Disparue trop tôt pour laisser une trace dans la toponymie de la région, elle illustre ce que dut être, à ses débuts, la colonie saxonne du Boulonnais. Elle montre que cette dernière a bien pu exister dès le IVème siècle, avant la Notitia Dignitatum, donc bien avant la fin de l'Empire Romain.

127 BLONDIAUX, J., 1988 - Essai d'Anthropologie Physique et de Paléopathologie des Populations du Nord de la Gaule au Haut Moyen-Age. Thèse multigraphiée, Université de Lille III, 2 vol., ensemble 520

pp.

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